Discours 2003 - DEUXIÈME STATION Jésus est chargé de la Croix

DEUXIÈME STATION Jésus est chargé de la Croix


Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.


De l’Évangile selon saint Marc.15, 20

Quand ils se furent bien moqués de lui,
ils lui ôtèrent le manteau rouge,
et lui remirent ses vêtements.
Puis ils l’emmenèrent pour le crucifier.



MÉDITATION

L’exécution commence en application de la sentence. Jésus, condamné à mort, doit être chargé de la Croix, de même que les deux autres condamnés qui doivent subir la même peine. «Il a été compté parmi les pécheurs» (Is 53,12). Le Christ s’approche de la Croix, le corps lacéré et meurtri, le visage ensanglanté sous la couronne d’épines: «Ecce Homo!» (Jn 19,5). En lui est toute la vérité sur «le Fils de l’homme» annoncée par les prophètes, la vérité sur «le Serviteur de Yahvé» annoncée par Isaïe: «Il a été transpercé à cause de nos péchés... et c’est grâce à ses plaies que nous sommes guéris» (Is 53,5).

Il y a aussi en lui une certaine conséquence, suscitant la stupeur, de ce que l’homme a fait de son Dieu. Pilate dit: «Ecce Homo» (Jn 19,5), «Regardez ce que vous avez fait de cet homme!» Dans cette exclamation, une autre voix semble vouloir s’élever: «Regardez ce qu’en cet homme vous avez fait de votre Dieu!»

Un rapprochement saisissant, une interférence frap­pante entre la voix de celui que nous entendons à travers l’histoire et ce qui nous parvient à travers notre conscience de croyants. ­Ecce Homo! Jésus, «dit le Messie» (Mt 27,17), charge la Croix sur ses épaules (cf. Jn 19,17). L’exécution a commencé.



ACCLAMATIONS



Christ, Fils de Dieu,
toi qui révèles à l’homme le mystère de l’homme.
Christe, eleison.

Jésus, serviteur du Seigneur,
par tes saintes plaies nous avons été guéris.
Christe, eleison.



Tous :

Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Cuius animam gementem,
contristatam et dolentem 
pertransivit gladius. 


Dans son âme qui gémissait,
toute brisée, endolorie,
le glaive était enfoncé.


   

TROISIÈME STATION Jésus tombe pour la première fois


Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



Du livre du prophète Isaïe 53, 4-6

Pourtant, c’étaient nos souffrances qu’il portait,
nos douleurs dont il était chargé.
Et nous, nous pensions qu’il était châtié,
frappé par Dieu, humilié.
Or, c’est à cause de nos fautes qu’il a été transpercé,
c’est par nos péchés qu’il a été broyé.
Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui,
et c’est par ses blessures que nous sommes guéris.
Nous étions tous errants comme des brebis,
chacun suivait son propre chemin.
Mais le Seigneur a fait retomber sur lui
nos fautes à nous tous.


MÉDITATION

Jésus tombe sous le poids de la Croix. Il tombe par terre. Il ne recourt pas à ses forces surhumaines, il ne recourt pas à la puissance des anges. «Penses-tu donc que je ne puisse pas faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges?» (Mt 26,53). Il ne demande pas cela. Puisqu’il a accepté le calice des mains de son Père (cf. Mc 14, 26, et par.), il veut le boire jusqu’à la lie. C’est ce qu’il veut. Et c’est pourquoi il ne pense à aucune force surhumaine, bien qu’elles soient à sa disposition. Ils peuvent éprouver un douloureux émerveillement, ceux qui avaient vu son pouvoir sur les faiblesses humaines, sur les mutilations, sur les mala­dies, sur les infirmités et même sur la mort. Et maintenant ? Va-­t-il y renoncer ? Et pourtant «nous espérions...», disent quelques jours plus tard les disciples sur le chemin d’Emmaüs (cf. Lc 24,21). «Sauve-toi toi-même si tu es le Fils de Dieu» (Mt 27,40), s’exclameront les membres du Sanhédrin: «Il en a sauvé d’autres et il ne peut se sauver lui-même» (Mc 15,31 Mt 27,42), criera la foule.

Quant à lui, il accepte toutes ces invectives qui semblent anéantir le sens de sa mission, de ses discours, de ses miracles. Il accepte toutes ces paroles, il ne veut pas les contredire. Il veut être insulté. Il veut chanceler. Il veut tomber sous le poids de la Croix. Il veut. Il est fidèle jusqu’au bout, jusque dans les moindres détails à la parole de l’Écriture: «Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux» (Mc 14, 36, et par.).

Des chutes du Christ sous le poids de la Croix, Dieu tirera le salut de l’humanité.



ACCLAMATIONS

Jésus, doux agneau rédempteur,
qui portes sur toi le péché du monde.
Kyrie, eleison.

Jésus, notre compagnon au temps de l’angoisse,
solidaire de la faiblesse humaine.
Kyrie, eleison.


Tous :

Pater noster,....



O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta 
mater Unigeniti !    


Qu'elle était triste et affligée,
la Mère entre toutes bénie,
la Mère du Fils unique !



QUATRIÈME STATION Jésus rencontre sa Mère




Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint (Lc 2,34-35 2,51)

Syméon dit à Marie sa mère:
«Vois, ton fils qui est là
provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël.
Il sera un signe de division.
Et toi-même, ton coeur sera transpercé par une épée...»
Sa mère gardait dans son coeur tous ces événements.


MÉDITATION

La Mère. Marie rencontre son Fils sur le chemin de la croix. Sa Croix à lui devient sa croix à elle; l’humiliation du Christ devient celle de sa mère; son opprobre public devient aussi le sien. Tel est l’ordre humain des choses. C’est ce que doivent ressentir ceux qui entourent Marie et c’est ce que ressent son coeur: «Un glaive te transpercera l’âme» (Lc 2,35). La prophétie annoncée alors que Jésus avait quarante jours s’accomplit en cet instant. ­Elle atteint désormais sa plénitude. Marie ­se dirige donc vers ce glaive invisible, vers le Calvaire de son Fils, vers son propre calvaire. La piété chrétienne la voit avec ce glaive dans le coeur, et c’est ainsi qu’elle la peint et la sculpte. Mère des douleurs.

«O toi qui as compati avec lui!», répètent les fidèles, conscients au plus profond de leur coeur qu’il convient d’exprimer ainsi le mystère de cette souffrance. Bien que ce soit sa souffrance propre qui l’atteint dans la profondeur même de sa maternité, cependant la pleine vérité de cette souffrance est exprimée par le mot compassion. Elle appartient au mystère même: elle exprime en quelque sorte son union avec la souffrance de son Fils.


ACCLAMATIONS

Sainte Marie, notre mère et notre soeur dans notre pèlerinage de foi,
avec toi nous invoquons ton Fils, Jésus.
Kyrie, eleison.

Sainte Marie, courageuse lors de la montée au Calvaire,
avec toi nous supplions ton Fils, Jésus.
Kyrie, eleison.



Tous :

Pater noster…



Quae maerebat et dolebat,
pia mater, cum videbat
Nati poenas incliti.


Qu'elle avait mal, qu'elle souffrait
la tendre Mère, en contemplant
son divin Fils tourmenté !


      

  

CINQUIÈME STATION Simon de Cyrène aide Jésus à porter la Croix




Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint Marc15, 21-22.

Ils réquisitionnèrent, pour porter la croix, un passant,
Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus,
qui revenait des champs.
Et ils amenèrent Jésus à l’endroit appelé Golgotha,
c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire.


MÉDITATION

Simon de Cyrène, appelé à porter la croix (cf. Mc 15,21 Lc 23,26), ne voulait certainement pas la porter. Il y a donc été contraint. Il marchait à côté du Christ, ployant sous le même fardeau. Il lui offrait ses épaules, parce que celles du Condamné s’avéraient trop faibles. Il était tout près de lui. Plus près que Marie, plus près que Jean qui, bien qu’il fût un homme, n’a pas été appelé à l’aider. On l’a appelé, lui, Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus, comme le note l’Évangile de Marc (Mc 15,21). Ils l’ont appelé, ils l’ont forcé.

Combien de temps a duré cette contrainte ? Combien de temps a-t-il marché à côté de lui, faisant valoir par son attitude qu’il n’avait rien de commun avec le Con­damné, ni avec sa faute, ni avec sa peine ? Combien de temps a-t-il marché ainsi, intérieurement divisé, avec une barrière d’indifférence vis-à-vis de l’Homme qui souffrait ? «J’étais nu, j’avais soif, j’étais prisonnier» (cf. Mt 25,35 Mt 25,36), j’ai porté la croix... et: L’as-tu portée avec moi ? L’as-tu vraiment portée avec moi jusqu’au bout ?»

On ne le sait pas. Saint Marc donne seulement le nom des fils du Cyrénéen. Et la tradition rapporte qu’ils appartenaient à la communauté des chré­tiens de l’entourage de saint Pierre (cf. Rm 16,13).



ACCLAMATIONS



Christ, bon Samaritain,
tu t’es fait proche des pauvres, des malades, des plus petits.
Christe, eleison.

Christ, Serviteur de l’Éternel, considère comme fait à toi-même
tout geste d’amour envers les exilés, les marginaux, les étrangers.
Christe, eleison.



Tous :

Pater noster,…



Quis est homo qui non fleret,
matrem Christi si videret
in tanto supplicio ?   


Quel est celui qui sans pleurer
pourrait voir la Mère du Christ
dans un supplice pareil ?



SIXIÈME STATION Véronique essuie le visage de Jésus

. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



Du livre du Prophète Isaïe Is 53,2-3

Il n’était ni beau ni brillant pour attirer nos regards,
son regard n’avait rien pour nous plaire.
Il était méprisé, abandonné de tous,
homme de douleurs, familier de la souffrance,
semblable au lépreux dont on se détourne.



MÉDITATION

La tradition nous parle également de Véronique. Peut-être complète-t-elle l’histoire du Cyrénéen. Car il est certain que – bien que, étant une femme, elle n’ait pas physiquement porté la croix et qu’elle n’ait pas été contrainte à le faire –, elle a sans aucun doute porté la croix avec Jésus: elle l’a portée comme elle a pu, comme elle a pu le faire à cet instant, comme le lui dictait son coeur, et elle a essuyé sa face.

Ce détail, rapporté par la tradition, semble facile à expliquer: sur l’étoffe dont elle s’est servie pour essuyer le visage du Christ, ses traits ont laissé leur empreinte. Parce qu’il était tellement couvert de sang et de sueur, il pouvait laisser ses traces et ses contours.

Mais, si on le considère à la lumière du discours eschatolo­gique du Christ, le sens de ce détail peut être interprété autrement. Nombreux sont sans aucun doute ceux qui demanderont: «Seigneur, quand est-ce que nous l’avons fait ?» Et Jésus répondra: «Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (cf. Mt 25,37-40). Le Sauveur imprime en effet sa ressemblance sur tout acte de charité, comme sur le voile de Véronique.




ACCLAMATIONS

Ô visage du Seigneur Jésus,
défiguré par la souffrance, resplendissant de la gloire divine.
Kyrie, eleison.

Ô sainte Face,
imprimée comme un sceau sur tout geste d’amour.
Kyrie, eleison.



Tous :

Pater noster, …

  Quis non posset contristari
Christi matrem contemplari,
dolentem cum Filio ?    


Qui pourrait sans souffrir comme elle
contempler la Mère du Christ
douloureuse avec son Fils ?


  


SEPTIÈME STATION Jésus tombe pour la deuxième fois


Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



Du livre des Lamentations (Lm 3,1-2 Lm 3,9 Lm 3,16)

Je suis l’homme qui a connu la misère,
sous la verge de sa fureur.
C’est moi qu’il a conduit et fait marcher
dans les ténèbres et sans lumière.
Il a barré mes chemins avec des pierres de taille,
obstrué mes sentiers.
Il a brisé mes dents avec du gravier,
il m’a nourri de cendre.



MÉDITATION

«Et moi, je suis un ver, pas un homme, raillé par les gens, rejeté par le peuple» (Ps 22,7 [21], 7). Ce psaume prophétique trouve sa pleine réalisation dans les ruelles étroites et escarpées de Jérusalem, au cours des dernières heures avant la Pâque. Et nous savons que ces heures qui précèdent la fête sont fiévreuses, que les ruelles sont bondées. C’est dans ce contexte que s’accomplissent les paroles du Psalmiste, même si personne n’y pense. Ils ne s’en rendent pas compte, ceux qui montrent leur mépris, ceux pour lesquels il est devenu la risée, ce Jésus de Nazareth qui tombe pour la deuxième fois sous le poids de la Croix.

Mais il le veut, il veut que s’accomplisse la prophétie. Aussi tombe-t-il, exténué par l’effort. Il tombe par la volonté du Père, qui s’est aussi exprimée dans les paroles du Prophète. Il tombe par sa propre volonté, sinon «comment s’accompliraient les Écritures ?» (Mt 26,54): «Je suis un ver, pas un homme» (Ps 22,7 [21], 7). Donc, pas même l’«ecce homo» (Jn 19,5), mais encore moins, encore pire.

Le ver rampe, collé à la terre; l’homme, au contraire, comme roi de la création, marche debout sur la terre. Le ver ronge aussi le bois: comme le ver, le remords ronge la conscience de l’homme. Remords pour la deuxième chute du Christ.



ACCLAMATIONS



Jésus de Nazareth, devenu l’infamie des hommes,
pour redonner leur noblesse à toutes les créatures.
Kyrie, eleison.

Jésus, Serviteur de la vie,
écrasé par les hommes, élevé par Dieu.
Kyrie, eleison.



Tous :

Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.



Pro peccatis suae gentis
vidit Iesum in tormentis,
et flagellis subditum.


Pour les péchés de tout son peuple
elle le vit dans ses tourments,
subissant les coups de fouet.



HUITIÈME STATION Jésus rencontre les femmes de Jérusalem




Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint Luc 23, 28-31

Il se retourna et leur dit :
«Femmes de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi!
Pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants!
Voici venir des jours où l’on dira :
“Heureuses les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté,
celles qui n’ont pas allaité!”
Alors on dira aux montagnes :
“Tombez sur nous”, et aux collines : “Cachez-nous”.
Car si l’on traite ainsi l’arbre vert,
quedeviendra l’arbre sec ?».



MÉDITATION



Voilà l’appel au repentir, au véritable repentir, au regret, voyant dans toute sa vérité le mal commis. Jésus dit aux femmes de Jérusalem qui pleurent en le voyant: «Ne pleurez pas sur moi, pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants !» (Lc 23,28). On ne peut rester à la surface du mal, il faut aller à ses racines, aux causes, à la vérité de la conscience dans sa profondeur.

C’est précisément ce que veut nous dire Jésus en portant sa Croix, lui qui, depuis toujours, «connaissait par lui-même ce qu’il y a dans l’homme» (Jn 2,25), et qui le connaît toujours. C’est pourquoi il doit rester à jamais le témoin le plus proche de nos actes et des jugements que, dans notre conscience, nous formulons sur ces actes. Peut-­être même nous donne-t-il de comprendre qu’il faut que ces jugements soient pondérés, raisonnables, objectifs – «Ne pleurez pas», dit-il – mais en même temps liés avec tout ce que contient cette vérité: il nous en avertit parce que c’est lui qui porte la Croix.

Je t’en supplie, Seigneur, fais que je sache vivre et marcher dans la vérité !



ACCLAMATIONS

Seigneur Jésus, sage et miséricordieux,
Vérité qui conduit à la vie.
Kyrie, eleison.

Seigneur Jésus, compatissant,
ta présence sèche les larmes au temps de l’épreuve.
Kyrie eleison.



Tous :

Pater noster, …



Tui Nati vulnerati,
tam dignati pro me pati,
poenas mecum divide.


Ton enfant n'était que blessures,
lui qui daigna souffrir pour moi;
donne-moi part à ses peines.


  



NEUVIÈME STATION Jésus tombe pour la troisième fois

Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



Du livre des Lamentations  Lm 3,27-32

Il est bon pour l’homme de porter le joug
dès sa jeunesse,
que solitaire et silencieux il s’asseye
quand le Seigneur l’impose sur lui,
qu’il mette sa bouche dans la poussière :
peut-être y a-t-il de l’espoir !
Qu’il tende la joue à qui le frappe,
qu’il se rassasie d’opprobres !
Car le Seigneur ne rejette pas...
s’il a affligé, il prend pitié
selon sa grande bonté.


MÉDITATION



«Il s’est abaissé lui-même, en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix !» (Ph 2,8). Chaque station sur ce chemin est une borne milliaire de cette obéis­sance et de cet anéantissement.

Nous prenons conscience de la mesure de cet anéan­tissement quand nous commençons à suivre les paroles du Prophète : «Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous... Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin, mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous» (Is 53,6).

Nous nous rendons compte de la mesure de cet anéantissement lorsque nous voyons Jésus tomber de nou­veau pour la troisième fois, sous le poids de la Croix. Nous en prenons conscience quand nous voyons qui est Celui qui tombe, Celui qui gît dans la poussière du chemin, sous le poids de la Croix, aux pieds des gens hostiles, qui ne lui ménagent aucune humiliation ni aucun affront.



Qui est Celui qui tombe ? Qui est Jésus Christ ? «Lui, qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même, en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix» (Ph 2,6-8).



ACCLAMATIONS

Jésus Christ,
Tu as connu l’amertume de notre terre
pour transformer les gémissements de la souffrance en chant de louange.
Christe, eleison.

Jésus Christ,
toi qui t’es abaissé jusqu’à prendre notre chair
pour redonner toute sa noblesse à la création.
Christe, eleison.



Tous :

Pater noster, …



Eia, mater, fons amoris,
me sentire vim doloris
fac, ut tecum lugeam. 


Daigne, ô Mère, source d'amour,
me faire éprouver tes souffrances
pour que je pleure avec toi.


   


DIXIÈME STATION Jésus est dépouillé de ses vêtements


Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint Marc (Mc 15,24)

Alors ils le crucifient,
puis se partagent ses vêtements,
en tirant au sort pour savoir la part de chacun.



MÉDITATION

Alors qu’au Golgotha Jésus est dépouillé de ses vête­ments (cf. Mc 15, 24, et par.), nos pensées reviennent vers sa Mère, vers les origines mêmes de ce corps qui, sur le point d’être crucifié, n’est plus qu’une grande plaie (cf. Is 52,14). Le Mystère de l’Incarnation: le Fils de Dieu prend corps dans le sein de la Vierge (cf. Mt 1,23 Lc 1,26-38). Le Fils de Dieu parle à son Père par la bouche du Psalmiste : «Tu ne demandais ni holocauste ni victime pour le péché,... mais tu m’as fait un corps» (Ps 40,7-8 [39] 8. 7; He 10,6 He 10,5). Le corps de l’homme exprime son âme. Le corps du Christ exprime l’amour pour son Père : «Alors j’ai dit: voici, je viens... pour faire, ô Dieu, ta volonté (. Ps 40 [39], 9; He 10,7). «Je fais toujours ce qui lui plaît» (Jn 8,29). Ce corps dépouillé accomplit la volonté du Fils et celle du Père par chaque blessure, par chaque contraction de douleur, par chaque muscle déchiré, par chaque goutte de sang qui coule, par l’épuisement des bras, par les meurtrissures du cou et des épaules, par l’atroce élancement dans les tempes. Ce corps accomplit la volonté du Père alors qu’il est dépouillé de ses vêtements et traité comme un objet de supplice, alors qu’il cache en lui l’immense douleur de l’humanité profanée.

Le corps de l’homme est profané de diverses manières.

Près de cette station, nous devons penser à la Mère du Christ, car dans son coeur, et ensuite par ses yeux et dans ses mains, le corps du Fils de Dieu a été pleinement adoré.


ACCLAMATIONS



Jésus, corps très saint,
toi qui es encore profané dans tes membres vivants.
Kyrie, eleison.

Jésus, corps offert par amour,
toi qui es encore divisé dans tes membres.
Kyrie, eleison.



Tous :

Pater noster, …



Fac ut ardeat cor meum
in amando Christum Deum,
ut sibi complaceam.


Fais qu'en mon coeur brûle un grand feu
pour mieux aimer le Christ mon dieu
et que je puisse lui plaire.


       

ONZIÈME STATION Jésus est cloué à la Croix

Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint Marc15, 25-27

Il était neuf heures lorsqu’on le crucifia.
L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots :
«Le roi des Juifs».
Avec lui on crucifie deux bandits,
l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.


MÉDITATION

«Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os» (cf. Ps 22,17-18 [21], 17-18). Ils ont compté: quelles paroles prophétiques ! On sait pourtant que ce corps est un gage, que le corps entier est un grand gage, c’est-à-dire les mains, les pieds et chaque os. Tout l’homme est au paroxysme de la tension: squelette, muscles, système nerveux, chaque organe, chaque cellule, tout est au paroxysme de la tension. «Et moi, élevé de terre, j’atti­rerai tous les hommes à moi» (Jn 12,32).

Voilà la phrase qui exprime pleinement la réalité de la crucifixion. En fait partie cette atroce tension qui envahit les mains, les pieds et les os. Atroce tension du corps que l’on a cloué comme un objet sur les montants de la croix pour l’anéantir jusqu’au bout dans les convulsions de la mort. Et le monde entier entre dans cette réalité même de la crucifixion, le monde que Jésus veut attirer à lui (cf. Jn 12,32). Le monde a en lui le poids de ce corps inerte qui pèse vers le bas.

La souffrance du Crucifié résulte précisément de ce poids.

«Vous, vous êtes d’en bas; moi, je suis d’en haut» (Jn 8,23). Sur la Croix, les premières paroles de Jésus sont: «Mon Père, pardonne-leur: ils ne savent ce qu’ils font» (Lc 23,34).



ACCLAMATIONS

  Christ, crucifié par la haine,
devenu par amour signe de réconciliation et de paix.
Christe, eleison.

Christ, par ton sang versé sur la Croix,
tu as racheté l’homme, le monde, le cosmos.
Christe, eleison.



Tous :

Pater noster, …



Sancta mater, istud agas,
Crucifixi fige plagas  
cordi meo valide.


Ô sainte Mère, daigne donc
graver les plaies du Crucifié
profondément dans mon coeur.



  DOUZIÈME STATION Jésus meurt sur la Croix


Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint Marc (Mc 15,33-34 Mc 15,37 Mc 15,39)

Quand arriva l’heure de midi,
il y eut des ténèbres sur toute la terre
jusque vers trois heures.
Et à trois heures,
Jésus cria d’une voix forte:
«Éloì, Éloì, lama sabactani?»,
ce qui veut dire: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?»...
Mais Jésus, poussant un grand cri, expira...
Le centurion qui était là en face de Jésus,
voyant comment il avait expiré, s’écria:
«Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu».



MÉDITATION



Voici la plus haute, la plus sublime action du Fils uni au Père. Oui: uni, dans l’union la plus profonde qui soit, au moment même où il crie: «Éloì, Éloì, lama sabactani?», «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu aban­donné ?» (Mc 15,34 Mt 27,46). Cette action s’exprime par le corps tendu le long du montant vertical de la croix et par les bras étendus sur le montant transversal. L’homme qui regarde ces bras peut imaginer l’effort déployé pour embrasser l’homme et le monde.

Ils embrassent.

Voici l’homme. Voici Dieu lui-même. «C’est en lui qu’il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d’exister» (Ac 17,28). En lui : entre ces bras étendus sur le montant transversal de la Croix.

Le mystère de la Rédemption.

Jésus cloué à la Croix, immobilisé dans cette terrible position, invoque le Père (cf. Mc 15,34 Mt 27,46 Lc 23,46). Toutes ses invocations témoignent qu’Il est un avec Lui. «Le Père et moi, nous sommes UN» (Jn 10,30); «Celui qui m’a vu a vu le Père» (Jn 14,9); «Mon Père, jusqu’à maintenant, est toujours à l’oeuvre, et moi aussi je suis à l’oeuvre» (Jn 5,17).


ACCLAMATIONS



Fils de Dieu, souviens-toi de nous,
à l’heure extrême de la mort.
Kyrie, eleison.

Fils du Père, souviens-toi de nous,
et renouvelle par ton Esprit la face de la terre.
Kyrie, eleison.



Tous :

Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.



Vidit suum dulcem Natum 
morientem desolatum,
cum emisit spiritum.


Elle vit son enfant très cher
mourir dans la désolation 
alors qu'il rendait l'esprit.




TREIZIÈME STATION Jésus est descendu de la Croix




Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint Marc15, 42-43.46

Déjà le soir était venu;
Joseph d’Arimathie, homme influent, membre du Conseil,
qui attendait lui aussi le royaume de Dieu,
ayant acheté un linceul,
descendit le corps de Jésus de la croix.


MÉDITATION



Au moment où le corps de Jésus est descendu de la croix et déposé dans les bras de sa Mère, apparaît de nouveau devant nos yeux cet instant où Marie a accepté la salutation de l’ange Gabriel: «Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils; tu lui donneras le nom de Jésus... Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père... et son règne n’aura pas de fin» (Lc 1,31-33). Marie a seulement répondu: «Que tout se passe pour moi selon ta parole !» (Lc 1,38), comme si elle avait voulu exprimer alors ce qu’elle est en train de vivre en ce moment.

Dans le mystère de la Rédemption, se nouent la Grâce, c’est-à­-dire le don de Dieu lui-même, et le «rachat» du coeur de l’homme. Dans ce mystère, nous sommes grati­fiés d’un Don qui vient d’en haut (cf. Jc Jc 1,17) et en même temps nous sommes rachetés par la rançon du Fils de Dieu (cf. 1Co 6,20 1Co 7,23 Ac 20,28). Et Marie, qui fut plus que tous comblée de dons, paie aussi le prix fort. Avec son coeur.

À ce mystère est liée la merveilleuse promesse formulée par Syméon au moment de la présentation de Jésus au temple: «Et toi-même, ton coeur sera transpercé par une épée. Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre» (Lc 2,35).

Cela aussi s’accomplit. Combien de coeurs humains s’ouvrent-ils devant le coeur de cette Mère qui a payé un si grand prix !

Jésus est de nouveau tout entier dans ses bras comme il l’a été dans l’étable de Bethléem (cf. Lc 2,16), durant la fuite en Égypte (cf. Mt 2,14), à Nazareth (cf. Lc 2,39-40). La Pietà.


ACCLAMATIONS

Sainte Marie, Mère à la piété profonde,
avec toi, nous ouvrons les bras à la Vie
et, suppliants, nous implorons.
Kyrie eleison.

Sainte Marie, Mère et Associée du Rédempteur,
en communion avec toi, nous accueillons le Christ
et, remplis d’espérance, nous l’invoquons.
Kyrie eleison.



Tous :

Pater noster, …



Fac me vere tecum flere,
Crucifixo condolere, 
donec ego vixero. 


Que vraiment je pleure avec toi,
qu'avec le Christ en Croix je souffre,
chacun des jours de ma vie !


  

QUATORZIÈME STATION Jésus est déposé dans le tombeau


Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.



De l’Évangile selon saint Marc (Mc 15,46-47)

Joseph d’Arimathie,
ayant enveloppé le corps de Jésus dans un linceul,
le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc.
Puis il roula une pierre
contre l’entrée du tombeau.
Or Marie-Madeleine
et Marie, mère de José,
regardaient l’endroit où on l’avait mis.


MÉDITATION



Depuis le moment où l’homme, à cause du péché, a été écarté de l’arbre de vie (cf. Gn 3,23-24), la terre est devenue un cime­tière. Autant d’hommes, autant de tombeaux ! Une grande planète de tombes.

Près du Calvaire, se trouvait une tombe qui appartenait à Joseph d’Arimathie (cf. Mt 27,60). C’est là, avec l’accord de Joseph, que le corps de Jésus fut placé après la descente de la Croix (cf. Mc 15,42-46, et par.). On l’y déposa en hâte, afin que tout soit fini avant la fête de la Pâque (cf. Jn 19,31), qui commençait au crépuscule.

Parmi toutes les tombes dispersées sur les continents de notre planète, il y en a une dans laquelle le Fils de Dieu, l’homme Jésus Christ, a vaincu la mort par la mort. «O mors! Ero mors tua!» (Samedi saint, 1re antienne des Laudes). L’arbre de la Vie, dont l’homme a été éloigné à cause du péché, s’est révélé aux hommes d’une manière nouvelle dans le corps du Christ. «Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie» (Jn 6,51).

Bien que notre planète continue de se peupler de tombes, et que s’étende le cimetière dans lequel l’homme issu de la poussière retourne en poussière (cf. Gn 3,19), tous les hommes qui regardent vers la tombe de Jésus Christ vivent cependant dans l’espérance de la Résurrection.

  ACCLAMATIONS

Seigneur Jésus, notre résurrection,
dans le tombeau neuf tu détruis la mort et tu donnes la vie.
Kyrie, eleison.

Seigneur Jésus, notre espérance,
ton corps crucifié et ressuscité
est le nouvel arbre de la vie.
Kyrie, eleison.



Tous :

Pater noster, …



Quando corpus morietur, 
fax ut animae donetur 
paradisi gloria. Amen.


Au moment où mon corps mourra,
fais qu'à mon âme soit donnée
la gloire du Paradis. Amen.


     

Le Saint-Père adresse la parole aux fidèles présents.

À la fin de l’allocution, le Saint-Père donne la Bénédiction apostolique :

Dominus vobiscum.
Et cum spiritu tuo.

Sit nomen Domini benedictum.
Ex hoc nunc et usque in saeculum.

Adiutorium nostrum in nomine Domini.
Qui fecit caelum et terram.

Benedicat vos omnipotens Deus,
 Pater, et Filius, etXSpiritus Sanctus.

Amen.




ALLOCUTION DU PAPE JEAN-PAUL II




"Ecce lignum Crucis in quo salus mundi pependit... Venite adoremus". Nous avons entendu ces paroles au cours de la liturgie d'aujourd'hui: voici le bois de la croix.

Telle est la parole clef du Vendredi Saint. Hier, premier jour du "Triduum sacrum", Jeudi Saint, nous avons entendu "Hoc est corpus meum quod pro vobis tradetur. Voici mon corps qui sera donné pour vous".

Aujourd'hui, nous voyons comment ces paroles d'hier, Jeudi Saint, se sont réalisées: voici le Golgotha, voici le Corps du Christ sur la Croix. "Ecce lignum Crucis in quo salus mundi pependit".

Mystère de la foi! L'homme ne pouvait pas imaginer ce mystère, cette réalité. Seul Dieu pouvait la révéler. L'homme n'a pas la possibilité de donner la vie après la mort. La mort de la mort. Dans l'ordre humain, la mort a le dernier mot. La parole qui vient après, la parole de la Résurrection, est uniquement Parole de Dieu et c'est pourquoi nous célébrons avec une affection aussi profonde ce "Triduum Sacrum".

Aujourd'hui, nous prions le Christ déposé de la Croix et mis au tombeau. Son sépulcre est scellé. Et demain, dans le monde entier, dans tout l'univers, en nous tous, le silence deviendra profond. Un silence d'attente. "Ecce lignum Crucis in quo salus mundi pependit". Ce Bois de la mort, le bois qui a conduit à la mort le Fils de Dieu, ouvre la voie au jour suivant: jeudi, vendredi, samedi, dimanche. Dimanche, ce sera Pâques! Et nous entendrons les paroles de la liturgie. Aujourd'hui, nous avons entendu: "Ecce lignum Crucis in quo salus mundi pependit". Salus mundi! Sur la Croix! Et après-demain, nous chanterons: "Surrexit de sepulcro.... qui pro nobis pependit in ligno". Telle est la profondeur, la simplicité divine de ce Triduum pascal.

Je souhaite à chacun de nous de vivre ce Triduum le plus profondément possible. Nous nous retrouvons comme chaque année ici, autour du Colisée. C'est un symbole. Ce Colisée est un symbole. Il nous parle surtout des temps passés, de ce grand empire romain qui s'est effondré. Il nous parle de ces martyrs chrétiens qui ont apporté leur témoignage ici, à travers leur vie et leur mort. Il est difficile de trouver un autre endroit où le Mystère de la Croix parle de façon plus éloquente qu'ici, devant ce Colisée.

"Ecce lignum Crucis in quo salus mundi pependit". Salus mundi!

Très chers frères et soeurs, je vous souhaite à tous de vivre ce "Triduum Sacrum" - Jeudi, Vendredi, Veillée pascale, puis Pâques -, de le vivre toujours plus profondément et également d'en témoigner.

Loué soit Jésus-Christ!



Discours 2003 - DEUXIÈME STATION Jésus est chargé de la Croix