Discours 2004 - Samedi 21 février 2004


À S.E. M. JAVIER MOCTEZUMA BARRAGÁN, NOUVEL AMBASSADEUR DU MEXIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Mardi 24 février 2004


Monsieur l'Ambassadeur,

1. C'est avec un grand plaisir que je reçois les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des Etats-Unis du Mexique près le Saint-Siège, et que je vous souhaite une cordiale bienvenue à l'occasion de cette rencontre qui marque le début de la mission que votre gouvernement vous a confiée. Je vous remercie de vos paroles aimables, ainsi que du salut que vous m'avez transmis de la part du Président de la République, M. Vicente Fox Quesada, auquel je renouvelle mes meilleurs voeux pour sa personne et ses hautes responsabilités.

Monsieur l'Ambassadeur, je vous prie de vous faire le porte-parole de mon affection et de ma proximité à l'égard du peuple du Mexique, que j'ai eu la chance de rencontrer cinq fois, commençant sur votre terre, il y a vingt-cinq ans, mes voyages en tant que Successeur de l'Apôtre Pierre. Je désire profiter de cette occasion pour répéter le message d'encouragement que j'ai adressé à tous les Mexicains au cours de mon dernier voyage à Mexico, en juillet 2002, en les invitant à "s'engager dans l'édification d'une patrie toujours renouvelée et en progrès constant" (Discours de bienvenue, 30.VII.2002; cf. ORLF n. 32 du 6 août 2002).

2. Plus d'une décennie s'est écoulée depuis le rétablissement, en septembre 1992, des relations diplomatiques entre le Mexique et le Saint-Siège. Au cours de ces années, caractérisées par des changements rapides et profonds sur la scène politique, sociale et économique du pays, l'Eglise catholique, fidèle à sa mission pastorale, a continué à promouvoir le bien commun du peuple mexicain, en recherchant le dialogue et l'entente avec les diverses institutions publiques et en défendant leur droit à participer à la vie nationale. Maintenant, dans le cadre juridique actuel, grâce au nouveau climat de respect et de collaboration entre l'Eglise et l'Etat, des progrès ont été accomplis qui ont bénéficié à toutes les parties. Il est sans aucun doute nécessaire de continuer à travailler pour faire en sorte que les principes d'autonomie dans les compétences respectives, d'estime réciproque et de coopération en vue de la promotion intégrale de l'être humain, inspirent toujours davantage l'avenir des relations entre les Autorités de l'Etat, d'une part, et les pasteurs de l'Eglise catholique au Mexique et le Saint-Siège, d'autre part.

Il est à souhaiter que l'Eglise catholique au Mexique puisse jouir d'une pleine liberté dans tous les domaines où elle accomplit sa mission pastorale et sociale. L'Eglise ne demande pas de privilèges et ne désire pas intervenir dans les domaines qui ne sont pas les siens, mais elle souhaite accomplir sa mission en faveur du bien spirituel et humain du peuple mexicain sans entraves ni obstacles. C'est pourquoi il est nécessaire que les institutions publiques garantissent le droit à la liberté religieuse des personnes et des groupes, en évitant toute forme d'intolérance ou de discrimination. Dans ce but, il faut également souhaiter que, dans un proche avenir et dans le cadre d'un développement législatif en accord avec les temps nouveaux, l'on effectue des pas en avant dans des domaines tels que l'éducation religieuse dans les divers milieux, l'assistance spirituelle dans les centres de santé, de réinsertion sociale et d'assistance du secteur public, ainsi que celui de la présence dans les moyens de communication sociale. On ne doit pas céder aux prétentions de ceux qui, s'abritant derrière une conception erronée du principe de séparation Eglise-Etat et du caractère laïc de l'Etat, entendent limiter la religion à la sphère purement privée de l'individu, en ne reconnaissant pas à l'Eglise le droit à enseigner sa doctrine et à prononcer des jugements moraux sur des thèmes qui concernent l'ordre social, alors que les droits fondamentaux de la personne et le bien spirituel des fidèles l'exigent. A ce propos, je désire souligner la précieuse contribution des Pasteurs de l'Eglise qui est au Mexique en défense de la vie et de la famille.

3. La noble aspiration à un Mexique toujours plus moderne, prospère et développé, exige les efforts de chacun pour édifier une culture démocratique et consolider l'Etat de droit. A ce propos, les Evêques mexicains, inspirés par une attitude d'intense collaboration, ont récemment adressé un appel pressant à l'unité nationale et au dialogue entre les responsables de la vie sociale, indiquant qu'"on doit mettre de côté les intérêts des parties et proposer, à partir des points communs, des initiatives de réforme qui ont pour objectif l'obtention du bien-être général de la population" (CEM, La construction de la nation mexicaine est la tâche de tous, 10 décembre 2003).

Le problème douloureux et étendu de la pauvreté, avec ses graves conséquences dans le domaine de la famille, de l'éducation, de la santé ou du logement, constitue un défi urgent pour les gouvernants et les responsables de la vie publique. Son éradication demande assurément des moyens à caractère technique et politique, visant à ce que les activités économiques et productives tiennent compte du bien commun, et plus particulièrement des groupes les plus défavorisés. Mais il ne faut pas oublier que tous ces moyens seront insuffisants s'ils ne sont pas animés par des valeurs éthiques authentiques. Je désire également encourager les efforts entrepris par votre gouvernement et d'autres responsables de la vie sociale mexicaine afin de promouvoir la solidarité entre tous, évitant des maux qui dérivent d'un système qui place le profit au dessus des personnes, les rendant victimes d'injustices. Un modèle de développement qui n'affronte pas avec fermeté les déséquilibres sociaux ne peut pas être florissant à l'avenir.

4. Une attention particulière doit être apportée au peuple autochtone, si nombreux au Mexique et parfois relégué dans l'oubli. Dans la Basilique de Guadalupe, lors de la canonisation de l'indien Juan Diego, j'ai eu l'opportunité de signaler que "ce noble devoir d'édifier un Mexique meilleur, plus juste et plus solidaire, exige la collaboration de chacun. En particulier, il est nécessaire de soutenir aujourd'hui tous les autochtones dans leurs aspirations légitimes, en respectant et en défendant les valeurs authentiques de chaque groupe ethnique. Le Mexique a besoin de ses autochtones et les autochtones ont besoin du Mexique!" (Homélie, 31 juillet 2002).

Une autre préoccupation ressentie par l'Eglise et la société au Mexique est le phénomène croissant de l'émigration de nombreux Mexicains vers d'autres pays, en particulier aux Etats-Unis. A l'incertitude de ceux qui partent à la recherche de meilleures conditions de vie, s'ajoute le problème du déracinement culturel et de l'éclatement ou de l'éloignement douloureux de la famille, sans oublier les funestes conséquences de nombreux cas de clandestinité. Pour limiter l'"effet d'attraction" connu qu'engendre un flux intense d'émigrants, qu'il faut freiner par des politiques adaptées, l'Eglise rappelle que les moyens développés par les pays d'accueil doivent être accompagnés par une ferme attention du pays d'origine, qui est le lieu où se forme l'émigration. C'est pourquoi l'on doit tout d'abord détecter les causes pour lesquelles de nombreux citoyens se voient obligés de quitter leur pays et y porter remède. D'autre part, les Mexicains résidant à l'étranger ne doivent pas se sentir oubliés par les Autorités de leur pays, qui sont appelées à leur faciliter les soins et les services pouvant les aider à garder un contact vivant avec leur terre et leurs racines. Je désire également souligner l'importance qu'ont acquise les rencontres entre les Evêques des diocèses frontaliers du Mexique et des Etats-Unis, recherchant ensemble des moyens pour améliorer la situation des immigrants, car les paroisses et les autres institutions catholiques constituent le principal point de référence et d'identité que l'étranger peut rencontrer.

5. Monsieur l'Ambassadeur, en conclusion de cette rencontre, je vous exprime à nouveau mes meilleurs voeux pour le déroulement de la haute mission que vous commencez aujourd'hui. Le coeur tourné vers la célébration du XLVIII Congrès eucharistique international, qui aura lieu au mois d'octobre prochain à Guadalajara et auquel participeront des milliers de fidèles venus de nombreux pays du monde, je vous prie de vous faire l'interprète de mes sentiments et de mes espérances auprès du Président et des autres Autorités du Mexique. J'invoque d'abondantes grâces divines sur vous, sur votre noble famille et sur vos collaborateurs, ainsi que sur tous les fils et les filles de la bien-aimée nation mexicaine, protégée de façon maternelle sous le manteau étoilée de la Vierge noire du Tepeyac, la Sainte Vierge de Guadalupe, Reine du Mexique et Impératrice de l'Amérique latine.



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II À L'OCCASION DE LA CAMPAGNE DE FRATERNITÉ 2004


A mon Vénéré Frère
dans l'épiscopat
le Card. Geraldo Majella Agnelo
Archevêque de São Salvador da Bahia
et Primat du Brésil

A l'occasion de la Campagne de Fraternité que la CNBB (Conférence nationale des Evêques du Brésil) promeut depuis désormais 40 ans, je désire vous vous dire combien je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser à tous les fidèles unis dans le Christ, avec une espérance renouvelée de conversion et de réconciliation que le Carême suscite en nous, en préparation à la Pâque de la Résurrection. C'est un temps où chaque chrétien est invité à réfléchir de façon particulière sur les diverses situations sociales du peuple brésilien qui requièrent une plus grande fraternité. Cette année, la devise choisie est «Eau, source de vie».

Comme chacun le sait, l'eau possède une immense importance pour la terre: sans ce précieux élément, la terre se transformerait rapidement en un désert aride, en un lieu de faim et de soif, où les hommes, les animaux et les plantes seraient condamnés à mort. Outre le fait qu'elle constitue une nécessité pour la vie sur la terre, l'eau possède également le pouvoir de laver et de purifier, faisant disparaître les impuretés. C'est précisément pour cela que, dans les Ecritures, l'eau est considérée comme le symbole de la purification morale: Dieu «lave» le pécheur de toutes les fautes (cf. Ps 50,4). Au cours de la Dernière Cène, Jésus lave les pieds de ses disciples. Face aux protestations de Pierre, Jésus répond: «Si je ne te lave pas, tu n'as pas de part avec moi» (Jn 13,8). C'est toutefois dans le Baptême que l'eau acquiert sa pleine signification spirituelle de source de vie surnaturelle, comme le Christ lui-même le proclame dans l'Evangile: «A moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu» (Jn 3,5).

Le Baptême se présente donc comme le chemin qui conduit à la Vie avec Dieu. Le néophyte, sous l'action de grâce de l'Esprit, reçoit la participation à la vie nouvelle dans le Christ (cf. Ga 3,27-28). Devenu une créature nouvelle, le baptisé peut et doit orienter les relations avec ses semblables et avec toute la création, conformément à la justice, à la charité et à la responsabilité que Dieu a confiées à la sollicitude de l'homme (cf. Gn 2,15). Des obligations concrètes pour chacun en découlent dans le domaine de l'écologie. Leur réalisation suppose l'ouverture à une perspective spirituelle et éthique qui soit capable de surmonter les attitudes et les styles de vie égoïstes qui conduisent à l'épuisement des ressources naturelles.

En tant que don de Dieu, l'eau est un élément vital, indispensable à la survie et, donc, un droit pour tous. Il faut faire attention aux problèmes qui dérivent de son manque évident dans de nombreuses parties du monde, et pas seulement au Brésil. L'eau n'est pas une ressource illimitée. Son utilisation rationnelle et solidaire exige la collaboration de tous les hommes de bonne volonté avec les organismes gouvernementaux, afin de parvenir à une protection efficace de l'environnement, considéré comme un don de Dieu (cf. Exhortation apostolique Ecclesia in America ). Il s'agit d'une question qui doit donc être cernée de façon à établir des critères moraux fondés précisément sur la valeur de la vie et sur le respect des droits et de la dignité de tous les êtres humains.

Alors que débute la Campagne de Fraternité 2004, je renouvelle l'espérance que les diverses instances de la société civile, auxquelles s'unissent la Conférence nationale des Evêques du Brésil et les autres Eglises, ainsi que les organisations religieuses et non religieuses, puissent garantir que l'eau demeure, de fait, une source abondante de vie pour tous.

Avec ces voeux, j'invoque la protection du Seigneur, dispensateur de tout bien, afin que sa main bienveillante s'étende sur les champs, sur les lacs et sur les fleuves de cette Terre de Santa Cruz, en répandant en abondance ses dons de paix et de prospérité et que, par sa grâce, il éveille dans chaque coeur des sentiments de fraternité et de vive coopération. Avec une Bénédiction apostolique spéciale.

Du Vatican, le 19 janvier 2004


IOANNES PAULUS II



RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ DE ROME

Jeudi 26 février 2004


  Monsieur le Cardinal,

Vénérés frères dans l'épiscopat,
très chers prêtres romains!

1. Je suis heureux de cette rencontre, qui a lieu une fois de plus au début du Carême, et qui me donne l'occasion de vous voir, de vous écouter, de partager vos espérances et vos préoccupations pastorales. J'adresse un salut affectueux à chacun de vous, en vous remerciant de votre service à l'Eglise de Rome. Je salue et je remercie le Cardinal-Vicaire, le Vice-Gérant, les Evêques auxiliaires et ceux d'entre vous qui se sont adressés à moi.

Nous nous retrouvons alors que je m'apprête à reprendre mes rencontres avec les paroisses de Rome, dans lesquelles la plupart d'entre vous accomplissent quotidiennement leur ministère. J'ai vivement souhaité ce contact direct avec les communautés paroissiales que je n'avais pas encore pu visiter, car celui-ci fait partie de mon devoir d'Evêque de cette Eglise de Rome tant aimée.

2. Les paroles du Cardinal-Vicaire et vos interventions ont mis en lumière les divers aspects du programme pastoral centré sur la famille, dans lequel notre diocèse est engagé cette année et l'année prochaine, dans le cadre de la "mission permanente" qui, après le grand Jubilé et après l'expérience positive de la "mission dans la ville", constitue la ligne directrice de notre pastorale.

Chers prêtres, placer la famille au centre, ou, mieux, reconnaître la place centrale de la famille dans le dessein de Dieu sur l'homme et donc dans la vie de l'Eglise et de la société, est un devoir auquel on ne peut renoncer, qui a animé mes vingt-cinq ans de Pontificat, et, déjà auparavant, mon ministre de prêtre et d'Evêque, et mon engagement de chercheur et de professeur universitaire.

Je suis donc profondément heureux de partager avec vous, en cette heureuse occasion, la sollicitude pour la famille de notre cher diocèse de Rome.

3. Pour être authentique et fructueux, notre service aux familles doit toujours être reconduit à sa source, c'est-à-dire à Dieu qui est amour et qui vit en lui-même un mystère de communion personnelle d'amour. En créant par amour l'humanité à son image, Dieu a inscrit dans l'homme et dans la femme la vocation, et donc la capacité et la responsabilité de l'amour et de la communion. Cette vocation peut se réaliser de deux façons spécifiques: le mariage et la virginité. Toutes deux sont donc, chacune dans sa forme propre, une concrétisation de la vérité la plus profonde de l'homme, de son "être à l'image de Dieu" (cf. Exhortation apostolique Familiaris consortio FC 11).

Le mariage et la famille ne peuvent donc être considérés comme un simple produit des circonstances historiques ou comme une superstructure imposée de l'extérieur à l'amour humain. Au contraire, ils sont une exigence intérieure de cet amour, afin qu'il puisse se réaliser dans sa vérité et dans sa plénitude de don réciproque. Les caractéristiques de l'union conjugale, qui sont aujourd'hui souvent mal connues et refusées, comme son unité, son indissolubilité et son ouverture à la vie, sont au contraire des exigences nécessaires afin que le pacte d'amour soit authentique. Et, précisément ainsi, le lien qui unit l'homme et la femme devient l'image et le symbole de l'Alliance entre Dieu et son peuple, qui trouve en Jésus Christ son accomplissement définitif. C'est pourquoi entre les baptisés, le mariage est un sacrement, un signe concret de grâce et de salut.

4. Très chers prêtres de Rome, ne nous lassons jamais de proposer, d'annoncer et de témoigner cette grande vérité de l'amour et du mariage chrétien. Notre vocation n'est certainement pas celle du mariage, mais du sacerdoce et de la virginité pour le Royaume de Dieu. Mais c'est précisément dans la virginité, accueillie et conservée avec joie, que nous sommes appelés à vivre à notre tour, de façon diverse mais toujours pleine, la vérité de l'amour, en nous donnant totalement, avec le Christ, à Dieu, à l'Eglise, à nos frères en humanité.

Ainsi, notre virginité "garde vivante dans l'Eglise la conscience du mystère du mariage et elle le défend contre toute atteinte à son intégrité et tout appauvrissement" (Familiaris consortio FC 16).

5. J'ai souvent souligné le rôle fondamental et irremplaçable qui revient à la famille, que ce soit dans la vie de l'Eglise ou dans celle de la société civile. Mais c'est précisément pour soutenir les familles chrétiennes dans leurs devoirs exigeants, que notre sollicitude pastorale, à nous prêtres, est nécessaire.

C'est pourquoi, dans l'Exhortation apostolique Familiaris consortio, j'ai rappelé que l'Evêque est "le premier responsable de la pastorale familiale du diocèse" (FC 73). De même, chers prêtres, votre responsabilité à l'égard des familles "s'étend non seulement aux problèmes moraux et liturgiques, mais aussi aux problèmes de caractère personnel et social" (ibid. FC 73). Vous êtes appelés en particulier à "soutenir la famille dans ses difficultés et ses souffrances" (ibid. FC 73), en étant proche de ses membres et en les aidant à vivre leur vie d'époux, de parents et de fils à la lumière de l'Evangile.

6. En remplissant cette importante mission, un grand nombre d'entre nous pourront trouver une aide fructueuse dans l'expérience vécue au sein de leur propre famille, du témoignage de foi et de confiance en Dieu, d'amour et de dévouement, de capacité de sacrifice et de pardon, reçu de leurs parents et des membres de leur famille. Mais ce même contact quotidien avec les familles chrétiennes confiées à notre ministère nous offre des exemples toujours renouvelés de vie selon l'Evangile et nous encourage ainsi à vivre à notre tour avec fidélité et avec joie notre vocation spécifique.

C'est pourquoi, très chers prêtres, nous devons considérer notre apostolat avec les familles comme une source de grâce, un don que le Seigneur nous fait, avant même d'être un devoir pastoral précis.

N'ayez donc pas peur de vous prodiguer pour les familles, de leur consacrer votre temps et vos énergies, les talents spirituels que le Seigneur vous a donnés. Soyez pour eux des amis attentionnés et fidèles, en plus d'être des pasteurs et des maîtres. Accompagnez-les et soutenez-les dans la prière, proposez-leur avec vérité et amour, sans réserve ni interprétations arbitraires, l'Evangile du mariage et de la famille. Soyez proches d'eux spirituellement dans l'épreuve que la vie réserve souvent, en les aidant à comprendre que l'Eglise est toujours pour eux une mère, en plus d'être un maître. Et encore, éduquez les jeunes à comprendre et à apprécier la véritable signification de l'amour et à se préparer ainsi à former d'authentiques familles chrétiennes.

7. Les comportements erronés et souvent aberrants qui sont publiquement proposés, mais aussi affichés et exaltés, et le contact quotidien lui-même avec les difficultés et les crises que de nombreuses familles traversent, peuvent faire surgir également en nous la tentation de la méfiance et de la résignation.

Très chers prêtres de Rome, c'est précisément cette tentation qu'avec l'aide de Dieu, nous devons fuir, avant tout en nous-mêmes, dans notre coeur et dans notre intelligence. En effet, le dessein de Dieu, qui a inscrit dans l'homme et la femme la vocation à l'amour et à la famille, n'a pas changé. L'action de l'Esprit Saint, don du Christ mort et ressuscité, n'est pas moins forte aujourd'hui. Et aucune erreur ni aucun péché, aucune idéologie ni aucune tromperie humaine ne peuvent supprimer la structure profonde de notre être, qui a besoin d'être aimé et qui est à son tour capable d'amour authentique.

C'est pourquoi, plus les difficultés sont grandes, plus notre confiance dans le présent et dans l'avenir de la famille est forte, et plus notre service de prêtres aux familles doit être généreux et passionné.

Très chers prêtres, merci de cette rencontre. Assurés de cette confiance et avec ces voeux, je confie à la Sainte Famille de Nazareth chacun de vous et chaque famille de Rome, et je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos communautés.
***


Paroles du Saint-Père à l'issue de la rencontre:


"Est tempus concludendi", en particulier lorsque je vois nos frères qui sont restés debout tout ce temps, car il n'y avait pas de chaise pour eux, une chaise de plus: nous sommes nombreux.

Je voudrais remercier le Cardinal-Vicaire et le Collège épiscopal de Rome pour la préparation de cette rencontre. Je voudrais à présent un peu résumer.

En premier lieu, Rome: que signifie Rome? Ville pétrinienne. Et chaque paroisse est pétrinienne. Il y a 340 paroisses à Rome. J'en ai déjà visité 300. Il m'en manque 40. Mais nous commencerons déjà ce samedi à compléter le nombre des visites. Espérons que tout aille bien.

Et puis Rome, ce ne sont pas seulement les paroisses: ce sont les séminaires, les Universités, les diverses Institutions. Nous avons parlé, de façon directe ou indirecte, également de toutes ces institutions au cours de notre rencontre.

Le thème est la famille. La famille veut dire: "Homme et femme il les créa". Cela veut dire amour et responsabilité. De ces deux mots découlent toutes les conséquences. On a beaucoup entendu parler de ces conséquences à propos du mariage, de la famille, des parents, des enfants et de l'école.

Je vous suis très reconnaissant à tous parce que vous avez illustré ces conséquences, cette réalité. Cette préoccupation appartient certainement à la paroisse. J'ai appris depuis longtemps, depuis que j'étais à Cracovie, à vivre auprès des couples, des familles. J'ai également suivi de près le chemin qui conduit deux personnes, un homme et une femme, à créer une famille, et à travers le mariage, à devenir des époux, des parents, avec toutes les conséquences que nous connaissons.

Merci à vous car votre sollicitude pastorale s'étend aux familles et parce que vous cherchez à résoudre tous les problèmes que la famille peut comporter. Je vous souhaite une bonne continuation dans ce domaine très important, car c'est à travers la famille que passe l'avenir de l'Eglise et l'avenir du monde. Je vous souhaite de bien préparer cet avenir pour Rome, pour votre patrie, l'Italie et pour le monde. Tous mes voeux!

J'ai sous les yeux le texte que j'avais préparé, mais je l'ai laissé de côté! Vous le trouverez dans "L'Osservatore Romano".

Il y a quelques phrases écrites en dialecte romain: "Dàmose da fà!" ("Remuons-nous!"), "Volèmose bene!" ("Aimons-nous!"), "Semo romani!" ("On est des romains!"). Je n'ai pas appris le dialecte romain: est-ce que cela veut dire que je ne suis pas un bon Evêque de Rome?



AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE FRANCE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Vendredi 27 février 2004



Chers Frères dans l’Épiscopat,

1. C’est avec joie que je vous accueille, vous les Pasteurs de la Province de Besançon, ainsi que l’Archevêque et l’Évêque auxiliaire de Strasbourg. Ma pensée et ma prière rejoignent et accompagnent Mgr Pierre Raffin, Évêque de Metz, qui n’a pu participer à la visite ad limina. Je remercie Mgr André Lacrampe, pour ses réflexions sur les défis et les espoirs de la société et de la vie pastorale de vos diocèses, ainsi que sur les perspectives européennes, qui vous tiennent à coeur en raison même de votre situation géographique aux confins de plusieurs pays.

2. Je suis particulièrement sensible au fait que vous évoquiez, en mentionnant le Conseil de l’Europe, la mémoire de Mgr Michael Courtney, Nonce apostolique au Burundi, assassiné au mois de décembre dernier. Alors qu’il était en poste à Strasbourg comme Observateur permanent du Saint-Siège, il fut un artisan convaincu de la coopération des États du continent européen. J’invite aujourd’hui les Églises locales à s’engager toujours plus fermement en faveur de l’intégration européenne. Pour parvenir à ce résultat, il importe de relire l’histoire et de se rappeler que, au long des siècles, les valeurs anthropologiques, morales et spirituelles chrétiennes ont largement contribué à façonner les différentes nations européennes et à tisser leurs liens profonds. Les nombreuses et belles églises, signes de la foi de nos devanciers, qui s’élèvent sur le continent, le montrent à l’évidence et nous rappellent que ces valeurs ont été et sont encore le fondement et le ciment des relations entre les personnes et entre les peuples; l’union ne peut donc se faire au détriment de ces mêmes valeurs ou en opposition à elles. En effet, les relations entre les divers pays ne peuvent reposer uniquement sur des intérêts économiques ou politiques – les débats autour de la mondialisation nous le montrent clairement –, ou encore sur des alliances de convenance, qui rendraient fragile l’élargissement en cours de réalisation et qui pourraient conduire à un retour des idéologies du passé, qui ont bafoué l’homme et l’humanité. Ces liens doivent avoir pour but de constituer une Europe des peuples, permettant ainsi de dépasser définitivement et radicalement les conflits qui ont ensanglanté le Continent durant tout le vingtième siècle. À ce prix, naîtra une Europe dont l’identité reposera sur une communauté de valeurs, une Europe de la fraternité et de la solidarité, qui seule peut prendre en compte les différences, car elle a pour perspective la promotion de l’homme, le respect de ses droits inaliénables et la recherche du bien commun, pour le bonheur et la prospérité de tous. Par sa présence pluriséculaire dans les différents pays du Continent, par sa participation à l’unité entre les peuples et entre les cultures, et à la vie sociale, notamment dans les domaines éducatifs, caritatif, sanitaire et social, l’Église souhaite contribuer toujours davantage à l’unité du continent (cf. Ecclesia in Europa, n. 113). Ce qui est avant tout recherché, comme je le rappelais lors de mon allocution à la Présidence du Parlement européen (5 avril 1979), c’est le service de l’homme et des peuples, dans le respect des croyances et des aspirations profondes.

3. Au cours de la dernière Assemblée de votre Conférence épiscopale, vous avez abordé la question de la place de l’Église dans la société, dans la perspective de la recherche d’un «mieux vivre ensemble». C’est une des caractéristiques des disciples du Christ de vouloir participer activement, individuellement ou en association, à la vie publique, à tous les échelons de la société, pour être au service de leurs frères et soeurs. En raison de sa vision et de son amour de l’homme, l’Église ne peut se désintéresser de la vie de chacun et elle considère le monde comme le lieu même de sa présence et de son action.

Je ne saurais trop encourager les pasteurs à être attentifs à la formation intégrale des jeunes, notamment de ceux qui seront demain les responsables et les cadres de la nation, pour que, partout où ils travaillent et où ils sont engagés, ils aient les éléments nécessaires à la réflexion sur les situations humaines et sociales, en demeurant attentifs aux personnes pour fonder leurs décisions sur des critères moraux; l’Église souhaite leur donner l’éclairage de l’Évangile et de son Magistère.

Les Universités catholiques ont dans ce domaine une mission spécifique de réflexion avec l’ensemble des partenaires sociaux, pour les aider à analyser les situations particulières et à envisager comment mettre toujours l’homme au centre des décisions. Une telle démarche s’adresse non seulement aux fidèles catholiques mais aussi à tous les hommes de bonne volonté qui souhaitent réfléchir en vérité sur le devenir de l’humanité. À ce propos, je tiens à saluer le travail des Semaines sociales de France, institution à laquelle vous êtes très attachés et qui s’apprête à fêter son centenaire. Au cours des rencontres annuelles qui regroupent de plus en plus de participants, signe que ses recherches répondent à une véritable attente, les participants ont la possibilité de s’interroger sur les questions sociales auxquelles notre monde est affronté, à la lumière de l’Évangile et de la Doctrine sociale de l’Église, qui ne cesse ainsi de s’enrichir depuis l’encyclique Rerum novarum de mon prédécesseur Léon XIII. Je me réjouis des liens que les Semaines sociales promeuvent et développent en Europe, créant ainsi dans le Continent un mouvement de réflexion sur les questions de plus en plus complexes du monde actuel et unissant les hommes dans l’élaboration des fondements de la société de demain.

Par une telle participation à la vie sociale sous toutes ses formes, premier champ de leur apostolat, les chrétiens réalisent véritablement leur vocation et leur mission, selon l’esprit du Concile Vatican II. En annonçant le Christ, ils sont aussi porteurs d’une espérance nouvelle pour la société; «par une intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale» (Gaudium et spes GS 23), ils invitent à une transformation en profondeur de la société. Hormis le droit et le devoir d’annoncer l’Évangile à toutes les nations, l’Église s’autorise également à «porter un jugement sur toute réalité humaine, dans la mesure où l’exigent les droits fondamentaux de la personne humaine ou le salut des âmes» (CIC 747). Dans la vie politique, dans l’économie, sur les lieux de travail et dans la famille, il revient aux fidèles de rendre le Christ présent et de faire resplendir les valeurs évangéliques, qui manifestent avec un éclat particulier la dignité de l’homme et sa place centrale dans l’univers, rappelant ainsi le primat de l’humain sur tout intérêt privé et sur les rouages institutionnels.

4. La participation des chrétiens à la vie publique, la présence visible de l’Église catholique et des autres confessions religieuses ne remettent nullement en cause le principe de la laïcité, ni les prérogatives de l’État. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler lors des voeux au Corps diplomatique en janvier dernier, une laïcité bien comprise ne doit pas être confondue avec le laïcisme; elle ne peut non plus gommer les croyances personnelles et communautaires. Chercher à évacuer du champ social cette dimension importante de la vie des personnes et des peuples, ainsi que les signes qui la manifestent, serait contraire à une liberté bien comprise. La liberté de culte ne peut se concevoir sans la liberté de pratiquer individuellement et collectivement sa religion, ni sans la liberté de l’Église. La religion ne peut pas être uniquement cantonnée dans la sphère du privé, au risque de nier tout ce qu’elle a de collectif dans sa vie propre et dans les actions sociales et caritatives qu’elle mène au sein même de la société envers toutes les personnes, sans distinction de croyances philosophiques ou religieuses. Tout chrétien ou tout adepte d’une religion a le droit, dans la mesure où cela ne remet pas en cause la sécurité et la légitime autorité de l’État, d’être respecté dans ses convictions et dans ses pratiques, au nom de la liberté religieuse, qui est un des aspects fondamentaux de la liberté de conscience (cf. Déclaration sur la liberté religieuse, DH 2-3).

5. Il importe que les jeunes puissent saisir la portée de la démarche religieuse dans l’existence personnelle et dans la vie sociale, qu’ils aient connaissance des traditions religieuses qu’ils rencontrent et qu’ils puissent lire avec bienveillance les symboles religieux et reconnaître les racines chrétiennes des cultures et de l’histoire européennes. Cela conduit à une reconnaissance respectueuse de l’autre et de ses croyances, à un dialogue positif, à un dépassement des communautarismes et à une meilleure entente sociale. Votre pays comporte une forte présence de musulmans avec lesquels, par l’intermédiaire des responsables ou des communautés locales, vous vous attachez à entretenir de bonnes relations et à promouvoir le dialogue interreligieux, qui est, comme j’ai eu l’occasion de le dire, un dialogue de la vie. Un tel dialogue doit aussi raviver chez les chrétiens la conscience de leur foi et leur attachement à l’Église, car toute forme de relativisme ne pourrait que nuire gravement aux relations entre les religions.

Il vous revient de poursuivre et d’intensifier, peut-être dans certains cas de manière plus institutionnelle, des relations avec l’Autorité civile et avec les différentes catégories d’élus de votre pays, dans les Parlements nationaux et européen, notamment avec les parlementaires catholiques, et avec les Institutions internationales. Je me réjouis des nouvelles formes de dialogue récemment établies entre le Saint-Siège et les Responsables de la Nation, pour régler des questions en suspens. De par sa mission propre, au nom du Saint-Siège, le Nonce apostolique est appelé à y participer activement et à suivre attentivement la vie de l’Église et sa situation dans la société.

6. Selon sa noble tradition, la France a de nombreux liens avec des pays du Tiers-Monde, en particulier sur le Continent africain. Aujourd’hui plus que jamais, pour que les peuples d’Afrique sortent de la pauvreté et des luttes sanglantes qui ne cessent de blesser leur terre, il convient de continuer à apporter une assistance aux populations, dans le but de subvenir à leurs besoins fondamentaux, et surtout de les aider à devenir les premiers protagonistes de leur développement, notamment par une éducation sérieuse à la responsabilité civique et politique. Cela doit leur permettre de dépasser les oppositions de groupes afin que chacun acquière véritablement le sens de l’État et que tous les citoyens soient unis pour inventer un avenir de paix et de prospérité. Dans ces domaines éducatifs, l’Église a une expérience qu’elle est plus que jamais appelée à transmettre pour le bien des personnes et des peuples.

7. Alors que s’achèvent mes rencontres avec les différentes provinces de France, je rends grâce pour l’engagement courageux des Pasteurs et des fidèles dans l’annonce de l’Évangile. Puissent-ils ne pas se décourager devant les difficultés et les maigres résultats obtenus à vue humaine ! Nous devons nous considérer avant tout comme des coopérateurs de Dieu (cf. 2Co 6,1), accomplissant notre mission dans la fidélité au don reçu, annonçant à temps et à contretemps la Parole de Dieu dont le monde a besoin pour consentir à l’espérance et pour retrouver un nouvel élan. L’Esprit Saint saura faire fructifier le travail des hommes. Le Christ, le Rédempteur de l’homme, vient ouvrir à chacun la route de la vie. N’ayez pas peur de crier au monde que Dieu est l’unique bonheur définitif de l’humanité et d’accompagner les hommes dans la découverte du Christ et dans la construction d’un monde où il fait bon vivre ! En vous confiant à l’intercession de la Vierge Marie, patronne de la France, je vous accorde, ainsi qu’aux pasteurs et à tous les fidèles de vos diocèses, une affectueuse et paternelle Bénédiction apostolique.



Discours 2004 - Samedi 21 février 2004