Discours 2001 - Vendredi 9 novembre 2001


AUX ÉVÊQUES DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES DE MALAYSIA, SINGAPOUR ET BRUNEI EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 10 novembre 2001




Chers frères évêques,

1. "Ayant appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre charité à l'égard de tous les saints, je ne cesse de rendre grâces à votre sujet et de faire mémoire de vous dans mes prières" (Ep 1,15-16). Dans ce lien de foi je vous salue, évêques de Malaysia, de Singapour et du Brunei, venus en visite ad limina Apostolorum. En priant sur les tombes des Apôtres Pierre et Paul, vous réaffirmez le lien de communion avec le Successeur de Pierre et avec le collège épiscopal dans le monde et vous vous engagez à nouveau dans le "souci de toutes les Eglises" (2Co 11,28) qui est au centre du ministère apostolique. Vous vous consacrez à nouveau à ce témoignage auquel les évêques sont appelés en tant que Successeurs des Apôtres, un témoignage du Christ ressuscité qui dissipe toutes les ténèbres grâce à la force de sa lumière glorieuse. Au cours des siècles, avec l'Eglise, vous faites écho au chant de Pâques que l'on a longtemps entendu en ce lieu: Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat! Ces paroles, en orientant votre esprit et votre coeur vers le Seigneur Jésus, à qui seul appartiennent "l'honneur, la gloire dans les siècles des siècles" (Ap 5,13) vous rappellent que l'évêque est l'administrateur et non le propriétaire des mystères. Soyez des serviteurs de l'Evangile de l'unique Sauveur Jésus-Christ: la source, le centre et l'objectif de tout le ministère épiscopal.

Vous venez de loin, "mais il n'y a pas de distance entre ceux qui sont étroitement unis dans l'unique communion, la communion qui chaque jour se nourrit à la table du Pain eucharistique et de la Parole de Vie" (Novo millennio ineunte NM 58). Les Eglises locales confiées à votre sollicitude pastorale constituent une partie précieuse de cette grande fraternité de foi qui est l'Eglise universelle. Chers frères, en ce moment de communion, nous rendons grâce pour ce que l'Eglise universelle représente pour vos Eglises particulières et pour les dons merveilleux que les fidèles de la Malaysia, de Singapour et du Brunei apportent à l'Eglise, une sainte, catholique et apostolique.


2. Je désire aujourd'hui vous exhorter à orienter toujours davantage votre ministère et votre programme pastoral vers la formation chrétienne permanente, qui est le pivot d'une solide vie chrétienne, une formation qui commence avec le Baptême, qui se développe à travers la Grâce, à chaque étape de la vie, et qui ne prendra fin que lorsque nos yeux s'ouvriront sur la vision béatifique du ciel. C'est cette formation chrétienne permanente qui nous permet d'écouter la voix du Christ notre Maître (cf. Mt 23,10) et d'adhérer par le coeur et l'esprit à la cause de son Royaume. L'enseignement du Seigneur atteint la communauté chrétienne de diverses façons, en particulier dans les trois grands milieux dans lesquels il se déroule dans la vie de la majeure partie des fidèles: la famille, l'école et la paroisse. Il ne s'agit pas de choix conventionnels qui, à un certain moment, pourraient être jugées comme étant passés de mode. Ce sont de façon effective des institutions durables et valables, qui servent de médiation à la grâce du Christ pour ceux qui s'y trouvent engagés. Elles ont besoin de votre sollicitude pastorale, sensible et vigoureuse, si vous voulez que la communauté que vous présidez soit renforcée en tant que corps social visible.


3. Dans vos pays, comme ailleurs, la famille est sujette à des tensions. Le divorce est devenu plus fréquent et sa diffusion peut conduire à un affaiblissement du sens de la grâce et de l'engagement propres au mariage. Entre époux de diverses confessions religieuses, le problème est ressenti de manière particulière, car le lien commun de la foi fait défaut. La vie familiale est rendue plus difficile également là où les moyens de communication sociale présentent des valeurs contraires à l'Evangile et deviennent les instruments d'une vision de la vie limitée à l'éphémère et à la superficialité. Dans cette situation, "l'Eglise a une conscience plus vive et plus pressante de sa mission de proclamer à tous le dessein de Dieu sur le mariage et la famille" (Familiaris consortio FC 3). De fait, vous rendrez un excellent service à la société si vous proclamez que le mariage entre l'homme et la femme a été "voulu par Dieu en même temps que la création" (Ibidem FC 3) et qu'il est un locus primordial de la créativité incessante de Dieu, avec lequel les époux collaborent à travers leur service de vie et d'amour. Cela signifie que le mariage et la famille ne sont pas des institutions qui peuvent changer avec des tendances passagères ou bien à partir de la décision du plus grand nombre. Il faut accomplir tous les efforts possibles pour garantir que la famille soit reconnue comme l'édifice primordial d'une nation véritablement saine et spirituellement forte (cf. Lettre aux Familles LF 2 février 1994, n. 17).

Le Christ lui-même est sacramentellement présent dans le lien du mariage chrétien, en plongeant plus profondément les époux et leurs enfants dans son amour sans fin, en montrant la gloire de son propre don, et en révélant au monde la vérité que l'homme est créé à travers l'amour ainsi que par amour (cf. Ibid., LF LF 11). Je désire rappeler les paroles de Tertullien: "Que le lien entre deux croyants, avec une unique espérance, avec un unique désir, avec une unique observance, avec un unique service est merveilleux! Ils sont en même temps des frères et des serviteurs. Il n'y a pas de distinction entre eux dans l'esprit ou dans la chair. En effet, ils sont véritablement deux en une seule chair et là où la chair est une, l'esprit est un" (A sa femme, II, VIII, 7-8). En raison de cette vocation très particulière, il est non seulement essentiel que les futurs époux chrétiens se préparent profondément au Sacrement du Mariage, mais également qu'ils reçoivent un soutien constant et une formation permanente pour pouvoir comprendre la dignité et les devoirs de leur condition.


4. Dans le processus de formation permanente, les écoles catholiques sont étroitement associées aux parents pour enseigner aux enfants à connaître et à aimer Dieu et l'homme. Dans vos Eglises locales en général, une oeuvre merveilleuse a été accomplie dans le domaine de l'éducation catholique, en particulier par des religieux, hommes et femmes, et vous avez vous-mêmes été extraordinaires en offrant votre soutien et votre encouragement. La présence de religieuses dans les écoles est, à l'heure actuelle, moins fréquente que par le passé et des enseignants laïcs engagés assument à présent des responsabilités toujours plus grandes. Cela signifie qu'il faut prêter une attention particulière à leur formation, afin de garantir qu'ils considèrent leur oeuvre professionnelle comme une vocation authentique et que ne soit pas compromis ce qui caractérise les écoles catholiques.

Les pressions culturelles, politiques et économiques rendent parfois l'indépendance requise par les écoles catholiques difficile à conserver. Dans une situation comme la vôtre, les écoles ecclésiales sont ouvertes à des étudiants issus de toute formation. Toutefois, il est essentiel de préserver et de nourrir ce sens de la providence du Créateur, de l'inviolabilité de la dignité humaine, de l'unicité de Jésus-Christ et de l'Eglise comme communion de sainteté et de mission, qui permet aux écoles catholiques d'offrir leur contribution spéciale non seulement aux enfants auxquels elles enseignent, mais également à la société qu'elles servent.


5. De même que les écoles ne peuvent être séparées de l'éducation prodiguée au sein des familles, elles sont intimement liées à la formation offerte dans la paroisse. Cela est particulièrement vrai dans des situations où la foi ne peut pas être transmise dans les écoles, mais doit l'être dans la paroisse. Comme vous le savez en raison de votre expérience quotidienne, les catéchistes jouent un rôle fondamental dans l'enseignement de la foi dans vos communautés locales. Ils doivent recevoir une formation formelle et informelle spéciale, leur permettant de transmettre la richesse de la doctrine catholique dans toute sa plénitude, ainsi que le soutien et l'encouragement de la communauté et de son pasteur.

Cela est encore plus important dans le cas des prêtres, car ce sont eux, en tant que maîtres de la foi, qui sont quotidiennement en contact avec les personnes. Ils doivent non seulement enseigner, mais également aider les parents, les enseignants et les catéchistes à accomplir leur devoir. C'est pour cette raison que vos prêtres ont besoin non seulement d'une excellente formation au séminaire, mais également de la formation permanente mentionnée dans l'Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, qui définit cette formation supplémentaire comme "condition de cette fidélité du prêtre à son ministère, plus encore à son être même" (PDV 70). Soyez particulièrement proches de vos prêtres, en les aidant constamment à avoir soin, dans leur coeur, du trésor de leur vocation sacerdotale. Encouragez-les à développer cet amour et cet engagement en mesure de garantir à leurs communautés tout le nécessaire pour le culte de Dieu et le service aux frères.

Ce qui vaut pour les prêtres vaut également, a fortiori, pour les évêques. A l'occasion de la récente Xème Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, des choses très belles et touchantes ont été exprimées à propos de la figure du pasteur, en tant qu'homme de Dieu, maître de la foi qui a été transmise, sanctificateur du Peuple de Dieu et guide du pèlerinage de la communauté. En raison des nombreuses responsabilités auxquelles votre ministère est soumis, il n'est jamais facile de trouver le temps pour une étude et une réflexion supplémentaires.

Cela est toutefois nécessaire, autrement il sera sûrement plus difficile pour vous, évêques, de persévérer avec vérité et humilité dans la tâche d'être des administrateurs fidèles des mystères. Chers frères, je vous exhorte donc à "raviver le don spirituel que Dieu a déposé en vous" (2Tm 1,6). Faites ce qui est en votre pouvoir pour aider vos prêtres à se comporter de la même façon, de sorte que dans les paroisses de vos diocèses la voix du Christ, le Bon Pasteur, soit toujours entendue par son troupeau!


6. La famille, l'école et la paroisse catholiques doivent, chacune à sa façon, devenir toujours plus une école de foi et de sainteté, un sanctuaire dans lequel Dieu est honoré, et un service au monde déchiré.

En le faisant, ils offriront cette "vraie pédagogie de la sainteté" (Novo millennio ineunte NM 31) qui est à présent particulièrement utile, si la nouvelle évangélisation doit porter les fruits qui sont si nécessaires.

Il faut être clair sur ce point: la sainteté de vie est l'objectif de toute la formation chrétienne, précisément comme elle est l'objectif de toute la formation pastorale dans laquelle nous sommes engagés au début du nouveau millénaire. La sainteté chrétienne naît de la contemplation du visage du Christ. Elle se développe à travers un processus de formation permanente, qui conduit à suivre le Christ de façon toujours plus parfaite et qui parvient à sa maturité lorsque l'on rend un témoignage fidèle au Christ et que l'on proclame sa vérité au monde.

Tout cela débouchera sur des résultats positifs, également pour affronter une autre tâche difficile de l'Eglise au troisième millénaire chrétien: le devoir de s'engager dans un dialogue interreligieux fécond et d'agir de façon efficace avec les disciples de toutes les religions, afin de renforcer la compréhension réciproque et la paix dans le monde. Cette entreprise est particulièrement importante pour vos Eglises locales. Comme je l'ai écrit dans l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Asia, seuls les chrétiens dotés d'une foi mûre et convaincue, peuvent être efficaces pour promouvoir un authentique dialogue interreligieux (cf. EIAS ). Ce dialogue inclut des échanges culturels, des actions communes pour le développement intégral de l'homme et la défense de valeurs humaines et religieuses. La mission de l'Eglise dans le nouveau millénaire exige que cette dernière s'engage "à préserver et à promouvoir cet esprit de rencontre et de collaboration avec les autres religions" (Ibidem ). Cela soutiendra également les valeurs sur lesquelles on peut édifier une société juste et pacifique.

Chers frères, je prie avec ferveur afin que vous soyez toujours des hommes de Dieu, des hommes de prière et d'amour pastoral intense, de façon à ce que vous puissiez aider votre peuple à vivre avec une authentique espérance chrétienne: "Car notre salut est objet d'espérance" (Rm 8,24). En cette période d'incertitude face aux événements mondiaux, laissez votre coeur se remplir toujours plus de la compassion et de la miséricorde du Coeur de Jésus! Soyez des prophètes de son amour pour chaque personne dans le besoin!

Je vous confie, ainsi que vos prêtres, les religieux hommes et femmes et les laïcs de Malaysia, de Singapour et du Brunei à la protection constante de Marie, Mère du Rédempteur, et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, en gage de grâce et de paix dans son Fils divin.


AUX MEMBRES DE LA FAMILLE SPIRITUELLE «L'OEUVRE»

Samedi 10 novembre 2001



Chères soeurs, chers frères de la Famille spirituelle "L'Oeuvre",

C'est avec une grande joie que je vous souhaite la bienvenue à cette audience, et je suis heureux que cette rencontre avec la nouvelle Famille de vie consacrée ait pu avoir lieu. Au début d'un nouveau siècle, vous vous trouvez confrontés à un grand défi: les hommes de notre époque cherchent des personnes qui leur montrent Jésus-Christ. Par votre idéal élevé et votre jeune enthousiasme, vous voulez être un "doigt indicateur" de Jésus. C'est pour cela que je vous ai donné mon approbation.

Votre jeune communauté peut être très utile au vieux continent de l'Europe, car nos contemporains écoutent les chrétiens convaincus qui se laissent guider par Dieu et envoyer par Lui. Dans ce but, la Fondatrice de votre Famille spirituelle, Mère Julia, vous donne une belle parole qui accompagne votre route: "Depuis que le Christ a fondé la sainte Eglise, tout a été créé. Ce dont Il a seulement besoin, ce sont des personnes qui vivent profondément son mystère".

Afin de répondre à votre mission pour la gloire de Dieu et le salut des hommes, je vous accorde de tout coeur la Bénédiction apostolique.

  Nous publions ci-dessous le Message adressé par le Pape Jean-Paul II aux membres de la Famille spirituelle "L'Oeuvre": Chers frères et soeurs de la Famille spirituelle "L'Oeuvre",

1. En union avec la Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint Esprit, source de toute joie, je vous bénis et vous adresse mes cordiales salutations. La joie d'avoir reçu l'approbation pontificale pour votre Famille spirituelle vous pousse à témoigner à nouveau de votre union au Successeur de saint Pierre et de votre disponibilité à servir. De tout coeur, je rends grâce avec vous au Christ, Seigneur de l'Eglise, pour le charisme qui vous est accordé et je prie pour qu'il porte de riches fruits.

2. Dans l'esprit de votre Fondatrice, vous êtes décidés à affronter les exigences de notre époque dans la force de la foi catholique. Vous pouvez servir joyeusement l'Eglise et les hommes en tant que Communauté à la fois contemplative et apostolique qui veut agir dans le monde comme le levain dans la pâte. Vous avez répondu avec générosité à l'invitation du Christ, à vous mettre à "l'oeuvre" pour son Royaume. Si vous restez toujours disponibles au dessein de Dieu et mettez vos talents au service de la mission salvifique de l'Eglise, votre Famille spirituelle pourra être un instrument puissant de la nouvelle évangélisation, surtout en Europe. Votre abandon à Dieu est la meilleure réponse aux questions urgentes des hommes et à la détresse de ce temps.

3. Dans le dialogue avec son Père, Jésus-Christ résume sa mission salvifique: "Je t'ai glorifié sur la terre et j'ai accompli l'oeuvre que tu m'as confiée" (Jn 17,4). L'oeuvre du Christ - la glorification du Père et la rédemption des hommes - est perpétuée par l'Eglise dans la force de l'Esprit Saint à travers toutes les époques. Votre Famille spirituelle est issue de l'Eglise. Soyez prêts, en tant que membres de "L'Oeuvre", à faire vôtre la mission de l'Eglise du Christ.


4. L'Eglise est la grande oeuvre de Dieu. Lorsque, aujourd'hui, son origine divine est remise en question "L'Oeuvre" contribue à faire saisir et à faire vivre en profondeur le mystère de l'Eglise. Restez toujours fidèles au but de votre communauté: Soyez un reflet de l'Eglise, pour la gloire de la Sainte Trinité et le salut du monde. Soyez des témoins de la beauté de l'Eglise, Peuple de Dieu, Epouse du Christ et Temple de l'Esprit Saint. Restez enracinés dans la Sainte Eucharistie, source de l'Unité avec Dieu et entre vous.

5. L'esprit d'adoration est bien vivant dans votre communauté. Dieu occupe la place centrale; vos pensées et vos actions sont centrées sur Lui. Ainsi "L'Oeuvre" pourra être un moyen efficace contre la résignation qui s'empare parfois des serviteurs de l'Eglise. Que votre prière et vos actions portent beaucoup de fruits dans la grande oeuvre de Dieu pour le salut des hommes! Que le Seigneur de l'histoire guide le chemin de votre Famille spirituelle dans l'avenir. De tout coeur, je vous donne la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 10 novembre 2001

   


AUX MEMBRES DE L'"INTERNATIONAL CATHOLIC MIGRATION COMMISSION" ET DE LA FONDATION "MIGRANTES"

Lundi 12 novembre 2001




Chers amis dans le Christ,

1. Je suis heureux de vous accueillir, chers membres du Conseil de l'International Catholic Migration Commission (Commission catholique internationale pour les Migrations), à l'occasion de votre Assemblée. Votre présence ici revêt une signification particulière, après que les tragiques événements du 11 septembre vous aient contraints à annuler votre réunion à New York. Elle démontre votre détermination à poursuivre votre oeuvre vitale dans toutes sortes de situations difficiles. Je remercie le Professeur Zamagni pour ses paroles cordiales, et j'adresse une salutation particulière aux représentants de Migrantes, votre partenaire au sein de la Conférence épiscopale italienne. Je salue également les bienfaiteurs de la Commission, dont la contribution est particulièrement importante à un moment où vous tentez de réduire votre dépendance vis-à-vis du financement public, afin que la Commission puisse toujours opérer en tant qu'organisme catholique indépendant.


2. Cette année, vous célébrez votre 50ème anniversaire, et cela est un motif d'action de grâce. Lors de l'inauguration de la Commission, le futur Pape Paul VI déclarait que sa cause était la cause du Christ lui-même. Au cours de ces décennies, la Commission n'a pas cessé de montrer aux migrants le visage du Fils de l'Homme qui n'avait lui-même "pas où reposer la tête" (Lc 9,58).

Au cours de la période qui s'est écoulée depuis votre fondation, les modalités de la migration humaine ont changé, mais le phénomène n'en demeure pas moins dramatique et votre travail devient plus urgent au fur et à mesure que le problème des réfugiés devient plus aigu. En effet, il est temps d'adopter des formes de service encore plus généreuses et efficaces dans le domaine de la migration humaine, en contribuant à assurer que les personnes déjà marginalisées ne soient pas davantage pénalisées du fait qu'elles ne font pas partie du processus de mondialisation économique. C'est pourquoi, aujourd'hui, je désire vous inviter à prendre toujours davantage conscience de votre mission: voir le Christ dans chaque frère et soeur dans le besoin, proclamer et défendre la dignité de chaque migrant, de chaque personne déplacée et de chaque réfugié. De cette façon, l'assistance apportée ne sera pas considérée comme une aumône due à la bonté de votre âme, mais comme un acte de justice qui leur est dû.


3. Nous vivons dans un monde où les peuples et les cultures vivent dans une interaction toujours plus étroite et complexe. Toutefois, paradoxalement, nous assistons à des tensions ethniques, culturelles et religieuses accrues, qui affectent gravement les migrants et les réfugiés, qui sont particulièrement vulnérables aux préjugés et à l'injustice qui accompagnent souvent ces tensions. C'est pourquoi les plaidoyers de la Commission auprès des gouvernements et des Organisations internationales, et sa promotion de lois et de politiques visant à protéger les personnes sans défense sont des aspects particulièrement importants de sa mission. C'est également la raison pour laquelle il est nécessaire de continuer à développer des programmes de formation de votre personnel, afin de l'aider à approfondir sa compréhension des réalités de la migration forcée et les possibilités d'assister les familles déracinées, et de promouvoir le respect mutuel parmi les peuples de différentes cultures.


4. Votre service est lié par une double fidélité: au Christ, l'unique médiateur qui est le Chemin, la Vérité et la Vie pour toute la famille humaine; et à l'Eglise, qu'il a établie comme sacrement universel du salut. L'âme de votre oeuvre est une vision de la dignité humaine fondée sur la vérité de la personne humaine créée à l'image de Dieu (cf. Gn 1,26), une vérité qui illumine toute la doctrine sociale de l'Eglise. De cette vision découle des droits inaliénables, qu'aucune puissance humaine ne peut accorder ou dénier, car il s'agit de droits qui ont leur source en Dieu. Il s'agit d'une vision profondément religieuse, qui est partagée non seulement par d'autres chrétiens, mais aussi par de nombreux disciples des autres grandes religions du monde. C'est pourquoi le travail de la Commission a représenté un point si fructueux de coopération oecuménique et interreligieuse; et cela aussi constitue une victoire précieuse dans un monde troublé et divisé. Je vous exhorte donc, en tant qu'Organisation catholique internationale unie au Saint-Siège dans la grande tâche de promouvoir la solidarité, de ne jamais vous lasser de rechercher de nouveaux modes de coopération oecuménique et interreligieuse, aujourd'hui plus que jamais nécessaires.

En vous rappelant dans mes prières et en confiant le travail de la Commission à la protection pleine d'amour de Marie, Mère de l'Eglise, j'invoque cordialement sur vous une abondance de grâces et de paix en Jésus-Christ, "le témoin fidèle, le Premier-né d'entre les morts" (Ap 1,5).


Le Saint-Père a ensuite poursuivi en italien:

5. A la Commission catholique internationale se sont unis également aujourd'hui les représentants et les membres de la Fondation Migrantes, que je salue cordialement. Cette année, cet organisme, qui oeuvre au nom de la Conférence épiscopale italienne, célèbre les 50 ans de son institution. Née en vue de l'évangélisation et du service pastoral des Italiens à l'étranger, la Fondation coopère actuellement avec les structures ecclésiales italiennes en vue de l'assistance humaine et spirituelle des émigrés qui débarquent en Italie. En favorisant le dialogue entre les cultures pour une civilisation de l'amour et de la paix, celle-ci est appelée à encourager, dans la société civile, la compréhension et l'insertion de ceux qui arrivent dans la Péninsule, dans un climat de coexistence pacifique, respectueuse des droits de la personne.

Je souhaite que, à travers l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, cette institution de grand mérite continue à accomplir son précieux travail selon l'esprit du Christ. Je donne à tous ma Bénédiction.


  MESSAGE AU CARDINAL WALTER KASPER, PRÉSIDENT DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION DE L'UNITÉ DES CHRÉTIENS À L'OCCASION DE LEUR ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE



  A mon Vénéré Frère le Cardinal Walter Kasper
Président du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens

1. Je vous adresse mon salut avec affection, ainsi qu'à tous les participants à l'Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, consacrée à un thème plus que jamais significatif: Communion: don et engagement - Analyse des résultats des dialogues et avenir de la recherche oecuménique.

Je forme des voeux fervents afin que cette importante réunion contribue également à faire avancer le chemin oecuménique vers le rétablissement de la pleine unité de tous les chrétiens, une priorité pastorale qui a toujours été présente dans mon esprit, dès le début de mon pontificat. En entreprenant mon ministère pétrinien, j'ai en effet voulu pleinement assumer l'invitation du Concile Vatican II a engager l'Eglise catholique "de manière irréversible à prendre la voie de la recherche oecuménique, se mettant ainsi à l'écoute de l'Esprit du Seigneur qui apprend à lire attentivement les "signes des temps"" (Lettre enc. Ut unum sint UUS 3).

"Les signes des temps"! L'Eglise catholique, consciente que "croire au Christ signifie vouloir l'unité; vouloir l'unité signifie vouloir l'Eglise" (ibid., UUS UUS 9), ne cesse d'avancer avec confiance sur cette voie difficile, mais si riche de joie, qui conduit à l'unité et à la pleine communion entre les chrétiens (cf. ibid., UUS UUS 2). Combien de signes des temps ont-ils encouragé et soutenu notre parcours au cours des diverses décennies qui nous séparent de l'Assemblée conciliaire et en ce début de nouveau millénaire! Les célébrations oecuméniques qui ont rythmé le grand Jubilé de l'An 2000, ont elles-mêmes offert des signes prophétiques et émouvants et "nous a fait prendre une conscience plus vive de l'Eglise comme mystère d'unité" (Lettre ap. Novo millennio ineunte NM 48).

Que dire, ensuite, des nombreux signes encourageants qu'offre la recherche théologique conduite au niveau des plus grandes Eglises et Communautés ecclésiales? Les commissions internationales de dialogue, avec patience et constance, surmontant parfois le découragement et le manque de confiance, sont parvenues à des résultats convergents qui, bien que marquant une étape intermédiaire, constituent une base solide sur laquelle poursuivre la recherche commune. Au niveau national se multiplient aussi des initiatives de dialogue, d'étude et de réflexion, qui révèlent combien ces échanges sont fructueux: il aident à mieux connaître les positions respectives et à les confronter dans la charité, en espérant une rapide mise en oeuvre des résultats à notre époque de communication on line. L'accueil des résultats et la conséquente accentuation de la dimension oecuménique dans la catéchèse, dans la formation et dans la diaconie, représentent également un binôme providentiel, qui ne manquera pas de donner de l'importance aux efforts oecuméniques jusqu'à présent accomplis. De l'ardeur à accomplir cet engagement ecclésial dépend la possibilité d'entrer toujours davantage dans la dynamique d'enrichissement mutuel entre les communautés ecclésiales, que nous avons déjà reçue comme don, et qui constitue une force, un élan vers la pleine koinonia.


2. "Pour la première fois dans l'histoire, l'action en faveur de l'unité des chrétiens a atteint de telles proportions et s'est étendue de manière aussi large. C'est un don immense que Dieu a accordé et qui mérite toute notre gratitude" (Lettre apost. Ut unum sint UUS 41). J'ai fait personnellement l'expérience de ce don au cours de mes pèlerinages apostoliques, durant lesquels je suis souvent l'objet de nombreux signes de solidarité authentique et fraternelle de la part des membres des autres Eglises et Communautés ecclésiales. J'ai ainsi pu constater le degré de communion existant entre les chrétiens, ce qui a renforcé ma conviction que savoir "faire de la place" à nos frères, se charger de leurs poids et leur confier les nôtres, contribue à nous faire croître dans cette spiritualité de communion qui doit caractériser toute notre action et, a fortiori, notre action oecuménique.

Deux orientations doivent toujours guider cet effort: le dialogue dans la vérité et la rencontre dans la fraternité. Il s'agit d'orientations qui se sont comme soudées en un tout organique permettant, grâce à leur échange, de parcourir un long chemin: nous avons identifié plus clairement l'objectif, nous avons recherché les moyens de le poursuivre avec efficacité, nous avons établi les normes et les principes capables de soutenir l'engagement oecuménique de l'Eglise catholique. En particulier, nous sollicitons la présence des autres chrétiens. En chaque circonstance solennelle et significative, lorsque nous rencontrons des difficultés ou des obstacles, nous sommes aidés par la fraternité retrouvée, qui nous invite à l'attitude fondamentale de conversion qui ouvre le coeur au pardon. Il ne pourrait pas en être autrement, car nous nous sommes plusieurs fois échangés la promesse de nous pardonner en laissant entre les mains miséricordieuses de Dieu les mémoires et les fautes du passé!

Oui! La pleine communion de tous les chrétiens n'est malheureusement pas encore atteinte et il ne nous est pas donné de savoir quel développement l'Esprit Saint voudra donner à la recherche oecuménique dans les années à venir. Il est cependant indéniable qu'une longue partie du chemin a été parcourue et le climat qui règne aujourd'hui entre les catholiques et les chrétiens des autres Eglises et Communautés ecclésiales est très différent par rapport au passé. Nous commençons le troisième millénaire conscients de nous trouver dans une nouvelle situation, difficilement imaginable il y a seulement cinquante ans. Aujourd'hui, nous sentons que nous ne pouvons plus nous passer de cet effort qui nous rassemble. Que le Seigneur nous aide à faire fructifier ce qui a été jusqu'à présent réalisé, à le conserver avec soin et à en accélérer les développements. Nous devons faire de ce moment, pour ainsi dire intermédiaire, une occasion propice pour intensifier le rythme du chemin oecuménique.


3. Le thème choisi pour l'Assemblée plénière met en évidence, entre autres, la façon dont les dialogues théologiques actuellement en cours convergent à différents niveaux et à différents degrés, autour du concept clé de "communion". Cela correspond à la vision du Concile Vatican II et souligne le noyau fondamental de ses documents. Approfondir le sens théologique et sacramentel de la notion de "communion" équivaut, au fond, à reconfirmer les enseignements conciliaires comme boussole de l'engagement oecuménique pour le nouveau millénaire. En approfondissant la recherche et le débat sur ce thème, la théologie oecuménique affrontera le banc d'essai le plus exigeant. La mise au point d'une véritable notion ecclésiale de "communion", progressivement purifiée d'accents anthropologiques, sociologiques ou simplement horizontaux, rendra possible un enrichissement réciproque toujours plus grand.

Que le dialogue oecuménique puisse être vécu par chacun comme un pèlerinage vers la plénitude de la catholicité que le Christ désire pour son Eglise, en harmonisant la pluralité des voix dans une symphonie commune de vérité et d'amour.

Je suis certain que, dans l'échange de dons auquel le mouvement oecuménique nous a habitués, dans la recherche théologique rigoureuse et sereine, dans l'imploration constante de la lumière de l'Esprit, nous pourrons également affronter les questions les plus difficiles et apparemment insurmontables dans nos nombreux dialogues oecuméniques comme, par exemple, celle du ministère de l'Evêque de Rome, sur laquelle je me suis prononcé en particulier dans ma Lettre encylique Ut unum sint (cf. UUS UUS 88-96).


4. Le chemin reste long et difficile. Le Seigneur ne nous demande pas d'en mesurer la difficulté selon des normes humaines. Il existe aujourd'hui une nouvelle perspective, profondément différente par rapport à un passé encore récent: nous en sommes reconnaissants à Dieu. Cela puisse-t-il donner du courage et inciter chacun à proscrire du vocabulaire oecuménique des termes comme crise, retards, lenteurs, immobilisme, compromis! Tout en étant conscients des difficultés présentes, je vous incite à prendre comme mots clef pour cette nouvelle époque ceux de confiance, de patience, de constance, de dialogue, d'espérance. Et je voudrais y ajouter également l'impulsion à agir. Je me réfère ici à la ferveur suscitée par une bonne cause, face à laquelle on est stimulé à rechercher les moyens pour la soutenir, en alimentant l'esprit inventif et parfois également le courage de changer. La conscience de servir une bonne cause fonctionne comme une force motrice qui nous pousse également à interpeller les autres, afin qu'ils en prennent connaissance et s'unissent à nous pour la soutenir. Le désir d'agir nous fera découvrir combien de choses nouvelles il est possible d'accomplir pour soutenir le chemin commun vers la communion pleine et visible de tous les chrétiens.

A travers cela, je n'entends cependant pas suggérer simplement l'attitude de Marthe qui, - selon les paroles de Jésus - s'inquiétait et s'agitait pour de multiples choses, négligeant d'écouter ses enseignements (cf. Lc 41). En effet, la prière et l'écoute constantes du Seigneur sont indispensables, car c'est Lui qui, avec la force de son Esprit, convertit les coeurs et rend possible chaque progrès concret sur la route de l'oecuménisme.

Alors que je souhaite que l'Assemblée plénière de ce Conseil pontifical offre d'importants éléments de réflexion en perspective du travail futur, je recommande au Seigneur chacun de vos projets. Je Lui demande, par l'intercession de Marie, Mère de l'Eglise, d'aider tous les chrétiens à agir toujours selon le commandement de l'unité, que Lui-même nous a laissé au Cénacle: "Ut unum sint".

Avec ces voeux, je vous envoie, ainsi qu'à chacun des participants à cette importante réunion, une Bénédiction apostolique spéciale.

Du Vatican, le 10 novembre 2001


Discours 2001 - Vendredi 9 novembre 2001