Discours 2003 - Lundi 19 mai 2003


AUX PÈLERINS VENUS POUR LA CANONISATION DE JOSEPH SÉBASTIEN PELCZAR et URSULE LEDÓCHOWSKA

Lundi 19 mai 2003


  Je souhaite une cordiale bienvenue à tous mes concitoyens présents sur la Place Saint-Pierre. Je salue Messieurs les Cardinaux, les Evêques, les prêtres et les religieuses. Je salue de manière particulière le Cardinal-Primat, qui n'est pas avec nous, et je le remercie des paroles bienveillantes qu'il m'a transmises. Je lui souhaite un prompt et complet rétablissement. Je salue cordialement le Président de la République de Pologne et les représentants des Autorités de l'Etat et des Autorités territoriales. Je remercie le Président des voeux qu'il m'a adressés au nom de la République, ainsi que de son important discours. Que Dieu le bénisse!

Je veux enfin vous saluer cordialement, vous tous ici présents, qui avez fait l'effort de venir en pèlerinage pour ces journées si importantes pour l'Eglise qui est en Pologne - journées durant lesquelles nous présentons à l'Eglise universelle les deux nouveaux saints polonais: Monseigneur Joseph Sébastien Pelczar, Evêque, et Mère Ursule Ledóchowska. Tout en les rappelant à notre souvenir au lendemain de leur canonisation, je veux saluer de manière particulière les soeurs de la Congrégation des Servantes du Sacré-Coeur de Jésus et des Ursulines du Sacré-Coeur de Jésus agonisant.

La Divine Providence m'a permis d'accomplir ces canonisations au cours de la vingt-cinquième année de mon pontificat et le jour de mon anniversaire. Rendons grâces à Dieu! De tout coeur, je vous remercie tous! Je suis heureux de pouvoir célébrer tous ces événements avec un si grand nombre d'amis. Je vous remercie de votre bienveillance, de vos sacrifices et des prières que vous élevez pour moi et pour toute l'Eglise.

Il serait difficile de faire le compte du nombre de nos rencontres ces dernières années. Certaines eurent lieu à Rome, d'autres à Castel Gandolfo et dans divers pays du monde; dans mon coeur, toutefois, sont plus profondément inscrites les rencontres qui se sont tenues dans notre terre patrie. Peut-être parce qu'elles ont été particulièrement intenses, marquées par une prière profonde et une réflexion spirituelle sur la réalité temporelle de chacun de nous et de la nation tout entière: dans cette réalité se concrétise le dessein salvifique de Dieu. Ces rencontres ont toujours été un partage extraordinaire de témoignage de la foi, née de celle de nos aïeux, qui a façonné un climat particulier de vie et de culture largement partagée, essentiel pour l'identité de la nation. C'est ce que avons vécu en 1979, lorsque, au nom de tous ceux qui n'avaient pas le droit à la parole, j'ai invoqué de Dieu le don de l'Esprit afin qu'il renouvelle le visage de notre terre patrie. L'année 1979. Le grand pasteur et le grand guide de l'Eglise polonaise, le Cardinal Stefan Wyszynski, Primat du millénaire, était à cette époque encore à nos côtés.

A travers le témoignage commun, nous nous sommes soutenus les uns les autres également en 1983 lorsque, dans des circonstances difficiles pour la nation, nous avons rendu grâce ensemble pour les six cents ans de la présence de Marie dans son image de Jasna Góra, et nous avons prié pour obtenir la foi en la force du dialogue, afin que "la Pologne puisse être prospère et sereine, dans l'intérêt de l'harmonie et de la collaboration entre les peuples d'Europe", selon les paroles de Paul VI. En 1987, lorsque la nation polonaise continuait de lutter contre les puissances de l'idéologie ennemie, tous ensemble, nous avons ravivé en nous l'espérance, qui naît de l'Eucharistie instituée au commencement "du temps de la rédemption du Christ qui fut "le temps de la rédemption de l'histoire de l'homme et du monde"". Le Congrès eucharistique national de l'époque nous a rappelé à nouveau que Dieu "nous a aimés jusqu'au bout".

En 1991, eurent lieu deux rencontres particulièrement éloquentes. Lors de la première, nous avons rendu grâce à Dieu pour le don de la liberté intérieure recouvrée et nous avons tenté d'esquisser la forme selon laquelle il était possible de vivre noblement cette liberté, en s'appuyant sur la loi éternelle de Dieu contenue dans le Décalogue. Dès cette époque, nous avons tenté de déceler les dangers que faisait courir à la vie des personnes et à celle de toute la société une liberté détachée de tous principaux moraux. Ces dangers sont toujours présents. C'est pourquoi je ne cesse de prier afin que la conscience de la nation polonaise soit bâtie en se fondant sur les commandements divins et je suis sûr que l'Eglise qui est en Pologne saura toujours sauvegarder l'ordre moral.

La seconde rencontre de cette année-là était liée à la Journée mondiale de la Jeunesse à Czestochowa. Je n'oublierai jamais cet "Appel de Jasna Góra", partagé par les jeunes du monde entier - pour la première fois au-delà même de nos frontières orientales. Je rends grâce à Dieu parce qu'aux pieds de Notre-Dame de Jasna Góra, il me fut donné de les confier à sa protection maternelle.

Il y eut ensuite une brève visite d'une journée à Skoczów, en 1995, à l'occasion de la canonisation de Jan Sarkander. Cette journée aussi fut riche en expériences spirituelles inoubliables.

En 1997, nous avons vécu un pèlerinage riche en événements significatifs. Le premier fut la conclusion du Congrès eucharistique international à Wroclaw. Toutes les célébrations lors du Congrès, et en particulier la statio orbis, nous rappelèrent que l'Eucharistie est le signe le plus efficace de la présence du Christ "hier, aujourd'hui et toujours". Le second événement de portée particulière, a été la visite aux reliques de saint Adalbert à l'occasion du millénaire de son martyre. Du point de vue religieux, ce fut l'occasion de retourner aux racines de notre foi. Du point de vue international, cette rencontre a permis de rappeler le Congrès de Gniezno, qui s'est tenu en l'an 1000. En présence des Présidents des pays frontaliers, je déclarais à cette occasion: "Il n'y aura pas d'unité en Europe tant qu'elle ne sera pas fondée sur l'unité de l'Esprit. Ce fondement très profond de l'unité fut apporté à l'Europe et consolidé au cours des siècles, par le christianisme grâce à son Evangile, à sa compréhen-sion de l'homme et à sa contribution au développement de l'histoire des peuples et des nations. Cela ne signifie pas vouloir s'approprier l'histoire. En effet, l'histoire de l'Europe est un grand fleuve, dans lequel débouchent de nombreux affluents, et la variété des traditions et des cultures qui la forment, constitue sa grande richesse. Les fondements de l'identité de l'Europe reposent sur le christianisme" (Homélie du 3 mai 1997).

Aujourd'hui, alors que la Pologne et les autres pays de l'ancien "Bloc de l'Est" sont en train d'entrer dans les structures de l'Union européenne, je répète ces paroles, que je ne prononce pas dans le but de décourager, mais au contraire, pour indiquer que ces pays ont une grande mission à accomplir sur le Vieux Continent. Je sais que les opposants à cette intégration sont nombreux. J'apprécie leur sollicitude à l'égard de la défense de l'identité culturelle et religieuse de notre pays. Je partage leurs inquiétudes sur la répartition économique des forces, dans laquelle la Pologne - après des années d'exploitation économique par l'ancien système - se présente comme un pays qui dispose de grandes possibilités, mais qui a peu de moyens. Je dois toutefois souligner, une fois encore, que la Pologne a toujours constitué une part importante de l'Europe et qu'elle ne peut pas aujourd'hui abandonner cette communauté qui, il est vrai, connaît des difficultés à différents niveaux, mais qui constitue une famille de nations fondée sur une tradition chrétienne commune. L'entrée dans les structures de l'Union européenne, avec des droits égaux à ceux des autres pays, est pour notre nation et pour les nations slaves voisines, l'expression d'une justice historique, et peut, d'autre part, constituer un enrichissement pour l'Europe. L'Europe a besoin de la Pologne. L'Eglise en Europe a besoin du témoignage de foi des Polonais. La Pologne a besoin de l'Europe.

De l'Union de Lublin à l'Union européenne. Il s'agit d'une grande synthèse mais cette synthèse est riche de divers contenus. La Pologne a besoin de l'Europe.

Il s'agit d'un défi que le temps présent nous propose et propose à toutes les nations qui, dans le sillage des tranformations politiques dans la région de l'Europe centre-orientale, sont sorties du cercle des influences du communisme athée. Ce défi, toutefois, impose un devoir aux croyants - le devoir d'une construction active de la communauté de l'esprit sur la base des valeurs qui ont permis de survivre à des décennies d'efforts visant à introduire de manière programmée l'athéisme.

Que la protectrice de cette oeuvre soit sainte Edwige, Notre-Dame de Wawel, grand précurseur de l'union des nations sur la base de la foi commune. Je rends grâce à Dieu parce qu'il m'a été donné de la canoniser au cours de ce pèlerinage. La longue rencontre avec la Pologne et avec ses habitants qui a eu lieu en 1999, fut une expérience, partagée dans la foi, de la vérité que "Dieu est amour". Ce fut, en un certain sens, une grande préparation nationale à ce que nous avons vécu l'an dernier: la profonde expérience de la vérité que "Dieu est riche en miséricorde". Y a-t-il un autre message qui pourrait apporter autant d'espérance au monde de notre temps et à tous les hommes du troisième millénaire? Je n'ai pas hésité, au cours d'une célébration particulière en l'honneur du Christ miséricordieux à Lagiewniki de Cracovie, à confier le monde à la Miséricorde divine. Je crois ardemment que cet acte de consécration trouvera une réponse confiante chez tous les croyants, sur tous les continents, et les conduira à un renouveau intérieur et à la consolidation de l'oeuvre d'édification de la civilisation de l'amour.

Je rappelle ces rencontres particulières avec les Polonais, car dans leur contenu spirituel est renfermée l'histoire du dernier quart de siècle de la Pologne, de l'Europe, de l'Eglise et de l'actuel pontificat. Qu'il soit rendu grâce à Dieu pour cette période, au cours de laquelle nous avons fait l'expérience de l'abondance de Sa grâce.

Dans le contexte du mystère de la divine Miséricorde, revenons encore une fois sur les figures des nouveaux saints polonais. Tous deux, non seulement s'en remirent au Christ miséricordieux, mais devinrent toujours plus pleinements des témoins de sa miséricorde. Dans le ministère pastoral de saint Joseph Sébastien Pelczar, l'activité caritative occupa une place particulière. Il fut toujours convaincu que la miséricorde traduite en action est la plus efficace des défenses de la foi, la plus éloquente des prédications et le plus fructueux des apostolats. Lui-même soutenait les plus démunis, et dans le même temps, il faisait tout son possible afin que le soin apporté soit organisé et ordonné, et non pas sporadique. C'est pourquoi il appréciait également les institutions caritatives et les soutenaient avec ses fonds personnels. Mère Ursule Ledóchowska fit de sa vie une mission de miséricorde à l'égard des plus démunis. Partout où la conduisit la Providence, elle trouva des jeunes qui avaient besoin d'instruction et de formation spirituelle, des pauvres, des malades, des personnes seules, des personnes blessées par la vie, qui attendaient d'elle une compréhension et une aide matérielle. Une aide, selon ses possibilités, qu'elle ne refusait à personne. Son oeuvre de miséricorde restera gravée pour toujours dans le message de sainteté, qui hier est entré dans le patrimoine de toute l'Eglise.

Ainsi, Joseph Sébastien Pelczar et Ursule Ledóchowska, qui nous ont accompagnés aujourd'hui dans ce pèlerinage spirituel à travers la terre polonaise, nous ont à nouveau conduits à Rome. Je vous remercie tous, une fois de plus, de votre présence ici. Hier, dans l'après-midi, j'ai fêté ma quatre-vingt-troisième année de vie et je suis entré dans la quatre-vingt-quatrième. Je me rends toujours plus pleinement compte que s'approche toujours davantage le jour où je devrai me présenter devant Dieu avec toute cette vie, avec la période passée à Wadowice, avec la période vécue à Cracovie et celle vécue à Rome: tu dois rendre compte de ton ministère! J'ai confiance dans la Divine Miséricorde et dans la protection maternelle de la Très Sainte Mère pour chaque jour, et notamment pour le jour où tout devra être accompli: dans le monde, face au monde et face à Dieu. Je vous remercie encore une fois de cette visite, je l'apprécie énormément. Portez mes salutations à vos familles, aux personnes qui vous sont chères et à tous nos concitoyens. Je vous embrasse tous avec une pensée reconnaissante. Que Dieu tout-puissant vous bénisse, Père et Fils, et Saint-Esprit. Amen. Jésus Christ soit loué. Dieu vous bénisse!


MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II À L'ÉVÊQUE DE SAINT-BRIEUC ET TRÉGUIER (FRANCE) À L'OCCASION DU VII CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE SAINT YVES



À Monseigneur Lucien FRUCHAUD,
Évêque de Saint-Brieuc et Tréguier

1. Le 19 mai 2003, le diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier célèbre le septième centenaire du dies natalis d’Yves Hélory de Kermartin, fils de la Bretagne. À l’occasion de cet événement, qui se situe dans le cadre d’une année consacrée à saint Yves, je m’unis à vous par la prière, ainsi qu’à toutes les personnes rassemblées à l’occasion des festivités et à tous vos diocésains, me souvenant avec émotion de mon passage en terre bretonne, à Sainte-Anne d’Auray en 1996. J’apprécie l’accueil et le soutien réservés par les Autorités locales aux différentes manifestations religieuses; je sais gré au barreau de Saint-Brieuc d’avoir, à cette occasion, suscité une série de réflexions sur les questions juridiques. Cela témoigne du grand intérêt de la société civile pour une figure qui a su associer une fonction sociale et une mission ecclésiale, puisant dans sa vie spirituelle la force pour l’action, ainsi que pour l’unification de son être.

2. Le 19 mai 1347, le Pape Clément VI élevait Yves Hélory à la gloire des autels. Le témoignage du petit peuple des campagnes, recueilli lors de son procès de canonisation, est sans aucun doute le plus bel hommage qui puisse être rendu à celui qui consacra toute sa vie à servir le Christ en servant les pauvres, comme magistrat, comme avocat et comme prêtre. Saint Yves s’est engagé à défendre les principes de justice et d’équité, attentif à garantir les droits fondamentaux de la personne, le respect de sa dignité première et transcendante, et la sauvegarde que la loi doit lui assurer. Il demeure pour tous ceux qui exercent une profession juridique, et dont il est le saint patron, le chantre de la justice, qui est ordonnée à la réconciliation et à la paix, pour tisser des relations nouvelles entre les hommes et entre les communautés, et pour édifier une société plus équitable. Je rends grâce pour l’exemple lumineux qu’il donne aujourd’hui aux chrétiens et plus largement à tous les hommes de bonne volonté, les invitant à marcher sur les chemins de la justice, du respect du droit et de la solidarité envers les plus pauvres, dans le but de servir la vérité et de participer à «une nouvelle imagination de la charité» (Novo millennio ineunte NM 50).

3. Saint Yves choisit aussi de se dépouiller progressivement de tout pour être radicalement conformé au Christ, voulant le suivre dans la pauvreté, afin de contempler le visage du Seigneur dans celui des humbles auxquels il a cherché à s’identifier (cf. Mt 25). Serviteur de la Parole de Dieu, il la médita pour en faire découvrir les trésors à tous ceux qui cherchent l’eau vive (cf. Is 41,17). Il parcourut inlassablement les campagnes pour secourir matériellement et spirituellement les pauvres, appelant ses contemporains à rendre témoignage au Christ Sauveur par une existence quotidienne de sainteté. Une telle perspective permit à «l’annonce du Christ d’atteindre les personnes, de modeler les communautés, d’agir en profondeur par le témoignage des valeurs évangéliques sur la société et sur la culture» (Novo millennio ineunte NM 29).

4. Les valeurs proposées par saint Yves conservent une étonnante actualité. Son souci de promouvoir une justice équitable et de défendre le droit des plus pauvres invite aujourd’hui les artisans de la construction européenne à ne négliger aucun effort pour que les droits de tous, notamment des plus faibles, soient reconnus et défendus. L’Europe des droits humains doit faire en sorte que les éléments objectifs de la loi naturelle demeurent la base des lois positives. En effet, saint Yves fondait sa démarche de juge sur les principes du droit naturel, que toute conscience formée, éclairée et attentive, peut découvrir au moyen de la raison (cf. S. Thomas d’Aquin, Somme théologique I-II 91,1-2), et sur le droit positif, qui puise dans le droit naturel ses principes fondamentaux grâce auxquelles on peut élaborer des normes juridiques équitables, évitant ainsi que ces dernières soient un pur arbitraire ou le simple fait du prince. Par sa façon de rendre la justice, saint Yves nous rappelle aussi que le droit est conçu pour le bien des personnes et des peuples, et qu’il a comme fonction primordiale de protéger la dignité inaliénable de l’individu dans toutes les phases de son existence, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. De même, ce saint breton avait soin de défendre la famille, dans les personnes qui la composent et dans ses biens, montrant que le droit joue un rôle important dans les liens sociaux, et que le couple et la famille sont essentiels à la société et à son avenir.

La figure et la vie de saint Yves peuvent donc aider nos contemporains à comprendre la valeur positive et humanisante du droit naturel. «Une conception authentique du droit naturel, entendu comme protection de la dignité éminente et inaliénable de tout être humain, est garante de l’égalité et donne un contenu véritable aux "Droits de l’homme"» (Discours aux participants de la VIIIe Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie, 27 février 2002, n. 6). Pour cela, il faut donc poursuivre les recherches intellectuelles afin de retrouver les racines, la signification anthropologique et le contenu éthique du droit naturel et de la loi naturelle, dans la perspective philosophique de grands penseurs de l’histoire, tels Aristote et saint Thomas d’Aquin. Il revient en particulier aux juristes, à tous les hommes de lois, aux historiens du droit et aux législateurs eux-mêmes d'avoir toujours, comme le demandait saint Léon le Grand, un profond «amour de la justice» (Sermon sur la Passion, 59) et de chercher à asseoir toujours leurs réflexions et leurs pratiques sur des principes anthropologiques et moraux qui mettent l’homme au centre de l’élaboration du droit et de la pratique juridique. Cela fera apparaître que toutes les branches du droit sont un service éminent des personnes et de la société. Dans cet esprit, je me réjouis que des juristes aient profité de l’anniversaire de saint Yves pour organiser successivement deux colloques sur la vie et le rayonnement de leur saint patron, et sur la déontologie des avocats européens, manifestant ainsi leur attachement à une recherche épistémologique et herméneutique de la science et de la pratique juridiques.

5. «N’an neus ket en Breiz, n’an neus ket unan, n’an neus ket eur Zant evel Zan Erwan», «Il n’y a pas en Bretagne, il n’y en a pas un seul, il n’y a pas un saint pareil à saint Yves». Ces paroles, extraites du cantique à saint Yves, manifestent toute la ferveur et la vénération par lesquelles les foules de pèlerins, unis à leurs évêques et à leurs prêtres, mais aussi tous les magistrats, avocats, juristes, continuent à honorer aujourd’hui celui que la pitié populaire a surnommé «le père des pauvres». Puisse saint Yves les aider à réaliser pleinement leurs aspirations à pratiquer et à exercer la justice, à aimer la miséricorde et à marcher humblement avec leur Dieu (cf. Mi Mi 6,8) !

6. En ce mois de Marie, je vous confie, Monseigneur, à l’intercession de Notre-Dame du Rosaire. Je demande à Dieu de soutenir les prêtres, pour qu’ils soient des témoins saints et droits de la miséricorde du Seigneur, et qu’ils fassent découvrir à leurs frères la joie qu’il y a à mener une existence personnelle et professionnelle dans la rectitude morale. Je prie aussi saint Yves de soutenir la foi des fidèles, notamment des jeunes, afin qu’ils n’aient pas peur de répondre généreusement aux appels du Christ à le suivre dans la vie sacerdotale ou la vie consacrée, heureux d’être des serviteurs de Dieu et de leurs frères. J’encourage les séminaristes et l’équipe animatrice du Grand Séminaire Saint-Yves de Rennes à prier dans la confiance leur saint patron, spécialement en cette période préparatoire aux ordinations diaconales et sacerdotales. Je confie enfin au Seigneur tous ceux qui ont une charge juridique ou judiciaire dans la société, pour qu’ils remplissent toujours leur mission dans une perspective de service.

Je vous accorde une affectueuse Bénédiction apostolique, ainsi qu’à Monsieur le Cardinal Mario Francesco Pompedda, mon Envoyé spécial, à tous les évêques présents, aux prêtres, aux diacres, aux religieux, aux religieuses, aux personnes qui participent au Colloque historique et juridique, aux diverses Autorités présentes et à tous les fidèles réunis à Tréguier à l’occasion de cette commémoration.

Du Vatican, le 13 mai 2003.

IOANNES PAULUS II




DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE ITALIENNE

Mardi 20 mai 2003




Très chers frères dans l'épiscopat!

1. "A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ" (Ep 1,2). Je suis heureux de vous saluer en reprenant ces paroles de l'Apôtre Paul. Je salue votre Président, le Cardinal Camillo Ruini, et je le remercie des paroles qu'il m'a adressées en votre nom à tous. Je salue les autres Cardinaux italiens, les Vice-Présidents de votre Conférence et le Secrétaire général. Je salue avec une affection fraternelle chacun de vous et je désire vous témoigner de ma proximité dans la prière, de la satisfaction et de la solidarité avec lesquelles j'accompagne votre oeuvre de pasteurs de la bien-aimée nation italienne.

Transmettre la foi aux nouvelles générations revêt une importance décisive

2. Vous avez choisi comme thème central de votre 51 Assemblée générale l'initiation chrétienne: un choix plus que jamais opportun, car la formation du chrétien et la transmission de la foi aux nouvelles générations revêtent une importance décisive, rendue encore plus grande par le contexte social et culturel actuel, dans lequel de nombreux facteurs concourent à rendre plus difficile, et pour ainsi dire "contre courant", l'engagement à devenir d'authentiques disciples du Seigneur, alors que la rapidité et la profondeur des changements font que s'accroît la distance, et parfois presque l'incommunicabilité, entre les générations.

Il est donc juste, comme vous l'avez affirmé dans vos Orientations pastorales pour la décennie actuelle, d'assumer comme critère de renouvellement "le choix de configurer la pastorale selon le modèle de l'initiation chrétienne" ("Communiquer l'Evangile dans un monde qui change", n. 59).

La situation actuelle exige un profond engagement pour une nouvelle évangélisation

3. Dans une situation qui demande un profond engagement pour une nouvelle évangélisation, les itinéraires de l'initiation chrétienne eux-mêmes doivent laisser une vaste place à l'annonce de la foi et en proposer les motivations fondamentales, de façon adaptée à l'âge et à la préparation des personnes.

Commencer très tôt l'éducation chrétienne des enfants

Il est ensuite d'une grande importance que l'on fasse commencer très tôt l'éducation chrétienne des enfants, de façon à ce qu'elle soit assimilée de façon vitale dès les premières années: il faut aider les familles à prendre conscience de cette très noble mission et à l'accomplir, également en complétant leurs carences éventuelles. En effet, aucun enfant baptisé ne doit être privé de la nourriture qui fait croître en lui le germe planté par le Baptême.

Pour leur part, les prêtres, les catéchistes et les éducateurs sont appelés à cultiver le dialogue personnel avec les enfants, les adolescents et les jeunes, en ne leur cachant pas la grandeur de l'appel de Dieu et l'engagement exigeant de la réponse, et en leur faisant goûter, dans le même temps, la proximité miséricordieuse du Seigneur Jésus et les soins maternels de l'Eglise.

L'importance de la famille pour la santé morale et sociale de la nation

4. Je connais et je partage la grande sollicitude avec laquelle vous suivez le chemin de la société italienne, préoccupés en particulier de promouvoir la cohésion interne de la nation. Vous soulignez à juste titre l'importance que possède la famille pour la santé morale et sociale de la nation. Les signes d'une attention renouvelée à son égard, qui proviennent tant du monde de la culture que des responsables de la vie publique, sont de bonne augure.

L'école catholique et la réforme du système scolaire italien

Votre Assemblée a, en outre, examiné la réforme du système scolaire italien et les nouvelles perspectives qui s'ouvrent pour l'enseignement de la religion catholique. A la fonction éducative et formatrice de l'école peuvent participer à plein titre les enseignants de religion ainsi que l'école catholique, qui attend encore que l'on reconnaisse de façon adéquate son rôle et sa contribution à l'éducation, dans un contexte d'égalité effective.

L'attention aux personnes et aux familles qui sont privées de travail

Chers frères évêques, je désire ensuite partager avec vous ma proximité particulière à l'égard des personnes et des familles qui sont privées de travail et qui connaissent des conditions difficiles. Malgré les améliorations qui ont eu lieu, il existe encore des zones, en particulier dans certaines régions méridionales, où les jeunes, les femmes et parfois également les pères de famille, restent au chômage, entraînant de graves conséquences pour eux et pour le pays. L'Italie a besoin d'une confiance et d'initiatives croissantes, afin de pouvoir offrir à tous des perspectives meilleures et plus encourageantes.

Pacem in terris: l'héritage du Bienheureux Jean XXIII

5. Nous venons de célébrer le 40 anniversaire de l'Encyclique Pacem in terris. Ce grand héritage du Bienheureux Jean XXIII nous indique, ainsi qu'à tous les peuples du monde, la route pour construire un ordre de vérité et de justice, d'amour et de liberté et, donc, de paix authentique.

Un témoignage concret de solidarité pour la Terre Sainte

Parmi les nombreuses régions du monde, privées du bien fondamental de la paix, nous devons malheureusement compter depuis trop longtemps la Terre Sainte. Chers évêques italiens, je désire vous exprimer ma vive satisfaction pour votre initiative d'avoir envoyé une délégation en ce lieu, immédiatement après Pâques, afin d'apporter un témoignage concret de solidarité, en particulier aux communautés chrétiennes qui y vivent et dont les conditions deviennent extrêmement difficiles.

Je vous confie l'Encyclique Ecclesia de Eucharistia

6. Lors de la Messe in Cena Domini du Jeudi Saint, j'ai signé l'Encyclique Ecclesia de Eucharistia. C'est tout d'abord à vous, évêques, et à vos prêtres, que je confie l'intention avec laquelle je l'ai écrite, afin que nous entrions les premiers toujours plus profondément, à travers l'Eucharistie, dans le mystère de la Pâque, dans lequel s'accomplit notre salut et celui du monde.

Qu'en l'"Année du Rosaire" se renforce la foi, se développent la communion et le courage de la mission

Très chers évêques italiens, je vous assure de ma prière quotidienne pour vous et pour les communautés dont vous êtes les pasteurs. Que la Vierge Marie, à laquelle s'adressent avec une confiance particulière les fidèles en cette "Année du Rosaire", intercède afin que dans tout le Peuple de Dieu se renforce la foi, se développe la communion et le courage de la mission.

Je donne à tous et à chacun ma Bénédiction!



AUX MEMBRES D'UNE DÉLÉGATION DU CONGRÈS JUIF MONDIAL "WORLD JEWISH CONGRESS"

Vendredi 22 mai 2003




Chers amis,

C'est pour moi un grand plaisir d'accueillir au Vatican les éminents représentants du Congrès juif mondial et du Comité juif international pour les Consultations interreligieuses.Votre visite rappelle les liens d'amitié qui se sont développés entre nous depuis que le Concile Vatican II a publié la Déclaration Nostra aetate et a donné aux relations entre juifs et catholiques une base nouvelle et positive.

La Parole de Dieu est une lampe et une lumière sur notre chemin; elle nous maintient en vie et nous donne la vie nouvelle (cf. Ps 119,105 Ps 119,107). Cette Parole est donnée à nos frères et soeurs juifs en particulier dans la Torah. Pour les chrétiens, cette parole trouve son accomplissement dans Jésus Christ. Bien que nous comprenions et interprétions cet héritage différemment, nous nous sentons engagés à apporter un témoignage commun de la paternité de Dieu et de son amour pour ses créatures.

Même si le monde d'aujourd'hui est souvent marqué par la violence, la répression et l'exploitation, ces réalités ne représentent pas le dernier mot de notre destin humain. Dieu promet des cieux nouveaux et une terre nouvelle (cf. Is 65,17 Ap 21,1). Nous savons que Dieu essuiera tous les pleurs (cf. Is 25,8) et que le deuil et la douleur disparaîtront (cf. Ap Ap 21,4). Les juifs et les chrétiens pensent que la vie est un voyage vers l'accomplissement des promesses de Dieu.

A la lumière du riche héritage commun que nous partageons, nous pouvons considérer le présent comme une opportunité et un défi en vue d'un engagement commun de paix et de justice dans notre monde. La défense de la dignité de chaque être humain fait à l'image et à la ressemblance de Dieu, est une cause qui doit engager tous les croyants. Cette sorte de coopération concrète entre les chrétiens et les juifs exige courage et discernement, ainsi que la confiance que c'est Dieu qui fait que nos efforts aboutissent: "Si Yahvé ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs" (Ps 127,1).

Chers amis, je désire exprimer mon encouragement pour votre engagement en vue d'apporter une aide aux enfants qui souffrent en Argentine. Je forme des souhaits et des prières ferventes afin que le Tout-Puissant bénisse tous vos projets et vos plans. Puisse-t-il vous accompagner et guider vos pas sur le chemin de la paix (cf. Lc 1,79).



AUX MEMBRES DU MOUVEMENT POUR LA VIE

Jeudi 22 mai 2003


Très chers frères et soeurs!

1. Je vous suis reconnaissant de votre visite et je vous salue avec affection. Je salue les membres du Conseil de Direction du Mouvement pour la Vie et de façon particulière le Président, M. Carlo Casini. Je le remercie des paroles qu'il m'a adressées au nom des personnes présentes. Je salue chacun de vous et, à travers vous, les volontaires qui font partie de votre Association, qui a créé dans toutes les régions d'Italie de nombreux centres d'aide à la vie et des maisons d'accueil.

Depuis 25 ans - c'est-à-dire depuis que, le 22 mai 1978, l'avortement a été légalisé en Italie - votre Association n'a jamais cessé d'oeuvrer en défense de la vie humaine, l'une des valeurs centrales de la civilisation de l'amour.

2. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de vous rencontrer. En effet, au cours de ces années, j'ai eu divers contacts avec votre Mouvement. Je me souviens, en particulier, de la visite que j'ai rendue à Florence, en 1986, au premier centre d'aide à la vie établi en Italie. Par la suite, en diverses circonstances, j'ai manifesté ma reconnaissance pour les activités que vous accomplissez, en vous encourageant à faire tous les efforts possibles afin que soit effectivement reconnu à tous le droit à la vie. A présent, je renouvelle ces sentiments tandis que le mandat du Conseil de Direction de votre Mouvement touche à son terme, et à l'approche imminente de l'assemblée de début juin, qui définira les stratégies du travail à venir.

Dieu veuille qu'étroitrement unis entre vous, vous continuiez à être une force de renouveau et d'espérance dans notre société. Que le Seigneur vous aide à oeuvrer sans cesse afin que tous, croyants et non-croyants, comprennent que la protection de la vie humaine dès sa conception est une condition nécessaire pour édifier un avenir digne de l'homme.

3. La vénérable Mère Teresa de Calcutta, que vous considérez comme la Présidente spirituelle des Mouvements pour la Vie dans le monde, en recevant le Prix Nobel pour la Paix, eut le courage d'affirmer face aux responsables des Communautés politiques: "Si nous acceptons qu'une mère puisse supprimer le fruit de son sein, que nous reste-t-il? L'avortement est le principe qui met en danger la paix dans le monde".

C'est vrai! Il ne peut y avoir de paix authentique sans respect pour la vie, en particulier si elle est innocente comme l'est celle des enfants non encore nés. Une cohérence élémentaire exige que celui qui cherche la paix défende la vie. Aucune action pour la paix ne peut être efficace si l'on ne s'oppose pas avec la même force aux atteintes contre la vie à chacune de ses étapes, de sa conception à son déclin naturel.

Votre Mouvement n'est donc pas seulement un Mouvement pour la Vie, mais également un authentique Mouvement pour la paix, précisément parce qu'il s'efforce de préserver toujours la vie.

4. Des dangers répétés menacent la vie naissante. Le désir louable d'avoir un enfant pousse parfois à dépasser des frontières infranchissables. Les embryons produits en surnombre, sélectionnés, congelés, sont soumis à des expérimentations destructrices et destinés à la mort en vertu d'une décision préméditée.

Conscients de la nécessité d'une loi qui défende les droits des enfants conçus, vous vous êtes engagés en tant que Mouvement à obtenir du Parlement italien une norme respectueuse, la plus concrète possible, des droits des enfants non encore nés, même si conçus à travers des méthodes artificielles en soi moralement inacceptables. Je saisis cette occasion pour souhaiter que se conclue rapidement l'iter législatif en cours et que l'on tienne compte du principe selon lequel entre les désirs des adultes et les droits des enfants, toute décision doit être mesurée dans l'intérêt de ces derniers.

5. Très chers frères et soeurs, ne vous découragez pas et ne vous lassez pas de proclamer et de témoigner de l'Evangile de la vie; soyez aux côtés des familles et des mères en difficulté. En particulier à vous, mères, je renouvelle l'invitation à défendre l'alliance entre la femme et la vie, et à "promouvoir un "nouveau féminisme" qui, sans succomber à la tentation de suivre les modèles masculins, sache reconnaître et exprimer le vrai génie féminin dans toutes les manifestations de la vie en société, travaillant à dépasser toute forme de discrimination, de violence et d'exploitation" (Evangelium vitae EV 99).

Dieu ne vous fera pas manquer de l'assistance nécessaire pour mener à bien vos multiples activités, si vous avez recours à Lui à travers une prière intense et incessante. Je vous assure moi aussi de ma proximité spirituelle et, tandis que j'invoque la protection maternelle de Marie, je vous donne, ainsi qu'à vos familles et à votre Mouvement, une Bénédiction apostolique particulière.



Discours 2003 - Lundi 19 mai 2003