Discours 2002 - Mardi 5 novembre 2002


AUX PARTICIPANTS À LA XVII CONFÉRENCE INTERNATIONALE ORGANISÉE PAR LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE DES SERVICES DE LA SANTÉ

Jeudi 7 novembre 2002


Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion de la XVII Conférence internationale promue par le Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé.

J'adresse à chacun d'entre vous mon salut cordial. Ma pensée va en particulier à Mgr Javier Lozano Barragán, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, que je remercie des paroles cordiales à travers lesquelles il s'est fait l'interprète des sentiments de tous et a illustré les finalités du Congrès. Je suis heureux que votre dicastère accomplisse cette initiative qui constitue un moment important d'approfondissement, de confrontation et de dialogue entre le milieu ecclésial et le milieu civil, en vue d'une finalité prioritaire comme celle de la santé.

Le thème de la Conférence actuelle - "L'identité des institutions médicales catholiques" - est d'une grande importance pour la vie et la mission de l'Eglise. En effet, en accomplissant l'oeuvre d'évangélisation, elle a toujours associé l'assistance et le soin des malades, au cours des siècles, à la prédication de la Bonne Nouvelle (cf. Motu Proprio Dolentium hominum, n. 1).



2. En suivant de près les enseignements du Christ, Médecin divin, certains des saints de la charité et de l'hospitalité, tels que saint Camille de Lellis, saint Jean de Dieu, ou saint Vincent de Paul ont donné vie à des hospices pour l'hospitalisation et les soins, anticipant ce qui devait devenir les hôpitaux modernes. Le réseau des institutions socio-médicales catholiques s'est donc constitué comme une réponse de solidarité et de charité de l'Eglise au mandat du Seigneur, qui envoya les Douze annoncer le Royaume de Dieu et guérir les malades (cf. Lc 9,6).

Dans cette perspective, je vous remercie pour les efforts que vous accomplissez pour donner un nouvel élan à la Confederatio internationalis catholicorum hospitalium, organisme précieux visant à répondre toujours mieux aux nombreuses questions qui interpellent tous ceux qui oeuvrent dans le monde de la santé sur divers fronts. J'encourage donc le Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé à soutenir les efforts mis en acte par la Confédération, afin que le service de charité accompli par les hôpitaux catholiques s'inspire constamment de l'Evangile.


3. Pour comprendre véritablement l'identité de ces institutions médicales, il faut aller au coeur de ce qui constitue l'Eglise, où la loi suprême est l'amour. Les institutions catholiques de santé deviennent ainsi un témoignage privilégié de la charité du Bon Samaritain car, en soignant les malades, nous accomplissons la volonté du Seigneur et nous contribuons à la réalisation du Royaume de Dieu. De cette façon, elles expriment leur véritable identité ecclésiale.

Il est donc nécessaire de reconsidérer de ce point de vue "le rôle des hôpitaux, des cliniques et des maisons de soin: leur véritable identité n'est pas seulement celle d'institutions où l'on s'occupe des malades ou des mourants, mais avant tout celle de milieux où la douleur, la souffrance et la mort sont reconnues et interprétées dans leur sens proprement humain et spécifiquement chrétien. D'une façon spéciale, cette identité doit apparaître clairement et efficacement dans les instituts dépendant de religieux ou liés en quelque autre manière à l'Eglise" (Lett. enc. Evangelium vitae EV 88).


4. Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, en me référant aux nombreux besoins qui, à notre époque, interpellent la sensibilité chrétienne, j'ai rappelé également ceux qui manquent des soins médicaux les plus élémentaires (cf. NM NM 50). L'Eglise se tourne vers ces frères et soeurs avec une sollicitude particulière, s'inspirant d'une nouvelle "imagination de la charité" (cf. ibid.).

Je souhaite que les institutions médicales catholiques et les institutions publiques puissent collaborer de façon efficace, unies par le désir commun de servir l'homme, en particulier le plus faible ou n'ayant pas de garantie sociale.

Très chers amis, avec ces souhaits, je vous confie tous à la protection maternelle de la Vierge Marie, Salus Infirmorum, tandis que, vous souhaitant tout le bien possible pour votre service ecclésial et pour votre activité professionnelle, je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers, une Bénédiction apostolique particulière.





AUX MEMBRES DU "POPE JOHN PAUL II CULTURAL CENTER" DE WASHINGTON (E-U)

Vendredi 8 novembre 2002


Eminence,
chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir une fois de plus cette année au Vatican, à l'occasion de votre visite annuelle. Je remercie le Cardinal Maida pour sa direction constante du Centre et de ses activités, et je vous remercie tous de soutenir ses efforts et de présenter la tradition catholique dans sa richesse et son importance culturelle.

Il est significatif que le Centre culturel ait ouvert ses portes précisément alors que le grand Jubilé de l'An 2000 se concluait et que l'Eglise se préparait à "avancer en eaux profondes" (cf. Lc 5,6) avec un engagement renouvelé à proclamer l'Evangile à toutes les nations et peuples. La mission du Centre, si proche de mon coeur, est inspirée par la ferme conviction selon laquelle Jésus-Christ, le Verbe incarné de Dieu, est le centre de l'histoire humaine et la clé qui ouvre au mystère de l'homme et révèle sa vocation sublime (cf. Gaudium et spes GS 22). Pour édifier un monde toujours plus digne de l'humanité, il est urgent de proclamer le Christ avec joie et conviction comme "le chemin, la vérité, la vie" (cf. Jn 14,6), qui peut illuminer la vie de chaque personne et le destin de toute la famille humaine. Le Centre culturel s'engage à montrer que l'Evangile répond à nos plus profondes aspirations, alors que celles-ci trouvent leur expression dans les cultures qui forment l'avenir de notre monde. Je souhaite qu'en accomplissant cette mission essentielle, le Centre apporte une contribution essentielle à la nouvelle évangélisation.

Chers amis, je vous remercie, ainsi que les membres et les bienfaiteurs du Centre, pour la promotion de vos initiatives. Je vous donne, ainsi qu'à vos familles, ma Bénédiction apostolique en signe de joie et paix dans le Seigneur.



AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE L'INSTITUT DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE

Vendredi 8 novembre 2002


  Très chères Filles de Marie Auxiliatrice!

1. Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion du Chapitre général de votre Institut, et je vous souhaite à toutes une cordiale bienvenue. Je salue la Supérieure générale, Soeur Antonia Colombo, qui a été reconfirmée dans sa charge, et je la remercie des paroles courtoises à travers lesquelles elle a interprété vos sentiments à toutes. Je lui souhaite de savoir guider, avec l'aide du nouveau Conseil général, votre famille religieuse dans une adhésion fidèle aux enseignements actuels des saints Jean Bosco et Maria Domenica Mazzarello. J'étends mon salut cordial au Recteur majeur, Dom Pascual Chàvez Villanueva, qui a voulu assister à cette rencontre.

Pendant ces journées d'intense travail, vous avez voulu concentrer votre attention sur le thème "Dans l'Alliance renouvelée, l'engagement en vue d'une citoyenneté active", en ayant bien à l'esprit le programme de vos fondateurs - "former de bons chrétiens et d'honnêtes citoyens" -, qui est d'une grande actualité dans le contexte social multiculturel actuel, marqué par des ten-sions et des défis parfois dramatiques. Ce programme vous appelle, chères Filles de Marie Auxiliatrice, à témoigner de l'espérance sur toutes les frontières du monde moderne, en sachant déterminer avec une grande audace missionnaire, les voies nouvelles de l'évangélisation et de la promotion humaine, en particulier au service des jeunes générations. Vous devez savoir transmettre aux nouvelles générations, dans un climat empreint de bienveillance, selon l'esprit de Dom Bosco, le message évangélique, qui se trouve résumé dans l'annonce du Père miséricordieux, prêt à embrasser chacun dans le Christ.

2. Pour mener à bien cette mission difficile, il est avant tout nécessaire de conserver une communion constante avec Jésus, en contemplant sans cesse son visage dans la prière, pour le servir ensuite chez vos frères avec toute l'énergie possible.

Je souhaite donc adresser à vous aussi l'exhortation évangélique: Duc in altum! (Lc 5,4), que j'ai proposée dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte à tout le peuple chrétien. Oui! Avancez en eaux profondes, très chères soeurs, et lâchez vos filets avec confiance au nom du Rédempteur. A une époque marquée par une culture préoccupante du vide et du "non sens", annoncez sans compromis le primat de Dieu qui entend toujours le cri des personnes opprimées et celles qui souffrent. Le fondement de tout engagement apostolique et l'antidote à toute dangereuse dispersion intérieure est la sainteté personnelle, dans une écoute docile de l'Esprit qui libère et transforme le coeur.

La sainteté constitue votre tâche essentielle et prioritaire, chères Salésiennes. Elle est la meilleure contribution que vous puissiez offrir à la nouvelle évangélisation, tout en étant la garantie d'un service authentiquement évangélique, en faveur des personnes les plus démunies.

3. Votre Famille religieuse bénéficie désormais d'une longue histoire, écrite par de courageux témoins du Christ, dont certains ont confirmé leur fidélité à l'Evangile par le martyre. Vous devez aujourd'hui poursuivre dans cette même voie, dans des milieux parfois troublés par des tensions et des peurs, par des conflits et des divisions, par des extrémismes et des violences, au point quelquefois d'obscurcir l'espérance. Toutefois, les nouvelles opportunités apostoliques et les ferments providentiels du renouveau évangélique ne manquent pas. Il vous est demandé, à vous comme à toutes les religieuses et tous les religieux, de vivre pleinement le choix radical des Béatitudes, en apprenant à l'école de Jésus, comme Marie, à écouter et à mettre en pratique l'exigeante Parole de Dieu. Les Béatitudes, comme je le rappelais à Toronto au cours de la rencontre avec les jeunes du monde entier, décrivent le visage de Jésus et, dans le même temps, celui du chrétien, elles sont comme le portrait du disciple authentique qui entend être en harmonie parfaite avec son divin Maître.

Animées par une telle ferveur spirituelle, vous n'hésiterez pas, avec une liberté prophétique et un sage discernement, à marcher sur des voies apostoliques et des frontières missionnaires audacieuses, en cultivant une étroite collaboration avec les Evêques et les autres composants de la communauté ecclésiale. Les vastes horizons de l'évangélisation et la nécessité urgente de témoigner du message évangélique à tous, sans distinction, constituent le champ de votre apostolat. De nombreuses personnes attendent encore de connaître Jésus, unique Rédempteur de l'homme, et nombreuses sont les situations d'injustice et de difficultés morales et matérielles qui interpellent les croyants.

4. Une mission d'une telle urgence requiert une conversion personnelle et communautaire permanente. Seuls des coeurs totalement ouverts à l'action de la Grâce sont en mesure d'interpréter les signes des temps et de recueillir les appels de l'humanité en mal de justice et de paix. Vous pourrez affronter les exigences des personnes, si vous conservez intact l'esprit de saint Jean Bosco et de sainte Maria Domenica Mazzarello, qui vécurent le regard tourné vers le ciel et le coeur joyeux, même lorsque la "sequela Christi" comportait des obstacles et des difficultés, voire d'apparents échecs.

Chères soeurs, que votre adhésion fidèle au Christ et à son Evangile rayonne dans les différents domaines de votre service ecclésial.

Que la Très Sainte Vierge, que vous vénérez sous le beau titre de Marie Auxiliatrice, vous protège, vous aide et soit la guide sûre du chemin de votre Famille religieuse, pour qu'elle puisse mener à terme chacun de ses projets de bien.

Avec ces souhaits, tout en assurant chacune d'entre vous et tout ceux que vous rencontrez dans votre apostolat quotidien, de mon affectueux souvenir dans la prière, je vous bénis toutes de grand coeur.





AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS DES AGENTS DE LA COMMUNICATION ET DE LA CULTURE PROMU PAR LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE ITALIENNE

Samedi 9 novembre 2002


1. Je salue avec affection Monsieur le Cardinal Camillo Ruini, Président de la Conférence épiscopale italienne, et je le remercie des paroles qu'il m'a adressées, se faisant l'interprète des sentiments de toutes les personnes présentes. Je souhaite une cordiale bienvenue aux autres Cardinaux, aux Archevêques et Evêques, au Ministre italien des Communications, M. Maurizio Gasparri, qui participent à cette rencontre avec les agents de la culture et de la communication, venus de toutes les régions d'Italie.

Vous avez réfléchi sur le thème: "Communication et culture: nouveaux itinéraires pour l'évangélisation du troisième millénaire". Il s'agit d'une pers-pective d'une importance fondamentale, qui mérite une profonde attention de la part de toute la communauté chrétienne.

L'Eglise se tourne vers vous, qui oeuvrez dans le domaine de la culture et de la communication, avec confiance et attente, car, en tant qu'acteurs des changements en cours dans ces domaines, dans le cadre de la mondialisation croissante, vous êtes appelés à lire et à interpréter les temps présents et à identifier les voies pour une communication de l'Evangile selon le langage et la sensibilité de l'homme contemporain.

2. Nous sommes conscients que les rapides transformations technologiques déterminent actuellement, en particulier dans le domaine de la communication sociale, une nouvelle condition pour la transmission du savoir, pour la coexistence entre les peuples, pour la formation des styles de vie et des mentalités. La communication engendre la culture et la culture se transmet à travers la communication.

Mais quelle culture peut être engendrée par une communication qui ne trouve pas son centre dans la dignité de la personne, la capacité à contribuer à répondre aux grandes interrogations de la vie humaine, l'engagement à servir avec honnêteté le bien commun, l'attention aux problèmes de la coexistence dans la justice et dans la paix? Dans ce domaine sont nécessaires des ouvriers qui, à travers le génie de la foi, sachent devenir les interprètes des modèles culturels actuels, en s'engageant à vivre cette époque de la communication non pas comme une période d'aliénation et d'égarement, mais comme un temps précieux pour la recherche de la vérité et le développement de la communion entre les personnes et les peuples.

3. Face à ce "nouvel aréopage", formé dans une large mesure par les médias, nous devons prendre toujours plus conscience que "l'évangélisation de la culture moderne dépend en grande partie de leur influence" (Redemptoris missio RMi 37). Il se peut que nous ne nous sentions pas préparés; toutefois, nous ne devons pas nous décourager. Nous savons que nous ne sommes pas seuls: une force irrésistible nous soutient, qui jaillit de la rencontre avec le Seigneur. Si vous avez pris cet engagement, chers agents de la communication et de la culture, c'est parce que vous aussi, en tant que disciples d'Emmaüs, vous avez reconnu le Seigneur ressuscité au partage du pain et vous avez senti votre coeur brûler de joie en l'écoutant. Telle est la source de la nouveauté culturelle la plus authentique. Tel est l'encouragement le plus fort pour un engagement cohérent de communication.

Ne nous lassons pas de fixer le regard sur Jésus de Nazareth, le Verbe fait chair, qui a réalisé la communication la plus importante pour l'histoire de l'humanité, en nous permettant de voir, à travers Lui, le visage du Père céleste (cf. Jn 14,9) et en nous donnant l'Esprit de Vérité (cf. Jn 16,13) qui nous enseigne toute chose. Mettons-nous une fois de plus à l'écoute de l'enseignement du Christ, afin que la multiplication des antennes sur les toits, en tant qu'instruments emblématiques de la communication moderne, ne devienne pas paradoxalement le signe de l'incapacité de voir et d'entendre, mais soit le signe d'une communication qui s'accroît au service de l'homme et du progrès intégral de toute l'humanité.



4. L'Eglise qui est en Italie a entrepris un chemin courageux dans cette direction. Le Congrès ecclésial de Palerme a déjà marqué le début d'une intense action pastorale. J'ai eu l'occasion, à ce moment-là, de vous encourager à faire de ce temps un "temps de mission et non de conservation". C'est surtout de là qu'a jailli la proposition d'un "projet culturel d'orientation chrétienne", en tant que contribution à l'élaboration d'une vision de la vie inspirée par la foi chrétienne. Les "orientations pastorales" elles-mêmes, proposées par les Evêques italiens pour cette décennie, sont caractérisées par ce choix, qui conduit à une participation des communautés chrétiennes et des croyants pour les soutenir dans la compréhension du temps présent, dans la recherche de styles de vie plausibles et dans une présence plus efficace des chrétiens dans la société.

A partir de ce choix fondamental, ont vu le jour de nombreuses initiatives de grand mérite dans le domaine des communications. A cet égard, il faut souligner la contribution à une lecture originale des faits et à la réflexion culturelle apportée par le quotidien national Avvenire, engagé dans une opération de relance importante et innovatrice. Tout aussi importantes sont les initiatives de soutien aux nombreux hebdomadaires catholiques italiens. De nouvelles possibilités sont apparues dans le domaine de la retransmission radiotélévisée avec la télévision par satellite Sat 2000 et le réseau radiophonique, qui regroupe de nombreuses radios locales.

Nous ne pouvons manquer de voir dans ce ferment pastoral et culturel un fruit concret et significatif du Décret conciliaire Inter mirifica. Ce Décret a donné lieu à une saison de grand renouveau et ses indications demeurent valables aujourd'hui encore.

5. Le témoignage des croyants trouve dans le monde des médias et de la culture un très vaste domaine d'expression. Dans ces secteurs également, il faut reconnaître les vocations spécifiques et les dons particuliers, que le Seigneur ne fera certainement pas manquer à son Eglise. Il est en particulier demandé aux fidèles laïcs d'apporter une preuve de professionnalisme et d'authentique conscience chrétienne.

Tous ceux, croyants et non-croyants, qui oeuvrent dans le domaine des médias et font la culture, doivent avoir une profonde conscience de leurs responsabilités, en particulier face aux sujets les plus vulnérables, qui sont souvent exposés, sans aucune protection, à des programmes marqués par la violence et véhiculant des visions déformées de l'homme, de la famille et de la vie. En particulier, les Autorités publiques et les associations pour la protection des spectateurs sont appelées à oeuvrer selon leurs compétences et leurs responsabilités, afin que les médias conservent leur éminente finalité première de service aux personnes et à la société. L'absence de contrôle et de vigilance n'est pas une garantie de liberté, comme beaucoup veulent le faire croire, et finit plutôt par encourager une utilisation indiscriminée d'instruments très puissants qui, s'ils sont mal utilisés, produisent des effets dévastateurs sur les consciences des personnes et dans la vie sociale. Dans un système de communications, toujours plus complexe et à échelle planétaire, il faut également des règles claires et justes pour garantir le pluralisme la liberté, la participation et le respect des utilisateurs.

6. Chers agents de la communication et de la culture, un grand défi vous attend: envisagez avec confiance et espérance l'avenir, en consacrant vos meilleures énergies et en ayant confiance dans le soutien du Seigneur! Je vous accompagne par ma prière, en sachant bien, grâce également à mon expérience personnelle, combien la question culturelle est centrale pour l'évangélisation et combien les médias peuvent contribuer à un renouveau culturel profond, illuminé par l'Evangile.

Que Marie, qui a accueilli le Verbe de la vie et a reçu avec les autres Apôtres le don de l'Esprit dans l'effusion de la Pentecôte, vous accompagne et vous soutienne, afin que vous puissiez toujours annoncer et témoigner de l'Evangile, à travers votre vie et votre engagement dans les communications et dans la culture.

Je donne à tous ma Bénédiction!



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II À LA "CATHOLIC FRATERNITY OF CHARISMATIC COVENANT COMMUNITIES AND FELLOWSHIPS"


  A la "Catholic Fraternity of Charismatic Covenant Communities and Fellowships"


"Que le Dieu de l'espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l'espérance surabonde en vous par la vertu de l'Esprit Saint" (Rm 15,13). C'est avec les paroles de l'Apôtre Paul que je vous salue à l'occasion de votre Conférence qui se tient en ce moment à Rome. Il s'agit véritablement d'une occasion de joyeuse action de grâce alors que vous célébrez trente-cinq ans de renouveau charismatique catholique dans l'Eglise. Tandis que j'entre dans la vingt-cinquième année de mon pontificat, je vous remercie pour les prières avec lesquelles vous m'avez accompagné, ainsi que pour votre fidélité au ministère qui m'a été confié. Votre contribution à la vie de l'Eglise, à travers votre témoignage fidèle de la présence et de l'action de l'Esprit Saint, a aidé de nombreuses personnes à redécouvrir dans leur vie la beauté de la grâce qui leur a été donnée par le Baptême, le porche de la vie dans l'Esprit (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1213). Cela les a aidées à connaître la puissance de la pleine effusion de l'Esprit Saint conférée lors de la Confirmation (cf. ibid., CEC CEC 1302). Je m'unis à votre action de grâce à la Très Sainte Trinité pour l'oeuvre de l'Esprit, qui continue à attirer les personnes plus pleinement dans la vie du Christ et à rendre leurs liens avec l'Eglise plus parfaits (cf. Lumen gentium LG 11).

Votre réflexion sur la vie de famille, la jeunesse et la promotion humaine ne peut manquer d'ouvrir vos coeurs et votre esprit aux besoins de l'humanité, tandis qu'elle lutte pour trouver un but à un monde trop souvent frappé par "une crise du sens" (Fides et ratio FR 81). Vous êtes pleinement conscients de l'urgence d'une nouvelle évangélisation de la culture, afin que la vie puisse être marquée par l'espérance plutôt que par la peur ou le scepticisme. Dans ma Lettre apostolique Novo Millennio ineunte, j'ai encouragé chacun à avoir confiance dans les paroles du Christ à Pierre et à "avancer en eau profonde" ("Duc in altum", Lc Lc 5,4). Je vous encourage à faire de vos communautés des signes vivants d'espérance, des phares de la Bonne Nouvelle de Dieu pour les hommes et les femmes de notre temps.

Etre des témoins authentiques de l'espérance signifie être des témoins authentiques de la vérité et de la vision de la vie confiée et proclamée par l'Eglise. La communion dans la foi et la vie, en union sincère avec les Successeurs des Apôtres, est en soi un témoignage puissant de l'ancre de la vérité dont le monde a tant besoin. Le grand défi auquel nous devons faire face au cours de ce nouveau millénaire est donc de faire de l'Eglise la maison et l'école de la communion (cf. Novo Millennio ineunte NM 43). Et ce qui constitue un défi pour toute l'Eglise l'est certainement également pour la "Catholic Fraternity of Charismatic Covenant Communities and Fellowships". La fidélité à la nature ecclésiale de vos communautés garantira que leurs prières et leurs activités soient des instruments du profond mystère ecclésial qui donne la vie. Cela déterminera précisément leur capacité à attirer de nouveaux membres. Ainsi, avec saint Pierre, je vous encourage à répondre de l'espérance qui est en vous; mais faites-le avec douceur et respect (cf. 1P 3,15-16).

En confiant le travail de vos Conférences à la protection constante de Marie, mère de l'Eglise et Siège de la Sagesse, je donne cordialement à chacun de vous, ainsi qu'aux communautés que vous représentez, ma Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 7 novembre 2002.

  IOANNES PAULUS II




AUX PARTICIPANTS À l'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE L' ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES

Lundi 11 novembre 2002


Chers membres de l'Académie pontificale des Sciences,

C'est pour moi un grand plaisir de vous rencontrer, à l'occasion de votre Assemblée plénière, et je souhaite une bienvenue particulière aux nouveaux membres parmi vous. Votre débat et votre réflexion se concentrent cette année sur "les Valeurs culturelles de la Science". Ce thème vous permet de prendre en considération les développements scientifiques en relation avec d'autres aspects généraux de l'expérience humaine.

En effet, avant même de parler des valeurs culturelles de la science, nous pourrions dire que la science elle-même représente une valeur pour la connaissance humaine et la communauté humaine. Car c'est grâce à la science que nous avons aujourd'hui une compréhension plus profonde de la place de l'homme dans l'univers, des liens entre l'histoire humaine et l'histoire du cosmos, de la cohésion structurelle et de la symétrie des éléments dont est composée la matière, de la remarquable complexité et, en même temps, de l'incroyable coordination du processus de vie lui-même. C'est grâce à la science que nous pouvons apprécier encore plus ce qu'un membre de cette Académie a appelé "le miracle de l'être humain": tel est le titre que John Eccles, titulaire du Prix Nobel de Neurophysiologie en 1963 et membre de l'Académie pontificale des Sciences, a donné à son livre sur le cerveau et l'esprit humain (J.C. Eccles, D.N. Robinson, Le miracle de l'être humain: notre cerveau et notre esprit; Free Press, New York, 1984).

Cette connaissance revêt une valeur extraordinaire et profonde pour toute la famille humaine et est également d'une importance incommensurable pour les disciplines de la philosophie et de la théologie, tandis qu'elles avancent sur la voie de l'intellectus quaerens fidem et de la fides quarens intellectum, et recherchent une compréhension toujours plus complète de la richesse de la connaissance humaine et de la révélation biblique. Si la philosophie et la théologie comprennent mieux aujourd'hui que par le passé ce que signifie être un être humain dans le monde, elles le doivent en grande partie à la science, car c'est la science qui nous a montré combien les oeuvres de la création sont nombreuses et complexes et combien le cosmos est illimité. L'émerveillement absolu qui a inspiré les premières réflexions philosophiques sur la nature ne diminue pas avec les nouvelles découvertes scientifiques réalisées. Au contraire, il augmente avec l'acquisition de chaque nouvelle notion. L'espèce capable d'"émerveillement de créature" est transformée au fur et à mesure que notre compréhension de la vérité et de la réalité devient plus complète, et que nous sommes conduits à accomplir une recherche toujours plus profonde dans le royaume de l'expérience et de l'existence humaines.

Mais la valeur culturelle et humaine de la science est également visible dans son passage d'un niveau de recherche et de réflexion à celui de la pratique concrète. En effet, le Seigneur Jésus a averti ses disciples: "A qui on aura donné beaucoup, il sera demandé beaucoup" (Lc 12,48). C'est pourquoi les scientifiques, précisément parce qu'"ils savent plus", sont appelés à "servir plus". Etant donné que la liberté dont ils jouissent dans la recherche leur donne accès à une connaissance spécialisée, ils ont la responsabilité de l'utiliser de façon avisée pour le bénéfice de toute la famille humaine. Je pense ici non seulement aux dangers que comporte une science privée d'une éthique solidement enracinée dans la nature de la personne humaine et dans le respect pour l'environnement, thèmes dont j'ai traité de nombreuses fois par le passé (cf. Discours à l'Académie pontificale des Sciences, 28 octobre 1994, 27 octobre 1998 et 12 mars 1999; Discours à l'Académie pontificale pour la Vie, 24 février 1998).

Je pense également aux immenses bénéfices que la science peut apporter aux personnes dans le monde à travers la recherche fondamentale et les applications technologiques. En préservant son autonomie légitime des pressions économiques et politiques, en ne cédant pas aux forces du consensus ou à la recherche du profit, en s'engageant à la recherche désintéressée visant à la vérité et au bien commun, la communauté scientifique peut aider les peuples du monde et les servir plus qu'aucune autre structure ne pourrait le faire.

Au début de ce nouveau siècle, les scientifiques doivent se demander s'ils ne peuvent pas faire davantage à cet égard. Dans une société toujours plus mondialisée, ne peuvent-ils pas faire davantage pour accroître le niveau de l'instruction et améliorer les conditions de santé, pour étudier des stratégies en vue d'une distribution plus équitable des ressources, pour faciliter la libre circulation de l'information et l'accès de tous à la connaissance qui améliore la qualité et le niveau de vie? Je sais qu'ils le peuvent, et je sais que vous le pouvez, chers membres de l'Académie pontificale des Sciences! Tandis que vous vous préparez à célébrer le IV centenaire de l'Académie l'an prochain, transmettez ces préoccupations communes et ces aspirations aux Organismes internationaux qui bénéficient de votre travail, transmettez-les à vos collègues, transmettez-les dans les lieux où vous accomplissez votre recherche et où vous enseignez. De cette façon, la science contribuera à unir les esprits et les coeurs, en promouvant le dialogue non seulement entre les chercheurs dans différentes parties du monde, mais également entre les nations et les cultures, en apportant une contribution inestimable à la paix et à l'harmonie entre les peuples.

En renouvelant mes meilleurs voeux pour le succès de votre travail au cours de ces journées, j'élève ma voix vers le Seigneur des cieux et de la terre, en priant pour que votre activité devienne toujours plus un instrument de vérité et d'amour dans le monde. Sur vous, sur vos familles et sur vos collègues, j'invoque une abondance de grâces et de Bénédictions divines.



VISITE AU PARLEMENT ITALIEN (PALAZZO MONTECITORIO)

Jeudi 14 novembre 2002




Monsieur le Président de la République italienne,
Messieurs les Présidents de la Chambre des Députés et du Sénat,
Monsieur le Président du Conseil des Ministres,
Messieurs et Mesdames les Députés et les Sénateurs,



1. Je me sens profondément honoré par l’accueil solennel qui m’est offert aujourd’hui en ce lieu prestigieux où vous représentez dignement le peuple italien tout entier. À tous et à chacun d’entre vous, j’adresse mes salutations déférentes et cordiales, bien conscient de la forte signification de la présence du Successeur de Pierre au Parlement italien.

Je remercie Monsieur le Président de la Chambre des Députés et Monsieur le Président du Sénat de la République pour les paroles élevées avec lesquelles ils ont interprété vos sentiments à tous, se faisant aussi l’écho des millions de citoyens dont j’ai quotidiennement les témoignages d’affection dans les nombreuses occasions où il m’est donné de les rencontrer. Ce sont des sentiments d’attachement qui m’ont toujours accompagné, depuis les premiers mois de mon élection au Siège de Pierre. Pour cela, je veux exprimer à tous les Italiens, en cette circonstance particulière, ma vive gratitude.

Au cours de mes années d’études à Rome, puis des visites que je faisais périodiquement en Italie comme évêque, notamment pendant le Concile oecuménique Vatican II, mon admiration n’a fait que croître pour ce pays dans lequel l’annonce évangélique, parvenue ici dès les temps apostoliques, a fait naître une civilisation riche de valeurs universelles et une floraison d’oeuvres d’art admirables, par lesquelles les mystères de la foi ont été exprimés dans des images d’une beauté incomparable. Combien de fois n’ai-je pas touché du doigt, pour ainsi dire, les traces glorieuses que la religion chrétienne a imprimées dans les moeurs et dans la culture du peuple italien, et qui se sont concrétisées dans de nombreuses figures de saints et de saintes dont le charisme a exercé une influence extraordinaire sur les populations d’Europe et du monde! Il suffit de penser à saint François d’Assise et à sainte Catherine de Sienne, patrons de l’Italie.

2. Oui vraiment, les liens qui existent entre le Saint-Siège et l’Italie sont profonds ! Nous savons bien qu’ils sont passés à travers des phases et des difficultés fort diverses, sans échapper aux vicissitudes et aux contradictions de l’histoire. Mais en même temps nous devons reconnaître que, dans la succession parfois tumultueuse des événements, ces liens ont suscité des élans hautement positifs tant pour l’Église de Rome, et donc pour l’Église, que pour la chère Nation italienne.

À cette oeuvre de rapprochement et de collaboration, dans le respect de l’indépendance et de l’autonomie mutuelles, ont beaucoup contribué les grands Papes que l’Italie a donnés à l’Église et au monde durant le siècle dernier: il suffit de penser à Pie XI, le Pape de la Réconciliation, et à Pie XII, le Pape du salut de Rome, et aussi, plus proches de nous, aux Papes Jean XXIII et Paul VI, dont j’ai voulu moi-même, comme Jean-Paul Ier, prendre les noms.

3. En essayant de jeter un regard synthétique sur les siècles passés, nous pourrions dire que l’identité sociale et culturelle de l’Italie, ainsi que la mission de civilisation qu’elle a accomplie et qu’elle accomplit encore en Europe et dans le monde, pourraient difficilement se comprendre hors de la sève vitale qui est constituée par le christianisme.

Qu’il me soit donc permis de vous inviter respectueusement, vous les Représentants élus de cette Nation, et avec vous tout le peuple italien, à nourrir une confiance convaincue et réfléchie envers le patrimoine de vertus et de valeurs transmis par vos prédécesseurs. C’est sur la base d’une confiance similaire que l’on peut affronter avec lucidité les problèmes, même complexes et difficiles, du moment présent et tourner encore audacieusement le regard vers l’avenir, en s’interrogeant sur la contribution que l’Italie peut apporter au développement de la civilisation humaine.

À la lumière de l’expérience juridique extraordinaire qui a mûri au long des siècles à partir de la Rome païenne, comment ne pas ressentir par exemple le désir de continuer à offrir au monde le message fondamental selon lequel, au coeur de chaque loi civile juste, il doit y avoir le respect de l’homme, de sa dignité et de ses droits inaliénables ? Avec raison, l’antique adage affirmait: Hominum causa omne ius constitutum est. Dans une telle affirmation, on trouve implicitement la conviction qu’il existe une «vérité sur l’homme», qui s’impose au-delà de la barrière des langues et des cultures diverses.

Dans cette perspective, parlant devant l’Assemblée des Nations unies pour le cinquantième anniversaire de sa fondation, j’ai rappelé qu’il y a des droits humains universels, enracinés dans la nature de la personne, dans lesquels se reflètent les exigences objectives d’une loi morale universelle. Et j’ajoutais: «Loin d’être des affirmations abstraites, ces droits nous disent au contraire quelque chose d’important pour la vie concrète de tout homme et de tout groupe social. Ils nous rappellent aussi que nous ne vivons pas dans un monde irrationnel ou privé de sens, mais que, au contraire, il y a une logique morale qui éclaire l’existence humaine et qui rend possible le dialogue entre les hommes et entre les peuples» (La Documentation catholique, 92 [1995], p. 915).



4. En observant avec une attention bienveillante le chemin de cette grande Nation, je suis aussi conduit à penser que, pour mieux exprimer ses talents caractéristiques, elle a besoin d’accroître sa solidarité et sa cohésion internes. En raison des richesses de sa longue histoire, en raison de la multiplicité et de la vigueur de sa présence et de ses initiatives sociales, culturelles et économiques qui dessinent le contour multiforme de ses habitants et de son territoire, la réalité de l’Italie est assurément très complexe et elle serait appauvrie et affaiblie par une uniformité forcée.

La voie qui permet de maintenir et de valoriser les différences, sans que ces dernières ne deviennent sujets de contestation ni obstacles à un progrès commun, est celle d’une solidarité sincère et loyale. Celle-ci s’enracine profondément dans l’esprit et dans les moeurs du peuple italien, et elle se manifeste actuellement, entre autres, dans de nombreuses et méritoires formes de bénévolat. Mais on en ressent aussi la nécessité dans les relations entre les multiples composantes sociales de la population et entres les diverses zones géographiques dans lesquelles elle vit.

Vous-mêmes, en tant que responsables politiques et représentants des Institutions, vous pouvez donner en ce domaine un exemple particulièrement important et efficace, d’autant plus significatif que la dialectique des relations politiques pousse au contraire à mettre en évidence les oppositions. En effet, votre activité se réalise avec toute sa noblesse dans la mesure où elle se révèle guidée par un authentique esprit de service des citoyens.

5. À ce propos, la présence dans l’esprit de chacun d’une vive sensibilité pour le bien commun est décisive. L’enseignement du Concile Vatican II en la matière est très clair: «La communauté politique existe [...] pour le bien commun, dans lequel elle trouve sa pleine justification et sa pleine signification, et dont elle tire son droit originel et propre» (Gaudium et spes GS 74).

Les défis qui se posent à un État démocratique exigent de tous les hommes et femmes de bonne volonté, indépendamment de l’option politique de chacun, une coopération solidaire et généreuse pour édifier le bien commun de la Nation.Par ailleurs, une telle coopération ne peut être séparée de la référence aux valeurs éthiques fondamentales inscrites dans la nature même de l’homme. À ce sujet, dans l’encyclique Veritatis splendor, je mettais en garde contre «le risque de l'alliance entre la démocratie et le relativisme éthique qui retire à la convivialité civile toute référence morale sûre et la prive, plus radicalement, de l'acceptation de la vérité» (VS 101). En effet, s’il n’existe aucune vérité ultime qui guide et oriente l’action politique, comme je le notais dans une autre encyclique, Centesimus annus, «les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l'histoire» (CA 46).



6. Dans une circonstance aussi solennelle, je ne peux pas passer sous silence une autre grave menace qui pèse sur l’avenir de ce pays, conditionnant dès aujourd’hui sa vie et ses possibilités de développement. Je veux parler de la crise de la natalité, du déclin démographique et du vieillissement de la population. L’évidence crue des chiffres contraint à prendre acte des problèmes humains, sociaux et économiques que cette crise posera inévitablement à l’Italie dans les prochaines décennies, mais surtout elle incite – j’ose même dire elle oblige – les citoyens à un engagement responsable et convergent, pour inciter à une nette inversion de tendance.

L’action pastorale en faveur de la famille et de l’accueil de la vie, et plus généralement d’une existence ouverte à la logique du don de soi, est la contribution que l’Église offre à l’établissement d’une mentalité et d’une culture à l’intérieur desquelles cette inversion de tendance s’avère possible. Mais il y aussi de grands espaces pour une initiative politique qui, tout en maintenant fermement la reconnaissance des droits de la famille comme société naturelle fondée sur le mariage, selon les termes mêmes de la Constitution de la République italienne (cf. art. 29), rende socialement et économiquement moins onéreux l’accueil et l’éducation des enfants.

7. Dans une période de changements souvent radicaux, où les expériences du passé semblent devenues non pertinentes, une solide formation de la personne devient une nécessité croissante. Cela aussi, illustres Représentants du peuple italien, constitue un domaine qui requiert la collaboration la plus large, afin que les responsabilités primordiales des parents trouvent des soutiens appropriés. La formation intellectuelle et l’éducation morale des jeunes demeurent les deux voies fondamentales à travers lesquelles, au cours des années décisives de la croissance, chacun peut s’éprouver lui-même, élargir les horizons de son esprit et se préparer à affronter la réalité de la vie.

L’homme mène une existence authentiquement humaine grâce à la culture. C’est par la culture que l’homme devient plus homme, qu’il accède plus intensément à «l’être» qui lui est propre. Il est d’ailleurs clair aux yeux du sage que l’homme compte comme homme par ce qu’il est plus que par ce qu’il a.La valeur humaine de la personne est directement et substantiellement liée à l’être, et non à l’avoir. C’est précisément pour cela qu’une Nation soucieuse de son avenir favorise le développement de l’école dans un sain climat de liberté et qu’elle ne ménage pas ses efforts pour en améliorer la qualité, en étroite relation avec les familles et avec toutes les composantes sociales, comme cela se réalise du reste dans la plus grande partie des pays européens.

Pour la formation de la personne, le climat moral qui prédomine dans les rapports sociaux, et qui trouve actuellement une expression massive et déterminante dans les moyens de communication, n’en est pas moins important: c’est là un défi dans lequel toute personne et toute famille sont impliquées, mais qui interpelle à un titre particulier ceux qui ont de plus grandes responsabilités politiques et institutionnelles. Pour sa part, l’Église ne se lassera jamais de développer, même dans ce domaine, cette mission éducative qui appartient à sa nature même.

8. Le caractère réellement humaniste d’un corps social se manifeste particulièrement dans l’attention qu’il réussit à témoigner envers ses membres les plus faibles. Considérant le chemin parcouru par l’Italie durant les presque soixante ans qui nous séparent des ruines de la deuxième guerre mondiale, nous ne pouvons pas ne pas admirer les progrès considérables accomplis en vue d’une société où sont assurées à tous des conditions de vie acceptables. Mais il faut également reconnaître la crise de l’emploi qui reste grave, surtout chez les jeunes, ainsi que les nombreuses pauvretés, les misères et les marginalisations, anciennes ou nouvelles, qui atteignent beaucoup de personnes et beaucoup de familles italiennes ou immigrées dans ce pays. On ressent donc vivement le besoin d’une solidarité spontanée et capillaire, à laquelle l’Église est, de toutes ses forces, attentive à donner généreusement sa contribution.

Toutefois, une telle solidarité ne peut pas ne pas compter surtout sur la sollicitude constante des Institutions publiques. En ce sens, et sans compromettre la garantie nécessaire de la sécurité des citoyens, la situation des prisons mérite attention. Les détenus y vivent souvent dans de pénibles conditions de surpopulation. Un signe de clémence envers eux, par une réduction de peine, constituerait une claire manifestation de considération, qui ne manquerait pas de stimuler chez eux l’effort de relèvement personnel en vue d’une réinsertion positive dans la société.

9. Une Italie confiante en elle-même et avec une forte cohésion constitue une grande richesse pour les autres Nations d’Europe et du monde. Je désire partager avec vous cette conviction au moment où sont en train de se définir les contours institutionnels de l’Union européenne et où l’on s’achemine désormais vers son élargissement à de nombreux pays de l’Europe centrale et orientale, au point de sceller presque le dépassement d’une division non naturelle. Je nourris l’espoir que, grâce aussi à l’Italie, ne fera pas défaut aux fondations de la «maison commune» européenne le «ciment» de l’extraordinaire héritage religieux, culturel et civil qui a fait la grandeur de l’Europe au cours des siècles.

Il est donc nécessaire de se garder d’une vision du Continent qui ne prenne en compte que les aspects économiques et politiques, ou qui se laisse aller sans réflexion critique à des modes de vie inspirés par un consumérisme indifférent aux valeurs de l’esprit. Si l’on veut donner une stabilité durable à la nouvelle unité européenne, il est nécessaire de veiller à ce qu’elle s’appuie sur les fondements éthiques qui en furent autrefois la base, laissant en même temps un espace aux richesses et aux diversités des cultures et des traditions qui caractérisent les différentes nations. Devant cette noble Assemblée, je voudrais aussi renouveler l’appel que j’ai adressé ces dernières années aux divers Peuples du Continent: «Europe, au seuil d’un nouveau millénaire, ouvre encore tes portes au Christ !»

10. Le nouveau siècle à peine engagé apporte avec lui un besoin croissant de concorde, de solidarité et de paix entre les Nations: tel est en effet l’exigence inéluctable d’un monde toujours plus interdépendant et maintenu par un réseau mondial d’échanges et de communications, dans lequel cependant continuent à subsister des inégalités effrayantes. Malheureusement, les espérances de paix sont brutalement contredites par l’aggravation de conflits chroniques, à commencer par celui qui ensanglante la Terre Sainte. À cela s’ajoute le terrorisme international, qui a pris une nouvelle et terrible dimension, impliquant aussi de manière totalement déformée les grandes religions. C’est précisément dans une telle situation que les religions sont au contraire incitées à manifester tout leur potentiel de paix, orientant et comme «convertissant» vers une compréhension réciproque les cultures et les civilisations qui s’en inspirent.

Pour une entreprise de cette importance – le sort du genre humain dépendra de ses résultats dans les prochaines décennies –, le christianisme a une attitude et une responsabilité tout à fait particulières: annonçant le Dieu de l’amour, il se présente comme la religion du respect mutuel, du pardon et de la réconciliation. L’Italie et les autres Nations qui ont leur matrice historique dans la foi chrétienne sont presque intrinsèquement préparées à ouvrir à l’humanité de nouveaux chemins de paix, n’ignorant pas la dangerosité des menaces actuelles, mais ne se laissant pas non plus emprisonner dans une logique d’affrontements qui serait sans solutions.

Illustres Représentants du Peuple italien, de mon coeur jaillit spontanément une prière: de cette très antique et glorieuse Ville – de «cette Rome dont le Christ est Romain», selon la définition bien connue de Dante (Le purgatoire, 32, 102) –, je demande au Rédempteur de l’homme de faire en sorte que la chère Nation italienne puisse continuer, dans le présent et dans l’avenir, à vivre selon sa lumineuse tradition, sachant puiser en elle de nouveaux et abondants fruits de civilisation, pour le progrès matériel et spirituel du monde entier.

Que Dieu bénisse l’Italie !






Discours 2002 - Mardi 5 novembre 2002