Discours 2003





                                          2003

                                      Janvier 2003

AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS ORGANISÉ PAR LE COLLÈGE PONTIFICAL D'AMÉRIQUE DU NORD

Vendredi 10 janvier 2003



Eminences,
Excellences,
Chers frères dans le Christ,

C'est avec une grande affection que je salue les anciens élèves du Collège pontifical d'Amérique du Nord, ainsi que le Recteur, la faculté, les étudiants du séminaire et les prêtres étudiants de la Maison "Sainte-Marie-de-l'Humilité". Vous vous êtes réunis à Rome pour célébrer le cinquantième anniversaire de deux événements qui ont inauguré un nouveau chapitre de l'histoire du Collège: la dédicace de l'édifice du séminaire sur le Janicule et l'inauguration de la Maison Sainte-Marie comme maison d'étude pour les prêtres. Que cet anniversaire intensifie votre engagement au service de la mission permanente du Collège de former des prêtres qui se caractérisent par leur sens profond de l'universalité de l'Eglise et par leur zèle pour la diffusion du Royaume de Dieu, que ce soit dans votre pays natal ou dans le reste du monde!

Cette année, votre rencontre vous ramène à Rome et au Collège, des lieux qui vous sont chers et dans lesquels, avec les idéaux et la générosité de la jeunesse, vous vous êtes consacrés jadis à la recherche de la connaissance, de la sagesse et de la sainteté au service du Peuple de Dieu. A un moment difficile et douloureux pour les catholiques aux Etats-Unis, je vous assure tous de ma solidarité dans la prière. J'espère avec ferveur que ces journées de réflexion, de prière et de fraternité sacerdotale renforceront votre noble vocation à être des disciples de Jésus-Christ, des témoins de la vérité de son Evangile et des pasteurs entièrement consacrés au renouveau de son Eglise dans la foi, l'espérance et l'amour.

Chers frères, parmi les défis et les espérances du moment présent, je vous exhorte à fixer le regard sur Jésus, notre Prêtre Suprême, qui ne cesse jamais d'inspirer et de perfectionner notre foi (cf. He He 12,2). En vous confiant, ainsi que les fidèles que vous servez, aux prières pleine d'amour de Notre-Dame de l'Humilité, Patronne du Collège, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique en gage de joie et de paix dans le Seigneur.



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX JEUNES MISSIONNAIRES DE L'OEUVRE PONTIFICALE DE L'ENFANCE MISSIONNAIRE


Très chers jeunes missionnaires!

1. Dans la première moitié du XIX siècle, l'Europe fut le témoin d'une grande expansion missionnaire et l'Eglise, consciente du potentiel missionnaire de l'enfance, commença à demander aux enfants de devenir les acteurs de l'annonce de l'Evangile aux jeunes de leur âge.

Le 9 mai 1843, l'Evêque de Nancy, Mgr Charles de Forbin-Janson, désireux de soutenir les activités des catholiques en Chine, proposa aux enfants de Paris d'aider les jeunes de leur âge en récitant un Ave Maria par jour et en leur offrant un sou par mois. En peu de temps, cette initiative missionnaire de soutien matériel et spirituel franchit les frontières de la France et se diffusa dans d'autres pays.

Le 30 septembre 1919, mon vénéré prédécesseur Benoît XV écrivait: "Nous recommandons vivement à tous les fidèles l'Oeuvre de la Sainte Enfance, qui a pour objectif d'assurer le baptême aux enfants non-chrétiens. Nous recommandons que tous les enfants chrétiens puissent adhérer à cette Oeuvre, car grâce à elle, ils apprennent à contribuer à l'évangélisation de leur prochain et comprennent déjà à leur âge la précieuse valeur de la foi" (Maximum illud.).

La fête de l'Epiphanie de cette année revêt une valeur particulière, car l'on fête les 160 ans d'histoire de l'Oeuvre de la Sainte Enfance, actuellement présente dans 110 nations. Celle-ci propose aux enfants de tous les diocèses du monde un programme qui a comme fondement la prière, le sacrifice et des gestes de solidarité concrète: de cette façon, ils peuvent devenir les évangélisateurs de jeunes de leur âge.

Le temps de la mission des jeunes

2. Chers jeunes missionnaires, je sais avec quel soin et quelle générosité vous tentez de développer cet engagement apostolique. Vous vous efforcez de nombreuses façons de partager le sort des enfants contraints avant l'heure de travailler et de venir en aide à l'indigence de ceux qui sont pauvres; vous êtes solidaires des préoccupations et des drames des enfants touchés par la guerre des adultes, et qui sont souvent victimes de la violence de la guerre; vous priez chaque jour afin que le don de la foi, que vous avez reçu, soit transmis à des millions de vos jeunes amis qui ne connaissent pas encore Jésus.

Vous êtes à juste titre convaincus que celui qui rencontre Jésus et qui accepte son Evangile s'enrichit de nombreuses valeurs spirituelles; la vie divine de la grâce, l'amour qui rend frères, le dévouement aux autres, le pardon donné et reçu, la disponibilité à accueillir et à être accueilli, l'espérance qui nous projette dans l'éternité, la paix comme don et comme engagement.

En ce temps de Noël, dans de nombreuses Eglises locales, les enfants de l'Oeuvre de la Sainte Enfance, habillés en rois mages ou en pasteurs, vont de maison en maison pour transmettre l'annonce joyeuse de Noël. Telle est la sympathique coutume des Chanteurs de l'Etoile, qui a commencé sur l'initiative de l'Oeuvre des pays germaniques et qui s'est diffusée par la suite dans de nombreuses autres nations: des jeunes filles et garçons frappent aux portes, chantent des hymnes de Noël, récitent des prières, présentent aux familles des projets de solidarité. Ainsi les petits évangélisent également les grands.

Un amour qui embrasse le monde entier

3. Cet engagement d'évangélisation et de solidarité, vous le savez bien, ne se limite pas à quelques semaines et à la seule période de Noël, mais s'étend à toute la vie. Voilà pourquoi je vous encourage à répondre généreusement aux innombrables demandes d'aide qui proviennent des pays pauvres.

Combien de jeunes en Europe, en Amérique, en Asie, en Afrique et en Océanie prient et travaillent pour ce même idéal! Un Fonds mondial de solidarité a été créé, alimenté par les offres qui arrivent de toutes les parties de la terre. Il sert à financer des projets, grands et petits, destinés à l'enfance.

Il existe de très belles histoires d'enfants qui, pour adopter à distance leurs petits amis, sont devenus vendeurs d'étoiles et collecteurs de timbres; pour libérer les enfants de leur âge contraints à combattre, ils ont renoncé à un jouet ou à un loisir coûteux; pour financer les livres de catéchisme ou pour construire des écoles dans des zones de mission, ils se sont engagés dans diverses formes d'épargne. Et les exemples pourraient continuer. Il existe plus de trois mille projets financés par les contributions des enfants missionnaires. N'est-ce pas là un véritable miracle de l'amour de Dieu, vaste et silencieux, qui laisse sa marque dans le monde?

Très chers enfants missionnaires, vous devez tous participer à ce miracle! Et ceux d'entre vous qui ne possèdent rien peuvent apporter la contribution de la prière en plus des difficultés de leur pauvreté.

La force éducative de la mission

4. Chers jeunes garçons et filles, l'engagement missionnaire vous aide vous-mêmes à croître dans la foi et fait de vous de joyeux disciples de Jésus.

La solidarité envers ceux qui sont moins chanceux que vous ouvre votre coeur aux grandes exigences de l'humanité. Vous pouvez reconnaître le visage de Jésus chez les enfants pauvres et dans le besoin. C'est ainsi qu'ont agi d'éminents missionnaires comme François-Xavier, Matteo Ricci, Charles de Foucauld, Mère Teresa de Calcutta et tant d'autres dans toutes les régions du monde.

Je souhaite de tout coeur que vos Pasteurs, Evêques et prêtres, ainsi que vos catéchistes et animateurs, vos parents et vos enseignants prennent à coeur l'Oeuvre de l'Enfance missionnaire. Dès sa fondation, elle a porté des fruits d'héroïsme missionnaire, et a écrit de très belles pages de l'histoire de l'Eglise. Les premiers enfants chinois, sauvés par les "enfants missionnaires", sont devenus des enseignants, des catéchistes, des médecins et des prêtres. Le don du Baptême s'est transformé en lumière pour eux et pour leurs familles.

Parmi les enfants aidés par les dons et par la prière d'autres enfants, figure le martyr Paul Tchen et le premier Archevêque de Pékin, le Cardinal Tien Kenhsin. Au fil des ans est ensuite apparue chez de nombreux jeunes garçons et filles la vocation à la consécration totale à l'évangélisation.

Comment ne pas rappeler la petite Thérèse de Lisieux qui, à l'âge de sept ans, le 12 mai 1882, s'inscrivit à l'Oeuvre de la Sainte Enfance et, à l'âge de 14 ans, avait déjà décidé de se donner à Jésus pour le salut du monde? Cette fécondité spirituelle ne s'est pas éteinte aujourd'hui. Nous prions afin qu'un nombre toujours plus important d'enfants mette à disposition de l'Evangile non seulement un moment, mais toute leur existence. Nous demandons également à Dieu que se diffuse partout l'action bénéfique de l'Enfance missionnaire.

Encore un Ave Maria

5. Les besoins des enfants du monde sont si nombreux et complexes qu'aucune tirelire ni aucun geste de solidarité, aussi grand soient-ils, ne suffirait à les résoudre. L'aide du Très-Haut est nécessaire. En vous inscrivant à l'Oeuvre de la Sainte Enfance, votre premier engagement consiste à réciter un Ave Maria par jour. Vous savez en effet que l'efficacité de la mission s'appuie avant tout sur la prière et c'est pourquoi vous vous adressez à la Madone, Etoile de l'évangélisation.

Depuis 160 ans, vous l'invoquez au nom des enfants du monde entier. Je vous exhorte à persévérer dans cette belle pratique avec un engagement renouvelé en cette "Année du Rosaire". Les plus grands pourront tenter, au moins quelques fois, de réciter une dizaine entière de chapelet ou même tout le Rosaire. Le Rosaire missionnaire est très suggestif: une dizaine, la blanche, concerne la vieille Europe, afin qu'elle puisse retrouver la force évangélisatrice qui a engendré tant d'Eglises; la dizaine jaune est pour l'Asie, qui explose de vie et de jeunesse; la dizaine verte est pour l'Afrique, éprouvée par la souffrance, mais disponible à l'annonce; la dizaine rouge est pour l'Amérique, promesse de nouvelles forces missionnaires; la dizaine bleue est pour le continent de l'Océanie, qui attend une diffusion plus vaste de l'Evangile.

Chers jeunes missionnaires, que la Madone vous accompagne dans votre engagement! Je vous confie à elle, ainsi que vos familles et les communautés chrétiennes auxquelles vous appartenez. Je vous bénis tous avec affection.

Du Vatican, le 6 janvier 2003, solennité de l'Epiphanie du Seigneur

IOANNES PAULUS II



AUX MEMBRES DU COLLÈGE PONTIFICAL PORTUGAIS DE ROME

Samedi 11 janiver 2003


   

Monsieur le Cardinal-Patriarche,
chers prêtres du Collège pontifical portugais,
bien-aimés frères et soeurs,

C'est avec une grande joie que je vous accueille dans la maison de Pierre, en me rappelant la visite que je vous ai rendue, il y a 18 ans. Je salue chacun de vous, en incluant dans mon salut vos familles et vos pays d'origine, que je conserve dans mon coeur.

A travers la personne de votre Cardinal, qui m'a cordialement présenté la famille du Collège, et qui, en qualité de Président, représente la Conférence des Evêques portugais, je désire exprimer mes félicitations pour le défi relevé et pour la sollicitude et la confiance manifestées en ces cent ans de vie de l'Institut. Je saisis cette occasion pour remercier les responsables des services de votre maison et de la formation pour la diligence et la compétence dont ils ont fait preuve, ainsi que les étudiants pour le sérieux et l'enthousiasme qu'ils ont manifestés pour répondre aux attentes de leurs diocèses respectifs.

Pour ma part, je m'unis de tout coeur à votre louange à Dieu pour les cent ans de cet Institut et je renouvelle l'espoir qu'ont placé dans celui-ci mes prédécesseurs, en commençant par le Pape Léon XIII qui, à travers le Bref Rei Catholicae apud Lusitanos du 20 octobre 1900, institua le Collège pontifical portugais, le dotant également d'une résidence et d'une direction stable, afin d'"offrir - lit-on dans le document - à ceux qui se consacrent au sacerdoce une éducation plus précise, car à travers cet unique bienfait, on donne à l'Eglise [portugaise] presque toutes les aides dont elle a besoin".

Dans une Eglise locale, il est très utile que certains membres du clergé approfondissent leur connaissance du message chrétien dans le cadre de leurs études universitaires. Je connais l'engagement diligent avec lequel les Evêques portugais se sont efforcés d'offrir des instruments de formation de qualité à leurs prêtres, en particulier à travers l'institution et le développement croissant de l'Université catholique dans le pays, mais il appartient à l'esprit des institutions universitaires elles-mêmes de faire en sorte qu'une partie des étudiants fréquente les centres universitaires à l'étranger, afin d'acquérir une autre vision et une formation complémentaire. D'où la grande utilité qu'a eue et que continuera d'avoir le Collège portugais en vue d'accueillir dignement les prêtres, auxquels est donnée la grâce de poursuivre leur formation théologique et pastorale, bénéficiant de tous les moyens que la Ville éternelle leur offre.

A titre d'hommage, comment ne pas rappeler que, au cours des cent premières années, le Collège a vu défiler 867 étudiants, dont une majorité de prêtres qui se sont révélés des pasteurs éclairés et zélés - on compte parmi eux 3 Cardinaux et 64 Evêques -, à la formation desquels cet Institut a apporté une contribution de premier ordre? Rome a contribué à consolider en eux une mentalité universelle et catholique conforme aux lignes fondamentales de l'action à accomplir lorsque, par la suite, empreints d'un authentique esprit évangélique, ils ont placé au service de l'évangélisation les connaissances acquises, en profitant souvent de la connaissance directe de personnes et de situations que leur séjour romain leur avait donnée. Une des leçons que nous laisse ce centenaire est la grande fécondité spirituelle qui provient de la place de cet Institut portugais ici, au coeur de la catholicité, en offrant d'exceptionnelles occasions non seulement pour le travail académique, mais également pour l'expérience personnelle.

Le Collège, qui rappelle sous certains aspects le Cénacle de Jérusalem, est entré dans son deuxième siècle d'existence. J'implore sur ceux qui forment sa famille la venue de l'Esprit Saint et de ses dons. Comme l'a dit votre Cardinal, il accueille aujourd'hui des prêtres de divers pays et langues, faisant de lui un lieu privilégié de rencontre sacerdotale et un lien promoteur d'unité entre les diverses Eglises locales. Au terme du grand Jubilé de l'An 2000, j'ai invité tout le Peuple de Dieu à "faire de l'Eglise la maison et l'école de la communion: tel est le grand défi qui se présente à nous dans le millénaire qui commence, si nous voulons être fidèles au dessein de Dieu et répondre aussi aux attentes profondes du monde" (Lettre apostolique Novo Millennio ineunte NM 43). En souvenir de notre rencontre, je souhaite former un voeu: que tous sachent apporter leur contribution pour approfondir et consolider l'unité de l'Eglise, dont Rome est le signe et le centre placé à son service!

Comme vous le savez, une communauté chrétienne vit de l'effort de communication et de coopération de chacun de ses membres, en obéissant à l'amour qui provient de la Très Sainte Trinité, dont les Personnes existent dans la communication réciproque et incessante et dans l'échange d'être et de vie. Cette communion trinitaire est le modèle qui doit transparaître de la condition et du service sacerdotal, qui "est radicalement de "nature communautaire " et ne peut être rempli que comme "oeuvre collective"" (Exhortation apostolique Pastores dabo vobis PDV 17), en communion hiérarchique avec leur Evêque et avec les autres prêtres et fidèles laïcs.

Bien-aimés frères et soeurs,

Tels sont quelques-uns des sentiments que m'inspire le centenaire de votre et de notre Collège. Continuez à progresser, tout en approfondissant la formation chrétienne et sacerdotale, apostolique et culturelle, que l'Eglise attend de vous. Aimez profondément l'Evangile et les hommes parmi lesquels vous êtes envoyés, selon l'exemple et la mesure du Coeur du Christ (cf. Jr Jr 3,15), auquel est consacré de façon solennelle le Collège à travers un acte de confiance que les générations successives de Supérieurs et d'étudiants ont renouvelé, trouvant en lui sérénité, inspiration et sainteté.

Ainsi, cet Institut doit continuer à être, comme par le passé, une pépinière d'apôtres, un point d'union entre la Rome catholique et vos pays, un témoignage vivant du dévouement et de la fidélité de ces derniers au Siège de Pierre. En formant ces voeux pour le meilleur avenir possible du Collège portugais, je donne de tout coeur aux Supérieurs et aux étudiants, aux bienfaiteurs et aux collaborateurs, présents et absents, ma Bénédiction apostolique.

   

POUR LES VOEUX AU CORPS DIPLOMATIQUE

Lundi, 13 janvier 2003




Excellences,
Mesdames, Messieurs,

1. Heureuse tradition que cette rencontre du début d’année qui me donne la joie de vous recevoir et d’embrasser en quelque sorte tous les peuples que vous représentez ! En effet, à travers vous et grâce à vous, me parviennent leurs espérances et leurs aspirations, leurs réussites et leurs échecs. Aujourd’hui, je désire former pour vos pays des voeux fervents de bonheur, de paix et de prospérité.

Au seuil de l’an nouveau, il m’est agréable aussi de vous présenter à tous mes meilleurs souhaits, alors que j’invoque sur vos personnes, sur vos familles et sur vos compatriotes l’abondance des Bénédictions divines.

Avant de partager avec vous quelques réflexions inspirées par l’actualité du monde et de l’Église, je me dois de remercier votre Doyen, l’Ambassadeur Giovanni Galassi, pour le discours qu’il vient de m’adresser, ainsi que pour les voeux qu’il a délicatement exprimés, en votre nom à tous, pour ma personne et pour mon ministère. Veuillez tous accepter ma vive gratitude !

Monsieur l’Ambassadeur, vous avez également évoqué avec sobriété les légitimes attentes de nos contemporains, hélas trop souvent contrariées par des crises politiques, par la violence armée, par des conflits sociaux, par la pauvreté ou par des catastrophes naturelles. Jamais comme en ce début de millénaire l’homme n’a senti combien le monde qu’il a façonné est précaire.

2. Je suis personnellement impressionné par le sentiment de peur qui habite souvent le coeur de nos contemporains. Le terrorisme sournois qui peut frapper à tout instant et partout; le problème non résolu du Moyen-Orient, avec la Terre Sainte et l’Irak; les soubresauts qui perturbent l’Amérique du Sud, particulièrement l’Argentine, la Colombie et le Venezuela; les conflits qui empêchent de nombreux pays africains de se consacrer à leur développement; les maladies qui propagent la contagion et la mort; le grave problème de la faim, tout spécialement en Afrique; les conduites irresponsables qui contribuent à l’appauvrissement des ressources de la planète: ce sont autant de fléaux qui menacent la survie de l’humanité, la sérénité des personnes et la sécurité des sociétés.

3. Mais tout peut changer. Cela dépend de chacun de nous. Chacun peut développer en lui son potentiel de foi, de probité, de respect d’autrui, de dévouement au service des autres.

Cela dépend aussi, bien évidemment, des responsables politiques, appelés à servir le bien commun. Vous ne serez pas surpris que devant un parterre de diplomates j’énonce à ce sujet quelques impératifs qu’il me semble nécessaire de satisfaire si l’on veut éviter que des peuples entiers, peut-être même l’humanité, ne sombrent dans l’abîme.

D’abord, un «OUI À LA VIE» ! Respecter la vie et les vies: tout commence là puisque le plus fondamental des droits humains est bien le droit à la vie. L’avortement, l’euthanasie ou le clonage humain, par exemple, risquent de réduire la personne humaine à un simple objet: la vie et la mort sur commande en quelque sorte ! Lorsqu’elles sont dépourvues de tout critère moral, les recherches scientifiques touchant aux sources de la vie sont une négation de l’être et de la dignité de la personne. La guerre elle-même attente à la vie humaine car elle porte avec elle la souffrance et la mort. Le combat pour la paix est toujours un combat pour la vie !

Ensuite le RESPECT DU DROIT. La vie en société – en particulier la vie internationale – suppose des principes communs intangibles dont le but est de garantir la sécurité et la liberté des citoyens et des nations. Ces règles de conduite sont la base de la stabilité nationale et internationale.

Aujourd’hui, les responsables politiques ont à leur disposition des textes et des institutions d’une grande pertinence. Il suffit de les mettre en pratique. Le monde serait totalement différent si l’on commençait par appliquer sincèrement les accords signés !

Enfin le DEVOIR DE SOLIDARITÉ. Dans un monde surabondamment informé mais qui paradoxalement communique si difficilement et où les conditions d’existence sont scandaleusement inégales, il est important de ne rien négliger afin que tous se sentent responsables de la croissance et du bonheur de tous. Il en va de notre avenir. Un jeune sans travail, une personne handicapée marginalisée, des personnes âgées abandonnées, des pays prisonniers de la faim et de la misère, font trop souvent que l’homme désespère et succombe à la tentation de la fermeture sur soi ou à la violence.

4. Voilà pourquoi des choix s’imposent pour que l’homme ait encore un avenir.Pour cela, les peuples de la terre et leurs dirigeants doivent avoir parfois le courage de dire «non».

«NON À LA MORT» ! C’est-à-dire non à tout ce qui attente à l’incomparable dignité de tous les êtres humains, à commencer par celle des enfants à naître. Si la vie est vraiment un trésor, il faut savoir le conserver et le faire fructifier sans le dénaturer. Non à tout ce qui affaiblit la famille, cellule fondamentale de la société. Non à tout ce qui détruit chez l’enfant le sens de l’effort, le respect de soi et de l’autre, le sens du service.

«NON À L’ÉGOÏSME» ! C’est-à-dire à tout ce qui pousse l’homme à se protéger dans le cocon d’une classe sociale privilégiée ou d’un confort culturel qui exclut autrui. La façon de vivre de ceux qui jouissent du bien-être, leur manière de consommer, doivent être revues à la lumière des répercussions sur les autres pays. Que l’on songe, par exemple, au problème de l’eau que l’Organisation des Nations unies propose à la réflexion de tous durant cette année 2003.

L’égoïsme, c’est aussi l’indifférence des nations nanties par rapport aux pays laissés-pour-compte. Tous les peuples ont le droit de recevoir une part équitable des biens de ce monde et du savoir-faire des pays les plus capables. Comment ne pas penser ici, par exemple, à l’accès de tous aux médicaments génériques, nécessaire pour soutenir la lutte contre les pandémies actuelles ? Cet accès est souvent entravé hélas par des considérations économiques à court terme.

«NON À LA GUERRE» ! Elle n’est jamais une fatalité. Elle est toujours une défaite de l’humanité. Le droit international, le dialogue loyal, la solidarité entre États, l’exercice si noble de la diplomatie, sont les moyens dignes de l’homme et des nations pour résoudre leurs différends. Je dis cela en pensant à ceux qui mettent encore leur confiance dans l’arme nucléaire et aux trop nombreux conflits qui tiennent encore en otage des frères en humanité. À Noël, Bethléem nous a rappelé la crise non résolue du Moyen-Orient où deux peuples, l’israélien et le palestinien, sont appelés à vivre côte à côte, également libres et souverains, respectueux l’un de l’autre. Sans avoir à répéter ce que je vous disais l’an passé en pareille circonstance, je me contenterai d’ajouter aujourd’hui, devant l’aggravation constante de la crise moyen-orientale, que sa solution ne pourra jamais être imposée en recourant au terrorisme ou aux conflits armés, pensant que des victoires militaires peuvent être la solution. Et que dire des menaces d’une guerre qui pourrait s’abattre sur les populations d’Irak, terre des prophètes, populations déjà exténuées par plus de douze années d’embargo ? La guerre n’est jamais un moyen comme un autre que l’on peut choisir d’utiliser pour régler des différends entre nations. Comme le rappellent la Charte de l’Organisation des Nations unies et le Droit international, on ne peut s’y résoudre, même s’il s’agit d’assurer le bien commun, qu’à la dernière extrémité et selon des conditions très strictes, sans négliger les conséquences pour les populations civiles durant et après les opérations.

5. Il est donc possible de changer le cours des événements dès lors que prévalent la bonne volonté, la confiance en l’autre, la mise en oeuvre des engagements pris et la coopération entre partenaires responsables. J’en donnerai deux exemples.

L’Europe d’aujourd’hui, à la fois unie et élargie. Elle a su abattre les murs qui la défiguraient. Elle s’est engagée dans l’élaboration et la construction d’une réalité capable de conjuguer unité et diversité, souveraineté nationale et action commune, progrès économique et justice sociale. Cette Europe nouvelle porte en elle les valeurs qui ont fécondé, deux millénaires durant, un art de penser et de vivre dont le monde entier a bénéficié. Parmi ces valeurs, le christianisme occupe une place de choix dans la mesure où il a donné naissance à un humanisme qui a imprégné son histoire et ses institutions. Se souvenant de ce patrimoine, le Saint-Siège et l’ensemble des Églises chrétiennes ont insisté auprès des rédacteurs du futur Traité constitutionnel de l’Union européenne afin qu’y figure une référence aux Églises et institutions religieuses. Il nous paraît en effet souhaitable que, dans le plein respect de la laïcité, trois éléments complémentaires soient reconnus: la liberté religieuse dans sa dimension non seulement individuelle et cultuelle mais également sociale et corporative; l’opportunité d’un dialogue et d’une consultation structurés entre les Gouvernants et les communautés de croyants; le respect du statut juridique dont les Églises et les institutions religieuses jouissent déjà dans les États membres de l’Union. Une Europe qui désavouerait son passé, qui nierait le fait religieux et qui n’aurait aucune dimension spirituelle serait bien démunie face à l’ambitieux projet qui mobilise ses énergies : construire l’Europe de tous !

L’Afrique, elle aussi, nous donne aujourd’hui l’occasion de nous réjouir : l’Angola a commencé sa reconstruction; le Burundi a pris le chemin qui pourrait conduire à la paix et attend de la communauté internationale compréhension et aide financière; la République démocratique du Congo s’est engagée sérieusement dans un dialogue national qui devrait conduire à la démocratie. Le Soudan a également fait preuve de bonne volonté, même si le chemin vers la paix est long et ardu. On doit se féliciter sans aucun doute de tels progrès et encourager les responsables politiques à n’épargner aucun effort pour que, petit à petit, les peuples d’Afrique connaissent un début de pacification et donc de prospérité, à l’abri des luttes ethniques, de l’arbitraire et de la corruption. C’est pourquoi nous ne pouvons que déplorer les graves événements qui secouent la Côte-d’Ivoire et la République Centrafricaine, tout en invitant leurs habitants à déposer les armes, à respecter leur Constitution respective et à jeter les bases d’un dialogue national. Il sera alors aisé d’impliquer toutes les composantes de la communauté nationale dans l’élaboration d’un projet de société où tous se retrouvent. En outre, il est bon de constater que, de plus en plus, les Africains tentent de trouver les solutions les plus adaptées à leurs problèmes, grâce à l’action de l’Union africaine et à des médiations régionales efficaces.

6. Excellences, Mesdames et Messieurs, une constatation s’impose: l’indépendance des États ne peut se concevoir désormais que dans l’interdépendance. Tous sont liés dans le bien comme dans le mal. Pour cela, justement, il convient de savoir distinguer le bien du mal et de les appeler par leur nom. À leur sujet, quand le doute ou la confusion s’installent, les plus grands maux sont à redouter, comme l’histoire nous l’a maintes fois enseigné.

Pour éviter de tomber dans le chaos deux exigences me semblent s’imposer. D’abord retrouver au sein des États et entre les États la valeur primordiale de la loi naturelle, qui a inspiré jadis le droit des gens et les premiers penseurs du droit international. Même si certains remettent aujourd’hui en question sa validité, je suis convaincu que ses principes généraux et universels sont toujours capables de faire mieux percevoir l’unité du genre humain et de favoriser le perfectionnement de la conscience des gouvernants comme des gouvernés. Ensuite l’action persévérante d’hommes d’États probes et désintéressés. En effet, l’indispensable compétence professionnelle des responsables politiques ne peut être légitimée que par l’attachement à de fortes convictions éthiques. Comment pourrait-on prétendre traiter des affaires du monde sans référence à cet ensemble de principes qui sont à la base de ce «bien commun universel» dont l’encyclique Pacem in terris du pape Jean XXIII a si bien parlé ? Il sera toujours possible à un dirigeant logique avec ses convictions de se refuser à des situations d’injustice ou à des déviances institutionnelles, ou d’y mettre fin. Nous retrouvons là, je crois, ce que l’on appelle couramment aujourd’hui la «bonne gouvernance». Le bien-être matériel et spirituel de l’humanité, la tutelle des libertés et des droits de la personne humaine, le service public désintéressé, la proximité avec les situations concrètes, passent avant tout programme politique et constituent une exigence éthique qui est le mieux à même d’assurer la paix intérieure des nations et la paix entre les États.

7. Il est évident que, pour un croyant, s’ajoutent à ces motivations celles que lui donne la foi en un Dieu créateur et père de tous les hommes, qui lui confie la gestion de la terre et le devoir de l’amour fraternel. C’est dire combien l’État a tout intérêt à veiller à ce que la liberté religieuse, droit naturel – c’est-à-dire à la fois individuel et social –, soit effectivement garantie à tous. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, des croyants qui se sentent respectés dans leur foi, qui voient leurs communautés juridiquement reconnues, collaboreront avec d’autant plus de conviction au projet commun de la société civile dont ils sont membres. Vous comprendrez alors que je me fasse le porte-parole de tous les chrétiens qui, de l’Asie à l’Europe, sont encore victimes de violence et d’intolérance, comme cela s’est produit tout récemment à l’occasion de la célébration de Noël. Le dialogue oecuménique entre chrétiens et les contacts respectueux avec les autres religions, en particulier avec l’Islam, sont le meilleur antidote aux dérives sectaires, au fanatisme ou au terrorisme religieux. En ce qui concerne l’Église catholique, je ne mentionnerai qu’une situation, qui est pour moi cause de grande souffrance : le sort réservé à des communautés catholiques dans la Fédération de Russie qui, depuis des mois, voient certains de leurs pasteurs empêchés de les rejoindre pour des raisons administratives. Le Saint-Siège attend des autorités gouvernementales des décisions concrètes qui mettent un terme à cette crise et qui soient conformes aux engagements internationaux souscrits par la Russie moderne et démocratique. Les catholiques russes veulent vivre comme leurs frères du reste du monde, avec la même liberté et la même dignité.

8. Excellences, Mesdames et Messieurs, nous qui sommes réunis en ce lieu, symbole de spiritualité, de dialogue et de paix, puissions-nous contribuer par notre action quotidienne à ce que tous les peuples de la terre avancent, dans la justice et la concorde, vers des situations plus heureuses et plus justes, loin de la pauvreté, de la violence et des menaces de guerre ! Veuille Dieu combler vos personnes ainsi que tous ceux que vous représentez d’abondantes bénédictions ! Bonne et heureuse Année pour tous !



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