Discours 2002 - MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS AU MEETING NATIONAL DU MOUVEMENT DES JEUNES DE DOM GUANELLA


AU DEUXIÈME GROUPE D'ÉVÊQUE DU NIGERIA EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Mardi 30 avril 2002



Chers frères dans l'épiscopat,

1. C'est pour moi une grande joie de vous accueillir, membres du deuxième groupe d'Evêques nigérians, à l'occasion de votre visite ad limina Apostolorum: "A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ" (Rm 1,7). L'ancienne pratique de "venir rendre visite à Pierre" est une réminiscence de la visite de l'Apôtre Paul à Jérusalem, du temps passé avec Céphas (cf. Ga 1,18) que le Seigneur avait constitué comme "pierre" sur laquelle il devait édifier son Eglise. Dans l'accolade fraternelle de Pierre et de Paul, la première communauté chrétienne reconnut les païens que Paul avait convertis comme des frères et des soeurs authentiques dans la foi, et dans le récit de Paul au sujet de l'abondant don de grâce descendu sur ces nouveaux croyants, la communauté tout entière trouva des motifs encore plus profonds pour rendre louange à la miséricorde infinie de Dieu (cf. Ac 15, 16 sq). De la même façon, notre rencontre d'aujourd'hui réaffirme la communion de vos Eglises particulières, actives et fécondes, avec le Successeur de Pierre et avec l'Eglise universelle, et nous rendons grâce ensemble pour la vie et le témoignage des prêtres, des religieux et des laïcs de votre pays, qui servent le Seigneur fidèlement et avec gratitude.
J'ai déjà partagé avec le premier groupe d'Evêques nigérians plusieurs réflexions et préoccupations suscitées par vos compte-rendus sur la situation spécifique de l'Eglise dans votre pays. A présent, je vous offre d'autres idées de réflexions, vous qui êtes chargés dans vos communautés locales "d'enseigner, de sanctifier et de gouverner" (Christus dominus CD 11).


2. Je partage votre sollicitude pastorale pour le développement pacifique de vos peuples, non seulement en termes de progrès matériel, mais également et plus particulièrement en ce qui concerne une authentique liberté politique, l'harmonie ethnique et le respect des droits des citoyens. Vous devez vous poser les questions suivantes: De quelle façon l'Evangile peut-il s'incarner dans ces nouvelles circonstances? De quelle façon l'Eglise et chaque chrétien peuvent-ils affronter de la meilleure façon possible les questions urgentes qui sont implicites pour édifier un avenir meilleur pour soi-même et ses propres enfants?

Nous pouvons trouver une réponse dans les objectifs que vous vous êtes fixés il y a cinq ans, dans le Plan pastoral national pour le Nigeria. Dans ce vaste programme élaboré par votre Commission épiscopale sur la mission, deux grands thèmes expliquent ce que vous considérez comme la mission pastorale de l'Eglise au Nigeria au cours du troisième millénaire chrétien: la nouvelle évangélisation et la responsabilité de l'Eglise dans la société civile. C'est dans ce double contexte que vous avez réussi à insérer virtuellement tous vos objectifs visant à transformer l'humanité de l'intérieur, à renouveler l'innocence dans le coeur des personnes et, comme le recommande l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Evêques, à édifier l'Eglise comme famille. Ce dernier élément est la clef des deux premiers: comme les Pères synodaux l'ont reconnu, l'Eglise comme famille de Dieu est "une expression particulièrement appropriée de la nature de l'Eglise pour l'Afrique. L'image, en effet, met l'accent sur l'attention à l'autre, la solidarité, le dialogue et la confiance" (Ecclesia in Africa ). En effet, lorsque l'annonce et la catéchèse réussissent à édifier l'Eglise comme famille, toute la société en bénéficie: l'harmonie entre les divers groupes ethniques reçoit une base solide, l'ethnocentrisme est évité et l'on encourage la réconciliation, une plus grande solidarité et le partage des ressources entre les personnes, de plus la vie sociale s'imprègne toujours davantage de la conscience des devoirs qui dérivent du respect dû à la dignité de chaque être humain, don de Dieu.


3. La mission de l'Eglise au Nigeria, comme partout ailleurs du reste, dérive de sa nature même de sacrement d'union avec Dieu et de l'unité de tous les membres de la famille humaine (cf. Lumen gentium LG 1). Précisément comme dans une famille, la paix et l'harmonie doivent être constamment édifiées, de même que dans les Eglises les différences ne doivent pas être considérées comme des motifs de conflit ou de tension, mais comme sources de force et d'unité dans une diversité légitime. La paix, l'harmonie, l'unité, la générosité et la coopération ne sont-elles pas les signes d'une famille forte et saine?

Telles doivent être les caractéristiques de toutes les relations au sein même de l'Eglise. "Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5,16).

De même, l'honnêteté et l'ouverture au dialogue constituent une attitude chrétienne nécessaire, que ce soit à l'intérieur de la communauté ou à l'extérieur de celle-ci, à l'égard des autres croyants ou des hommes et des femmes de bonne volonté. Une compréhension erronée ou incomplète de l'inculturation ou de l'oecuménisme, ne doit toutefois pas compromettre le devoir d'évangéliser, qui est un élément essentiel de l'identité catholique. L'Eglise, tout en faisant preuve d'un grand respect et d'estime pour les religions non chrétiennes professées par de nombreux africains, ne peut que ressentir l'urgence d'apporter la Bonne nouvelle à des millions de personnes qui n'ont pas encore reçu le message salvifique du Christ. Comme le Pape Paul VI l'a écrit dans Evangelii nuntiandi: "Elle pense que ces multitudes ont le droit de connaître la richesse du mystère du Christ (cf. Ep 3,8) dans laquelle nous croyons que toute l'humanité peut trouver, dans une plénitude insoupçonnable, tout ce qu'elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l'homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité" (EN 53).


4. En outre, l'évangélisation et le développement humain intégral, le développement de chaque personne et de toute la personne, sont intimement liés. Le Concile Vatican II, dans sa Constitution pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps, l'explique très bien: "L'Eglise, en poursuivant la fin salvifique qui lui est propre, ne communique pas seulement à l'homme la vie divine; elle répand aussi, et d'une certaine façon sur le monde entier, la lumière que cette vie divine irradie, notamment en guérissant et en élevant la dignité de la personne humaine, en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l'activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d'une signification plus haute. Ainsi, par chacun de ses membres comme par toute la communauté qu'elle forme, l'Eglise croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et des nations" (Gaudium et spes GS 40). En effet, c'est dans l'incarnation du Verbe de Dieu que l'histoire humaine trouve sa signification authentique. C'est Jésus-Christ, le Rédempteur de l'humanité, le fondement de la dignité humaine restaurée. C'est pourquoi annoncer Jésus-Christ signifie révéler à chacun sa dignité inaliénable: "L'Eglise, pour sa part, qui a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la fin ultime de l'homme, révèle en même temps à l'homme le sens de sa propre existence, c'est-à-dire sa vérité essentielle" (ibid., GS GS 41).

C'est précisément parce que les êtres humains ont reçu une dignité extraordinaire qu'ils ne devraient pas être obligés de vivre dans des climats politiques, culturels, économiques et sociaux inhumains. Telle est la base théologique de la lutte pour la défense de la justice et de la paix sociale, pour la promotion, la libération et le développement humain intégral de toutes les personnes et de chaque individu. Les Pères de l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Evêques ont justement observé que "le développement intégral suppose le respect de la dignité humaine qui ne peut se réaliser que dans la justice et dans la paix" (Ecclesia in Africa ).

5. Ce lien entre évangélisation et développement humain explique la présence de l'Eglise dans la sphère sociale, sur la scène de la vie publique et sociale. En suivant l'exemple de son Seigneur, elle exerce son rôle prophétique au nom de toutes les personnes, en particulier des pauvres, de ceux qui souffrent ou qui sont sans défense. Elle devient la voix de ceux qui sont sans voix, en insistant sur le fait que la dignité de la personne humaine devrait toujours être au centre des programmes locaux, nationaux et internationaux. Elle "interpelle la conscience des chefs d'Etat et des responsables de la chose publique pour qu'ils garantissent de plus en plus la libération et l'épanouissement de leurs populations" (Ibid., EIAF ).

L'annonce de la Bonne Nouvelle implique, donc, la promotion d'initiatives qui contribuent à développer et à élever l'homme dans son existence matérielle et spirituelle. Elle dénonce également et combat tout ce qui dégrade ou détruit la personne humaine. "L'accomplissement du ministère de l'évangélisation dans le domaine social, qui fait partie de la fonction prophétique de l'Eglise, comprend aussi la dénonciation des maux et des injustices. Mais il convient de souligner que l'annonce est toujours plus importante que la dénonciation" (Sollicitudo rei socialis, n. 41). En tant que pasteurs d'âmes vous devez donc prêcher l'Evangile de façon positive, toujours, en chaque occasion, à temps et à contretemps (cf. 2Tm 4,2), afin d'édifier la famille de Dieu qui est l'Eglise, en charité et en vérité, et de servir toute la famille humaine car elle aspire à une justice, une liberté et une paix plus grandes.


6. Chers frères, voilà certaines des réflexions suscitées par votre visite sur les tombes des Apôtres et que j'ai voulu ajouter aux commentaires déjà effectués à l'occasion de la visite du premier groupe d'Evêques nigérians. J'ai confiance dans le fait que votre pèlerinage donnera une force nouvelle à votre ministère, que vous ne vous lasserez jamais de prêcher la Parole de Dieu, en célébrant les Sacrements, en guidant le troupeau qui est confié à votre sollicitude et en allant à la recherche de ceux qui se sont éloignés, ou qui n'ont pas encore entendu la voix du Seigneur. L'Eglise qui est au Nigeria reste toujours proche de mon coeur: je prie afin que la joie de la Résurrection du Seigneur et les dons de sagesse et de courage de l'Esprit, deviennent toujours plus visibles dans la vie des membres de votre peuple, afin qu'ils puissent être véritablement "des fils généreux de l'Eglise qui est la famille du Père, Fraternité du Fils, image de la Trinité" (Ecclesia in Africa ). En vous confiant, ainsi que les prêtres, les religieux et les laïcs, à l'intercession pleine d'amour de Marie, Reine d'Afrique, et à l'intercession de votre bien-aimé Cyprian Michael Iwene Tansi, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique en tant que gage de grâce et de communion dans notre Seigneur Jésus-Christ.



Mai 2002

AU NOUVEL AMBASSADEUR DU ROYAUME DU MAROC LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Vendredi 3 mai 2002




Monsieur l’Ambassadeur,

1. Je suis heureux d’accueillir Votre Excellence au Vatican pour la présentation des Lettres qui L’accréditent en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume du Maroc près le Saint-Siège.

Je vous remercie vivement de m’avoir transmis le message courtois de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Je vous saurais gré de bien vouloir lui exprimer en retour mes voeux cordiaux pour sa personne, pour son Altesse Royale la Princesse Lalla Salma, ainsi que pour la prospérité du peuple marocain.

Comme vous l’avez rappelé dans votre intervention, les relations déjà anciennes entre le Royaume du Maroc et le Saint-Siège n’ont cessé de se développer harmonieusement au cours des années. Je m’en réjouis et je prie le Tout-Puissant de soutenir les efforts de tous les Marocains pour édifier une nation toujours plus fraternelle et toujours plus unie.

2. En ce début du troisième millénaire, les circonstances difficiles et inquiétantes de la situation internationale incitent fortement les hommes de bonne volonté à renforcer les liens de confiance entre eux et la conviction d’avoir à oeuvrer ensemble en faveur du dialogue et de la paix. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à maintes reprises, notamment lors de la Journée mondiale de prière à Assise le 24 janvier dernier, les responsables des Nations et les autorités spirituelles ont le devoir de déployer leurs efforts sans relâche, afin de faire reculer la violence qui régit trop souvent dans notre monde les rapports entre les hommes et entre les groupes. Elles doivent aussi, pour y parvenir, dénoncer clairement toutes les fausses légitimations de la violence, notamment au nom de la religion, et affirmer sans détour leur attachement au dialogue et à la paix.

3. Comment ne pas évoquer en cette heure, comme vous l’avez fait vous-même, la situation tragique que connaît le Proche-Orient et les préoccupations qui nous assaillent concernant les lieux saints de la région, notamment la Ville Sainte de Jérusalem, symbole, pour tous les croyants des religions monothéistes, de la Paix qui vient de Dieu? Le Saint-Siège a fait connaître sa vive inquiétude devant les événements récents et il ne cesse de plaider pour la reprise des négociations entre les parties qui s’affrontent, mettant tout en oeuvre pour que cesse le conflit armé, qui est sans issue et qui ne donne ni perspective ni espérance aux peuples en présence. Seul un dialogue courageux, animé par la volonté de construire un avenir possible pour tous les habitants de cette terre ainsi que pour toutes les communautés qui y vivent, pourra ramener une paix juste et durable. Comme je l’ai déjà dit, ni la violence aveugle du terrorisme ni la violence de la guerre ne peuvent apporter de solution. Puissent nos efforts incessants et l’engagement résolu de la communauté internationale réussir à convaincre les uns et les autres de revenir à la table des négociations !

4. Dans la promotion du dialogue qui doit être conduit entre les différentes religions et aussi entre les cultures des hommes de notre temps, votre pays, Monsieur l’Ambassadeur, peut jouer un grand rôle. Sa position géographique, mais aussi son histoire, le situent comme une terre de rencontre et comme un pont, d’une part vers l’Europe occidentale et tous les pays qui bordent le bassin méditerranéen, déjà unis par une longue histoire commune, et, d’autre part, vers l’Afrique subsaharienne que les flux migratoires rapprochent du Maghreb. Les Autorités de votre pays sont sans cesse appelées à prêter attention à ces nouvelles réalités et à la situation spécifique de certaines populations, notamment dans leur dimension humaine. Cela ne remet pas en cause la riche identité culturelle de la Nation, qui est précisément caractérisée par l’hospitalité. Comme je l’ai écrit dans mon Message pour la Paix, «s’il est important de savoir apprécier les valeurs de sa propre culture, il convient d’autre part d’avoir conscience que chaque culture renferme nécessairement des limites. Pour que le sens de l’appartenance culturelle ne se transforme pas en fermeture, il y a un antidote efficace : la connaissance sereine, non conditionnée par des préjugés négatifs, des autres cultures» (Message pour la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier 2001, n. 7). Dans cet esprit, votre pays s’honore d’une longue tradition de tolérance et d’ouverture religieuses, et les fidèles de plusieurs religions y vivent dans le respect mutuel, sans entrave à leurs libertés fondamentales, montrant ainsi qu’il est possible à des croyants de traditions religieuses différentes de vivre en paix sur le même sol.

5. Permettez-moi, Monsieur l’Ambassadeur, d’adresser par votre entremise des salutations chaleureuses à la communauté catholique du Maroc et à ses pasteurs. Je sais que les catholiques ont leur place dans la vie du pays et qu’ils jouissent de l’estime de la population. Ils souhaitent travailler, avec tous leurs concitoyens, à l’édification d’un monde de justice et de paix, au service de l’homme et de son développement. Ils savent qu’en témoignant ainsi du respect dû à tout homme, créé à l’image de Dieu, ils rendent gloire au Très-Haut ! Je les encourage à être toujours davantage les témoins de l’amour fraternel que le Christ nous enseigne, pour dire à tous l’amour indéfectible que Dieu porte aux hommes.

6. Au moment où commence votre mission auprès du Saint-Siège, je vous offre mes voeux les meilleurs pour son heureux accomplissement. Soyez sûr que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs accueil et compréhension.

Sur Votre Excellence, sur sa famille, ainsi que sur tout le peuple marocain et sur ses dirigeants, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions du Tout-Puissant.




MESSAGE À S. EXC. MGR GIUSEPPE VERUCCHI, ARCHEVÊQUE DE RAVENNE-CERVIA (ITALIE), POUR LE MILLÉNAIRE DE LA CONSTRUCTION DE LA PREMIÈRE ÉGLISE CONSACRÉE À SAINT ADALBERT À RAVENNE




A mon Vénéré Frère Giuseppe VERUCCHI Archevêque de Ravenne-Cervia

1. Nous fêtons cette année le millénaire de la construction de la première Eglise à Ravenne consacrée à saint Adalbert, Evêque de Prague, et de l'envoi en Pologne des moines Giovanni di Classe et Benedetto di Benevento.

En cette heureuse circonstance, je désire m'unir à la joie de tout l'archidiocèse de Ravenne-Cervia, en élevant au Seigneur une fervente action de grâce pour avoir voulu le faire participer de façon singulière à l'annonce chrétienne aux Peuples slaves et, en particulier, au peuple polonais.

Je souhaite que les célébrations jubilaires solennelles qui ont commencé à l'automne dernier et qui arrivent désormais à leur terme, suscitent chez le Peuple de Dieu qui est à Ravenne-Cervia, un émerveillement reconnaissant pour les signes lumineux manifestés en son sein par l'amour de Dieu, ainsi qu'une ardeur missionnaire renouvelée pour suivre les traces d'aussi grands témoins de la foi, dont la mémoire est vivante dans cette communauté ecclésiale.

Au début du deuxième millénaire, partirent de l'antique et noble ville de Ravenne, qui était devenue un carrefour important de la foi chrétienne, diverses missions apostoliques qui, en quelques décennies, contribuèrent de manière déterminante à l'implantatio ecclesiae en Europe orientale, où s'étaient installés les peuples slaves et magyar.


2. Dans ce contexte, se détache la figure du saint Abbé Romuald qui, sur l'Ile du Peréo, entre les actuelles Sant'Alberto et Mandriole, avait fondé un ermitage et rassemblé autour de lui une communauté monastique. L'empereur Otton III, de retour de son pèlerinage sur la tombe de son ancien maître et ami saint Adalbert, dans la ville polonaise de Gniezno, transmit au saint Abbé la requête de Boleslas I, souverain de Pologne, de pouvoir recevoir des missionnaires afin de poursuivre l'oeuvre évangélisatrice interrompue par la mort violente de l'Evêque de Prague. Deux moines romualdins, Giovanni di Classe et Benedetto di Benevento, partirent au cours de l'été 1001 et arrivèrent en Pologne à l'automne de la même année.

Le jeune empereur chercha à faire participer saint Romuald au projet généreux, mûri sous la direction et l'inspiration du Pape Sylvestre II, de promouvoir la diffusion de la foi catholique parmi les peuples slaves. Il s'occupa dans ce but de la fondation d'un monastère, distinct de l'ermitage, pour la formation des moines destinés à la mission dans les pays orientaux. A l'automne 1001 la nouvelle église fut édifiée et consacrée au saint martyr Adalbert. On y plaça une précieuse relique du saint, apportée de Pologne par l'empereur lui-même et donnée à saint Romuald.

Qu'est-ce qui poussa ces fidèles disciples du Christ à s'engager dans une entreprise aussi compliquée? Pourquoi quittèrent-ils tout et choisirent-ils de vivre parmi des peuples différents et presque inconnus à l'époque? Une foi ardente dans la puissance libératrice de l'Evangile et un vif désir d'annoncer le Christ Sauveur, même au prix du martyre, les animait sans aucun doute.

3. Ceux qui désirent poursuivre leur oeuvre missionnaire doivent continuer à s'inspirer de l'amour pour le Christ qui caractérisa l'existence de saint Adalbert, Evêque de Prague, de saint Romuald et des saints moines Giovanni et Benedetto. En effet, le projet d'évangélisation du Pape Sylvestre II et de l'empereur Otton III dépassait le contexte historique de l'époque et il devient un encouragement pour les croyants d'aujourd'hui qui doivent devenir toujours plus conscients du fait que la grande mosaïque de l'identité sociale et religieuse du continent européen trouve dans la foi chrétienne l'un des principaux facteurs de son unité la plus profonde.

Les célébrations du millénaire représentent donc une occasion particulière pour réfléchir sur le patrimoine spirituel et culturel qu'ils nous ont laissé en héritage. Dans leur style de vie et dans leur passion pour l'homme, animée par la force de l'Evangile, apparaît un modèle précieux, valable pour édifier une société fondée sur les valeurs de la spiritualité, du respect de la personne, de la recherche du dialogue et de la concorde entre les peuples.

Il revient aux chrétiens de notre temps, héritiers d'un patrimoine de foi et de civilisation aussi riche, de jouer leur rôle jusqu'au bout. On leur demande de communiquer à la société d'aujourd'hui, à travers l'annonce et le témoignage de l'Evangile, le supplément d'âme et l'élan idéal qui constituent la garantie d'un avenir riche et prometteur.


4. En ce jubilé, que le souvenir d'Adalbert, de Romuald, de Giovanni et de Benedetto rappelle à cette communauté diocésaine et à chaque chrétien qu'ils doivent sauvegarder la dimension spirituelle et morale de l'Europe, en offrant au projet de l'unité des peuples européens un "ancrage transcendant", à travers une reconnaissance explicite des "droits de Dieu". Telle est la seule garantie vraiment incontestable de la dignité de l'homme et de la liberté des peuples.

En allant au-delà des normes techniques, administratives, économiques et monétaires pourtant nécessaires, on doit retrouver l'identité authentique et le patrimoine de civilisation qui trouvent dans le christianisme une composante fondamentale, inspiratrice du rêve d'un universalisme européen qui a été conservé au cours de tant de générations.

Adalbert, Romuald, Giovanni et Benedetto trouvèrent dans la foi chrétienne les motivations pour surmonter les tentations de visions existentielles et politiques sans envergure. Ils prirent ainsi en charge le destin de peuples en grande partie inconnus. A l'heure actuelle également, seule la pleine adhésion à des valeurs d'origine chrétienne, telles que la spiritualité, la solidarité, la subsidiarité, la centralité de la personne, permettra à l'Europe de se développer de manière harmonieuse et de jouer un rôle significatif dans le concert des nations.


5. Les peuples d'Europe orientale, premiers bénéficiaires des événements qui sont célébrés cette année à Ravenne, contribueront, quant à eux, efficacement au projet de relance de l'identité européenne. Ils se sont libérés, depuis quelques années, de dictatures athées et communistes qui ont tenté de déraciner de leur culture et de leur vie les valeurs religieuses et morales qui étaient pourtant profondément ancrées dans leur histoire nationale. Après avoir recouvré la liberté, ils ont heureusement constaté que ce patrimoine, loin d'avoir été anéanti, a acquis dans certains cas, précisément grâce aux persécutions, une vigueur nouvelle et qu'il peut être offert comme contribution essentielle aux peuples d'Europe occidentale, souvent victimes du mal subtil de l'indifférence et du sécularisme.

Que cet échange de dons soit un enrichissement pour tous! Pour que cela se produise il est important, alors que nous avançons dans le troisième millénaire, que notre regard reste tourné vers le Christ, Rédempteur de l'homme d'hier, d'aujourd'hui et à jamais. C'est lui le roc solide sur lequel il est possible de bâtir un monde plus juste et solidaire.

Alors que j'invoque sur vous, Vénéré frère, sur les prêtres, sur les religieux et les religieuses et sur le bien-aimé archidiocèse de Ravenne-Cervia l'intercession maternelle de la Vierge Marie, des saints Adalbert et Romuald, des cinq frères proto-martyrs de la Pologne et de tous les saints qui ont enrichi l'histoire spirituelle de cette communauté ecclésiale, je donne de tout coeur à tous une Bénédiction apostolique spéciale, gage de grâce et de ferveur spirituelle.

Du Vatican, le 24 avril 2002.



VISITE PASTORALE AU DIOCÈSE D'ISCHIA (ITALIE) LORS DE SA RENCONTRE AVEC LES JEUNES

Dimanche 5 mai 2002



Très chers jeunes,

1. "Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde" (Mt 5,13-14). Ces paroles de Jésus, comme vous le savez, constituent le thème de la prochaine Journée mondiale de la Jeunesse. C'est ainsi que le Maître divin s'adressa à ses disciples sur les rives du Lac de Galilée, il y a deux mille ans. C'est ainsi qu'il parlera de nouveau à des milliers de jeunes chrétiens du monde entier, l'été prochain, à Toronto. Ces mêmes paroles retentissent aujourd'hui ici, sur les rives de la mer Tyrrhénienne, alors que se termine ma brève, mais intense visite sur votre belle île. Elles retentissent pour vous, chers jeunes d'Ischia. C'est pour moi une grande joie de me faire l'écho de la voix du Christ, qui vous invite à écouter, à réfléchir, à agir. Seule la Parole du Christ peut véritablement illuminer vos pas. Je vous salue avec une grande affection très chers jeunes amis. Tous et chacun en particulier. Je remercie votre Evêque, qui vous a présentés comme des "veilleurs du matin". Je remercie vos représentants, qui ont parlé au nom de toute la jeunesse d'Ischia. Je vous remercie de votre accueil chaleureux, dans lequel s'exprime bien l'enthousiasme de la jeunesse et le "génie" de votre terre.


2. "Vous êtes le sel de la terre" (Mt 5,13).

Chers jeunes garçons et jeunes filles, il n'est pas difficile de comprendre cette première image utilisée par Jésus: le sel. Il s'agit d'une image très significative. Lorsqu'il n'existait pas de moyens pour assurer une longue conservation aux aliments, le sel n'avait pas seulement la fonction de donner de la saveur, mais il était souvent indispensable pour garantir la possibilité d'accéder à la nourriture. En disant "vous êtes le sel de la terre", le Rédempteur confiait à ses disciples une double mission: donner de la saveur à la vie, en montrant son sens révélé en Lui, et permettre à tous l'accès à la nourriture qui vient d'en-Haut. C'est ce double sens que je voudrais aujourd'hui vous confier à vous aussi. Jeunes d'Ischia, soyez le sel de la terre, qui donne sa saveur et sa beauté à la vie. Montrez à travers des gestes concrets et la force des mots qu'il vaut la peine de vivre et de vivre ensemble l'amour que Jésus est venu nous révéler et nous donner. N'est-ce pas l'amour du Christ, vainqueur du mal et de la mort, qui nous a transformés? Faites en sorte que le plus grand nombre possible de jeunes connaisse cette même expérience. Soyez le sel qui permet à la nourriture du Ciel d'être distribuée à tous, de façon à ce que les plus distraits et les plus éloignés, grâce à votre enthousiasme, à votre passion, à votre engagement humble et persévérant, se sentent appelés à croire en Dieu et à l'aimer dans leur prochain.


3. "Vous êtes la lumière du monde" (Mt 5,14).

Voilà l'autre message de Jésus à ses disciples. La lumière a la caractéristique de dissiper les ténèbres, de réchauffer ce qu'elle atteint, d'en exalter les formes. Elle accomplit tout cela d'une manière extrêmement rapide. Etre la lumière du monde signifie alors pour les chrétiens, et en particulier pour les jeunes chrétiens, diffuser partout la lumière qui vient d'en-Haut. Cela signifie combattre l'obscurité, aussi bien celle qui est due à la résistance du mal et du péché, que celle causée par l'ignorance ou les préjugés.

Jeunes d'Ischia, soyez les rayons de la lumière du Christ. C'est Lui qui est la "lumière du monde (Jn 8,12)! Diffusez cette lumière dans tous les milieux, en particulier là où Jésus n'est pas connu ou aimé, et même là où il est rejeté. A travers votre vie, faites comprendre que la lumière qui vient d'en-Haut ne détruit pas ce qui est humain; mais au contraire qu'elle l'exalte, comme le soleil qui, grâce à sa splendeur, met en évidence les formes et les couleurs. Dieu n'est pas le concurrent de l'homme, mais l'ami véritable, son allié le plus fidèle. Ce message doit être transmis à la vitesse de la lumière! Ne perdez pas de temps: votre jeunesse est trop précieuse pour être gâchée, ne serait-ce que de façon minime. Dieu a besoin de vous et il vous appelle chacun par votre nom.


4. Que de cette île, riche de soleil et de beautés naturelles, couverte de verdure et plongée dans les eaux merveilleuses du "mare nostrum", parvienne à tous les jeunes - à commencer par les nombreux jeunes qui viennent la visiter - un message de lumière et d'espérance. Chers jeunes garçons et jeunes filles, avec vos parents, vos pasteurs, vos éducateurs, vos catéchistes, vos amis, soyez "sel et lumière" pour ceux que le Seigneur mettra sur votre route.

Que la Très Sainte Vierge Marie, "Etoile de la mer" vous guide, Elle qui oriente les navigateurs sur la grande mer de la vie vers le port sûr, resplendissant comme une étoile lumineuse également aux heures les plus sombres. Que les saints Patrons soient un exemple pour vous, en particulier sainte Restituta et saint Giovan Giuseppe della Croce. Qu'aucun trouble, qu'aucune peur, qu'aucun péché ne vous séparent de l'amour de Dieu. Jésus est la lumière qui vainc les ténèbres; le sel qui donne la saveur à vos vertes années et à l'existence tout entière. C'est Lui qui vous conserve dans la beauté et dans la fidélité à Dieu, son Père et le nôtre.

A bientôt à Toronto, où j'espère que certains d'entre vous viendront: avec les jeunes de votre âge de tous les continents, nous offrirons au monde un message d'espérance. Votre Evêque, au début, vous a présentés comme des "veilleurs du matin". Oui, chers jeunes amis, soyez les veilleurs intrépides de l'Evangile, qui attendent et qui préparent l'avent du Jour nouveau qui est le Christ Seigneur. Certains pourraient penser que les jeunes d'Ischia et les jeunes d'Italie sont très riches. Mais je sais qu'il s'agit ici d'une autre économie. C'est l'économie évangélique des pauvres d'esprit. Je souhaite que la prochaine Journée mondiale de la Jeunesse soit l'expression de la maturité évangélique de tous les jeunes du monde et, de façon particulière, des jeunes d'Italie et des jeunes de votre belle île.

Alors courage! Courage et espérance. Loué soit Jésus-Christ.


AUX NOUVELLES RECRUES DE LA GARDE SUISSE PONTIFICALE

Lundi 6 mai 2002


Monsieur le Commandant,
chers Gardes,
chers parents et amis de la Garde suisse!

1. Je vous salue de tout coeur, ici, dans le Palais apostolique! J'adresse un salut particulier aux recrues qui sont aujourd'hui avec joie réunies avec leurs parents, leurs familles et leurs amis. Vous avez, chers gardes, le privilège de travailler pendant quelques années dans la Ville sainte et de pouvoir vivre dans la "Ville éternelle".

Vos familles et les nombreux invités, ici présents, ont uni à leur participation à la cérémonie d'assermentation, un pèlerinage aux lieux saints de notre foi, aux tombeaux des Apôtres. Je souhaite à tous que vous fassiez ici à Rome l'expérience exceptionnelle du sens de l'"Eglise universelle", et surtout que le joyeux Office divin et les rencontres d'aujourd'hui puissent renouveler et approfondir votre foi.


2. Aujourd'hui, 6 mai, est un jour significatif et mémorable dans la vie de la Garde suisse pontificale et de toutes les personnes qui ont un lien avec elle, que ce soit à Rome ou dans votre pays bien-aimé, la Suisse.

Chers gardes, il y a 475 ans, vos prédécesseurs démontrèrent, au cours du "sac de Rome" en 1527, leur fidélité héroïque au Siège de Pierre et au Souverain Pontife par le sacrifice de leur propre vie. Au cours de l'histoire, les soldats de la Garde suisse ont toujours voulu montrer au Pape et à toute l'Eglise que le Successeur de Pierre pouvait compter sur eux. Le service honorable et courageux de la protection de la personne du Saint-Père ne pouvait à l'époque, et ne peut pas non plus aujourd'hui, s'accomplir sans ces qualités qui caractérisent tout Garde suisse: fermeté dans la foi catholique, fidélité et amour pour l'Eglise de Jésus-Christ, conscience et persévérance dans les devoirs, petits et grands, du service quotidien, courage et humilité, altruisme et humanité. Votre coeur doit être empli de ces vertus lorsque vous accomplissez votre service d'honneur et de sécurité au Vatican.


3. Chers jeunes, je vous remercie d'accepter de donner quelques années de votre vie pour veiller sur le Pape, et pour assurer la sécurité de tous ceux qui travaillent pour le Saint-Siège, devenant ainsi les héritiers d'une longue tradition de fidélité et de dévouement, au sein de la Garde suisse. Je souhaite que, malgré les difficultés et les lourdeurs de votre service, vous viviez pleinement ce temps de mission comme un approfondissement de votre foi et de votre attachement à l'Eglise, et comme une expérience de fraternité entre vous. Soyez attentifs les uns aux autres, pour vous soutenir dans le travail quotidien et pour vous enrichir mutuellement, vous souvenant toujours qu'"il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir", comme dit l'Apôtre (Ac 20,35). J'adresse un salut cordial à vos familles, à vos amis, ainsi qu'aux représentants des Autorités suisses, qui sont venus vous entourer en ce jour de fête.


4. Chères recrues, n'oubliez jamais de vivre la responsabilité du service que vous prêtez au Saint-Siège en qualité de "soldats du Pape", comme une mission que le Seigneur lui-même vous confie. Profitez du temps que vous passez ici à Rome, au coeur de l'Eglise, pour croître dans l'amitié avec le Christ et cheminer vers le but de toute vie véritablement chrétienne: la sainteté.
Que Marie, que nous célébrons de façon particulière au cours du mois de mai, vous aide à faire chaque jour davantage l'expérience de cette communion profonde avec Dieu, qui pour nous croyants, commence sur la terre et s'achèvera au ciel. Nous sommes en effet appelés, comme le rappelle saint Paul, à être "des concitoyens des saints" et à être "de la maison de Dieu" (Ep 2,19).

5. Je vous confie, ainsi que vos familles, vos amis et ceux qui, à l'occasion de la prestation de serment, sont venus à Rome, à l'intercession de la Sainte Vierge et Mère de Dieu, de vos patrons, saint Martin et saint Sébastien, et du protecteur de votre patrie, Nicolas de Flüe, et je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique.


Discours 2002 - MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS AU MEETING NATIONAL DU MOUVEMENT DES JEUNES DE DOM GUANELLA