Discours 2002 -   MESSAGE AU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DU SAINT-ESPRIT

  MESSAGE AU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DU SAINT-ESPRIT




Au Père Pierre SCHOUVER
Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit

1. Je tiens à vous adresser mes salutations ferventes, au moment où, avec les membres du Conseil général de la Congrégation du Saint-Esprit, vous êtes réunis à Rome afin de préparer les festivités qui marqueront, cette année et l’année prochaine, la vie de votre famille religieuse. Je me réjouis de l’esprit dans lequel vous souhaitez vivre ces anniversaires et affermir votre charisme et votre engagement missionnaires.

2. Vous célébrerez l’année prochaine le troisième centenaire de votre Congrégation, fondée le 27 mai 1703 par un jeune diacre de vingt-quatre ans, Claude-François Poullart des Places. Il s’agissait au départ d’un séminaire, consacré au Saint-Esprit et avec la Vierge Marie pour guide, ouvert à des étudiants pauvres que votre fondateur destinait à desservir les paroisses les plus délaissées au Royaume de France. Très vite, la jeune congrégation trouva une dimension missionnaire, avec l’envoi d’un premier prêtre au Québec, bientôt suivi d’autres en Cochinchine, au Sénégal et en Guyane. Près d’un siècle et demi plus tard, en 1848, le Père François Libermann, né dans une famille juive de l’Alsace et fils de rabbin, converti à la foi chrétienne à l’âge de vingt-quatre ans, devint le second fondateur de la Congrégation, en l’unissant à la Congrégation du Saint-Coeur de Marie qu’il avait fondée en 1841, et en l’orientant, de façon prioritaire, vers le service missionnaire du continent africain. Vous avez célébré, cette année même, le deuxième centenaire de sa naissance et le cent cinquantième anniversaire de sa mort.

3. Rendant grâce à Dieu pour l’oeuvre considérable accomplie par votre Congrégation depuis trois siècles, notamment dans l’évangélisation de l’Afrique, des Antilles et de l’Amérique du sud, je vous invite à rester fidèles au double héritage de vos fondateurs : l’attention aux pauvres, à toutes les personnes socialement démunies ou défavorisées, et le service missionnaire, c’est-à-dire l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ à tous les hommes, en priorité à ceux qui n’ont pas encore accueilli le message de l’Evangile. Cette double fidélité, réaffirmée dans les orientations de votre dernier Conseil général élargi de Pittsburgh, vous a amenés souvent à commencer votre travail missionnaire par la fondation d’une école, afin d’instruire la jeunesse et de lui permettre d’accéder à la connaissance, mais surtout de recevoir une authentique éducation, qui donne à chacun le sens de sa dignité, de ses droits et de ses devoirs. Comment ne pas évoquer, dans le même esprit, l’OEuvre des Orphelins Apprentis d’Auteuil, confiée à votre Congrégation depuis 1923 ? Après l’impulsion vigoureuse donnée par le bienheureux Père Daniel Brottier et maintenant sous sa protection, elle continue de vivre votre charisme missionnaire auprès de jeunes en grande difficulté à cause de la pauvreté, de l’éclatement de la cellule familiale, de l’échec scolaire et de la marginalisation sociale. Restez attentifs aux appels de l’Esprit, pour rejoindre les pauvres d’aujourd’hui et leur annoncer la Bonne Nouvelle qui leur est destinée : c’est le signe même de la venue des temps messianiques, comme Jésus lui-même l’a enseigné dans la synagogue de Nazareth (cf. Lc 4,18).

4. A la suite de vos fondateurs, vous avez reconnu dans la spiritualité de la consécration à l’Esprit Saint une école de liberté évangélique et de disponibilité pour la mission. «C’est toujours l’Esprit qui agit quand il vivifie l’Eglise et la pousse à annoncer le Christ, ou quand il répand et fait croître ses dons en tous les hommes et en tous les peuples, amenant l’Eglise à les découvrir, à les promouvoir et à les recevoir par le dialogue. (...) C’est lui le protagoniste de la mission !» (Redemptoris missio RMi 29 RMi 30) Descendu sur les Apôtres au jour de la Pentecôte pour en faire les premiers missionnaires de l’Évangile, l’Esprit continue d’animer l’Eglise et de l’envoyer annoncer la Bonne Nouvelle aux quatre coins du monde. Restez attachés à cette dévotion à l’Esprit Saint, qui caractérise votre famille religieuse !

L’Esprit qui unit l’Eglise, et qui la rassemble de partout pour en faire le peuple de l’Alliance nouvelle, vous a appelés à la vie communautaire. Puissiez-vous être attentifs à vivre cette expérience dans votre vie quotidienne ! La vie commune et fraternelle est en effet une aide précieuse sur le chemin parfois difficile des conseils évangéliques et de l’engagement missionnaire. De plus, elle est pour nos contemporains un témoignage de l’amour du Christ : «Voici le commandement que nous avons reçu de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère» (1Jn 4,21).



5. Sur les chemins de l’évangélisation, les difficultés ne manquent pas. Vous souffrez notamment dans certains pays du manque de vocations qui affaiblit votre dynamisme. Cette épreuve ne vous est pas spécifique : elle affecte beaucoup de diocèses et de familles religieuses aujourd’hui. Mais cette crise vous touche spécialement, vous qui avez toujours accordé une grande place aux vocations dans votre pastorale missionnaire elle-même, créant des petits séminaires dans les jeunes Églises dont vous aviez la charge. Cette attention particulière vous a conduits aussi à recevoir la responsabilité du Séminaire pontifical français de Rome. Prenez soin d’aider les séminaristes à se préparer à leur ministère, par une formation humaine, intellectuelle, spirituelle et pastorale qui leur permette de s’insérer dans la vie ecclésiale de leurs diocèses. Cela suppose une connaissance précise des Eglises locales et un dialogue permanent avec leurs Pasteurs. La baisse du nombre de séminaristes et de vocations missionnaires ne doit pas pour autant atténuer la qualité du discernement ni les exigences, notamment spirituelles et morales, requises par le ministère sacerdotal. L’annonce de l’Evangile aux hommes et aux femmes de notre temps exige en effet des témoins fidèles, animés par l’Esprit de sainteté, qui soient signes pour leurs frères par la force de leur parole et surtout par l’authenticité de leur vie.

6. Chers Frères dans le Christ, je n’oublie pas le vrai nom de votre Congrégation: «Congrégation du Saint-Esprit, sous la protection du Coeur immaculé de Marie». Je demande à Marie, Mère du Seigneur et Reine des missionnaires, son intercession bienveillante pour vous et aussi pour les nombreux membres de votre Congrégation, dispersés dans le monde entier pour le service de l’Evangile. Que la Vierge bénie soit toujours un exemple et un modèle spirituel pour vous ! Que son oui au Seigneur soit la règle de votre vie ! A tous, j’accorde de grand coeur une particulière Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 20 mai 2002.

IOANNES PAULUS II



RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DU MONDE DE LA CULTURE DES SCIENCES ET DES ARTS

Sofia - Palais de la Culture, Vendredi 24 mai 2002




Mesdames et Messieurs,

1.Je suis heureux de vous rencontrer, vous les représentants des diverses expressions de la culture et des arts. Par les compétences qui vous sont propres, vous rendez ici présent, en quelque sorte, tout le bien-aimé peuple bulgare. Je m’adresse à vous avec respect et admiration, conscient de la si délicate et si importante contribution que vous offrez à la noble entreprise de la construction d’une société qui permette de «vivre la compréhension mutuelle et de coopérer spontanément par l’échange généreux des biens culturels et spirituels» (Slavorum apostoli, n. 27).

Je remercie vivement celui qui, par de nobles paroles, s’est fait l’interprète des sentiments de vous tous ici présents, comme aussi de ceux qui, de bien des manières, se sont fait les promoteurs de ma visite dans votre beau pays. En outre, je salue cordialement les promoteurs de l’initiative «Des cloches pour la paix» et je leur confie volontiers cette «cloche du Pape», avec le souhait que ses tintements rappellent aux enfants et aux jeunes de Bulgarie le devoir et l’engagement de promouvoir l’amitié et la compréhension entre les différentes nations de la terre.



2. Cette rencontre se déroule en un jour particulièrement significatif ; en effet, la Bulgarie célèbre aujourd’hui la fête des saints Frères Cyrille et Méthode, hérauts intrépides de l’Évangile du Christ et fondateurs de la langue et de la culture des peuples slaves. Leur mémoire liturgique revêt un caractère particulier, étant en même temps la «fête des lettres bulgares». Cela ne concerne pas seulement les croyants orthodoxes et catholiques, mais permet à tous de réfléchir sur ce patrimoine culturel dont l’origine provient de l’action des deux saints Frères de Thessalonique.

Le Chan protobulgare Omurtag a écrit sur la colonne conservée à Veliko Tarnovo dans l’église des Quarante Saints Martyrs: «L’homme, même s’il vit bien, meurt, et un autre naît. Qu’en voyant ce qui est écrit ici, celui qui naîtra plus tard se souvienne de celui qui l’a composé !» (AA.VV., Le fonti della storia bulgara, ed. Otechestwo, Sofia 1994, p. 24). Je voudrais donc que notre rencontre prenne la forme d’un acte solennel et commun de vénération et de gratitude envers les saints Cyrille et Méthode, que j’ai proclamé en 1980 Patrons de l’Europe, avec saint Benoît de Nursie, et qui ont aujourd’hui encore tant de choses à nous enseigner à tous, en Orient comme en Occident.

3.En introduisant l’Évangile dans les cultures particulières des peuples qu’ils évangélisaient, les saints Frères – grâce à la création géniale et originale d’un alphabet – ont acquis des mérites particuliers. Pour répondre aux nécessités de leur service apostolique, ils traduisirent dans la langue locale les livres sacrés à but liturgique et catéchétique, posant ainsi les fondements de la littérature dans les langues de ces peuples. C’est pourquoi ils sont considérés à juste titre non seulement comme les apôtres des slaves, mais aussi comme les pères de leur culture. La culture est l’expression de l’identité d’un peuple incarnée dans l’histoire; elle forge l’âme d’une nation, qui se reconnaît dans des valeurs déterminées, qui s’exprime dans des symboles précis et qui communique à travers ses propres signes.

Par l’intermédiaire de leurs disciples, la mission de Cyrille et Méthode s’affermit merveilleusement en Bulgarie. Ici, grâce à saint Clément d’Ocrida, surgirent des centres dynamiques de vie monastique, ici encore l’alphabet cyrillique trouva un singulier développement. D’ici également, le christianisme passa dans d’autres territoires, jusqu’à rejoindre, à travers la Roumanie toute proche, l’antique Rus’ de Kiev, s’étendant ainsi vers Moscou et vers d’autres régions orientales.

L’oeuvre de Cyrille et Méthode constitue une contribution éminente à la formation des racines communes de l’Europe, racines qui par leur profondeur et leur vitalité constituent l’un des points de référence culturelle les plus solides, dont ne peut faire abstraction aucun tentative sérieuse pour recomposer de façon nouvelle et actuelle l’unité du continent.

4.Le critère qui inspira l’oeuvre considérable accomplie par Cyrille et Méthode fut la foi chrétienne. En effet, culture et foi non seulement ne sont pas en opposition, mais elles entretiennent des rapports semblables à ceux qui existent entre l’arbre et le fruit. C’est un fait historique indéniable que les Églises chrétiennes, d’Orient et d’Occident, ont favorisé et propagé parmi les peuples, au cours des siècles, l’amour de leur culture propre et le respect pour celle d’autrui. Ainsi, furent édifiés de magnifiques églises et lieux de culte plein de richesses architecturales et d’images sacrées, telles les icônes, fruits à la fois de prière et de pénitence, comme aussi de goût et de technique artistique raffinée. Et c’est encore pour cette raison que furent rédigés de nombreux documents et écrits à caractère religieux et culturel, dans lesquels s’exprima et s’affina le génie de peuples en croissance vers une identité nationale toujours plus mûre.

Le patrimoine culturel que les Saints de Thessalonique ont laissé aux peuples slaves était le fruit de l’arbre de leur foi, profondément enracinée en eux. Par la suite, de nouvelles branches se développèrent sur cet arbre et produisirent de nouveaux fruits, donnant lieu à un enrichissement ultérieur de cet extraordinaire héritage de pensée et d’art que le monde reconnaît aux nations slaves.

5.L’expérience historique montre que l’annonce de la foi chrétienne n’a pas réduit, mais au contraire intégré et exalté les authentiques valeurs humaines et culturelles, qui sont caractéristiques du génie des pays évangélisés, et elle a également contribué à leur ouverture réciproque, les aidant à dépasser les antagonismes et à créer un patrimoine commun spirituel et culturel, indispensable pour des relations stables et constructives de paix.

Celui qui veut travailler activement à l’édification d’une authentique unité européenne ne peut pas faire abstraction de ces données historiques, dont l’éloquence est incontestable. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer, «la marginalisation des religions, qui ont contribué et contribuent encore à la culture et à l’humanisme dont l’Europe est légitimement fière, me paraît être à la fois une injustice et une erreur de perspective» (Discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 10 janvier 2002, n. 2). En effet, l’Évangile n’appauvrit pas et n’éteint pas ce qui est authentique et que tout homme, tout peuple ou toute nation reconnaît et réalise comme bien, comme vérité et comme beauté (Cf. Slavorum apostoli, n. 18).



6. En jetant un regard en arrière, force est de reconnaître que, à côté d’une Europe de la culture avec les grands mouvements philosophiques, artistiques et religieux qui la caractérisent, à côté d’une Europe du travail marquée par les conquêtes technologiques et informatiques du siècle à peine achevé, il y a malheureusement une Europe des régimes dictatoriaux et des guerres, une Europe du sang, des larmes et des cruautés les plus épouvantables. Peut-être aussi à cause des amères expériences du passé, il semble que dans l’Europe d’aujourd’hui se fasse encore plus forte la tentation du scepticisme et de l’indifférence devant l’effondrement des repères moraux fondamentaux de la vie personnelle et sociale.

Il faut réagir.Dans le contexte préoccupant d’aujourd’hui, il est urgent d’affirmer que, pour retrouver son identité profonde, l’Europe ne peut pas ne pas revenir à ses racines chrétiennes, en particulier à l’oeuvre d’hommes comme Benoît, Cyrille et Méthode, dont le témoignage constitue une contribution de premier plan pour la reprise spirituelle et morale du Continent.

Voici alors le message des Patrons de l’Europe, de tous les mystiques et de tous les saints chrétiens qui ont annoncé l’Évangile aux populations européennes: la «raison» ultime de la vie et de l’histoire humaines nous a été offerte dans le Verbe de Dieu, qui s’est incarné pour racheter l’homme du mal du péché et de l’abîme de l’angoisse.



7. Dans cette perspective, je salue et j’apprécie vivement l’initiative des évêques catholiques de pourvoir à la traduction en langue bulgare du Catéchisme de l’Église catholique, qui «a pour but de présenter un exposé organique et synthétique des contenus essentiels et fondamentaux de la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale, à la lumière du Concile Vatican II et de l’ensemble de la Tradition de l’Église. Ses sources principales sont l’Écriture Sainte, les saints Pères, la liturgie et le Magistère de l’Église» (Prologue, n. 11 ; CEC 1).

Je voudrais symboliquement l’offrir aussi à ceux d’entre vous qui, bien que n’étant pas catholiques, partagent avec nous l’unique Baptême, afin qu’ils puissent connaître de près ce que l’Église catholique croit et annonce.

8.Le moine Pasij, du monastère de Chilandar, notait fort justement qu’une nation au passé glorieux a droit à un avenir splendide (Cf. Istoria slavianobolgarskaia, 1722-1773).

Mesdames et Messieurs, le Pape de Rome se tourne vers vous avec confiance et redit devant vous qu’il est convaincu de l’importance de la tâche confiée aux hommes et aux femmes de culture en ce qui concerne la conservation et la transmission de la science et de la sagesse qui, au cours de l’histoire, ont inspiré la vie de leurs peuples respectifs.

Je souhaite «un avenir splendide» à la Bulgarie, le beau Pays des roses, afin que, continuant d’être une terre de rencontre entre l’Orient et l’Occident, elle puisse, avec la bénédiction du Dieu Très-Haut, prospérer dans la liberté, le progrès et la paix !



PÈLERINAGE AU MONASTÈRE DE RILA

Rila - Monastère, Samedi 25 mai 2002

Vénérables Métropolites et Évêques,
Chers Moines et Moniales de Bulgarie
et de toutes les saintes Églises orthodoxes !

1. La paix soit avec vous ! Je vous salue tous affectueusement dans le Seigneur. Je salue en particulier l’Higoumène de ce monastère, l’Évêque Joan, qui participa avec moi aux sessions du Concile oecuménique Vatican II, en qualité d’Observateur envoyé par Sa Sainteté le Patriarche Cyrille.

Au cours de ma visite en Bulgarie, j’ai souhaité venir en pèlerinage à Rila pour vénérer les reliques du saint moine Jean et pouvoir témoigner à vous tous reconnaissance et affection : «Nous rendons continuellement grâce à Dieu pour vous tous quand nous faisons mention de vous dans nos prières; sans cesse, nous gardons le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine, et de votre persévérante espérance, qui vous viennent de notre Seigneur Jésus Christ, devant Dieu notre Père» (1 Th 1, 2-3).

Oui, chers Frères et Soeurs, avec le monachisme occidental, le monachisme oriental constitue un grand don pour toute l’Église.


2. J’ai mis maintes fois en relief l’apport précieux que vous offrez à la communauté ecclésiale par l’exemplarité de votre vie. Dans la Lettre apostolique Orientale Lumen, j’ai écrit que je voulais «regarder le vaste paysage du christianisme d’Orient depuis un sommet particulier», celui du monachisme, «qui permet d’en distinguer de nombreux traits» (n. 9). J’ai la conviction en effet que l’expérience monastique constitue le coeur de la vie chrétienne, de sorte que l’on peut la proposer comme point de référence à tous les baptisés.

Un grand moine et mystique d’Occident, Guillaume de Saint-Thierry, appelle votre expérience, qui a nourri et enrichi la vie monastique de l’Orient catholique, «la lumière qui vient de l’Orient» (cf. Epistula ad fratres de Monte Dei I, Sources chrétiennes 223, p. 145). Avec lui, beaucoup d’autres spirituels de l’Occident ont rendu hommage à la richesse de la spiritualité monastique de l’Orient. Je suis heureux d’unir aujourd’hui ma voix à ce choeur de louanges, reconnaissant la valeur du chemin de sanctification tracé par les écrits et par la vie de tant de vos moines, qui ont offert d’éloquents exemples de ce que veut dire suivre de manière radicale le Seigneur Jésus Christ.



3. En vertu de la tradition ininterrompue de sainteté sur laquelle elle repose, la vie monastique sauvegarde avec amour et fidélité certains éléments de la vie chrétienne importants également pour l’homme contemporain : le moine est mémoire évangélique pour les chrétiens et pour le monde.

Comme l’enseigne saint Basile le Grand (cf. Regulae fusius tractatae VIII, ), la vie chrétienne est avant tout apotaghé, c’est-à-dire «renoncement» au péché, au monde, aux idoles, pour adhérer à l’unique vrai Dieu et Seigneur, Jésus Christ (cf. 1 Th, 1, 9-10). Dans le monachisme, un tel renoncement devient radical : renoncement à sa maison, à une famille, à une profession (cf. Lc 18,28-29); renoncement aussi aux biens terrestres dans la recherche incessante des biens éternels (cf. Col Col 3,1-2); renoncement à la philautia, comme l’appelle saint Maxime le Confesseur (cf. Capita de charitate II, 8; III, 8; III, 57 et passim, ), c’est-à-dire à l’amour égoïste, pour connaître l’amour infini de Dieu et devenir capable d’aimer ses frères. L’ascèse du moine est avant tout un chemin de renoncement pour pouvoir adhérer toujours plus au Seigneur Jésus et pour être transfiguré par les énergies du Saint-Esprit.

Le bienheureux Jean de Rila – que j’ai voulu faire représenter avec les autres saints orientaux et occidentaux sur la mosaïque de la Chapelle Redemptoris Mater, dans le Palais apostolique du Vatican, et dont ce monastère est le témoignage permanent –, après avoir entendu la parole de Jésus qui lui disait de renoncer à tous ses biens pour les donner aux pauvres (cf. Mc 10,21), abandonna tout pour la perle précieuse de l’Évangile et se mît à l’école des saints ascètes pour apprendre l’art du combat spirituel.



4. Le «combat spirituel» est un autre élément de la vie monastique, qu’il est nécessaire aujourd’hui d’apprendre et de proposer de nouveau à tous les chrétiens. Il s’agit d’un art secret et intérieur, un combat invisible que le moine mène chaque jour contre les tentations, les incitations mauvaises que le démon cherche à insinuer dans son coeur ; c’est une lutte qui devient crucifiement dans l’arène de la solitude, pour parvenir à la pureté du coeur, qui permet de voir Dieu (cf. Mt 5,8), et à la charité qui permet de participer à la vie de Dieu qui est amour (cf. 1Jn 4,16).

Dans l’existence des chrétiens, aujourd’hui plus que jamais, les idoles sont séduisantes, les tentations pressantes : l’art du combat spirituel, le discernement des esprits, la manifestation de ses pensées au maître spirituel, l’invocation du saint Nom de Jésus et de sa miséricorde, doivent redevenir partie intégrante de la vie intérieure du disciple du Seigneur. Ce combat est nécessaire pour être «sans distraction», aperispastoi, «sans préoccupation», amérimnoi (cf. 1Co 7,32 1Co 7,35), et pour vivre dans un recueillement constant avec le Seigneur (cf. S. Basile le Grand, Regulae fusius tractatae VIII, 3; XXXII, 1; XXXVIII).



5. Avec le combat spirituel, le bienheureux Jean de Rila vécut aussi la «soumission» dans l’obéissance et le service mutuel requis par la vie commune. Le monastère est le lieu de la réalisation quotidienne du «commandement nouveau», il est la maison et l’école de la communion, il est l’espace où l’on se fait serviteur de ses frères comme Jésus a voulu être serviteur au milieu des siens (cf. Lc 22,27). Quel puissant témoignage chrétien peut offrir une communauté monastique quand elle vit dans la charité authentique ! Devant cela, même les non-chrétiens sont incités à reconnaître que le Seigneur est toujours vivant et agissant dans son peuple.

Le bienheureux Jean connut aussi la vie érémitique dans la «componction» et le repentir, mais surtout dans l’écoute ininterrompue de la Parole et dans la prière incessante, jusqu’à devenir - comme dit saint Nil - un «théologien» (cf. De oratione LX, PG , 1180B), c’est-à-dire un homme doué d’une sagesse qui n’est pas de ce monde, mais qui vient de l’Esprit Saint. Le testament, que Jean écrivit par amour pour ses disciples désireux de recueillir ses dernières paroles, est un enseignement extraordinaire sur la recherche et sur l’expérience de Dieu pour ceux qui désirent mener une authentique vie chrétienne et monastique.



6. Dans l’obéissance à l’appel du Seigneur, le moine entreprend l’itinéraire qui, partant du renoncement à soi-même, conduit jusqu’à la charité parfaite, en vertu de laquelle il éprouve les mêmes sentiments que le Christ (cf. Ph Ph 2,5) : il devient doux et humbles de coeur (cf. Mt 11,29), il participe à l’amour de Dieu pour toutes les créatures et – comme dit Isaac le Syrien – il aime les ennemis de la vérité eux-mêmes (cf. Sermones ascetici, Collatio prima, LXXXI).

Rendu capable de voir le monde avec les yeux de Dieu et toujours davantage incorporé au Christ, le moine tend vers la fin ultime pour laquelle l’homme a été créé : la divinisation, la participation à la vie trinitaire. Cela n’est possible que par grâce pour celui qui, dans la prière, les larmes de componction et la charité, s’ouvre à l’accueil de l’Esprit Saint, comme le rappelle un autre grand moine de cette bien-aimée terre slave, Séraphim de Sarov (cf. Colloquio con Motovilov III, in P. Evdokimov, Serafim di Sarov uomo dello Spirito, Bose 1996, PP 67-81).



7. Combien de témoins de la voie de la sainteté ont brillé dans ce monastère de Rila, au cours de sa vie multiséculaire, et aussi dans tant d’autres monastères orthodoxes ! Comme il est grand le devoir de gratitude de l’Église universelle envers tous les ascètes qui ont su rappeler l’«unique nécessaire» (cf. Lc 10,42), la destinée dernière de l’homme !

Nous admirons avec gratitude la précieuse tradition que les moines d’Orient vivent fidèlement et qu’ils continuent à transmettre de génération en génération comme signe authentique de l’eschaton, de cet avenir auquel Dieu continue d’appeler tout homme par la force intérieure de l’Esprit. À travers leur adoration de la sainte Trinité, à travers la communion vécue dans la charité, à travers l’espérance, ils sont signes que leur intercession rejoint chaque homme et chaque créature, jusqu’au seuil de l’enfer, comme le rappelle saint Silouane du Mont-Athos (cf. Ieromonach Sofronij, Starec Siluan, Stavropegic Monastery of St John the Baptist, Tolleshunt Knights by Mladon, 1952 [1990], PP 91-93).



8. Chers Frères et Soeurs, toutes les Église orthodoxes savent combien les monastères sont un patrimoine inestimable de leur foi et de leur culture. Que serait la Bulgarie sans le monastère de Rila qui, dans des temps les plus sombres de l’histoire nationale, a maintenu allumé le flambeau de la foi ? Que serait la Grèce sans la sainte montagne de l’Athos? Ou la Russie sans les myriades de demeures de l’Esprit Saint, qui lui ont permis de vaincre l’enfer des persécutions soviétiques ? Ainsi donc, l’Évêque de Rome est aujourd’hui ici pour vous dire que l’Église latine et les moines de l’Occident vous savent gré de votre existence et de votre témoignage!

Chers Moines et Moniales, que Dieu vous bénisse! Qu’il vous confirme dans votre foi et votre vocation, et qu’il fasse de vous des instruments de communion dans sa sainte Église et des témoins de son amour dans le monde.



SALUT LORS DE SA VISITE À LA CO-CATHEDRALE CATHOLIQUE LATIN

Sofia, samedi 25 mai 2002



Chers Frères et Soeurs!

1. «Que le Dieu de la paix [...] vous munisse de tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté, qu’il réalise en nous ce qui plaît à ses yeux, par Jésus Christ, à qui appartient la gloire pour les siècles des siècles. Amen !» (He 13,20 He 13,21).

C’est par ce souhait, tiré de la Lettre aux Hébreux, que je vous salue affectueusement, dans votre co-cathédrale, dédiée à saint Joseph, Époux de la Vierge Marie et Patron de l’Église universelle.

Ma pensée se tourne d’abord vers l’Évêque, Mgr Gheorghi Jovcev, vers les prêtres, les religieux et les religieuses, et, de ce lieu, je veux étendre mon salut à tous les fidèles catholiques de rite latin, dispersés dans les différentes régions de Bulgarie, spécialement les enfants, les malades et les personnes âgées.



2. J’ai appris avec plaisir que les travaux pour la nouvelle cathédrale commenceront bientôt, non loin d’ici, sur le lieu même où se dressait l’ancienne église détruite par la guerre. Dans la prière, je souhaite que les différentes pierres nécessaires à la construction soient les images des «pierres vivantes» que vous êtes chacun appelés à être, en vertu de votre Baptême, «pierres vivantes, qui servent à construire le Temple spirituel, et vous serez le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus» (1P 2,5).

Par l’intercession et l’exemple du Bienheureux Jean XXIII, dont la figure paternelle vous accueille à l’entrée de cette église, vous accompagnent et vous soutiennent sur la route de la vie.

Avec ma Bénédiction apostolique!



SALUT LORS DE SA VISITE À LA CATHÉDRALE CATHOLIQUE DE RITE BYZANTIN SLAVE

Sofia, samedi 25 mai 2002


Chers Frères et Soeurs,

«La paix soit avec vous. Bénissez Dieu dans tous les siècles» (Tb 12,17). Je suis heureux de vous rencontrer tous dans cette cathédrale dédiée à la Dormition de la Bienheureuse Vierge Marie. Je salue avec affection votre Exarque apostolique, Mgr Christo Proykov, et je le remercie des aimables paroles qu’il m’a adressées. J’embrasse fraternellement l’Exarque émérite, Mgr Metodi Stratiev, qui a connu la persécution et la prison avec les trois prêtres assomptionnistes que je proclamerai Bienheureux demain, à Plovdiv, et j’adresse mon salut cordial à tous les prêtres de l’exarchat et aux fidèles confiés à leur sollicitude pastorale et représentés ici.

Je salue avec une particulière affection les Moniales carmélites et les Soeurs eucharistines, me souvenant spécialement de celles d’entre elles – qu’elles soient encore vivantes sur cette terre ou déjà au ciel – qui ont vécu pendant la période de la domination communiste la longue réclusion dans le choeur de l’église de Saint-François, en maintenant vivant l’idéal de leur consécration et en soutenant par la prière et par la pénitence la fidélité des chrétiens à leur Seigneur.

Avec vous, je me souviens avec admiration et gratitude de la figure et de l’action du Délégué apostolique, Mgr Angelo Giuseppe Roncalli, le Bienheureux Pape Jean XXIII, qui a prié dans cette cathédrale et qui s’est tant dépensé pour la vie de l’Église catholique de rite byzantin-slave en Bulgarie. Que sa relique, que je vous ai apportée comme un don venant de Rome, soit conservée et vénérée dans la future église que vous avez voulu dédier à son nom.

La même foi courageuse de ceux qui vous ont précédés dans cette Église catholique qui est en Bulgarie vous incite à renouveler aujourd’hui de manière vigoureuse le témoignage que vous rendez au Christ Seigneur. Fort du mandat conféré à Pierre par Jésus lui-même, je désire pour ma part vous soutenir et vous confirmer dans votre engagement. Que le Seigneur vous assiste et vous aide dans votre intention généreuse de vivre chrétiennement et, par l’intercession de sa Très Sainte Mère, vénérée sous le titre de Patronne de l’Unité des Chrétiens dans le sanctuaire de la Très sainte Trinité de Malko Tyrnovo, qu’il vous donne l’abondance de ses Bénédictions !



RENCONTRE AVEC LES JEUNES

Plovdiv - Cathédrale catholique, dimanche 26 mai 2002




Chers jeunes amis !

1. C’est avec une joie particulière que je vous rencontre ce soir. Je vous salue tous avec affection, en remerciant ceux qui, en votre nom, viennent de m’adresser une cordiale bienvenue. Au terme de mon séjour au Pays des roses, notre rendez-vous – précisément par la fraîcheur de vos années et la vivacité de votre accueil – annonce le printemps qui nous ouvre à l’avenir. La beauté de la communion qui nous unit dans la charité du Christ (cf. Ac 2,42) nous pousse tous à avancer au large avec confiance (cf. Lc 5,4), en renouvelant notre engagement à répondre, jour après jour, aux dons et aux tâches que nous avons reçus du Seigneur.

Depuis le début de mon ministère comme Successeur de Pierre, je me suis tourné vers vous, les jeunes, avec attention et affection, parce que je suis convaincu que la jeunesse n’est pas seulement un temps de passage entre l’adolescence et l’âge adulte, mais une période de la vie que Dieu accorde comme un don et comme une tâche à toute personne. Un temps durant lequel il faut chercher, comme le jeune de l’Évangile (cf. Mt 16,20), la réponse aux interrogations fondamentales et découvrir non seulement le sens de l’existence, mais aussi un projet concret pour la bâtir. Des choix que vous ferez ces années, chers jeunes, garçons et filles, dépendra votre avenir personnel, professionnel et social : la jeunesse est le temps où l’on pose les fondations; une occasion à ne pas perdre, car elle ne reviendra pas !



2. En ce moment particulier de votre vie, le Pape est heureux d’être auprès de vous pour écouter avec respect vos angoisses et vos soucis, vos attentes et vos espérances. Il est ici avec vous pour vous communiquer la certitude qu’est le Christ, la vérité qu’est le Christ, l’amour qu’est le Christ. L’Église vous regarde avec une grande attention car elle entrevoit en vous son avenir et elle met en vous son espérance.

J’imagine que vous vous demandez ce que le Pape veut vous dire ce soir, avant son départ. Eh bien! voilà : je voudrais vous confier deux messages, deux «paroles» prononcées par Celui qui est la Parole même du Père, avec le souhait que vous sachiez les conserver comme un trésor durant toute votre existence (cf. Mt 6,21).

La première parole est «Venez et voyez», c’est celle que Jésus a dite aux deux disciples qui lui avaient demandé où il habitait (cf. Jn 1,38-39). C’est une invitation qui soutient et qui motive depuis des siècles la marche de l’Église. Je vous la répète aujourd’hui, chers amis. Approchez-vous de Jésus et essayez de «voir» ce qu’il est en mesure de vous offrir. N’ayez pas peur de franchir le seuil de sa maison, de parler avec lui face à face, comme on s’entretient avec un ami (cf. Ex Ex 33,11). N’ayez pas peur de la «vie nouvelle» qu’il vous offre. Dans vos paroisses, dans vos groupes et vos mouvements, mettez-vous à l’école du Maître pour faire de votre vie une réponse à la «vocation» que depuis toujours, en pensant à vous avez amour, il a projetée pour vous.

C’est vrai : Jésus est un ami exigeant, qui indique des objectifs élevés et qui demande que l’on sorte de soi-même pour aller à sa rencontre. «Celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera» (Mc 8,35). Cette proposition peut paraître difficile et, dans certains cas, elle peut aussi faire peur. Mais – je vous le demande – vaut-il mieux se résigner à une vie sans idéaux, à une société marquée par des inégalités, des excès de pouvoir et des égoïsmes, ou au contraire chercher généreusement la vérité, le bien, la justice, en travaillant pour un monde qui reflète la beauté de Dieu, même au prix de devoir affronter les épreuves que cela comporte ?

3. Abattez les barrières de la superficialité et de la peur ! Conversez avec Jésus dans la prière et dans l’écoute de sa Parole. Goûtez la joie de la réconciliation dans le sacrement de Pénitence. Recevez son Corps et son Sang dans l’Eucharistie, pour savoir ensuite l’accueillir et le servir dans vos frères. Ne cédez pas aux flatteries et aux illusions faciles du monde, qui se transforment bien souvent en tragiques déceptions.

C’est dans les moments difficiles, dans les moments d’épreuve – vous le savez –, que l’on mesure la qualité des choix. Il n’existe pas de raccourci vers le bonheur et la lumière ! De Jésus seul on peut recevoir des réponses qui ne trompent pas et qui ne déçoivent pas.

Avec le sens du devoir et du sacrifice, marchez donc le long des routes de la conversion, de la maturation intérieure, de l’engagement professionnel, du bénévolat, du dialogue, du respect envers tous, sans démissionner devant les difficultés ou les échecs, sachant bien que votre force est dans le Seigneur, qui guide vos pas avec amour (cf. Ne Ne 8,10).



4. La seconde parole que je veux vous laisser ce soir est celle-là même qui est adressée aux jeunes du monde entier qui se préparent à célébrer dans deux mois leur Journée mondiale à Toronto, au Canada : «Vous êtes le sel de la terre; vous êtes la lumière du monde» (Mt 5,13 Mt 5,14).

Dans l’Écriture, le sel est le symbole de l’alliance entre l’homme et Dieu (cf. Lv Lv 2,13). En recevant le Baptême, le chrétien devient participant de ce pacte qui dure à jamais. Le sel est aussi un signe d’hospitalité: «Ayez du sel en vous-mêmes, dit Jésus, et vivez en paix entre vous» (Mc 9,50). Être sel de la terre signifie être artisan de paix et témoin d’amour. Le sel sert en outre à la conservation des aliments, auxquels il donne de la saveur, et il devient un symbole de persévérance et d’immortalité : être sel de la terre signifie être porteur d’une promesse d’éternité. Et encore: on reconnaît au sel un pouvoir curatif (cf. 2 R 2, 20-22), qui en fait l’image de la purification intérieure et de la conversion du coeur. Jésus lui-même évoque le sel de la souffrance purificatrice et rédemptrice (cf. Mc 9,49) : le chrétien est sur terre témoin du salut obtenu par la Croix.

5. Le symbolisme de la lumière est tout aussi riche : la lampe éclaire, elle réchauffe, elle réjouit. «Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route», affirme dans la prière la foi de l’Église (Ps 119,105). Jésus, Parole du Père, est la lumière intérieure qui chasse les ténèbres du péché; il est le feu qui éloigne toute froidure; il est la flamme qui réjouit l’existence; il est la splendeur de la vérité qui, en brillant à nos yeux, nous précède sur la route. Celui qui le suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il a la lumière de la vie. Ainsi le disciple de Jésus doit être disciple de la lumière (cf. Jn 8,12 Jn 3,20-21).

«Vous êtes le sel de la terre; vous êtes la lumière du monde». Jamais n’ont été dites à l’homme des paroles à la fois aussi simples et aussi grandes. Certes, seul le Christ peut être décrit pleinement comme le sel de la terre et la lumière du monde, car lui seul peut donner saveur, vigueur et pérennité à notre vie, qui, sans lui, serait insipide, fragile et périssable. Lui seul est capable de nous éclairer, de nous réchauffer, de nous réjouir.

Mais c’est lui qui, désirant vous faire participer à sa mission même, vous adresse aujourd’hui sans moyens termes ces paroles de feu : «Vous êtes le sel de la terre; vous êtes la lumière du monde». Dans le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption, le Christ s’unit à chaque chrétien et dépose la lumière de la Vie et le sel de la Sagesse au plus profond de son coeur, transmettant à celui qui l’accueille le pouvoir de devenir fils de Dieu (cf. Jn 1,12) et le devoir de témoigner de cette présence intime et de cette lumière cachée.

Acceptez donc avec un humble courage la proposition que Dieu vous fait. Dans sa toute-puissance et sa tendresse, il vous appelle à être des saints. Ce serait une folie que de se glorifier d’un tel appel, mais ce serait faire preuve d’irresponsabilité que de le repousser. Cela équivaudrait à signer sa propre faillite existentielle. Léon Bloy, écrivain catholique français du XXe siècle, a écrit : «Il n’y a qu’une tristesse, [...] celle de n’être pas des saints» (La femme pauvre, II, 27).



6. Souvenez-vous, mes jeunes amis, que vous êtes appelés à être sel de la terre et lumière du monde ! Jésus ne vous demande pas simplement de dire ou de faire quelque chose; Jésus vous demande d’être sel et lumière ! Et pas seulement pour un jour, mais pour toute une vie. C’est un engagement qu’il vous propose de nouveau chaque matin et dans tous les milieux. Vous devez être sel et lumière avec les membres de votre famille et avec vos amis; vous devez l’être avec les autres jeunes – orthodoxes, juifs et musulmans – avec lesquels vous entrez chaque jour en contact là où vous étudiez, là où vous travaillez, là où vous vous livrez aux loisirs. De vous aussi dépend l’édification d’une société où toute personne puisse trouver sa place et voir reconnues et acceptées sa dignité et sa liberté. Apportez votre contribution pour faire chaque jour davantage de la Bulgarie une terre d’accueil, de prospérité et de paix.

Chacun est responsable de ses choix. Rien n’est gagné d’avance, vous le savez. Jésus lui-même envisage l’éventuelle infidélité : «Si le sel se dénature – dit-il –, comment redeviendra-t-il du sel ?» (Mt 5,13). N’oubliez jamais, chers jeunes, que lorsqu’une pâte ne lève pas, ce n’est pas la faute de la pâte mais celle du levain. Quand une maison reste sombre, cela signifie que la lampe s’est éteinte. C’est pourquoi, «que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux» (Mt 5,16).



7. Devant nos yeux resplendissent les figures des bienheureux Martyrs de Bulgarie : l’Évêque Eugen Bossilkov, les Pères Assomptionnistes Kamen Vitchev, Pavel Djidjov et Josaphat Chichkov. Ils ont su être sel et lumière en des moments particulièrement durs et difficiles pour votre pays. Ils n’ont pas hésité à donner aussi leur vie pour rester fidèles au Seigneur qui les avait appelés. Aujourd’hui encore leur sang féconde votre terre, leur dévouement et leur héroïsme sont un exemple et un stimulant pour tous.

Je vous confie à leur intercession, et je fais mémoire de vous devant le bienheureux Pape Jean XXIII, qui les a connus personnellement et qui a tant aimé la Bulgarie. Je suis sûr d’interpréter les sentiments avec lesquels il regardait les jeunes Bulgares de son temps si je vous dis aujourd’hui : c’est en suivant Jésus que votre jeunesse révélera toute la richesse de ses potentialités et acquerra tout son sens. C’est en suivant Jésus que vous découvrirez la beauté d’une vie vécue comme un don gratuit, motivé uniquement par l’amour. C’est en suivant Jésus que vous expérimenterez dès maintenant quelque chose de la joie qui sera la vôtre sans fin dans l’éternité.

Je vous embrasse tous et je vous bénis affectueusement.




Discours 2002 -   MESSAGE AU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DU SAINT-ESPRIT