Discours 2002 - Mardi 26 novembre 2002


AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS ORGANISÉ POUR LE 375 ANNIVERSAIRE DU COLLÈGE PONTIFICAL URBANIEN

Vendredi 29 novembre 2002




Messieurs les Cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat,
chers représentants des Autorités académiques,
chers élèves!

1. C'est avec une grande joie que je vous accueille à l'occasion de la célébration solennelle des 375 ans d'histoire du Collège urbanien et des 40 ans d'institution de l'Université pontificale urbanienne. Je salue le Cardinal Crescenzio Sepe, et je le remercie de son hommage cordial, à travers lequel il s'est fait l'interprète des sentiments communs.

J'étends mon salut au Recteur magnifique de l'Université, aux Cardinaux, aux Prélats présents, aux Autorités académiques, aux professeurs, aux participants au Congrès international et aux élèves du Collège et de l'Université, qui apportent à notre rencontre la chaleur de leur enthousiasme.

2. Ce fut mon inoubliable prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII, qui attribua à l'Urbanienne, précisément au seuil du Concile Vatican II, le titre d'Université. Au cours de ces années, une foule de jeunes - séminaristes et prêtres, religieux, religieuses et laïcs - y ont reçu une formation spirituelle et culturelle, qui leur a permis de se préparer à vivre de manière solide leur foi, en témoignant de celle-ci même dans les situations difficiles. Certains d'entre eux sont certainement devenus ces "témoins de la foi" tombés au cours du siècle dernier, que nous avons rappelés au cours de l'émouvante prière au Colisée lors de l'Année jubilaire.

Fondée comme Collegium par le Pape Urbain VIII avec la Bulle Immortalis Dei Filius, votre Université, qui porte son nom, a eu dès le début une finalité missionnaire. La préoccupation du Pape Urbain était, à juste titre, celle de libérer l'Eglise des puissances coloniales. Il fallait en effet garantir la liberté de l'évangélisation sur les terres récemment découvertes et dans les pays où le christianisme avait été annoncé à une époque lointaine, comme la Chine.

3. S'il s'agissait alors de temps difficiles, nous ne pouvons pas dire que les nôtres soient faciles. Ceux d'entre vous qui proviennent de régions où la guerre, les maladies et la pauvreté font chaque jour d'innombrables victimes, le savent de manière particulière. Une Institution académique comme la vôtre est donc plus que jamais nécessaire, qui sache transmettre la science philosophique, théologique, historique et juridique au sein des cultures de peuples si divers entre eux.

Votre Université, comme j'ai eu l'occasion de le dire au cours de ma première visite en 1980, exprime le caractère universel qui est propre à l'Eglise catholique. Ceux qui y étudient doivent avoir une sensibilité ouverte aux valeurs des diverses cultures, en les confrontant avec le message évangélique. Quatre-vingt dix Instituts présents dans toutes les parties du monde sont aujourd'hui affiliés à votre Université, témoignant également de cette façon de l'ouverture véritablement "catholique" qui la distingue. Je voudrais leur faire parvenir une salutation particulière: cultivez toujours dans votre coeur et dans la recherche académique ce caractère universel, si précieux dans notre monde divisé, qui exalte tant le particulier, que ce soit celui de l'individu, du groupe, de l'ethnie ou de la nation, allant jusqu'à porter préjudice parfois à l'engagement de la solidarité.

La violence, le terrorisme, la guerre ne cessent d'édifier de nouveaux murs entre les peuples. Votre Université est une école d'universalité, dans laquelle on doit pouvoir respirer ce sens de communion profonde qui caractérisait la communauté chrétienne du début (cf. Ac 4,32).



4. Précisément l'an dernier, nous avons solennellement célébré ensemble les dix ans de l'Encyclique Redemptoris missio. Ce document doit être pour vous un programme d'étude et de vie. J'y parlais d'une mission qui est encore à ses débuts après deux mille ans de vie chrétienne. La mission est un engagement qui se poursuit également aujourd'hui: tel est l'esprit qui doit animer votre vie spirituelle et académique.

Le développement d'une attention particulière aux cultures des peuples et aux grandes religions du monde relève, en particulier aujourd'hui, de cet esprit. Sans renoncer à affirmer la force du message évangélique, les chrétiens ont le devoir important, dans le monde déchiré d'aujourd'hui, d'être des hommes de dialogue et de s'opposer à ce conflit de civilisations qui semble parfois inévitable.

Pour cela, en nous tournant vers l'avenir, il serait souhaitable que l'Urbanienne se distingue précisément parmi les Universités romaines par son attention particulière aux cultures des peuples et aux grandes religions du monde, en commençant par l'islam, le bouddhisme et l'hindouisme, et qu'elle considère par conséquent attentivement la question du dialogue interreligieux dans ses implications théologiques, christologiques et ecclésiologiques. Je sais que vous développez déjà activement ce domaine de recherche, également en collaboration avec la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples et le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, dans l'esprit de l'Encyclique Redemptoris missio.



5. Enfin, je vous exhorte à ne pas oublier que le but du Collège urbain, dont vous êtes issus en tant qu'Université, est la formation intégrale de ses élèves. L'Eglise du Troisième Millénaire a besoin de prêtres, de religieux et de laïcs, qui soient saints et cultivés. Il ne s'agit pas d'inventer un nouveau programme: j'ai écrit dans Novo millennio ineunte: "Le programme existe déjà: c'est celui de toujours, tiré de l'Evangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste" (NM 29).

Ce programme vaut pour tous, également pour vous, chers professeurs et étudiants de l'Université urbanienne, du Collège urbanien et des Collèges dépendant de la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples. Que le Seigneur soit au coeur de vos études et de votre vie, afin que vous puissiez être animés par cet amour pour l'Evangile qui conduisit les témoins des débuts jusqu'aux extrémités de la terre.

En vous souhaitant une année jubilaire riche de fruits pour vous et pour tous ceux qui sont proches de vous à travers leur amitié et leur soutien, je vous confie à la protection de la Vierge Marie, Siège de la Sagesse et je vous bénis tous de tout coeur.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE BOSNIE-HERZEGOVINE LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Samedi 30 novembre 2002


Monsieur l'Ambassadeur,

1. J'accepte volontiers les Lettres de Créance qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Bosnie-Herzégovine près le Saint-Siège.

En vous souhaitant une cordiale bienvenue, j'adresse à travers vous mon salut respectueux aux Autorités du pays que vous êtes appelé à représenter auprès du Siège apostolique.

Je profite volontiers de cette occasion pour confirmer ma proximité constante aux populations bien-aimées de Bosnie-Herzégovine, qui non seulement ont subi un système politique fondé sur une idéologie en contradiction avec les valeurs inscrites dans l'esprit humain, mais également une longue et douloureuse guerre. C'est pour cette raison que j'ai voulu me rendre personnellement à Sarajevo. La Providence m'a accordé l'occasion d'accomplir une visite pastorale les 12 et 13 avril 1997 dans cette ville si éprouvée, et de répéter la nécessité d'"assurer le respect de chaque homme et de ses droits, sans distinction d'ethnie ou de religion" (Discours d'arrivée à Sarajevo, 12 avril 1997, n. 1).



2. Grâce à Dieu, l'engagement des hommes de bonne volonté a conduit à l'Accord de Washington d'abord, puis aux Accords de Dayton par la suite, qui ont été placés à la base de l'Etat de la Bosnie-Herzégovine. Tout cela a permis de faire taire les armes. Il faut toutefois travailler intensément pour édifier et rendre la paix efficace dans la justice, en résolvant les problèmes liés à l'avenir du pays. Parmi ceux-ci, la question des réfugiés et des exilés, qui attendent de pouvoir rentrer chez eux, et la reprise économique, qui apporterait sérénité et confiance aux populations.

C'est pourquoi, des programmes concrets sont nécessaires, qui partent de la personne et du respect pour sa dignité, qui offrent la possibilité de travailler et de gagner les moyens suffisants pour vivre, qui promeuvent le dialogue et la collaboration entre les diverses composantes de la société civile, dans le plein respect de l'identité de chacun. Ce n'est que de cette façon qu'il est possible de donner vie à une authentique démocratie, "fruit de la valorisation des particularités culturelles, sociales et religieuses des diverses composantes de Bosnie-Herzégovine, dans le respect de l'équité, de la justice et de la vérité" (Discours au pèlerinage jubilaire de la Province Vrhbosna, 30 avril 2000, n. 3).

La démocratie est un devoir exigeant, qui demande moralité, honnêteté, sensibilité humaine, sagesse, patience, respect pour les autres, disponibilité à renoncer chaque fois que le bien commun l'exige, ferme volonté d'exposer et non pas d'imposer ses propres points de vue et idées. Ce devoir est encore plus exigeant dans un pays multi-ethnique, multiculturel et multi-religieux, comme l'est précisément la Bosnie-Herzégovine, appelée à édifier son présent et son avenir sur les bases solides de la justice, du respect des autres, de la collaboration et de la solidarité, entre toutes ses composantes, en sauvegardant les saines traditions de chacun de ses peuples.



3. Pour se tourner avec une plus grande confiance vers l'avenir, il est indispensable également de promouvoir une véritable réconciliation et un pardon sincère. "La spirale des "fautes" et des "sanctions" ne s'arrêtera jamais si, à un certain point on n'en arrive pas au pardon" (Homélie lors de la Messe retransmise à Sarajevo, de Castel Gandolfo, 8 septembre 1994, n. 6). Oui! Il n'est pas facile de pardonner, mais cela est nécessaire pour le bien de tous.

Il est vrai que l'on ne peut pas effacer de la mémoire ce qui a eu lieu par le passé, mais l'on peut et l'on doit libérer les coeurs de la haine et de la vengeance. Que la mémoire des erreurs et des injustices demeure comme un avertissement exigeant à ne répéter ni les unes ni les autres, afin d'éviter de nouvelles tragédies, peut-être même plus grandes encore.

L'Eglise de Bosnie-Herzégovine est déjà au travil et offre sa contribution à la réconciliation et au pardon, en annonçant fidèlement l'Evangile. Elle demande seulement de pouvoir accomplir sa mission, en étant proche des pauvres et des personnes marginalisées, et en prêtant sa voix à ceux qui en sont privés dans la société.

C'est précisément dans cet esprit que l'Eglise s'efforce de promouvoir la formation des nouvelles générations à travers les écoles ouvertes à quiconque est désireux d'accéder à l'instruction obligatoire et au lycée. Je suis certain que les représentants des institutions de l'Etat sauront apprécier cette contribution de l'Eglise et ne manqueront pas de faciliter tout développement opportun de ses instituts scolaires pour le bien des enfants et des jeunes de toutes les ethnies et religions présentes en Bosnie-Herzgovine.

4. La contribution de tous est nécessaire pour consolider une société qui rejette toute tentative de favoriser certains au détriment des autres; une société prête à assurer à tous l'égalité effective et attentive au respect des droits, des libertés et de l'identité de chacun, qui tienne compte des expériences historiques, sociales et culturelles locales; en un mot, une société fondée sur la justice et sur la paix.

Bien que la paix soit rétablie désormais depuis presque sept ans, on n'entrevoit maheureusement pas encore de solutions concrètes pour le drame des nombreux réfugiés et exilés désireux de regagner leur foyer. Je pense en particulier aux populations qui attendent de pouvoir rentrer dans les zones de Banja Luka et de Bosanska Posavina. Ces populations, ainsi que les réfugiés et les exilés d'autres zones, se voient nié le droit de vivre sereinement sur leur terre natale. Très souvent, alors, un grand nombre d'entre eux sont contraints d'aller chercher fortune ailleurs.

Ces personnes demandent à juste titre des garanties pour leur sécurité, ainsi que la mise en oeuvre de conditions politiques, sociales et économiques acceptables. Elles demandent en outre la restitution de leurs biens, dont elles ont été privées avec violence au cours de la guerre.

5. Il est indispensable d'édifier un authentique climat de paix. "La paix - affirme le Concile Vatican II - n'est pas la simple absence de guerre et elle ne se borne pas simplement à assurer l'équilibre de forces adverses" (Gaudium et spes GS 78). En outre, le Concile rappelle que "c'est en toute vérité que l'on définit [la paix] "oeuvre de justice"" et que celle-ci exige "la ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité" (ibid. GS GS 78).

Mettre cet enseignement en pratique comporte l'engagement de ne pas favoriser les situations qui semblent récompenser les résultats obtenus par la violence et au détriment de personnes sans défense; elle comporte en outre la volonté de réparer et de corriger les injustices commises, à travers des interventions politiques et économiques opportunes, tant au niveau local qu'au niveau des institutions. Dans cet effort, "l'apparition éventuelle d'imprévus ne doit décourager personne, mais seulement faire appel à la sagesse de tous pour corriger et améliorer les projets déjà prévus" (Discours à l'Ambassadeur de Bosnie-Herzégovine, 11 septembre 1998, n. 3).



6. Monsieur l'Ambassadeur! Je souhaite de tout coeur que le pays que vous représentez rencontre compréhension et soutien concret en ce qui concerne la guérison des blessures infligées par la récente guerre et par les systèmes politiques du passé, qui ont provoqué de terribles tragédies en Bosnie-Herzégovine, et dans les autres pays de la région au cours du XX siècle. Les pays du Vieux continent et la Communauté internationale ne manqueront pas d'offrir les aides nécessaires pour appuyer des programmes visant à faire participer la Bosnie-Herzégovine et les pays de toute la région du Sud-Est de l'Europe aux processus d'intégration européenne et mondiale.

Je suis également certain que la Bosnie-Herzégovine saura apporter sa contribution pour édifier la "maison commune" ouverte à tous les peuples de notre continent. En effet, personne n'a le droit d'exclure qui que ce soit, tandis que tous ont l'obligation de respecter les autres, qu'il s'agisse de petits ou de grands pays.



7. J'ai pris note avec satisfaction, Monsieur l'Ambassadeur, de ce que vous avez mentionné en ce qui concerne les relations mutuelles entre la Bosnie-Herzégovine et le Saint-Siège, ainsi que leur développement et approfondissement ultérieurs. Ces relations continueront de bénéficier, comme jusqu'à présent, à tous les citoyens de Bosnie-Herzégovine.

Dans l'accomplissement de la haute mission qui vous a été confiée, vous trouverez, Excellence, tout comme votre prédécesseur, une totale disponibilité de la part du Saint-Siège pour traiter des questions d'intérêt commun.

Que votre séjour à Rome soit agréable et que Dieu vous accorde d'accomplir un travail bénéfique et fructueux.

J'accompagne ces voeux de ma prière, afin que Dieu, Père de tous les hommes et de tous les peuples, vous assiste de ses dons, ainsi que vos collaborateurs, les Autorités de l'Etat, et les chères populations de Bosnie-Herzégovine, toujours présentes dans mon coeur.




AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE DE LA FONDATION "DOM CARLO GNOCCHI"

Samedi 30 novembre 2002




Monsieur le Cardinal,
Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Très chers frères et soeurs!

1. C'est pour moi un motif de grande joie de vous accueillir aujourd'hui dans le contexte des célébrations pour le centenaire de la naissance de Dom Carlo Gnocchi, et pour le cinquantième anniversaire de la fondation qui naquit de son coeur d'éminent "prêtre éducateur et artisan de la charité", comme le définit le Cardinal Carlo Maria Martini, en ouvrant son procès en béatification, en 1987. Je vous remercie de votre visite, qui m'offre l'occasion de manifester ma sincère satisfaction pour le service digne d'éloges que vous rendez à ceux qui se trouvent en difficulté.

Je vous salue tous avec affection: hôtes, dirigeants, agents, volontaires, ex-élèves et amis de la grande famille spirituelle de dom Carlo Gnocchi, sans oublier l'Association nationale des Chasseurs alpins qui est liée à la figure et à l'oeuvre de ce zélé prêtre. Je salue les représentants des Instituts religieux masculins et féminins créés par dom Gnocchi et le Président de la Fondation, Mgr Angelo Bazzari, que je remercie des pieux sentiments qu'il a voulu exprimer en votre nom. Je salue la jeune pensionnaire du Centre de Milan, qui s'est faite l'interprète de tous les hôtes de la Fondation. J'adresse une pensée respectueuse au Maire de Milan et aux autres représentants des Autorités civiles et militaires, qui ont souhaité être présents à cette rencontre.

2. Le serviteur de Dieu dom Carlo Gnocchi, "père des petits mutilés", fut un éducateur des jeunes dès le début de son ministère sacerdotal. Il connut les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale en tant qu'aumônier volontaire, tout d'abord sur le front grec-albanais et, ensuite, avec les Chasseurs alpins de la Division "Tridentine", au cours de la campagne de Russie. Il se prodigua avec une charité héroïque à l'égard des blessés et des mourants, et il mûrit le projet d'une grande oeuvre destinée aux pauvres, aux orphelins et aux laissés-pour-compte.

C'est ainsi que naquit la Fondation Pro Juventute, à travers laquelle il multiplia les initiatives sociales et apostoliques en faveur des nombreux orphelins de guerre et des petits mutilés, victimes de l'explosion de bombes de guerre. Sa générosité alla au-delà de la mort, qui eut lieu le 28 février 1956, à travers le don de ses deux cornées à des enfants non-voyants. Ce fut un geste précurseur, si l'on considère qu'en Italie, la greffe d'organes n'était pas encore réglementée par des mesures législatives.

3. Très chers frères et soeurs! Les célébrations jubilaires vous ont permis, au cours de cette année, d'approfondir encore davantage les raisons de votre engagement dans la société et dans l'Eglise. De la réhabilitation et de l'intégration sociale des petits mutilés de guerre, vous êtes aujourd'hui arrivés à gérer des activités diversifiées en faveur de jeunes, d'adultes et de personnes âgées qui ne sont pas autonomes. Répondant, en outre, aux nouveaux besoins qui naissent dans la société, vous avez ouvert vos maisons aux malades du cancer en phase terminale. Dans le même temps, vous n'avez pas oublié d'investir dans la recherche scientifique, en soignant la formation professionnelle des invalides, à travers des écoles et des cours dans diverses régions d'Italie.

4. "Rétablir la personne humaine" est le principe qui continue à vous inspirer, en fidélité à l'esprit de dom Carlo Gnocchi. Il était convaincu qu'il ne suffit pas d'assister le malade; il faut le "rétablir", en le soutenant à travers des thérapies adaptées propres à lui faire retrouver sa confiance en lui-même. Cela exige une mise à jour technique et professionnelle, mais bien plus encore un support humain constant et, en particulier, spirituel. "Partager la souffrance - aimait à répéter cet éminent pédagogue social - constitue le premier pas thérapeutique; le reste c'est l'amour qui l'accomplit".

Et ce fut précisément l'amour le secret de toute sa vie. Dans chaque personne qui souffre, il voyait le Christ crucifié, et encore davantage s'il s'agissait d'individus fragiles, petits, sans défense. Il comprit que la lumière capable de donner un sens à la douleur innocente des enfants vient du mystère de la Croix. Chaque enfant mutilé représentait pour lui "une petite relique de la rédemption chrétienne et un signal qui anticipe la gloire pascale".

5. Très chers frères et soeurs! Continuez à suivre les traces de cet inoubliable maître de vie. Comme lui, soyez de bons samaritains pour ceux qui frappent à la porte de vos maisons. Son message représente aujourd'hui une singulière prophétie de solidarité et de paix. En effet, en servant les derniers et les petits de façon désintéressée, l'on contribue à construire un monde plus accueillant et solidaire.

Presque tous vos centres de soin et de réhabilitation sont consacrés à la Vierge. Que ce soit Elle - la Mère de l'espérance à laquelle dom Gnocchi s'adressait avec une dévotion filiale - qui vous soutienne et vous guide vers de nouveaux objectifs de bien. Je vous assure de ma prière, alors que je vous bénis de tout coeur, vous qui êtes ici présents, ainsi que ceux qui composent la grande famille de la "Fondation dom Carlo Gnocchi".




 MESSAGE À SA SAINTETÉ BARTHOLOMAIOS Ier, PATRIARCHE OECUMÉNIQUE, À L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ


À Sa Sainteté Bartholomaios Ier
Archevêque de Constantinople
Patriarche oecuménique

"Que la grâce et la paix vous viennent en abondance", à Vous qui êtes élu "selon le dessein de Dieu le Père, par la sanctification de l’Esprit, pour obéir à Jésus Christ" (cf. 1P 1,2).

C’est par ces paroles de salutations que l’apôtre Pierre s’adressait aux chrétiens du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie et de la Bithynie. Et c’est par ces mêmes paroles de souhait irénique que je m’adresse à Vous en cette joyeuse circonstance de la fête du saint Patron du Patriarcat oecuménique.

Aujourd’hui, ce voeu s’épanouit en prière. La délégation, guidée par le Cardinal Walter Kasper, Président du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens, qui, à ma demande, s’est rendue auprès de vous, s’unit à Votre Sainteté, au Saint-Synode et à toute l’Église de Constantinople pour élever vers Dieu notre Père, dans une ferveur commune, la grande doxologie où les traditions orientale et latine se rencontrent dans la commémoration de l’apôtre André, le Protoclite, frère de Pierre.

La fraternité des deux apôtres Pierre et André, ainsi que la même et unique vocation à laquelle ils furent appelés tandis qu’ils vaquaient à leur travail quotidien (cf. Mc Mc 1,16-17), nous invitent à rechercher ensemble, jour après jour, la pleine communion, afin de réaliser notre mission commune de réconciliation en Dieu et de promotion d’un authentique esprit pacifique et chrétien, dans le monde traversé par de dramatiques déchirements et conflits armés.

La fidélité au Christ des deux Saints Frères, Pierre et André, jusqu’à leur ultime sacrifice, celui du martyre, appelle nos communautés, nées de la prédication des Apôtres et situées dans la succession apostolique ininterrompue, à s’engager en vue de surmonter les difficultés qui empêchent encore la concélébration eucharistique.

Cette même fidélité, qui s’enracine dans le sacrifice du martyre, est le modèle vers lequel nous devons continuellement tendre sans réticences, et qui doit guider nos pas et nous disposer pleinement et humblement au sacrifice pour l’unité voulue par le Seigneur.

Nos contacts, nos conversations et nos expériences de collaboration sont tous orientés vers un seul but: l’unité, condition essentielle indiquée par le Christ, qui doit caractériser les relations entre ses disciples. Pour sa part, l’Église catholique s’est engagée avec conviction dans ce processus, avec la volonté de faire progresser toute initiative pouvant favoriser la recherche de la pleine unité entre tous les disciples du Christ. Nous estimons donc qu’il convient de trouver des formes plus fréquentes de communication et d’échanges réguliers et réciproques entre nous, pour rendre plus harmonieuses nos relations et pour coordonner de manière plus efficace nos efforts communs. Comment ne pas évoquer dans ce contexte la préoccupation qui me tient tant à coeur et que Votre Sainteté partage avec moi, à savoir relancer le dialogue théologique pour une nouvelle phase, après les incertitudes, les difficultés et les tâtonnements de la dernière décennie ?

Telles sont les pensées qui me viennent à l’esprit et au coeur alors que nous célébrons la fête de saint André, frère de Pierre. Je songe aussi à l’icône que Sa Sainteté Athénagoras Ier offrit à Sa Sainteté Paul VI en anamnèse de leur première et heureuse rencontre à Jérusalem. Elle représente les deux apôtres Pierre et André, dans une accolade fraternelle, et elle est le symbole de la réalité vers laquelle nous devons tendre: l’accolade de nos Églises dans la pleine communion.

Dans ces sentiments et dans l’espérance que nos relations ecclésiales, vivifiées par un élan toujours renouvelé, puissent connaître de nouveaux développements, je vous assure, Sainteté, de mon affection fraternelle dans le Seigneur.

Du Vatican, le 25 novembre 2002.

IOANNES PAULUS II


                              Décembre 2002


AUX MEMBRES DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES ET AUX PHOTOGRAPHES LORS DE LA PRÉSENTATION DE L'ALBUM INTITULÉ "IMMAGES"

Mardi 3 décembre 2002



Monsieur le Cardinal,
chers frères dans l'épiscopat!
Mesdames et Messieurs!

Je souhaite à chacun de vous une cordiale bienvenue, et je suis heureux d'exprimer ma profonde gratitude pour cette visite, ainsi que pour le don apprécié de l'album intitulé "Images".

Je suis reconnaissant au cher Cardinal Andrzej Maria Deskur, au Président, au Secrétaire, au Sous-Secrétaire et aux collaborateurs du Conseil pontifical pour les Communications sociales, qui ont promu cette initiative éditoriale pour commémorer le début de la 25 année de mon Pontificat.

J'étends ma pensée reconnaissante aux représentants des Sociétés Edindustria et Tosinvest, qui ont financé l'ouvrage, ainsi qu'aux photographes, qui ont mis généreusement à disposition des photos éloquentes, reproduites avec habileté par l'agence de graphisme "Arc en ciel".

Cette nouvelle publication veut témoigner, à travers le langage concret des images, de l'activité accomplie par le Successeur de Pierre au cours de ces 24 années, en illustrant les moments et les événements les plus significatifs. Je souhaite de tout coeur que les rencontres du Pape avec les fidèles du monde entier, que vous avez voulu amplement documenter dans ce recueil de photos, puissent encourager chacun à poursuivre fidèlement sur le chemin du témoignage évangélique.

Avec ces sentiments, je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos familles et tous ceux qui vous sont chers.



AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL ORGANISÉ PAR LA CONGRÉGATION POUR L'EDUCATION CATHOLIQUE

Jeudi 5 décembre 2002




Messieurs les Cardinaux,
Monsieur le Président de la Fédération internationale des Universités catholiques,
chers recteurs et professeurs des Universités catholiques,
chers amis!

1. Je suis heureux de vous souhaiter un salut cordial et de vous exprimer ma reconnaissance pour l'engagement culturel et évangélisateur des Universités catholiques du monde entier. Votre présence m'offre l'occasion de m'adresser au Corps académique, au personnel et aux étudiants de vos Institutions, qui constituent ensemble la communauté universitaire. Le rendez-vous d'aujourd'hui me rappelle avec émotion l'époque où j'ai moi aussi pris part à l'enseignement supérieur.

Je remercie le Cardinal Zenon Grocholewski pour les paroles à travers lesquelles il a interprété vos sentiments à tous, illustrant dans le même temps les motivations et les perspectives qui animent l'activité de recherche et d'enseignement qui est accomplie avec ardeur dans vos Universités.

2. Organisé par la Congrégation pour l'Education catholique et la Fédération internationale des Universités catholiques, votre Congrès, qui porte sur le thème: "La mondialisation et l'Université catholique" est particulièrement opportun. Il souligne le fait que l'Université catholique doit toujours avoir à l'esprit dans ses réflexions les changements de la société pour proposer de nouvelles réflexions.

L'institution universitaire est née au sein de l'Eglise dans les grandes villes européennes comme Paris, Bologne, Salamanque, Padoue, Oxford, Coimbra, Rome, Cracovie et Prague, soulignant le rôle de l'Eglise dans le domaine de l'enseignement et de la recherche. C'est en s'appuyant sur des hommes qui étaient à la fois théologiens et humanistes que s'organisa l'enseignement supérieur, non seulement dans le domaine théologique et philosophique, mais également dans la majorité des matières profanes. Les Universités catholiques continuent aujourd'hui de jouer un rôle important dans l'horizon scientifique international et sont appelées à prendre une part active à la recherche et au développement du savoir, en vue de la promotion de la personne et du bien de l'humanité.

3. Les nouvelles questions scientifiques exigent une grande prudence et des études sérieuses et rigoureuses; elles soulèvent de nombreux défis, tant pour la communauté scientifique que pour les personnes qui doivent prendre des décisions, en particulier dans le domaine politique et juridique. Je vous exhorte donc à demeurer vigilants pour percevoir dans les progrès scientifiques et techniques, et également dans le phénomène de la mondialisation, tout ce qui est porteur de promesses pour l'homme et l'humanité, mais également les dangers que ceux-ci comportent pour l'avenir. Parmi les thèmes qui revêtent actuellement un intérêt particulier, je désire mentionner ceux qui concernent directement la dignité de la personne et ses droits fondamentaux auxquels sont intimement liés les grandes interrogations de la bioéthique, comme le statut de l'embryon humain et les cellules-souches, qui sont aujourd'hui l'objet d'expériences et de manipulations préoccupantes, pas toujours justifiées, ni moralement, ni scientifiquement.

4. La mondialisation est souvent le résultat de facteurs économiques, qui aujourd'hui plus que jamais, dictent les décisions politiques, juridiques et bioéthiques, souvent au détriment des préoccupations humaines et sociales. Le monde de l'Université devrait s'engager à analyser les facteurs qui sont à la base de ces décisions et devrait à son tour contribuer à en faire des actes authentiquement moraux, des actes dignes de la personne humaine. Cela signifie souligner fortement la place centrale de la dignité inaliénable de la personne humaine dans la recherche scientifique et dans les politiques sociales. A travers leurs activités, les professeurs et étudiants de vos Institutions sont appelés à apporter un clair témoignage de leur foi à la communauté scientifique, en montrant leur engagement en faveur de la vérité et du respect de la personne humaine. Les chrétiens doivent en effet entreprendre la recherche à la lumière de la foi enracinée dans la prière, dans l'écoute de la Parole de Dieu, dans la Tradition et dans l'enseignement du Magistère.

5. Le rôle des universités est de former les hommes et les femmes dans les différentes disciplines, en prenant soin de montrer le lien structurel profond entre la foi et la raison, "les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité" (Fides et Ratio FR 1). Il ne faut pas oublier qu'une véritable éducation devrait présenter une vision complète et transcendante de la personne humaine et éduquer les consciences des personnes. Je suis conscient de vos efforts, dans l'enseignement des disciplines séculaires, pour transmettre à vos étudiants un humanisme chrétien et pour leur présenter, tout au long de leur cursus universitaire, les éléments fondamentaux de la philosophie, de la bioéthique et de la théologie. Cela confirmera leur foi et formera leur conscience (cf. Ex corde Ecclesiae, n. 15).



6. L'Université catholique doit exercer sa mission avec le souci de maintenir son identité chrétienne, participant à la vie de l'Eglise locale. Tout en ayant son autonomie scientifique, elle a la charge de vivre l'enseignement du Magistère dans les différents domaines de la recherche dans lesquels elle est impliquée. La Charte Ex corde Ecclesiae souligne cette double mission: en tant qu'université elle "est une communauté académique qui, de manière rigoureuse et critique, contribue à la sauvegarde et au développement de la dignité humaine et de l'héritage culturel grâce à la recherche, à l'enseignement et aux différents services offerts" (n. 12). En tant que catholique, elle manifeste son identité fondée sur la foi catholique, dans la fidélité aux enseignements et aux orientations qui sont donnés par l'Eglise, assurant "une présence chrétienne dans le monde universitaire, face aux grands problèmes de la société et de la culture" (n. 13). Il revient en effet à chaque enseignant ou chercheur, mais aussi à la communauté universitaire tout entière et à l'institution elle-même, de vivre cet engagement comme un service de l'Evangile, de l'Eglise et de l'homme. En ce qui les concerne, les Autorités universitaires ont le devoir de veiller à la rectitude et au maintien des principes catholiques dans l'enseignement et la recherche au sein de leur établissement. Il est clair que les centres universitaires qui ne respectent pas les lois de l'Eglise et l'enseignement du Magistère, notamment en matière de bioéthique, ne peuvent pas se prévaloir du caractère d'Université catholique. J'invite donc chaque personne et chaque Université à réfléchir sur sa façon de vivre la fidélité aux principes propres à l'identité catholique et à prendre en conséquence les décisions qui s'imposent.

7. Au terme de notre rencontre, je voudrais vous exprimer ma confiance et mes encouragements. Les Universités catholiques sont précieuses pour l'Eglise. Elles remplissent une mission au service de l'intelligence de la foi et du développement du savoir; elles créent inlassablement des ponts entre les scientifiques de toutes les disciplines. Elles sont appelées à être toujours davantage des lieux de dialogue avec l'ensemble du monde universitaire, pour que la formation culturelle et la recherche soient au service du bien commun et de l'homme, qui ne peut pas être considéré comme un simple objet d'investigation.

En vous confiant à l'intercession de la Vierge Marie, de saint Thomas d'Aquin et de tous les Docteurs de l'Eglise, je vous accorde, ainsi qu'aux personnes et aux Institutions que vous représentez, la Bénédiction apostolique.



Discours 2002 - Mardi 26 novembre 2002