Discours 2002 - MESSAGE À S. Exc. MGR LUIGI DE MAGISTRIS, PRO PÉNITENCIER MAJEUR, À L'OCCASION DU COURS TRADITIONNEL SUR LE FOR INTERNE ORGANISÉ PAR LA PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE


AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA CULTURE

Samedi 16 mars 2002


Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers amis,



1. Je suis heureux de vous accueillir, au terme de l’Assemblée plénière de votre dicastère au cours de laquelle vous avez voulu repartir de la lettre Novo millennio ineunte pour apporter votre contribution à la mission de l’Église dans le troisième millénaire (cf. NM NM 40). Votre rencontre coïncide avec le vingtième anniversaire de la création du Conseil pontifical pour la Culture. En rendant grâce pour le travail accompli par les membres et les collaborateurs du Conseil pontifical au cours des vingt années écoulées, j’adresse mes salutations à Monsieur le Cardinal Poupard, le remerciant pour ses aimables paroles qui interprètent vos sentiments à tous.

À vous tous, j’exprime ma reconnaissance pour votre généreuse collaboration au service de la mission universelle du Successeur de Pierre, et je vous encourage à poursuivre, avec un zèle renouvelé, vos relations avec les cultures, pour créer des ponts entre les hommes, pour témoigner du Christ et pour ouvrir nos frères à l’Évangile (cf. Constitution apostolique Pastor Bonus, art. 166-168); cela se réalise en effet par un dialogue ouvert avec toutes les personnes de bonne volonté, diverses par leur appartenance et leurs traditions, marquées par leur religion ou leur incroyance, mais toutes unies par la même humanité et appelées à partager la vie du Christ, le Rédempteur de l’homme.



2. La création du Conseil pontifical pour la Culture, visant à «donner à toute l’Église une impulsion commune dans la rencontre sans cesse renouvelée du message de l’Évangile avec la pluralité des cultures, dans la diversité des peuples auxquels il doit porter ses fruits de grâce» (Lettre au Cardinal Casaroli pour la création du Conseil pontifical pour la Culture, 20 mai 1982), s’inscrit dans la droite ligne de la réflexion et des décisions du Concile oecuménique Vatican II. En effet, les Pères avaient fortement souligné la place centrale de la culture dans la vie des hommes et son importance pour la pénétration des valeurs évangéliques, de même que pour la diffusion du message biblique dans les moeurs, les sciences et les arts. Toujours dans ce même esprit, l’union du Conseil pontifical pour le Dialogue avec les Non-Croyants et du Conseil pontifical pour la Culture en un seul conseil, le 25 mars 1993, avait comme objectif de promouvoir «l’étude du problème de la non-croyance et de l’indifférence religieuse présentes sous des formes variées dans les divers milieux culturels [...], dans le but de fournir une aide adaptée à l’Église pour l’évangélisation des cultures et l’inculturation de l’Évangile» (Motu proprio «Inde a Pontificatus»).

La transmission du message évangélique dans le monde d’aujourd’hui est particulièrement ardue, notamment parce que nos contemporains sont immergés dans des milieux culturels souvent étrangers à toute dimension spirituelle et d’intériorité, dans des situations où dominent des aspects essentiellement matérialistes. Plus sans doute que dans toute autre période de l’histoire, il faut aussi noter une rupture dans le processus de transmission des valeurs morales et religieuses entre les générations, qui conduit à une sorte d’hétérogénéité entre l’Église et le monde contemporain. Dans cette perspective, le Conseil a un rôle particulièrement important d’observatoire, d’une part pour repérer le développement des différentes cultures et les questions anthropologiques qui s’y posent et, d’autre part, pour envisager les relations possibles entre les cultures et la foi chrétienne, de manière à proposer de nouveaux modes d’évangélisation, à partir des attentes de nos contemporains. Il importe en effet de rejoindre les hommes là où ils sont, avec les préoccupations et les interrogations qui sont les leurs, pour leur permettre de découvrir les repères moraux et spirituels nécessaires à toute existence conforme à notre vocation spécifique, et de trouver dans l’appel du Christ l’espérance qui ne déçoit pas (cf. Rm 5,5), en prenant appui sur l’expérience même de l’Apôtre Paul à l’Aréopage d’Athènes (cf. Ac 17,22-34). On le voit, l’attention à la culture permet d’aller le plus loin possible dans la rencontre avec les hommes. C’est donc une médiation privilégiée de la communication et de l’évangélisation.



3. Parmi les plus fortes pierres d’achoppement actuelles, on note les difficultés rencontrées par les familles et par l’institution scolaire, qui ont la lourde tâche de transmettre aux jeunes générations les valeurs humaines, morales et spirituelles qui leur permettront d’êtres des hommes et des femmes soucieux de mener une vie personnelle digne et de s’engager dans la vie sociale. De même, la transmission du message chrétien et des valeurs qui en découlent et qui conduisent à des décisions et à des comportements cohérents constitue un défi que toutes les communautés ecclésiales sont appelées à relever, notamment dans le domaine de la catéchèse et du catéchuménat. D’autres périodes de l’histoire de l’Église, que ce soit par exemple du temps de saint Augustin ou plus récemment au cours du vingtième siècle où l’on a pu enregistrer l’apport de nombreux philosophes chrétiens, nous ont appris à enraciner notre discours et notre façon d’évangéliser sur une saine anthropologie et une saine philosophie. En effet, c’est à partir du moment où la philosophie passe au Christ que l’Évangile peut véritablement commencer à se répandre dans toutes les nations. Il est donc urgent que tous les protagonistes des systèmes éducatifs s’attachent à une étude anthropologique sérieuse, pour rendre compte de ce qu’est l’homme et de ce qui le fait vivre. Les familles ont un grand besoin d’être secondées par des éducateurs qui respectent leurs valeurs et qui les aident à proposer des réflexions sur les questions fondamentales que se posent les jeunes, même si cela semble aller à contre-courant des propositions de la société actuelle. On note que, à toutes les époques, des hommes et des femmes ont su faire resplendir la vérité avec un courage prophétique. Cette même attitude est requise encore de nos jours.

Le phénomène de la mondialisation, devenu aujourd’hui un fait culturel, constitue à la fois une difficulté et une chance. Tout en tendant à niveler les identités spécifiques des différentes communautés et à les réduire parfois à de simples souvenirs folkloriques d’antiques traditions dépouillées de leur signification et de leur valeur culturelle et religieuse originales, ce phénomène permet aussi d’abaisser les barrières entre les cultures et il offre aux personnes la possibilité de se rencontrer et de se connaître; dans le même temps, il oblige les Dirigeants des Nations et les hommes de bonne volonté à tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que soit respecté ce qui est propre aux individus et aux cultures, pour garantir le bien des personnes et des peuples, et pour mettre en oeuvre la fraternité et la solidarité. La société dans son ensemble est aussi affrontée à de redoutables interrogations sur l’homme et sur son avenir, notamment dans des domaines tels que la bioéthique, l’utilisation des ressources de la planète, les déterminations en matière économique et politique, pour que l’homme soit reconnu dans toute sa dignité et qu’il demeure en permanence un acteur de la société et le critère ultime des décisions sociales. L’Église ne cherche aucunement à se substituer à ceux qui sont chargés de conduire les affaires publiques, mais elle souhaite avoir sa place dans les débats, pour éclairer les consciences à la lumière du sens de l’homme, inscrit dans sa nature même.

4. Il revient au Conseil pontifical pour la Culture de poursuivre son action et d’apporter son concours aux évêques, aux communautés catholiques et à toutes les institutions qui le désirent, de sorte que les chrétiens aient les moyens de témoigner de leur foi et de leur espérance de façon cohérente et responsable, et que tous les hommes de bonne volonté puissent s’engager dans la construction d’une société dans laquelle soit promu l’être intégral de toute personne. L’avenir de l’homme et des cultures, l’annonce de l’Évangile et la vie de l’Église en dépendent.

Puissiez-vous contribuer à une prise de conscience renouvelée de la place de la culture pour l’avenir de l’homme et de la société, ainsi que pour l’évangélisation, afin que l’homme devienne toujours plus libre et use de cette liberté de manière responsable! Au terme de votre rencontre, confiant votre mission à la Vierge Marie, je vous accorde bien volontiers, ainsi qu’à tous ceux qui collaborent avec vous et à ceux qui vous sont chers, une particulière Bénédiction apostolique.




À LA COMMUNAUTÉ DU SÉMINAIRE RÉGIONAL DE THÉOLOGIE "SAINT PIE X" DE CATANZARO

Mardi 18 mars 2002


Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce!
Très chers séminaristes!

1. Merci de cette visite, que vous avez voulu me rendre à l'occasion des célébrations du 90ème anniversaire de la fondation de votre Séminaire. Merci de l'affection avec laquelle vous avez voulu exprimer votre attachement au Successeur de Pierre!

Je salue avec une profonde reconnaissance Mgr Antonio Cantisani, qui a voulu, à travers ses paroles, se faire l'interprète des sentiments de ses confrères dans l'épiscopat et je remercie également le recteur du Séminaire, qui a parlé au nom des Supérieurs et de toutes les personnes présentes.

La visite d'aujourd'hui me donne l'occasion de poursuivre le dialogue commencé le 6 octobre 1984, lorsque j'ai rendu visite à votre maison, le Séminaire régional "Saint-Pie X" de Catanzaro. Je garde de cette rencontre, même si celle-ci remonte à un certain temps, un souvenir vivant et reconnaissant. Ce fut pour moi un moment particulièrement intense. J'ai eu alors l'occasion de méditer avec les prêtres et les séminaristes de Calabre sur la grâce de l'appel divin, qui engage constamment à devenir des icônes vivantes du Bon Pasteur au milieu de son Peuple.


2. En recevant en don la première édition de votre "Règle de Vie", j'apprends avec joie que le dialogue de foi, commencé au cours de cette rencontre, ne s'est jamais interrompu. En effet, le discours que j'ai alors adressé aux séminaristes est devenu presque un "portail" qui introduit au projet de formation de votre communauté, confirmant la communion qui vous lie au Pape depuis le début.

En cette circonstance, comment ne pas rappeler mon vénéré Prédécesseur, saint Pie X qui, avec une âme paternelle et généreuse, a voulu l'érection d'un Centre de formation hautement qualifié pour le futur clergé de Calabre? Comment ne pas rappeler les innombrables signes de prédilection avec lesquels il entoura la nouvelle Institution, en suivant personnellement l'acquisition du terrain, le plan et l'exécution de l'édifice, et en offrant également, à travers la Constitution apostolique Susceptum inde, de sages directives pour l'organisation du travail de formation?

Cette prédilection a trouvé une continuité pleine d'attention dans l'oeuvre de ses successeurs, et, en particulier, celle du Serviteur de Dieu le Pape Pie XII, qui, après le terrible incendie de septembre 1940, en reconstruisant le Séminaire en 1954, en devint presque le second fondateur.

Le lien heureux qui existe entre le Successeur de Pierre et cette Institution éducative trouve dans la rencontre d'aujourd'hui une occasion précieuse de s'affermir et de devenir un instrument incisif et renouvelé au service de la qualité de la formation spirituelle et théologique des futurs prêtres de Calabre.


3. "Mais pour vous, qui suis-je?" (Mt 16,13). Telle est la question que Jésus pose à ces "séminaristes" tout à fait particuliers que furent les Apôtres. Cette même question, il la pose à chacun de vous, appelés à être les évangélisateurs de la terre de Calabre. Le séminaire n'est-il pas une école de foi dans laquelle on apprend à offrir à Jésus avec le coeur, l'intelligence et la vie, la réponse qu'Il attend des "siens"? Cette réponse fut exprimée de façon incomparable par les paroles de l'Apôtre Pierre: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant".

"Aujourd'hui surtout, dans une société marquée par le phénomène de la sécularisation, il faut avoir des intentions claires et une volonté ferme qui s'inspirent directement aux sources authentiques de l'Evangile. [...] Plus les gens se déchristianisent, plus ils sont en proie à l'incertitude ou à l'indifférence, plus ils ont besoin de voir dans les prêtres une foi radicale qui est comme un phare dans la nuit ou comme un rocher auquel s'agripper" (Rencontre avec les prêtres au séminaire de Catanzaro, cf. ORLF n. 42 du 16 octobre 1984). Ces paroles, que j'ai adressées aux prêtres calabrais au cours de la rencontre susmentionnée, demeurent actuelles et invitent à un engagement en vue d'une formation qui doit trouver dans l'adhésion renouvelée et radicale au Christ des candidats au sacerdoce sa finalité première et incontournable. En effet, le défi de formation du séminaire repose entièrement sur sa capacité à offrir aux jeunes un parcours réel et exigeant de foi qui, sans rien considérer comme acquis, les rend capables d'accueillir dans la vérité le mystère de la personne de Jésus, c'est-à-dire de reconnaître en lui le Fils du Dieu vivant et le Seigneur de l'histoire et de le suivre avec toujours plus de générosité "sur la route de Jérusalem".


4. L'épisode de Césarée de Philippe, rapporté par les évangélistes saint Matthieu et saint Luc et la Tradition vivante de l'Eglise, nous rappellent que "nous n'entrons pas dans la pleine contemplation du visage du Seigneur par nos seules forces, mais en laissant la grâce nous prendre par la main. Seule l'expérience du silence et de la prière offre le cadre approprié dans lequel la connaissance la plus vraie, la plus fidèle et la plus cohérente de ce mystère peut mûrir et se développer. L'expression de ce mystère culmine dans la proclamation solennelle de l'évangéliste Jean: "Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité" (Jn 1,14)" (Novo millennio ineunte NM 20).
Comment ne pas voir dans ces suggestions l'invitation à faire du Séminaire le "lieu du silence" et "la maison de la prière", où le Seigneur convoque une fois de plus les "siens" "à l'écart" (cf. Lc 9,18), pour vivre une expérience intense de rencontre et de contemplation? A travers cette voie, il voulut les préparer à devenir des "maîtres dans la foi" et des "éducateurs du Peuple de Dieu dans la foi", et les préparer à "proclamer avec autorité la Parole de Dieu", à "rassembler le Peuple de Dieu qui était dispersé" et à l'alimenter à travers les sacrements, signes efficaces de l'action du Christ pour "le mettre sur la voie du salut" et le conserver dans l'unité, c'est-à-dire pour "animer sans cesse cette communauté réunie autour du Christ dans la ligne de sa vocation la plus intime" (Evangelii nuntiandi EN 68).

Dans ce contexte, l'étude devient un moment incontournable pour un itinéraire pédagogique visant à l'éducation d'une foi vivante et oeuvrant au moyen de la charité, instrument privilégié d'une connaissance sage et scientifique, capable de fonder et de consolider tout l'édifice de la formation spirituelle et pastorale des futurs prêtres. Ceux-ci doivent se préparer à vivre la charité pastorale comme une expression de leur foi dans le Christ qui donne sa vie pour l'Eglise (cf. Ep 5,25-27), comme modalité de la mission universelle (cf. Mt 28,18-20) et comme pleine réponse à la charité du Seigneur (cf. Jn 21,15-20), avec leurs frères prêtres sous la direction de l'Evêque.


5. Le lien christologique, trait fondamental de l'identité des prêtres, et leur appartenance à l'unique presbyterium du diocèse, au service duquel ils sont affectés sous l'autorité de l'évêque local (cf. Presbyterorum ordinis PO 8), sont des éléments tout aussi fondamentaux qui doivent présider à la formation des séminaristes.

Celle-ci devra conduire les candidats à analyser chacune de leurs actions en référence au Christ et à considérer l'appartenance à l'unique presbyterium comme une dimension préalable de l'action pastorale et un témoignage de communion, indispensables pour servir de façon efficace le mystère de l'Eglise et sa mission dans le monde.

C'est à partir de ces perspectives que nous comprendrons la période de la formation au séminaire comme un temps spécial de silence et d'attente, de pauvreté et de communion, de recherche de Dieu et d'amour pour les frères, en particulier pour les derniers, en faisant de la communauté du Séminaire une expression privilégiée de l'Eglise, "germe et commencement" sur la terre du Royaume du Christ et de Dieu (cf. Lumen gentium LG 5).


6. Chers séminaristes, notre rencontre se déroule la veille de la solennité de saint Joseph, Epoux de la Vierge et gardien du Rédempteur. Il resplendit dans l'Eglise en vertu de sa vocation particulière, vécue dans le silence, dans la recherche attentive du dessein bienveillant de Dieu et dans le dévouement total au Christ. Que Celui-ci, qui fut proche de Jésus au cours des années de sa vie cachée à Nazareth, vous aide à découvrir chaque jour le trésor précieux de l'amour du Christ, en devenant les annonciateurs joyeux de son Evangile.

Avec ces voeux, je confie vos intentions généreuses et vos attentes à la protection maternelle de la Sainte Vierge, de son très chaste époux et de tous les saints qui ont constellé le chemin de foi de la bien-aimée Calabre, et je vous donne à tous avec une grande affection une Bénédiction apostolique particulière.



MESSAGE À S.EXC. MGR SALVATORE FISICHELLA À L'OCCASION DU XVIème SYMPOSIUM JURIDIQUE DE DROIT CANONIQUE ET DE DROIT CIVIL



A mon Vénéré Frère Mgr Salvatore FISICHELLA
Recteur magnifique de l'Université pontificale du Latran

1. J'ai appris avec plaisir que l'Institutum Utriusque Iuris de l'Université pontificale du Latran a promu un Colloque juridique international consacré à l'approfondissement de la relation intrinsèque entre les contenus fondamentaux du droit et l'idéal de justice qui est celui de la législation canonique. Tout en vous adressant mon salut, Vénéré Frère, je suis heureux de vous renouveler mes félicitations pour la tâche qui vous a été récemment confiée à la tête de cette Université, qu'on appelle à juste titre l'"Université du Pape". J'étends mon salut cordial au Président de l'Institut "Utriusque Iuris", le Père Domingo Andrés, et aux Doyens des Facultés de Droit canonique et de Droit civil à qui sont confiées l'organisation et la direction de cette importante initiative juridique et culturelle.

Le choix du thème du Colloque est une marque renouvelée de l'attachement de cet Institut à la Chaire de Pierre et de sa fidélité au Magistère de l'Eglise. En effet, grâce au travail de recherche et de formation de ses deux Facultés de Droit canonique et de Droit civil, il est appelé à préparer des juristes qualifiés dans ces deux systèmes de droit, celui de l'Eglise et celui de la communauté civile, dans une perspective qui, tout en s'appuyant sur sa solide tradition, s'ouvre aux questions posées par les sciences juridiques contemporaines et, dans le même temps, aux exigences toujours nouvelles qui mûrissent dans ces systèmes juridiques.


2. Ces jours-ci, vous confrontez vos points de vue sur la relation intrinsèque entre droit et justice dans la législation canonique en vigueur, en vous basant sur la promulgation du Nouveau Code de Droit canonique et du Code des Canons des Eglises orientales, ainsi que sur la façon dont cette relation peut trouver un accueil dans les orientations législatives et dans les contenus de fond qui caractérisent les systèmes juridiques civils, de ceux propres aux Etats jusqu'à ceux du droit international.

Dans cet effort d'approfondissement, vous trouverez un soutien, un fil directeur à cette enquête, dans le principe que la justice doit être l'essence de tout acte, qui, par nature, a pour objectif le bien d'une communauté et de ceux qui en font partie. Selon, précisément, la méthode du utrumque ius, il vous est donc demandé d'accompagner l'analyse de la législation canonique en vigueur d'une réflexion sur le fonctionnement des systèmes juridiques de la société civile, contribuant ainsi à définir l'apport réciproque de ces deux droits, en révélant leurs convergences et leurs particularités dans l'optique du service à la personne humaine.

On ne peut douter que l'unité du droit et de la science juridique trouve son fondement dans une justice dynamique, expression non seulement d'un ordre légal strict, mais surtout de cette recta ratio qui doit gouverner les comportements autant des individus, que de l'autorité. C'est ce qu'affirme saint Thomas d'Aquin, quand il rappelle que: "Toute loi portée par les hommes n'a raison de loi que dans la mesure où elle dérive de la loi de nature" (Somme théologique, I-II I-II 95,2).


3. Dans la vision chrétienne, les termes droit et justice, en tant qu'ils interviennent dans la constitution des systèmes juridiques, constituent également des rappels à une justice supérieure, qui devient le critère qui doit servir de mesure à tout comportement de nature juridique, que ce soit celui des législateurs ou celui de toute personne qui, à divers titre, oeuvre dans le domaine de la justice.

En effet, si l'on part de l'essence même du droit de l'Eglise, l'exigence de garantir le salus animarum comme critère du rapport correct entre la norme juridique et les aspirations légitimes des christifideles apparaît immédiatement. Le système juridique de la communauté ecclésiale tend avant toute chose à réaliser la communion ecclésiale, en faisant prévaloir la dignité de chaque baptisé, dans l'égalité substantielle et dans la diversité des rôles de chacun. Cette diversité, en effet, n'est pas simplement l'expression d'une "exigence fonctionnelle", mais l'indice de la vision propre à l'anthropologie chrétienne, et de la réalité sacramentelle et institutionnelle de l'Eglise.

Ce n'est en effet que dans la communion organique de la communauté chrétienne que la dignité des christifideles trouve l'espace et les moyens de faire une place à l'exigence légitime de protection de ses droits et de respect de ses devoirs. C'est la raison pour laquelle la communion exige que la charité soit toujours présente, car elle ne contredit pas le droit mais en fait un instrument de vérité, en contribuant à créer la certitude des règles et donc le déroulement ordonné de rapports juridiques qui ne lèsent pas la justice.


4. En considérant la réalité actuelle de l'organisation de la société civile, malgré la diversité des cultures et des conceptions qui inspirent les différents systèmes juridiques, on peut remarquer combien le sens du droit trouve partout une considération, jusqu'à se traduire parfois en véritables revendications en cas de conflits ou bien de comportements qui s'opposent durablement à une justice effective.

Nous assistons souvent, malheureusement, à la formulation de normes qui, au lieu de satisfaire les exigences du bien commun par la garantie de la protection légitime des individus, se contentent de ne considérer que les intérêts de catégories limitées, déformant ainsi l'idée même de justice et réduisant le système juridique à un simple outil de réglementation pragmatique. De plus, dans de nombreux cas, un accroissement rapide et inconsidéré des normes, qu'on justifie par l'apparente nécessité de réglementer tous les aspects de l'ordre social, tend à soustraire aux individus et aux formations sociales intermédiaires les espaces vitaux nécessaires pour garantir les aspirations les plus profondes de l'homme.

Il est clair que la dignité de la personne humaine, même si elle est formellement reconnue comme fondement de chacun des droits, serait bafouée, ou tout du moins ne serait pas respectée, si la justice était réduite à une simple fonction de règlement des différends. Dans ce cas-là, le rôle de la science juridique en serait même amoindri et l'activité des personnes chargées de rendre la justice se réduirait à l'application de décisions purement techniques.


5. Les systèmes juridiques présentent aujourd'hui des lacunes préoccupantes dans certains domaines, notamment ceux des progrès de la technologie ou de la recherche scientifique, ou encore des nouveaux modes de vie, qui ont posé des problèmes nouveaux. Dans ces cas-là, le recours à des autorités supplétives ou à l'analogie avec d'autres situations ou d'autres normes juridiques, ne se révèle pas toujours approprié, de même que le critère selon lequel est permis, d'un point de vue moral et pratique, ce que le droit n'interdit pas, a démontré ses limites.

Une telle situation culturelle met en lumière un manque croissant de référence à des principes éthiques et à des valeurs qui fondent l'ordre social, s'inspirant de cette doctrine morale objective qui est à l'origine de toute société humaine juste. Il faut donc rappeler encore une fois que la fonction législative, à tous les niveaux, ne peut pas trouver sa justification ou son fondement en ayant simplement recours à la seule règle de la décision de la majorité, puisque, comme je l'ai souligné dans l'Encyclique Veritatis splendor, "la doctrine morale ne peut certainement pas dépendre du simple respect d'une procédure: en effet elle n'est nullement établie en appliquant les règles et les formalités d'une délibération de type démocratique" (VS 113).


6. En partant de ce principe, il est également possible de mieux saisir les difficultés que connaît actuellement l'ordre international, au sein duquel un éloignement progressif des principes éthiques immuables risque de limiter les effets des fondements constitutifs sur lesquels repose cet ordre, affaiblissant ainsi la force d'un droit international patiemment construit. Nous assistons parfois, avec regret, à des comportements de la communauté des Nations qui ne sont pas conformes au principe fondamental du pacta sunt servanda, en préférant un continuel recours à la pratique du consensus pour adopter des règles qui, permettant les interprétations les plus variées, n'en viennent à créer que des obligations limitées pour leur destinataires et restent donc réduits dans leurs effets.

Il s'agit malheureusement d'attitudes que l'on retrouve non seulement dans les relations entre Etats, mais également dans les processus d'intégration supranationale, qui semblent souvent vouloir séparer la dimension matérielle et sociale de l'homme, de sa dimension éthique et religieuse, ce qui a des retentissements immédiats sur la sphère politique et législative. Le fait religieux ne peut être considéré comme une simple conviction subjective, ni surtout être réduit à une manifestation cultuelle individuelle, puisque la religion porte intrinsèquement l'exigence d'une expression communautaire et d'une formation adéquate de ses membres.


7. Le critère fondamental de tout système juridique juste doit toujours être la référence à la personne humaine, en tant que dépositaire d'une dignité inaliénable, dans ses dimensions à la fois individuelle et communautaire. Il est donc important de faire tous les efforts nécessaires en vue de la réalisation d'une protection effective des droits fondamentaux de l'homme, sans toutefois bâtir autour d'eux des théories et des comportements qui cherchent à privilégier uniquement certains aspects de ces droits ou bien seulement ceux qui répondent à des intérêts spécifiques et correspondent à la sensibilité d'un moment historique déterminé. On oublierait alors le principe essentiel de l'indivisibilité des droits de l'homme, qui trouve son fondement dans l'unité de la personne humaine et dans sa dignité intrinsèque.

Très chers et illustres participants à ce Symposium, tout en vous exprimant mon estime et ma profonde considération, pour le sérieux et la compétence avec laquelle vous exercez votre service culturel et juridique dans un cadre tellement important et tellement vital pour l'Eglise et la société civile, j'invoque sur vous, ainsi que sur votre activité quotidienne d'étude et de recherche, la protection maternelle de la Vierge Marie, Speculum Iustitiae.J'accompagne ces sentiments et ces voeux d'une Bénédiction apostolique spéciale, que j'étends volontiers à vos collaborateurs, vos étudiants et à tous ceux qui vous sont chers.

Du Vatican, le 21 mars 2002


LORS DE SA RENCONTRE AVEC LES JEUNES EN PRÉPARATION DE LA JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE

Jeudi 21 mars 2002



1. "Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde" (Mt 5,13-14).

Ces paroles de Jésus retentissent dans nos coeurs, alors que nous nous préparons à la célébration de la dix-septième Journée mondiale de la Jeunesse, qui aura lieu à Toronto, au Canada, en juillet prochain. Ces paroles nous interpellent profondément; elles nous demandent de nous unir à travers notre vie à Celui qui est la véritable lumière du monde et le sel qui donne une saveur inaltérable à la terre: Jésus-Christ, le Verbe qui s'est fait chair et qui est venu habiter parmi nous.

Je vous remercie, très chers jeunes, de cette rencontre que vous avez organisée, et au cours de laquelle vous avez voulu vous demander ensemble: "Que signifie être la lumière du monde et le sel de la terre?". Certains de vos amis vous ont déjà aidés à trouver une réponse. Adhérant librement à l'appel de Dieu, ils sont fiancés ou mariés. Certains avancent sur la voie du sacerdoce, d'autres sur celle de la vie religieuse ou missionnaire.

Je les remercie de leurs témoignages, qui vous encouragent tous à vous demander avec sincérité, comme ils l'ont eux-mêmes fait: "Seigneur, que veux-tu que je fasse?", que désires-tu que je fasse pour vivre pleinement mon Baptême et être le sel de la terre et la lumière du monde?

Avant eux, François d'Assise se posa la même question devant le crucifix de saint Damien. A eux, comme à vous, Dieu désire révéler son dessein d'amour, afin de réaliser le projet de vie qu'il a établi de toute éternité pour chacun.


2. Je remercie le Cardinal-Vicaire pour les paroles cordiales qu'il m'a adressées en votre nom à tous. Je remercie également la responsable des jeunes de l'Action catholique diocésaine.
Je salue la délégation des jeunes des régions d'Italie, qui partira demain pour Toronto, où elle rencontrera les jeunes du même âge engagés à préparer la prochaine Journée mondiale. Je salue également le groupe qui accomplira un pèlerinage en Terre Sainte, pour apporter un témoignage de solidarité aux jeunes de ces lieux si éprouvés. Je salue enfin la délégation des jeunes provenant de Toronto, qui sont venus ici pour participer à cette rencontre et à la célébration du Dimanche des Rameaux.

Je suis reconnaissant aux jeunes garçons et aux jeunes filles qui m'ont manifesté leur désir d'adhérer à l'appel du Seigneur, mais, dans le même temps, qui ont reconnu qu'il n'est pas toujours facile de lui répondre par un "oui" ouvert et généreux.

Très chers amis, je comprends vos difficultés. Les multiples propositions, qui parviennent de diverses parts à vos consciences, ne vous aident certainement pas à identifier avec facilité le prodigieux dessein de vie qui a le Christ comme centre unificateur et stimulant. N'est-il pas vrai que certains des jeunes de votre âge vivent selon le moment, en choisissant à chaque fois ce qui peut apparaître le plus facile?

Ecoutez-moi! Si vous ne consacrez pas de temps à la prière et ne vous laissez pas aider par un guide spirituel, la confusion du monde peut même parvenir à étouffer la voix de Dieu. Comme certains l'ont remarqué de façon opportune, en cherchant à satisfaire ses besoins immédiats, on perd la capacité d'aimer au nom du Christ et l'on n'est pas en mesure de donner sa vie pour les autres, comme Il nous l'a appris. Alors, que faire?


3. Vous m'avez posé la question suivante: "Que devons-nous faire pour être le sel de la terre et la lumière du monde?".

Pour répondre, nous devons tout d'abord nous rappeler que Dieu a créé l'homme à son image, en le destinant à la vocation première et fondamentale qui est la communion avec Lui! C'est en cela que consiste la plus haute dignité de l'être humain. "Cette invitation - rappelle le Concile Vatican II - que Dieu adresse à l'homme de dialoguer avec Lui commence avec l'existence humaine. Car si l'homme existe, c'est que Dieu l'a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l'être; et l'homme ne vit pleinement selon la vérité que s'il reconnaît librement cet amour et s'abandonne au Créateur" (Gaudium et spes GS 19).

Oui, chers amis, nous sommes créés par Dieu et pour Dieu, et le désir que nous avons de Lui est inscrit dans notre coeur! Puisque "la gloire de Dieu est l'homme vivant", comme le notait saint Irénée de Lyon, Dieu ne cesse d'attirer l'homme à Lui, afin qu'en Lui, il puisse trouver la vérité, la beauté et le bonheur qu'il recherche sans cesse. Cette attraction que Dieu exerce sur nous s'appelle la "vocation".


4. C'est précisément parce que nous sommes créés à l'image de Dieu, que nous avons également reçu de Lui ce grand don qui est la liberté. Cependant, si elle n'est pas bien exercée, la liberté peut nous conduire loin de Dieu. Elle peut nous faire perdre la dignité dont il nous a revêtus. Lorsqu'elle n'est pas modelée par l'Evangile, la liberté peut se transformer en esclavage: l'esclavage du péché et de la mort éternelle.

Chers jeunes de Rome! En s'éloignant de la volonté divine, nos ancêtres sont tombés dans le péché, c'est-à-dire dans le mauvais usage de la liberté. Le Père céleste ne nous a toutefois pas abandonnés; il a envoyé son Fils Jésus pour rétablir la liberté blessée et restaurer d'une façon encore plus belle cette image qui avait été défigurée. Victorieux sur le péché et sur la mort, Jésus a affirmé sa domination sur le monde et sur l'histoire. Il est vivant et il nous invite à ne soumettre notre liberté personnelle à aucun pouvoir terrestre, mais seulement à Lui et à son Père tout-puissant!

Jeunes du nouveau millénaire, faites bon usage de votre liberté! Ne gâchez pas la grande dignité de fils de Dieu qui vous a été donnée! Soumettez-vous uniquement au Christ, qui désire votre bien et votre joie authentique (cf. Mt 23,8-10); à Lui qui désire que vous soyez des hommes et des femmes pleinement heureux et accomplis! Vous découvrirez de cette façon que ce n'est qu'en adhérant à la volonté de Dieu que nous pouvons être la lumière du monde et le sel de la terre!

5. Ces réalités, aussi sublimes qu'exigeantes, ne peuvent être comprises et vécues que dans un climat de prière constante. Tel est le secret pour entrer et pour demeurer dans la volonté de Dieu. C'est la raison pour laquelle les initiatives de prière - en particulier d'adoration eucharistique - qui se diffusent dans le diocèse de Rome grâce à l'oeuvre des jeunes, sont très importantes.

Je voudrais, en outre, dire à tous et à chacun: lisez l'Evangile, seuls et en communauté, méditez-le et vivez-le. L'Evangile est la parole vivante et agissante de Jésus qui nous fait connaître l'amour infini de Dieu pour chacun de nous et pour l'humanité tout entière. Le divin Maître appelle chacun de vous à travailler dans son champ; il vous appelle à être ses disciples, prêts à communiquer également à vos autres amis ce qu'Il vous a communiqué.

Si vous faites cela, vous saurez répondre à la question: "Seigneur, que veux-tu que je fasse?". En effet, la véritable réponse est contenue dans l'Evangile, que je vous remets ce soir en esprit. C'est le mandat missionnaire de Jésus: "Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde" (Mt 5,13-14). Je vous le confie à travers les mains de Marie, modèle resplendissant de fidélité à la vocation qui lui a été confiée par le Seigneur.

Bonne route vers Toronto!
Et courage!



Discours 2002 - MESSAGE À S. Exc. MGR LUIGI DE MAGISTRIS, PRO PÉNITENCIER MAJEUR, À L'OCCASION DU COURS TRADITIONNEL SUR LE FOR INTERNE ORGANISÉ PAR LA PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE