Discours 2002 - Jeudi 11 avril 2002


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES SOCIALES  

Jeudi 11 avril 2002


Monsieur le Président,
Excellence,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,

1. C’est avec joie que je vous accueille à l’occasion de la huitième Assemblée générale de l’Académie pontificale des Sciences sociales. Je salue particulièrement Monsieur Edmond Malinvaud, votre Président, à qui j’exprime ma gratitude pour le message qu’en votre nom à tous il vient de m’adresser, remerciant aussi Monseigneur Marcelo Sánchez Sorondo et toutes les personnes qui coordonnent les travaux de votre Académie. Avec les compétences qui sont les vôtres, vous avez choisi de poursuivre votre réflexion sur les thèmes de la démocratie et de la mondialisation, ouvrant ainsi la recherche sur la question de la solidarité entre les générations. Une telle démarche est précieuse pour le développement de la doctrine sociale de l’Église, pour l’éducation des peuples et pour la participation des chrétiens à la vie publique, dans toutes les instances de la société civile.

2. Votre analyse vise aussi à donner un éclairage sur la dimension éthique des choix que les responsables de la société civile et tout homme ont à effectuer. L’interdépendance croissante entre les personnes, les familles, les entreprises et les nations, ainsi qu’entre les économies et les marchés, – ce qu’on appelle mondialisation –, a bouleversé le système des interactions et des rapports sociaux. Si elle a des développements positifs, elle porte aussi en elle des menaces inquiétantes, notamment l’aggravation d’inégalités entre les économies puissantes et les économies dépendantes, entre les personnes qui bénéficient de nouvelles opportunités et celles qui sont laissées pour compte. Cela invite donc à penser de manière renouvelée la question de la solidarité.

3. Dans cette perspective et avec l’allongement progressif de la vie humaine, la solidarité entre les générations doit faire l’objet d’une grande attention, avec un soin particulier à l’égard des membres les plus faibles, les enfants et les personnes âgées. Auparavant, la solidarité entre les générations était dans de nombreux pays une attitude naturelle de la part de la famille; elle est aussi devenue un devoir de la communauté, qui doit l’exercer dans un esprit de justice et d’équité, veillant à ce que chacun ait sa juste part des fruits du travail et puisse vivre en toute circonstance dans la dignité. Avec les progrès de l’ère industrielle, on a vu des États mettre en place des systèmes d’aide aux familles, notamment en qui concerne l’éducation des jeunes et les systèmes de retraite. Il est heureux que se développe une prise en charge des personnes grâce à une véritable solidarité nationale, afin de n’exclure personne et de donner à tous un accès à une couverture sociale. On ne peut que se réjouir de ces avancées, dont ne bénéficie cependant qu’une faible partie des habitants de la planète.

Dans cet esprit, il revient en tout premier lieu aux responsables politiques et économiques de tout mettre en oeuvre pour que la mondialisation ne se réalise pas au détriment des plus démunis et des plus faibles, élargissant encore le fossé entre pauvres et riches, entre nations pauvres et nations riches. J’invite les personnes qui ont des fonctions de gouvernement et les décideurs de la vie sociale à être particulièrement vigilants, menant une réflexion pour envisager des décisions à long terme et pour créer des équilibres économiques et sociaux, notamment par la mise en place de systèmes de solidarité qui tiennent compte des mutations occasionnées par la mondialisation et qui évitent que ces phénomènes ne paupérisent de plus en plus des pans importants de certaines populations, voire des pays tout entiers.

4. À l’échelle planétaire, des choix collectifs sont à envisager et à metttre en oeuvre à travers un processus qui favorise la participation responsable de tous les hommes, appelés à construire ensemble leur avenir. Dans cette perspective, la promotion de modes démocratiques de gouvernement permet d’intéresser l’ensemble de la population à la gestion de la res publica, «sur la base d’une conception correcte de la personne humaine» (Centesimus annus CA 46) et dans le respect des valeurs anthropologiques et spirituelles fondamentales. La solidarité sociale suppose de sortir de la simple recherche d’intérêts particuliers, qui doivent être évalués et harmonisés «en fonction d’une hiérarchie et des valeurs équilibrées et, en dernière analyse, d’une conception correcte de la dignité et des droits de la personne» (Centesimus annus CA 47). Il convient donc de s’attacher à éduquer les jeunes générations à un esprit de solidarité et à une véritable culture de l’ouverture à l’universel et de l’attention à toutes les personnes, quelle que soit la race, la culture ou la religion.



5. Les responsables de la société civile sont fidèles à leur mission lorsqu’ils recherchent avant tout le bien commun, dans l’absolu respect de la dignité de l’être humain. L’importance des questions auxquelles nos sociétés sont confrontées et des enjeux pour l’avenir devrait stimuler une volonté commune de rechercher ce bien commun, pour une croissance harmonieuse et pacifiée des sociétés, ainsi que pour le bien-être de tous. J’invite les instances de régulation qui sont au service de la communauté humaine, tels les organismes inter-gouvernementaux ou internationaux, à accompagner, avec rigueur, justice et compréhension, les efforts des Nations, en vue du «bien commun universel». C’est ainsi que seront peu à peu assurées les modalités d’une mondialisation non pas subie mais contrôlée.

En réalité, il revient à la sphère politique de réguler les marchés, de soumettre les lois du marché à celles de la solidarité, pour que les personnes et les sociétés ne soient pas ballottées au gré des changements économiques de tous ordres et soient protégées des secousses liées aux dérégulations des marchés. J’encourage donc une fois encore les acteurs de la vie sociale, politique et économique à approfondir les voies de la coopération, entre personnes, entreprises et nations, pour que la gestion de notre terre soit faite en vue des personnes et des peuples, et non du seul profit. Les hommes sont appelés à sortir de leurs égoïsmes et à se découvrir davantage solidaires. Puisse l’humanité d’aujourd’hui, dans sa marche vers plus d’unité, de solidarité et de paix, transmettre aux générations futures les biens de la création et l’espérance en un avenir meilleur!

En vous renouvelant l’assurance de mon estime et mes remerciements pour le service que vous rendez à l’Église et à l’humanité, j’invoque sur vous l’assistance du Seigneur Ressuscité et, de grand coeur, je vous accorde la Bénédiction apostolique, ainsi qu’à vos familles et à toutes les personnes qui vous sont chères.



LETTRE AU CARDINAL MARTINI, ARCHEVÊQUE DE MILAN, À L'OCCASION DU 750ème ANNIVERSAIRE DU MARTYRE DE SAINT PIERRE DE VÉRONE




A mon Vénéré Frère Monsieur le Cardinal CARLO MARIA MARTINI Archevêque de Milan

1. J'ai appris avec joie que l'Eglise ambrosienne et l'Ordre des Frères prêcheurs se préparent à célébrer le 750ème anniversaire du martyre de saint Pierre de Vérone, religieux dominicain assassiné à cause de sa foi, en même temps que son confrère, Frère Domenico, le 6 avril 1252, samedi in albis, dans les environs de Seveso, alors qu'il se rendait à Milan pour entreprendre une nouvelle mission d'évangélisation et de défense de la foi catholique.

Cet anniversaire, qui cette année aussi a lieu le premier samedi après Pâques, nous porte à considérer avec admiration la figure et l'oeuvre de ce saint qui, attaché au Christ, réalisa dans sa vie les paroles de l'Apôtre Paul: "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile" (1Co 9,16) et obtint à travers le martyre la grâce de la pleine imitation de la Victime pascale.

En cette heureuse circonstance, qui est le fruit de la fervente initiative de l'Archevêque de Milan, je me réjouis avec lui, qui en son temps a promu cette canonisation et auquel est confiée la garde de la dépouille mortelle et le lieu du martyre. Je m'unis aussi cordialement aux Fils de saint Dominique, qui honorent en lui leur premier confrère martyr, modèle pour toutes les personnes consacrées et pour tous les chrétiens de notre époque également.


2. Toute la vie de saint Pierre de Vérone se déroula sous le signe de la défense de la vérité exprimée dans le "Credo" ou Symbole des Apôtres, qu'il commença à réciter dès l'âge de sept ans, bien qu'il soit né dans une famille pervertie par l'hérésie cathare, et qu'il continua à proclamer "jusqu'au dernier instant" (Cf. Bulgarium Romanum, III, Augustae Taurinorum, 1858, p. 564). La foi catholique enseignée dès l'enfance le protégea des dangers de l'atmosphère universitaire de Bologne où, durant ses études, il rencontra saint Dominique, dont il devint un fervent disciple, passant ensuite le reste de son existence dans l'Ordre des Frères prêcheurs.

Après l'ordination sacerdotale, diverses villes de l'Italie du Sud, de la Toscane, de la Romagne et des Marches, ainsi que Rome elle-même, furent les témoins de son zèle apostolique, qui s'exprimait principalement à travers le ministère de la prédication et de la réconciliation. Prieur des Couvents d'Asti, de Piacenza et de Côme, il étendit sa sollicitude pastorale aux religieuses cloîtrées, pour lesquelles il fonda le Monastère dominicain de San Pietro in Campo Santo à Milan.

Face aux dégâts provoqués par l'hérésie, il se consacra avec attention à la formation chrétienne des laïcs, en se faisant le promoteur, dans les capitales de Lombardie et de Toscane, d'institutions visant à la défense de l'orthodoxie, à la diffusion du culte de la Bienheureuse Vierge Marie et aux oeuvres de miséricorde. A Florence, ensuite, il noua une profonde amitié spirituelle avec les sept Saints fondateurs des Serviteurs de Marie, dont il devint un conseiller précieux.


3. Le 13 juin 1251, mon vénéré Prédécesseur Innocent IV lui confia, alors qu'il était prieur à Côme, le mandat spécial d'aller constater l'hérésie cathare à Crémone et, l'automne suivant, il le nomma inquisiteur pour la ville et le territoire de Milan et de Côme.

Ce devait être la dernière mission du saint martyr, car elle devait le conduire à mourir pour la foi catholique. Dans le cadre de cette charge importante, il intensifia la prédication, annonçant l'Evangile du Christ et expliquant la sainte doctrine de l'Eglise sans se préoccuper des menaces de mort qui lui parvenaient de différents côtés.

Le zèle missionnaire et l'obéissance le conduisirent souvent au siège de Saint-Ambroise, où il expliquait devant des foules immenses les mystères du christianisme, soutenant de nombreuses disputes publiques contre les chefs de l'hérésie cathare. Sa prédication, nourrie d'une solide connaissance de l'Ecriture, s'accompagnait d'un ardent témoignage de charité et fut confirmée par des miracles. A travers une action apostolique inlassable, il suscitait partout la ferveur spirituelle, encourageant une renaissance authentique de la vie chrétienne.

Malheureusement, le 6 avril 1252, alors que de Côme, où il avait célébré la Pâque avec sa communauté, il se rendait à Milan dans le but d'accomplir le mandat que lui avait confié le Vicaire du Christ, il fut tué par un sicaire à la solde des hérétiques, qui le frappa à la tête avec une "faux", à Seveso, dans le territoire de Farga, qui prit ensuite le nom du Martyr et où se dressent aujourd'hui un sanctuaire et la paroisse qui lui est consacrée.


4. Saint Catherine de Sienne remarque qu'à travers le martyre, le coeur de cet insigne défenseur de la foi, brûlant de charité divine, continua à délivrer des "lumières dans les ténèbres de nombreuses hérésies". Son assassin lui-même, Carino da Balsamo, qu'il avait pardonné, se convertit et endossa ensuite l'habit dominicain. On connaît la grandeur et l'intensité du choc provoqué par ce terrible assassinat: l'écho ne s'en répandit pas seulement dans l'Ordre dominicain et le diocèse de Milan, mais aussi en Italie et dans toute l'Europe chrétienne. Les autorités milanaises, se faisant les interprètes de la vénération unanime pour le Martyr, demandèrent au Pape Innocent IV sa canonisation. Elle eut lieu à Pérouse, un peu moins d'un an après sa mort, en mars 1253. Dans la Bulle, par laquelle il l'inscrivait dans l'Album des martyrs, mon vénéré Prédecesseur faisait l'éloge de ses qualités: "dévotion, humilité, obéissance, bienveillance, piété, patience, charité". Et il le présentait comme un "amant fervent de la foi, son éminent connaisseur et son encore plus ardent défenseur".

Grâce à l'Ordre dominicain, le culte en l'honneur de saint Pierre de Vérone se diffusa rapidement parmi le peuple chrétien, comme en attestent les nombreuses oeuvres d'art qui évoquent sa foi intrépide et son martyre. Un témoignage singulier de cette dévotion durable nous est offerte par le sanctuaire de Seveso et par la Basilique Saint-Eustorge à Milan, où repose depuis le 7 avril 1252 la vénérée dépouille mortelle de cet insigne Martyr.

Le Souverain Pontife saint Pie V voulut lui consacrer une chapelle artistique dans la Torra Pia qui fait aujourd'hui partie des Musées du Vatican. Mon saint Prédécesseur y célébrait souvent le Sacrifice eucharistique. A partir de 1818, saint Pierre de Vérone accompagne et soutient, par sa protection céleste, la formation des séminaristes ambrosiens, puisque depuis cette date, une communauté du séminaire diocésain a son siège dans l'ancien couvent de Seveso, adossé au sanctuaire qui rappelle le martyre.

5. Sept cent cinquante ans après sa mort, saint Pierre de Vérone, fidèle disciple de l'unique Maître, qu'il a cherché sans trève dans le silence et dans la contemplation, annoncé inlassablement et aimé jusqu'au don suprême de sa vie, exhorte les chrétiens de notre temps à dépasser la tentation d'une tiède et partielle adhésion à la foi de l'Eglise. Il invite chacun à recentrer son existence, avec un engagement renouvelé, sur le Christ "qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste" (Novo millennio ineunte NM 29). Saint Pierre indique et repropose aux croyants le chemin de la sainteté, "ce haut degré de la vie chrétienne ordinaire", pour que la communauté ecclésiale, les individus et les familles s'orientent toujours dans cette direction (cf. ibid., NM NM 31). Chaque chrétien, en suivant son exemple, est encouragé à résister aux illusions du pouvoir et de la richesse pour chercher d'abord "son Royaume et sa justice" (Mt 6,33) et pour contribuer à l'instauration d'un ordre social qui réponde toujours mieux aux exigences de la dignité de la personne.

Dans une société comme celle d'aujourd'hui, où l'on ressent souvent une inquiétante rupture entre l'Evangile et la culture, drame récurrent dans l'histoire du monde chrétien, saint Pierre de Vérone témoigne qu'un tel écart ne peut être comblé que lorsque les différentes composantes du Peuple de Dieu s'appliquent à devenir des "cierges" qui resplendissent sur l'ensemble du candélabre, en orientant nos frères vers le Christ, qui donne un sens ultime à la recherche et aux attentes de l'homme.

Je forme le voeu que les célébrations programmées en l'honneur de ce fils exemplaire de saint Dominique soient une occasion de grâce, de ferveur spirituelle et d'un engagement renouvelé à annoncer l'Evangile avec un courage intrépide et une joie toujours nouvelle.

Avec de tels souhaits, je vous donne la Bénédiction apostolique demandée, à vous, Vénéré Frère, ainsi qu'au bien-aimé archidiocèse de Milan, à ceux qui se préparent au sacerdoce dans le séminaire qui porte le nom du saint Martyr, à l'ordre des Frères prêcheurs et à tous ceux qui se confient à l'intercession céleste de saint Pierre de Vérone.

Du Vatican, le 25 mars 2002.


AUX PARTICIPANTS AU XXVème CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DES SALÉSIENS

Vendredi 12 avril 2002


Très chers frères!

1. Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion du vingt-cinquième Chapitre général de votre Congrégation. A travers vous, je voudrais faire parvenir ma pensée cordiale à tous les Salésiens qui travaillent dans différentes parties du monde.

Je salue avec affection le nouveau Recteur Majeur, Dom Pascual Chavez Villanueva, et le Conseil général qui l'assistera au cours des prochaines années. Je leur souhaite de guider votre Famille religieuse avec enthousiasme et docilité à l'action de l'Esprit Saint, en conservant vivant le charisme toujours actuel de votre saint Fondateur.

Je ne peux pas ne pas rappeler le précédent Recteur Majeur, Dom Juan Vecchi, récemment disparu au terme d'une maladie acceptée avec résignation et abandon à la volonté du Seigneur. Que son témoignage constitue un encouragement pour chaque Salésien, afin qu'il fasse de sa propre vie un don total d'amour à Dieu et à ses frères.


2. En ce temps pascal, après les jours de la passion et de la crucifixion du Fils de Dieu, l'Eglise invite les croyants à contempler le visage éblouissant du divin Maître ressuscité. En effet, comme je l'ai rappelé dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, "notre témoignage se trouverait toutefois appauvri d'une manière inacceptable si nous ne nous mettions pas d'abord nous-mêmes à contempler son visage" (NM 16). Ce n'est que dans le Christ que nous pouvons trouver la réponse aux attentes les plus profondes de notre coeur. Cela suppose que toutes les énergies soient orientées vers Jésus "qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire" (ibid., NM 29).

Chers Salésiens, si vous restez constamment fidèles à cet engagement, si vous vous efforcez de donner à votre travail un contenu constant d'amour évangélique, vous pourrez accomplir jusqu'au bout votre mission avec joie et efficacité. Soyez saints! La sainteté est - vous le savez bien - votre tâche essentielle, comme elle l'est, du reste, pour tous les croyants.

La Famille salésienne s'apprête à vivre la joie de l'imminente béatification de trois de ses enfants: le prêtre Luigi Variara, le coadjuteur Artemide Zatti et la religieuse María Romero Meneses. La sainteté constitue la meilleure garantie pour une évangélisation efficace, car c'est en celle-ci que se trouve le témoignage le plus important à offrir aux jeunes destinataires de vos diverses activités.


3. Que la Très Sainte Vierge, que vous vénérez sous le titre de Marie Auxiliatrice, guide vos pas et vous protège partout. Que saint Jean Bosco, avec les nombreux saints et bienheureux qui constituent l'assemblée céleste de vos protecteurs, vous accompagne dans la tâche difficile de mettre en application les orientations des programmes définis lors des travaux capitulaires, pour le bien de l'Institut tout entier. En formant ce voeu, je vous bénis, très chers frères, en assurant chacun de vous de ma prière, ainsi que tous ceux que vous rencontrez dans votre ministère apostolique et missionnaire quotidien.


AUX ÉVÊQUES DE BOLIVIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 13 avril 2002


Chers frères dans l'épiscopat,

1. Je suis heureux de vous recevoir aujourd'hui, à l'occasion de votre visite "ad limina" qui, après un long parcours, vous a conduits à Rome pour renouveler votre engagement pastoral auprès des tombes des saints Apôtres Pierre et Paul et renforcer les liens avec le Siège de Pierre et avec ses successeurs, dans lesquels "réside le fondement perpétuel et visible de l'unité de la foi et de la communion" (Lumen gentium LG 18).

Je remercie de tout coeur le Cardinal Julio Terrazas, Archevêque de Santa Cruz et Président de la Conférence épiscopale bolivienne, des paroles courtoises qu'il m'a adressées, en m'exprimant votre affection et votre adhésion et en me faisant participer, dans le même temps, aux espérances et aux inquiétudes de votre généreux engagement dans le ministère pastoral.

En rencontrant les pasteurs de ce pays, je pense avec une affection particulière au bien-aimé peuple bolivien, son troupeau, qui a eu la grâce d'accueillir le message du Christ dès les premiers moments de l'évangélisation et qui se trouve à présent face au défi passionnant de le transmettre, de façon intégrale et féconde, aux générations d'un nouveau millénaire.


2. C'est pourquoi je suis heureux de constater à quel point le grand Jubilé de l'An 2000 a également profondément marqué la vie ecclésiale bolivienne, à travers diverses célébrations diocésaines et nationales, auxquelles un grand nombre de personnes ont participé et qui ont donné une impulsion particulière à la croissance de la vie chrétienne. En outre, à cette occasion l'Eglise "plus que jamais, s'est faite peuple en marche, guidé par Celui qui est "le grand Pasteur des brebis" (He 13,12)" (Novo millennio ineunte NM 1). C'est pourquoi je répète à tous les pasteurs, prêtres, religieux et religieuses, catéchistes et autres agents de pastorale ce que j'ai déjà dit aux prêtres l'année dernière: "Je désire aujourd'hui exprimer à chacun d'entre vous mes remerciements pour ce que vous avez fait durant l'Année jubilaire, afin que le peuple qui vous est confié ressente plus intensément la présence salvatrice du Seigneur ressuscité" (Lettre du Pape aux Prêtres pour le Jeudi saint 2001, n. 3; cf. ORLF n. 14 du 3 avril 2001).

L'expérience enrichissante d'un moment aussi significatif dans l'histoire de l'Eglise et de l'humanité, ne doit pas rester uniquement un souvenir, mais devenir une école et une incitation à un nouveau dynamisme évangélisateur, car "dans la cause du Royaume, il n'y a pas de temps pour regarder en arrière, et encore moins pour s'abandonner à la paresse" (Novo millennio ineunte NM 15). Les défis importants auxquels vous devez faire face dans vos communautés ecclésiales ne manquent pas. Je désire vous encourager de tout coeur dans votre engagement, qui est souvent semé d'obstacles en apparence insurmontables, en rappelant que Jésus lui-même invita les siens à prêcher sans rien emporter avec eux (cf. Mt 10,9-10) et que Pierre, pleinement confiant en la parole du Maître, fit une pêche aussi abondante qu'imprévue (cf. Lc 5,6).


3. Bien que les signes qui alimentent l'espérance d'une croissance des vocations sacerdotales et religieuses ne manquent pas, je sais bien qu'il s'agit de l'un des aspects qui vous préoccupent le plus dans votre désir de rendre l'annonce de l'Evangile plus incisive, l'attention pastorale à l'égard du Peuple de Dieu plus complète et mieux organisée et la recherche de la sainteté dans toutes les communautés ecclésiales plus riche et florissante. C'est pourquoi, il faut poursuivre sans relâche la prière au "Maître de la moisson" (cf. Mt 9,38), afin qu'il continue à bénir la Bolivie par le don précieux des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée sous ses diverses formes. L'annonce du Christ doit également se faire l'écho de son invitation à le suivre sur le chemin spécifique de la vie sacerdotale ou de la consécration spéciale, et susciter l'expérience vécue par ces disciples qui "entendirent ses paroles et suivirent Jésus" (Jn 1,37). C'est vers cela que s'oriente la pastorale des vocations, l'une des grandes urgences de notre temps, qui doit être "largement diffusée, [atteindre] les paroisses, les lieux éducatifs, les familles" (Novo millennio ineunte NM 46). Personne ne peut se sentir exonéré de cette responsabilité qui "revient à tout le Peuple de Dieu" (Ecclesia in America ).

En tant que pasteurs vous savez bien à quel point ce travail est délicat, car il requiert, d'un côté, le courage de devenir des médiateurs de l'appel du Maître, à travers une proposition directe et personnelle et, de l'autre, exige également un accompagnement spirituel patient et l'espérance indomptable du semeur, qui poursuit sa tâche tout en étant conscient de l'incertitude de la récolte.



4. Il faut également prêter une attention particulière à la formation des candidats au sacerdoce et à la vie consacrée, car le petit nombre de ceux qui sont appelés à proclamer et à témoigner l'Evangile ne signifie pas que l'on ne doive pas exiger les aptitudes nécessaires à cette mission fondamentale de l'Eglise. C'est pourquoi, il faut leur offrir une solide préparation théologique et une profonde spiritualité, de façon à ce qu'ils comprennent et acceptent avec joie les exigences du ministère et de la consécration, en donnant la preuve de leur aptitude à "dépenser" toute leur vie pour le Christ (cf. 2Co 12,15) et à placer leurs capacités au service de l'Eglise, ce qui confère une pleine signification à l'existence personnelle et donne un sens à tous ses aspects.

Je vous invite donc à continuer à encourager vos séminaristes et vos prêtres, sans avoir peur de présenter et d'exiger dans leur totalité les qualités que l'Eglise, inspirée par le modèle du Bon Pasteur, requiert de ses ministres ordonnés. Je pense à la nécessaire fraternité sacerdotale, sans aucune forme de mauvais esprit, de préjugé ou de discrimination; à l'obéissance et à la communion indispensables, et sans réticence, avec son propre évêque, pour qui ils doivent se montrer entièrement disponibles avec joie et générosité; à l'acceptation sincère et choisie du célibat et à l'indifférence envers les biens matériels (cf. Presbyterorum ordinis PO 14-17). Votre charité pastorale saura trouver la voie afin que ces exigences, plus que de simples et pénibles sacrifices, soient acceptées et vécues avec le coeur plein de joie de celui qui "en ayant trouvé une [perle] de grand prix, [il] s'en est allé vendre tout ce qu'il possédait et il l'a achetée" (Mt 13,64). Vous savez également combien peut être décisif, dans certains cas, le rapport individuel, cordial et paternel de l'Evêque avec ses prêtres, qui doit également faire preuve d'intérêt pour les petites choses de la vie quotidienne, qui ont une influence sur l'âme de chaque individu. Il s'agit précisément de l'un des milieux privilégiés pour développer la "spiritualité de communion", qui doit caractériser l'Eglise du troisième millénaire (cf. Novo millennio ineunte NM 43).


5. Il ne faut pas oublier un aspect très important pour la majeure partie de vos diocèses, tel que la présence de nombreuses personnes consacrées, que je remercie de tout coeur de leur contribution au service du Royaume de Dieu en Bolivie. Elles apportent leur contribution dans de nombreux domaines, selon le charisme de leur Institut, qui va de l'apostolat direct dans les paroisses et dans les missions aux oeuvres éducatives, médicales, ou d'assistance sociale et caritative. Elles ne méritent pas seulement la reconnaissance des pasteurs, mais également un encouragement permanent pour soutenir et accroître leur générosité et leur engagement, en pleine harmonie avec les orientations de chaque Eglise particulière. En outre, cela les aidera à prendre une conscience toujours plus grande du fait que leur contribution à la vie de la communauté ecclésiale ne se limite pas à l'efficacité matérielle de leur service, mais qu'ils l'enrichissent en particulier à travers leur témoignage, personnel et communautaire, de l'Evangile des béatitudes, la présence de leur charisme, qui rappelle à tous l'action incommensurable de l'Esprit, et leur engagement très profond, qui contribue de façon spéciale à faire en sorte que les communautés continuent à être "d'authentiques "écoles" de prière" (Ibid., NM NM 33).


6. Un signe de vitalité de nombreuses Eglises particulières que vous présidez est également la présence importante de laïcs engagés, qui "exercent pour leur part, dans l'Eglise et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien" (Lumen gentium LG 31). Leur rôle acquiert une importance particulière dans les lieux où il est impossible de compter sur la présence permanente de prêtres qui guident la communauté. Leur disponibilité à promouvoir la catéchèse ou à animer des rencontres de prière communautaire et de lecture de la Parole de Dieu mérite la reconnaissance sincère des pasteurs qui, à leur tour, doivent s'engager à leur offrir une formation théologique, liturgique et spirituelle adaptée aux tâches qui leur sont confiées.

A ce propos, il faut faire en sorte que l'engagement et le dévouement aux services ecclésiaux ne conduisent pas, dans certains cas, "à se désengager pratiquement de leurs responsabilités spécifiques sur le plan professionnel, social, économique, culturel et politique" (Christifideles laici CL 2).

En effet, cette vocation spécifique des laïcs prend une importance décisive dans la société actuelle, dans laquelle - c'est également le cas en Bolivie - ont lieu des transformations rapides et profondes, qui exigent le respect des principes éthiques et la présentation des valeurs évangéliques, afin que les réalités temporelles soient ordonnées selon le dessein de Dieu (cf. Lumen gentium LG 31). C'est pourquoi on doit utiliser tous les moyens possibles pour former les laïcs, car ils sont les premiers appelés à réaliser et à rendre effective la doctrine sociale de l'Eglise.

Il est donc important que les évêques s'engagent de façon particulière à exercer, également dans ce domaine, leur responsabilité de rassembler autour d'eux "toute la grande famille de leur troupeau, en sorte que tous, conscients de leurs devoirs, vivent et agissent dans une communion de charité" (Christus Dominus CD 16). Les diverses formes d'association constituent un milieu adapté pour réaliser cet engagement parmi les laïcs et elles doivent donc être prises en considération, promues et accueillies comme un authentique "printemps de l'Esprit pour l'Eglise" (cf. Novo millennio ineunte NM 33). En tant que pasteurs, vous reconnaissez le bien inestimable que les diverses associations de laïcs, lorsqu'elles suivent le "critère d'ecclésialité" (cf. Christifideles laici CL 30) peuvent apporter à la sanctification de leurs membres, ainsi qu'à l'action évangélisatrice de l'Eglise.



7. En Bolivie, comme dans d'autres parties de l'Amérique latine, vous êtes préoccupés par le développement des sectes, qui profitent souvent des racines religieuses plantées par l'Eglise parmi les populations pour éloigner celles-ci de ceux qui les ont semées. Il s'agit d'un phénomène douloureux, qui fait parfois revivre l'expérience de Jésus, lorsqu'il disait: "Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas?" (Jn 8,46). Une foi ferme et une confiance totale dans la force de la vérité pour conquérir les coeurs, constitue certainement un moyen précieux pour inspirer des actions pastorales appropriées. L'une de celles-ci est précisément de proclamer sans cesse le message du Christ de façon compréhensible à tous, dans "un style simple, comme il convient à la bonté de Dieu" (cf. Saint Cyprien, A Donat, n. 2) et, dans le même temps, de montrer à tous sa vigueur et son aspect fascinant. Nous avons toujours à apprendre de Jésus qui, grâce à sa façon d'enseigner, provoquait l'émerveillement des gens (cf. Lc 4,32).

La riche tradition bolivienne ne manque pas de moyens d'expression adaptés, en mesure d'orienter la conscience d'une profonde vie de foi. En outre, ne manquent pas non plus les formes de piété populaire profondément enracinées qui atteignent le coeur des fidèles. La simplicité de ces manifestations ne doit pas être confondue avec une pratique superficielle de la foi. Celle-ci doit, en revanche, constituer un motif de profonde préoccupation, en particulier lorsqu'elle est due à un manque d'attention personnelle envers les fidèles, selon leur condition, ou à une action évangélisatrice insuffisante face aux attentes très profondes de ceux qui aspirent dans leur coeur à entendre les paroles de Jésus: "Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison" (Lc 19,9). En effet, l'expérience révèle que les sectes ne se développent pas là où l'Eglise vit de façon intense la vie spirituelle et s'engage dans le service de la charité.


8. Chers frères, vous avez dû exercer votre ministère pastoral à l'un des moments les plus difficiles de la vie du pays, en raison d'une situation sociale délicate, caractérisée par divers conflits et contenant des germes de violence. Vous avez accepté de prendre part aux initiatives de pacification, dans le seul but de favoriser le rapprochement et le dialogue entre les parties en conflit.
En effet, il ne s'agit que d'une façon ponctuelle d'accomplir un travail plus vaste, qui intègre l'action évangélisatrice et qui conduit à la promotion de la justice et de la solidarité fraternelle parmi tous les citoyens. A travers vous, je lance un appel à tous les croyants boliviens, afin qu'en se fondant sur la foi qu'ils professent et sur l'espérance dans le Christ qui les anime, ils deviennent les hérauts d'une société qui n'accepte pas les divisions partisanes, et étrangère à toute forme de violence ou manque de respect aux droits de la personne humaine, en particulier le droit à la vie.



9. En conclusion de cette rencontre, j'invoque sur vous et sur vos fidèles la protection maternelle de Notre-Dame de Copacabana, en lui demandant de veiller sur tous les Boliviens. Apportez le salut et l'affection du Pape aux foyers, aux communautés et aux paroisses, en les encourageant à diffuser les grands idéaux de l'Evangile. Je répète aujourd'hui ce que j'ai déjà dit à l'aéroport de Santa Cruz, au terme de mon voyage pastoral dans votre pays en 1988: "Je vous porte tous dans mon coeur et je garderai de vous un souvenir inoubliable" (Discours de départ, 14.05.1988, n. 2; cf. ORLF n. 22, du 31 mai 1988).

Avec ces sentiments, je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique, que j'étends avec plaisir à tous les fils et les filles de Bolivie.


Discours 2002 - Jeudi 11 avril 2002