Discours 2002




                                         2002

       Janvier 2002



AU CHOEUR "IUBILEUM" DE MOSCOU

Mardi 1er janvier 2002


Avec les applaudissements mérités, je suis heureux de vous adresser une salutation cordiale, au maître et membres du choeur "Iubileum" de Moscou. Je vous remercie de tout coeur pour l'hommage chanté que vous avez voulu m'offrir à l'occasion des fêtes de Noël et au début de la nouvelle année.

Chères jeunes filles, j'ai apprécié les mélodies de votre chant qui s'est mêlé de façon suggestive aux figures et aux couleurs de cette Chapelle Redemptoris Mater, décorée avec un esprit oecuménique selon la tradition orientale. J'apprécie beaucoup le chant liturgique russe et je me sens toujours très proche de votre culture, en particulier de celle religieuse. La culture russe, l'art, la littérature, le chant sont autant de réalités imprégnées d'une forte spiritualité, qui élève le coeur et l'esprit vers Dieu et les emplit de bienveillance et de compassion envers le prochain.

Je remercie le directeur du Choeur, le maître Alexander Nevzorov, qui vous dirige pour exprimer harmonieusement toute la beauté de votre chant.

Je suis heureux de savoir que vous êtes venus de Moscou avec la bénédiction du Patriarche Alexis II. Je profite donc de l'occasion pour lui adresser, à travers vous, une salutation fraternelle et tous mes voeux pour le Noël de notre Seigneur Jésus-Christ.

Je vous ai accueillis bien volontiers, très chers amis. J'espère que vous considérerez toujours cette maison comme votre maison. Je vous embrasse avec affection et, en vous remerciant à nouveau, je vous offre tous mes voeux de bien pour votre activité artistique. A vous et à ceux qui vous sont chers, je donne de tout coeur la Bénédiction apostolique.


AUX UNIVERSITAIRES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES AGRAIRES DE VARSOVIE

Vendredi 11 janvier 2002



Mesdames, Messieurs,

Je vous salue tous cordialement: le Sénat académique, les professeurs, les enseignants et le personnel administratif, les étudiants et le choeur. J'adresse au Recteur Magnifique mon salut particulier, ainsi que mes remerciements pour les paroles qu'il m'a adressées. Je suis heureux de pouvoir vous accueillir ici, comme représentants de la communauté de l'Académie des Sciences agraires, composée de plusieurs milliers de personnes.

Je vous remercie d'être venu à Rome, pour vivre avec le Pape cette cérémonie de votre institut universitaire. On devrait dire plutôt: autour du Pape, car, dans votre bienveillance et dans votre bonté, vous avez voulu le gratifier du titre de Docteur honoris causa de votre Académie. Je dois admettre qu'une telle attention concentrée sur ma personne serait assez embarrassante si je n'avais pas conscience que vous veniez plutôt auprès du Successeur de saint Pierre pour exprimer, à travers votre proximité, le lien profond qui unit votre Académie à la tradition culturelle chrétienne de la nation polonaise et de toute l'Europe. Je sais que vous voulez aussi exprimer le souhait d'une recherche constante d'une telle unité, qui se réalise au niveau supérieur, dans un certain sens métaphysique, de l'unité entre la science et la foi. C'est pourquoi, je vous accueille avec joie et gratitude.

L'Académie des Sciences agraires peut se vanter d'une longue et riche tradition, qui remonte à la douloureuse période des divisions, des espérances liées à l'illuminisme et de l'activité sociale et éducative de figures comme Stanislaw Staszic ou Stanislaw Potocki. Ce sont eux qui donnèrent naissance à cette institution qui, à travers un rigoureux travail scientifique et didactique, devait non seulement contribuer au développement de l'agriculture, mais aussi éveiller dans la nation l'amour et le respect pour la terre polonaise, ainsi que pour le patrimoine historique et culturel qui y est lié. Au cours des décennies, à travers les destins changeants de l'histoire de la patrie, l'Académie constituait un centre de vie scientifique, économique et socio-politique dynamique. C'est là que se formaient et enseignaient d'éminents savants, des hommes politiques ainsi que des héros de la lutte pour l'indépendance de la patrie. Cette académie a véritablement été une source jaillissante d'amour pour la terre polonaise et de sollicitude pour la campagne polonaise et pour toute la patrie.

Votre présence, qui rappelle à l'esprit cette belle tradition, renvoie en même temps à l'époque actuelle. Dans un certain sens, elle pose la question du rôle que peut avoir l'Académie des Sciences agraires dans l'actuelle réalité socio-économique polonaise. En cherchant la réponse, il faut noter d'abord que nous observons une profonde crise de l'agriculture polonaise, effet d'une idéologie erronée et de pratiques appliquées au cours des décennies passées qui ont provoqué des retards par rapport à l'agriculture européenne moderne soutenue depuis des années par les financements de l'Etat. La crise économique de l'agriculture produit également des effets au niveau de la culture nationale. Si, en effet, beaucoup de jeunes compétents, issus de milieux ruraux, ne peuvent plus, pour des raisons matérielles, poursuivre leurs études dans les écoles supérieures et dans les universités, nous assisterons sans aucun doute à un appauvrissement spirituel non seulement de la campagne polonaise, mais aussi de toute la société. La question revêt également un autre aspect douloureux: l'agriculture polonaise d'aujourd'hui semble souffrir, non seulement de la faible rentabilité de son dur travail et, en conséquence, de l'insuffisance des moyens pour le développement de son secteur, mais aussi du manque de respect, de la part de la société, pour son travail et de l'absence de soutien dans ses efforts pour changer la situation. Et une attitude de ce genre dans une partie significative des milieux politiques et sociaux peut dériver de la perte du sens de la valeur de la terre - de la terre appartenant à la famille, de la terre appartenant à la patrie -, de l'abandon des traditions spirituelles pluriséculaires qui y sont liées, de l'extinction de l'amour pour cette terre, irriguée pendant des siècles par la sueur et le sang de nos ancêtres.

Dans un tel contexte, le rôle de l'Académie des Sciences agraires semble irremplaçable. Il est bien connu que vous assumez aujourd'hui de nouveaux devoirs, conformément à l'esprit du temps et aux exigences auxquelles vous faites faces soulevées par le développement des sciences et des changements culturels, économiques et sociaux. Je sais que l'activité éducative de l'Académie comprend plus de cinquante spécialisations. Beaucoup d'entre elles ne concernent certainement pas directement l'agriculture ou le large éventail des phénomènes concernant la vie de la campagne. Toutefois, vous ne devez pas oublier les racines, la tradition qui imposait à tous ceux qui formaient la communauté de cette Académie d'être préoccupés par le développement de l'agriculture et de susciter l'amour de la terre polonaise - mère nourricière. N'abandonnez pas l'effort de construire les bases scientifiques du développement de l'agriculture polonaise, du déploiement des perspectives de sa croissance culturelle et spirituelle. Ne cessez surtout pas d'apporter à tous les habitants des villes et des villages, le témoignage de l'amour et du respect, dûs à la terre polonaise et à ceux qui la cultivent à la sueur de leur front. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour que l'agriculture polonaise puisse entrer avec dignité, bien-être matériel et richesse spirituelle dans la structure de l'Europe unie.

Avec ma prière et avec une pensée cordiale, je vous soutiens dans cet effort. Une fois encore, je vous remercie de votre présence et je souhaite à tous un grand succès dans le travail en faveur de la science, de la culture et de la vie sociale. Transmettez mon salut à la multitude d'étudiants et de professeurs de votre Académie. Que Dieu vous bénisse!


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI

Vendredi 18 janvier 2002



Vénérés Cardinaux,
Chers confères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous accueillir au terme de l'Assemblée plénière de votre dicastère. En adressant à chacun de vous mon salut cordial, je désire remercier de façon particulière le Cardinal Joseph Ratzinger, votre Préfet, pour les nobles paroles avec lesquelles il a interprété vos sentiments.

J'ai écouté avec attention ce que le Cardinal-Préfet m'a exposé à propos des travaux que vous avez accomplis au cours de ces intenses journées de réflexion. A cet égard, permettez-moi tout d'abord de vous présenter quelques-unes de mes réflexions et convictions à propos de la signification la plus profonde de votre rencontre. L'Eglise vit d'une confrontation fraternelle permanente nécessaire, de ce flux et reflux dont seul peut naître une collaboration plus effective et efficace entre les dicastères de la Curie romaine, avec les Conférences épiscopales et, en conséquence, également avec les Supérieurs généraux des Instituts de Vie consacrée et des Sociétés de Vie apostolique. Sans une telle collaboration, qui naît d'une unité d'intention consolidée, l'Eglise ne pourrait pas vraiment être elle-même, la Communauté de ceux qui sont rassemblés par le plus étroit des liens, celui qui naît de la communion avec le Père, le Fils et le Saint Esprit.

Rechercher cette unité et cette collaboration et être ensuite fidèles aux convictions qui doivent guider, en ce moment historique, notre témoignage commun de chrétiens, est donc l'objectif prioritaire de notre fidélité au Seigneur, une fidélité qui donne un sens à nos existences. Une communication et une collaboration encore plus intense entre les dicastères, les Conférences épiscopales et les Supérieurs généraux est donc le premier fruit que nous devons invoquer ensemble à l'occasion de notre rencontre d'aujourd'hui.


2. A propos des thèmes que m'a présentés le Cardinal-Préfet, je souhaite m'arrêter en particulier sur le problème de l'accueil des documents doctrinaux, que votre Congrégation publie progressivement, en tant qu'organisme précieux au service de mon ministère de Pasteur universel.

A cet égard, il existe surtout une question d'assimilation des contenus de ceux-ci et de collaboration dans la diffusion et l'application des conséquences pratiques qui en découlent; celui-ci concerne tous les dicastères de la Curie romaine, unis précisément par la même foi et par la même volonté d'annonce et de témoignage. Dans l'Eglise, tout a pour finalité l'annonce de Jésus-Christ Sauveur.

Mais il existe ensuite la question de la transmission des vérités fondamentales, que ces documents rappellent à tous les fidèles, ou plutôt à tous les hommes et en particulier aux théologiens et aux hommes de la culture. Le problème devient ici plus ardu et il exige attention et pondération. Dans quelle mesure la dynamique des moyens de communication de masse influe-t-elle sur ces difficultés d'accueil? Dans quelle mesure ce fait dépend-il de situations historiques particulières? Ou, plus simplement, naît-il de la difficulté d'accueillir les exigences sévères du langage évangélique, qui possède pourtant une force libératrice? Il s'agit de thèmes sur lesquels votre assemblée s'est certainement déjà penchée, mais qui exigent, de toute évidence, du temps et des études appropriées.

Pour ma part, je désire seulement rappeler l'utilité de cette écoute réciproque, afin que les diverses suggestions, évaluées et méditées comme il se doit, permettent de faire parvenir le message dans son intégrité au plus grand nombre de personnes possible. En outre, la nécessité d'une participation toujours plus grande des Conférences épiscopales, de chaque Evêque et, par leur intermédiaire, de tous les annonciateurs de l'Evangile dans l'oeuvre de sensibilisation sur les thèmes les plus urgents de la proclamation de la foi aujourd'hui, apparaît de façon évidente. Enfin, il existe un problème de style, de cohérence de vie; ces réactions sont également un défi et une invitation à témoigner toujours davantage, également à travers sa propre vie, de la centralité de l'amour du Christ dans nos existences, en opposition à des perspectives éphémères qui en obscurcissent la force de persuasion.


3. En ce qui concerne le thème de l'Eucharistie et de l'Eglise, il n'est pas nécessaire que je m'attarde sur le caractère central de celui-ci pour la vie du monde, dans lequel le Seigneur nous a envoyés comme semence de renouveau. Reconduire l'Eglise à sa source eucharistique ne pourra que lui redonner authenticité et force, en l'allégeant des débats les moins urgents à caractère pratique, et en lui offrant en revanche les perspectives de consécration à Dieu et de partage fraternel, qui permettront au fil du temps de surmonter également les séparations et les divisions. D'autre part, le caractère dramatique du sacrifice eucharistique du Christ ne permet pas de le circonscrire à une simple rencontre conviviale, mais demeure toujours comme un signe en butte à la contradiction et donc également comme une vérification de notre conformité au caractère radical de son message, que ce soit à l'égard de Dieu ou de nos autres frères.

En ce qui concerne l'autre thématique, c'est-à-dire l'étude à propos de la perte d'importance de la loi naturelle, je considère opportun de rappeler, comme du reste je l'ai plusieurs fois affirmé dans les Lettres encycliques Veritatis splendor et Fides et Ratio, que l'on se trouve en présence d'une doctrine appartenant au grand patrimoine de la sagesse humaine, purifié et conduit à sa plénitude grâce à la lumière de la Révélation.

La loi naturelle est la participation de la créature rationnelle à la loi éternelle de Dieu. Son identification, qui d'un côté crée un lien fondamental avec la loi nouvelle de l'Esprit de Vie en Jésus-Christ, permet également de trouver une large base de dialogue avec des personnes d'une autre orientation ou formation, en vue de la recherche du bien commun. A un moment aussi délicat pour le sort de tant de pays, de communautés et de personnes, en particulier des plus faibles, dans le monde entier, je ne peux que me réjouir de l'étude qui a été entreprise, dans le but de redécouvrir la valeur de cette doctrine, également en vue des défis qui attendent les législateurs chrétiens dans leur devoir de défendre la dignité et les droits de l'homme.

4. Je vous remercie enfin du service que, en tant que Congrégation, vous avez assumé, et qui consiste à apporter votre collaboration dans le jugement de plusieurs problèmes moraux graves, qui exigent une compétence et un approfondissement particuliers et à propos desquels, outre les interventions médicales nécessaires, il faudra toujours davantage étudier des parcours éducatifs et d'accompagnement formateur.

"Duc in altum! - Avance en eaux profondes!" disait Jésus à Pierre et à ses compagnons sur la plage de Galilée. Avec ces thèmes, qu'elle a affrontés à l'aube du troisième millénaire, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi "avance en eaux profondes", c'est-à-dire qu'elle se lance dans une réflexion de grande ampleur, qui permettra à toute l'Eglise d'entrer de façon plus incisive dans le coeur et dans les esprits de tous les membres de la famille humaine, pour reconduire ainsi chacun à son origine unique, le Père qui nous a tant aimés qu'il a donné son Fils unique, son Fils bien-aimé, pour la rédemption du monde.




AUX ÉVÊQUES DU VIÊT-NAM EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Mardi 22 janvier 2002


Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

1. Je vous accueille avec joie, Evêques du Viêt-Nam, vous qui avez fait un long chemin pour accomplir à Rome votre visite ad limina Apostolorum. Par cette démarche de pèlerinage auprès de la tombe des Apôtres Pierre et Paul, vous entendez affermir votre foi et votre ministère, prier pour vos Eglises diocésaines et renforcer les liens de communion qui vous unissent au Successeur de Pierre. Je souhaite que les différents moments de rencontre que vous pourrez vivre vous donnent de poursuivre avec courage la mission d’amour et de service de Jésus Sauveur, et qu’ils vous renouvellent dans votre ministère pour l’édification du Corps du Christ.

Je remercie Mgr Paul Nguyên Van Hòa, évêque de Nha Trang et nouveau Président de votre Conférence épiscopale, pour les paroles qu’il vient de m’adresser en votre nom, me faisant partager des signes d’espérance et des préoccupations pastorales que connaissent vos Eglises diocésaines. Je forme aussi des voeux chaleureux pour ceux d’entre vous qui ont récemment reçu l’ordination épiscopale. Au cours de la présente visite ad limina, je me réjouis vivement de pouvoir rencontrer la totalité des évêques de la Conférence épiscopale. Il est heureux que nous puissions vivre tous ensemble ce temps d’intense communion spirituelle et fraternelle. Lorsque vous retournerez dans votre noble pays, faites savoir à vos prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes, aux fidèles laïcs, spécialement aux jeunes, que le Pape prie pour eux et qu’il les encourage à relever les défis que pose l’Evangile, prenant exemple sur les saints et les martyrs qui les ont précédés sur le chemin de la foi et dont le sang versé demeure une semence de vie nouvelle pour tout le pays.

2. Depuis votre dernière visite ad limina, l’Eglise en Asie a été particulièrement invitée à approfondir le joyeux message de la Rédemption, en approchant de manière singulière la question fondamentale de l’annonce explicite du salut à la multitude des Asiatiques qui n’ont pas encore entendu parler du Christ. Tout comme les autres Eglises particulières en Asie, la communauté catholique du Viêt-Nam a mené sa propre réflexion théologique, spirituelle et pastorale au rythme des grands événements ecclésiaux qu’ont été l’Assemblée spéciale pour l’Asie du Synode des Evêques, la riche expérience du grand Jubilé de l’an 2000 et la récente Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, à laquelle certains d’entre vous ont eu la joie de participer. L’amour du Christ pousse l’Eglise à évangéliser et incite les évêques à promouvoir l’évangélisation, tâche et responsabilité premières de leur ministère.

3. L’Eglise au Viêt-Nam est appelée à avancer au large: je désire donc vous encourager à porter un grand souci de l’évangélisation et de la mission dans vos programmes pastoraux. Je connais votre zèle et les conditions difficiles dans lesquelles vous avez à exercer votre charge. Que le souffle de l’Esprit Saint féconde vos initiatives apostoliques, donnant ainsi un élan renouvelé à votre prédication, à la catéchèse, à la formation des prêtres et des religieux, à la prière des fidèles, à l’apostolat auprès des jeunes et des familles ! Vous avez à coeur, dans vos diocèses et au sein de la Conférence épiscopale, de proposer des choix pastoraux adaptés à la situation et aux besoins de votre Eglise particulière, en tenant compte du terreau humain dans lequel vous vivez, terreau façonné par les multiples cultures et les nombreuses traditions religieuses qui composent le paysage spirituel de votre pays. Dans cet esprit, l’organisation de la Conférence épiscopale que vous venez de mettre en place, en créant notamment des commissions spécialisées, est un instrument au service de ce nouveau dynamisme missionnaire dont vos communautés ont besoin. L’urgence de la mission doit toujours inspirer les choix courageux que vous avez à faire, guidés par l’Esprit Saint, agent principal de l’évangélisation, avec l’aide duquel vous serez en mesure de répondre efficacement aux exigences de l’annonce de l’Evangile.

Vos Rapports quinquennaux évoquent à plusieurs reprises la nécessité de développer la formation catéchétique initiale ainsi que la formation permanente des prêtres, des religieux, des religieuses et des fidèles. Les nombreuses années de conflit, la dissémination des communautés chrétiennes et la disparité du niveau d’instruction des fidèles ont rendu difficiles la proposition et l’organisation de cette formation. Je vous encourage donc à promouvoir et à soutenir toutes les initiatives qui permettent aux pasteurs et aux fidèles, par une formation appropriée, de structurer leur foi et d’en vivre, pour mieux en témoigner. Il importe en particulier de leur offrir un solide enseignement sur la doctrine sociale de l’Eglise.

4. Pour perpétuer sa mission d’amour et de service, l’Eglise catholique est aussi invitée à partager son espérance en proposant sans cesse le chemin du dialogue, qui a son origine et qui puise sa fécondité dans le dialogue salvifique d’amour du Père avec l’humanité, par le Fils et dans la puissance de l’Esprit Saint. Un dialogue confiant et constructif entre toutes les composantes de la société civile permettra seul de donner une espérance nouvelle pour tout le peuple du Viêt-Nam. Pour les chrétiens, ce dialogue, mû par la charité et enraciné dans le désir de la rencontre véritable avec le Christ Sauveur, nourrit la relation vivante avec le prochain quel qu’il soit, dans sa dignité inaliénable de fils de Dieu, surtout lorsqu’il fait l'expérience de la pauvreté ou de l’exclusion. Exhortez les communautés à contempler le Christ dans le visage de ceux auxquels il a voulu lui-même s’identifier, les invitant ainsi à discerner dans cette rencontre la fidélité de l’Eglise à sa mission !

5. Comme nous le rappelle le Concile Vatican II, «l’Eglise, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond en aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique». C’est pourquoi «la communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes dans le domaine qui est le leur». Cependant, étant appelées toutes deux à remplir leur mission spécifique au profit des mêmes hommes, ce service sera d’autant plus efficace «qu’elles pratiqueront davantage entre elles une saine collaboration» (Gaudium et spes GS 76).

Au nom de cette «saine collaboration», l’Eglise invite tous ses membres à s’engager loyalement pour la croissance de tous et pour l’édification d’une société juste, solidaire et équitable. Elle n’entend nullement se substituer aux responsables de la nation et à l’action des personnes, individuellement et collectivement, souhaitant seulement pouvoir exercer sa mission spécifique. Mais, par ses membres, dans un esprit de dialogue et de collaboration fraternelle, elle souhaite prendre une juste part à la vie de la nation, au service de tout le peuple et de l’unité de la société. En participant activement, à la place qui lui revient et selon sa vocation propre, au développement humain et spirituel des personnes, elle «communique à l’homme la vie divine, mais répand également sa lumière [...] principalement par le fait qu’elle rétablit et ennoblit la dignité de la personne humaine, qu’elle affermit la cohésion de la société humaine et qu’elle pénètre l’activité quotidienne des hommes d’une signification et d’un sens plus profonds» (Ibid., GS GS 40).

Pour réaliser cette «saine collaboration», l’Eglise attend de la communauté politique le respect total de son indépendance et de son autonomie. Le bien très précieux de la liberté religieuse - dont il est question dans le Concile Vatican II, dans les Déclarations et les Conventions internationales - s’adresse à la fois aux individus et aux communautés religieuses. Aux personnes, la liberté religieuse garantit le droit de professer et de pratiquer sans contrainte leur religion, de recevoir une éducation qui s’inspire des principes de leur foi, de suivre leur vocation religieuse et de poser des actes privés et publics qui manifestent la relation intérieure qui les unit à Dieu et à leurs frères. Aux communautés religieuses, la liberté religieuse assure des droits fondamentaux tels que se régir de manière autonome; célébrer sans restriction le culte public; enseigner publiquement leur propre foi et en témoigner oralement et par écrit; soutenir leurs membres dans la pratique de la vie religieuse; choisir, éduquer, nommer et déplacer leurs propres ministres; manifester la force singulière de leur doctrine sociale; promouvoir des initiatives dans les domaines éducatif, culturel, caritatif et social (cf. Vatican II, Dignitatis humanae DH 4). Je forme des voeux fervents pour que toutes les composantes de la nation s’unissent afin de promouvoir une civilisation de l‘amour, fondée sur les valeurs universelles de paix, de justice, de solidarité et de liberté.

6. Comment ne pas rendre grâce pour la vitalité et le courage des laïcs de vos diocèses, appelés à vivre et à célébrer leur foi dans des conditions souvent difficiles ! Par leur témoignage crédible et enthousiaste, ils sont les dignes héritiers de leurs devanciers sur le chemin de l’Evangile. Je les invite à prendre toujours davantage au sérieux leur vocation de baptisés et à «assumer le rôle qui est le leur dans la vie et la mission du peuple de Dieu, comme témoins du Christ, partout où ils se trouvent» (Ecclesia in Asia ). Des moyens doivent pouvoir être mis à leur disposition pour leur procurer une formation qui fera d’eux des témoins dans la vie sociale, politique et économique.

Je salue affectueusement les prêtres, vos précieux collaborateurs, qui annoncent avec assurance et courage l’Evangile du Christ dans le pays. Je sais avec quelle générosité et quelle passion ils travaillent pour bâtir des communautés fraternelles qui donnent le témoignage d’une Eglise accueillante et missionnaire. Ils sont conscients que la tâche de l'évangélisation concerne tout le peuple de Dieu et requiert une nouvelle ardeur, de nouvelles méthodes et un nouveau langage. Il vous revient d’être toujours davantage proches d’eux, afin de les soutenir dans leurs projets pastoraux, d’être attentifs à leur vie quotidienne et de les accompagner surtout quand ils vivent des épreuves liées à leur ministère. Il est aussi nécessaire de mettre à leur disposition une formation spirituelle et intellectuelle adaptée aux défis missionnaires qu’ils ont à affronter.

Je me réjouis de la disponibilité qui conduit de nombreux jeunes de vos diocèses à tout quitter pour répondre généreusement à l’appel du Christ dans le sacerdoce et devenir ainsi de fidèles intendants de ses mystères. C’est un signe éloquent de vitalité ecclésiale manifestée par les jeunes, assoiffés de valeurs spirituelles qu’ils désirent à leur tour partager avec tous leurs frères. Il vous appartient de veiller aux conditions d’une formation et d’un discernement solides, en choisissant avec soin des formateurs et des professeurs ayant acquis une maturité humaine et sacerdotale.

La floraison de vocations à la vie consacrée, spécialement à la vie religieuse féminine, est assurément un don magnifique du Seigneur à l’Eglise au Viêt-Nam, don pour lequel il convient de rendre grâce et auquel l’Eglise ne peut renoncer. J’encourage toutes les personnes consacrées à ne pas fléchir dans leur engagement missionnaire et à s’employer avec une ferveur renouvelée à annoncer le Christ et à servir tous les hommes. A la suite du témoignage audacieux donné par les Instituts tout au long des siècles passés, que les personnes consacrées ne cessent de se laisser transformer par la grâce de Dieu en se livrant davantage à l’Evangile !

7. Chers Frères dans l’épiscopat, je désire vous remercier encore une fois de votre générosité et de votre engagement exemplaires. Je rends grâce pour votre persévérance et pour votre témoignage courageux. Que l’espérance chrétienne féconde votre zèle apostolique et qu’elle vous donne des forces nouvelles pour annoncer le Christ, le Sauveur, lui qui est venu «pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance» (Jn 10,10) !

Je vous confie à l’intercession de Notre-Dame de La Vang, que vous avez célébrée plus particulièrement l’an dernier à l’occasion du centième anniversaire du grand congrès marial du 15 août. Je sais la confiance filiale que vous portez à la Mère du Christ. Puisse-t-elle éclairer votre route ! A chacun de vous, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses et à tous les fidèles laïcs du Viêt-Nam, j’accorde bien volontiers une affectueuse Bénédiction apostolique.

   

JOURNÉE DE PRIÈRE POUR LA PAIX


AU DÉBUT DE LA RENCONTRE POUR LA JOURNÉE DE PRIÈRE POUR LA PAIX

Assisi, 24 janvier 2002




1. Je vous accueille tous avec joie et je souhaite à chacun d’entre vous la plus cordiale bienvenue. Je vous remercie d’avoir répondu à mon invitation et de participer, ici à Assise, à cette rencontre de prière pour la paix. Elle nous rappelle celle de 1986, dont elle constitue comme un prolongement significatif. Le but est toujours le même, à savoir prier pour la paix : elle est avant tout un don de Dieu qu’il faut implorer avec une insistance pleine de ferveur et de confiance. Dans les moments de plus intense appréhension pour le devenir du monde, on ressent plus vivement le devoir de s’engager personnellement dans la défense et dans la promotion du bien fondamental qu’est la paix.

2. J’adresse un salut spécial au Patriarche oecuménique, Sa Sainteté Bartolomaios Ier, et à ceux qui l’accompagnent; au Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, Sa Béatitude Ignace IV; au Catholicos Patriarche de l’Église Assyrienne de l’Orient, Sa Sainteté Mar Dinkha IV; à l’Archevêque de Tirana, Durrës et de toute l’Albanie, Sa Béatitude Anastas; aux délégués des Patriarches d’Alexandrie, de Jérusalem, de Moscou, de Serbie, de Roumanie; des Églises orthodoxes de Bulgarie, de Chypre, de Pologne; aux délégués des antiques Églises de l’Orient : le Patriarcat syro-orthodoxe d’Antioche, l’Église apostolique arménienne, le Catholicossat arménien de Cilicie, l’Église orthodoxe d’Éthiopie, l’Église orthodoxe syrienne du Malankar; je salue le Représentant de l’Archevêque de Cantorbéry, Sa Grâce George Carey; les nombreux représentants des Églises et Communautés ecclésiales, des Fédérations, des Alliances chrétiennes d’Occident; le Secrétaire général du Conseil oecuménique des Églises; les Représentants du Judaïsme mondial, qui ont adhéré à cette Journée spéciale de prière pour la paix.

3. De même, je désire exprimer une cordiale bienvenue aux délégués des différentes confessions religieuses: aux représentants de l’Islam, venus ici de l’Albanie, de l’Arabie Saoudite, de la Bosnie, de la Bulgarie, de l’Égypte, de Jérusalem, de la Jordanie, de l’Iran, de l’Irak, du Liban, de la Libye, du Maroc, du Sénégal, des États-Unis d’Amérique, du Soudan, de la Turquie; aux représentants du Bouddhisme, venus de Taïwan et de la Grande-Bretagne, et à ceux de l’Hindouisme, venus de l’Inde; aux représentants de la religion traditionnelle africaine du Ghana et du Bénin, ainsi qu’à ceux qui viennent du Japon en tant que représentants de diverses religions et mouvements; aux représentants Sikhs, de l’Inde, de Singapour et de la Grande-Bretagne; aux délégués du Confucianisme, du Zoroastrisme et du Jaïnisme. Il ne m’est pas possible de nommer tout le monde, mais je voudrais que mon salut n’oublie aucun d’entre vous tous, chers hôtes, que je remercie encore une fois d’avoir accepté de prendre part à cette journée significative.

4. Ma reconnaissance s’étend aux Cardinaux et aux Évêques présents, en particulier au Cardinal Edward Egan, Archevêque de New York, ville si durement touchée lors des tragiques événements du 11 septembre; je salue en outre les représentants des épiscopats des Nations où l’on ressent plus fortement l’exigence de la paix. J’adresse une pensée spéciale au Cardinal Lorenzo Antonetti, Délégué pontifical pour la Basilique patriarcale Saint-François d’Assise, et aux chers Frères mineurs conventuels qui, comme toujours, nous offrent un accueil généreux et une hospitalité familiale.

Avec déférence, je salue le Président du Conseil italien, Monsieur Silvio Berlusconi, le Ministre pour les Infrastructures et les Transports, et les autres Autorités qui nous honorent de leur présence, ainsi que les Forces de Police et tous ceux qui déploient tous leurs efforts pour assurer le bon déroulement de cette journée.

Enfin, mon salut s’étend à vous tous, chers Frères et Soeurs ici présents, et spécialement à vous, chers jeunes qui avez veillé toute la nuit. Dieu veuille que la rencontre de ce jour fasse naître des fruits de paix pour le monde entier, ce que nous souhaitons tous ardemment !

      


Discours 2002