Discours 2001 - Lundi 17 septembre 2001


AUX ÉVÊQUES DU NICARAGUA EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Vendredi 21 septembre 2001



Bien-aimés frères dans l'épiscopat,

1. Au cours de cette rencontre conclusive de votre visite ad limina Apostolorum, j'ai la joie de partager avec vous la même foi en Jésus ressuscité, qui nous accompagne sur notre chemin et qui est vivant et présent dans les communautés confiées à votre sollicitude pastorale. J'adresse également mon salut affectueux aux Eglises diocésaines que vous présidez avec tant de dévouement et de générosité.

Je désire exprimer ma gratitude au Cardinal Miguel Obando Bravo, Archevêque de Managua et Président de la Conférence épiscopale, des paroles cordiales qu'il m'a adressées au nom de tous. Dans le même temps, je m'unis à vos préoccupations et à vos aspirations, en priant Dieu, riche de miséricorde, afin que cette visite à Rome soit une source de bénédictions pour tous les prêtres, les religieux, les religieuses et les agents de pastorale qui collaborent avec abnégation avec vous dans l'oeuvre apostolique au sein du bien-aimé peuple nicaraguayen.

La réunion d'aujourd'hui me rappelle ma deuxième visite pastorale au Nicaragua, en février 1996, que j'avais tant désirée. Je suis venu dans votre patrie comme Apôtre de l'Evangile et pèlerin d'espérance. Cela a été une occasion pour une nouvelle rencontre, plus authentique et libre, des catholiques du Nicaragua avec le Pape.


2. Je suis heureux de connaître l'orientation pastorale qui a été donnée aux synodes diocésains de Managua et d'Estelí, et de savoir en outre que les autres diocèses se préparent à de semblables initiatives. La célébration de ces assemblées aide chaque Eglise particulière à prendre conscience du fait qu'elle se trouve dans un état permanent de mission et qu'elle doit donner une impulsion à une nouvelle évangélisation, en développant la formation chrétienne de tous ses membres et en s'occupant également de la promotion humaine. En effet, entreprendre une catéchèse renouvelée et incisive qui illumine la foi professée, ainsi que promouvoir une liturgie plus communicative qui aide à la vivre et à la célébrer de tout coeur, constituent des défis incontournables afin que tous les croyants s'acheminent vers la sainteté et que l'Evangile se rapproche de ceux qui se sont éloignés où qui se révèlent indifférents face à son message de salut.

L'Eglise se sent sans cesse interpellée par le mandat de Jésus d'annoncer l'Evangile à chaque créature (cf. Mc 16,15), ce qui doit engager les forces vives de chaque Eglise particulière afin que l'annonce parvienne à tous les milieux de vie humains. Dans ce but, le message doit être clair et précis: l'annonce explicite et prophétique du Seigneur ressuscité, réalisée à travers la "parrhesía" apostolique (cf. Ac 5,28-29 Redemptoris missio RMi 45), de façon à ce que la parole de vie se transforme en une adhésion personnelle à Jésus, Sauveur de l'homme et du monde. En effet, "il faut retrouver et présenter à nouveau le vrai visage de la foi chrétienne qui n'est pas seulement un ensemble de propositions à accueillir et à ratifier par l'intelligence. Au contraire, c'est une connaissance et une expérience du Christ, une mémoire vivante de ses commandements, une vérité à vivre" (Veritatis splendor VS 88).


3. Votre ministère pastoral doit avoir comme objectif principal de faire en sorte que la vérité sur le Christ et la vérité sur l'homme pénètrent encore plus profondément dans tous les secteurs de la société nicaraguayenne et la transforment, car "il n'y a pas d'évangélisation vraie si le nom, l'enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncées" (Evangelii nuntiandi EN 22). Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra mener à bien une évangélisation "en profondeur et jusque dans ses racines" (Ibid., EN 20).

Cette oeuvre, qui n'est pas exempte de difficultés, a lieu au sein d'un peuple au coeur noble, à l'esprit libre et ouvert à la Bonne Nouvelle des Béatitudes. Il est indubitable qu'au Nicaragua, l'on perçoit également les symptômes d'un processus de sécularisation dans lequel, pour de nombreuses personnes, Dieu ne représente plus l'origine et l'objectif, ni la signification ultime de la vie. Toutefois, au fond de lui-même, ce peuple possède, comme vous le savez bien, une âme profondément chrétienne. La preuve en est les communautés ecclésiales vivantes et actives, où tant de personnes, de familles et de groupes, malgré le manque de prêtres, s'efforcent de vivre et de rendre témoignage de leur foi. A ce propos il vaut la peine de mentionner l'oeuvre inlassable des délégués de la Parole et des catéchistes, qui ont conservé vivante la foi du peuple. Il est nécessaire de les assister et de leur offrir une formation théologique et pastorale permanente. Cette réalité prometteuse laisse espérer que de nouveaux apôtres naîtront, qui répondront "avec générosité et sainteté aux appels et aux défis de notre temps" (Redemptoris missio RMi 92).


4. La nouvelle évangélisation, avec ses nouvelles méthodes et ses nouvelles expressions, voit dans la famille un objectif fondamental. Dans les Conclusions de la Conférence de Saint-Domingue, l'on affirmait que "l'Eglise annonce avec joie et conviction la bonne nouvelle sur la famille dans laquelle se forge l'avenir de l'humanité" (n. 210). La famille est l'"Eglise domestique", en particulier lorsqu'elle est le fruit de communautés chrétiennes vivantes, qui forment des jeunes avec une authentique vocation au sacrement du mariage. Les familles ne sont pas seules face aux grands défis qu'elles doivent affronter; la communauté ecclésiale les soutient, les anime à travers la foi et protège leur persévérance dans un projet chrétien de vie souvent sujet à de multiples vicissitudes et dangers.
L'Eglise contribue ainsi à faire en sorte que la famille soit un milieu dans lequel la personne naît, grandit et est éduquée à la vie, et dans lequel les parents, en aimant leurs enfants avec tendresse, les préparent à de saines relations interpersonnelles qui incarnent les valeurs morales et humaines dans une société marquée par l'hédonisme et par l'indifférence religieuse.

Dans le même temps, la Communauté ecclésiale, en collaboration avec les organismes publics de la nation, veillera à préserver la stabilité de la famille et à favoriser son progrès spirituel et matériel, ce qui conduira à une meilleure formation des enfants pour la société. C'est pourquoi il est souhaitable que les autorités de votre pays bien-aimé remplissent de façon toujours plus adéquate leurs obligations pressantes en faveur des familles. C'est ce que j'ai souligné dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix, de 1994: "La famille a droit à tout le soutien de l'Etat pour remplir entièrement sa mission propre" (n. 5; cf. ORLF n. 50 du 14 décembre 1993).

Je n'ignore pas les difficultés que l'institution familiale rencontre également au Nicaragua, en particulier face au drame du divorce et de l'avortement, ainsi que face à l'existence d'union non conformes au dessein du Créateur sur le mariage. Cette réalité constitue un défi qui doit stimuler le zèle apostolique des pasteurs et de ceux qui collaborent avec eux dans ce domaine.


5. Les vocations au sacerdoce figurent au nombre de vos principales préoccupations, car le nombre des prêtres n'est pas suffisant pour les besoins de chaque diocèse. Comme je l'ai indiqué dans le discours d'ouverture de la IVème Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, "une condition indispensable de la nouvelle évangélisation est de pouvoir compter sur des évangélisateurs nombreux et qualifiés. Par conséquent, la promotion des vocations sacerdotales et religieuses [...] doit représenter une priorité pour les évêques et un engagement pour l'ensemble du Peuple de Dieu" (Discours d'inauguration, Saint-Domingue, 12 octobre 1992, n. 26; cf. ORLF n. 42 du 20 octobre 1992).

Je demande avec ferveur au Seigneur des moissons que dans vos séminaires, qui doivent être le coeur des diocèses (cf. Optatam totius OT 5), se présentent de nombreux candidats au sacerdoce qui pourront un jour servir leurs propres frères comme "des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu" (1Co 4,1). Outre la nécessité de leur offrir une formation intégrale, un profond discernement sur l'aptitude humaine et chrétienne des séminaristes est demandé, afin d'assurer de la meilleure façon possible le digne déroulement de leur futur ministère. Permettez-moi de leur envoyer, à travers vous, un salut affectueux. Dites-leur que le Pape attend beaucoup d'eux, certain de leur générosité et de leur fidélité à l'appel du Seigneur.

Le manque de personnes employées dans l'apostolat oblige à renforcer encore davantage les liens de charité entre l'Evêque et ses prêtres, car "la physionomie du presbyterium est [...] celle d'une vraie famille" (Pastores dabo vobis PDV 74). Il faut donc faire tout le possible pour organiser le presbyterium comme une "fraternité sacramentelle" (Presbyterorum ordinis PO 8), qui reflète la vie des Apôtres avec Jésus, que ce soit dans la suite évangélique ou dans la mission. Si les jeunes voient que les prêtres, autour de leur Evêque, vivent une authentique spiritualité de communion, en rendant un témoignage d'union et de charité entre eux, de générosité évangélique et de disponibilité missionnaire, ils se sentiront davantage attirés par la vocation sacerdotale. C'est pourquoi, il est de la plus grande importance que l'Evêque prête une attention particulière à ses principaux collaborateurs, en particulier aux prêtres, en se montrant équitable dans ses relations avec eux, proche de leurs nécessités personnelles et pastorales, paternel face à leurs difficultés et un animateur constant de leurs activités et de leur zèle.


6. Dans votre ministère épiscopal, un grand nombre de ces défis pastoraux sont étroitement liés à l'évangélisation de la culture. Il est important de favoriser un milieu culturel adapté, qui rende possible la promotion des valeurs humaines et évangéliques dans toute leur intégrité. C'est pourquoi il faut "atteindre et comme bouleverser par la force de l'Evangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d'intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l'humanité qui sont en contraste avec la Parole de Dieu et le dessein du salut" (Evangelii nuntiandi EN 19).

Le domaine de la culture est l'un des "aréopages modernes" dans lesquels il faut rendre présent l'Evangile avec toute sa force (cf. Redemptoris missio RMi 37) et dans cet objectif les moyens de communication sociale sont nécessaires. La radio, les émissions télévisées, les vidéos et les réseaux informatiques peuvent être d'une grande utilité pour une vaste diffusion des valeurs de l'Evangile.
En ce qui concerne les écoles et les Universités catholiques, il est nécessaire que ces institutions conservent de façon bien définie leur identité propre, car c'est de celle-ci que dépend en grande partie le fait que la culture de votre nation soit vivifiée par les valeurs évangéliques. A ce propos, il est souhaitable que les institutions d'inspiration chrétienne promeuvent réellement la civilisation de l'amour, soient des facteurs de réconciliation et encouragent la solidarité et le développement, en manifestant ouvertement la primauté de la beauté, du bien et de la vérité.


7. Cette tâche concerne surtout les laïcs, car leur mission est précisément "le renouvellement de l'ordre temporel. Eclairés par la lumière de l'Evangile, conduits par l'Esprit de l'Eglise, entraînés par la charité chrétienne ils doivent dans ce domaine agir par eux-mêmes d'une manière bien déterminée" (Apostolicam actuositatem AA 7). Il est donc nécessaire de leur offrir une formation religieuse adaptée, qui les rende capables d'affronter les nombreux défis de la société actuelle.
C'est à eux qu'il revient de promouvoir les valeurs humaines et chrétiennes, afin qu'elles illuminent la réalité politique, économique et culturelle du pays, dans le but d'instaurer un ordre social plus juste et équitable, selon la doctrine sociale de l'Eglise. Dans le même temps, de façon cohérente avec les normes éthiques et morales, ils doivent donner un exemple d'honnêteté et de transparence dans la gestion de leurs activités publiques, face à la plaie occulte et répandue de la corruption, qui atteint parfois des secteurs du pouvoir politique et économique, et d'autres milieux publics et sociaux.

Les laïcs, individuellement ou légitimement associés, doivent représenter un ferment dans la société, en agissant dans la vie publique pour illuminer grâce aux valeurs de l'Evangile les divers milieux dans lesquels se forge l'identité d'un peuple. En partant de leurs activités quotidiennes, ils doivent "témoigner que la foi constitue la seule réponse pleinement valable, [...] aux problèmes et aux espoirs que la vie suscite en chaque homme et en toute société" (Christifideles laici CL 34).

Leur condition de citoyens, disciples du Christ, ne doit pas les mener à conduire "deux vies parallèles: d'un côté, la vie qu'on nomme "spirituelle" avec ses valeurs et ses exigences; et de l'autre, la vie dite "séculière", c'est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d'engagement politique, d'activités culturelles" (Ibid., CL CL 59). Au contraire, ils doivent faire en sorte que la cohérence entre leur vie et leur foi soit un témoignage éloquent de la vérité du message chrétien.

Cela revêt aujourd'hui une importance particulière en vue des prochaines élections générales dans votre pays. A ce propos, en tant que pasteurs de vos communautés ecclésiales, vous avez publié l'Exhortation "Le Christ nous a libérés pour que nous restions libres (cf. Ga 5,1)", dans laquelle vous invitez toute la population à exercer sans retard le droit et le devoir du vote, en pensant au bien de la nation. De même, vous la guidez avec un grand succès à choisir des options démocratiques qui garantissent "la conception chrétienne de l'homme et de la société", qui "passe inévitablement par les droits fondamentaux de la personne" sous tous ses aspects (n. 8), face à toute forme de "totalitarisme visible ou caché" (n. 15). J'espère vivement que la consultation populaire mentionnée se déroulera dans le respect réciproque, dans l'ordre et la tranquillité, selon les principes éthiques d'une saine coexistence civile.


8. En même temps que vous, je désire confier toutes ces propositions et aspirations à la Très Pure Conception, titre par lequel vous honorez votre Mère et Patronne de la nation, afin qu'elle continue à vous accompagner dans votre oeuvre pastorale. Je confie mes prières à son intercession et, dans le même temps, je vous donne ma Bénédiction apostolique, que j'étends de tout coeur à vos Eglises particulières, à leurs prêtres, aux communautés religieuses et aux personnes consacrées, ainsi qu'aux fidèles catholiques du Nicaragua.



 MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS AU 1er CONGRÈS MONDIAL DES UNIVERSITÉS ET CENTRES DE RECHERCHE FRANCISCAINS



Très chers frères!

1. C'est avec joie que je vous adresse mon salut à l'occasion du premier Congrès international des Recteurs d'Université et des Directeurs des Centres de recherche franciscains, organisé par le Secrétariat général pour la formation et les études de votre famille religieuse. Ma pensée s'adresse en premier lieu au Frère Giacomo Bini, Ministre général de l'Ordre, ainsi qu'aux responsables des diverses institutions académiques présentes. J'étends également ma pensée affectueuse à l'Ordre des Frères mineurs tout entier.

En vous rencontrant, il me revient à l'esprit la foi simple et éclairée de François, qui le poussa à promettre "obéissance et respect à Monsieur le Pape Honorius et à ses Successeurs canoniquement élus et à l'Eglise romaine" (Saint François, Regola Bollata, I, 3), ainsi qu'aux prêtres pauvres de ce monde, dans les paroisses où ils habitent (saint François, Testament, 9).
Après que le Très-Haut lui-même lui révéla qu'il devait vivre selon la Règle du saint Evangile (cf. ibid. 17), il ressentit le besoin de rendre visite au Successeur de Pierre, afin d'être confirmé dans sa décision. Vous aussi, qui entendez approfondir et actualiser votre patrimoine culturel, philosophique et théologique, vous désirez aujourd'hui recevoir une parole d'encouragement de celui que la Providence divine a placé à la direction de l'Eglise du Christ.

Je répète bien volontiers ce que j'ai dit à l'occasion du Chapitre général de votre Ordre en 1991, en rappelant de façon particulière votre attention sur la formation intellectuelle, dans laquelle il faut voir une exigence fondamentale de l'évangélisation. L'antique devise "fides quaerens intellectum, intellectus quaerens fidem", est toujours actuelle. Une foi authentique recherche l'intelligence des mystères, de même qu'un sain exercice de l'intelligence tire amplement partie des lumières de la foi. En effet, seule une foi intelligente, consciente d'elle-même et de ses raisons, peut fonder de façon adéquate le choix de vivre selon l'Evangile. Seule une étude illuminée par la foi, désireuse de connaître Dieu toujours plus profondément, peut conduire à la rencontre avec le Christ, apporter une solidité à la vocation et préparer à la mission. L'étude, selon ce qui est dit dans la Ratio studiorum, est donc "fondamentale dans la vie et la formation, que ce soit permanente ou initiale, de tout frère mineur" (n. 3).


2. Dès les premiers temps de votre histoire, la foi qui cherche avec amour l'intelligence des mystères divins a occupé l'esprit et la vie d'éminents théologiens, comme saint Bonaventure et le bienheureux Jean Duns Scot, tandis que les grands prédicateurs populaires, comme saint Antoine de Padoue et saint Bernardin de Sienne, se sont alimentés constamment aux sources de la théologie, science ecclésiale par excellence.

D'ailleurs, saint François lui-même, bien qu'il acceptât par humilité d'être qualifié de "simple et idiot" (cf. Du bonheur vrai et parfait), dans ses Louanges des vertus, s'exprime ainsi: "O reine sagesse, que le Seigneur te sauve avec ta soeur, la pure et sainte simplicité" (n. 1). A la demande de frère Antoine de Padoue, il n'hésite pas à répondre: "J'ai plaisir à ce que tu enseignes la théologie sacrée aux frères, pourvu que dans une telle occupation, tu n'éteignes pas l'esprit de la sainte prière et dévotion, comme il est écrit dans la Règle" (Lettre à frère Antoine, 2).

La "pure et sainte simplicité", aimée et saluée par François, appartient non pas à celui qui refuse ou se désintéresse de la "véritable Sagesse du Père", qui est le Verbe incarné (cf. saint François, Lettre à tous les fidèles, X), mais à celui qui recherche avec un coeur en prière les chemins de la sagesse révélée et s'engage à la traduire en vie, refusant la sagesse du monde, qui "veut et tente de parler beaucoup mais de faire peu" (Saint François, Regola non bollata XVII, 11-12).


3. L'étude de la théologie et des autres disciplines, comme le montre votre récente Ratio studiorum, constitue un "itinéraire et un chemin pour être illuminés par Dieu dans l'esprit et dans le coeur et pour pouvoir ainsi être témoins, annonciateurs et serviteurs de la Vérité et du Bien" (n. 13).

La récente érection au rang de faculté de Sciences bibliques et d'Archéologie de votre Université biblique de Jérusalem ne représente-t-elle pas une invitation importante à renouveler avec François l'engagement à observer pour pouvoir ensuite administrer à tous "les paroles embaumées du Seigneur Jésus-Christ", qui sont "esprit et vie"? (Saint François, Lettre à tous les fidèles, XI).

Vous avez choisi comme devise de votre Congrès: "François, va et répare ma maison". Ce n'est que de l'écoute de la Parole devenue vie vécue que jaillissent la louange reconnaissante à Dieu et le témoignage évangélique concret, auquel les croyants doivent continuellement tendre. Du grand dépôt de la théologie et de la sagesse franciscaine peuvent être tirées des réponses adéquates également aux interrogations dramatiques de l'humanité, en ce début de troisième millénaire chrétien.

François exalte une création divine et fraternelle, où toutes les créatures soeurs "chantent la gloire de Dieu" et se servent mutuellement, en suivant un dessein que l'homme est appelé à découvrir, respecter et promouvoir, en vainquant l'antique tentation d'"être comme Dieu". Le saint d'Assise proclame la valeur de la pauvreté, dans un monde où le péché de l'avidité humaine continue à exclure les pauvres de la table préparée par notre "soeur la Mère Terre" pour tous les fils de Dieu. Il rappelle que le Verbe du Père "voulut choisir, avec la bienheureuse Mère, la pauvreté" (Lettre à tous les fidèles, I), et, vivant pauvrement de l'assistance d'autrui, il nous a enseigné que l'"aumône est l'héritage et le juste droit dû aux pauvres; notre Seigneur Jésus-Christ l'a conquis pour nous" (Regola non bollata, IX, 10). Les pauvres ont le droit de participer au banquet que "le grand Aumônier veut ouvert à "tous, dignes et indignes" (cf. Celano, Vita seconda, 77).


4. Chers Frères mineurs! Que cet important Congrès soit pour vous une occasion propice pour faire mémoire du passé et pour regarder avec clairvoyance vers l'avenir. Du grand patrimoine spirituel de l'"Ecole franciscaine", puisez des lignes d'action concrètes en ce qui concerne la formation intellectuelle et la promotion des études dans l'Ordre, afin de répondre aux exigences de votre vocation à notre époque. Le devoir de vos Universités et Centres de recherche est d'instaurer une rencontre féconde entre l'Evangile et les diverses expressions culturelles de notre temps, pour aller vers l'homme d'aujourd'hui, assoiffé de réponses enracinées dans les valeurs évangéliques. En suivant l'exemple de saint François et la grande tradition culturelle de l'Ordre franciscain, ayez soin de placer l'Evangile au coeur de la culture et de l'histoire contemporaine.

Sur cet itinéraire, qui est en même temps culturel et spirituel, que vous soutienne "la Madone sainte, Reine très sainte, Mère de Dieu, Marie" (saint François, Salut à la Vierge, 1) et que vous assistent les saints et les saintes de la Famille franciscaine. Je vous accompagne par ma prière, tandis que je vous donne, ainsi qu'à tous ceux qui font l'objet de vos soins pastoraux, une Bénédiction apostolique particulière.

De Castel Gandolfo, le 19 septembre 2001



VISITE PASTORALE AU KAZAKHSTAN


RENCONTRE AVEC LES ORDINAIRES DE L'ASIE CENTRALE

Astana - Nonciature Apostolique, Dimanche 23 septembre 2001



Très chers Evêques, Administrateurs apostoliques et Supérieurs des Missions "sui iuris" d'Asie centrale!

1. Je vous retrouve à nouveau avec une joie profonde, après la solennelle célébration eucharistique de ce matin sur la grande Place de la Mère Patrie. Je salue chacun de vous avec affection et je vous remercie pour le zèle et le sacrifice avec lesquels vous contribuez à la renaissance de l'Eglise dans ces vastes régions, situées à la frontières de deux continents.

L'Eglise catholique n'est ici qu'une petite plante, mais riche d'espérance en raison de la confiance qu'elle nourrit dans la puissance de la grâce divine. Les longues années de la dictature communiste, au cours desquelles tant de croyants furent déportés dans les goulags construits dans cette région, ont semé souffrances et deuils. Combien de prêtres, de religieux et de laïcs ont payé par des souffrances inouïes et également au prix du sacrifice de leur vie, leur fidélité au Christ! Le Seigneur a écouté la prière des martyrs, dont le sang a irrigué les sillons de votre terre. Encore une fois "le sang des martyrs a été semence de chrétiens" (cf. Tertullien, Apol. 50, 13). A partir de celui-ci, vos communautés chrétiennes ont germé, comme de nouveaux bourgeons, qui se tournent à présent avec confiance vers l'avenir.

Le Christ, Bon Pasteur, vous répète, ainsi qu'au peuple qui est confié à vos soins pastoraux: "Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s'est complu à vous donner le Royaume" (Lc 12,32). Et il vous dit également, comme à Pierre: "Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche" (Lc 5,4). Il s'agit de la pêche de l'évangélisation, à laquelle nous sommes tous appelés. A nous aussi, comme aux Apôtres après sa résurrection, il nous commande: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples" (Mt 28,19).


2. L'histoire de la petite communauté chrétienne d'Asie centrale qui a survécu au communisme et sa situation actuelle, fortement minoritaire, font penser à la parabole évangélique du levain qui fermente la pâte (cf. Mt 13,33). Le levain semble peu de chose, mais il possède la force de tout transformer. Telle est la conviction qui doit également animer votre action pastorale et soutenir la tâche difficile et exaltante de la plantatio Ecclesiae sur ces territoires, à nouveau ouverts à l'Evangile. Que les objectifs pastoraux prioritaires de votre mission apostolique soient de diffuser l'annonce évangélique, en vous engageant totalement, et de poursuivre sans répit la consolidation de l'organisation ecclésiale.

La récente érection des Administrations apostoliques et des Missions "sui iuris", avec laquelle l'Eglise a acquis visibilité et consistance, constitue le début d'une saison d'évangélisation prometteuse. Je désire donc, chers Ordinaires, exprimer ma gratitude et mon admiration pour votre effort. Je remercie également les prêtres, les religieux et les religieuses, qui ont quitté leur patrie afin de se consacrer à la tâche missionnaire sur ces terres, dans un esprit d'authentique solidarité ecclésiale. Je forme le voeu que le généreux engagement ecclésial de chacun soit soutenu par la maturation d'une abondante moisson de bien. Très chers amis, que ne vous abandonne pas non plus la conscience d'être un signe de l'amour de Dieu parmi ces populations riches de traditions culturelles et religieuses séculaires.


3. "Aimez-vous les uns les autres" est le thème de ma visite pastorale. Je vous adresse aujourd'hui cette invitation, au nom de notre Maître et Seigneur commun: "Aimez-vous les uns les autres". Ayez soin de conserver toujours entre vous cette unité que le Christ nous a laissée dans son testament (cf. Jn 17,21 Jn 17,23).

Comme aux débuts de l'annonce de l'Evangile, l'Eglise s'ouvrira une porte dans le coeur des hommes si elle apparaît comme une maison accueillante dans laquelle est vécue la communion fraternelle. Chers pasteurs de ces Eglises, soyez tout d'abord unis entre vous. Même si vous ne constituez pas encore une Conférence épiscopale à tous les effets, cherchez à réaliser par tous les moyens des formes de collaboration efficace, afin de valoriser au mieux chaque ressource pastorale.

Dans cette oeuvre précieuse, vous êtes soutenus par la solidarité de l'Eglise universelle. Le Successeur de Pierre, qui vous embrasse aujourd'hui avec émotion, est à vos côtés. Même si vous êtes géographiquement éloignés, vous êtes dans le coeur du Pape qui apprécie votre travail apostolique difficile.


4. Depuis dix ans, le Kazakhstan a conquis l'indépendance tant attendue. Mais comment ne pas tenir compte du climat d'affaiblissement des valeurs que le régime passé a laissé? Le long hiver de la domination communiste, qui prétendait déraciner Dieu du coeur de l'homme, a souvent porté atteinte aux contenus spirituels des cultures de ces peuples. On enregistre ainsi une pauvreté d'idéaux qui rend les personnes particulièrement vulnérables face aux mythes du consumérisme et de l'hédonisme importés d'Occident. Il s'agit de défis sociaux et spirituels, qui demandent un élan missionnaire courageux.

Comme le rappelait mon vénéré prédécesseur, le serviteur de Dieu Paul VI, l'Eglise, appelée à évangéliser, "commence par s'évangéliser elle-même". Communauté d'espérance vécue et transmise, elle "a besoin d'écouter sans cesse [...] ses raisons d'espérer". Il ajoutait également qu'était nécessaire une "Eglise qui s'évangélise par une conversion et une rénovation constantes, pour évangéliser le monde avec crédibilité" (Evangelii nuntiandi EN 15).

L'action missionnaire doit être précédée et accompagnée par une oeuvre incisive de formation, par une profonde expérience de prière, par des comportements empreints de fraternité et d'esprit de service. Vous devez déployer d'importants efforts apostoliques pour évangéliser les divers milieux dans lesquels s'expriment les traditions locales, en prêtant une attention particulière au monde universitaire et aux moyens de communication sociale. Ayez confiance dans le Christ! Que sa présence vous rassure. Que sa promesse vous communique force et élan: "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20).


5. Pour mener à bien la mission qu'Il vous confie, prenez soin de la formation des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse. Consacrez-vous avec amour aux prêtres, vos principaux collaborateurs, en les aidant et en les suivant d'un coeur paternel.

A ce propos, je désire exprimer ma vive satisfaction pour la construction du séminaire de Karaganda, une promesse importante pour l'avenir. Unique séminaire de toute l'Asie centrale, il constitue un signe de la collaboration efficace entre vos Eglises. Mettez en oeuvre tous les efforts possibles afin qu'entre ses murs soit offerte aux candidats au sacerdoce une sérieuse formation humaine et spirituelle, ainsi qu'une solide préparation théologique et pastorale. Je souhaite de tout coeur que vous puissiez compter sur de bons éducateurs, professeurs confirmés et témoins exemplaires de l'Evangile.


6. Réservez une place particulière à la formation et à l'apostolat des laïcs, en accueillant avec un discernement lumineux et une ouverture de coeur, aux côtés des associations les plus anciennes, ce don de l'Esprit à l'Eglise de l'après-Concile qui est constitué par les Mouvements ecclésiaux et par les nouvelles communautés.

Leur présence, leur esprit d'initiative et les charismes spécifiques dont ils sont les porteurs, représentent une richesse à valoriser. Avec une grande sagesse pastorale, l'Evêque doit orienter et guider leur activité, en les invitant à aider les communautés ecclésiales dans le respect des structures existantes et de leur fonctionnement ordonné. A leur tour, les membres des Mouvements et des Associations, avec ouverture d'esprit et une docile disponibilité, doivent renouveler leur engagement à travailler en harmonie avec les pasteurs de ces jeunes Eglises. Leur travail au service de la nouvelle évangélisation deviendra ainsi un témoignage de l'amour réciproque qui naît de l'adhésion fidèle à l'unique et même Seigneur.


7. Très chers frères, je désire enfin vous encourager à promouvoir le dialogue oecuménique. Votre action pastorale se déroule en contact étroit avec les frères de l'Eglise orthodoxe, qui partagent la même foi dans le Christ et la richesse d'une grande partie de la même tradition ecclésiale. Que les relations réciproques soient marquées par la cordialité et le respect, en souvenir de la parole du Seigneur: "Aimez-vous les uns les autres". A l'aube du nouveau millénaire, nous nourrissons plus vivement l'espérance que, même s'ils ne sont pas pleinement unis, les disciples du Christ pourront tout au moins être plus proches, également en vertu de l'expérience effectuée au cours du grand Jubilé de l'An 2000.

Enfin, faites preuve de respect et entretenez le dialogue avec la communauté musulmane, avec ceux qui appartiennent à d'autres religions et ceux qui se disent non-croyants. Que tous puissent apprécier le don de votre foi vécue dans la charité et ouvrir leur coeur aux dimensions les plus élevées de la vie.

Je confie votre mission pastorale à Marie, Etoile de l'évangélisation et Reine de la paix. Dans la cathédrale d'Astanà, vous la vénérez comme la Mère du Perpétuel Secours. Je dépose entre ses mains maternelles votre travail incessant, vos attentes et vos projets, afin qu'elle vous guide et vous soutienne à chaque pas.

Avec ces sentiments, je donne de tout coeur à tous une Bénédiction apostolique spéciale, propitiatoire d'ardeur apostolique et de grâce pour vous et pour ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux.





Discours 2001 - Lundi 17 septembre 2001