Discours 2002 - Samedi 14 septembre 2002


MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II À L'OCCASION DU XVII CHAPITRE GÉNÉRAL DE L'INSTITUT DES SOEURS MINIMES DE NOTRE-DAME DU SUFFRAGE



A la révérende Mère
Soeur FABIOLA DETOMI
Supérieure générale de l'Institut
des Soeurs minimes de Notre-Dame du Suffrage

1. Je désire avant toute chose vous adresser mon salut et mes voeux à l'occasion du Chapitre général de votre Congrégation. Je l'adresse ensuite aux soeurs appelées au service de guide et d'animation de votre Famille religieuse, en les encourageant à accomplir avec un coeur généreux la tâche délicate de gouvernement qui leur a été confiée. Je l'étends en outre aux religieuses capitulaires, en souhaitant que l'expérience de ces intenses journées passées à Rome soit une source d'enrichissement humain et spirituel. Enfin, que ma pensée cordiale parvienne à chacune des Soeurs minimes de Notre-Dame du Suffrage, qui oeuvrent en Italie, en Argentine, en Colombie et en Roumanie, avec l'assurance de mon soutien paternel.

L'Assemblée capitulaire constitue une occasion importante pour réfléchir sur le chemin communautaire parcouru jusqu'à présent, ainsi que pour élaborer des projets de service apostolique, dans la fidélité au charisme originel de l'Institut. Le thème "Témoigner du Christ, notre espérance, dans un monde qui change" se trouve en harmonie avec les orientations pastorales de l'épiscopat italien pour la première décennie de ce nouveau siècle et millénaire.

Révérende Mère, l'intention commune de cette famille religieuse est de reprendre avec un enthousiasme renouvelé, après la pause que constitue ce chapitre, les activités quotidiennes, en soulignant que le Christ, notre espérance, est à la base de tout et qu'il est le but vers lequel tout est orienté. Sa présence mystérieuse maintient vivante cette tension eschatologique, qui doit être celle de chaque croyant. Votre Congrégation considère cette tension eschatologique de l'existence comme l'une de ses caractéristiques fondamentales, qu'elle a reçue en héritage de son bienheureux fondateur.

2. La vie du bienheureux Francesco Faà di Bruno, que j'ai eu la joie d'élever aux honneurs des autels le 25 septembre 1988, fut une vie imprégnée d'espérance. Toujours animé par une ardeur intérieure à coopérer au salut de ses frères, il se préoccupa de leur fin dernière. L'ultime destination de l'homme est en effet la rencontre avec Dieu, rencontre à laquelle il faut se préparer dès maintenant à travers un engagement constant à l'ascèse, en rejetant le mal et en faisant le bien.

Dès sa jeunesse, il eut la préoccupation d'oeuvrer pour le salut des âmes et il voulut pour cela, bien avant de fonder la Congrégation, bâtir à Turin un temple consacré à Notre-Dame du Suffrage. Se préoccuper du "suffrage" pour les âmes du purgatoire: tel est, Révérende Mère et chères soeurs, votre charisme caractéristique, qui vous pousse à une prière constante pour ceux qui nous ont précédés. Cette même intuition charismatique est un encouragement concret à remplir chaque journée terrestre de ces biens qui ne passent ni ne se corrompent.

Il s'agit d'une vérité importante que vous entendez annoncer à travers votre activité d'évangélisation, soutenue par la prière et accompagnée par l'acceptation et par l'offrande à Dieu de la souffrance, en union au sacrifice du Christ, afin que les âmes soient sauvées. La première et la plus élevée des formes de charité envers nos frères est l'ardeur pour leur salut éternel. L'amour chrétien ne connaît pas de frontières et se soustrait même aux limites de l'espace et du temps, ce qui nous permet d'aimer ceux qui ont déjà quitté cette terre.

3. Très chères soeurs dans le Christ, conservez l'intégrité de l'esprit de votre fondateur! Je tiens à vous répéter aujourd'hui ce que j'affirmai à l'occasion de sa béatification. Francesco Faà di Bruno, disais-je alors, est "un hérault de la foi et de la charité", puisque son message de lumière et d'amour, "ne s'affaiblit pas mais devient plus que jamais actuel, poussant à l'action ceux qui ont à coeur les valeurs évangéliques" (Insegnamenti XI/3 [1988], p. 948; Homélie lors de la cérémonie de béatification, 25 septembre 1988; cf. ORLF n. 39 du 27 septembre 1988).

En suivant ses traces, vous avancez avec fidélité et courage sur le chemin entrepris, en tirant lumière et force de son enseignement et en rendant vivante et actuelle son extraordinaire expérience et son lumineux héritage. Surtout, vous serez d'inlassables et joyeuses annonciatrices d'espérance à l'humanité de notre temps, qui est trop souvent presque totalement aveuglée par la violence et l'injustice et enfermée dans des horizons purement terrestres. En imitant votre bienheureux, soyez vous-mêmes les premières à vous renouveler dans l'espérance, pour être à votre tour des messagères fécondes de celle-ci, dans l'Eglise et dans le monde. Ayez "soif" d'âmes à sauver, en aidant chaque frère et soeur à découvrir ce "pas encore" et cet "au-delà" éternel, vers lequel nous sommes tous en chemin. L'avenir éternel se construit dès maintenant, dans le temps, par l'effort quotidien.

Avec ces sentiments et ces souhaits, j'invoque sur vous, très chères soeurs, sur votre communauté et sur ceux que vous rencontrez à l'occasion de votre service quotidien, l'intercession céleste de la Vierge du Suffrage et du bienheureux Francesco Faà di Bruno, tout en vous bénissant de tout coeur, ainsi que toutes les personnes qui vous sont chères.

De Castel Gandolfo, le 2 septembre 2002

IOANNES PAULUS II


MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AU XXXII CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DES SOEURS MINISTRES DES MALADES DE SAINT-CAMILLE


  Révérende Mère SOEUR TOMASINA GHEDUZZI
Supérieure générale
de la Congrégation des Soeurs ministres des malades de Saint-Camille

1. A l'occasion du Chapitre général qui, ces jours derniers, vous voit réunies, vous et vos consoeurs déléguées, je suis heureux de faire parvenir à chacune un salut cordial accompagné de l'assurance de ma proximité spirituelle.

Vous provenez de différents pays d'Europe, d'Amérique latine, d'Afrique et du Sud-Est asiatique: en chacune de vous, je tiens à saluer toutes vos soeurs, ainsi que les communautés ecclésiales dans lesquelles elles oeuvrent au service des malades et des personnes qui souffrent.

L'assemblée capitulaire offre une occasion opportune de prier et de réfléchir sur les défis qui interpellent l'Eglise et le monde en cette période historique particulière. Elle vous donne également l'occasion d'approfondir toujours davantage le charisme qui vous distingue, en l'adaptant aux exigences actuelles.

A cet égard, ma pensée se tourne immédiatement vers le 6 mai 1995, quand j'eus la joie de proclamer bienheureuse votre fondatrice, Mère Maria Domenica Brun Barbantini. J'ai appris avec beaucoup de plaisir que cet événement de grâce a constitué pour toute la Congrégation un motif d'inspiration renouvelée, et vous a poussées à approfondir la connaissance de votre charisme et de votre spiritualité, pour que, en puisant à ces racines, la sève la plus authentique, la vie et le travail quotidien continuent à en être vivifiés et illuminés.

2. C'est dans ce contexte que l'on comprend mieux le thème que vous avez choisi pour votre XXXII Chapitre général: "Vers une nouvelle règle de vie". La nouveauté à laquelle vous visez n'est bien sûr pas celle de quelqu'un qui voudrait changer l'orientation originelle; c'est même, au contraire, le fruit d'une recherche rigoureuse et passionnée sur les sources, un fruit qui aspire à être, si possible, toujours plus fidèle à ses racines, c'est-à-dire au don que le Seigneur a confié à la bienheureuse Maria Domenica et à ses compagnes, pour le bien de l'Eglise et de l'humanité. A partir du petit groupe de femmes, qui avec Maria Domenica voulurent prendre le nom d'"infirmières oblates", s'est développé, grâce aussi au discernement et à l'encouragement des Pasteurs de l'Eglise, un Institut qui est aujourd'hui présent dans neuf pays de trois continents.

L'Esprit Saint, qui toujours puise dans les inépuisables richesses du Christ pour distribuer dans l'Eglise de nouveaux dons de lumières et de grâce (cf. Jn 16,14), plaça dans le coeur et dans la vie de la fondatrice une vocation particulière à servir les malades, imitant et poursuivant ainsi le ministère de Jésus lui-même, qui s'est penché sur chaque souffrance humaine pour la guérir par sa divine puissance (cf. Lc 10,30-35 Mt 4,23). Dans son infinie miséricorde, le Fils de Dieu s'est fait proche en se faisant lui-même "serviteur souffrant" pour nous guérir. C'est pourquoi, dans le plus petit de nos frères en difficulté, il est présent et il attend que nous lui ouvrions notre coeur. Si c'est à lui que nous offrons le "peu" que nous sommes et que nous avons, nous recevons en échange le "tout" qu'il constitue.

3. Comme la bienheureuse fondatrice écrivait dans les Règles, les soeurs doivent agir selon cet esprit: elles "serviront notre Seigneur dans la personne des pauvres malades avec générosité et pureté d'intention, toujours prêtes à exposer leur propre vie pour l'amour de Jésus mort sur une croix pour nous" (I, 11). Pour pouvoir garder la foi en cette vocation, il est indispensable d'alimenter sa propre existence par la prière, et notamment à travers la fidèle participation à la Très Sainte Eucharistie, dans laquelle Jésus rend chaque jour présent de façon sacramentelle le prodige salvifique de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. En restant intimement unies et configurées à lui, vous pourrez être, pour beaucoup de nos frères et soeurs, ses mains, son regard et son coeur, selon l'exemple lumineux de saint Camille de Lellis.

Que le témoignage de la charité constitue l'effort incessant de votre Congrégation, très chères soeurs, une charité qui ne connaît pas de limites et qui parle la langue de chaque région du monde. L'humanité d'aujourd'hui, éprouvée comme elle l'est par des malheurs et des pauvretés anciennes et nouvelles, a plus que jamais besoin de faire l'expérience de l'amour et de la miséricorde de Dieu.

Elle a besoin de se sentir aimée pour aimer et accueillir la vie. Vous travaillez là où malheureusement ne manquent pas les graves atteintes à la vie de la part d'une culture de mort, qui tend à se diffuser de plus en plus dans des sociétés marquées par le matérialisme et le consumérisme hédoniste. Continuez, chères soeurs, à avoir à coeur et à oeuvrer généreusement sur ce "front" apostolique. Il s'agit d'une urgence pastorale qui doit être affrontée avec compétence professionnelle et ardeur apostolique.

4. Pour pouvoir accomplir cette mission exigeante, un profond et vaste engagement de formation est nécessaire, et votre Chapitre entend à juste titre mettre l'accent sur cette priorité. Il faut promouvoir la vie spirituelle et, en savante harmonie avec celle-ci, la dimen-sion culturelle et professionnelle, la dimension apostolique ainsi que celle de votre charisme spécifique (cf. Exhortation apostolique Vita consecrata VC 71). Il faut ensuite prendre soin de l'aspect communautaire: il constitue une partie intégrante et décisive du témoignage ecclésial, encore davantage dans les communautés de vie consacrée, appelées à être des signes prophétiques au sein du Peuple de Dieu.

Très chères soeurs, j'accompagne les réflexions que je vous ai proposées de l'assurance d'un souvenir particulier dans la prière, pour que descende, sereine et fortifiante, la lumière de l'Esprit Saint sur chacune de vous et sur les travaux capitulaires.

Que la Vierge Marie, Santé des Malades, vous assiste, et fasse fructifier chacune de vos initiatives. Qu'Elle vous donne la joie et l'amour de servir son divin Fils dans le prochain qui vit dans la détresse. Que la Bénédiction apostolique que je vous envoie, ainsi qu'à l'ensemble de votre famille religieuse, soit aussi pour vous un réconfort.

De Castel Gandolfo, le 12 septembre 2002

IOANNES PAULUS II



AUX ABBES ET ABBESSES DE I'ORDRE CISTERCIEN DE LA STRICTE OBSERVANCE

Jeudi 19 septembre 2002



1. La réunion des deux Chapitres généraux du vénérable Ordre cistercien de la stricte observance m'offre l'heureuse occasion de vous rencontrer, chers abbés, abbesses, et représentants des moines et des moniales trappistes.

Merci de cette visite, par laquelle vous entendez renouveler l'expression de votre fidèle adhésion au Successeur de Pierre. Je salue chacun de vous avec affection. J'adresse une pensée particulière de gratitude à dom Bernardo Olivera, qui s'est fait l'interprète des sentiments communs, en illustrant également le but et les objectifs de votre assemblée. A travers vos personnes, je salue les confrères et les consoeurs de vos monastères présents partout dans le monde. Le Pape vous est reconnaissant, car du silence de vos cloîtres s'élève vers le ciel une intense prière pour son ministère et pour les intentions et les besoins de la communauté ecclésiale tout entière.

2. Très chers frères et soeurs! Vous vous êtes réunis ces jours-ci pour réfléchir aux moyens de faire en sorte que le patrimoine spirituel commun, tout en conservant l'intégrité de l'esprit des origines, réponde toujours mieux aux exigences du moment présent. L'humanité, également à cause des tragiques événements récents, dont c'est précisément l'anniversaire ces jours-ci, apparaît désorientée, à la recherche de certitudes: elle a soif de vérité, elle aspire à la paix.

Mais où chercher un refuge sûr sinon en Dieu? Ce n'est que dans la miséricorde divine, comme je le rappelai lors de mon récent voyage en Pologne, que le monde peut trouver la paix, et l'homme le bonheur. Vos monastères sont depuis des siècles de précieux témoins de ce secret, caché aux savants et aux personnes intelligentes, mais révélé aux petits (cf. Mt 11,25).

Depuis le commencement, en effet, les cisterciens se caractérisèrent par une sorte de "passion mystique", en montrant comment la recherche sincère de Dieu, à travers un itinéraire ascétique austère, conduit à la joie ineffable d'une rencontre sponsale avec Lui dans le Christ. A cet égard, saint Bernard enseigne que celui qui a soif du Très-Haut n'a plus rien qui lui soit propre, et partage dès lors tout en commun avec Dieu. Et il ajoute que l'âme, dans cette situation, "ne demande pas de liberté, ni aucune récompense, aucun héritage, ni non plus de doctrine, mais un baiser [de Dieu] à la façon d'une épouse tout à fait chaste, ardente d'un saint amour, et totalement incapable de cacher la flamme qui la brûle" (Saint Bernard, Super Cantica canticorum, 7, 2).

3. Cette profonde spiritualité conserve toute sa valeur de témoignage dans le contexte culturel actuel, qui entretient trop souvent le désir de biens trompeurs ou de paradis artificiels. Très chers frères et soeurs, votre vocation est en effet de témoigner, à travers l'existence recueillie de la trappe, de l'idéal élevé de la sainteté qui se résume en un amour inconditionnel envers Dieu, bonté infinie, et, par reflet, en un amour qui, dans la prière, embrasse de façon mystique l'humanité tout entière.

Le style de vie qui vous distingue souligne bien ces deux aspects fondamentaux de l'amour. Vous ne vivez pas comme des ermites en communauté, mais comme des cénobites dans un désert singulier. Dieu se manifeste dans votre solitude personnelle, tout comme dans la solidarité qui vous unit aux membres de la communauté. Vous êtes seuls et séparés du monde pour vous acheminer sur le sentier de l'intimité divine. Dans le même temps, vous partagez cette expérience spirituelle avec d'autres frères et soeurs, dans un équilibre constant entre contemplation personnelle et union à la liturgie de l'Eglise.

Conservez intact ce patrimoine charismatique! Il constitue une richesse pour tout le peuple chrétien.

4. Le développement de l'Ordre vous place aujourd'hui, notamment dans le lointain Orient, en contact avec différentes traditions religieuses, avec lesquelles il est nécessaire de tisser un dialogue sage et prudent pour que resplendisse partout, dans la pluralité des cultures, l'unique lumière du Christ. Jésus est le soleil resplendissant, dont l'Eglise doit être le fidèle reflet, selon l'expression "mysterium lunae", très chère à la contemplation des Pères. Ce devoir, comme je l'écrivais dans la Lettre apostolique "Novo millennio ineunte"; suscite l'anxiété, si l'on tient compte de la fragilité humaine, mais devient possible quand on s'ouvre à la grâce rénovatrice de Dieu (cf. NM NM 55).

Très chers frères et soeurs, que les difficultés et les épreuves, même très douloureuses, ne vous découragent pas. Je pense, à cet égard, aux sept moines de Notre-Dame de l'Atlas, à Tibhirine, en Algérie, sauvagement assassinés en mai 1996. Que leur sang versé soit la semence de vocations nombreuses et saintes pour vos monastères en Europe, où le vieillissement des communautés de moines et de moniales est le plus sensible, ainsi que dans les autres endroits du monde, où une autre urgence s'impose, celle d'assurer la formation des nombreux aspirants à la vie cistercienne. En outre, je souhaite qu'une coordination mieux organisée entre les diverses branches de l'Ordre rende le témoignage du charisme commun toujours plus éloquent.

5. "Duc in altum"! (Lc 5,4). Très chers frères et soeurs, je vous adresse, à vous aussi, l'invitation de Jésus à avancer en eaux profondes; une invitation qui résonne pour tout le peuple chrétien au terme du grand Jubilé de l'An 2000. Avancez sans crainte sur le chemin entrepris, animés par le "bon zèle" dont parle saint Benoît dans sa règle, en ne faisant passer absolument rien avant le Christ (cf. chap. LXXII).

Que Marie, la Sainte Vierge, veille sur vous, et qu'avec elle vous protègent tous les saints et les bienheureux de l'Ordre. Le Pape vous assure de son souvenir constant dans la prière, tout en vous bénissant de tout coeur, vous tous ici présents, ainsi que vos communautés monastiques.




AUX ÉVÊQUES BRÉSILIENS DES RÉGIONS "OUEST 1 ET OUEST 2" EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 21 septembre 2002


  Chers frères dans l'épiscopat,

1. C'est pour moi un motif de joie de vous recevoir aujourd'hui, archevêques et évêques des provinces ecclésiastiques des Régions Ouest 1 et 2, correspondant respectivement au Mato Grosso do Sul et au Mato Grosso, qui êtes venus à Rome pour renouveler votre foi auprès des tombeaux des Apôtres. C'est la première fois que le diocèse de Juína et la Prélature de Paranatinga, érigés au cours des cinq dernières années, effectuent une visite ad limina, au cours de laquelle tous les évêques réaffirment leur lien de communion avec le Successeur de Pierre.

Je remercie de tout coeur Mgr Bonifácio Piccinini, Archevêque de Cuiabá, pour le salut qu'il m'a adressé au nom de tous, et chacun de vous pour l'occasion qui m'a été offerte, lors des rencontres personnelles, de connaître les sentiments des communautés que vous servez en tant que pasteurs, en participant ainsi au souhait que votre troupeau grandisse "vers Celui qui est la Tête, le Christ" (Ep 4,15).

Dans le but d'encourager votre sollicitude pastorale, je désire à présent partager avec vous quelques réflexions, suggérées par la situation concrète dans laquelle vous exercez votre ministère de faire connaître et "annoncer le mystère du Christ" (Col 4,3).



2. La visite ad limina des groupes successifs de pasteurs qui forment l'épiscopat du Brésil trace le chemin et permet de réaliser une profonde expérience de communion, affective et effective, à travers de nombreux dialogues enrichissants, comme j'ai voulu le souligner lors de la précédente rencontre avec le groupe de l'Amazonie. Je constate avec satisfaction l'effort que vous accomplissez, que ce soit ensemble ou dans les divers diocèses, afin de forger une communauté ecclésiale pleine de vitalité et évangélisatrice, vivant une profonde expérience chrétienne alimentée par la Parole de Dieu, par la prière et les sacrements, cohérente avec les valeurs évangéliques dans son existence personnelle, familiale et sociale.

Dans le cadre de la responsabilité importante et captivante qui est la vôtre, je désire m'arrêter en particulier sur la collaboration des fidèles laïcs à la vie diocésaine, mais surtout sur le saint ministère des prêtres.

Le fait que votre pays ait le plus grand nombre de baptisés dans l'Eglise catholique du monde entier n'est pas une nouveauté. Dans le sillage du Concile Vatican II, du Synode des Evêques de 1987 et de l'Exhortation apostolique Christifideles laici, qui en est le fruit, il a été souligné que l'identité des laïcs est fondée sur la "radicale nouveauté chrétienne qui dérive du Baptême" (CL 10). L'appel à tous les membres du Corps mystique du Christ de participer activement à l'édification du Peuple de Dieu, retentit sans cesse dans les documents du Magistère (cf. Lumen gentium LG 3 Décret Apostolicam actuositatem LG 24).



3. En 1997, a de nouveau été mis en lumière ce principe qui réaffirmait l'identité propre, dans leur dignité commune et dans la diversité de leurs fonctions, des fidèles laïcs, des saints ministres et des personnes consacrées (cf. Instruction sur quelques questions à propos de la collaboration des laïcs au ministère des prêtres, Préambule). Il est important de réfléchir sur cette participation, afin de la réaliser de la façon la plus opportune, en particulier dans les communautés qui constituent normalement la vie du diocèse et autour desquelles leurs membres collaborent activement.

L'Eglise naît de "la disposition absolument libre et mystérieuse de la sagesse et de la bonté" du Père (Lumen gentium LG 2) de sauver tous les hommes à travers son Fils dans l'Esprit Saint. "De unitate Patris et Filii et Spiritus Sancti plebs adunata", c'est ainsi que l'Evêque et martyr saint Cyprien décrit l'Eglise (De Orat. dom. 23; PL 4, 553). En fondant son Eglise, le Christ ne le fait pas comme s'il s'agissait d'une simple institution qui se suffirait à elle-même juridiquement et dans laquelle les hommes s'inséreraient pour obtenir le salut. Elle est beaucoup plus que tout cela. Le Père a appelé les hommes et les femmes, afin qu'ils constituent un Peuple de fils dans le Fils, dans le Christ, à travers la chair immolée de son Fils fait homme; en d'autres termes, afin qu'ils forment le Corps du Christ.

Le Concile s'est ouvert à une vision positive du caractère particulier des fidèles laïcs, qui a comme aspect spécifique celui de "chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu" (Lumen gentium LG 31). Ceux qui vivent dans le monde et qui y trouvent leur matière première de sanctification, cherchent à transformer les réalités humaines afin de favoriser le bien commun familial, social et politique, mais surtout pour les élever à Dieu, en glorifiant le Créateur et en vivant chrétiennement parmi leurs semblables.

Certains des évêques ici présents se souviendront que, à l'occasion de ma rencontre avec le laïcat catholique de Campo Grande, en 1991, j'ai voulu rappeler les "diverses formes de participation organique des laïcs dans l'unique mission de l'Eglise-communion", précisément dans la situation et dans le lieu que Dieu a voulu qu'ils occupent dans le monde (n. 1).

L'Eglise a pour objectif de poursuivre dans le monde la mission salvifique du Christ. Au cours de l'histoire, elle s'engage à accomplir cette mission grâce à la lumière de l'Esprit Saint, à travers l'action de ses membres, dans les limites de la fonction que chacun exerce dans le Corps mystique du Christ.

4. Parmi les objectifs de la réforme liturgique, établie par le Concile Vatican II, se trouvait la nécessité de conduire "tous les fidèles" à "cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui est, en vertu de son baptême, un droit et un devoir pour le peuple chrétien, "race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté" (1P 2,9)" (Sacrosanctum concilium SC 14).

Mais dans les faits, dans le but de réaliser cette aspiration, s'est répandue de façon arbitraire au cours des années qui suivirent le Concile, "la confusion des fonctions en ce qui concerne le ministère sacerdotal et la fonction des laïcs: on a pu constater la récitation indiscriminée et commune de la prière eucharistique, des homélies prononcées par des laïcs et l'administration de la communion de la part de laïcs, dans la mesure où les prêtres s'en exemptent" (cf. Instr. Inestimabile donum, 3/04/1980, Préambule).

Ces graves abus dans la pratique ont souvent eu leur origine dans des erreurs doctrinales, en particulier en ce qui concerne la nature de la Liturgie, du sacerdoce commun des chrétiens, de la vocation et de la mission des laïcs, et en ce qui concerne le ministère ordonné des prêtres.

Vénérables frères dans l'épiscopat, le Concile, comme vous le savez, a considéré la liturgie "comme l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l'homme est signifiée par signes sensibles, est réalisée d'une manière propre à chacun d'eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, c'est-à-dire par le Chef et par ses membres" (Sacrosanctum concilium SC 7).

La rédemption est totalement réalisée par le Christ. Toutefois, dans cette oeuvre si grande, à travers laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, notre Sauveur associe toujours à lui son Epouse bien-aimée, l'Eglise (cf. Sacrosanctum concilium SC 7). A travers la Liturgie, le Seigneur "continue dans son Eglise, avec elle et par elle, l'oeuvre de notre rédemption" (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1069).

La Liturgie est l'action de tout le Corps Mystique du Christ, Tête et membres (Ibid., CEC CEC 1071). Elle est l'action de tous les fidèles, car tous participent au sacerdoce du Christ (Ibid., CEC CEC 1141 CEC 1273). Cependant, tous n'ont pas la même fonction, car tous ne participent pas de la même façon au sacerdoce du Christ. A travers le Baptême, tous les fidèles participent au sacerdoce du Christ; c'est ce qui a été appelé le "sacerdoce commun des fidèles". Outre ce sacerdoce, et pour le servir, il existe une autre participation à la mission du Christ: celle du ministère conféré par le Sacrement de l'Ordre (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1591), c'est-à-dire le "Sacerdoce ministériel"."Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, bien qu'il y ait entre eux une différence essentielle et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l'un à l'autre: l'un et l'autre, en effet, chacun selon son mode propre, participent de l'unique sacerdoce du Christ. Celui qui a reçu le sacerdoce ministériel jouit d'un pouvoir sacré pour former et conduire le peuple sacerdotal, pour faire, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l'offrir à Dieu au nom du peuple tout entier; les fidèles eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l'offrande de l'Eucharistie et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l'action de la grâce, le témoignage d'une vie sainte, et par leur renoncement et leur charité effective" (Lumen gentium LG 10).



5. Avoir fait abstraction de cette différence essentielle, et du fait que le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles soient réciproquement ordonnés l'un à l'autre, a eu des répercussions immédiates sur les Célébrations liturgiques, actes de l'Eglise organiquement structurée.

J'ai voulu rappeler ces déclarations du Magistère de l'Eglise, avec la certitude que, bien que les connaissant, vous pourriez les exposer à nouveau avec simplicité afin que les laïcs évitent d'exercer dans la liturgie les fonctions qui relèvent de la compétence exclusive du sacerdoce ministériel, car seul celui-ci agit de façon spécifique in persona Christi capitis.

J'ai déjà eu l'occasion de faire référence à la confusion et, parfois, à l'assimilation entre sacerdoce commun et sacerdoce ministériel, au manque de respect de certaines lois et normes ecclésiastiques, à l'interprétation arbitraire du concept de "suppléance", à la tendance à la "cléricalisation" des fidèles laïcs, etc., indiquant qu'il est nécessaire que "les pasteurs veillent à éviter un recours facile et abusif aux présumées "situations de nécessité" ou de "suppléance nécessaire", là où, objectivement, ce n'est pas le cas, ou bien là où il est possible d'y obvier par une programmation pastorale plus rationnelle" (Christifideles laici CL 23).

Je désire rappeler ici que les fidèles non-ordonnés peuvent exercer certaines tâches ou fonctions de collaboration au service pastoral lorsqu'ils y ont été expressément préparés par leurs saints pasteurs respectifs [...] et selon les prescriptions du droit (CIC 228,1). De même, les diacres et les fidèles non ordonnés ne jouissent pas du droit d'avoir voix active ou passive dans le conseil presbytéral, ainsi que les prêtres qui ont perdu l'état clérical ou qui, d'une certaine façon, ont abandonné le ministère sacré (cf. Instruction sur plusieurs questions à propos de la collaboration des laïcs au ministère des prêtres, Art. 5).

Enfin, je rappelle également que les membres du Conseil pastoral diocésain ou paroissial jouissent exclusivement d'un droit de vote consultatif, qui ne peut donc pas devenir délibératif (ibid.). L'Evêque écoutera les fidèles, les clercs et les laïcs, pour se faire une opinion, même si ces derniers ne peuvent pas formuler le jugement définitif de l'Eglise, qu'il revient à l'Evêque de discerner et de prononcer, non en raison d'une simple question de conscience, mais en tant que Maître de la foi (CIC 212 CIC 212 ; 512, 2). On évitera ainsi que le Conseil pastoral puisse être entendu de façon erronée comme un organe représentatif ou le porte-voix des fidèles du diocèse.



6. Dans un contexte plus vaste, mais sans vouloir m'éloigner de ces considérations, je désire également faire référence au thème du rétablissement du Diaconat permanent pour les hommes mariés, qui a constitué un enrichissement important pour la mission de l'Eglise après le Concile.

De fait, le Catéchisme de l'Eglise catholique en considère la nécessité "soit dans la vie liturgique et pastorale, soit dans les oeuvres sociales et caritatives" (CEC 1571). La collaboration que le Diacre permanent offre à l'Eglise, en particulier là où les prêtres manquent, apporte sans aucun doute un grand bénéfice à la vie ecclésiale. Au Brésil, il existe la Commission nationale des diacres, qui a pour fonction de veiller à ce que la spécificité de leur service puisse s'exprimer, sous l'autorité des Evêques, là où cela est nécessaire pour le bien des fidèles. Bien sûr le service du diacre permanent est et sera toujours limité aux prescriptions du droit, car il revient aux prêtres d'exercer la pleine autorité ministérielle; on évite ainsi le risque de l'ambiguïté qui peut troubler les fidèles, en particulier au cours des Célébrations liturgiques.

Les Pasteurs doivent donc ressentir le besoin de promouvoir la pastorale des vocations de ces jeunes qui, par amour de Dieu et de son Eglise, désirent faire don d'eux-mêmes dans un célibat apostolique réel et définitif, avec une rectitude morale et une authentique liberté spirituelle, à la cause de Dieu. La proposition du célibat sacerdotal de la part de l'Eglise est claire dans ses exigences: elle implique la parfaite continence pour le Royaume des Cieux.

7. Au terme de cette rencontre, je vous demande instamment d'apporter mon souvenir cordial à vos fidèles diocésains du Mato Grosso. Je pense en particulier aux jeunes qui entreprennent leur chemin ecclésial. Participez à l'expérience de ces communautés diocésaines plus anciennes et entraînez-vous à vivre avec joie la foi dans le Christ, notre Sauveur.

Je confie vos intentions et projets pastoraux à la protection maternelle de la Vierge Marie, qui est toujours invoquée au Brésil avec tant de ferveur comme la Senhora Aparecida. Je saisis également l'occasion pour saluer, à travers vous, les prêtres et tous les ministres de l'Eglise, les diacres permanents, les communautés de personnes consacrées, les paroisses, les Associations chrétiennes, les familles, les personnes âgées et ceux qui souffrent de toutes sortes de douleurs physiques ou morales; je rappelle également avec joie les jeunes et les enfants, objet de mes grandes espérances. Enfin, j'assure tous les chers fidèles diocésains du Mato Grosso et du Mato Grosso do Sul, de mon affection et de mon encouragement à vivre leur vocation chrétienne en union avec Dieu, notre Seigneur, et avec le Successeur de Pierre, accompagnés de la Bénédiction apostolique que je leur donne de tout coeur.




Discours 2002 - Samedi 14 septembre 2002