Discours 2003 - Jeudi 15 mai 2003


À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DES AMBASSADEURS PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi 15 mai 2003


Excellences,

1. Je vous souhaite la bienvenue au moment où vous présentez les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de vos pays respectifs : l’Australie, le Zimbabwe, la Syrie, Trinité- et-Tobago, l’Éthiopie, la Lettonie, les Îles Fidji, le Burundi, la Géorgie, Vanuatu, la Moldavie, le Pakistan. Je vous remercie des paroles courtoises que vous m’avez transmises de la part de vos Chefs d’État; en retour, je vous saurais gré de leur exprimer mes voeux déférents pour leurs personnes et pour leur haute mission au service de leurs pays, Votre présence me donne aussi l’occasion de saluer cordialement les Autorités civiles et religieuses de vos pays, ainsi que tous vos compatriotes, leurs transmettant mes souhaits les plus fervente.

2. Notre monde vit une période difficile, marquée par de nombreux conflits, dont vous êtes les témoins attentifs; cela inquiète beaucoup d’hommes et invite les Responsables des Nations à s’engager toujours davantage en faveur de la paix. Dans cette perspective, il est important que la diplomatie retrouve ses lettres de noblesse. En effet, l’attention à l’égard des personnes et des peuples, ainsi que le souci du dialogue, de la fraternité et de la solidarité, sont la base de l’activité diplomatique et des institutions internationales chargées de promouvoir avant tout la paix, qui est un des biens les plus précieux pour les individus, pour les populations et pour les États eux-mêmes, dont le développement durable ne peut reposer que sur la sécurité et la concorde.

3. En l’année où nous fêtons le quarantième anniversaire de l’encyclique Pacem in terris du bienheureux Jean XXIII, qui fut aussi un diplomate au service du Saint-Siège dans les années troublées de la seconde guerre mondiale, il est particulièrement opportun d’entendre à nouveau l’invitation qu’il lançait pour que la vie sociale repose sur «quatre piliers»: le souci de la vérité, de la justice, de l’amour et de la liberté. La paix ne peut se réaliser au mépris des personnes et des peuples; elle se construit lorsque tous deviennent partenaires et protagonistes de l’édification de la société nationale.

4. Depuis la période des grands conflits mondiaux, la communauté internationale s’est dotée d’organismes et de législations spécifiques, pour que jamais plus n’éclate la guerre, qui tue des personnes civiles innocentes, dévastant des régions et laissant des plaies longues à panser. Les Nations unies sont appelés à être plus que jamais le lieu central des décisions concernant la reconstruction des pays et les organismes humanitaires sont invités à s’engager de manière renouvelée. Cela aidera les peuples concernés à prendre rapidement en charge leurs destinées, leur permettant de passer de la peur à l’espérance, du désarroi à l’engagement dans la construction de leur avenir. C’est aussi une condition indispensable au retour de la confiance au sein d’un pays.

Enfin, j’en appelle à toutes les personnes qui professent une religion, pour que le sens spirituel et religieux soit une source d’unité et de paix, et qu’il n’oppose jamais les hommes les uns contre les autres. Je ne peux pas ne pas évoquer les enfants et les jeunes, qui sont souvent les plus marqués par les situations de conflits. Ayant beaucoup de peine à oublier ce qu’ils ont vécu, ils peuvent être tentés par la spirale de la violence. Il est de notre devoir de leur préparer un avenir de paix et une terre de solidarité fraternelle.

Telles sont quelques préoccupations de l’Église catholique que je tenais à partager avec vous ce matin; vous savez combien elle est engagée dans la vie internationale, dans les relations entre les peuples comme dans le soutien humanitaire, qui sont des expressions de sa mission primordiale: manifester la proximité de Dieu à tout homme.

5. Au cours de votre noble mission auprès du Saint-Siège, vous aurez la possibilité de découvrir plus concrètement son action. Je vous offre aujourd’hui mes meilleurs voeux pour votre mission. J’invoque l’abondance des Bénédictions divines sur vous-mêmes, sur vos familles, sur vos collaborateurs et sur les nations que vous représentez.




À LA COMMUNAUTÉ DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE ECCLÉSIASTIQUE

Jeudi 15 mai 2003



Monseigneur le Président,
chers prêtres élèves de l'Académie pontificale ecclésiastique!

1. Je vous suis reconnaissant de cette visite et je vous salue tous avec affection. Je salue en premier lieu le Président, Monseigneur Justo Mullor García, et je le remercie, outre des paroles qu'il m'a adressées au nom des personnes présentes, également pour le soin et la générosité avec lesquels il se consacre chaque jour à sa mission exigeante. J'étends mes sentiments de reconnaissance à tous ceux qui, sous diverses formes et dans différentes fonctions, l'assistent dans l'oeuvre de formation.

Je vous salue de façon particulière, chers élèves. Certains termineront dans peu de temps leur cursus académique et s'apprêtent à s'engager un service direct au Siège apostolique. Je forme à leur égard des voeux fervents de ministère fécond et je demande au Seigneur de les accompagner tout au long de leur existence.

2. Très chers élèves, déjà en d'autres occasions, j'ai eu l'opportunité de souligner l'importance de votre "mission" particulière, qui vous conduira loin de vos familles en vous offrant, dans le même temps, la possibilité d'entrer en contact avec de multiples et diverses réalités ecclésiales et sociales.

Pour accomplir fidèlement les devoirs qui vous seront confiés, il est indispensable que, dès vos années de formation, votre objectif prioritaire soit de tendre vers la sainteté. C'est ce que j'ai rappelé également lors de la visite à votre Académie il y a deux ans, à l'occasion de son III centenaire. Aspirer à la perfection évangélique doit être l'objet de vos efforts quotidiens, en nourrissant un rapport ininterrompu d'amour avec Dieu dans la prière, dans l'écoute de sa parole et en particulier dans une fidèle et pieuse participation au Sacrifice eucharistique. C'est ici, très chers amis, que réside le secret de l'efficacité de tout ministère et service dans l'Eglise.

3. Vous provenez de nations, de cultures et d'expériences diverses. La vie en commun dans l'Académie ici à Rome, centre du catholicisme, vous éduque au partage et à la compréhension réciproque, vous ouvre à la dimension universelle de l'Eglise et vous offre l'opportunité de mieux comprendre les réalités humaines complexes de notre temps. Tout cela vous sera d'un grand secours lorsque vous accomplirez votre activité parmi des populations diverses par leurs coutumes, leur civilisation, leur langue et leurs traditions religieuses. Votre service sera d'autant plus bénéfique si vous vous prodiguez, avec une âme authentiquement sacerdotale, à promouvoir la croissance des Eglises locales, en les reliant à la Chaire de Pierre pour le bien des peuples.

Que la Vierge Marie, que nous vénérons de façon particulière en cette année consacrée au Rosaire, pose son regard sur chacun de vous et vous accompagne tout au long de votre chemin de sa protection maternelle. Je vous assure de ma prière et je vous bénis de tout coeur.




AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRAL DES OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES

Vendredi 16 mai 2003



Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Chers directeurs nationaux des Oeuvres pontificales missionnaires!

1. Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue à l'occasion de cet événement annuel, auquel vous êtes venus participer provenant des diverses Eglises du monde.

Je remercie le Cardinal Crescenzio Sepe, Préfet de la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples, qui s'est fait l'interprète des sentiments communs. J'adresse également une pensée particulière au Président des Oeuvres pontificales missionnaires, Mgr Malcolm Ranjith, et aux nombreux évêques présents. Je salue enfin les Secrétaires généraux et les membres du "Conseil supérieur" qui, par leur dévouement, assurent le bon fonctionnement de ces structures importantes de l'activité missionnaire dans la vie de l'Eglise.

Mes prédécesseurs ont souhaité donner aux Oeuvres missionnaires le titre de "pontificales" et en établir le siège central à Rome, précisément pour souligner qu'en elles s'expriment le devoir et le désir de toute l'Eglise d'accomplir son "opera maxima", c'est-à-dire l'évangélisation du monde.

2. Dans les Oeuvres missionnaires se manifeste la sollicitude du Pape pour toutes les Eglises (cf. 2Co 11,28). Leur tâche consiste à promouvoir et à soutenir l'animation missionnaire parmi tout le Peuple de Dieu, tout d'abord en conservant vivant l'esprit apostolique dans les Eglises particulières et en s'efforçant de subvenir aux besoins de celles qui sont en difficulté. Elles méritent donc d'être qualifiées d'"Oeuvres du Pape". Dans le même temps, toutefois, elles sont aussi les "Oeuvres des Evêques", car à travers ces structures s'exprime et se concrétise le devoir d'annoncer la Bonne Nouvelle, dont le Christ a chargé le Collège apostolique.

"Oeuvres du Pape et du Collège épiscopal, même au niveau des Eglises particulières, elles occupent "à bon droit [...] la première place puisqu'elles sont des moyens pour pénétrer les catholiques, dès leur enfance, d'un esprit vraiment universel et missionnaire, et pour provoquer une collecte efficace de subsides au profit de toutes les missions selon les besoins de chacune" (Ad gentes AGD 38). Un autre but des Oeuvres missionnaires est de susciter des vocations ad gentes, pour toute la vie, dans les Eglises anciennes comme dans les plus jeunes" (Redemptoris missio RMi 84).

3. Très chers amis, tout au long de cette importante action missionnaire que vous menez et qui vous place au coeur même de la vie de l'Eglise, vous collaborez étroitement avec la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples, à laquelle les Oeuvres pontificales missionnaires ont été confiées, devenant ainsi l'organisme officiel de la coopération missionnaire universelle (cf. Pastor Bonus et 91; Cooperatio missionalis, nn. 3 et 6).

Tout cela exprime l'esprit authentiquement universel et missionnaire des Oeuvres pontificales missionnaires, dont vous conservez et témoignez du charisme profondément "catholique", à travers votre prière, votre activité et votre sacrifice.

Tel est également l'esprit qui émane de vos Statuts. Cet esprit doit être jalousement protégé et adapté de manière toujours nouvelle aux exigences changeantes de l'apostolat. A cet égard, j'ai appris avec satisfaction que vous avez entrepris un opportun travail de révision, dans le but d'adapter les Statuts eux-mêmes à des situations qui ont connu des changements avec le temps. C'est la raison pour laquelle je ne peux que vous présenter mes félicitations ainsi qu'à tous ceux qui sont engagés dans ce travail de renouveau, qui vise à favoriser toujours davantage la collaboration et l'utilisation adaptée des moyens d'assistance aux Eglises.

4. En cette heureuse occasion, je ne peux manquer de rappeler la célébration du 160 anniversaire de l'Oeuvre pontificale pour la Sainte Enfance ou Enfance missionnaire, que l'on fête cette année. Je souhaite réévoquer et souligner l'important engagement d'animation et de sensibilisation que cette Oeuvre accomplit "dès l'enfance" pour promouvoir la cause missionnaire. Le Message que j'ai adressé en la Solennité de l'Epiphanie aux membres de l'Oeuvre, exprime toute l'estime que je porte à ces "enfants missionnaires". Ce sera donc une joie pour moi de recevoir prochainement une délégation nombreuse et dynamique d'enfants du monde entier qui viendront à Rome pour célébrer l'anniversaire significatif de leur Oeuvre de grand mérite.

J'ai eu également le plaisir d'accueillir, au mois de février dernier, une représentation nombreuse des Oeuvres pontificales missionnaires des Etats-Unis d'Amérique, guidée par leur Directeur national. A travers les offres généreuses faites à leurs frères qui en ont besoin, de telles Oeuvres constituent dans cette nation un signe d'amour authentiquement universel.

5. Je souhaite vous exhorter à avoir toujours à l'esprit, dans votre travail de "coopération missionnaire", les besoins croissants de l'Eglise dans divers endroits du monde. Pour des raisons contingentes, l'"échange de dons" entre les Eglises, en ce qui concerne les aides matérielles, a récemment connu une diminution inquiétante.

Je vous exhorte à ne pas vous laisser décourager par les difficultés. En harmonie avec saint Paul, qui recommandait les "collectes" pour aider l'Eglise de Jérusalem (cf. Rm 15,25-27), rappelez à tous que "la coopération, indispensable à l'évangélisation du monde, est un droit et un devoir de tous les baptisés" (Cooperatio missionalis, n. 2; Redemptoris missio RMi 77 cf. également CIC 211 CIC 781).

Continuez par conséquent d'offrir à toutes les Eglises, anciennes et nouvelles, le privilège d'"aider l'Evangile", afin qu'il soit proclamé à tous les peuples de la terre: "L'Eglise missionnaire donne ce qu'elle reçoit, elle distribue aux pauvres ce que ses fils mieux pourvus de biens matériels mettent généreusement à sa disposition. "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (Ac 20,35)" (Redemptoris missio RMi 81).

6. Très chers amis, en ce mois de mai, nous nous adressons spontanément à Marie, que nous invoquons comme "Reine des Missions". Nous tenons étroitement entre nos mains le Rosaire, dont la récitation, dans l'histoire de l'Eglise, a toujours apporté, avec la croissance dans la foi, une protection particulière pour les fidèles de la Vierge. Je veux répéter ici aussi l'invitation que j'ai adressée aux enfants de l'Enfance missionnaire: "Le Rosaire missionnaire est très suggestif: une dizaine, la blanche, concerne la vieille Europe, afin qu'elle puisse retrouver la force évangélisatrice qui a engendré tant d'Eglises; la dizaine jaune est pour l'Asie, qui explose de vie et de jeunesse; la dizaine verte est pour l'Afrique, éprouvée par la souffrance, mais disponible à l'annonce; la dizaine rouge est pour l'Amérique, promesse de nouvelles forces missionnaires; la dizaine bleue est pour le continent de l'Océanie, qui attend une diffusion plus vaste de l'Evangile".

Avec ces sentiments, je vous confie tous à notre Mère commune, à laquelle - j'en suis certain - vous offrez de continuelles prières et vos sacrifices dans l'accomplissement de votre précieux travail missionnaire. Que la Bénédiction apostolique, que je vous donne de tout coeur, vous obtienne, ainsi qu'à vos collaborateurs, d'abondantes effusions de faveurs célestes.



LE PAPE JEAN-PAUL II REÇOIT LE TITRE DE DOCTEUR "HONORIS CAUSA" EN DROIT DE L'UNIVERSITÉ "LA SAPIENZA" DE ROME

 "LECTIO MAGISTRALIS" DU SAINT PÈRE

Samedi 17 mai 2003



  Monsieur le Président du Conseil des Ministres,
Messieurs les Cardinaux et Vénérés frères dans l'épiscopat,
Monsieur le Recteur Magnifique,
Eminents Professeurs,
Chers frères et soeurs!

1. La visite que vous avez voulu rendre aujourd'hui au Successeur de Pierre, avec une solennité particulière, à l'occasion du VII centenaire de la fondation de votre prestigieuse Université, est pour moi un motif de joie profonde. Soyez les bienvenus dans cette maison!

Je présente mon salut respectueux au Président du Conseil, M. Silvio Berlusconi, aux Ministres du Gouvernement italien, aux autorités présentes et à toutes les personnes ici réunies. Je remercie les professeurs Giuseppe D'Ascenzo, Recteur Magnifique de l'Université "La Sapienza"; Carlo Angelici, Doyen de la Faculté de Droit; Pietro Rescigno, professeur titulaire de Droit civil, des paroles courtoises que, également au nom du corps académique, des étudiants et du personnel de l'Université, ils ont voulu m'adresser.

Un honneur que je considère remis à l'Eglise dans sa fonction de guide

J'exprime également ma vive reconnaissance au Conseil de la Faculté qui a décidé de me conférer le titre de Docteur "honoris causa" en Droit. J'accepte volontiers cet honneur, que je considère remis à l'Eglise dans sa fonction de guide, également dans le domaine délicat du droit, en ce qui concerne les principes de fond sur lesquels repose la coexistence humaine organisée.

Comme il a été rappelé, votre illustre Université fut instituée par le Pape Boniface VIII dans la Bulle "In supremae" du 20 avril 1303, dans le but de soutenir et de promouvoir les études dans les diverses branches du savoir. L'initiative de ce Souverain Pontife fut confirmée et développée par ses successeurs au cours des sept siècles qui viennent de s'écouler. Par des décisions successives, ils ont peu à peu perfectionné l'organisation de l'Université en adaptant ses structures à l'avancée du savoir. C'est dans ce sens qu'il faut lire les dispositions du Pape Eugène IV, ainsi que celles de Léon X, d'Alexandre II et de Benoît XIV, jusqu'à la Bulle "Quod divina sapientia" de Léon XII.

Dans votre Université ont été formés d'innombrables hommes et femmes qui, dans les diverses disciplines du savoir, lui ont fait honneur, en faisant progresser les connaissances, en promouvant la croissance de la qualité de la vie et en approfondissant un dialogue serein autant que fructueux entre les spécialistes de la science et ceux de la foi.

Les rapports cordiaux qui ont existé par le passé entre votre Université et l'Eglise se poursuivent aujourd'hui également grâce à Dieu, dans le plein respect des compétences réciproques, mais également dans la conscience d'accomplir, à divers niveaux, un service tout aussi utile au progrès de l'homme.

J'ai toujours nourri une grande admiration pour la science juridique dans ses manifestations les plus élevées

2. Au cours des années de service pastoral à l'Eglise, j'ai considéré qu'il appartenait à mon ministère de réserver une large place à l'affirmation des droits de l'homme, en raison du lien étroit qu'ils possèdent avec deux points fondamentaux de la morale chrétienne: la dignité de la personne et la paix. C'est Dieu en effet qui, créant l'homme à son image et l'appelant à être son fils adoptif, lui a conféré une dignité incomparable, et c'est Dieu qui a créé les hommes afin qu'ils vivent dans la concorde et dans la paix, en effectuant une juste distribution des moyens nécessaires pour vivre et se développer. Mû par cette conscience, je me suis prodigué de toutes mes forces pour servir ces valeurs. Mais je ne pouvais pas accomplir cette mission, que me demandait la charge apostolique, sans avoir recours aux catégories du droit.

Bien que m'étant consacré aux cours de mes années de jeunesse à l'étude de la philosophie et de la théologie, j'ai toujours nourri une grande admiration pour la science juridique dans ses plus hautes manifestations: le droit romain d'Ulpien, de Gaius et de Paul, le Corpus iuris civilis de Justinien, le Decretum Gratiani, la Magna Glossa d'Accurse, le De iure belli et pacis de Grotius, pour ne rappeler que quelques-uns des sommets de la science juridique, qui ont illustré l'Europe et en particulier l'Italie. En ce qui concerne l'Eglise, j'ai moi-même eu l'occasion de promulguer, en 1983, le Nouveau Code de Droit canonique pour l'Eglise latine et, en 1990, le Code des Canons des Eglises orientales.

La personne humaine est le fondement et l'objectif de la vie sociale que le droit doit servir

3. Le principe qui m'a guidé dans mon engagement est que la personne humaine - telle qu'elle a été créée par Dieu - est le fondement et l'objectif de la vie sociale que le droit doit servir. En effet, "la place centrale de la personne humaine dans le droit est justement exprimée par l'aphorisme classique: Hominum causa omne ius constitutum est. Ce qui équivaut à dire que le droit est digne de ce nom, dans la mesure où il place à sa base l'homme dans sa vérité" (Discours au Symposium sur Evangelium vitae et droit, n. 4: Insegnamenti XIX/1, 1996, p. 1347). Et la vérité de l'homme consiste dans le fait qu'il est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu.

En tant que "personne" l'homme est, selon une belle expression de saint Thomas d'Aquin, "id quod est perfectissimum in tota natura" (S. Th., I 29,3). En partant de cette conviction, l'Eglise a formé sa doctrine sur les "droits de l'homme", qui ne dérivent ni de l'Etat ni d'une autre autorité humaine, mais de la personne même. Les pouvoirs publics doivent donc "garantir la reconnaissance et le respect des droits, leur conciliation mutuelle, leur défense et leur expansion" (Pacem in terris PT 22): il s'agit, en effet, de droits "universels, inviolables et inaliénables" (ibid., PT PT 3).

Voilà pourquoi les chrétiens "doivent travailler sans cesse à mieux mettre en valeur la dignité que l'homme a reçue de son Créateur et unir leurs énergies à celles des autres pour la défendre et la promouvoir" (Discours au Colloque "L'Eglise et les droits de l'homme", n. 4: Insegnamenti XI/4, 1988, p. 1556; cf. ORLF n. 47 du 22 novembre 1988). En réalité, "l'Eglise ne peut jamais abandonner l'homme, dont le sort est étroitement et indissolublement lié au Christ" (Discours au Congrès mondial sur la pastorale des droits humains, n. 3: Insegnamenti XXI/2, 1998, p. 20).

Dans la dimension transcendante de la personne se trouve la source de sa dignité et de ses droits inviolables

4. C'est pour cette raison que l'Eglise a favorablement accueilli la Déclaration universelle des Droits de l'Homme des Nations unies, approuvée lors de l'Assemblée générale du 10 décembre 1948. Ce document marque "un pas vers l'établissement d'une organisation juridico-politique de la communauté mondiale. Cette déclaration reconnaît solennellement à tous les hommes, sans exception, leur dignité de personne; elle affirme pour chaque individu ses droits de rechercher librement la vérité, de suivre les normes de la moralité, de pratiquer les devoirs de justice, d'exiger des conditions de vie conformes à la vie humaine, ainsi que d'autres droits liés à ceux-ci" (Pacem in terris PT 75). L'Eglise a également favorablement accueilli la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Convention sur les Droits de l'enfant et la Déclaration des Droits de l'enfant et de l'enfant à naître.

Sans aucun doute, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 ne présente pas les fondements anthropologiques et éthiques des droits de l'homme qu'elle proclame. Dans ce domaine, "l'Eglise catholique a une contribution irremplaçable à apporter, car elle proclame que c'est dans la dimen-sion transcendante de la personne que se situe la source de sa dignité et de ses droits inviolables". C'est pourquoi "l'Eglise est convaincue de servir la cause des droits de l'homme lorsque, fidèle à sa foi et à sa mission, elle proclame que la dignité de la personne a son fondement dans sa qualité de créature faite à l'image et à la ressemblance de Dieu" (Discours au Corps diplomatique, n. 7: Insegnamenti XII/1, 1989, PP 69-70). L'Eglise est convaincue que dans la reconnaissance de ce fondement anthropologique et éthique des droits de l'homme se trouve la meilleure protection contre toute violation et abus de ceux-ci.

Le premier et le plus fondamental des Droits de l'homme est celui de la vie

5. Au cours de mon service comme Successeur de Pierre, j'ai ressenti le devoir d'insister avec force sur certains de ces droits qui, affirmés théoriquement, ne sont souvent pas respectés, que ce soit par les lois ou dans les comportements concrets. Ainsi, je suis revenu plusieurs fois sur le premier et le plus fondamental des droits humains, qui est le droit à la vie. En effet, "la vie humaine est sacrée et inviolable de sa conception à sa fin naturelle [...] De même qu'une vraie culture de la vie garantit le droit de venir au monde à celui qui n'est pas encore né, de même elle protège les nouveau-nés, en particulier les filles, du crime d'infanticide. Pareillement, elle assure aux porteurs de handicap le développement de leurs potentialités, et aux malades et aux personnes âgées, des soins adaptés" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1999, n. 4: Insegnamenti XXI/2, 1998, p. 1217).

L'embryon est un individu humain et le titulaire des droits inviolables de l'être humain

J'ai en particulier insisté sur le fait que l'embryon est un individu humain et, comme tel, il est le titulaire des droits inviolables de l'être humain. La norme juridique est donc appelée à définir le statut juridique de l'embryon en tant que sujet de droits qui ne peuvent être violés ni par l'ordre moral, ni par l'ordre juridique.

Le droit à la liberté religieuse est la base de tous les droits

Un autre droit fondamental sur lequel, en raison de ses fréquentes violations dans le monde d'aujourd'hui, j'ai dû revenir, est celui à la liberté religieuse, reconnu tant par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme (art. 18), que par l'Acte final d'Helsinki (1 a, VII), ou par la Convention sur les Droits de l'enfant (art. 14). Je considère en effet que le droit à la liberté religieuse n'est pas simplement un droit parmi les autres droits humains, mais qu'il est celui auquel tous les autres se réfèrent, car la dignité de la personne humaine a sa première source dans le rapport essentiel avec Dieu. En réalité, le droit à la liberté de religion "est si étroitement lié aux autres droits fondamentaux que l'on peut soutenir à juste titre que le respect de la liberté religieuse est comme un "test" pour l'observance des autres droits fondamentaux" (Discours au Corps diplomatique, n. 6: Insegnamenti XII/1, 1989, p. 68).

Les nombreux autres droits qui doivent être garantis à travers des normes juridiques obligatoires

6. Je me suis enfin efforcé de mettre en lumière, en demandant qu'ils soient garantis à travers des normes juridiques obligatoires, de nombreux autres droits, comme le droit à ne pas être discriminé pour des motifs raciaux, de langue, de religion et de sexe; le droit à la propriété privée, qui est valable et nécessaire, mais qui ne doit jamais être séparé du principe plus fondamental de la destination universelle des biens (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 42; Centesimus annus CA 6); le droit à la liberté d'association, d'expression et d'information, toujours dans le respect de la vérité et de la dignité des personnes; le droit - qui aujourd'hui est également un grave devoir - de participer à la vie politique, "destinée à promouvoir, organiquement et institutionnellement, le bien commun" (Christifideles laici CL 42); le droit à l'initiative économique (cf. Centesimus annus CA 15 Sollicitudo rei socialis, n. 15); le droit au logement, c'est-à-dire "le droit au logement pour chaque personne avec sa famille", strictement lié "au droit à se constituer une famille et à avoir un travail justement rétribué" (Discours lors de l'Angelus: Insegnamenti XIX/1, 1996, PP 1524 s.); le droit à l'éducation et à la culture, car "l'analphabétisme constitue une grande pauvreté et est souvent synonyme de marginalité" (Discours pour l'Année internationale de l'alphabétisation, 3 mars 1990: Insegnamenti XIII/1, p. 577); le droit des minorités "à l'existence" et "à conserver et à développer leur culture" (Journée mondiale de la Paix 1989, nn. 5 et 7: Insegnamenti XI/4, p. 1792); le droit au travail et les droits des travailleurs: un thème auquel j'ai consacré l'Encyclique Laborem exercens.

La défense ouverte des droits de la famille contre les usurpations intolérables de la société et de l'Etat

Enfin, j'ai pris un soin particulier à proclamer et à défendre "ouvertement et avec vigueur les droits de la famille contre les usurpations intolérables de la société et de l'Etat" (Familiaris consortio FC 46), sachant bien que la famille est le lieu privilégié de l'"humanisation de la personne et de la société" (Christifideles laici CL 40) et que c'est à travers elle que "passe l'avenir du monde et de l'Eglise" (Discours à la confédération des Consulteurs chrétiens, n. 4: Insegnamenti III/2, 1980, p. 1454).

Que l'humanité progresse dans la prise de conscience des droits fondamentaux reflétant la dignité originelle de l'homme

7. Messieurs, je voudrais conclure notre rencontre par le voeu sincère que l'humanité progresse ultérieurement dans sa prise de conscience des droits fondamentaux dans lesquels se reflète sa dignité originelle. Que le nouveau siècle, par lequel s'est ouvert un nouveau millénaire, puisse enregistrer un respect toujours plus conscient des droits de l'homme, de tout homme, de chaque homme.

Sensibles à l'exhortation de Dante: "Vous n'avez pas été faits pour vivre comme des brutes / mais pour rechercher les vertus et la connaissance" (Inf. XXVI, 119-120), que les hommes et les femmes du troisième millénaire sachent inscrire dans les lois et traduire dans les comportements les valeurs éternelles sur lesquelles repose toute civilisation authentique.

Dans mon coeur, ce souhait se transforme en prière à Dieu tout-puissant, auquel je confie vos personnes, en invoquant de Lui d'abondantes Bénédictions sur vous qui êtes ici présents, sur vos proches et sur toute la communauté de "La Sapienza".




AUX PÈLERINS VENUS POUR LA CANONISATION DE MARIA DE MATTIAS et VIRGINIA CENTURIONE BRACELLI

Lundi 19 mai 2003



Très chers frères et soeurs!

1. Hier matin, nous avons partagé la joie de la canonisation de quatre témoins lumineux du Christ: saint Joseph Sébastien Pelczar, sainte Ursule Ledóchowska, sainte Maria De Mattias et sainte Virginia Centurione Bracelli. Un Evêque et trois religieuses; tous les quatre fondateurs d'Instituts de vie consacrée. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de nous retrouver pour continuer à admirer en chacun d'eux un reflet du visage du Christ, et en rendre ensemble grâce à Dieu.

Je vous accueille et je vous salue avec une grande joie, vous qui êtes venus pour honorer sainte Maria De Mattias et sainte Virginia Centurione Bracelli. Je salue les pasteurs des diocèses dans lesquels ces deux saintes ont vu le jour: S.Exc. Mgr Tarcisio Bertone, Archevêque de Gênes, et S.Exc. Mgr Salvatore Boccaccio, Evêque de Frosinone-Veroli-Ferentino. Je salue également les autres Evêques, les Autorités, les prêtres et les fidèles venus de différentes régions d'Italie, en particulier les religieuses qui ont reçu en héritage les charismes et la spiritualité de ces nouvelles saintes.

2. La canonisation de Maria De Mattias est une occasion propice d'approfondir sa leçon de vie et de tirer de son exemple d'utiles orientations pour notre existence. Je pense tout d'abord à vous, chères soeurs adoratrices du Sang du Christ, qui vous réjouissez de voir glorifiée votre Fondatrice, ainsi qu'à vous tous, fidèles qui lui êtes dévots et qui formez sa famille spirituelle.

Le Message de Mère De Mattias s'adresse à tous les chrétiens, parce qu'il indique un engagement prioritaire et essentiel: celui de "fixer nos yeux sur Jésus" (He 12,2) à tout moment de la vie, en n'oubliant jamais qu'il nous a rachetés au prix de son sang: "Il l'a donné tout entier, aimait-elle à répéter, il l'a donné pour tous".

Mon souhait est que de nombreuses personnes suivent l'exemple de la nouvelle sainte. Tout au long de sa vie, elle se consacra à diffuser le commandement chrétien de l'amour, en soignant les blessures et en résolvant des situations difficiles et les contradictions de la société de son temps. Il est facile de constater la grande actualité d'un tel message.

3. Très chères soeurs de Notre-Dame du Refuge sur le Mont Calvaire et filles de Notre-Dame au Mont Calvaire, je vous salue à présent très cordialement, ainsi que vous tous, qui vous réjouissez de la canonisation de Virginia Centurione Bracelli.

Le précieux héritage que cette sainte a confié à l'Eglise, en particulier à ses filles spirituelles, consiste dans la charité entendue non pas comme un simple secours matériel, mais comme un engagement de solidarité authentique, visant à la pleine libération et à la promotion humaine et spirituelle de ceux qui se trouvent dans le besoin. Sainte Virginia a su transformer l'action caritative en contemplation du visage de Dieu chez l'homme, en unissant la docilité aux élans intérieurs de l'Esprit à l'audace prudente et éclairée pour entreprendre des initiatives toujours nouvelles de bien.

La charité authentique naît d'une communion constante avec Dieu et s'alimente dans la prière. Que l'exemple de cette nouvelle sainte soit pour tous un encouragement et une motivation à vivre aujourd'hui encore le précepte évangélique de l'amour comme une pleine adhésion à la volonté divine et comme un service concret envers son prochain, en particulier celui qui connaît les difficultés les plus graves.

4. Très chers frères et soeurs, que la Reine céleste des Saints, la Vierge Marie, vous guide le long du chemin parcouru par ces deux saintes. Quant à moi, je vous renouvelle l'expression de ma gratitude pour votre présence, et je vous bénis tous de tout coeur.



Discours 2003 - Jeudi 15 mai 2003