Discours 2002 - Samedi 16 février 2002


AUX MEMBRES DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DE THÉOLOGIE Samedi 16 février 2002

Monsieur le Cardinal,
Vénérés confrères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de cette rencontre, à travers laquelle vous avez voulu souligner la célébration du premier Forum international de l'Académie pontificale de Théologie. J'adresse à tous une salutation cordiale, avec une pensée de gratitude particulière pour Monsieur le Cardinal Paul Poupard, qui s'est fait l'interprète de vos sentiments et qui a illustré l'intention du Forum, dont le thème est significatif: "Jésus-Christ, son chemin, sa vérité et sa vie. Pour une relecture de "Dominus Iesus"".

Ce sujet relève précisément de la compétence de votre Académie. Ses Statuts renouvelés, que j'ai approuvés par un Motu proprio le 28 janvier 1999, indiquent en effet comme objectif de l'Académie "celui d'accomplir et de promouvoir les études théologiques ainsi que le dialogue entre les disciplines théologiques et philosophiques" (art. II). Tout effort que l'être humain accomplit afin de progresser dans la connaissance de la vérité est, en définitive, orienté vers la découverte d'un nouvel aspect du mystère de Dieu, "vérité suprême et première" (Saint Thomas d'Aquin, Summa Theologica, I 16,5) et source de vérité: "Toute vérité - dit en effet le Docteur angélique - vient de Dieu" (Quaestiones disputatae, De Veritate, q. 1, a. 8).

Si l'être humain peut se définir "comme celui qui cherche la vérité" (Fides et ratio FR 28) il sait qu'il a trouvé dans la rencontre avec Jésus et avec sa Révélation divine la vérité de son existence: "En Jésus-Christ, qui est la Vérité, la foi reconnaît l'ultime appel adressé à l'humanité, pour qu'elle puisse accomplir ce qu'elle éprouve comme désir et comme nostalgie" (ibid., FR 33).


2. Le devoir premier de l'Académie pontificale de Théologie est la méditation du mystère de Jésus-Christ, notre Maître et Seigneur, plénitude de grâce et de vérité (cf. Jn 1,16). C'est de cette source de lumière que jaillit le mandat de l'annonce, du témoignage et de l'engagement au dialogue oecuménique et interreligieux.

Dans l'Encyclique Fides et ratio, j'ai affirmé que "les voies d'accès à la vérité restent multiples; toutefois, la vérité chrétienne ayant une valeur salvifique, chacune de ces voies peut être empruntée, du moment qu'elle conduit au but final, la révélation de Jésus-Christ" (FR 38). Gardiens et témoins de la vérité du Christ dans l'Eglise et dans le monde, les Académiciens sont guidés dans leur travail d'étude et de recherche par la Révélation chrétienne, "vraie étoile sur laquelle s'oriente l'homme" (ibid., FR 15), en ce qui concerne la vérité à connaître, le bien à accomplir, la charité à vivre.


3. Deux aspects peuvent aujourd'hui caractériser l'apostolat et le service de la vérité: son dynamisme et son ecclésialité. La vérité de la Révélation chrétienne ouvre dans l'histoire des horizons toujours nouveaux de compréhension du mystère de Dieu et de l'homme. Cet élan intrinsèque de nouveauté ne signifie pas relativisme ou historicisme, mais concentration suprême de la vérité, dont la compréhension implique d'avancer sur un chemin, mais surtout de suivre le Christ, chemin, vérité et vie. La théologie devient ainsi un itinéraire en communion avec la Vérité-Personne qui est Jésus-Christ, dans un rapport de fidélité, d'amour et de don, sous l'action de l'Esprit de vérité (cf. Jn 16,13), dont le devoir n'est pas seulement celui de rappeler les paroles de Jésus, mais d'aider les chrétiens à les comprendre et à les vivre avec une plus grande clarté intérieure, dans l'histoire changeante de l'humanité.

La qualification de "pontificale" de votre "Académie de Théologie" signifie en second lieu que son service au Christ Vérité est caractérisé par son ecclésialité. La libre recherche du théologien s'exerce en effet au sein de la foi et de la communion de l'Eglise. Dans l'Eglise, sel de la terre et lumière du monde (cf. Mt 5,13-14), la réflexion théologique accomplit son devoir de répondre à la volonté salvifique universelle de Dieu, qui veut "que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1Tm 2,4). La communion ecclésiale, plus qu'une limite, est en réalité le lieu qui vivifie la réflexion théologique, en soutenant son audace et en récompensant sa prophétie. De cette façon, la science théologique, dans la compréhension toujours plus profonde de la vérité révélée, devient un service à tout le Peuple de Dieu, soutient son espérance et renforce sa communion.


4. L'adhésion au Christ Vérité, manifestée par les théologiens dans l'obéissance au magistère de l'Eglise, est une force puissante qui unifie et qui édifie. Le théologien catholique est conscient que le magistère n'est pas une réalité externe à la vérité et à la foi mais, au contraire, qu'en tant qu'élément constitutif de l'Eglise, il est au service de la Parole de vérité qui préserve des déviations et des déformations, en garantissant au Peuple de Dieu de vivre toujours dans l'histoire guidé et soutenu par le Christ-Vérité. Le rapport entre magistère et travail théologique est donc soutenu par le principe de l'harmonie. Etant tous deux au service de la Révélation divine, tous deux redécouvrent de nouveaux aspects et approfondissements de la vérité révélée. Là où il est question de la communion dans la foi, s'impose le principe de l'unité dans la vérité; là où, au contraire, il est question de divergence d'opinions, prévaut le principe de l'unité dans la charité.

Ces lignes inspiratrices se retrouvent tant dans le développement que vous avez conféré au Forum de ces jours-ci, que dans l'agencement de la nouvelle revue de l'Académie, qui s'intitule PATH, acrostiche de la dénomination latine de l'"Académie pontificale de Théologie". Mais "path" est également un terme qui, dans la langue mondialisée d'aujourd'hui, signifie sentier, chemin, voie. La recherche théologique est un chemin difficile, et en même temps gratifiant, dans le Christ Chemin, Vérité, et Vie.


5. Plus de trois siècles après sa fondation, puisse l'Académie pontificale de Théologie continuer de recevoir de votre réflexion et de votre témoignage un élan renouvelé pour illustrer de façon chrétienne le millénaire qui vient de commencer.

Avec ce souhait, en invoquant l'aide de Dieu sur vos travaux, je donne à tous de tout coeur ma Bénédiction.



AUX MEMBRES DU CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DES FILLES DE LA CHARITÉ CANOSSIENNES Samedi 16 février 2002

Très chères Filles de la Charité canossiennes!

1. Je suis heureux de vous rencontrer, à l'occasion de votre XIVème Chapitre général, un événement de grâce qui constitue un appel puissant à revenir toujours davantage aux racines de votre Congrégation, afin d'en approfondir le charisme et de le concrétiser ensuite de la façon la plus adaptée au contexte socio-culturel actuel.

Je salue la Supérieure générale et les déléguées présentes à l'Assemblée capitulaire. J'étends mon salut cordial à toutes les Canossiennes, qui accomplissent leur apostolat généreux en Italie, en Europe et sur les autres continents. Au cours de ces intenses journées, vous désirez réfléchir sur le thème: "Raconter aux hommes et aux femmes de notre temps l'amour de Dieu qui a tant aimé les hommes". En fidélité à votre charisme, vous entendez proclamer et témoigner de l'Evangile de la charité, en vous engageant à être des signes éloquents de l'amour de Dieu et des instruments de paix dans chaque milieu. Que Dieu bénisse vos intentions! Pour votre part, efforcez-vous de conserver fidèlement le patrimoine spirituel qui vous a été transmis par votre Fondatrice, sainte Madeleine de Canossa, qui aima intensément le Christ crucifié, et qui s'inspira toujours de Lui pour accomplir un apostolat courageux en faveur de ses frères dans le besoin. En utilisant toutes les énergies à sa disposition, la Fondatrice alla en effet à la rencontre des formes de pauvreté propres à son époque: de la pauvreté économique et morale, à la pauvreté culturelle et au manque de moyens pour soigner les maladies. Suivez son exemple et poursuivez cette mission qui demeure encore valable aujourd'hui, bien que les conditions sociales dans lesquelles nous vivons aient changé.


2. Sainte Madeleine de Canossa vous a proposé, à vous ses filles spirituelles, un idéal de vie consacrée fondé sur l'humilité. Que le style missionnaire - aimait-elle répéter - soit "humble, étranger aux moyens puissants et au savoir de l'homme" et que l'action apostolique n'ait qu'une seule finalité: "pour Dieu seul et pour sa gloire". Tout doit se dérouler également dans des conditions de coexistence "totalement commune", alimentées par cette "charité très parfaite" qui se traduit en "amour universel et commun".

Sur la base de ces références spirituelles solides, s'est développé au cours des siècles le style missionnaire qui caractérise votre famille religieuse. Ces orientations essentielles du charisme de fondation sont devenues un témoignage concret, à travers l'exemple de nombreuses Filles de la Charité canossiennes, totalement consacrées à Dieu et à son Royaume. Parmi celles-ci je rappelle avec émotion vos consoeurs qui, au Timor oriental, ont récemment payé de leur vie leur fidélité au Christ Seigneur. Que leur sacrifice héroïque vous incite et vous encourage à aller de l'avant avec confiance et élan apostolique, conscientes que ce n'est qu'ainsi que l'on peut traduire de manière efficace ce que recommandait sainte Madeleine: "Surtout, faites connaître Jésus!". Laissez-vous envahir par ce désir intime de servir avec charité chaque être humain, sans distinction d'origine et de religion. Avec une liberté prophétique et un sage discernement, témoignez chaque jour de l'Evangile. Soyez des présences significatives partout où vous oeuvrez, en vous distinguant par une intense communion et une coopération active avec les Pasteurs de l'Eglise.


3. Le grand défi de l'inculturation vous demande aujourd'hui d'annoncer la Bonne Nouvelle à travers des langages et des façons d'agir compréhensibles par les hommes de notre temps, engagés dans des processus sociaux et culturels en rapide mutation. Le domaine de l'apostolat qui s'ouvre à vous est donc vaste! Comme votre Fondatrice, donnez votre existence aux pauvres, cultivez une véritable passion pour l'éducation, en particulier des plus jeunes, prodiguez-vous à travers une généreuse activité pastorale au sein de la population, en particulier en faveur des malades et des personnes qui souffrent.

De nombreuses personnes dans le monde attendent encore de connaître Jésus et son Evangile. Diverses situations d'injustice, de difficultés morales et matérielles frappent les populations dans de vastes régions de la terre. Une mission urgente attend les croyants partout dans le monde. Chères soeurs, chacune de vous sait cependant que pour pouvoir répondre à ces attentes, il faut tout d'abord tendre de toutes ses forces vers la sainteté, vers la mesure la plus élevée de la sainteté, en conservant un contact permanent avec le Christ à travers la prière incessante et fervente. Ce n'est qu'ainsi que l'on est en mesure d'indiquer aux autres le chemin pour rencontrer le Seigneur, chemin, vérité et vie (cf. Jn 14,6). Ce n'est qu'ainsi que l'on peut collaborer avec le Christ à sauver les âmes, en allant à la rencontre des besoins de nos frères dans l'état d'esprit cher à votre fondatrice, celui des "Servantes des pauvres".

Que Marie vous protège et vous accompagne sur cet itinéraire missionnaire difficile et exaltant, en portant à terme tous vos projets de bien. Le Pape vous bénit et vous suit avec affection, en assurant de son souvenir dans la prière chacune de vous et les personnes que vous rencontrez dans votre apostolat quotidien.




  CONCLUSION DES EXERCICES SPIRITUELS DE LA CURIE ROMAINE

Samedi 23 février 2002




"Toujours disciples du Christ"

Au cours de ces journées, nous avons eu l'occasion de méditer sur le fait d'être des disciples du Christ, qui constitue l'élément fondamental de notre vie. Nous en avons fait l'expérience intime et nous l'avons ressenti de façon presque constante dans le recueillement des "Exercices spirituels". Il s'est agi d'un grand don du Seigneur, auquel nous rendons grâce tout d'abord, à l'issue de cette intense semaine de réflexion et de prière.

Notre reconnaissance - je dis "notre" car je suis certain d'interpréter également vos sentiments, très chers et vénérés frères qui m'avez accompagné au cours de ces Exercices spirituels - s'adresse au Cardinal Cláudio Hummes, qui nous a guidés grâce à ses méditations pleines de sagesse. Vénéré Frère, pendant plusieurs jours, vous avez dû laisser le grand troupeau de São Paulo au Brésil, où vous êtes Archevêque, pour prendre soin de ce "pusillus grex", "petit troupeau", au Vatican. Je vous remercie de tout coeur de nous avoir guidés vers les pâturages florissants de la Révélation et de la Tradition catholique, avec l'attention, la sagesse et la sécurité du Bon Pasteur et de nous avoir apporté, également au cours de ces journées, à travers les inflexions de votre voix, ce témoignage de São Paulo et de la grande Eglise brésilienne, "brasileira".

Ces journées de contemplation dans le recueillement nous ont aidés à redécouvrir avec joie la grâce inépuisable de la vocation chrétienne et apostolique. L'Esprit nous a fait comprendre à nouveau que toute notre existence est centrée sur le Christ, le Révélateur du Père. Dans sa Pâque de mort et de résurrection, Il nous a constitués comme son peuple, rassemblé autour de la Table de l'Eucharistie, le Sacrement de son Sacrifice salvifique et de sa présence réelle parmi nous jusqu'à la fin des temps.

La profonde conscience du fait d'être des disciples, que nous avons ravivée avec vous, cher prédicateur, nous incite à un dévouement courageux dans notre ministère au service du Peuple de Dieu. A présent, chacun retourne à son activité. Vous aussi, vénéré Frère, vous allez repartir dans votre diocèse de São Paulo. Lorsque vous serez à nouveau parmi votre peuple, apportez aux fidèles, en particulier aux enfants et aux personnes qui souffrent, l'expression de mon affection et l'assurance de ma prière.

Nous poursuivons à présent le chemin pénitentiel vers la Pâque, un itinéraire de renouveau spirituel pour toute l'Eglise. Que nous accompagne Marie, dont nous avons constamment ressenti la présence au cours de ces journées d'écoute et de prière.

Très cher Cardinal prédicateur, je vous donne ma Bénédiction, ainsi qu'à vous tous, vénérés et chers Frères.




AUX PARTICIPANTS AU IIIéme FORUM INTERNATIONAL DE LA FONDATION ALCIDE DE GASPERI

Samedi 23 février 2002



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames, Messieurs,

1. Je constate avec satisfaction que vous avez choisi l'Europe comme objet d'étude du IIIème Forum international de la Fondation Alcide De Gasperi. Il s'agit d'un thème hautement suggestif. Je salue cordialement chacun de vous et je remercie en particulier le Sénateur Angelo Bernassola, Président de la Fondation, pour les nobles paroles à travers lesquelles il a présenté les orientations du Congrès.

Comme vous le savez, mon âme se tourne avec une affection particulière vers le continent européen, dans lequel s'élève cette ville de Rome, qui fut le siège de l'Apôtre Pierre et le lieu de son martyre. C'est précisément pour cela que j'ai visité les divers pays européens et que j'en ai réuni par deux fois les épiscopats en Assemblées synodales, afin de discuter ensemble de ses problèmes religieux. J'ai également rendu visite, à Strasbourg, aux Institutions européennes, voulant également manifester de cette façon mon soutien pour les efforts accomplis en vue de l'unification du continent.


2. L'Europe est née de la rencontre, pas toujours pacifique, et de la fusion, lente et souvent difficile, entre la civilisation gréco-romaine et le monde germanique et slave, progressivement converti au christianisme par de grands missionnaires, provenant de l'Occident et de l'Orient. J'ai toujours considéré d'une grande importance la contribution des peuples slaves à la culture du continent. Certes, la douloureuse fracture religieuse entre l'Occident, en grande partie catholique, et l'Orient, en grande partie orthodoxe, a été l'un des facteurs qui ont empêché la pleine intégration de certains peuples slaves en Europe, ce qui a eu des conséquences négatives avant tout pour l'Eglise, qui a besoin de respirer "avec ses deux poumons": l'occidental et l'oriental. C'est pourquoi j'ai oeuvré au dialogue entre l'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes en vue de la pleine unité. Dans cette perspective, j'ai proclamé patrons de l'Europe également les saints slaves, les Apôtres slaves Cyrille et Méthode, "Slavorum Apostoli".

Aujourd'hui, je constate avec satisfaction que de nombreux pays d'Europe centrale et orientale demandent de pouvoir entrer dans l'Union européenne pour apporter en son sein leur contribution créative. Je souhaite que les responsables de cette Union sachent répondre à ce souhait, en faisant preuve de compréhension dans la phase initiale, en ce qui concerne la conformité aux conditions économiques prévues, des conditions certes difficiles pour les économies encore faibles des pays de l'Est, sortis récemment d'un système économique différent.


3. Ma préoccupation la plus grande pour l'Europe est que celle-ci conserve et fasse fructifier son héritage chrétien. En effet, on ne peut nier que le continent puise ses racines, outre dans le patrimoine gréco-romain, également dans celui judéo-chrétien, qui a constitué pendant des siècles son âme la plus profonde. Une grande partie de ce que l'Europe a produit dans le domaine juridique, artistique, littéraire et philosophique, possède une empreinte chrétienne, et peut difficilement être compris et évalué si l'on ne se place pas dans une perspective chrétienne. Les façons de penser et de voir, de s'exprimer et de se comporter des peuples européens, ont elles aussi profondément subi l'influence chrétienne.

Malheureusement, vers la moitié du millénaire qui vient de s'écouler, s'est engagé un processus de sécularisation qui a prétendu exclure Dieu et le christianisme de toutes les expressions de la vie humaine, et qui s'est particulièrement développé à partir du XVIIIème siècle.

Le point d'arrivée de ce processus a été le laïcisme et le sécularisme agnostique et athée, c'est-à-dire l'exclusion absolue et totale de Dieu et de la loi morale naturelle de tous les domaines de la vie humaine. C'est ainsi que la religion chrétienne a été reléguée aux confins de la vie privée de chacun. N'est-il pas regrettable, de ce point de vue, que toute référence politique explicite aux religions et donc, également au christianisme, ait été supprimée de la Charte de l'Europe? J'ai exprimé mon regret pour ce fait, que je considère comme anti-historique et offensant pour les Pères de la nouvelle Europe, parmi lesquels une place particulière revient à Alcide De Gasperi, auquel est dédiée la Fondation que vous représentez ici.


4. Le "vieux" continent a besoin de Jésus-Christ pour ne pas perdre son âme et pour ne pas perdre ce qui l'a rendu grand par le passé et ce qui chez lui provoque, aujourd'hui encore, l'admiration des autres peuples. En effet, c'est en vertu du message chrétien que se sont affirmées dans les consciences les grandes valeurs humaines de la dignité et de l'inviolabilité de la personne, de la liberté de conscience, de la dignité du travail et de celui qui l'exerce, du droit de chacun à une vie digne et sûre et donc à la participation aux biens de la terre, que Dieu a destinés à être partagés entre tous les hommes.

Sans aucun doute, d'autres forces en dehors de l'Eglise ont également contribué à l'affirmation de ces valeurs, et parfois les catholiques eux-mêmes, freinés par des situations historiques défavorables, ont été lents à reconnaître des valeurs qui étaient chrétiennes, même si l'on avait malheureusement oublié leurs origines religieuses. Avec une vigueur renouvelée, l'Eglise repropose aujourd'hui ces valeurs à l'Europe, qui risque de sombrer dans le relativisme idéologique et de céder au nihilisme moral, déclarant parfois bon ce qui est mal et mal ce qui est bon. Mon souhait est que l'Union européenne sache puiser une nouvelle force au contact du patrimoine chrétien qui lui est propre, en offrant des réponses adaptées aux nouvelles questions qui se posent surtout dans le domaine éthique.


5. Votre Fondation entend oeuvrer "pour la démocratie, la paix et la co-opération internationale". Ce programme est en pleine harmonie avec l'action de l'Eglise dans le monde d'aujourd'hui, qui s'est manifestée également dans mon récent pèlerinage à Assise. En raison des immenses richesses spirituelles et matérielles dont elle dispose, l'Europe doit s'engager de manière particulière dans la promotion de la démocratie, de la paix et de la coopération internationale.

En exprimant le souhait que les travaux du IIIème Forum de la Fondation Alcide De Gasperi offrent un encouragement supplémentaire à cet engagement européen, je donne à tous une Bénédiction apostolique particulière.




MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II À L'OCCASION DE L'INAUGURATION DU COLLÈGE SACERDOTAL ARGENTIN À ROME



A Monseigneur Estanislao Karlic Archevêque de Paraná et Président de la Conférence épiscopale argentine et aux Archevêques et Evêques de la République argentine

1. A l'occasion de l'inauguration du Collège sacerdotal argentin, je salue cordialement les Archevêques et les Evêques de cette Conférence épiscopale, qui, à travers cette initiative, ont souhaité renforcer la présence des diocèses argentins à Rome. A l'église nationale "Santa María Addolorata" s'ajoute à présent un centre pour les prêtres qui, en plus de la formation théologique et scientifique qualifiée obtenue dans les divers Instituts académiques, pourront cultiver plus facilement un sentiment de proximité particulière avec le Siège du Successeur de Pierre, favorisant ainsi une vision plus universelle de l'Eglise et une plus grande adhésion d'esprit et de coeur au Magistère pontifical.


2. En effet, les prêtres envoyés par leur Evêque dans ce centre auront l'opportunité et le privilège de perfectionner leurs études et d'approfondir, à travers des méthodes scientifiques particulièrement qualifiées, la réflexion sur une même et unique foi, qui s'exprime à travers diverses langues et formes culturelles. De cette façon, dans l'exercice de leur ministère pastoral, ils seront de manière particulière en mesure de se concentrer avec ouverture d'esprit sur leur tâche d'évangélisation, car, en tant que prêtres, ils doivent rendre l'Eglise universelle visible et rassembler "la famille de Dieu, fraternité qui n'a qu'une âme" (Lumen gentium LG 28).

A côté de la contribution de maîtres et de condisciples provenant d'autres régions du monde, qui nous permettent de connaître les diverses réalités ecclésiales, l'écho de l'évangélisation primitive retentit à Rome et l'on perçoit encore le feu laissé par les Apôtres Pierre et Paul, ainsi que par les nombreux martyrs des premiers siècles de l'Eglise. A la formation dans les instituts s'ajoute la familiarité avec certaines racines chrétiennes qui demeurent vivantes et visibles dans les nombreux vestiges appartenant au tissu urbain actuel. C'est en ce lieu que les chrétiens apprirent à vivre dans un milieu hostile et à faire face aux persécutions, en offrant un exemple éternel de fermeté et de fidélité à l'Evangile du Christ, et qu'ils surent conduire au Christ une multitude de personnes de tout âge et condition, grâce à la seule force de la vérité et au témoignage de leur vie.

A travers les siècles, de nombreux autres saints et saintes ont laissé une profonde empreinte dans cette ville, où l'on peut également admirer de nombreuses oeuvres remarquables, fruits d'une créativité merveilleuse inspirée du message chrétien, qui ont fait de celle-ci une destination de choix pour de nombreux fidèles et pèlerins du monde entier.


3. S'ajoutant à cette expérience émouvante, le séjour dans l'Eglise de Rome, siège de Pierre et de ses successeurs, doit servir à accroître la fidélité à celle-ci, "dans laquelle réside le primat de la chaire apostolique" (Saint Augustin, Ep 43,7) et qui est "le principe et le fondement perpétuel et visible d'unité de foi et de communion" (Lumen gentium LG 18). La proximité physique et la possibilité de voir et d'écouter personnellement celui qui a reçu la mission de confirmer dans la foi ses propres frères (cf. Lc 22,32) et de paître le Peuple de Dieu comme un amoris officium contribue profondément à cela (cf. saint Augustin, In Io. Ev., 123, 5). On est ainsi encouragé encore davantage à suivre fidèlement le Magistère de l'Eglise pour annoncer l'Evangile, l'expliquer comme message de salut pour tous, le proposer comme nourriture de vie spirituelle (cf. Optatam totius OT 15) et ouvrir l'âme sacerdotale à l'amour universel.

Tous ces éléments sont, sans aucun doute, une source de vigueur évangélisatrice et de vitalité ecclésiale, car ils permettent de mieux percevoir le lien étroit de chaque projet ou action pastorale avec les origines mêmes de la mission de l'Eglise. On pourra ainsi donner une nouvelle impulsion aux efforts des nombreux Argentins afin que, dans notre société, l'esprit du monde ne l'emporte pas sur la Parole de Dieu.


4. Que la Très Sainte Vierge protège les projets du Collège sacerdotal et indique avec douceur aux responsables et aux résidents le chemin qui conduit au Christ! Ils pourront la contempler dans l'abside qui préside le temple, sous le titre de Nuestra Señora de los Dolores, et face à l'image de la Vierge de Luján, que j'ai eu l'occasion de bénir et de mettre en place personnellement, ils auront une raison particulière pour s'unir à la fervente dévotion du peuple argentin et pour demander un encouragement constant pour les pasteurs et les fidèles de cette bien-aimée nation.

Pour confirmer ces voeux sincères, je donne avec plaisir aux membres de cette Conférence épiscopale, ainsi qu'à toute la communauté du nouveau centre, une Bénédiction apostolique spéciale.

Du Vatican, le 24 février 2002



MESSAGE AU XXVème CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION FONDÉE PAR DON BOSCO (SALÉSIENS)



Très chers fils de Don Bosco!

1. C'est avec une grande affection que je m'adresse à vous, qui êtes venus des cinq continents pour la célébration du XXVème Chapitre général de votre Institut. C'est le premier du IIIème millénaire et il vous offre l'occasion de réfléchir sur les défis de l'éducation et de l'évangélisation des jeunes, défis auxquels les Salésiens désirent répondre, en suivant les traces de leur fondateur, saint Jean Bosco. Je souhaite que ce Chapitre soit pour vous un temps de communion et de travail fructueux, au cours duquel vous puissiez partager l'ardeur qui vous unit dans votre mission auprès des jeunes, tout comme l'amour pour l'Eglise et le désir de vous ouvrir à de nouvelles frontières apostoliques.

Aujourd'hui, notre pensée se tourne spontanément vers le regretté Recteur majeur, dom Juan Vecchi, récemment disparu après une longue maladie, offerte à Dieu pour toute la Congrégation et spécialement pour cette Assemblée capitulaire. Tandis que je remercie le Seigneur pour le service qu'il a rendu à votre famille religieuse et à l'Eglise, ainsi que pour le témoignage de fidélité évangélique qui l'a toujours caractérisé, je vous assure de ma prière spéciale d'intention pour son âme. C'est maintenant à votre tour de continuer l'oeuvre qu'il a accomplie avec succès, dans le sillage de ses prédécesseurs.

Les éducateurs attentifs, les accompagnateurs spirituels compétents que vous êtes, sauront aller à la rencontre des jeunes, qui aspirent ardemment à "voir Jésus". Vous saurez les conduire avec une douce fermeté vers des objectifs exigeants de fidélité chrétienne. "Duc in altum!". Que cela soit aussi le mot d'ordre du programme de votre communauté, qui, à travers cette Assemblée capitulaire, encourage tous ses membres à un nouvel élan courageux de son action évangélisatrice.

2. Vous avez choisi comme thème du Chapitre: "La communauté salésienne aujourd'hui". Vous êtes bien conscients de devoir renouveler vos méthodes et vos modalités de travail, pour qu'apparaisse clairement votre identité "salésienne" dans les mutations actuelles des situations sociales, qui exigent également, entre autres, l'ouverture à la contribution de collaborateurs laïcs, avec qui partager l'esprit et le charisme laissés en héritage par Don Bosco. L'expérience des dernières années a mis en lumière les grandes opportunités d'une telle collaboration, qui permet aux différents membres et groupes de votre famille salésienne de grandir dans la communion et de développer un dynamisme apostolique et missionnaire commun. Pour vous ouvrir à la collaboration avec les laïcs, il est important de bien définir l'identité spécifique de vos communautés: qu'elles soient des communautés, comme le voulait Don Bosco, rassemblées autour de l'Eucharistie et animées par un amour profond pour la Très Sainte Vierge Marie, prêtes à oeuvrer ensembles, partageant le même projet éducatif et pastoral. Des communautés capables d'animer et d'engager les autres avant tout par l'exemple qu'elles donnent.


3. De cette manière, Don Bosco continue à être présent parmi vous. Il vit à travers votre fidélité à l'héritage spirituel qu'il vous a laissé. Il a marqué son oeuvre d'un style singulier de sainteté. Et c'est de sainteté dont a d'abord besoin le monde d'aujourd'hui! De façon opportune, le Chapitre général veut donc reproposer avec courage, comme principale réponse aux défis du monde contemporain, de "tendre vers la sainteté". Il s'agit en définitive moins d'entreprendre des activités et des initiatives nouvelles, que de vivre et de témoigner de l'Evangile sans compromis, afin d'encourager à la sainteté les jeunes que vous rencontrez. Salésiens du troisième millénaire! Soyez des maîtres et des guides passionnés, des saints et des formateurs de saints, comme le fut saint Jean Bosco.

Essayez d'éduquer les jeunes à la sainteté, en exerçant cette pédagogie de la sainteté joyeuse et sereine qui vous est propre et qui vous distingue. Soyez accueillants et paternels, sachant en toute occasion demander aux jeunes, par votre propre vie: "Veux-tu devenir saint?". Et n'hésitez pas à leur proposer la "haute mesure" de la vie chrétienne, en les accompagnant sur la route d'une adhésion radicale au Christ, qui, dans le discours sur la montagne, proclame: "Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait" (Mt 5,48).

Votre histoire est riche en saints, dont un grand nombre sont des jeunes. Sur la "Colline des béatitudes" des jeunes, comme vous appelez aujourd'hui le Colle Don Bosco où naquit le saint, j'eus la joie, lors de ma visite du 3 septembre 1988, de béatifier Laura Vicuña, jeune Salésienne chilienne que vous connaissez bien. D'autres Salésiens sont en chemin vers cette destination: il s'agit de deux confrères, Artemide Zatti et Luigi Variara, et d'une Fille de Marie Auxiliatrice, soeur Marie Romero. Chez Artemide Zatti, on reconnaît la valeur et l'actualité du rôle du coadjuteur salésien; en dom Luigi Variara, prêtre et Fondateur, se manifeste une réalisation supplémentaire de votre charisme missionnaire.


4. Vous êtes appelés à vous unir à ce groupe de saints et de bienheureux salésiens, déjà nombreux, vous qui êtes engagés à suivre les traces du Christ, source de sainteté pour tout chrétien. Faites en sorte que toute votre Congrégation resplendisse de sainteté et de communion fraternelle.

Au début de ce millénaire, le grand défi de l'Eglise consiste, comme je l'ai rappelé dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, à "faire de l'Eglise la maison et l'école de la communion" (NM 43). Pour que l'apostolat porte des fruits de bien, il est indispensable que les communautés vivent dans un esprit de réelle fraternité mutuelle. Pour faire avancer un projet éducatif et pastoral unique, il est nécessaire que toutes les communautés soient liées par un solide esprit de famille. Que chaque communauté soit une véritable école de foi et de prière ouverte aux jeunes, où l'on partage leurs attentes et leurs difficultés et où l'on réponde aux défis auxquels les adolescents et les jeunes doivent faire face.

Mais où se trouve le secret de l'union des coeurs et de l'action apostolique, sinon dans la fidélité au charisme? Gardez donc les yeux toujours tournés vers Don Bosco. Il vivait tout entier en Dieu, et recommandait l'unité des communautés autour de l'Eucharistie. Ce n'est que du Tabernacle que peut jaillir cet esprit de communion qui devient source d'espérance et d'engagement pour chaque chrétien.

Que l'affection de votre père continue à vous inspirer et à vous soutenir. Que son enseignement vous invite à la confiance mutuelle, au pardon quotidien, à la correction fraternelle, à la joie du partage. Voilà la route qu'il a parcourue, et sur laquelle vous aussi, vous pourrez inviter les fidèles laïcs, en particulier les jeunes, à partager la proposition évangélique et vocationnelle qui vous unit.

5. Comme vous le voyez, dans ce Message également, la référence aux jeunes revient souvent. Ce lien qui unit les Salésiens à la jeunesse n'est pas étonnant. Nous pourrions dire que les jeunes et les Salésiens marchent ensemble. Votre vie, très chers amis, se déroule en effet au milieu des jeunes gens, comme le voulait Don Bosco. Vous êtes heureux parmi eux, et eux jouissent de votre présence amicale. Dans vos "maisons", ils se trouvent bien. N'est-ce pas là l'apostolat qui vous caractérise partout dans le monde? Continuez d'ouvrir vos institutions en particulier aux jeunes gens pauvres, pour qu'ils s'y sentent "chez eux", profitant de l'efficacité de votre charité et du témoignage de votre pauvreté. Accompagnez-les dans leur insertion dans le monde du travail, de la culture, de la communication sociale, en promouvant un climat d'optimisme chrétien dans le cadre d'une conscience claire et forte des valeurs morales. Aidez-les à être à leur tour des apôtres auprès de leurs amis et des jeunes de leur âge.

Cette action pastorale exigeante vous met au contact de nombreuses réalités concrètes dans le domaine de l'éducation des nouvelles générations. Soyez prêts à offrir généreusement votre contribution aux différents niveaux, en collaborant avec ceux qui élaborent les politiques éducatives des pays où vous vous trouvez. Défendez et promouvez les valeurs humaines et évangéliques: du respect de la personne à l'amour pour le prochain, en particulier envers les pauvres et les laissés-pour-compte. Oeuvrez afin que la réalité multiculturelle et multireligieuse de la société d'aujourd'hui tende vers une intégration toujours plus harmonieuse et plus pacifique.

6. Très chers fils de Don Bosco, c'est à vous qu'est confié le devoir d'être des éducateurs et des évangélisateurs pour les jeunes du troisième millénaire, appelés à être des "sentinelles de l'avenir", comme je le leur ai dit à Tor Vergata, à l'occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse de l'an 2000. Marchez à leurs côtés, en les soutenant par votre témoignage personnel et celui de votre communauté. Que la Sainte Vierge vous accompagne, elle que vous appelez par le beau nom de Marie Auxiliatrice. En suivant Don Bosco, confiez-vous toujours à elle, proposez sa dévotion à ceux que vous rencontrez. Avec son aide, on peut faire beaucoup; d'ailleurs, Don Bosco aimait à répéter que c'est à Elle que votre Congrégation doit tout.

Le Pape vous exprime sa satisfaction pour votre engagement apostolique et éducatif et il prie pour vous, pour que vous puissiez continuer à marcher dans une pleine fidélité à l'Eglise et en étroite collaboration entre vous. Que Don Bosco et tout le groupe des saints et des bienheureux salésiens vous guident.

J'accompagne ces voeux d'une Bénédiction apostolique spéciale, que je vous envoie, membres du Chapitre général, ainsi qu'aux confrères présents à travers le monde et à toute la Famille salésienne.

Du Vatican, le 22 février 2002, Fête de la Chaire de Saint-Pierre.



Discours 2002 - Samedi 16 février 2002