Discours 2003 - ALLOCUTION DU PAPE JEAN-PAUL II


AUDIENCE SPÉCIALE POUR LES REPRÉSENTANTS DE L'AGESCI, DES DIRIGEANTS ESPAGNOLS ET L'ACTION CATHOLIQUE POLONAISE

Samedi 26 avril 2003




Très chers frères et soeurs,

1. C'est pour moi une grande joie de vous recevoir, vous tous qui provenez d'Italie, d'Espagne et de Pologne. Je vous remercie de votre visite et je vous salue avec affection.

A l'AGESCI: un itinéraire éducatif fascinant

Je salue en premier lieu le Président, le Conseil général, les assistants ecclésiastiques, les divers dirigeants et responsables de l'Associazione Guide e Scout Cattolici Italiani (AGESCI). Très chers amis, ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de rencontrer votre Association de grand mérite, et j'ai toujours admiré l'enthousiasme juvénile qui la distingue, ainsi que son désir ardent de suivre fidèlement l'Evangile. Le scoutisme est né comme un itinéraire éducatif, avec une méthode propre qui fascine les enfants, les adolescents, les jeunes et qui fournit aux adultes des opportunités concrètes de devenir éducateurs.

L'Eglise considère votre Association avec une grande espérance, car elle est consciente qu'il est nécessaire d'offrir aux nouvelles générations l'occasion de faire une expérience personnelle du Christ. Que les adultes appelés à s'occuper des jeunes scouts soient conscients que c'est à eux avant tout que cette mission demande d'être des témoins de Jésus-Christ et de transmettre à travers l'exemple et la parole les principes et les valeurs évangéliques. Il faut donc qu'ils soient des hommes et des femmes aux solides principes de scoutisme catholique et, dans le même temps, d'actifs participants de la vie des communautés ecclésiales et civiles.

Chers amis, fidèles à votre charisme, vous pourrez établir une relation dynamique et constructive avec les nombreuses communautés laïques qui enrichissent la communauté ecclésiale. Vous pourrez coopérer activement avec elles pour édifier une société renouvelée, où règne la paix, fondée sur la justice, la liberté, la vérité et l'amour. C'est à ces "piliers" que fait référence Jean XXIII dans l'Encyclique Pacem in terris, texte fondamental que votre Conseil général a choisi cette année comme ligne de réflexion précieuse.

Je voudrais conclure en vous invitant à ne pas manquer d'apporter à votre fascinante activité de scouts la nourriture quotidienne de la Parole de Dieu, de la prière et d'une intense vie sacramentelle. Telles sont les conditions favorables pour faire de l'existence un don aux autres et un itinéraire sûr vers la sainteté.

Aux dirigeants de la BBVA: Faire de vos entreprises de véritables communautés de personnes

2. Je suis heureux de vous saluer, dirigeants de la Banque de Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA), provenant d'Espagne et d'Amérique latine, qui, en pèlerinage dans la Ville éternelle, avez voulu rendre visite au Successeur de Pierre. En vous souhaitant la bienvenue, j'adresse également mon salut aux autres membres des organisations que vous représentez, et qui, à travers leur travail, contribuent au développement économique. Celui-ci, correctement orienté, favorise la coexistence pacifique des citoyens et permet une vie conforme à la dignité humaine. De cette façon, on honore l'homme, l'"auteur, le centre et le but de toute la vie économique et sociale" (Gaudium et spes GS 63) et l'on collabore au dessein de Dieu.

Je désire rappeler que l'intérêt du gain, bien que légitime, ne peut être le motif principal, ou même exclusif, d'une activité d'entreprise ou commerciale, car cette activité doit tenir compte des facteurs humains et est soumise aux exigences morales propres à toute action humaine. Je vous invite donc à faire des entreprises de véritables communautés de personnes qui cherchent à satisfaire leurs intérêts économiques dans le cadre de principes de justice et de solidarité, du travail responsable et constructif, et de la promotion de relations humaines authentiques et sincères, qui soient en outre au service de la société (cf. Centesimus annus CA 35).
En vous remerciant de votre visite, je vous encourage à poursuivre l'engagement chrétien dans le domaine de vos activités en témoignant, à travers les paroles et les faits, des enseignements du Magistère ecclésial en matière sociale. Que vous accompagne dans cet engagement la Bénédiction apostolique, que je vous donne avec affection, et que j'étends avec plaisir à vos familles et à toute la communauté de travail que vous représentez!

A l'Action catholique polonaise: former sa propre spiritualité

Chers frères et soeurs, représentants de l'Action catholique en Pologne!

Je vous adresse à tous une cordiale bienvenue. Je salue l'Assistant ecclésiastique, Mgr Piotr Jarecki, le Président et les autres membres de la Présidence.

Vous êtes venus à Rome, aux tombeaux des Apôtres, pour rendre grâce à Dieu pour les fruits de l'Activité de l'Action catholique en Pologne, après sa renaissance qui remonte à dix ans. Bien qu'il s'agisse d'une période relativement courte, il y a de quoi être reconnaissants. Je sais que l'Action catholique en Pologne possède désormais une véritable structure organisée, qui comprend la multitude des laïcs, qui servent l'Eglise avec dévouement, en retrouvant ses charismes et ses domaines d'enseignement personnel dans l'oeuvre d'évangélisation. Il y a dix ans, j'ai demandé aux Evêques polonais d'oeuvrer en vue de la reprise dans l'Eglise de cette forme d'apostolat des laïcs. Aujourd'hui, je peux dire qu'ils ont accompli ce devoir, et vous tous, membres de l'Action catholique, êtes un don magnifique pour toute la Communauté du Peuple de Dieu.

Comme on le sait, l'Action catholique est née des mouvements de renouveau religieux qui, dans la seconde moitié du XIX siècle, se sont développés dans de nombreux milieux de laïcs catholiques. Plus tard, à l'époque du Pape Pie XI, l'Action catholique est devenue une forme active de participation des laïcs à l'apostolat hiérarchique de l'Eglise. Les paroles de saint Paul: "instaurare omnia in Christo" - ramener toutes choses sous le Christ - (cf. Ep 1,10), devinrent son programme. Grâce à une réalisation persévérante de ce programme de renouveau de la réalité de l'Eglise et du monde "pour le Christ, avec le Christ et dans le Christ", l'Action catholique est devenue une école de formation des laïcs qui préparait à affronter courageusement la sécularisation qui régnait toujours plus fortement au XX siècle.

Je rappelle ces faits historiques pour indiquer une certaine analogie entre ces débuts et les débuts de l'Action catholique qui est renée en Pologne. Comme alors, aujourd'hui également, à l'origine de son existence et de son action, il existe un profond désir de la part des fidèles laïcs de participer activement avec les Evêques et les prêtres à leurs responsabilités dans la vie de l'Eglise et pour l'annonce de la Bonne Nouvelle. L'objectif et le programme spirituel de l'activité n'ont pas changé: se renouveler, ainsi que son milieu, la communauté des croyants, et enfin le monde entier, sur la base de l'amour et de la puissance du Christ. Enfin, ces deux débuts sont unis par le même défi que représente la sécularisation des divers secteurs de la vie sociale.

En tant que témoins de l'Evangile, accueillez ce défi dans tous les milieux; dans la famille, sur le lieu de travail, à l'école ou à l'université. Accueillez-le, conscients que "les laïcs tiennent de leur union même avec le Christ Chef le devoir et le droit d'être des apôtres. Insérés qu'ils sont par le baptême dans le Corps mystique du Christ, fortifiés grâce à la confirmation par la puissance du Saint-Esprit, c'est le Seigneur lui-même qui les députe à l'apostolat" (Apostolicam actuositatem AA 3).

Devoir et droit. Précisément ainsi: vous avez le devoir et le droit d'apporter l'Evangile, de témoigner de son actualité pour l'homme contemporain, et d'allumer la foi chez ceux qui s'éloignent de Dieu. Si l'Eglise reconnaît votre droit, si elle vous soutient en vue de le réaliser, elle vous rappelle en même temps que cela est votre devoir. Et je vous le rappelle moi aussi, en me référant au sacrement du baptême, dans lequel grâce à la justification, vous êtes devenus apôtres de la justice, et à la confirmation, dans laquelle l'Esprit vous a rendus capables d'accomplir la fonction prophétique dans l'Eglise. Il faut toutefois vous rappeler que ce devoir, en tant que devoir élevé, ne pourra être rempli que si vous vous appuyez sur le Christ. L'Action catholique ne peut pas se limiter uniquement à agir dans la dimension sociale de l'Eglise. Si elle doit être l'école, la communauté de formation des laïcs prêts à transformer le monde sur la base de l'Evangile, elle doit former sa propre spiritualité. Et si elle doit transformer la réalité en se fondant sur le Christ, cette spiritualité devrait se fonder sur la contemplation de Son visage. Comme je l'ai écrit dans la Lettre Novo millennio ineunte, "notre témoignage se trouverait toutefois appauvri d'une manière inacceptable si nous ne nous mettions pas d'abord nous-mêmes à contempler son visage" (NM 16).

"Allons de l'avant dans l'espérance! Un nouveau millénaire s'ouvre devant l'Eglise comme un vaste océan dans lequel s'aventurer, comptant sur le soutien du Christ. Le Fils de Dieu, qui s'est incarné il y a deux mille ans par amour pour les hommes, accomplit son oeuvre encore aujourd'hui: nous devons avoir un regard pénétrant pour la voir, et surtout nous devons avoir le coeur large pour en devenir nous-mêmes les artisans [...] nous pouvons compter sur la force de l'Esprit lui-même, qui a été répandu à la Pentecôte et qui nous pousse aujourd'hui à reprendre la route, soutenus par l'espérance "qui ne déçoit pas" (Rm 5,5)" (Novo millennio ineunte NM 58).

Afin que vous marchiez sur cette voie, sur la voie de la contemplation du visage du Christ, la voie de la formation de la spiritualité de l'Action catholique, sur la base de cette contemplation, la voie de l'apostolat et du témoignage, je vous bénis de tout coeur.

4. Chers frères et soeurs, j'assure à chacun mon souvenir dans le Seigneur, et je vous confie, ainsi que vos familles, et les communautés dont vous provenez, à la protection maternelle de Marie, et je vous bénis de tout coeur.



AUX PÈLERINS VENUS POUR LA BÉATIFICATION DE: JACQUES ALBERIONE MARCO D'AVIANO MARIA CRISTINA BRANDO EUGENIA RAVASCO MARIA DOMENICA MANTOVANI GIULIA SALZANO

Lundi 28 avril 2003


Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Très chers religieux et religieuses,
Frères et soeurs dans le Seigneur!

1. Je suis heureux d'être parmi vous, qui avez pris part hier à la cérémonie solennelle de béatification sur la place Saint-Pierre. Nous avons l'heureuse opportunité, ce matin, de nous arrêter une fois encore afin de contempler les merveilles que Dieu a accomplies à travers les nouveaux bienheureux, qui vous sont particulièrement chers. Je salue avec affection chacun de vous et je vous remercie de votre présence.

2. Je m'adresse tout d'abord à la très nombreuse et très variée Famille paulinienne et à tous ceux qui, venus du Piémont, de l'Italie et du monde entier, ont voulu rendre hommage au bienheureux Jaques Alberione. Dans le coeur de ce prêtre exceptionnel du diocèse d'Alba, revécut le coeur de l'Apôtre Paul, conquis par le Christ et qui a consacré sa vie à l'annoncer comme "Chemin, Vérité et Vie". Attentif aux signes des temps, non seulement dom Alberione ouvrit à l'évangélisation les "chaires" modernes de la communication sociale, mais il conçut également son oeuvre comme une action organique au sein de l'Eglise et à son service. De cette intuition naquirent au total dix Instituts, qui poursuivent avec le même esprit l'oeuvre qu'il avait commencée. Que dom Alberione, depuis le Ciel, aide sa Famille à être, comme il le voulait, "saint Paul vivant aujourd'hui".

3. Je salue maintenant les chers Pères capucins et tous ceux qui se réjouissent de la béatification du Père Marco d'Aviano, en ayant une pensée particulière pour les pèlerins venus d'Autriche et accompagnés par l'Archevêque de Vienne, le Cardinal Christoph Schönborn.

Marco d'Aviano est un exemple, en vertu de sa courageuse action apostolique, appréciée de tous, et de sa prière, fidèle à la tradition franciscaine et capucine la plus authentique. Ses interventions dans le domaine social, visant toujours au bien des âmes, constituent également un encouragement pour les chrétiens d'aujourd'hui à défendre et à promouvoir les valeurs évangéliques. Que le bienheureux Marco d'Aviano protège l'Europe, afin qu'elle puisse bâtir son unité sans négliger ses racines chrétiennes communes.

4. Je me tourne ensuite, avec affection, vers les Filles spirituelles de Maria Cristina Brando, qui ont reçu de leur fondatrice un programme exigeant de vie et de service ecclésial: celui de s'unir au Christ qui s'immole pour l'humanité dans l'Eucharistie et de transmettre leur amour pour Dieu dans le service humble et quotidien à leurs frères dans le besoin.

Que la Vierge Marie, à la protection de laquelle la nouvelle bienheureuse voulut confier les Soeurs victimes expiatrices de Jésus-Sacrement, veille toujours sur vous, très chères religieuses, afin que, en conservant intact votre charisme, vous puissiez partager ce précieux héritage avec les jeunes générations.

5. Je m'unis, par ailleurs, aux Filles des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie et à tous ceux qui se réjouissent de la béatification de Mère Eugenia Ravasco. S'étant sentie appelée à "faire le bien par amour pour le Coeur de Jésus", la nouvelle bienheureuse se transforma en apôtre ardente et inlassable, en éducatrice zélée des jeunes et en particulier des jeunes filles, auxquelles elle ne craignit pas de proposer des objectifs élevés de vie chrétienne. Elle recommandait aux éducateurs de suivre la "pédagogie de l'amour", et elle indiqua le respect suprême de l'élève et de sa liberté, la discrétion, la compréhension, la joie et la prière comme des aspects de la formation de la jeunesse qu'il ne fallait pas négliger. Elle aimait répéter qu'enseigner, c'est accomplir une mission évangélique. Que Mère Eugenia continue, depuis le Ciel, à soutenir toutes celles qui poursuivent son oeuvre de bien dans l'Eglise.

6. Je vous salue avec une profonde cordialité, très chères Petites Soeurs de la Sainte-Famille, qui vous réjouissez en raison de l'élévation à la gloire des autels de votre co-fondatrice, Mère Maria Domenica Mantovani. Je salue les fidèles du diocèses de Vérone, accompagnés par leur Pasteur, Mgr Flavio Roberto Carraro, ainsi que les pèlerins venus de différentes régions d'Italie et de divers endroits du monde.

A l'école de la Sainte-Famille de Nazareth, Maria Domenica Mantovani, en suivant le fondateur, le bienheureux Giuseppe Nascimbeni, voulut faire de sa personne un don total à Dieu pour le bien de ses frères. Apprenez d'elle, très chers amis, à répondre promptement à la voix de Dieu, qui appelle chaque baptisé à tendre vers la sainteté dans les circonstances ordinaires de la vie de tous les jours.

7. Enfin, ma pensée s'adresse à vous, très chers frères et soeurs qui vous réjouissez en raison de la béatification de Giulia Salzano, et en particulier aux Soeurs catéchistes du Sacré-Coeur, qu'elle a fondées. Avec un courage indomptable, la bienheureuse Salzano sut orienter son action éducative en direction de toutes les catégories de personnes, sans distinction d'âge, d'origine sociale et de profession, en anticipant en quelque sorte les principes de la nouvelle évangélisation donnés à l'Eglise par le Concile Vatican II.

Vous qui êtes ses fils et filles spirituels, je vous souhaite de suivre avec joie le chemin qu'elle a tracé, en étant prêts à affronter toute sorte de sacrifice pour mener à bien la mission que Dieu vous confie.

8. Très chers frères et soeurs! Que ces nouveaux bienheureux vous aident tous à "avancer en eaux profondes" (cf. Lc 5,4), en ayant confiance, comme ils l'ont fait, dans les paroles du Christ. Que la Vierge Marie, tendrement vénérée par les six bienheureux, vous aide à mener à bien l'oeuvre que l'Esprit-Saint a commencée en vous.

Avec ces sentiments et ces souhaits, je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos communautés, vos familles et les personnes qui vous sont chères.

Etaient présents à l'audience Leurs Eminences Messieurs les Cardinaux Corrado Ursi, Archevêque émérite de Naples, et Giovanni Canestri, Archevêque émérite de Gênes; ainsi que vingt Archevêques et Evêques, dont Tarcisio Bertone, Archevêque de Gênes; Bruno Schettino, Archevêque de Capoue, avec Mgr Luigi Diligenza, Archevêque émérite; Flavio Roberto Carraro, Evêque de Vérone; Giuseppe Anfossi, Evêque d'Aoste; Sebastiano Dho, Evêque d'Alba; le Supérieur général des Pauliniens, les Supérieures des Congrégations fondées par dom Alberione et par les quatre bienheureuses.


AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Lundi 28 avril 2003




Votre Excellence,

C'est pour moi un plaisir de vous accueillir au Vatican, tandis que vous présentez les Lettres qui vous accréditent en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotenitaire de la République tchèque près le Saint-Siège. Bien qu'elle ait eut lieu il y a plusieurs années maintenant, je garde encore le souvenir vivant de ma visite dans votre pays et je me souviens avec gratitude de la chaleur et de l'hospitalité avec lesquelles j'ai été accueilli. Je vous demande de bien vouloir transmettre mes salutations et mes sincères meilleurs voeux au nouveau Président élu, M. Václav Klaus, ainsi qu'au gouvernement et au peuple tchèque. Je vous prie de leur transmettre l'assurance de mes prières pour la paix et la prospérité de la nation.

Les relations diplomatiques de l'Eglise constituent une partie de sa mission de service à la famille humaine. S'il est vrai que cette mission est éminemment spirituelle, et donc séparée de l'ordre politique, son désir sincère de promouvoir des relations fructueuses avec la société civile découle de sa longue expérience en vue d'appliquer les valeurs universelles relatives à la vérité et à l'amour, au vaste éventail de cultures et de nations qui constituent notre monde. En effet, c'est précisément la tâche de promouvoir une compréhen-sion de la dignité de la personne humaine et de promouvoir la paix entre les peuples - des conditions essentielles pour le développement authentique des individus et des nations - qui motive l'activité diplomatique du Saint-Siège. A cet égard, je salue les progrès considérables déjà accomplis en ce qui concerne la règlementation des relations réciproques entre le Saint-Siège et la République tchèque, et j'attends avec impatience la ratification de l'Accord correspondant.

Comme l'a mentionné Votre Excellence, en dépit de la liberté politique dont jouit à présent le peuple tchèque, les effets durables des régimes totalitaires ne devraient pas être sous-estimés. L'histoire nous enseigne que le passage de l'oppression à la liberté est difficile, souvent marqué par l'attrait de fausses formes de liberté et de vaines promesses d'espérance. Tandis que de nombreuses personnes ont tiré profit du développement économique et de la transformation sociale qui l'a accompagné, les membres les plus faibles de la société, en particulier les pauvres, les exclus, les malades et les personnes âgées, doivent être protégés.

Le développement authentique ne peut jamais être atteint uniquement à travers des moyens économiques. En effet, ce qui est connu sous le nom d'"idôlatrie du marché" - une conséquence de ce que l'on appelle la "société de consommation", - tend à réduire les personnes à des choses et à soumettre l'être à l'avoir (cf. Sollicitudo Rei Socialis, n. 28). Cela affaiblit la dignité de la personne humaine et rend plus difficile encore de promouvoir la solidarité humaine. Au contraire, la reconnaissance de la nature spirituelle de la personne humaine et la valeur renouvelée accordée au caractère moral du développement économique et social doivent être reconnues comme des conditions pour la transformation de la société en une véritable civilisation de l'amour. Un tel projet a besoin de la direction des autorités politiques et religieuses, si l'on veut que l'âme de la nation soit assez forte pour guider ses citoyens vers une compréhension de la source de vérité et d'amour qui donne son but au développement et au progrès d'un pays.

D'autres nations en Europe sont également confrontées aux défis auxquels doit faire face la République tchèque. Tandis que les pays partout sur le continent ont célébré le passage au troisième millénaire chrétien, de nombreuses personnes et groupes ont réfléchi sur le rôle fondamental et déterminant du christianisme dans leurs cultures locales. En effet, vous avez vous-même souligné que les vérités et les valeurs du christianisme ont longtemps été à la base du tissu même de la société européenne, donnant leur forme aux institutions civiles et politiques elles-mêmes. Ce grand héritage, qui puise ses racines et sa forme dans l'Evangile, attire notre attention sur le fait que l'espérance de continuer à édifier un monde plus juste doit également inclure la reconnaissance que les efforts humains séparés de leur juste relation à l'assistance divine n'ont pas de valeur durable: "Si Yahvé ne bâtit pas la maison, en vain peinent les bâtisseurs" (Ps 127,1). C'est pour cette raison que l'enseignement chrétien affirme et défend vigoureusement la source de la dignité de la personne humaine et sa place dans le dessein de Dieu: "L'homme reçoit de Dieu sa dignité essentielle et, avec elle, la capacité de transcender toute organisation de la société dans le sens de la vérité et du bien" (Centesimus Annus CA 38).

A cet égard, nous ne pouvons manquer d'être préoccupés par le fait que l'éclipse du sens de Dieu a conduit à une éclipse du sens de l'homme (cf. Evangelium Vitae EV 21) et de la merveille sublime de la vie à laquelle il est appelé. Tandis que les catastrophes tragiques de la guerre et de la dictature continuent de défigurer violemment le dessein d'amour de Dieu pour l'humanité, les empiètements plus subtils du matérialisme et de l'utilitarisme croissants, ainsi que de la marginalisation de la foi, minent progressivement la véritable nature de la vie en tant que don de Dieu. Tandis que les nations d'Europe marchent vers une nouvelle configuration, le désir de répondre aux défis d'un ordre mondial en mutation doit être fondé sur la proclamation éternelle, de la part de l'Eglise, de la vérité qui libère les personnes et qui permet aux institutions culturelles et civiles d'accomplir de véritables progrès.

Pour sa part, l'Eglise catholique continuera de prier et d'oeuvrer pour le développement ultérieur du peuple et de la nation tchèques. Comme l'a aimablement souligné Votre Excellence, elle participe déjà activement à la formation spirituelle et intellectuelle des jeunes, en particulier à travers ses institutions éducatives. Dans la mesure de ses ressources, l'Eglise étendra sa mission caritative notamment dans le soutien de la vie familiale, à travers laquelle passe l'avenir de l'humanité (cf. Familiaris Consortio FC 86), ainsi qu'à travers les équipements médicaux et sociaux.

Monsieur l'Ambassadeur, je suis convaincu que votre mission servira à renforcer ultérieurement les liens d'amitié entre la République tchèque et le Saint-Siège. Tandis que vous assumez vos nouvelles responsabilités, je vous assure que les divers bureaux de la Curie Romaine seront prêts à vous assister dans l'accomplissement de votre mission. Sur vous et sur vos concitoyens, j'invoque cordialement d'abondantes Bénédictions divines.




AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA COMMISSION PONTIFICALE BIBLIQUE

Mardi 29 avril 2003




Monsieur le Cardinal,
Chers membres de la Commission pontificale biblique!

1. C'est avec une grande joie que je vous accueille au cours de cette rencontre, qui se déroule à l'occasion de votre session annuelle romaine de travail, au cours de laquelle vous conduisez à leur maturation progressive et organique les recherches que chacun a accomplies. Je remercie le Cardinal Joseph Ratzinger, qui a voulu se faire l'interprète des sentiments communs.

Deux motifs rendent cette rencontre particulièrement précieuse: l'anniversaire du centenaire de l'institution de votre Commission et le thème auquel vous travaillez depuis quelques années. La Commission pontificale biblique sert la cause de la Parole de Dieu selon les objectifs qui lui ont été fixés par mes prédécesseurs, Léon XIII et Paul VI. Elle s'est développée au cours du temps, partageant les problèmes et les préoccupations des époques successives, se souciant de trouver dans le message de la Révélation la réponse que Dieu offre aux graves problèmes qui, à chaque époque, troublent l'humanité.

2. L'un d'entre eux constitue l'objet de votre recherche actuelle. Vous l'avez résumé sous le titre "Bible et morale". Chacun peut constater une situation qui est paradoxale: l'homme d'aujourd'hui, déçu par tant de réponses insatisfaisantes aux questions fondamentales de l'existence, semble s'ouvrir à la voix qui provient de la Transcendance et qui s'exprime à travers le message biblique. Cependant, dans le même temps, il fait toujours davantage preuve d'intolérance face à la demande d'un comportement qui soit en harmonie avec les valeurs que l'Eglise présente depuis toujours comme fondées sur l'Evangile. On assiste alors aux tentatives les plus variées de séparer la révélation biblique des propositions de vie plus exigeantes.

L'écoute attentive de la Parole de Dieu apporte des réponses à cette situation, qui trouvent leur pleine expression dans l'enseignement du Christ.

Chers professeurs et chercheurs, je désire vous réconforter dans votre travail, en vous assurant qu'il est plus que jamais utile pour le bien de l'Eglise. Afin que les fruits de votre travail soient abondants, je vous assure de ma prière et je vous accompagne de ma Bénédiction apostolique.




MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE L'ORDRE DES CARMES DÉCHAUX, LE R.P. CAMILO MACCISE

Au Révérend Père Camilo Maccise



Préposé général des Carmes déchaux

1. Je désire tout d'abord vous remercier de votre amabilité pour m'avoir informé de la célébration du 89 Chapitre général ordinaire de l'Ordre des Carmes déchaux, qui aura lieu à Avilà du 28 avril au 18 mai de cette année. A l'approche de cette date, je suis heureux de vous faire parvenir ce message, que je vous envoie avec un salut cordial, ainsi qu'aux Pères capitulaires, en vous assurant de ma proximité spirituelle dans la prière, afin que la lumière de l'Esprit Saint guide vos réflexions et votre discernement au cours des travaux de cette Assemblée.

La Famille des Carmes déchaux, formée de religieux, de religieuses et de laïcs, naît d'un unique charisme et est appelée à suivre une vocation commune, tout en respectant l'autonomie et l'esprit spécifique de chaque groupe. Le thème choisi pour le Chapitre - En chemin avec sainte Thérèse et saint Jean de la Croix: revenir à l'essentiel - souligne la ferme volonté de l'Ordre de rester fidèle au charisme qui, suscité par l'Esprit Saint dans un contexte historique et ecclésial déterminé, s'est développé au cours des siècles et est destiné à produire aujourd'hui également des fruits de sainteté dans l'Eglise "en vue du bien commun" (1Co 12,7), en répondant aux défis du troisième millénaire.

Votre intention est de "partir" de l'Evangile, en approfondissant les valeurs de la vie consacrée, à partir de vos propres racines. Vous avez désiré le faire à Avilà, un lieu qui conserve le souvenir vivant de l'expérience et de la doctrine de sainte Thérèse de Jésus et de saint Jean de la Croix. En ce lieu, j'ai eu l'occasion d'admirer et de vénérer non seulement "les maîtres spirituels de ma vie intérieure, mais également deux phares lumineux de l'Eglise" (Homélie lors de la Messe pour sainte Thérèse de Jésus, Avilà, 1 novembre 1982).

2. Le charisme de fondation se comprend mieux à la lumière de la parabole évangélique des talents (cf. Mt 25,14-30), puisqu'il provient de la bonté du Seigneur et, en même temps que les autres, il forme une partie du trésor de l'Eglise. Selon cette parabole célèbre, le "serviteur bon et fidèle" (Mt 25,21 Mt 25,23) se sent honoré de la confiance qui a été placée en lui et il utilise ses talents de façon responsable, en obéissant à la volonté de son Seigneur, car il sait que c'est à Lui qu'ils appartiennent, et qu'il devra en rendre compte. Il manifeste sa sagesse en administrant avec discernement le don reçu, qui est essentiel sous tous ses aspects, et en obtenant de celui-ci le meilleur rendement possible.

Les dons de l'Esprit sont quelque chose de vivant et de dynamique, comme la semence qui, plantée dans la terre, "germe et pousse" (Mc 4,27) à l'admiration de l'agriculteur. Dans la réflexion sur ce qui est essentiel dans votre charisme, il faut traiter des fruits qui sont déjà arrivés à maturité, car ceux-ci, selon le critère évangélique, nous permettent de reconnaître la valeur de l'arbre dont ils proviennent (cf. Mt 7,15-20). Cette méthode exige du respect pour l'histoire de son propre charisme qui, à toutes les époques, a donné des fruits bons et abondants. C'est pourquoi, la "fidélité au charisme fondateur" est également la fidélité à son "patrimoine spirituel ensuite constitué" (Vita consecrata VC 36). En effet, un grand nombre de personnes consacrées ont donné un témoignage éloquent de sainteté et ont réalisé des oeuvres d'évangélisation et de service particulièrement généreuses et difficiles (cf. ibid., VC VC 35).

A vous aussi, comme aux autres religieux et religieuses, je répète que "vous n'avez pas seulement à vous rappeler et à raconter une histoire glorieuse, mais vous avez à construire une grande histoire" (ibid., VC 110). C'est pourquoi, il est nécessaire de s'efforcer de refuser tout ce qui fait obstacle à la croissance du charisme. Le meilleur service que l'on peut rendre au don reçu est la purification du coeur à travers des fruits dignes de conversion (cf. Mt 3,8). "En effet, la vocation des personnes consacrées à chercher avant tout le Royaume de Dieu est, en priorité, un appel à la pleine conversion, par le renoncement à soi-même pour vivre entièrement du Seigneur" (Vita consecrata VC 35). Il s'agit d'une tâche permanente, car, comme l'a souligné la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, on ne peut pas ignorer la menace constante de la médiocrité dans la vie spirituelle, de l'embourgeoisement progressif, de la mentalité de consommation, de la recherche exagérée de l'efficacité ou de la démesure de l'activisme (cf. Instruction Repartir du Christ, n. 12).

3. Pour répondre aux défis de l'époque actuelle, l'Eglise souligne le "devoir permanent de scruter à fond les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l'Evangile" (Gaudium et spes GS 4). Ainsi, en invitant à suivre l'exemple des "fondateurs et des fondatrices, ouverts à l'action de l'Esprit Saint, qui ont su interpréter les "signes des temps" et répondre de manière éclairée aux exigences qui apparaissent progressivement" (Vita consecrata VC 9), elle recommande aux personnes consacrées d'accueillir au plus profond les desseins de la Providence, guidées "par le discernement surnaturel qui sait distinguer ce qui vient de l'Esprit de ce qui lui est opposé" (ibid, VC 73).

L'Esprit guide les fidèles vers le Christ, qui est la "vérité tout entière" (Jn 16,13). Il faut ensuite prêter attention à ce que Jésus a dit et fait au cours de sa vie terrestre. La réponse que Jésus, envoyé par le Père aux pauvres, aux prisonniers, aux aveugles ou aux opprimés (cf. Lc 4,18), donna aux attentes de son temps est étonnante: il vécut pendant trente ans une vie cachée, dans le silence de Nazareth. Il commença son ministère public par quarante jours dans le désert, au terme desquels il repoussa la tentation du malin. Ensuite, il garda ses distances avec les habitants de Nazareth, qui prétendaient avoir le privilège des prodiges que Jésus accomplissait, (cf. Lc 4,23), avec le peuple qui le cherchait de façon pressante (cf. Mc 1,38) ou la multitude qui voulait en faire un roi: "Il s'enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul" (Jn 6,15). Il répondit aux aspirations de l'humanité aussi bien par l'accueil que par le refus, mais, dans tous les cas, avec l'assurance d'être un "signe en butte à la contradiction" (Lc 2,34).

En raison du caractère prophétique de la vie consacrée, vous aussi, chers Frères déchaux de Notre-Dame du Mont Carmel, vous devez être attentifs, afin de savoir discerner, et préparés, afin de répondre aux attentes du moment présent, en descendant parfois de la montagne sur les chemins du monde et en servant le Royaume de Dieu (cf. Vita consecrata VC 75), et d'autres fois, en retournant à la solitude pour veiller avec le Seigneur dans des lieux apartés (cf. Mc 1,45).

Partir de l'essentiel, signifie partir du Christ et de son Evangile, lu dans l'optique de son propre charisme. C'est ainsi qu'ont agi les fondateurs et les fondatrices, sous l'action de l'Esprit Saint. Il faut préserver son expérience et, dans le même temps, l'approfondir et la développer avec la même ouverture et docilité à l'action de l'Esprit, car c'est ainsi que l'on sauvegarde la fidélité à l'expérience des origines et la possibilité de répondre de façon adaptée aux exigences variables de chaque moment historique.

Dans cette perspective, l'on comprend bien l'importance que possède une "considération renouvelée de la Règle" (Vita consecrata VC 37), qui indique un itinéraire pour suivre Jésus, caractérisé par un charisme spécifique reconnu par l'Eglise. Les personnes consacrées possèdent en elle un critère sûr pour chercher des formes de témoignages capables de répondre aux nécessités actuelles, sans perdre de vue l'inspiration originelle (cf. Ibid., VC 37).


4. Chers frères, vous tous, en embrassant la vie consacrée, avez entrepris "un chemin de conversion continue, de don exclusif à l'amour de Dieu et de vos frères" (ibid., VC 109). Il s'agit d'un choix qui ne repose pas uniquement sur les forces humaines, mais avant tout sur la grâce divine, qui transforme le coeur et la vie. L'humanité a soif de témoins authentiques du Christ. Cependant, pour le devenir, il est nécessaire de marcher vers la sainteté, qui a abondamment fleuri dans votre famille religieuse. Je pense aux saints et aux saintes formés au Carmel et, plus particulièrement, à l'héritage inestimable qu'ont laissé à votre Ordre et à toute l'Eglise saint Jean de la Croix et sainte Thérèse de Jésus.

"Tendre vers la sainteté: voilà en bref le programme de toute vie consacrée" (ibid., VC 93); un chemin qui exige de tout quitter pour le Christ, afin de participer pleinement à son mystère pascal. La croissance de la vie spirituelle doit toujours être l'objectif que doivent se fixer les Familles de vie consacrée, car c'est précisément la qualité de la vie consacrée qui a un impact sur les personnes de notre époque, qui sont également assoiffées de valeurs absolues (cf. ibid. VC 93).

Je partage avec affection ces réflexions et ces exhortations avec vous tous, chers membres du Chapitre, et j'invoque l'effusion des dons abondants de l'Esprit sur votre travail, afin que l'Ordre des Carmes déchaux poursuive son chemin de fidélité dynamique à sa vocation et à sa mission.

Que la Très Sainte Vierge Marie, Mère du Carmel, et sainte Thérèse de Jésus et saint Jean de la Croix obtiennent pour vous et pour toute la Famille des Carmes déchaux d'abondantes grâces divines, en gage desquels je donne de tout coeur la Bénédiction apostolique demandée.

Du Vatican, le 21 avril 2003

IOANNES PAULUS II



Mai 2003



Discours 2003 - ALLOCUTION DU PAPE JEAN-PAUL II