Discours 2001 - Astana - Nonciature Apostolique, Dimanche 23 septembre 2001

VISITE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU KAZAKHSTAN

Palais Présidentiel, Astana, dimanche 23 septembre 2001



Je suis très reconnaissant à l'égard de M. le Président pour ses paroles. Je voudrais remercier à nouveau la Divine Providence de m'avoir permis de venir ici et d'être ici. Ces derniers jours, certaines personnes pensaient que cela n'aurait pas été possible, en raison des tragiques événements qui ont eu lieu aux Etats-Unis. Mais on a vu que, grâce à Dieu, cela a été possible!

C'est la première fois que je me trouve en cet endroit du monde, en Asie centrale. La première source d'information sur le Kazakhstan a été pour moi le Père Bukowinski, bien connu ici. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il a été déporté, en tant que prêtre, de Pologne en Union soviétique et il a passé toute sa vie ici. Il est également mort et enterré ici, à Karaganda. Dès lors, j'ai commencé à en savoir plus sur le Kazakhstan. Mais aujourd'hui, c'est la première fois que je peux voir ce pays "oculis propriis", de mes propres yeux. Je regrette de ne pas pouvoir visiter Karaganda et me rendre sur la tombe du Père Bukowinski.

Je vois ici qu'Astanà est une ville moderne. Toutes ces rencontres, toutes ces expériences vécues m'incitent encore plus à prier pour votre pays, pour votre peuple et pour vous, Monsieur le Président. Je suis heureux que ma visite coïncide avec le dixième anniversaire de votre indépendance, car je suis convaincu - et l'Eglise l'est également - que chaque nation a le droit d'être souveraine. Cette souveraineté nationale est également la pleine expression de ce qu'une Nation est en tant que sujet politique. Je souhaite à tous, et en particulier à vous, Monsieur le Président, que cette souveraineté soit durable, fructueuse, toujours plus pleine, et inclue tous les domaines de la vie nationale: économique, politique, culturel. Cela est très important.

J'espère que les catholiques présents au Kazakhstan pourront eux aussi contribuer au bien commun du pays. Ils forment un petit groupe, une minorité; mais même de cette façon, ils peuvent et pourront contribuer - dans la mesure de leurs possibilités - au bien commun du Kazakhstan.

Après le salut du Président qui souhaitait la Bénédiction de Dieu sur le Kazakhstan, le Pape Jean-Paul II a poursuivi:

Je  forme ce voeu pour vous, Monsieur le Président, ainsi que pour tout votre peuple: que Dieu vous bénisse tous!



RENCONTRE AVEC LES JEUNES

Astana - Université Eurasia, Dimanche 23 septembre 2001



Très chers jeunes!

1. C'est avec une grande joie que je vous rencontre, et je vous remercie vivement de cet accueil. J'adresse une salutation particulière à Monsieur le Recteur et aux Autorités académiques de cette récente et déjà prestigieuse Université. Son nom lui-même, Eurasia, en indique la mission particulière, qui est la même que celle de votre grand pays, qui occupe un rôle de jonction entre l'Europe et l'Asie: une mission de pont entre deux continents, entre leurs cultures et traditions respectives, entre les divers groupes ethniques qui s'y sont rencontrés au cours des siècles.

En réalité, votre pays est un pays dans lequel la coexistence et l'harmonie entre peuples divers peuvent être indiquées au monde comme signes éloquents de l'appel de tous les hommes à vivre ensemble dans la paix, la connaissance et l'accueil réciproque, dans la découverte progressive et la valorisation des traditions propres à chacun. Le Kazakhstan est une terre de rencontre, d'échange, de nouveauté; une terre qui encourage en chacun l'intérêt pour les nouvelles découvertes et qui conduit à vivre la différence non comme une menace, mais comme un enrichissement.

C'est avec cette conscience, chers jeunes, que j'adresse à chacun de vous mon salut. A tous, je dis avec un coeur d'ami: la paix soit avec vous, que la paix emplisse vos coeurs! Sentez-vous appelés à être les artisans d'un monde meilleur. Soyez des artisans de paix, car une société solidement fondée sur la paix a l'avenir devant elle.


2. En préparant mon voyage, je me suis demandé ce que les jeunes du Kazakhstan voudraient entendre du Pape de Rome, ce qu'ils voudraient lui demander. Je connais les jeunes et je sais qu'ils s'intéressent aux questions de fond. La première question que vous voudriez me poser est probablement celle-ci: "Qui suis-je selon toi, Pape Jean-Paul II, selon l'Evangile que tu annonces? Quel est le sens de ma vie? Quel est mon destin?". Ma réponse, chers jeunes, est très simple, mais d'une grande portée: Voilà, tu es une pensée de Dieu, tu es un battement du coeur de Dieu. Affirmer cela revient à dire que tu as une valeur d'une certaine manière infinie, que tu comptes pour Dieu dans ton individualité irremplaçable.

Vous comprenez alors, chers jeunes, pourquoi je vous rencontre, ce soir, avec respect et émotion, et je porte sur vous un regard empli d'une profonde affection et confiance. Je suis heureux de vous rencontrer, descendants du noble peuple kazakh, fiers de votre indomptable désir de liberté, infini comme la steppe dans laquelle vous êtes nés. Vous avez derrière vous des expériences diverses, non dénuées de souffrances. Vous êtes assis ici, les uns à côté des autres, et vous vous sentez amis, non pas parce que vous avez oublié le mal qu'il y a eu dans votre histoire, mais parce qu'à juste titre, le bien que vous pourrez construire ensemble vous intéresse davantage. En effet, il n'existe pas de véritable réconciliation qui ne s'épanouisse de façon généreuse dans un engagement commun.

Soyez conscients de la valeur unique que chacun de vous possède et sachez vous accepter dans vos convictions diverses, tout en recherchant ensemble la plénitude de la vérité. Votre pays a fait l'expérience de la violence humiliante de l'idéologie. Ne soyez pas à présent en proie à la violence non moins destructrice du "néant". Quel vide étouffant, si dans la vie, il n'y a rien qui compte, si l'on ne croit à rien! Le néant est la négation de l'infini, que votre vaste steppe évoque avec force, de l'infini auquel le coeur de l'homme aspire de façon irrésistible.


3. On m'a dit que dans votre très belle langue, le kazakh, "je t'aime" se dit: "mien siené jaksè korejmen", expression que l'on peut traduire par: "je te regarde bien, je porte sur toi un regard bienveillant". L'amour de l'homme, mais, bien avant encore, l'amour même de Dieu envers l'homme et la création naît d'un regard bienveillant, d'un regard qui fait voir le bien et conduit à voir le bien: "Dieu vit tout ce qu'il avait fait: cela était très bon", voilà ce que l'on dit dans la Bible (Gn 1,31). Un tel regard permet de saisir tout ce qu'il y a de positif dans la réalité et conduit à considérer, au-delà d'une approche superficielle, la beauté et la richesse de tout être humain qui vient à notre rencontre.

Il nous vient spontanément de nous demander: "Qu'est-ce qui rend l'être humain beau et grand?" Voilà la réponse que je vous propose: ce qui rend l'être humain grand est l'empreinte de Dieu qu'il porte en lui. Selon la parole de la Bible, il a été créé "à l'image et à la ressemblance de Dieu" (cf. Gn 1,26). C'est précisément pour cela que le coeur de l'homme n'est jamais satisfait: il veut quelque chose de meilleur, il veut plus, il veut tout. Aucune réalité finie ne le satisfait ni ne l'apaise. Augustin d'Hippone, antique Père de l'Eglise, disait, "Tu nous a faits, ô Seigneur, pour toi, et notre coeur ne sera apaisé que lorsqu'il trouvera la paix en toi" (Confes. 1, 1). La question que votre grand penseur et poète Ahmed Jassavi, répète à plusieurs reprises dans ses vers, ne jaillit-elle pas de cette même intuition: "A quoi sert la vie, sinon à être donnée, et donnée au Très-Haut?".


4. Chers amis, cette parole d'Ahmed Jassavi comporte un profond message. Elle rappelle ce que la tradition religieuse qualifie de "vocation". En donnant la vie à l'homme, Dieu lui confie un devoir et attend de lui une réponse. Affirmer que la vie de l'homme, avec ses vicissitudes, ses joies et ses douleurs, a comme fin d'être "donnée au Très-Haut" ne comporte pas une diminution ou un renoncement. Il s'agit plutôt de la confirmation de la très haute dignité de l'être humain: créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, il est appelé à devenir son collaborateur pour transmettre la vie et dominer la création (cf. Gn 1,26-28).

Le Pape de Rome est venu pour vous dire précisément cela: il y a un Dieu qui a pensé à vous et qui vous a donné la vie. Il vous aime personnellement et vous confie le monde. C'est Lui qui suscite en vous la soif de liberté et le désir de connaître. Permettez-moi de professer devant vous avec humilité et fierté la foi des chrétiens: Jésus de Nazareth, Fils de Dieu fait homme il y a deux mille ans, est venu nous révéler cette vérité à travers sa personne et son enseignement. Ce n'est qu'en le rencontrant Lui, le Verbe incarné, que l'homme trouve la plénitude de la réalisation de soi et du bonheur. La religion elle-même, sans une expérience de découverte émerveillée et de communion avec le Fils de Dieu, qui s'est fait notre frère, se réduit à une somme de principes toujours plus difficiles à comprendre et de règles toujours plus dures à supporter.


5. Chers amis, vous ressentez qu'aucune réalité terrestre ne peut vous satisfaire pleinement. Vous êtes conscients que l'ouverture au monde n'est pas suffisante pour combler votre soif de vie et que la liberté et la paix ne peuvent venir que d'un Autre, infiniment plus grand et pourtant familièrement proche de vous.

Sachez reconnaître que vous n'êtes pas patrons de vous-mêmes et ouvrez-vous à Celui qui vous a créés par amour et veut faire de vous des personnes dignes, libres et belles. Je vous encourage dans cette attitude d'ouverture confiante: apprenez à écouter dans le silence la voix de Dieu, qui parle au plus profond de chacun; apportez des bases solides et sûres à la construction de l'édifice de votre vie; n'ayez pas peur de l'engagement et du sacrifice qui exigent aujourd'hui un grand investissement de forces, mais qui sont la garantie du succès de demain. Découvrez la vérité sur vous-mêmes, et de nouveaux horizons ne cesseront de s'ouvrir à vous.

Chers jeunes, ce discours peut sans doute vous sembler inhabituel. Je pense au contraire qu'il est actuel et essentiel pour l'homme moderne, qui a parfois l'illusion d'être tout-puissant, car il a accompli de grands progrès scientifiques et réussit d'une certaine façon à contrôler le monde technologique complexe. Mais l'homme a un coeur: si l'intelligence dirige les machines, le coeur bat pour la vie! Donnez des ressources vitales à votre coeur, permettez à Dieu d'entrer dans votre existence: celle-ci sera alors éclairée par sa lumière divine.


6. Je suis venu ici pour vous encourager. Nous sommes au début d'un nouveau millénaire: il s'agit d'une époque importante pour le monde, car dans le coeur des personnes se diffuse la conviction qu'il n'est pas possible de continuer à vivre ainsi divisés. Malheureusement si, d'un côté, les communications deviennent aujourd'hui plus faciles, les différences se ressentent souvent de façon parfois dramatiques. Je vous encourage à oeuvrer en vue d'un monde plus uni, et à le faire dans le quotidien de la vie, en y apportant la contribution créative d'un coeur renouvelé.

Votre pays compte sur vous et attend beaucoup de vous pour les années à venir: l'orientation de votre nation sera celle que vous lui donnerez à travers vos choix. Le Kazakhstan de demain aura votre visage! Soyez courageux et intrépides, et vous ne serez pas déçus.

Que vous accompagnent la protection et la Bénédiction du Très-Haut, que j'invoque sur chacun de vous, sur ceux qui vous sont chers et sur toute votre vie!

Au terme de la rencontre, en saluant les personnes présentes, le Pape Jean-Paul II a prononcé ces paroles en italien:

Je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance pour cette rencontre avec l'Université. L'Université a toujours été proche de moi. Et je suis si content de la trouver ici, car elle constitue un fondement de la culture nationale et du développement national. La culture est le fondement de l'identité d'un peuple. Merci beaucoup!


RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DU MONDE DE LA CULTURE

Auditorium du Palais des Congrès, Astana, lundi 24 septembre 2001



Monsieur le Président de la République,
Mesdames, Messieurs,

1. C'est avec une grande joie que je vous rencontre ce soir. Je vous salue respectueusement et cordialement, en remerciant vivement celui qui, par de nobles paroles, a exprimé les sentiments de toutes les personnes présentes. J'ai accueilli volontiers l'invitation qui m'a été faite de passer un peu de temps avec vous afin de vous manifester, une fois de plus, l'attention et la confiance avec lesquelles l'Eglise catholique et le Pape considèrent les hommes de culture. Je suis en effet bien conscient de la contribution irremplaçable que vous pouvez apporter au style et aux contenus de la vie de l'humanité grâce à la recherche honnête et à l'expression efficace du vrai et du bien.

Hommes de la culture, de l'art et de la science! Le Kazakhstan est l'héritier d'une histoire que des rebondissements complexes et souvent douloureux ont enrichi de différentes traditions, au point d'en faire aujourd'hui un singulier exemple de société multiethnique, multiculturelle, multiconfessionnelle. Vous êtes orgueilleux de votre Nation et conscient de l'importante mission que vous avez: celle de préparer son avenir. Je pense en particulier aux jeunes qui sont en droit d'attendre de vous un témoignage de science et de sagesse, transmise à travers l'enseignement et, surtout, par l'exemple de la vie.


2. Le Kazakhstan est un grand pays, qui, au cours des siècles, a cultivé une culture locale vivante et en pleine effervescence, grâce également à la contribution de représentants de la culture russe, déportés ici par le régime totalitaire.

Combien de personnes ont parcouru cette terre qui est la vôtre! Je voudrais rappeler en particulier le journal du voyageur et commerçant vénitien Marco Polo qui, dès le Moyen-Age, décrivit avec admiration les qualités morales et la richesse des traditions des hommes et des femmes de la steppe. L'immense étendue de vos plaines, le sens de la fragilité humaine alimenté par le déchaînement des forces de la nature, la perception du mystère caché derrière les phénomènes tangibles, toutes choses qui favorisent au sein de votre peuple l'ouverture aux questions fondamentales de l'homme et la recherche de réponses significatives pour la culture universelle.
Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à diffuser dans le monde la riche tradition culturelle du Kazakhstan: mission difficile et dans le même temps fascinante, qui vous oblige à en découvrir les éléments les plus profonds pour les rassembler en une synthèse harmonieuse.

Un grand penseur de votre terre, le maître Abai Kunanbai, l'exprimait ainsi: "L'homme ne peut être homme sans avoir la perception des mystères visibles et cachés de l'univers, sans chercher une explication pour toute chose. Celui qui y renonce ne se distingue en rien des animaux. Dieu différencie l'homme de l'animal en le dotant d'une âme..." (Proverbes, chap. 7).


3. Comment ne pas accueillir la profonde sagesse de ces paroles, qui semblent développer un commentaire à la question troublante posée par Jésus dans l'Evangile: "Que sert donc à l'homme de gagner le monde entier, s'il ruine sa propre vie?" (Mc 8,36). Il existe dans le coeur de l'homme des questions incontournables qui, si elles sont ignorées, ne libèrent pas l'homme mais l'affaiblissent, et le laissent souvent en proie à son instinct, et aux abus d'autrui.

"Si le coeur ne désire plus rien - dit encore Abai Kunanbai - / qui peut réveiller la pensée? /...Si la raison s'abandonne au désir, / elle perd toute sa profondeur. /...Un peuple digne de ce nom peut-il se passer de la raison?" (Poésie 12).

Des questions comme celles-là sont de nature religieuse, car elles renvoient à ces valeurs suprêmes qui ont leur fondement ultime en Dieu. A son tour, la religion ne peut pas ne pas se confronter à ces interrogations essentielles sous peine de perdre contact avec la vie.


4. Les chrétiens savent qu'en Jésus de Nazareth, appelé le Christ, est donnée la réponse complète aux questions que l'homme porte dans son coeur. Les paroles de Jésus, ses gestes et, enfin, son Mystère pascal, l'ont révélé comme Rédempteur de l'homme et Sauveur du monde. De cette "nouvelle", qui, depuis deux mille ans court sur les lèvres d'innombrables hommes et femmes sur toute la planète, le Pape de Rome est aujourd'hui devant vous, le témoin humble et convaincu, dans le plein respect de la recherche que d'autres personnes de bonne volonté accomplissent sur des chemins différents. Celui qui a rencontré la vérité dans la splendeur de sa beauté ne peut que ressentir le besoin d'y faire participer également les autres. Avant d'être une obligation dérivant d'une norme, il s'agit pour le croyant du besoin de partager avec tous la Valeur suprême de sa propre existence.

Pour cette raison - même dans le contexte d'une saine laïcité de l'Etat, appelé, de par sa fonction, à garantir à tout citoyen, sans distinction de sexe, de race et de nationalité, le droit fondamental à la liberté de conscience -, il faut affirmer et défendre le droit du croyant à témoigner publiquement de sa foi. Une religiosité authentique ne peut se réduire à la sphère privée ni se trouver enfermée dans des espaces restreints et marginaux de la société. La beauté des nouveaux édifices sacrés, que l'on commence à voir presque partout dans le nouveau Kazakhstan, est un signe précieux de renouveau spirituel et constitue un signe positif pour l'avenir.


5. Les centres d'éducation et de culture eux-mêmes ne pourront que tirer profit d'une ouverture à la connaissance des expériences religieuses les plus vivantes et les plus significatives dans l'histoire de la Nation. Dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier 2001, j'ai mis en garde contre "l'acceptation passive" de la culture occidentale, observant que "en raison de leur forte connotation scientifique et technique, les modèles culturels de l'Occident apparaissent fascinants et séduisants, mais malheureusement ils révèlent, avec une évidence toujours plus grande, un appauvrissement progressif dans les domaines humaniste, spirituel et moral. La culture qui les engendre est marquée par la prétention dramatique de vouloir réaliser le bien de l'homme en se passant de Dieu, le Souverain Bien" (n. 9).

Ecoutons encore le grand maître Abai Kunanbai: "La preuve de l'existence d'un Dieu unique et tout-puissant est constituée par le fait que, depuis des millénaires, les hommes parlent dans des langues différentes de cette existence et tous, quelque soit leur religion, attribuent à Dieu l'amour et la justice. A l'origine de l'humanité, il y a l'amour et la justice. Celui en qui dominent l'amour et la justice est un véritable sage" (Proverbes, chap. 45).

Dans ce contexte, et justement ici, sur cette terre ouverte à la rencontre et au dialogue, et face à une assemblée aussi qualifiée, je désire réaffirmer le respect de l'Eglise catholique pour l'Islam: l'Islam qui prie, qui sait être solidaire de celui qui est dans le besoin. Se souvenant des erreurs du passé, y compris d'un passé récent, tous les croyants doivent unir leurs efforts, afin que jamais Dieu ne soit pris en otage par les ambitions des hommes. La haine, le fanatisme et le terrorisme profanent le nom de Dieu et défigurent l'image authentique de l'homme.


6. J'ai plaisir à voir et saluer en vous ici présents, Mesdames et Messieurs, autant de "chercheurs de la vérité", désireux de transmettre aux nouvelles générations de ce grand pays les valeurs sur lesquelles fonder leurs propres existences personnelles et sociales. Privée de racines profondes dans de telles valeurs, la vie est comme un arbre aux branches feuillues que le vent de l'épreuve peut facilement secouer et déraciner.

Merci Monsieur le Président, merci Mesdames et Messieurs, représentants du monde de la culture du Kazakhstan. Au terme de cette rencontre, qui, dans un certain sens, conclut ma visite dans votre pays fascinant, je désire vous assurer non seulement de ma collaboration active, mais aussi de la prière la plus sincère du Pape et de toute l'Eglise catholique au Dieu Très-Haut et Tout-Puissant afin que le Kazakhstan, fidèle à sa vocation eurasiatique naturelle, continue d'être une terre de rencontre et d'accueil, sur laquelle les hommes et les femmes des deux grands continents puissent vivre de longs jours de prospérité et de paix.




  MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU PRÉSIDENT INTERNATIONAL DE LA MILICE DE L’IMMACULÉE


  Au Révérend Père Eugenio GALIGNANO o.f.m.conv.
Président international de la Milice de l'Immaculée

1. C'est avec un vif intérêt que j'ai appris que le Centre international de la Milice de l'Immaculée, avec le soutien des Facultés pontificales de Théologie "Saint-Bonaventure" et "Marianum", sur lesquelles s'appuie l'Association mariologique interdisciplinaire italienne, a organisé le Congrès international "Maximilien Kolbe en son temps et aujourd'hui. Une approche interdisciplinaire de la personne et des écrits".

En vous faisant part de ma satisfaction pour cette initiative, je vous salue cordialement, Révérend Père, ainsi que les Cardinaux, les vénérés frères dans l'Episcopat, les autorités académiques, le Ministre général et les Frères mineurs conventuels, les intervenants et tous ceux qui participent à cet événement si significatif.

Soixante ans après l'héroïque martyre du Père Maximilien Marie, le Symposium souligne combien son témoignage est actuel et combien sa pensée est présente dans la réflexion actuelle de la théologie catholique. Le geste extraordinaire du martyr d'Oswiecim offre l'occasion, à travers une étude interdisciplinaire, de mieux comprendre sa figure et son oeuvre; d'approfondir ses intuitions théologiques et spirituelles aiguisées dans la perspective de la nouvelle évangélisation et de l'élan missionnaire renouvelé qui engagent l'Eglise du troisième millénaire.


2. Homme qui connut en profondeur les angoisses et les aspirations de ses contemporains, Maximilien Marie Kolbe sut saisir, dans chaque culture, la présence vivifiante des "semences du Verbe" et, à travers un dialogue confiant et plein d'amour avec Celle qui enfanta dans le temps le Fils de Dieu, il s'efforça de les mettre en valeur à travers une oeuvre d'évangélisation courageuse. L'Immaculée fut toujours pour lui, outre "la douce Mère", un exemple et un critère de fidélité absolue au plan du salut divin.

Dès sa jeunesse, il voulut être de manière inconditionnelle tout à Marie, Celle que Dieu considéra dès l'Eternité être la Mère de son Fils. La Bienheureuse Vierge fut la créature qui sut le mieux accueillir le dessein de rédemption que la Très Sainte Trinité avait voulu, dans le Christ, pour toute l'humanité. "Combien de mystères sur Jésus - écrivait saint Maximilien - cet Esprit Divin qui vivait et oeuvrait en toi n'aura-t-il pas révélé de manière exclusive à ton âme immaculée" (SK, 1236).
Il était intimement persuadé que, celui qui est, avec Marie, docile au souffle de l'Esprit, sait en accueillir l'inspiration et peut adhérer pleinement au Christ. Qui veut connaître et annoncer l'Evangile, semble-t-il suggérer, doit s'approcher avec confiance de l'Immaculée puisqu'elle connut en profondeur les mystères du Fils de Dieu.

L'Eglise, en intercédant avec confiance en vue de l'accomplissement du Royaume de Dieu, continue d'annoncer la Bonne Nouvelle dans un monde qui change, fidèle à l'héritage reçu mais consciente que les méthodes et les paroles doivent être adaptées à la mentalité de l'homme d'aujourd'hui. Saint Maximilien sut parler et se faire comprendre de ses contemporains. Il sut être fidèle à Dieu et fidèle à l'homme dans la vérité et dans la sainteté.


3. Le Père Kolbe a laissé cet héritage à ses confrères, les Mineurs conventuels, et, à travers leur engagement et leur témoignage, à toute la communauté chrétienne. La Milice de l'Immaculée, qu'il a fondée et qui a été récemment reconnue comme Association publique et internationale de fidèles, a recueilli de manière spécifique cette consécration à Marie, afin que l'Evangile continue à être généreusement prêché à tous et qu'il soit lumière pour l'humanité tout entière.

Que le Congrès puisse, à travers les différentes approches de la personnalité et des écrits du saint martyr de la charité, contribuer à en approfondir les contenus doctrinaux et les méthodes apostoliques au service de l'oeuvre évangélisatrice de l'Eglise.

Avec ces voeux, alors que je vous confie, Révérend Père, ainsi que les participants au Congrès et tous les membres de la Milice de l'Immaculée, à la protection céleste de la Bienheureuse Vierge Marie et à l'intercession de saint Maximilien Marie Kolbe, je vous donne de grand coeur une Bénédiction apostolique particulière.

Castel Gandolfo, le 18 septembre 2001


CÉRÉMONIE DE DÉPART

Aéroport international, Astana, mardi 25 septembre 2001



Monsieur le Président,
Vénérés frères dans l'Episcopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs,

1. Les trois jours mémorables qui m'ont permis de rencontrer, ici à Astanà, tant de personnes et de connaître de près de nombreuses forces vives du peuple kazakh, touchent à leur terme. Le souvenir de mon séjour dans cette noble Nation, riche d'histoire et de traditions culturelles, m'accompagnera longtemps.

Merci de l'accueil aimable et cordial qui m'a été réservé. Merci, Monsieur le Président, de votre courtoise hospitalité, témoignée de bien des manières! Merci aux Autorités administratives, militaires et religieuses, ainsi qu'à ceux qui ont préparé ma visite et ont prévu en détail son organisation: à tous et à chacun en particulier s'adresse l'expression de ma plus vive reconnaissance.

Dans mon âme demeurent imprimées les paroles que j'ai entendues au cours des différents moments que nous avons vécus ensemble. J'ai à coeur les espoirs et les attentes de ce cher peuple que j'ai pu connaître et apprécier de manière plus approfondie. Un peuple qui a subi des années de dure persécution mais qui n'hésite pas à reprendre avec entrain le chemin de son développement. Un peuple qui veut construire un avenir serein et solidaire pour ses enfants, parce qu'il aime et recherche la paix.


2. Kazakhstan, Nation chargée de siècles d'histoire, tu sais bien combien la paix est importante et urgente! De par ta géographie, tu es une terre de frontière et de rencontre. Ici, dans ces immenses steppes, se sont rencontrés et continuent à se rencontrer pacifiquement des hommes et des femmes appartenant à des ethnies, des cultures et des religions différentes.

Kazakhstan, puisses-tu, avec l'aide de Dieu, croître uni et solidaire! C'est le souhait cordial que je renouvelle, en reprenant le thème de ma visite: "Aimez-vous les uns les autres"! (Jn 13,34). Ces paroles importantes de Jésus, prononcées la veille de sa mort sur la croix, ont illuminé et rythmé les étapes de mon pèlerinage.

"Aimez-vous les uns les autres"! Votre pays, dans lequel coexistent des hommes et des femmes d'origines diverses, a besoin d'ententes solides et de rapports sociaux stables. Il n'est pas exagéré de dire que votre pays a une vocation toute particulière: celle d'être, de manière toujours plus consciente, un pont entre l'Europe et l'Asie. Que cela soit votre choix civil et religieux. Soyez un pont fait d'hommes qui embrassent d'autres hommes; des personnes qui transmettent une plénitude de vie et d'espérance.


3. Alors que je prends congé de toi, cher peuple kazakh, je veux t'assurer que l'Eglise continuera de marcher à tes côtés. En étroite collaboration avec les autres communautés religieuses et avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, les catholiques ne manqueront pas d'apporter leur soutien, afin de pouvoir construire ensemble une maison commune, toujours plus vaste et accueillante.

La recherche du dialogue et de l'harmonie a caractérisé ici les relations entre le christianisme et l'islam depuis la période de la formation du Khlnat ottoman dans les immenses espaces de vos steppes et a permis au pays de devenir un anneau de conjonction entre l'Orient et l'Occident sur la grande route de la soie. Les nouvelles générations doivent poursuivre sur cette voie, avec une ardeur renouvelée.

"Aimez-vous les uns les autres". Sur cette parole du Seigneur se joue notre crédibilité de chrétiens: "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (Jn 13,35).


4. Le grand Jubilé de l'An 2000, en poussant les chrétiens à un intense réveil spirituel, les a aussi invités à être des témoins de l'amour pour répondre aux défis du troisième millénaire. Soyez-le sans cesse vous aussi! Soyez prêts à donner corps au besoin de "paix, souvent menacée, avec la hantise de guerres catastrophiques" (Novo millennio ineute, n. 51). Soyez des sentinelles vigilantes, attentives au "respect de la vie de tout être humain" (ibid. NM NM 51).

Soyez, vous aussi, témoins de l'amour, hommes et femmes d'autres religions qui avez à coeur le sort de votre peuple! La question que se posait Abai Kunanbai nous interpelle tous: "S'il m'a été donné le nom d'homme, / puis-je me passer d'aimer?" (Poésie, 12). Il me tient à coeur de poser cette question maintenant, alors que je prends congé de vous: un être humain peut-il se passer d'aimer?

En tant que Successeur de l'Apôtre Pierre, en parcourant en esprit les nombreux événements qui ont marqué l'histoire du siècle passé, je vous répète: Regardez avec confiance vers l'avenir! Je suis venu parmi vous comme pèlerin de l'espérance, et maintenant, je m'apprête à prendre la route du retour non sans émotion et sans nostalgie. Je conserverai en moi les souvenirs de ces journées. J'emporterai avec moi la certitude que toi, peuple du Kazakhstan, tu ne renonceras jamais à ta mission de solidarité et de paix.

Remercions le Seigneur de nous avoir donné ces journées et le beau temps afin que nous puissions apprécier la beauté du Kazakhstan.

Dieu te bénisse, Kazakhstan, et qu'Il te protège toujours!


  VOYAGE APOSTOLIQUE EN ARMÉNIE


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport international Zvartnotz, Yerevan, mardi 25 septembre 2001



Monsieur le Président,
Votre Sainteté,
Chers amis d'Arménie!

1. Je rends grâce à Dieu tout-puissant parce qu'aujourd'hui, pour la première fois, l'Evêque de Rome se trouve sur le sol arménien, sur cette antique et bien-aimée terre à propos de laquelle votre grand poète Daniel Varujan chantait: "Des villages jusqu'aux horizons s'étend la maternité de votre terre" (Le rappel des terres). Depuis longtemps, j'attends ce moment de grâce et de joie, et, en particulier depuis les visites au Vatican que vous avez effectuées, Monsieur le Président ainsi que Votre Sainteté, Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens.

Je vous suis profondément reconnaissant, Monsieur le Président, des aimables paroles de bienvenue que vous m'avez adressées au nom du gouvernement et des habitants de l'Arménie. Je remercie également les Autorités civiles et militaires, ainsi que les membres du Corps diplomatique accrédité en Arménie de m'avoir accueilli aujourd'hui. En m'adressant à vous, Monsieur le Président, je désire vous faire part de mon estime et de mon amitié non seulement pour vos concitoyens qui vivent dans leur patrie, mais aussi pour les millions d'Arméniens dispersés dans le monde entier et qui demeurent fidèles à leur héritage et à leur identité, et regardent aujourd'hui avec une fierté et un orgueil nouveaux en direction de leur terre d'origine. Dans leurs coeurs aussi battent les sentiments exprimés par Varujan dans l'une de ses poésies: "Il est doux pour mon coeur de plonger / dans l'onde lumineuse d'azur, se noyer - si cela est nécessaire - dans les feux célestes / connaître de nouvelles étoiles, l'antique patrie perdue, / d'où mon âme tombée pleure encore la nostalgie du ciel" (Nuit dans la cour).


2. Votre Sainteté, Catholicos Karékine, je vous embrasse avec un amour fraternel dans le Seigneur, ainsi que l'Eglise que vous présidez. Sans vos encouragements, je ne serais pas ici aujourd'hui, comme pèlerin en voyage spirituel pour honorer le témoignage extraordinaire de vie chrétienne offerte par l'Eglise apostolique arménienne au cours de tant de siècles, et surtout au XXème siècle, qui, pour vous, a été celui d'une indicible terreur et d'une immense souffrance. En ce 1700ème anniversaire de la proclamation du christianisme comme religion officielle de cette terre bien-aimée, l'ensemble de l'Eglise catholique partage votre joie profonde et celle de tous les Arméniens.

J'embrasse les Frères Evêques et tous les fidèles de l'Eglise catholique en Arménie et dans les régions voisines, heureux de vous confirmer dans l'amour de notre Seigneur Jésus-Christ ainsi que dans le service du prochain et de votre pays.


3. Je suis profondément ému à la pensée de la glorieuse histoire du christianisme sur cette terre qui, selon la tradition, remonterait à la prédication des apôtres Thaddée et Barthélemy. Par la suite, à travers le témoignage et l'oeuvre de saint Grégoire l'Illuminateur, le christianisme devint, pour la première fois, la foi de toute une Nation. Les Annales de l'Eglise universelle affirmeront pour toujours que les peuples d'Arménie furent les premiers à embrasser, en tant que peuple, la grâce et la vérité de l'Evangile de notre Seigneur Jésus-Christ. Depuis ces temps héroïques, votre Eglise n'a jamais cessé de chanter les louanges de Dieu le Père, de célébrer le mystère de la mort et de la résurrection de son Fils Jésus-Christ et d'invoquer l'aide de l'Esprit-Saint, le Consolateur. Vous conservez avec zèle la mémoire de vos nombreux martyrs, et, en vérité, le martyre a été une spécificité de l'Eglise et du peuple arméniens.


4. Le passé de l'Arménie est inséparable de sa foi chrétienne. La fidélité à l'Evangile de Jésus-Christ contribuera de la même manière à l'avenir que votre Nation se construit, après les destructions du siècle passé. Monsieur le Président, chers amis, vous venez de célébrer le dixième anniversaire de votre indépendance. Il s'est agi d'un pas significatif sur le chemin qui conduit à une société juste et harmonieuse, dans laquelle tous se sentent pleinement chez eux et peuvent voir leurs droits légitimes respectés. Tous, et en particulier ceux qui sont responsables de la chose publique, sont appelés aujourd'hui à un authentique engagement en faveur du Bien commun, dans la justice et la solidarité, plaçant le progrès du peuple avant tout autre intérêt partiel. Et cela est également vrai s'agissant de la recherche de la paix dans cette région. La paix ne peut être édifiée que sur les bases solides du respect réciproque, de la justice dans les relations entre communautés différentes et dans la magnanimité de la part des puissants.

L'Arménie est devenue membre du Conseil de l'Europe et ceci montre votre détermination à oeuvrer avec décision et courage pour mettre en place les réformes démocratiques des institutions de l'Etat, nécessaires pour garantir le respect des droits humains et civils des citoyens. Nous vivons des temps difficiles mais ce sont aussi des temps qui lancent des défis à la Nation et lui donnent du courage. Chacun doit résolument décider d'aimer sa propre terre et se sacrifier pour le développement authentique ainsi que pour le bien-être spirituel et matériel de son peuple!
Que Dieu bénisse le peuple arménien des dons de la liberté, de la prospérité et de la paix!

 


Discours 2001 - Astana - Nonciature Apostolique, Dimanche 23 septembre 2001