Discours 2002 - Jeudi 14 novembre 2002


AUX ÉVÊQUES BRÉSILIENS DE LA RÉGION "EST II" EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 16 novembre 2002



Vénérés frères dans l'épiscopat,



1. Je vous salue tous affectueusement en reprenant les paroles de Pierre, le premier Pape: "A vous grâce et paix en abondance, par la connaissance de notre Seigneur", ayant vous aussi reçu "par la justice de Dieu et notre Sauveur Jésus-Christ", "une foi d'un aussi grand prix" (2P 1,1-2), afin de raviver l'espérance dans le coeur des hommes et des femmes de notre temps.

Je désire remercier S.Em. le Card. Serafim Fernandes de Araújo, Archevêque de Belo Horizonte, des paroles et des sentiments qu'il m'a exprimés au nom de tout l'épiscopat du Minas Gerais et d'Espíritu Santo, heureux de constater que l'amour du Christ vous incite à un apostolat intense et généreux en faveur de la croissance du Royaume de Dieu dans les communautés qui vous ont été confiées. Cette visite "ad limina" vous donne l'opportunité d'exposer de façon suffisamment développée, que ce soit à travers les comptes-rendus que vous avez présentés ou au cours des entretiens personnels que vous avez eus avec moi, vos inquiétudes et vos préoccupations pastorales. Ma rencontre d'aujourd'hui avec vous me permet, tout d'abord, de vous remercier au nom de l'Eglise, pour votre zèle dans le travail que vous accomplissez et, ensuite, de vous confirmer dans la mission commune de Bon Pasteur, qui offre au Peuple de Dieu, en particulier aux familles, les pâturages où trouver la vie et la trouver en abondance.



2. Dans la Lettre que j'ai adressée aux familles en 1994, j'ai dit que la famille se trouve: "au centre du grand affrontement entre le bien et le mal, entre la vie et la mort, entre l'amour et tout ce qui s'oppose à l'amour. C'est à la famille qu'est confiée la tâche de lutter d'abord pour libérer les forces du bien, dont la source se trouve dans le Christ Rédempteur de l'homme. Il faut faire en sorte que chaque foyer s'approprie ces forces afin que [....] la famille soit "forte de Dieu"" (LF 23).

Cellule originelle de la société et "Eglise domestique" (Lumen gentium LG 11), la famille constitue le premier milieu naturel de la maturation humaine et chrétienne des nouvelles générations, les formant aux valeurs chrétiennes de l'honnêteté et de la fidélité, de l'amour du travail et de la confiance dans la Divine Providence, de l'hospitalité et de la solidarité. Aujourd'hui, elle a donc besoin d'un soutien particulier pour résister aux menaces de l'éclatement dues à la culture individualiste.



3. Au cours de mon pontificat, j'ai insisté sur l'importance du rôle joué par le noyau familial dans la société. Je me rappelle qu'au cours de mon premier voyage pastoral au Brésil, j'ai souligné son influence dans la formation de votre culture (cf. Homélie, Rio de Janeiro, 1 juillet 1980). Il existe des valeurs qui dénotent une tradition acquise depuis longtemps par le peuple brésilien, telles que le respect, la solidarité, la vie privée; des valeurs qui ont une origine commune: la foi vécue par vos ancêtres. La femme brésilienne a, en particulier, toujours possédé sa propre place, irremplaçable et fondamentale, en ce qui concerne l'origine de chaque famille et sa durée. L'épouse apporte au mariage, et la mère à la vie de famille, des dons particuliers, liés à sa physiologie et à sa psychologie: caractère, intelligence, sensibilité, affection, compréhension de la vie et attitude face à celle-ci, mais surtout spiritualité et relation avec Dieu, indispensables pour forger l'homme et la femme de demain. Elle constitue le maillon fondamental de l'amour, la paix et la garantie d'avenir de toute communauté familiale.

Il ne fait aucun doute qu'il existe des facteurs sociaux responsables de la déstabilisation du noyau familial au cours de ces dernières décennies, qui ont été indiqués dans les Documents de Puebla: des facteurs sociaux (structures d'injustice), culturels (éducation et moyens de communication sociale), politiques (domination et manipulation), économiques (salaires, chômages, emplois multiples) et religieux (sécularisme) (n. 572). Sans oublier que, dans certaines régions de votre pays, la carence de logements et d'hygiène, de structures sanitaires et d'éducation contribuent à la désagrégation de la famille.

A ces facteurs, il faut ajouter le manque de valeurs morales qui ouvre les portes à l'infidélité et à la dissolution des liens du mariage. Les lois civiles qui ont favorisé le divorce et menacent la vie en cherchant à introduire officiellement l'avortement, les campagnes de contrôle des naissances qui, au lieu d'inviter à une procréation responsable, en respectant les rythmes naturels de la fertilité, ont conduit à la stérilisation de milliers de femmes, en particulier du Nord-Est, et ont diffusé l'utilisation de méthodes contraceptives, révèlent à présent leurs résultats les plus dramatiques. Le manque d'information objective et le déracinement géographique portent atteinte à la coexistence sociale, donnant lieu à un processus de désagrégation du noyau familial dans ses éléments essentiels.

Cette situation, malgré les efforts indéniables de diverses initiatives pastorales ou mouvements religieux, visant à retrouver la vision chrétienne de la famille, semble continuer à influencer la réalité sociale brésilienne.



4. Je connais votre engagement pour défendre et promouvoir cette institution, qui a ses origines en Dieu et dans son dessein de salut (cf. Familiaris consortio FC 49). Aujourd'hui, nous observons un courant très présent dans certaines zones qui tend à affaiblir sa véritable nature. De fait, les tentatives ne manquent pas, dans l'opinion publique et la législation civile, d'assimiler la famille à de simples unions de fait ou à reconnaître comme telle l'union de personnes du même sexe. Ces anomalies, ainsi que d'autres, nous conduisent à proclamer, avec fermeté pastorale, la vérité sur le mariage et la famille. Cesser de le faire serait une grave omission pastorale, qui induirait les personnes en erreur, en particulier celles qui ont la lourde responsabilité de prendre des décisions sur le bien commun de la nation.

Il est nécessaire d'apporter une réponse ferme à cette situation, en particulier à travers une action catéchétique et éducative plus incisive et constante, permettant de promouvoir l'idéal chrétien de la communion conjugale fidèle et indissoluble, véritable chemin de sainteté et d'ouverture à la vie.

Dans ce contexte, je rappelle à nouveau la nécessité de respecter la dignité inaliénable de la femme, afin de renforcer son rôle important, que ce soit au sein de la famille ou au sein de la société en général. En effet, il est triste d'observer que "la femme fait encore l'objet de discrimination" (Ecclesia in America ), en particulier lorsqu’elle est victime d'abus sexuels et de la domination masculine. Il est donc nécessaire de sensibiliser les institutions publiques dans le but de promouvoir davantage la vie familiale fondée sur le mariage et de protéger la maternité dans le respect de la dignité de toutes les femmes (cf. Ibid. EIA ). En outre, on n'insiste jamais assez sur la valeur irremplaçable de la femme dans le foyer domestique: celle-ci, après avoir donné le jour à un enfant, est le point de référence constant pour la croissance humaine et spirituelle de ce nouvel être. L'amour de la mère dans la famille est un don précieux, un trésor que l'on conserve pour toujours dans son coeur.



5. Nous ne pouvons pas oublier que la famille doit témoigner de ses valeurs face à elle-même et à la société. Les tâches que Dieu invite à accomplir dans l'histoire naissent du même dessein originel et représentent son développement dynamique et existentiel. Les conjoints doivent être les premiers à témoigner de la grandeur de la vie conjugale et familiale, fondée sur la fidélité à l'engagement pris devant Dieu. Grâce au Sacrement du Mariage, l'amour humain acquiert une valeur surnaturelle, en rendant les conjoints capables de participer à l'amour rédempteur du Christ et de vivre en tant qu'éléments vivants de la sainteté de l'Eglise. Cet amour assume la responsabilité de contribuer à la naissance de nouveaux fils de Dieu.

Toutefois, comment apprendre à aimer et à se donner avec générosité? Rien ne pousse autant à aimer, disait saint Thomas, que de se savoir aimé. Et c'est précisément la famille, communion de personnes où règne l'amour gratuit, désintéressé et généreux, le lieu où l'on apprend à aimer. L'amour réciproque des conjoints se prolonge dans l'amour pour les enfants. La famille est, en effet, plus que tout autre réalité humaine, le milieu dans lequel l'homme est aimé pour lui-même et où l'on apprend à vivre "le don sincère de soi". La famille est donc une école d'amour, dans la mesure où elle assume sa propre identité: la communion d'amour stable entre un homme et une femme, fondée sur le mariage et ouverte à la vie.

Vénérés frères dans l'épiscopat, j'ai voulu rappeler ces principes car, lorsque l'amour, la fidélité ou la générosité à l'égard des enfants disparaissent, la famille se dénature. Et les conséquences ne se font pas attendre: la solitude pour les adultes, l'abandon pour les enfants, la vie qui semble devenir un territoire inhospitalier pour tous. Je l'ai fait, dans un certain sens, pour inviter toutes les forces de la pastorale diocésaine à ne pas hésiter en assistant les conjoints qui se trouvent en difficulté, en les encourageant opportunément à être fidèles à leur vocation de service à la vie et à la pleine humanité de l'homme et de la femme, fondement de la "civilisation de l'amour". A ceux qui craignent les exigences que cette fidélité comporte, le Pape dit: N'ayez pas peur des risques! "Il n'est pas de situation difficile qui ne puisse être affrontée de façon adéquate lorsque l'on cultive un climat cohérent de vie chrétienne" (Discours à l'Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Famille, du 18 octobre 2002, n. 3). Du reste, l'efficacité du Sacrement de la Pénitence, chemin de réconciliation avec Dieu et avec le prochain, est infiniment plus grand que le mal qui agit.



6. Lors de la Campagne de Fraternité de 1994, j'ai à nouveau constaté avec une certaine appréhension l'orientation prise par l'institution de la famille dans votre patrie. "Le climat d'hédonisme", ai-je dit en cette occasion, "et d'indifférence religieuse, qui est à la base de la ruine d'une grande partie de la société, se propage en son sein et est la cause de la désagrégation de nombreuses familles".

Je désire donc inviter ceux qui se consacrent à la Pastorale de la famille de vos diocèses à conférer une nouvelle impulsion à la défense et à la promotion de l'institution familiale, à travers une préparation adéquate à ce grand Sacrement, "en référence au Christ et à l'Eglise", comme le dit saint Paul (Ep 5,32). A travers les enseignements de l'Eglise, proposés dans les écoles, dans les cours pré-matrimoniaux, lors de rencontres avec des couples d'époux préparés ou d'un prêtre expert, le mariage renforcera la foi, l'espérance et la charité des époux face à la nouvelle situation sociale et religieuse qu'ils sont appelés à affronter.

L'occasion est également propice pour une ré-évangélisation des baptisés, lorsque ceux-ci se rapprochent de l'Eglise pour demander le Sacrement du Mariage. L'éducation primaire et supérieure attire l'attention à ce propos car, bien qu'ayant accompli dans certains lieux des progrès significatifs, elle ne trouve pas l'évolution correspondante dans la vie chrétienne des nouvelles générations. Dans ce secteur, les communautés ecclésiales ont un rôle important à jouer car, en agissant de la sorte, en faisant l'expérience de l'amour de Dieu et en en témoignant, elles pourront le présenter de façon efficace et approfondie à ceux qui ont besoin de le connaître. Une proposition pastorale pour affronter la crise de la famille suppose, comme exigence préliminaire, une clarté doctrinale, effectivement enseignée dans le domaine de la théologie morale, sur la sexualité et sur la valorisation de la vie. Les opinions divergentes de théologiens, prêtres et religieux, divulguées par les moyens de communication sociale, sur les relations pré-matrimoniales, le contrôle des naissances, l'accès des divorcés aux sacrements, l'homosexualité, la fécondation artificielle, l'avortement ou l'euthanasie, révèlent le degré d'incertitude et la confusion qui troublent et finissent par endormir la conscience de nombreux fidèles.

A la base de la crise, on perçoit une rupture entre l'anthropologie et l'éthique, caractérisée par un relativisme moral selon lequel on valorise l'acte humain, non pas en référence à des objectifs et des principes permanents et propres à la nature créée par Dieu, mais conformément à une réflexion purement subjective sur ce qui est le plus adapté au projet personnel de vie. Il se produit donc une évolution sémantique, dans laquelle l'homicide s'appelle mort assistée, l'infanticide, avortement thérapeutique et où l'adultère devient une simple aventure extra-conjugale. N'ayant plus de certitude absolue en ce qui concerne les questions morales, la loi devient une proposition facultative au sein de l'offre variée des opinions les plus en vogue.

Nous devons sans aucun doute rendre grâce à Dieu, car les traditions religieuses des familles du Minas Gerais sont bien enracinées, et de nombreuses vocations religieuses pour les séminaires y naissent. Toutefois, sans négliger les autres priorités du travail pastoral, en particulier la pastorale des vocations et l'accompagnement et la formation des candidats au sacerdoce, il est nécessaire d'accomplir un effort généreux dans le vaste domaine de l'apostolat de la famille à travers la catéchèse, les prédications et la consultation personnelle. C'est dans cette optique que les communautés ecclésiales d'Espíritu Santo sont en train d'encourager l'enrichissement de la vie ecclésiale dans leur Etat. Je désire également leur transmettre mes félicitations et mon encouragement pour l'oeuvre d'évangélisation qu'elles accomplissent.

7. Ma pensée se tourne enfin vers les causes de nullité de mariage, soumises à l'examen de vos Tribunaux diocésains et, lorsque le cas le demande, à la Rote romaine.

Fidèle au Christ, l'Eglise ne peut cesser de réaffirmer de façon convaincante "l'annonce joyeuse du caractère définitif de cet amour conjugal, qui trouve en Jésus-Christ son fondement et sa force (cf. Ep 5,25)" (Familiaris consortio FC 20). C'est pourquoi, "le juge ecclésiastique, authentique "sacerdos iuris"" comme je l'ai déjà affirmé, "ne peut manquer d'être appelé à mettre en oeuvre un véritable "officium caritatis et unitatis". Votre tâche est donc d'autant plus exigeante et en même temps d'une grande valeur spirituelle, puisque vous devenez les artisans effectifs d'une singulière diaconie pour tout homme et encore plus pour le "christifideles"" (Discours à la Rote romaine, 17 janvier 1998, n. 2). Dans son souci d'appliquer de façon authentique les règles des procès, est en jeu non seulement la crédibilité de la foi révélée, mais également la paix des consciences. Dans certains de vos diocèses, un effort d'organisation des Tribunaux a été accompli, en renforçant les Tribunaux interdiocésains. Je forme des voeux afin que, dans ce processus interdisciplinaire délicat, la fidélité à la vérité révélée sur le mariage et sur la famille, interprétée de façon authentique par le Magistère de l'Eglise, constitue toujours le point de référence et le stimulant authentique pour un profond renouveau de ce secteur de la vie ecclésiale.

8. Que la Sainte Famille, icône et modèle de chaque famille humaine, aide chacun de vous à agir dans l'esprit de Nazareth. C'est pourquoi, bien-aimés frères dans l'épiscopat, transmettez aux fidèles qui vous ont été confiés l'encouragement contenu dans le fait que "de même qu'il était à Cana de Galilée, Epoux parmi ces époux qui se donnaient l'un à l'autre pour toute leur vie, de même le bon Pasteur est aujourd'hui avec vous comme raison d'espérer, force des coeurs, source d'un enthousiasme toujours nouveau et signe de victoire de la "civilisation de l'amour". Jésus, le bon Pasteur, nous répète: N'ayez pas peur. Je suis avec vous. "Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20)" (Lettre aux familles LF 18). Que cette certitude conduise les conjoints et ceux qui les aident, à comprendre et à mettre en pratique l'enseignement de l'Eglise sur le mariage, et que votre ministère épiscopal, Vénérés frères, se nourrisse sans cesse de celle-ci; une certitude dans laquelle je vous confirme avec la Bénédiction apostolique que je vous donne de tout coeur, en l'étendant à chacune de vos communautés diocésaines.




AUX ÉLÈVES DES GRANDS SÉMINAIRES DE SICILE

Samedi 16 novembre 2002


Messieurs les Cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
très chers séminaristes!



1. C'est avec une grande joie que je vous accueille et que je vous salue tous cordialement. Je salue en premier lieu le Cardinal Salvatore De Giorgi, Archevêque de Palerme, et je le remercie des paroles cordiales à travers lesquelles il s'est fait l'interprète des sentiments communs. Je salue les prélats des dix-huit diocèses de votre Ile, dans lesquels est présent le grand séminaire. Je salue les recteurs, les professeurs et les éducateurs et en particulier vous, chers séminaristes, qui représentez une grande espérance pour la Communauté ecclésiale de Sicile.

Au cours des dernières années, la Conférence épiscopale de Sicile a porté une attention plus directe et intense aux séminaires. A ce propos, la rencontre des Evêques avec les Supérieurs des séminaires et les Prélats de la Faculté de théologie et des Instituts qui y sont liés, en vue d'étudier ensemble les résultats d'un examen attentif sur la vie des séminaires, a été particulièrement significative.

Cette collaboration des Evêques, des Supérieurs et des Professeurs des séminaires, répond à une instance fondamentale de la formation des futurs ministres de l'autel. En effet, "le premier représentant du Christ dans la formation sacerdotale est l'Evêque, auquel il est demandé de reconnaître l'authenticité de l'appel intérieur de l'Esprit" (cf. Exhort. apost. Pastores dabo vobis PDV 65). C'est pourquoi, à l'image du Maître, qui "appelle à lui ceux qu'il voulait [et] en institua Douze pour être ses compagnons" (Mc 3,13-14), il est bon que l'Evêque cherche à connaître personnellement ses séminaristes, les écoute et, en quelque sorte, "soit leur compagnon", comme eux sont à ses côtés (cf. ibid PDV 65).



2. Si les collaborateurs directs de l'Evêque dans cet important devoir sont les Supérieurs et les Professeurs du séminaire, le candidat au sacerdoce cependant, doit devenir le véritable acteur de sa formation. Dans ce contexte, l'organisation des Congrès annuels qui, sous le nom de "Dialogue", sont gérés directement par vous, chers séminaristes, avec l'approbation et sous la direction de vos pasteurs, revêt une importance particulière. En outre, le Centre régional de Formation permanente du Clergé, qui porte le titre de "Mère du Bon Pasteur", ayant son siège à Palerme, met en évidence et renforce "le lien intrinsèque" de la formation permanente des prêtres avec celle du séminaire, dont elle est un prolongement important. Il est important que les prêtres participent aux initiatives promues, que ce soit dans les diocèses ou au niveau régional, en particulier au cours des premières années de l'Ordination. Il ne faut pas non plus oublier que "si un certain sentiment de "satiété" est compréhensible chez le jeune prêtre à peine sorti du séminaire face à de nouveaux temps d'étude et de rencontre, il faut écarter comme absolument fausse et dangereuse l'idée que la formation sacerdotale se termine en quittant le séminaire" (Pastores dabo vobis PDV 76).



3. Je rends grâce au Seigneur avec vous pour la croissance des vocations que la Sicile enregistre. Celle-ci représente un encouragement en vue d'intensifier la prière au Maître de la moisson afin qu'il envoie encore plus d'ouvrier à celle-ci (cf. Mt 9,38), ainsi que de développer une pastorale des vocations incisive, vaste et étendue, qui atteigne les paroisses, les centres éducatifs et les familles. Dans le même temps, la croissance numérique doit aller de pair avec la qualité, à travers une attention constante à la formation humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale des jeunes aspirants.

La formation humaine est le fondement de toute la formation sacerdotale et il est important que le séminaire soit un lieu privilégié dans lequel soient cultivées les qualités humaines nécessaires à la construction de personnalités équilibrées et mûres, fortes et libres, capables de porter, en tant que prêtres, le poids des responsabilités pastorales.

La formation humaine s'achève dans la formation spirituelle, dont j'ai analysé dans l'Exhortation Pastores dabo vobis (cf. PDV 47-50) les éléments fondamentaux, indiqués avec sagesse par le Concile Vatican II dans le Décret Optatam totius (cf. OT OT 8). Il est nécessaire de cultiver une communion intime avec Dieu dans l'écoute docile de sa Parole et dans la prière, personnelle et liturgique, en particulier à travers la récitation de la Liturgie des Heures et la participation quotidienne à la célébration eucharistique, source toujours fraîche de charité pastorale. Ainsi, le jeune se forme au "don généreux et gratuit de soi", et au "sens de l'Eglise", "à l'obéissance sacerdotale, au goût d'une vie pauvre", à "vivre le célibat comme un don précieux de Dieu" et au "choix d'un amour plus grand et sans partage pour le Christ et son Eglise" (cf. ibid., PDV 49-50). Tout cela sera rendu possible si l'on respire dans le séminaire un climat de recueillement, "atmosphère spirituelle indispensable pour percevoir la présence de Dieu et se laisser conquérir par elle" (ibid., PDV 47).



4. Dans le contexte socio-culturel actuel, souvent marqué par une indifférence religieuse diffuse, par la méfiance dans les réelles capacités de la raison d'atteindre la vérité objective et universelle et par des interrogations ou des problèmes inédits, la formation intellectuelle exige un niveau élevé d'engagement dans l'étude, en pleine fidélité au Magistère de l'Eglise (cf. ibid., PDV PDV 51-55). Les prêtres doivent tenter d'être à la hauteur de la complexité des temps, afin d'être "en mesure d'affronter avec compétence, clarté et profondeur d'argumentation les questions sur le sens posées par les hommes d'aujourd'hui, questions auxquelles seul l'Evangile de Jésus-Christ apporte la réponse pleine et définitive" (ibid., PDV 56).

La formation pastorale, enfin, est le but de tout le programme de formation dans le séminaire, car elle tend à "former de véritables pasteurs d'âmes sur l'exemple de notre Seigneur Jésus-Christ maître, prêtre et pasteur" (Optatam totius OT 4). D'où la nécessité de l'étude de la théologie pastorale, accompagnée par l'introduction à certains services pastoraux, qui constituent une "véritable initiation à la sensibilité pastorale" et à "assumer avec conscience et maturité leurs propres responsabilités" (Pastores dabo vobis PDV 58).

5. Chers séminaristes! Confiez votre chemin de vocation et de formation à la Sainte Vierge, vénérée en Sicile sous le titre d'Odigitria. Ayez soin d'avoir recours à Elle en permanence, de l'aimer avec une affection filiale et de l'invoquer avec une confiance illimitée. Que vous devienne familière la prière du Saint Rosaire, qui m'est si chère, prière éminemment contemplative, qui, à travers la méditation des mystères du Christ avec les yeux et le coeur de Marie, en favorise l'"assimilation" dans notre vie, poussant à "être toujours plus pleinement conformé au Christ" (Rosarium Virginis Mariae RVM 26).

A chacun de vous et à vos familles, ainsi qu'aux responsables de votre formation et aux Communautés auxquelles vous appartenez, j'assure un souvenir constant dans la prière, tandis que je vous bénis de tout coeur.



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX EVÊQUES ITALIENS À L'OCCASION DE LA 50 ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE ITALIENNE



Chers Evêques italiens!

1. "La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec tous" (2Co 13,13).

A chacun de vous, réunis à Collevalenza au sanctuaire de l'Amour miséricordieux pour votre 50 Assemblée générale, j'adresse mon salut le plus cordial, accompagné par le souhait de journées intenses et fructueuses de prière et de travail en commun. Je salue en particulier le Cardinal-Président Camillo Ruini, les trois Vice-présidents et le Secrétaire général, ainsi que tous ceux qui se consacrent avec passion au service de votre Conférence.

Je demeure comme toujours très proche de votre sollicitude quotidienne de pasteurs, pour le bien des Eglises particulières qui vous sont confiées et de toute la bien-aimée Nation italienne.



2. La principale réflexion de votre Assemblée sera consacrée à ce grand défi qui se développe ces dernières années autour de la question cruciale, déjà mise en évidence par le Concile Vatican II (cf. Gaudium et spes GS 12): "Qui est l'homme?". Un défi ancien et pourtant également nouveau, car les tendances, jamais disparues, à nier ou à oublier l'unicité de notre être et de notre vocation, de créatures faites à l'image et à la ressemblance de Dieu, sont aujourd'hui à nouveau encouragées par la prétention de pouvoir expliquer l'homme de façon adéquate, uniquement à travers les méthodes des sciences empiriques. Et cela a lieu alors qu'il est au contraire plus que jamais nécessaire d'avoir une conviction claire et solide de la dignité inviolable de la personne humaine, pour faire face aux risques de manipulation radicale qui apparaîtraient si les ressources technologiques étaient appliquées à l'homme sans égard pour les paramètres et les critères anthropologiques et éthiques inscrits dans sa nature même.

Cette conscience de la dignité qui nous appartient par nature est, en outre, l'unique principe sur lequel peuvent être édifiées une société et une civilisation réellement humanistes, à une époque où les intérêts économiques et les messages de la communication sociale agissent à l'échelle planétaire, mettant en péril les patrimoines de valeurs culturelles et morales qui représentent la première richesse des nations.



3. C'est pourquoi, très chers frères évêques, vous faites bien d'approfondir ensemble ces problèmes fondamentaux, en vue d'un engagement pastoral et culturel qui mette en oeuvre toutes les énergies des catholiques italiens.

Ce projet culturel empreint de sens chrétien, à travers lequel vous tentez à juste titre de conférer un profil culturel plus fort et plus incisif à l'oeuvre d'évangélisation, qui est au centre de votre sollicitude de pasteurs, permettra de réaliser ainsi un pas en avant nouveau et particulièrement significatif.

Dans cette même perspective, je désire vous exprimer mes félicitations et mon encouragement pour l'engagement que vous consacrez à promouvoir une présence chrétienne qualifiée dans le milieu, aussi important et influent que controversé et difficile, de la communication sociale. Je me réjouis en particulier de l'engagement visant à élever le niveau qualitatif et le prestige public du quotidien "Avvenire", et je constate également avec plaisir les progrès actuellement accomplis dans le domaine de la transmission radio-télévisée. Je souhaite profondément que les catholiques italiens sachent profiter à leur tour amplement de ces instruments qui sont mis à leur disposition, pour une lecture et une compréhension de la réalité sociale qui soient les plus honnêtes et attentives possible aux valeurs authentiques.

4. Très chers frères dans l'épiscopat, il y a quelques jours, répondant à une cordiale invitation, j'ai rendu visite au Parlement italien. Ainsi, a été souligné de façon très significative ce lien très profond et véritablement spécial qui s'est établi à travers les siècles, entre l'Italie et l'Eglise catholique, et qui aujourd'hui aussi, dans le plein respect de l'autonomie réciproque, peut être une source de précieuse collaboration au bénéfice du peuple italien.

Je sais bien que vous consacrez une attention constante, que ce soit personnellement en tant qu'Evêques, ou réunis au sein de la C.E.I. et dans vos Conférences régionales, au destin de cette bien-aimée nation. Je partage en particulier avec vous la sollicitude et la préoccupation pour la famille, reconnue depuis toujours comme la structure portante de la vie sociale. L'engagement de l'Eglise dans la pastorale de la famille, que je souhaite toujours plus incisive et étendue, représente donc également une précieuse contribution au bien du pays.

Nous sommes appelés à consacrer la même attention à l'éducation des jeunes générations et donc à l'école. Nous ne pouvons alors pas manquer de solliciter des pas en avant concrets et nécessaires dans la réalisation de la parité scolaire.

A une époque difficile sur le plan économique et social, nous considérons également avec une préoccupation particulière et une solidarité concrète les conditions de vie de nombreuses personnes et familles, marquées de diverses façons par la pauvreté ou menacées par la perte de leur emploi.

Pour cette raison et tant d'autres, il apparaît toujours plus important et nécessaire que, chez les représentants de la politique et de l'économie, de la culture et de la communication, ainsi que dans tout le tissu social italien, se renforcent les attitudes de solidarité et de responsabilité pour le bien commun de la Nation.

5. La sollicitude pour son propre pays ne peut jamais faire abstraction, aujourd'hui, du plus vaste domaine international. J'exprime donc ma satisfaction pour l'engagement avec lequel votre Conférence suit les développements de l'Union européenne, à un moment particulièrement important et délicat pour la définition de ses structures institutionnelles et en vue de son élargissement aux nations d'Europe centre-orientale. A ce propos, je désire une fois de plus souligner le rôle que l'Italie et les catholiques italiens peuvent accomplir pour sauvegarder et promouvoir le caractère chrétien de la civilisation européenne.

La préoccupation pour la paix est particulièrement aiguë dans nos coeurs et dans nos prières. Nous demandons ensemble au Dieu riche de miséricorde et de pardon qu'il étouffe les sentiments de haine dans les âmes des populations, qu'il fasse cesser l'horreur du terrorisme et guide les pas des responsables des Nations sur les voies de la solidarité et de la réconciliation.

Très chers frères, depuis peu, toute l'Italie et vous-mêmes avez été éprouvés par une grande douleur, que j'ai moi aussi profondément partagée, pour les nombreuses victimes, en particulier des enfants, du tremblement de terre dans le Molise. Notre prière commune et pleine d'émotion s'élève vers Dieu, en particulier pour eux et pour leur famille. Nous prions également pour toute l'Italie et pour chacune des Eglises confiées à votre soin pastoral, afin que leur profond héritage de foi, de charité et de culture chrétienne soit conservé et vivifié de façon toujours renouvelée.

Avec ces sentiments, je vous donne, ainsi qu'à vos Eglises, une Bénédiction apostolique particulière, que j'étends également au clergé, aux religieux et aux fidèles qui vous sont confiés.

Du Vatican, le 15 novembre 2002.

   

IOANNES PAULUS II


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CONGRÉGATION POUR LES EGLISES ORIENTALES

Jeudi 21 novembre 2002


Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Patriarches des Eglises orientales catholiques,
Très chers frères dans l'épiscopat!

1. C'est avec une grande joie que je vous accueille tous, vous qui prenez part à l'Assemblée plénière de la Congrégation pour les Eglises orientales. Je vous remercie de votre présence et je vous salue avec affection.

Je salue de façon particulière Sa Béatitude le Cardinal Ignace Moussa Daoud, et je le remercie des paroles aimables qu'il m'a adressées au nom des personnes présentes. J'étends ma pensée reconnaissante, au Sous-Secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales et à tous ses collaborateurs.



2. Votre dicastère est appelé à collaborer avec l'Evêque de Rome dans l'exercice de sa charge pastorale suprême, dans tous les domaines qui concernent la vie des bien-aimées Eglises orientales et leur témoignage évangélique. L'Assemblée plénière actuelle consacre une attention opportune à trois thèmes, qui concernent des aspects importants de la vie des Eglises catholiques orientales.

Dans le premier thème, vous avez pris en considération l'activité exercée par la Congrégation pour les Eglises orientales au cours des quatre dernières années.Je prends volontiers acte de ce qui a été accompli au cours de cette période, et je vous encourage à poursuivre avec détermination le chemin entrepris. Je connais la priorité qui a été accordée par votre Congrégation au renouveau liturgique et catéchétique, ainsi qu'à la formation des divers membres du Peuple de Dieu, à commencer par les candidats aux ordres sacrés et à la vie consacrée. Cette action de formation est inséparable du soin permanent qui doit être accordé aux éducateurs respectifs. Je voudrais rappeler ici ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à ce propos, dans l'Exhortation Pastores dabo vobis: "Il est évident qu'une grande partie de l'efficacité de la formation dépend de la personnalité mûre et forte des formateurs, du point de vue humain et évangélique" (PDV 66).

Je profite volontiers de la circonstance pour envoyer, par votre intermédiaire, un salut cordial aux Supérieurs et aux élèves des divers Collèges et Instituts que la Congrégation soutient ici, à Rome. Je souhaite que ceux qui ont la possibilité d'y être accueillis puissent recevoir une formation complète et croître dans un amour toujours plus ardent pour l'Eglise, qui est une, sainte, catholique et apostolique. La diversité des rites ne doit pas faire oublier que tous les catholiques font partie de l'unique Eglise du Christ.



3. Le thème concernant la procédure des élections épiscopales dans les Eglises patriarcales revêt également une importance toute particulière. Je serai heureux de prendre en considération, de façon attentive, vos propositions, à la lumière des Normes du Code des Canons des Eglises orientales. Dans celles-ci, j'ai en effet voulu établir un modus procedendi qui sauvegarde à la fois les prérogatives des Responsables des Eglises et le droit du Pontife Romain d'intervenir "in singulis casibus" (CIO 9). Cette procédure, associée à une plus grande possibilité de communication, impensable dans les temps passés, permet au Chef du Collège des Evêques de pouvoir admettre à la communion hiérarchique - sans laquelle "Episcopi in officium assumi nequeunt" (Lumen gentium LG 24) - les nouveaux candidats avec son "assensus", dans la mesure du possible, avant l'élection elle-même. Quoi qu'il en soit, lorsque sont signalées au Saint-Siège des difficultés dans l'application des normes canoniques en vigueur, on cherchera à aider à les surmonter, dans un esprit de collaboration effective.

En ce qui concerne les Normes qui, dans cette matière délicate, furent élaborées avec tous les Patriarches orientaux, je répète toutefois ce que j'ai déjà observé à propos du principe de la territorialité, à l'occasion de la présentation du Code des Canons des Eglises orientales au Synode extraordinaire des Evêques de 1990: "Soyez confiants, le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois ne permettra jamais que la stricte observance de ces lois puisse nuire au bien des Eglises orientales" (AAS 83, 1991, p. 492).



4. Vénérés Frères, je voudrais enfin souligner combien il est important également d'étudier dans une vision d'ensemble les thématiques relatives à la situation des Eglises orientales et à leurs perspectives de renouvellement pastoral. En effet, chaque communauté ecclésiale particulière ne doit pas se limiter à étudier ses problèmes internes. Elle doit plutôt s'ouvrir aux grands horizons de l'apostolat moderne, aux hommes de notre temps, en particulier aux jeunes, aux pauvres et à ceux qui sont "éloignés". On connaît les difficultés que rencontrent les Communautés orientales dans de nombreuses parties du monde. Le nombre réduit de leurs membres, le manque de moyens, l'isolement, leur situation minoritaire empêchent fréquemment une action pastorale, éducative, d'assistance et caritative sereine et bénéfique. On note également un flux migratoire incessant vers l'Occident de la part des membres les plus prometteurs de vos Eglises.

Que dire ensuite des souffrances présentes en Terre Sainte et dans d'autres pays orientaux, entraînés dans une spirale dangereuse, qui semble humainement impossible à arrêter? Que Dieu fasse cesser au plus tôt ce tourbillon de violence! Je voudrais aujourd'hui adresser une fervente invocation de paix à l'intercession du bienheureux Jean XXIII, alors que s'approche le quarantième anniversaire de la promulgation de sa célèbre Encyclique Pacem in terris. Que lui, qui vécut longuement en Orient, qui aima tant les Eglises orientales, présente notre supplication au Seigneur. Qu'il intercède également pour que ces Eglises, en ne se fermant pas dans les formes du passé, s'ouvrent à la saine mise à jour qu'il souhaita lui-même dans l'optique de la sage harmonie entre "nova et vetera".

5. L'Eglise latine fête aujourd'hui la Présentation de la Bienheureuse Vierge Marie au Temple, mémoire liturgique célébrée en Orient dès la fin du IV siècle. Je confie à la Mère de Dieu qui, sous l'impulsion de l'Esprit Saint, fit "don" total de sa personne au Seigneur, la vie et l'activité de vos communautés. Au cours de ces années, j'ai eu l'occasion d'en visiter un grand nombre: du Moyen Orient à l'Afrique, de l'Europe à l'Inde. J'invoque la protection de la Sainte Vierge pour tous nos frères et soeurs, en particulier pour ceux qui, en Terre Sainte et en Irak, traversent des moments difficiles de grande souffrance.

Avec ces sentiments, je renouvelle à chacun de vous ma gratitude pour les services que vous rendez à l'Eglise et je donne de tout coeur à tous ma Bénédiction apostolique propitiatoire.



Discours 2002 - Jeudi 14 novembre 2002