Discours 2001 - Aéroport international Zvartnotz, Yerevan, mardi 25 septembre 2001

VISITE DE PRIÈRE

Cathédrale Apostolique d'Etchmiadzine, Mardi 25 septembre 2001



Vénéré Frère,
Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens,
Très chers frères et soeurs dans le Christ!
Que la bénédiction de Dieu descende sur tous!

1. Mes pas de pèlerin m'ont conduit en Arménie afin de rendre grâce à Dieu pour la lumière de l'Evangile qui, il y a dix-sept siècles, s'est diffusée sur cette terre, de ce lieu où saint Grégoire l'Illuminateur reçut la vision céleste du Fils de Dieu sous forme de lumière. La Sainte ville d'Etchmiadzine se dresse comme le grand symbole de la foi de l'Arménie dans le Fils unique de Dieu qui descendit du ciel, qui mourut pour nous racheter du péché, et dont la résurrection inaugure les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Pour tous les Arméniens, Etchmiadzine demeure le gage de la persévérance dans cette même foi, malgré les souffrances et l'épanchement du sang, hier et aujourd'hui, que votre histoire tourmentée a demandé comme prix de votre fidélité. En ce lieu, je désire témoigner que votre foi est notre foi en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. "Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême" (Ep 4,5).

Ici, dans la Sainte ville d'Etchmiadzine, l'âme comblée de joie, je rends le baiser de paix que Votre Sainteté m'a donné en novembre dernier, auprès de la tombe de l'Apôtre Pierre à Rome. Je vous salue avec une intense émotion, ainsi que les Archevêques, les Evêques, les moines, les prêtres et les fidèles de la bien-aimée Eglise apostolique arménienne. En tant qu'Evêque de Rome, je m'agenouille, rempli d'admiration, face au don céleste du Baptême de votre peuple, et je rends hommage à ce temple, symbole de la nation qui depuis ses origines, selon la vision de saint Grégoire, porte sur ses colonnes le signe du martyre.


2. Je remercie Votre Sainteté de m'avoir souhaité la bienvenue dans votre maison. C'est la première fois que la Pape de Rome, pendant tout son séjour dans un pays, réside dans la maison d'un de ses frères, qui préside à une glorieuse Eglise d'Orient, et qu'il partage avec lui sa vie quotidienne sous le même toit. Merci de ce signe d'amour qui m'émeut profondément et qui parle au coeur de tous les catholiques d'amitié profonde et de charité fraternelle.

En cet instant, ma pensée se tourne vers vos vénérés Prédécesseurs. Je fais référence au Catholicos Vazken I, qui se prodigua tant pour que son peuple puisse voir la terre promise de la liberté, et qui retourna à Dieu précisément au moment où l'indépendance fut recouvrée. Je pense à l'inoubliable Catholicos Karékine I, qui fut comme un frère pour moi. Mon projet de lui rendre visite, à un moment où la maladie le terrassa, ne put se réaliser, même si je l'espérais de tout mon coeur. Ce désir s'accomplit aujourd'hui ici avec Votre Sainteté, qui est également pour moi un frère cher et bien-aimé. J'attends avec impatience les jours prochains lorsque, main dans la main avec vous, je rencontrerai le peuple arménien et que nous rendrons grâce ensemble à Dieu tout-puissant pour les dix-sept siècles de fidélité au Christ.


3. Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur, accorde-nous de comprendre la splendide vérité que saint Grégoire a entendue en ce lieu: que "les portes de ton amour sont grandes ouvertes pour tes créatures [...] que la lumière qui remplit la terre est la prédication de ton Evangile".

Seigneur, rends-nous dignes de la grâce de ces journées. Accueilles notre prière commune; accepte la gratitude de l'Eglise tout entière pour la foi du peuple arménien. Fais germer en nous des paroles et des gestes qui démontrent l'amour des frères entre eux. C'est ce que nous te demandons par l'intercession de Marie, la glorieuse Mère de Dieu, Reine de l'Arménie, et de saint Grégoire, à qui le Verbe de Dieu apparut sous forme de lumière. Amen.



VISITE DE PRIÈRE

Mémorial de Tzitzernakaberd, Yerevan, mercredi 26 septembre 2001



Ô Juge des vivants et des morts,
prends pitié de nous!
Ecoute, ô Seigneur,
la plainte qui s'élève de ce lieu,
L'invocation des morts
des abysses du Metz Yeghérn,
Le cri du sang innocent
qui implore comme le sang d'Abel,
Comme Rachel qui pleure ses fils
parce qu'ils ne sont plus.

Ecoute, ô Seigneur,
la voix de l'Evêque de Rome,
qui fait écho à la prière
de son Prédécesseur, le Pape Benoît XV,
quand, en 1915, il éleva la voix
pour défendre "le peuple arménien
gravement affligé,
conduit au seuil de l'anéantissement".

Vois le peuple de cette terre,
qui depuis si longtemps
a placé en toi sa confiance,
qui a traversé la grande épreuve
et n'a jamais manqué
à sa fidélité envers toi.

Essuie toute larme de ses yeux
et fais que son agonie au vingtième siècle
fasse place à une moisson de vie
qui dure pour toujours.

Profondément troublés par la terrible
violence infligée au peuple arménien,
nous nous demandons avec effroi
comment le monde peut encore
connaître des aberrations aussi inhumaines.

Mais, renouvelant notre espérance
dans ta promesse, ô Seigneur,
nous implorons le repos
pour les défunts dans la paix
qui ne connaît pas de fin,
et la guérison, par la puissance
de ton amour, des blessures encore ouvertes.

Notre âme a soif de toi, Seigneur,
plus que la sentinelle ne guette le matin,
alors que nous attendons l'accomplissement
de la rédemption conquise sur la Croix,
la lumière de Pâques
qui est l'aube d'une vie invincible,
la gloire de la nouvelle Jérusalem
où la mort n'existera plus.

Ô Juge des vivants et des morts,
prends pitié de nous!
Seigneur prends pitié,
Christ prends pitié, Seigneur prends pitié.


MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CONGRÉGATION POUR LES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET LES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE


  Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce!

1. "Sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de Jésus-Christ, notre Seigneur, le leur et le nôtre; à vous grâce et paix de par Dieu, notre Père et le Seigneur Jésus-Christ" (1Co 1,2-3).

A travers le salut de l'Apôtre saint Paul aux chrétiens de Corinthe, je m'adresse tout d'abord à vous, Monsieur le Cardinal Eduardo Martínez Somalo, qui avec tant de sagesse et de prudence, guidez le dicastère pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique. J'étends mon salut aux autres Cardinaux, aux vénérés prélats et aux membres de la Congrégation qui participent à l'Assemblée plénière, au cours de laquelle vous réfléchissez sur un thème riche et suggestif: ""Repartir du Christ", un nouvel engagement de la vie consacrée au troisième millénaire".
Je vous remercie de la collaboration que vous offrez au Saint-Siège dans l'étude et le discernement des orientations à proposer aux personnes consacrées. L'Eglise compte sur le dévouement constant de ce groupe élu de ses fils et de ses filles, sur leur aspiration à la sainteté et sur l'enthousiasme de leur service pour "aider et soutenir en tout chrétien la recherche de la perfection" et renforcer la "solidarité dans l'accueil du prochain, particulièrement des plus démunis" (Vita consecrata VC 39). C'est ainsi que peut être témoignée la présence vivifiante de la charité du Christ parmi les hommes.


2. Nous gardons encore un vif souvenir du grand Jubilé, au terme duquel j'ai invité toute l'Eglise à poursuivre l'itinéraire spirituel entrepris, en repartant avec une vigueur renouvelée de la "contemplation du visage du Christ, lui qui est considéré dans ses traits historiques et dans son mystère, accueilli dans sa présence multiple dans l'Eglise et dans le monde, proclamé comme sens de l'histoire et lumière sur notre route" (Novo millennio ineunte NM 15).

Sur ce chemin, qui touche la communauté ecclésiale dans son ensemble, les personnes consacrées, appelées "à mettre leur existence au service de cette cause [le Royaume de Dieu], en quittant tout et en imitant de près sa forme de vie" (Vita consecrata VC 14), assument un rôle éminemment pédagogique pour le Peuple de Dieu tout entier. L'écoute assidue de la Parole, la louange fréquente au Père, dispensateur de tout bien et le témoignage d'une charité active envers les frères les plus démunis, révèle à tous "l'abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu" (Rm 11,33).

Pour accomplir ce ministère pédagogique dans l'Eglise, la vie consacrée doit développer des relations spirituelles et apostoliques toujours plus authentiques à l'intérieur du tissu ordinaire des Communautés chrétiennes, en partageant les biens spirituels: le chemin de foi et l'expérience de Dieu, le charisme et les dons de l'Esprit qui la distinguent. C'est grâce à cette participation que mûrira dans chaque Communauté ecclésiale un soutien réciproque plus intense. Chacun deviendra responsable de l'autre et, dans le même temps, aura besoin de lui, en avançant dans la vie de foi et selon le charisme et le ministère propre à chacun.


3. Il s'agit d'un engagement important, qui demande un élan de sainteté renouvelé. "La vie spirituelle doit donc être en première place dans les projets des familles de vie consacrée, en sorte que tous les Instituts et toutes les communautés se présentent comme des écoles de spiritualité évangélique authentique" (Vita consecrata VC 93). La vie quotidienne des personnes consacrées, rendue lumineuse par le contact assidu avec le Seigneur dans le silence et dans la prière, par la gratuité de l'amour et du service, en particulier à l'égard des plus pauvres, témoigne que la liberté est le fruit du fait d'avoir trouvé la perle précieuse (cf. Mt 13,45-46), le Christ, pour lequel on est disposé à tout abandonner, les liens d'affection et les certitudes terrestres, en disant avec joie: Maître, "Je te suivrai, où que tu ailles" (Lc 9,57). Voilà le parcours de tant de personnes consacrées dans de nombreuses parties de la terre, qui vont même jusqu'au don suprême de leur vie dans le martyre.

Dans cette profonde relation d'amour avec le Christ et de chemin spirituel sur ses traces, est contenue chaque espérance d'avenir de la vie consacrée, qui demande un engagement personnel, conscient, volontaire, libre, plein d'amour à l'égard de la sainteté. Sur ce chemin, les personnes consacrées sont appelées à faire preuve d'un "professionnalisme" spirituel authentique, en affrontant avec une espérance joyeuse les sacrifices et les séparations, les difficultés et les attentes que cet itinéraire comporte et exige. C'est la voie du retour à la maison du Père, que le Christ nous a ouverte et sur laquelle il nous a précédés. Elle est à la foi détachement et recherche; elle unit les aspects difficiles du renoncement aux aspects joyeux de l'amour (cf. Lc 9,23 sq.). Fidèles à leur vocation, les personnes consacrées pourront un jour exulter avec le Psalmiste: "Heureux les habitants de ta maison, ils te louent sans cesse. Heureux les hommes dont la force est en toi, qui gardent au coeur les montées. Quand ils passent au val du Baumier, où l'on ménage une fontaine, surcroît de bénédiction, la pluie d'automne les enveloppe. Ils marchent de hauteur en hauteur, Dieu leur apparaît dans Sion" (Ps 83,5-8 [84], 5-8).


4. La pédagogie de la sainteté s'exprime de façon singulière dans l'attention primordiale à la communion, qui doit resplendir dans la vie consacrée de tout temps. Chaque communauté religieuse est appelée à être le lieu où l'on apprend naturellement à prier, où l'on enseigne à reconnaître et à contempler le visage du Christ, où l'on croît chaque jour en suivant le Seigneur de façon radicale, en cherchant avec sincérité la vérité sur soi-même et en s'orientant de façon décidée vers le service du Royaume de Dieu et de sa justice.

Du partage de la foi, humble et active, naît la communion authentique. En effet, celle-ci conduit à mettre en commun non seulement les dons de bonté et de grâce, mais également les limites et les défauts de chaque personne. Les biens de grâce et de bonté sont partagés afin d'alimenter la sainteté de tous; les faiblesses humaines et spirituelles de chacun sont assumées, afin de les prendre sur soi et de célébrer ensemble la miséricorde du Père.

La communion authentique dans le Christ promeut ainsi un nouveau style d'apostolat. L'annonce de l'Evangile de la vie consacrée, lorsqu'il part d'une fraternité intense et généreuse, devient plus vif et efficace. C'est ce que nous a enseigné l'Apôtre saint Jean dans sa première Epître: "Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie [...] nous vous l'annonçons, afin que vous soyez en communion avec nous" (1Jn 1,1 1Jn 1,3).

C'est ainsi que ce qui est également caractéristique de la vie consacrée, comme par exemple les voeux ou la spiritualité particulière, devient un don reçu qu'il ne faut pas conserver jalousement pour soi, mais qu'il faut dispenser humblement et généreusement au Peuple de Dieu à travers la Parole et le témoignage, afin que tous, même ceux qui sont loin ou semblent hostiles, puissent connaître et comprendre la profonde nouveauté du christianisme.


5. Dans l'histoire de l'Eglise, la vie consacrée a toujours été au premier plan dans l'oeuvre d'évangélisation. Aujourd'hui aussi, elle part en pèlerinage, elle marche aux côtés de chaque personne, elle en partage l'histoire, elle en réchauffe le coeur avec l'amour reçu dans la contemplation du visage du Christ, et elle la conduit aux sources d'eau vive de la grâce divine, partageant avec elle le pain de l'Eucharistie et de la charité. Sur cet itinéraire mystérieux, tissé de dons et d'accueil, de renoncements et de conquêtes, les personnes consacrées apprennent à reconnaître les provocations et les défis de la société d'aujourd'hui.

En suivant le Christ, pauvre, chaste et obéissant, de tout leur coeur et de toutes leurs forces, elles offrent le témoignage d'une existence capable de donner sens et espérance à chaque engagement personnel et, donc, d'une existence différente de la façon de vivre du monde.

Ce témoignage devient la voie la plus efficace pour encourager les vocations à la vie consacrée. Oui, il faut présenter aux jeunes le visage du Christ contemplé dans la prière et tendrement servie dans nos frères, avec un amour gratuit. Nous devons être persuadés que "ce n'est pas une formule qui nous sauvera, mais une Personne" (Novo millennio ineunte NM 29). Jésus nous assure: "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). Nous ne devons pas seulement "parler" de Lui, mais nous devons le faire "voir", à travers le témoignage audacieux de la foi et de la charité. Le Christ doit devenir la référence sûre; son Visage doit être la source de la lumière, forte et miséricordieuse, qui illumine le monde. Ce n'est qu'en lui que se trouve l'énergie surnaturelle qui peut transformer le monde selon le dessein divin.

En souhaitant à tous un travail serein et fécond, sous la conduite lumineuse de l'Esprit Saint, je donne avec affection à chacun de vous et à tous les membres des Instituts de Vie consacrée et des Sociétés de Vie apostolique ma Bénédiction apostolique paternelle.

Du Vatican, le 21 septembre 2001


  DÉCLARATION COMMUNE DU PAPE JEAN PAUL II ET DE SA SAINTETÉ KARÉKINE II


La célébration du 1700ème anniversaire de la proclamation du christianisme comme religion de l'Arménie nous a réunis - Jean-Paul II, Evêque de Rome et Pasteur de l'Eglise catholique, et Karékine II, Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens, - et nous rendons grâce à Dieu qui nous a donné cette joyeuse occasion de nous unir à nouveau dans la prière commune, dans la louange à son Nom très-saint. Béni soit la Sainte Trinité - le Père, le Fils et le Saint-Esprit - maintenant et pour toujours.

Tandis que nous commémorons ce merveilleux événement, nous rappelons avec respect, gratitude et amour, le grand confesseur de notre Seigneur Jésus-Christ, saint Grégoire l'Illuminateur, ainsi que ses collaborateurs et successeurs. Ils ont illuminé non seulement le peuple d'Arménie, mais également d'autres peuples dans les pays voisins du Caucase. Grâce à leur témoignage, leur dévouement et leur exemple, les Arméniens, en 301 après Jésus-Christ, ont été baignés par la lumière divine et se sont tournés avec ferveur vers le Christ en tant que Vérité, Vie, et Chemin de salut.

Ils ont vénéré Dieu comme leur Père, professé le Christ comme leur Seigneur et invoqué l'Esprit Saint comme leur Sanctificateur; ils ont aimé l'Eglise apostolique universelle comme leur Mère. Le commandement suprême du Christ, d'aimer Dieu par dessus-tout et notre prochain comme nous-mêmes, est devenu un mode de vie pour les Arméniens d'antan. Dotés d'une foi profonde, ils ont choisi d'apporter le témoignage de la Vérité et d'accepter la mort lorsque cela était nécessaire, afin de partager la vie éternelle. Le martyre pour l'amour du Christ est donc devenu un héritage important pour de nombreuses générations d'Arméniens. Le trésor le plus précieux qu'une génération pouvait laisser à la suivante était la fidélité à l'Evangile, afin que, par la grâce de l'Esprit Saint, les jeunes deviennent aussi résolus que leurs ancêtres dans leur témoignage de la Vérité. L'extermination d'un million et demi de chrétiens arméniens, au cours de ce qui a traditionnellement été appelé le premier génocide du XXème siècle, et l'anéantissement qui a suivi de milliers de personnes sous l'ancien régime totalitaire, sont des tragédies qui continuent de hanter la mémoire de la génération actuelle. Ces innocents qui ont été massacrés sans raison n'ont pas été canonisés, mais un grand nombre d'entre eux furent certainement confesseurs et martyrs au nom du Christ. Nous prions pour le repos de leurs âmes, et exhortons les fidèles à ne jamais perdre de vue le sens de leur sacrifice. Nous rendons grâce à Dieu pour le fait que les chrétiens d'Arménie ont survécu aux malheurs des dix-sept derniers siècles, et que l'Eglise d'Arménie est aujourd'hui libre de poursuivre sa mission et de proclamer la Bonne Nouvelle dans la République d'Arménie moderne et dans de nombreuses régions, proches et lointaines, où sont présentes des communautés arméniennes.

L'Arménie est à nouveau un pays libre, comme aux premiers jours du règne du Roi Tiridate et de saint Grégoire l'Illuminateur. Au cours des dix dernières années, le droit des citoyens dans la République naissante, à pratiquer la religion de leur choix dans la liberté a été reconnu. En Arménie et dans la diaspora, de nouvelles institutions arméniennes ont été établies, des églises ont été construites, des associations et des écoles ont été fondées. Nous reconnaissons dans tout cela la main bienveillante de Dieu. Car il a fait voir ses miracles tout au long de l'histoire d'une petite nation, qui a préservé son identité particulière grâce à sa foi chrétienne. Grâce à leur foi et à leur Eglise, les Arméniens ont développé une culture chrétienne unique, qui est véritablement une contribution très précieuse au trésor du christianisme tout entier.

L'exemple de l'Arménie chrétienne témoigne que la foi dans le Christ apporte l'espérance dans toute situation humaine, aussi difficile soit-elle. Nous prions pour que la lumière salvifique de la foi chrétienne puisse briller sur les faibles et les puissants, sur les nations développées et en voie de développement dans le monde. En particulier aujourd'hui, les difficultés et les défis de la situation internationale exigent de faire un choix entre le bien et le mal, l'obscurité et la lumière, l'humanité et l'inhumanité, la vérité et le mensonge. Les questions actuelles concernant le droit, la politique, les sciences, et la vie familiale touchent la signification même de l'humanité et sa vocation. Elles appellent les chrétiens d'aujourd'hui - autant que les martyrs d'autres temps - à apporter le témoignage de la Vérité, même au risque d'un coût élevé.

Ce témoignage sera d'autant plus convaincant si tous les disciples du Christ professent ensemble la foi unique et guérissent les blessures de la division parmi eux. Puisse l'Esprit Saint guider les chrétiens, et tous les peuples de bonne volonté sur la voie de la réconciliation et de la fraternité. Ici, à Sainte Etchmiadzine, nous renouvelons notre engagement solennel à prier et à oeuvrer pour hâter le jour de la communion entre tous les membres du troupeau des fidèles du Christ, avec un profond respect pour nos traditions sacrées respectives.

Avec l'aide de Dieu nous ne ferons rien contre l'amour mais, "entourés d'une si grande nuée de témoins, nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l'épreuve qui nous est proposée" (cf. He He 12,1).

Nous exhortons nos fidèles à prier sans relâche afin que l'Esprit Saint nous emplisse tous, comme il l'a fait avec les saints martyrs de toute époque et de tout lieu, de la sagesse et du courage de suivre le Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie.

Sainte Etchmiadzine, 27 septembre 2001


  CÉRÉMONIE DE DÉPART

Aéroport international Zvartnotz, Yerevan, 27 septembre 2001



Excellence, M. le Président Kotcharian,
Votre Sainteté,
Très chers amis arméniens!

1. Le temps est venu de prendre congé et de vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que les membres du gouvernement, pour la chaleureuse hospitalité que j'ai trouvée en Arménie. Je suis reconnaissant à tous, aux autorités et aux collaborateurs, civils et militaires, aux hommes et aux femmes de la communication, à tous ceux qui ont consacré leur temps et leurs talents au succès de cette visite.

Avec une profonde émotion, j'exprime à Votre Sainteté, Patriarche suprême et Catholicos, ma gratitude, ainsi qu'à la Hiérarchie et aux fidèles de l'Eglise apostolique arménienne pour l'esprit d'amour fraternel et de communion que nous avons partagé en ces jours.


2. Je vous salue avec affection, très chers Mgr Der Nersessian, Mgr Kechichian, Mgr Pasotto; ainsi que vous, prêtres, hommes et femmes consacrés et fidèles laïcs de l'Eglise catholique; avec une joie intense, nous avons célébré ensemble le mystère de notre foi, et j'ai ressenti personnellement votre désir d'oeuvrer avec vos compatriotes pour une plus grande justice et pour une vie meilleure des citoyens arméniens. Le Pape vous porte dans son coeur et Dieu lui-même vous donnera la force d'affronter les défis qui s'ouvrent à vous.

Je désire manifester une fois de plus mon estime à l'égard des représentants de toutes les Eglises et communautés ecclésiales, qui ont pris part aux étapes de ma visite. Que tous les fidèles du Christ croissent dans la confiance et dans l'amitié oecuménique, tandis que nous entrons dans le Troisième Millénaire et que nous poursuivons la voie d'une union et d'une collaboration toujours plus étroites!


3. Merci à toi, peuple d'Arménie, pour la chaleur de ton amitié, pour la prière que nous avons partagée, pour ton désir ardent d'unité des chrétiens. Merci surtout pour le témoignage de ta foi; une foi que tu n'as jamais abandonnée au cours des périodes sombres; une foi qui demeure profondément enracinée dans tes familles et dans ta vie nationale.

Tout au long de l'histoire, le mont Ararat a été un symbole de stabilité et une source de confiance pour le peuple arménien. De nombreuses fois, cette stabilité et cette confiance ont été mises à rude épreuve par la violence et la persécution. Le peuple arménien a payé cher son existence de frontière, de sorte que les termes de "sainteté" et de "martyre" sont devenus presque synonymes dans votre vocabulaire. Les terribles événements qui, au début du siècle qui vient de s'achever, ont conduit votre peuple "au bord de l'anéantissement", les longues années d'oppression totalitaire, la destruction provoquée par un tremblement de terre désastreux; aucun de ces faits n'a pu empêcher l'âme arménienne de retrouver courage et de récupérer sa profonde dignité.


4. C'est vrai, vous vivez des années difficiles et votre coeur est parfois las et tourmenté. Un grand nombre de vos jeunes ont quitté la terre où ils sont nés; il n'y a pas suffisamment de travail et la pauvreté persiste; il est difficile de continuer à oeuvrer pour le bien commun. Mais, très chers amis arméniens, demeurez fermes dans l'espérance! Rappelez-vous que vous avez placé votre confiance en Christ et que vous lui avez dit oui pour toujours.

Soutenus par vos frères et soeurs arméniens dans le monde entier, soyez engagés dans le devoir de reconstruire dans la liberté votre pays et votre société.

Le temps est venu pour votre nation de rassembler ses ressources culturelles et ses énergies spirituelles dans un grand effort concerté en vue de promouvoir son développement et sa prospérité sur la base des vérités fondamentales de son héritage chrétien; la dignité de chaque être humain, la centralité de la personne dans toute relation et situation; l'impératif moral de l'égalité, de justice pour tous et de solidarité envers les plus faibles et les moins chanceux. Je prie en outre le Seigneur pour que les dirigeants de l'Arménie et des autres peuples de la région aient la sagesse et la persévérance d'avancer courageusement sur le sentier de la paix, car sans la paix, il ne pourra y avoir ni véritable développement ni prospérité.


5. En vous quittant, je suis empli de confiance, car j'ai vu votre capacité de reprise et la noblesse de vos aspirations. Que retentissent toujours dans le coeur des Arméniens les paroles de votre grand poète Hovannès Tumaniàn sur la patrie: "Tu demeures vivante, debout dans tes blessures, / sur le chemin mystérieux du passé, du présent, / debout, sage, soucieuse et triste, avec ton Dieu... / Et l'aube viendra, où la vie sera heureuse, / cette lumière à la fin dans des milliers d'âmes / et sur les flancs sacrés de ton mont Ararat / Irradiera à la fin le feu de l'avenir. / Alors des chants nouveaux et des poèmes nouveaux / avec l'aube apparaîtront sur les lèvres des poètes".

Que saint Grégoire l'Illuminateur et le grand nombre de martyrs et de saints arméniens veillent sur votre présent et sur votre avenir! Que la Mère du Christ, Arche de la Nouvelle Alliance, guide l'Arménie à la paix qui existe au-delà du déluge, la paix de Dieu qui a placé son arc-en-ciel entre les nuages en signe de son amour qui n'a pas de fin (cf. Gn 9,13).

Merci, Monsieur le Président!
Merci, très cher Frère Karékine! Merci à vous tous!
Octobre 2001




BÉNÉDICTION DE LA CHAPELLE DU SYNODE ET ALLUMAGE DE LA LAMPE AVEC LA LUMIÈRE PROVENANT DU PUITS DE SAINT GRÉGOIRE L'ILLUMINATEUR

Lundi 1er octobre 2001




Frères et Soeurs, chers Pères synodaux,

"quelle joie quand ils m'ont dit:

nous irons à la maison du Seigneur".


Et maintenant nos pieds se posent

dans cette chapelle rénovée

coeur des assises synodales

et de nombreuses rencontres ecclésiales.


Que de ce lieu monte, fervente, la bénédiction

au Dieu de nos Pères et du Seigneur Jésus-Christ:

qu'Il soit Lui-même bénédiction

pour ceux qui feront ici une halte de prière.


Au terme du voyage apostolique en Arménie

le Catholicos de tous les Arméniens

nous a confié, en signe de communion,

la lumière provenant du puits

de saint Grégoire l'Illuminateur.


Avec elle sera allumée la lampe

qui continuera de brûler en ce lieu.


Que cette lumière soit pour l'Eglise d'Occident

une invitation pérenne

à respirer à deux poumons

avec l'Eglise d'Orient.



  MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS À LA VIème RENCONTRE NATIONALE DES ENSEIGNANTS UNIVERSITAIRES CATHOLIQUES ITALIENS


Chers enseignants universitaires!

1. Un an s'est écoulé depuis la rencontre que nous avons eue dans le cadre du Jubilé, mais l'élan que vous avez pu tirer de ces journées particulièrement riches n'a pas diminué.

Elles ont constitué tout d'abord tout l'occasion d'une rencontre personnelle avec Lui, Jésus Seigneur, notre unique Maître, avant tout. C'est Lui la source vive, le centre du rayonnement, la nourriture qui, à travers la Parole et l'Eucharistie, devient une expérience intérieure.

Cela a été également l'occasion d'un approfondissement toujours plus grand de la conscience ecclésiale, dans la réciprocité de la communion, et dans le soutien fraternel entre ceux qui se reconnaissent en Christ comme membres d'une même grande famille. Il s'en est suivi un élan de témoignage renouvelé, visant à faire vivre, au milieu du travail universitaire quotidien, le dynamisme d'une présence significative, généreuse, authentique.

Vous vous êtes à nouveau rassemblés pour cette Rencontre, en accueillant l'invitation à "prendre le large" que j'ai indiqué, comme horizon d'espérance et d'action à toute l'Eglise, et donc à vous également, afin que vous réfléchissiez sur les conséquences concrètes que la perspective du nouvel humanisme comporte pour la vie de vos Universités.



2. Notre époque est marquée par de grandes transformations et des institutions anciennes et vénérables, comme le sont nombre d'Universités italiennes, sont appelées à se renouveler, elles aussi. Dans ce processus se mêlent de très nombreux facteurs, parfois véritablement nobles et dignes; d'autres fois, en revanche, plus discutables, faisant courir le risque de réduire le savoir à un moyen de s'affirmer, en rabaissant la profession d'enseignant au rang d'apprentissage de type utilitaire et pragmatique.

L'Enseignant est un maître. Il ne transmet pas le savoir comme s'il s'agissait d'un objet de consommation, mais il établit tout d'abord une relation de savoir qui, même lorsqu'elle ne peut aboutir à une rencontre personnelle du fait du trop grand nombre d'étudiants, devient alors parole de vie avant d'être transmission de notions. L'Enseignant enseigne au sens premier du terme. C'est-à-dire qu'il offre un apport substantiel en vue de la formation de la personnalité; il éduque, selon l'antique image socratique, en aidant à découvrir et à mettre en oeuvre les capacités et les dons de chacun. Il forme, selon la conception humaniste qui ne limite pas ce terme à la nécessaire acquisition de compétences professionnelles, mais les encadre au sein d'une construction solide et d'une corrélation transparente de significations vitales.

3. Vous avez été appelés à l'enseignement. Il s'agit d'une vocation, d'une vocation chrétienne. Parfois, elle est ressentie comme un projet dès le plus jeune âge; parfois, elle se révèle à travers des événements apparemment fortuits, mais en réalité providentiels qui marquent la vie de chacun. Là, en chaire, Dieu vous a appelés par votre nom en vue d'un service irremplaçable à la vérité de l'homme.

C'est là le coeur du nouvel humanisme. Il se concrétise dans la capacité de montrer que la parole de la foi est réellement une force qui illumine la connaissance, la libère de toute forme d'esclavage et la rend capable de bien. Les jeunes générations attendent de vous de nouvelles synthèses du savoir; non pas de type encyclopédique, mais humaniste. Il est nécessaire de vaincre la dispersion qui désoriente et de définir des profils ouverts, capables de motiver l'engagement de la recherche et de la communication du savoir, et, dans le même temps, permettant de former des personnes qui ne finissent pas par retourner contre l'homme les possibilités immenses et terribles que le progrès scientifique et technique a réalisées à notre époque. Comme aux débuts de l'humanité, aujourd'hui encore, quand l'homme veut disposer à son gré des fruits de l'arbre de la connaissance, il finit par devenir un triste artisan de peur, d'affrontement et de mort.

4. La réforme en cours en Italie, qui concerne l'école et l'université, concerne également la pastorale ecclésiale, tant pour dépasser les formes de stagnation du dialogue culturel, que pour promouvoir de façon nouvelle la rencontre entre les intelligences humaines, en encourageant la recherche de la vérité, l'élaboration scientifique et la transmission culturelle. On devrait redécouvrir aussi aujourd'hui une recherche de l'unité du savoir - qui est le propre de l'universitas - en faisant preuve d'un courage novateur dans la définition de parcours d'études basés sur un projet culturel et de formations de grande qualité qui soient au service de l'homme, de tout l'homme.

Dans cette oeuvre, l'Eglise - qui regarde avec attention l'Université parce qu'elle a beaucoup reçu d'elle et qu'elle en attend beaucoup - a sa contribution à apporter. D'abord et avant tout, en rappelant sans cesse que "le coeur de toute culture est constitué par son approche du plus grand des mystères: le mystère de Dieu" (Discours aux Nations unies à l'occasion du 50ème anniversaire de la fondation de l'Organisation, n. 9, Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. XVIII/2, 1995, p. 738; cf. ORLF n. 41 du 10 octobre 1995). En rappelant en outre que seule cette verticalité absolue - de celui qui croit, et par suite, cherche toujours à approfondir la vérité rencontrée, mais également de celui qui cherche et se trouve par là sur le chemin de la foi - la culture et le savoir s'illuminent de vérité et s'offrent à l'homme comme don de vie.


5. L'humanisme chrétien n'est pas abstrait. La liberté de la recherche, si précieuse, ne peut signifier neutralité indifférente face à la vérité. L'Université est appelée à devenir toujours davantage un laboratoire dans lequel est cultivé et se développe un humanisme universel, ouvert à la dimension spirituelle de la vérité.

Le service de la vérité représente une mission fondamentale de l'Université. Elle rappelle la dimension contemplative du savoir qui représente l'aspect humaniste de chaque discipline dans les différents secteurs que vous affrontez au cours de votre Colloque. De cette attitude intérieure dérive la capacité à observer le sens des événements et à valoriser les découvertes les plus audacieuses. Le service de la vérité est le sceau de l'intelligence libre et ouverte. C'est seulement en incarnant ces convictions dans son style quotidien que l'enseignant universitaire devient porteur d'espérance pour la vie personnelle et sociale. Les chrétiens sont appelés à rendre témoignage à la dignité de la raison humaine, à ses exigences et à sa capacité de rechercher et de connaître la réalité en dépassant de cette manière le scepticisme épistémologique, les réductions idéologiques du rationalisme et les dérives nihilistes de la pensée faible.

La foi est capable d'engendrer la culture. Elle ne craint pas la confrontation culturelle ouverte et franche. Sa certitude ne ressemble en rien au raidissement idéologique dicté par les préjugés. Elle est une claire lumière de vérité, qui ne s'oppose pas aux richesses de l'ingéniosité mais seulement à l'ombre de l'erreur. La foi chrétienne illumine et clarifie l'existence dans chacun de ses milieux. Animé par cette richesse intérieure, le chrétien la diffuse avec courage et en témoigne avec cohérence.


6. La culture ne peut se réduire aux domaines d'utilisation instrumentale: l'homme est et se doit de demeurer en son centre, avec sa dignité et son ouverture sur l'Absolu. L'oeuvre délicate et complexe d'"évangélisation de la culture" et d'"inculturation de la foi" ne se contente pas de simples ajustements, mais exige une nouvelle réflexion fidèle et une nouvelle forme d'expression de l'instrument méthodologique que l'Eglise italienne a voulu se donner dans ces derniers temps: le "projet culturel orienté dans une optique chrétienne". Il naît de la conscience que "la synthèse entre la culture et la foi n'est pas seulement une exigence de la culture mais aussi de la foi... Une foi qui ne devient pas culture est une foi qui n'est pas pleinement accueillie ni entièrement pensée, pas plus qu'elle n'est fidèlement vécue" (Jean-Paul II, Lettre instituant le Conseil pontifical de la Culture, 1982).

L'exercice de la charité intellectuelle répond à cette exigence profonde. C'est l'engagement spécifique que les universitaires catholiques sont appelés à réaliser dans la conviction que la force de l'Evangile est capable d'un renouvellement profond. Que le "Logos" de Dieu rencontre le "logos" humain et devienne le "dialogos": telle est l'attente et le souhait de l'Eglise pour l'Université et le monde de la culture.

Que le nouvel humanisme soit pour vous une perspective, un projet, un engagement. Il deviendra alors une vocation à la sainteté pour ceux qui oeuvrent au sein de l'Université. En ce début de nouveau millénaire, vous êtes appelés à cette "mesure élevée".

Pour confirmer mes voeux pour votre Rencontre, j'invoque sur les travaux l'abondance de la lumière céleste et j'envoie à chacun d'entre vous, ainsi qu'à vos familles, une Bénédiction apostolique spéciale.

Du Vatican, le 4 octobre 2001.

 


Discours 2001 - Aéroport international Zvartnotz, Yerevan, mardi 25 septembre 2001