Discours 2001 - Place Saint Pierre, Samedi 20 octobre 2001


À SA BÉATITUDE IGNACE IV HAZIM, PATRIARCHE GREC-ORTHODOXE D'ANTIOCHE

Lundi 22 octobre 2001


Grâce, joie et consolation m'ont été apportées par ton amour, frère (cf. Phm Phm 1,7)

Béatitude,

Comme elles sont vraies, aujourd'hui encore, ces paroles de Paul, alors que je garde un très vif souvenir de mon pèlerinage en Syrie, notamment de la célébration oecuménique de la Parole que nous avons présidée ensemble avec nos autres frères en la cathédrale de la Dormition de la Vierge à Damas, le 5 mai dernier! Et voilà que vous venez me rendre visite à Rome, Béatitude, au moment où vous regagnez le vénérable siège d'Antioche.

A travers nos rencontres, le Seigneur nous donne des signes clairs de la fraternité dont parle le billet à Philémon. Nos échanges nous montrent que nous parcourons la bonne route, celle que le Seigneur ne cesse de nous indiquer, la route qui mène à la pleine communion. En mai 1983, suivant les pas des Apôtres Pierre et Paul qui avaient fait pour la première fois retentir la Parole à Antioche et qui ont donné leur beau témoignage à Rome, vous m'avez rendu visite à Rome, pour la première fois, afin que nous avancions résolument ensemble sur la voie de l'unité dans la foi et de la connaissance du Fils de Dieu (cf. Ep 4,13). A mon tour, au cours de cette année, j'ai pu me rendre chez vous, parcourant la route suivie par les Apôtres, m'appliquant, comme vous, cher Frère, à obéir à la vérité, "pour pratiquer un amour fraternel sans hypocrisie", pour montrer que nous nous aimons "d'un coeur pur, avec constance", soutenus "par la Parole de Dieu vivante et permanente", par laquelle nous grandissons pour le salut (cf. 1P 1,22-24).

Nous souffrons, car notre marche est parfois ralentie. Il arrive que l'amour, doux et paisible, compatissant et miséricordieux, qui nous anime soit terni en cours de route par l'habitude de l'affrontement, par l'impuissance à trouver une expression commune, par l'oubli de la prière du Christ: "Je prie pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi: que tous soient un" (Jn 17,20-21).

Comme moi, vous savez, Béatitude, ce que suppose le long chemin de l'unité et de la réconciliation entre les frères, vous qui êtes un artisan de la première heure dans les efforts de rapprochement entre l'Orient et l'Occident; vous avez appuyé, dès le début, le dialogue théologique entre l'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes dans leur ensemble. Aujourd'hui nous implorons du Seigneur la grâce et la force pour aller au-delà des piétinements du dialogue, dus à des tâtonnements infructueux, car le Sauveur nous a déjà indiqué le chemin, en nous rappelant qu'en ce monde l'expérience de l'adversité est inséparable de notre pleine assurance, car il a vaincu le monde (cf. Jn 16,33)! Je sais, Béatitude, que, comme moi, vous ne cessez de prier, de réfléchir, d'oeuvrer, de convaincre, pour que soit aplanie la route. Le dialogue théologique ne doit pas être ballotté par le vent du découragement ou laissé à la dérive de l'indifférence et du manque d'espérance.

Dans cette perspective, votre visite, Béatitude, est une nouvelle occasion qui nous est donnée de renouer et de raffermir, devant Dieu et dans le Christ, les liens de fraternité qui nous unissent. Je vous en remercie profondément et je remercie ceux qui vous accompagnent. Je sais qu'ils participent à votre ministère de pasteur et qu'ils secondent vos efforts de réconciliation.

Grâce, joie et consolation m'ont été apportées par votre amour, frères. Je vous demande d'assurer les Evêques, les prêtres et tout le peuple fidèle du Patriarcat d'Antioche que le pèlerinage de l'Evêque de Rome vers les lieux où Pierre et Paul ont prêché la Parole de Dieu n'a pas été vain. Il fut le renouvellement de la promesse faite dès le début de mon pontificat de faire de la marche vers l'unité une de mes priorités pastorales. Puissions-nous tous être dociles à l'appel de l'Esprit qui nous oriente vers l'unité pleine et visible, et ne jamais faire obstacle à l'amour que Dieu porte à l'humanité entière en Jésus Christ [cf. Discours aux Cardinaux et à la Curie romaine (28 juin 1985), n. 4; Encyclique Ut unum sint, n. 99]! C'est dans ces sentiments que je vous redis mon amour fraternel dans le Christ.

  

AUX MEMBRES DE LA "FONDATION JEAN PAUL II" À L'OCCASION DU VINGTIÈME ANNIVERSAIRE DE SA CRÉATION

Mardi 23 octobre 2001




Mesdames, Messieurs,

Je vous salue tous très cordialement, vous qui êtes venus à Rome pour célébrer solennellement le vingtième anniversaire de la Fondation Jean-Paul II. Je salue le Conseil de la Fondation et notamment son Président, Mgr Szczepan Wesoly, les directeurs des différentes institutions de la Fondation, ainsi que les Présidents et les membres des Cercles des Amis de la Fondation provenant de Belgique, du Danemark, de France, d'Indonésie, d'Espagne, du Canada, du Mexique, d'Allemagne, de Pologne, de Singapour, des Etats-Unis d'Amérique, de Suède, du Venezuela et de Grande-Bretagne. Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer et vous accueillir aujourd'hui.

Quand j'ai institué la Fondation, voici vingt ans, je désirais qu'elle entreprenne une vaste activité: culturelle, scientifique, sociale et pastorale. Je voulais que soit créé un lieu qui soutiendrait et approfondirait les liens entre le Saint-Siège et la nation polonaise, et qui s'occuperait de la diffusion, à travers le monde, du patrimoine de la culture chrétienne et du magistère de l'Eglise. De ce souhait naquit votre programme. Il prévoyait que la Fondation aurait accompli un effort visant à recueillir la documentation relative au Pontificat et à diffuser l'enseignement pontifical et le magistère de l'Eglise. La deuxième mission devait être la promotion de la culture chrétienne par des prises de contact et grâce à la collaboration de centres scientifiques et artistiques polonais et internationaux, ainsi que grâce à l'aide offerte aux jeunes en particulier à ceux originaires d'Europe centrale et orientale en matière d'éducation. Le siège de la Fondation devait être la Maison polonaise de la via Cassia, à Rome. Elle devait devenir "le point de rencontre avec les cultures et les traditions, avec différents courants d'histoire dans le cadre d'une grande culture qui est la culture chrétienne, la tradition chrétienne, l'histoire de l'Eglise et aussi l'histoire de l'humanité" (Audience du 7 novembre 1981, cf. ORLF n. 46, du 17 novembre 1981).

Si aujourd'hui, vingt ans après, je reviens sur ces prémisses, c'est parce qu'il me semble qu'il est désormais possible, en référence à celles-ci, de tenter d'évaluer l'activité de la Fondation. Ce n'est pas une tâche difficile. Chaque année, en effet, le Conseil de la Fondation m'a présenté un rapport détaillé à partir duquel il est facile de se rendre compte de l'activité accomplie. J'ai ain-si été amené à savoir que, grâce aux initiatives de trente-six Cercles des Amis de la Fondation, présents dans quatorze pays, et grâce à la générosité de milliers d'hommes de bonne volonté agissant dans le monde entier, il a été créé un fonds qui garantit le bon fonctionnement de quatre institutions importantes: la Maison polonaise à Rome, le Centre de Documentation du Pontificat, l'Institut de Culture chrétienne et la Maison de la Fondation Jean-Paul II à Lublin. Je sais aussi que la Maison de Rome offre une aide importante, au niveau de l'organisation et de la pastorale, aux pèlerins qui se rendent sur les tombes des Apôtres. Le Centre de Documentation du Pontificat tend à devenir un authentique centre d'information qui ne s'occupe pas simplement de l'activité et de l'enseignement du Pape, mais aussi de la vie de l'Eglise dans la réalité complexe du monde d'aujourd'hui et cela au cours des vingt-trois dernières années. La Maison polonaise et le Centre de Documentation fournissent une base matérielle et spirituelle à l'activité de l'Institut de Culture chrétienne de Rome. Ce dernier prend des contacts avec les milieux scientifiques et artistiques en Pologne et partout dans le monde. D'un côté, il s'efforce de soutenir le souvenir des racines chrétiennes de notre culture, de l'autre, il s'efforce de former des élites, qui transmettront cet esprit chrétien aux générations à venir en Europe et sur les autres continents. Dans le cadre de l'"Université d'été", les jeunes du monde entier ont la possibilité de connaître l'histoire de laquelle naît la tradition chrétienne, ainsi que l'aujourd'hui de l'Eglise et du monde dans lequel cette tradition trouve sa propre continuité.

L'initiative à propos de laquelle il faut peut-être le plus se réjouir est l'institution d'un fonds pour des bourses destinées aux jeunes d'Europe centrale et orientale et des autres pays de l'ex-Union soviétique. Selon mes informations, plus de cent-soixante-dix diplômés sont passés par les portes accueillantes de la Maison de la Fondation, à Lublin. Après avoir suivi des études dans différentes disciplines à l'Université catholique de Lublin et dans les autres universités polonaises, ils retournent dans leurs patries, devenus des promoteurs zélés de la science et de la culture basées sur le fondement solide des valeurs éternelles. Les autres cent-quarante-cinq boursiers poursuivent leurs études. J'ai pu récemment les accueillir ici et les connaître personnellement. Combien cette oeuvre est précieuse! Qui investit dans l'homme, dans son développement intégral, n'est jamais perdant! Les fruits de cet investissement ne dépérissent pas.

Si la Fondation, après vingt années d'activité, peut dire exegi monumentum, c'est justement en pensant à un monument spirituel sculpté dans les coeurs et les esprits des personnes, des milieux sociaux et de la société tout entière, de manière continue et sans bruit. Il n'existe pas de monument plus grand et plus durable pour notre temps que celui qui est forgé dans le bronze de la science et de la culture.

Mon remerciement cordial va à tous ceux qui, au cours de ces vingt années, ont soutenu de quelque manière l'activité de la Fondation et à ceux qui guidèrent cette activité avec sagesse et dévouement. Je vous en prie, poursuivez cette grande oeuvre. Qu'elle continue à se développer. Que l'effort commun soutenu par l'aide de Dieu continue à produire des fruits magnifiques.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie tous d'être venus et d'avoir participé à cette rencontre. Que Dieu vous bénisse tous!

Je salue ceux qui proviennent de pays anglophones. A vous tous, qui vous êtes engagés à soutenir les idéaux et les oeuvres de la Fondation Jean-Paul II, j'exprime mon soutien et ma profonde gratitude. Vous tentez de transmettre notre héritage chrétien aux générations à venir, faisant mieux connaître des éléments importants de la culture qui a nourri et alimenté l'esprit polonais dans sa recherche constante de l'excellence. Au cours de ses vingt années de vie, la Fondation a fait beaucoup. Je suis particulièrement heureux des objectifs qui ont pu être atteints dans le secteur vital de l'assistance à l'éducation et à la formation d'hommes et de femmes qui porteront l'empreinte d'une sagesse et d'une expérience humaine dont le monde a un besoin pressant.

Chers amis de la Fondation, vous provenez de nombreux pays. Vous êtes, comme toujours, un signe de l'universalité des vérités et des valeurs de notre héritage. Elles sont universelles parce que profondément imprégnées du message évangélique de salut en Jésus-Christ. Que le Seigneur vous soutienne, ainsi que vos familles, dans le don de la foi reçu à travers cet héritage! Merci.


  MESSAGE AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL "MATTEO RICCI: POUR UN DIALOGUE ENTRE LA CHINE ET L'OCCIDENT"  


  1. Mesdames, Messieurs, c'est avec une joie profonde que je m'adresse à vous, à l'occasion du Congrès international, organisé pour commémorer le 400 anniversaire de l'arrivée à Pékin du grand missionnaire, lettré et scientifique italien, le Père Matteo Ricci, célèbre fils de la Compagnie de Jésus. J'adresse un salut particulier au Recteur Magnifique de l'Université pontificale grégorienne et aux responsables de l'Institut italo-chinois, les deux Institutions qui ont promu et organisé ce Colloque. En vous accueillant avec une vive cordialité, je suis particulièrement heureux d'adresser un salut respectueux aux chercheurs venus de Chine, patrie d'adoption bien-aimée du Père Ricci.

Je sais que votre Colloque romain se situe, d'une certaine façon, en continuité avec l'important Symposium international qui s'est déroulé ces jours derniers à Pékin (14-17 octobre) et qui portait sur le thème suivant: Encounters and Dialogues ("Rencontres et Dialogues"), en particulier dans le cadre des échanges culturels entre la Chine et l'Occident à l'époque de la fin de la dynastie Ming et au début de la dynastie Qing. En effet, au cours de cette rencontre l'attention des chercheurs s'est également portée sur l'oeuvre incomparable que le Père Matteo Ricci accomplit dans ce pays.

2. La rencontre d'aujourd'hui nous conduit tous par l'esprit et par les sentiments à Pékin, la grande capitale de la Chine moderne, capitale de l'"Empire du Milieu" au temps du Père Ricci. Après avoir étudié pendant vingt-et-un ans, de façon attentive et passionnée, la langue, l'histoire et la culture de la Chine, il entrait à Pékin, résidence de l'Empereur, le 24 janvier 1601. Accueilli avec tous les honneurs, estimé et souvent consulté par des lettrés, des mandarins et des personnes souhaitant apprendre les nouvelles sciences dont il était un fervent amateur, il vécut le reste de ses jours dans la capitale impériale, où il mourut saintement le 11 mai 1610, à l'âge de 57 ans, dont presque 28 années passées en Chine. J'ai plaisir à rappeler ici que, lorsqu’il arriva à Pékin, il écrivit à l'Empereur Wan-li un Mémorial dans lequel, en se présentant comme religieux et célibataire, il ne demandait aucun privilège à la cour, mais uniquement de pouvoir mettre au service de Sa Majesté sa propre personne et ce qu'il avait pu apprendre sur les sciences dans le "grand Occident", dont il était originaire (cf. Oeuvres historiques du P. Matteo Ricci, s.j., vol. II, Macerata 1913, 496s). La réaction de l'Empereur fut positive, donnant ainsi une plus grande signification et importance à la présence catholique dans la Chine moderne.

Cette même Chine éprouve, depuis quatre siècles, une profonde considération pour Li Madou, "le Sage d'Occident", comme fut désigné et est encore appelé le Père Matteo Ricci. Historiquement et culturellement il a été, en tant que pionnier, un précieux anneau de jonction entre la culture européenne de la renaissance et la culture de la Chine, ainsi que, réciproquement, entre la civilisation chinoise, antique et avancée, et le monde européen.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le noter, avec une intime conviction, en m'adressant aux participants au Colloque international d'études sur le Père Ricci, organisé pour le IV centenaire de l'arrivée de Matteo Ricci en Chine (1582-1982), il joua un rôle de grand mérite dans l'inculturation: il élabora la terminologie chinoise de la théologie et de la liturgie catholique, créant ainsi les conditions pour faire connaître le Christ et incarner son message évangélique et l'Eglise dans le contexte de la culture chinoise (cf. Insegnamenti di Giovanni Paolo II, II, vol. V/3, 1982, Libreria Editrice Vaticana, 1982, 923-925). Le Père Matteo Ricci devint tellement "Chinois avec les Chinois" qu'il se transforma en véritable sinologue, au sens culturel et spirituel le plus profond du terme, car il sut atteindre dans sa personne une extraordinaire harmonie intérieure entre le prêtre et le chercheur, entre le catholique et l'orientaliste, entre l'italien et le chinois.

3. Quatre cents ans après l'arrivée de Matteo Ricci à Pékin, nous ne pouvons que nous demander quel est le message qu'il peut offrir à la grande nation chinoise et à l'Eglise catholique, auxquelles il se sentit toujours profondément lié et desquelles il fut sincèrement apprécié et aimé.

Un des aspects qui rendent l'oeuvre du Père Ricci en Chine originale et toujours actuelle, est la profonde sympathie qu'il nourrit dès le début à l'égard du peuple chinois, en ce qui concerne son histoire, sa culture et ses traditions. Le petit Traité sur l'Amitié (De Amicitia - Jiaoyoulun), qui remporta un grand succès en Chine dès la première édition parue à Nankin en 1595, et le vaste et intense réseau d'amitiés qu'il développa et cultiva au cours de ses 28 années de vie dans ce pays, demeurent un témoignage irréfutable de sa loyauté, de sa sincérité et de sa fraternité envers le peuple qui l'avait accueilli. Ces sentiments et ces attitudes de très profond respect naissaient de l'estime qu'il éprouvait pour la culture de la Chine, au point de le conduire à étudier, traduire et expliquer l'antique tradition confucianiste, proposant ainsi une revalorisation des classiques chinois.

Dès les premiers contacts avec les Chinois, le père Ricci fonda toute sa méthodologie scientifique et apostolique sur deux piliers, auxquels il resta fidèle jusqu'à la mort, malgré les multiples difficultés et incompréhensions internes et externes: premièrement, les néophytes chinois qui embrassaient le christianisme ne devaient en aucune façon manquer de loyauté à l'égard de leur pays; deuxièmement, la révélation chrétienne sur le mystère de Dieu n'annihilait absolument pas, mais valorisait et complétait même ce qui était beau et bon, juste et saint, dans l'antique tradition chinoise, ce dont elle avait eu l'intuition et qu'elle avait transmis. C'est sur cette intuition que le Père Ricci, de la même façon que l'avaient fait les Pères de l'Eglise des siècles passés, lors de la rencontre entre le message de l'Evangile de Jésus-Christ et la culture gréco-romaine, fonda tout son patient et clairvoyant travail d'inculturation de la foi en Chine, en cherchant constamment un terrain commun d'entente avec les sages de ce grand pays.

4. Le peuple chinois est tourné, en particulier ces derniers temps, vers l'obtention d'objectifs significatifs en matière de progrès social. L'Eglise catholique, quant à elle, considère avec respect cet élan surprenant et ces projets clairvoyants d'initiatives, et elle offre avec discrétion sa propre contribution dans la promotion et dans la défense de la personne humaine, de ses valeurs, de sa spiritualité et de sa vocation transcendante. L'Eglise a particulièrement à coeur des valeurs et des objectifs qui sont également d'une importance primordiale pour la Chine moderne: la solidarité, la paix, la justice sociale, le développement intelligent du phénomène de la mondialisation, le progrès civil de tous les peuples.

Comme l'écrivait précisément à Pékin le Père Ricci, en rédigeant au cours des deux dernières années de sa vie l'oeuvre avanguardiste fondamentale destinée à faire connaître la Chine au reste du monde, intitulée De l'Entrée de la Compagnie de Jésus et de la Chrétienté en Chine (cf. Fonti Ricciane, a cura di Pasquale M. D'Elia S.I., vol. 2, Roma 1949, n. 617, p. 152), l'Eglise catholique d'aujourd'hui ne demande aucun privilège à la Chine et à ses Autorités politiques, mais uniquement de pouvoir reprendre le dialogue, afin de parvenir à une relation empreinte de respect réciproque et de connaissance approfondie.

5. A l'exemple de cet éminent fils de l'Eglise catholique, je désire réaffirmer que le Saint Siège considère le peuple chinois avec une profonde sympathie et avec une grande attention. On connaît les pas importants que celui-ci a accomplis, à une époque récente, dans les domaines social, économique et éducatif, tout en continuant à faire face à des difficultés nombreuses et persistantes. Que la Chine le sache: l'Eglise catholique a la vive intention d'offrir, encore une fois, un service humble et désintéressé pour le bien des catholiques chinois et pour celui de tous les habitants du pays. A ce propos, qu'il me soit permis de rappeler ici le profond engagement évangélique d'une longue série de généreux missionnaires, hommes et femmes, ainsi que les oeuvres de promotion humaine qu'ils ont accomplies au cours des siècles: ils lancèrent les initiatives sociales importantes et nombreuses, en particulier dans le domaine de la santé et de l'éducation, qui reçurent un vaste accueil reconnaissant de la part du peuple chinois.

Cependant, l'histoire nous rappelle malheureusement que l'action des membres de l'Eglise en Chine n'a pas été toujours exempte d'erreurs, fruits amers des limites de l'âme et de l'action humaine, et que, de plus, elle a été conditionnée par des situations difficiles, liées à des événements historiques complexes et à des intérêts politiques opposés. Des disputes théologiques ne manquèrent pas non plus, exacerbant les esprits et créant de graves difficultés dans le processus d'évangélisation. Au cours de différentes périodes de l'histoire moderne, une certaine "protection" de la part de puissances politiques européennes se révéla, à de nombreuses reprises, limitative de la liberté d'action même de l'Eglise et eut des répercussions négatives pour la Chine: ce sont des situations et des événements qui influencèrent le chemin de l'Eglise, l'empêchant d'accomplir en plénitude - en faveur du peuple chinois - la mission qui lui avait été confiée par son Fondateur, Jésus-Christ.

J'éprouve un profond regret pour ces erreurs et ces limites du passé, et je suis navré qu'elles aient engendré chez de nombreuses personnes l'impression d'un manque de respect et d'estime de l'Eglise catholique à l'égard du Peuple chinois, les incitant à penser que celle-ci a été inspirée par des sentiments d'hostilité à l'égard de la Chine. Pour tout cela je demande le pardon et la compréhension de ceux qui se sont sentis, d'une certaine façon, blessés par ces formes d'action des chrétiens.

L'Eglise ne doit pas avoir peur de la vérité historique et elle est disposée - même au prix d'une profonde souffrance - à admettre les responsabilités de ses enfants. Cela vaut également pour ce qui concerne ses relations, passées et récentes, avec le Peuple chinois. La vérité historique doit être recherchée avec sérénité et impartialité, de façon exhaustive. Il s'agit d'une tâche importante, qui doit être prise en charge par les chercheurs et à laquelle vous pouvez contribuer vous aussi, qui connaissez particulièrement la réalité chinoise. Je peux vous assurer que le Saint-Siège est toujours prêt à offrir sa propre disponibilité et sa collaboration en ce qui concerne ce travail de recherche.

6. En cette heure, les paroles que le Père Ricci écrivait au début de son Traité sur l'Amitié (nn. 1 et 3) redeviennent actuelles. En apportant au coeur de la culture et de la civilisation de la Chine de la fin du XVIème siècle l'héritage de la réflexion classique gréco-romaine et chrétienne sur l'amitié elle-même, il définissait l'ami comme "la moitié de soi-même, et même un autre moi". Dès lors, "la raison d'être de l'amitié est le besoin mutuel et l'aide mutuelle".

C'est avec cette nouvelle et profonde pensée d'amitié à l'égard de tout le peuple chinois, que je forme le voeu de voir rapidement instaurées des voies concrètes de communication et de collaboration entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine. L'amitié se nourrit de contacts, du partage des sentiments dans les situations heureuses et tristes, de solidarité, d'aide réciproque. Le Siège apostolique cherche avec sincérité à être l'ami de tous les peuples et à collaborer avec toute personne de bonne volonté au niveau mondial.

La Chine et l'Eglise catholique, sous des aspects certainement différents mais qui ne sont en aucune façon opposés, se trouvent historiquement parmi les plus anciennes "institutions" vivantes et actives du monde: toutes deux, bien que dans des domaines différents - politique et social, pour l'une, religieux et spirituel, pour l'autre -, comptent plus d'un milliard de fils et de filles. Ce n'est un mystère pour personne que l'activité du Saint-Siège, au nom de toute l'Eglise catholique et - je crois - au nom de toute l'humanité, souhaite l'ouverture d'un espace de dialogue avec les Autorités de la République populaire de Chine, dans lequel, les incompréhensions du passé ayant été surmontées, l'on puisse travailler ensemble pour le bien du Peuple chinois et pour la paix dans le monde. Le moment actuel de profonde inquiétude de la Communauté internationale exige de tous un engagement passionné pour favoriser la création et le développement de liens de sympathie, d'amitié et de solidarité entre les peuples. Dans ce contexte, la normalisation des rapports entre la République populaire de Chine et le Saint-Siège aurait sans aucun doute des répercussions positives pour le cheminement de l'humanité.


7. En vous renouvelant à tous, Mesdames, Messieurs, l'expression de ma satisfaction pour la célébration opportune d'un événement historique aussi significatif, je souhaite et je prie afin que la route ouverte par le Père Matteo Ricci entre l'Orient et l'Occident, entre la chrétienté et la culture chinoise, puisse retrouver des voies toujours nouvelles de dialogue et d'enrichissement humain et spirituel réciproques. Avec ces voeux, je suis heureux de donner à tous ma Bénédiction apostolique, propitiatrice auprès de Dieu de tout bien, de bonheur et de progrès.

Du Vatican, le 24 octobre 2001

AUX MEMBRES DE LA "KÖLPINGFAMILIEN"

Jeudi 25 octobre 2001


  Monsieur le Cardinal,
Chers frères et soeurs,

1. Aujourd'hui, la Place Saint-Pierre appartient aux familles Kölping. De tout coeur, je vous souhaite la bienvenue à cette joyeuse rencontre.

Je remercie le Cardinal Joachim Meisner pour les paroles amicales qu'il m'a adressées et je salue avec lui le Directeur général, Mgr Heinrich Festing, ainsi que tous les Directeurs présents avec leurs familles Kölping. Nombreux sont ceux d'entre vous qui se trouvaient ici voici dix ans, lorsque j'ai élevé aux honneurs des autels le fondateur de votre mouvement et précurseur de la doctrine sociale catholique. C'est certainement une bénédiction pour votre oeuvre de pouvoir vous tourner depuis lors vers un bienheureux qui n'est plus seulement un exemple pour vous, mais également un intercesseur.


2. Aujourd'hui, votre pèlerinage d'action de grâce s'accomplit sous le signe de l'invitation que Jésus adresse à Matthieu: "Suis-moi" (Mt 9,9). A peine ordonné prêtre, Adolph Kölping choisit ce passage de l'Evangile à l'occasion de sa première homélie dans sa ville natale de Kerpen. Ce fut un choix heureux, parce que, ce que Matthieu fut pour les douanes, Adolph Kölping le fut pour la boutique de l'artisan. Il était cordonnier et répondit à l'appel du Seigneur, qui ne le quitta plus. Il ne continua pas à exercer son métier, mais changea de vie et devint prêtre. D'apprenti cordonnier, il devint l'ami de Jésus. Il découvrit que suivre le Christ conduit à la liberté authentique: "Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle amis. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi mais c'est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure" (cf. Jn 15,15-16).


3. De fait, Adolph Kölping a porté des fruits spirituels abondants. La moisson de l'oeuvre de Kölping aujourd'hui de par le monde est immense. C'est un héritage exigeant. Dieu, qui nous a donné la vie, a également un dessein pour chacun de nous. Il attend que nous nous établissions dans la force de la Bonne Nouvelle et, comme un bon arbre, que nous portions de bons fruits.
En tant que frères et soeurs des familles Kölping, vous avez une mission particulière qui vous a été donnée par votre "père" Kölping: en tant que "sel de la terre" et "lumière du monde" (Mt 5,13-14), vous devez irradier dans la société et la modeler selon les principes de la doctrine sociale catholique. Je vous remercie de votre engagement qui, par le passé, a produit tant de bien. Je vous exhorte, pour l'avenir: Dieu n'a pas besoin de chrétiens à mi-temps, mais de catholiques authentiques!


4. Chers frères et soeurs! Le bienheureux Adolph Kölping dit un jour: "Il est important de porter le christianisme en esprit et en pratique dans la réalité de la vie sociale". Cette phrase de votre fondateur est aujourd'hui plus actuelle que jamais. Je me réjouis du fait que, par le monde entier, plus de cinq mille familles Kölping l'ont adoptée comme devise. Je vous remercie de tout coeur pour cela. Dans le même temps, je ne peux que vous encourager à ne pas négliger votre témoignage. "Fidèle Kölping, fidèle à Kölping". Je fais mien ce salut qui est le vôtre et je vous donne ainsi qu'à vos proches restés à la maison, la Bénédiction apostolique.


  MESSAGE À LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU PAKISTAN


  À mes Vénérés Frères
de la Conférence Épiscopale du Pakistan

En ce moment de préoccupation si grave à la suite des événements dramatiques actuellement en cours dans cette partie de la terre, j'ai demandé à l'Archevêque Paul Josef Cordes, Président du Conseil Pontifical " Cor Unum ", de vous rendre visite et de vous exprimer toute ma proximité dans la prière. J'implore le Père de toute miséricorde de vous protéger, ainsi que vos communautés, et de vous inspirer des sentiments de sagesse et de courage pour affronter les défis en ce moment de dure épreuve.

Unis dans la solidarité universelle de l'Église avec tous les peuples du monde, nous devons espérer et prier ardemment pour que l'étoile lumineuse de la paix puisse bientôt briller de nouveau sur votre région. D'ici là, la douleur d'innombrables hommes, femmes et enfants, demande à vive voix d'être soulagée de façon tangible. En particulier, la situation douloureuse de tant de réfugiés requiert des efforts immédiats de la part de tous ceux qui se trouvent dans les conditions de leur venir en aide.

L'Archevêque Cordes examinera avec vous les possibilités concrètes dont dispose l'Église au Pakistan pour assister nos frères et nos soeurs dans le besoin ; je soutiendrai vos efforts avec mes prières. Je vous bénis de tout coeur, ainsi que tous vos fidèles. Que la paix de Dieu, qui va au-delà de toute intelligence, sauvegarde vos coeurs et vos pensées en Jésus Christ (cf. Fil 4,7).

Cité du Vatican, 22 octobre 2001

IOANNES PAULUS II


II AUX PATRIARCHES CATHOLIQUES  

Vendredi 26 octobre 2001



Vénérés Patriarches!

1. Je suis heureux de vous recevoir à l'occasion du Synode des Evêques, auquel vous avez activement participé. Je vous suis sincèrement reconnaissant de votre présence à cette Assise dans laquelle s'exprime de manière particulièrement significative la catholicité de l'Eglise. Vous y avez apporté une contribution précieuse. Les propositions que vous m'avez présentées par écrit feront l'objet d'une réflexion attentive, afin d'en tirer tous les éléments qui pourraient contribuer à une présence plus efficace de l'Eglise dans le monde d'aujourd'hui.

Je profite volontiers de cette occasion pour exprimer, une fois encore, ma proximité spirituelle à vos épreuves et à l'égard des populations confiées à votre soin pastoral. Ensemble, prions pour que les graves problèmes, auxquels vous êtes confrontés chaque jour, puissent trouver une solution rapide et satisfaisante. En ce moment, ma pensée se tourne vers la Terre sanctifiée par la présence et la prédication du Rédempteur, Terre sur laquelle Il versa son sang pour le salut du monde et à partir de laquelle, ressuscité, il envoya dans le monde ses Apôtres.


2. Je vous assure que je suis chaque jour avec une profonde participation les événements dans lesquels sont impliquées les populations du Moyen-Orient, et qu'en communion avec toute l'Eglise, j'élève ma prière quotidienne afin que puisse finalement se lever l'aube d'une paix durable et honorable pour tous. A l'occasion de cette rencontre d'intense communion fraternelle, je vous prie de porter au clergé, aux personnes consacrées et à tous les fidèles l'expression de mon plus cordial salut.

Je confie chacun à la protection spéciale de la Mère de Dieu, envers laquelle vos Eglises nourrissent une si profonde dévotion. Combien de célébrations des mystères qui s'y réfèrent, ont eu leur origine sur vos terres, trouvant ensuite approbation et accueil dans l'Eglise tout entière! Que la Très Sainte Vierge veuille poser son regard maternel sur votre ministère et sur vos chères populations.

Avec ces sentiments, je donne à tous ma Bénédiction, en signe de mon affection particulière.

     


Discours 2001 - Place Saint Pierre, Samedi 20 octobre 2001