Discours 2003 - Vendredi 30 mai 2003


AUX PÈLERINS DU DIOCÈSE DE SAINT-BRIEUC ET TRÉGUIER (FRANCE)

Samedi 31 mai 2003


Monseigneur,
Chers amis,

C’est avec plaisir que je vous accueille, vous pèlerins du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, venus à Rome à l’occasion des festivités qui marquent le septième centenaire de la mort de saint Yves. Je salue aussi cordialement les hautes personnalités, notamment de la société civile et du monde juridique, présentes à Rome pour approfondir, à l’occasion d’un colloque, l’actualité du message de saint Yves. Je remercie Monseigneur Fruchaud pour les aimables paroles qu’il vient de m’adresser en votre nom à tous. Les églises de Saint-Yves des Bretons et de Sant’Ivo alla Sapienza, dans lesquelles vous aurez l’occasion de vous recueillir, révèlent l'extraordinaire rayonnement du culte qui lui est rendu depuis longtemps à travers l'Europe par tous ceux qui le reconnaissent comme leur maître spirituel, en particulier par les Juristes dont il est le saint Patron.

Les valeurs proposées par saint Yves demeurent un puissant stimulant pour notre temps, notamment dans l'Europe qui se construit. Serviteur de la justice, saint Yves invite les hommes de bonne volonté à bâtir un monde de paix, fondé sur le respect du droit et sur le service de la vérité.

Défenseur des pauvres, cet avocat encourage les personnes et les peuples à mettre en oeuvre la solidarité et l’équité, qui garantissent les droits des plus faibles dont sera pleinement reconnue la dignité inaliénable. Prêtre, prédicateur infatigable de la Parole de Dieu, il appelle aujourd’hui l’Église à proposer à tous l’Évangile, source de relations nouvelles entre les hommes.

Puissent l’exemple et la vie de saint Yves inviter les chrétiens à contribuer activement à la construction de l’Europe, communauté de destin dans laquelle tous sont appelés à travailler pour qu’amour et vérité se rencontrent, et que justice et paix s’embrassent (Cf. Ps 84,11)!

Vous confiant à la sollicitude de la Vierge Marie, Notre-Dame de Querrien, je vous accorde la Bénédiction apostolique, que j’étends bien volontiers aux pasteurs et aux fidèles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier.



CÉLÉBRATION MARIALE AU VATICAN POUR LA CLÔTURE DU MOIS DE MAI

MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II LU PAR S. EXC. MGR FRANCESCO MARCHISANO

Grotte de Notre-Dame de Lourdes, Samedi 31 mai 2003



Très chers frères et soeurs!


1. Comme chaque année, vous avez récité le saint Rosaire, en contemplant en particulier le mystère de la Visitation de Marie à sainte Elisabeth, que la liturgie célèbre aujourd'hui. Vous avez ainsi voulu conclure le mois de mai devant la Grotte de Notre-Dame de Lourdes, dans les Jardins du Vatican. Je m'unis spirituellement à vous et je vous salue avec affection. Je salue Mgr Francesco Marchisano, mon Vicaire général pour la Cité du Vatican, Messieurs les Cardinaux et les autres prélats présents, les prêtres, les religieux et les religieuses, les jeunes et tous les fidèles. Avec chacun de vous, je me recueille devant la Grotte, en apportant tel un don à la Vierge Immaculée tout le chemin spirituel accompli en ce mois marial: chaque intention, chaque préoccupation, chaque nécessité de l'Eglise et du monde. Que la Sainte Vierge accueille chacune de vos invocations.

2. En cette circonstance, je désire renouveler à tous l'invitation à réciter fréquemment le Rosaire, en soignant sa qualité avec application. Je pense tout d'abord aux prêtres: que leur exemple et leur direction conduisent les fidèles à redécouvrir le sens et la valeur de cette prière. Je pense aux personnes consacrées, en particulier aux religieuses, que j'imagine nombreuses parmi vous: puissent-elle suivre Marie de près, Elle qui conservait dans son coeur les mystères de son Fils divin. Je pense aux familles et je les exhorte à se réunir souvent, en particulier le soir, pour réciter le Rosaire ensemble: il s'agit de l'une des expériences de la communauté domestique les plus belles et les plus réconfortantes.

3. L'Année du Rosaire, que nous célébrons, nous offre un motif constant de réflexion sur le rôle de la Madone dans l'histoire du salut et de notre vie. De même qu'elle fut associée à la mission de son Fils divin, Marie continue à accompagner le chemin de l'Eglise au cours des siècles. Très chers amis, nous persévérons en prière avec elle, comme les Apôtres au Cénacle, dans l'attente de la Pentecôte désormais proche. La liturgie de ces journées nous fait revivre l'atmosphère spirituelle qui précéda cet événement, et si toute l'Année du Rosaire doit se caractériser par une prière prolongée avec Marie, nous devons nous unir encore davantage à Elle en ces jours de la Neuvaine, en invoquant l'abondante descente de l'Esprit sur toute l'Eglise présente dans le monde.

Alors que le mois de mai se conclut et que commence celui de juin, consacré au Coeur du Christ, nous ressentons encore davantage à quel point Marie nous conduit au Christ. C'est Elle le chemin le plus bref pour parvenir au Coeur de Jésus, où nous pouvons puiser les dons extraordinaires de son amour et de sa miséricorde.

"Magnificat anima mea Dominum!". Faisons nôtre le cantique qui naquit du coeur de Marie dans la maison de sainte Elisabeth et que toute notre vie soit une louange au Seigneur!

Tel est, très chers amis, le voeu que j'accompagne de tout coeur de ma Bénédiction, que j'étends volontiers à tous vos proches.

Du Vatican, le 31 mai 2003

IOANNES PAULUS II



Juin 2003



À S. E. M. ODED BEN-HUR, NOUVEL AMBASSADEUR D'ISRAEL PRÈS LE SAINT-SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Lundi 2 juin 2003



Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux de vous accueillir au Vatican et d'accepter les Lettres qui vous accréditent en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l'Etat d'Israël près le Saint-Siège. Votre présence ici aujourd'hui témoigne de notre désir commun d'oeuvrer ensemble en vue d'édifier un monde de paix et de sécurité, non seulement en Israël et au Moyen-Orient, mais dans toutes les parties du monde et pour tous les peuples, partout. C'est une tâche que nous n'entreprenons pas seuls, mais avec la Communauté internationale tout entière: en effet, sans doute comme jamais auparavant, toute la famille humaine ressent aujourd'hui le besoin urgent de surmonter la violence et la terreur, de mettre un terme à l'intolérance et au fanatisme, d'inaugurer une ère de justice, de réconciliation et d'harmonie entre les personnes, les groupes et les nations.

Ce besoin n'est probablement nulle part ressenti aussi fortement qu'en Terre Sainte. Il ne fait absolument aucun doute que les peuples et les nations ont le droit imprescriptible de vivre en sécurité. Toutefois, ce droit comporte un devoir correspondant: respecter le droit des autres. C'est pourquoi, tout comme la violence et la terreur ne peuvent jamais constituer des moyens acceptables pour avancer des revendications politiques, ainsi, les représailles ne peuvent pas non plus conduire à une paix juste et durable. Les actes de terrorisme doivent toujours être condamnés comme de véritables crimes contre l'humanité (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 2002). Tout Etat a le droit indéniable de se défendre contre le terrorisme, mais ce droit doit toujours être exercé dans le respect des limites morales et juridiques, tant en ce qui concerne les objectifs que les moyens (cf. ibid., n. 5).

Comme les autres membres de la Communauté internationale, et en soutenant pleinement le rôle et les efforts de la vaste famille des nations en vue de contribuer à résoudre la crise au Moyen-Orient, le Saint-Siège est convaincu que le conflit actuel ne sera résolu que lorsqu'il y aura deux Etats indépendants et souverains. Comme je l'ai dit au début de cette année au Corps diplomatique: "Deux peuples, l'israélien et le palestinien, sont appelés à vivre côte à côte, également libres et souverains, respectueux l'un de l'autre" (Discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 13 janvier 2003). Il est essentiel que les deux parties donnent des signes clairs de leur engagement déterminé à atteindre cette coexistence pacifique. Ce faisant, une contribution inestimable sera apportée en vue de l'édification de relations de confiance et de coopération réciproques. Dans ce contexte, je suis heureux de constater le récent vote du gouvernement israélien en faveur du processus de paix: pour tous ceux qui sont engagés dans ce processus, la position du gouvernement représente un signe positif d'espérance et d'encouragement.

Certes, les nombreuses questions et difficultés soulevées par cette crise doivent être affrontées de façon juste et efficace. Les questions concernant les réfugiés palestiniens et les colonies israéliennes, par exemple, ou le problème de l'établissement des frontières territoriales ou de la définition du statut des lieux les plus saints de la Ville de Jérusalem, doivent faire l'objet d'un dialogue ouvert et de négociations sincères. En aucun cas, les décisions ne doivent être prises de façon unilatérale. Au contraire, le respect, la compréhension et la solidarité réciproques exigent que le chemin du dialogue ne soit jamais abandonné. Les échecs réels ou apparents ne devraient pas non plus conduire les partenaires du dialogue et de la négociation au découragement. Au contraire, c'est précisément dans de telles circonstances qu'il est d'autant plus important "qu'ils consentent à recommencer sans cesse à proposer un vrai dialogue en en levant les obstacles et en en déjouant les vices". De cette façon, ils marcheront ensemble sur le chemin "qui conduit à la paix, avec toutes ses exigences et ses conditions" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1983).

Monsieur l'Ambassadeur, comme vous l'avez souligné, il y a dix ans que l'Accord fondamental entre le Saint-Siège et l'Etat d'Israël a été signé. C'est cet Accord qui a posé les bases de l'établissement successif de pleines relations diplomatiques entre nous, et qui continue de nous guider dans notre dialogue et notre échange mutuel de points de vue en ce qui concerne de nombreuses questions d'intérêt commun. Le fait que nous ayons pu parvenir à un accord sur la pleine reconnaissance de la personnalité juridique des institutions de l'Eglise, est un motif de satisfaction, et je suis heureux qu'un accord semble également proche en ce qui concerne les questions fiscales et économiques qui y sont liées. De la même façon, je suis certain que nous réussirons également à établir d'utiles orientations pour de futurs échanges culturels entre nous.

J'exprime également le souhait fervent que ce climat de coopération et d'amitié nous permette de résoudre de façon efficace les autres difficultés que les fidèles catholiques de Terre Sainte doivent affronter chaque jour. Un grand nombre de ces problèmes, comme l'accès aux sanctuaires et aux lieux saints chrétiens, l'isolement et la souffrance des communautés chrétiennes, la diminution de la population chrétienne due à l'émigration, sont d'une certaine façon liés au conflit actuel, mais cela ne devrait pas nous dissuader de rechercher des remèdes possibles dans l'immédiat et d'oeuvrer ensemble dès aujourd'hui pour relever ces défis. Je suis certain que l'Eglise catholique pourra continuer de promouvoir la bonne volonté parmi les peuples et faire progresser la dignité de la personne humaine dans ses écoles et ses programmes éducatifs, et à travers ses Institutions caritatives et sociales. Surmonter les difficultés que j'ai mentionnées servira non seulement à accroître la contribution que l'Eglise catholique apporte à la société israélienne, mais consolidera également la garantie de la liberté religieuse dans votre pays. Cela renforcera les sentiments d'égalité entre les citoyens, et chaque individu, inspiré par ses convictions spirituelles, sera ainsi plus à même d'édifier la société comme une maison commune partagée par tous.

Il y a trois ans, au cours de mon pèlerinage de l'Année jubilaire en Terre Sainte, j'ai souligné que "la paix véritable au Moyen-Orient ne pourra être que le résultat de la compréhension réciproque et du respect entre tous les peuples de la région: juifs, chrétiens, musulmans. Dans cette perspective, mon pèlerinage est un voyage d'espérance: l'espérance que le XXI siècle apporte une nouvelle solidarité entre les peuples du monde, dans la conviction que le développement, la justice et la paix ne pourront être atteints que s'ils s'obtiennent pour tous" (Visite au Président israélien Ezer Weizman, 23 mars 2000). C'est précisément cette espérance et ce concept de solidarité qui doivent sans cesse inspirer tous les hommes et toutes les femmes - en Terre Sainte et ailleurs - à oeuvrer pour un nouvel ordre mondial fondé sur des relations harmonieuses et sur la coopération efficace entre les peuples. Telle est la tâche de l'humanité pour le nouveau millénaire, telle est la seule façon d'assurer un avenir de promesse et de lumière pour tous.

Je prie Votre Excellence de bien vouloir transmettre au Président, au Premier ministre, au gouvernement et au peuple de l'Etat d'Israël, l'assurance de mes prières pour la nation, en particulier en ce moment si crucial de son histoire. Je suis certain que votre service en tant que représentant près le Saint-Siège contribuera beaucoup à renforcer les liens de compréhension et d'amitié entre nous. En vous souhaitant tout le succès possible pour votre mission, et en vous assurant de la pleine coopération des divers bureaux de la Curie Romaine dans l'accomplissement de vos hautes fonctions, j'invoque cordialement sur vous, sur vos concitoyens et sur tous les peuples de Terre Sainte, une abondance de Bénédictions divines.



AUX ÉVÊQUES DE L'INDE DE RITE LATIN EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Mardi 3 juin 2003


Eminence,
Chers frères évêques,

1. Accompagné par l'Esprit Saint, je vous souhaite une cordiale bienvenue, à vous le deuxième groupe d'évêques de rite latin de l'Inde, à l'occasion de votre visite "ad limina Apostolorum". Je salue en particulier Monseigneur Viruthakulangara et je le remercie des bons voeux qu'il m'a transmis au nom des évêques, du clergé, des religieux et des fidèles laïcs des provinces de Bombay, Nagpur, Verapoly, de la nouvelle province de Gandhinagar et de l'archidiocèse de Goa et Damão. Je prie afin que, par l'intercession des Apôtres Pierre et Paul, l'Eglise qui est en Inde continue avec courage à proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

Dans le sous-continent, et en particulier dans les régions de Kérala et de Goa, le message salvifique du Christ a été annoncé pendant de nombreux siècles. Récemment l'Eglise a célébré le 450 anniversaire de la mort du zélé missionnaire saint François-Xavier, qui appartenait à la longue série des hommes imprégnés de foi, comme saint Thomas Apôtre, qui ont donné leur vie pour l'évangélisation de l'Asie. Saint François nous enseigne l'importance d'oublier nos désirs personnels et nos projets humains et de nous donner entièrement à la volonté de Dieu (cf. Office des Lectures pour la fête de saint François-Xavier). Je souhaite que la vie et l'oeuvre de ce saint Patron de l'Orient suscitent chez le peuple indien le désir de se donner plus totalement à la volonté du Seigneur.

2. Le Christ continue à faire de vos diocèses une terre fertile pour sa moisson de foi. "De même que le grand dialogue d'amour entre Dieu et l'homme fut préparé par l'Esprit Saint et s'accomplit en terre d'Asie dans le mystère du Christ, de même le dialogue entre le Sauveur et les peuples du continent continue aujourd'hui par la puissance de ce même Esprit Saint, à l'oeuvre dans l'Eglise" (Ecclesia in Asia ). Au cours de mes visites pastorales en Inde, j'ai été frappé par les multiples expressions du christianisme dans votre pays. La présence de la tradition latine et de la tradition orientale, en contact si étroit, est une source profonde de force et de vitalité pour l'Eglise. Parfois, cette relation peut représenter un défi pour vos communautés, alors que vous cherchez à travailler ensemble pour trouver des façons concrètes de servir le Peuple de Dieu. Comme je l'ai dit aux évêques syro-malabars de votre pays, il est important de persévérer pour renforcer les liens avec vos frères évêques des rites orientaux, à travers un dialogue inter-rituel efficace, dans le but de surmonter toute incompréhension qui peut occasionnellement se présenter. Cela se produit en particulier dans les domaines concernant l'évangélisation et le soin pastoral des catholiques orientaux en Inde (cf. Ecclesia in Asia ).

Le Christ vous ayant faits les pasteurs de son troupeau, vous êtes appelés de façon particulière à promouvoir le dialogue et la compréhension réciproque entre les catholiques et les autres communautés chrétiennes. L'Apôtre Paul nous encourage tous à nous comporter "en enfants de lumière; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité" (Ep 5,8-9). En tant qu'évêques vous avez non seulement l'obligation de marcher dans cette lumière, mais également d'aider à éclairer le chemin de tous les disciples du Christ, en les conduisant vers une solidarité spirituelle toujours plus complète.

3. Il est très encourageant de voir le nombre impressionnant des vocations religieuses et diocésaines dans vos provinces et le pourcentage élevé de fidèles qui assistent à la messe dominicale. Bien que vos Eglises locales puissent être matériellement pauvres, en particulier si on les compare aux autres communautés chrétiennes, elles sont riches de ressources humaines. Cela ressort clairement du nombre élevé de communautés chrétiennes de base, de mouvements de laïcs et d'associations qui jouent un rôle si vital dans la vie ecclésiale de vos provinces. Malgré ces signes positifs, vos diocèses doivent également affronter des défis. L'influence négative des moyens de communication sociale, le sécularisme, le matérialisme et le consumérisme, joints aux promesses illusoires de quelques groupes fondamentalistes, ont conduit des jeunes à renoncer à leur foi. Malheureusement, certains membres du clergé ont également été parfois attirés par les promesses inconsistantes du gain, de l'aisance et du pouvoir.

En affrontant ces problèmes, on est tentés de poser la même question que celle que les disciples ont adressée à Pierre, immédiatement après la Pentecôte: "Que devons-nous faire?" (Ac 2,37). A ce propos, il est réconfortant de voir un grand nombre de vos diocèses répondre à cette question à travers des Synodes et des programmes pastoraux, en affrontant les problèmes de manière sérieuse et en évitant ainsi des crises possibles à l'avenir. Comme je l'ai dit dans ma Lettre apostolique Novo Millennio ineunte, les initiatives pastorales doivent toujours comprendre les quatre piliers chrétiens qui sont la sainteté, la prière, les sacrements et la Parole de Dieu (cf. NM NM 30-41), en rappelant toujours qu'"il ne s'agit pas d'inventer un "nouveau programme". Le programme existe déjà: c'est celui de toujours, tiré de l'Evangile et de la Tradition vivante" (ibid., NM NM 29).

4. Une planification pastorale efficace doit être adaptée au contexte, de façon à pouvoir affronter les problèmes particuliers créés par la société moderne. Comme de nombreux autres pays, l'Inde se trouve également concernée par le mouvement favorisant la culture de la mort, comme on le constate par exemple à travers les menaces dangereuses à l'égard des nouveau-nés, en particulier des filles. Chers frères évêques, je vous encourage à rester attentifs dans vos efforts visant à prêcher sans peur le solide enseignement de l'Eglise relatif au droit inviolable à la vie de tout être humain innocent. L'engagement concerté pour freiner la culture de la mort a besoin de la participation de toute la communauté catholique. C'est pourquoi, toute stratégie à ce propos doit amener la participation des individus, des familles, des mouvements et des associations engagés dans l'édification d'"une société dans laquelle la dignité de chaque personne soit reconnue et protégée, et la vie de tous défendue et promue" (Evangelium vitae EV 90).

La mondialisation a elle aussi lancé un défi aux coutumes et à l'éthique traditionnelle. On l'observe clairement dans les tentatives d'imposer à la société asiatique des types de planification familiale et des mesures sanitaires concernant la reproduction moralement inacceptables. Dans le même temps, une compréhension erronée de la loi morale a conduit de nombreuses personnes à justifier des activités sexuelles immorales sous le prétexte de la liberté, qui à son tour a comporté une acceptation générale de la mentalité favorable à la contraception (cf. Familiaris consortio FC 6). Les conséquences d'une telle activité irresponsable menacent non seulement l'institution de la famille, mais contribuent également à la diffusion du HIV/SIDA, qui dans certaines régions de votre pays atteint l'ampleur d'une épidémie. La réponse de l'Eglise en Inde doit être de continuer à promouvoir la sainteté de la vie conjugale et le "langage qui exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux" (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 2370). L'Eglise est appelée à proclamer que l'amour véritable est l'amour chrétien, et l'amour chrétien est un amour chaste. Je vous encourage à soutenir les programmes éducatifs qui soulignent l'enseignement de l'Eglise à ce propos.

Dans le même temps, il faut accomplir des efforts pour assurer le respect de la dignité et des droits des femmes, dans le but de garantir qu'à chaque niveau de la société indienne l'on promeuve un "nouveau féminisme". Cela permettra de ne pas "succomber à la tentation de suivre les modèles masculins, en sachant reconnaître et exprimer le vrai génie féminin dans toutes les manifestations de la vie en société, en travaillant à dépasser toute forme de discrimination, de violence et d'exploitation" (cf. Evangelium vitae EV 99).

5. Au début de ce discours j'ai parlé de saint François-Xavier, qui a tant fait pour la diffusion du christianisme en Inde. Il possédait la capacité de servir avec succès dans un milieu non chrétien. Je prie afin que l'Eglise qui est en Inde puisse, en l'imitant, proclamer de façon respectueuse, mais avec courage, l'Evangile de Jésus Christ. Ce n'est pas une tâche facile, en particulier dans les régions où les personnes font l'expérience de l'animosité, de la discrimination et même de la violence, en raison de leur propre conviction religieuse ou appartenance tribale. Ces difficultés sont exacerbées par l'accroissement de l'activité de certains groupes fondamentalistes Hindous, qui suscitent des soupçons à l'égard de l'Eglise et des autres religions. Malheureusement, dans plusieurs régions les autorités publiques ont cédé à la pression de ces extrémistes et ont approuvé des lois injustes contre les conversions, en interdisant le libre exercice du droit naturel à la liberté religieuse ou en supprimant l'assistance sociale aux membres de certaines castes qui ont choisi de se convertir au christianisme.

Malgré les graves difficultés et les souffrances que cela a causé, l'Eglise qui est en Inde ne doit jamais renoncer à sa tâche fondamentale d'évangélisation. Chers frères Evêques, je souhaite qu'avec vos fidèles vous continuiez à faire participer les dirigeants locaux des autres confessions religieuses à un dialogue interreligieux qui assurera une plus grande collaboration réciproque. De même, vous devez entretenir un dialogue effectif avec les autorités locales et nationales pour assurer que l'Inde continue à promouvoir et à sauvegarder les droits humains fondamentaux de tous ses citoyens. Une partie intégrante de cette démocratie "qui sert véritablement le bien des individus et des peuples consiste dans le respect de la liberté religieuse, car il s'agit d'un droit qui touche à la liberté intérieure la plus intime et suprême de l'individu" (cf. Discours au nouvel Ambassadeur de l'Inde, 13 décembre 2002).

6. ""De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie" (Jn 20, 21). C'est pourquoi dans le renouvellement du sacrifice du Christ dans l'Eucharistie et de la communion à son corps et à son sang, l'Eglise reçoit les forces spirituelles nécessaires à l'accomplissement de sa mission" (Ecclesia de Eucharistia EE 22). Chers frères dans le Seigneur, alors que vous repartez dans vos Eglises locales après cette visite auprès des tombes des saints Apôtres, je souhaite que, remplis de "forces spirituelles" vous ayez renouvelé votre désir de participer également plus pleinement à la mission de l'Eglise qui "est en continuité avec celle du Christ" (ibid. EE EE 22).

En cette année du Rosaire, je prie afin que, par l'intercession de la Vierge Bienheureuse, l'Esprit Saint vous confirme, ainsi que le clergé, les religieux et les fidèles de vos diocèses dans le "don que Dieu a déposé en vous" (cf. 2Tm 1,6) et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique en gage de joie et de paix dans le Seigneur.




MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AU MINISTRE GÉNÉRAL DE L’ORDRE DES FRÈRES MINEURS




Au Révérend Père
Giacomo BINI
Ministre général de l'Ordre des Frères mineurs

1. Je suis heureux de vous adresser, Révérend Père, ainsi qu'à l'Ordre des Frères mineurs tout entier, mon salut cordial et mes meilleurs voeux, à l'occasion du Chapitre général ordinaire, convoqué dans la ville de saint François et de sainte Claire. Celui-ci vient d'être célébré à la Portioncule, ravivant la mémoire joyeuse des origines de l'Ordre, né sous le regard de Sainte Marie des Anges, que vous vénérez comme Patronne spéciale sous le titre d'"Immaculée".

L'Assemblée capitulaire "de Pentecôte", prescrite par la Règle (cf. n. VIII: FF 26), met en évidence le rôle fondamental reconnu par saint François à l'Esprit Saint, qu'il aimait définir "Ministre général" de l'Ordre (cf. Celano, Vita seconda, CXLV, 193: FF 779). L'Esprit Saint purifie, illumine, enflamme les coeurs par le feu de l'amour, les conduisant au Père sur les traces du Seigneur Jésus (cf. Lettre à tous les frères, VI, 62-63: FF 233).

En cette circonstance significative, je suis heureux de renouveler mes sentiments de gratitude à cette Famille religieuse pour le service qu'elle rend à l'Eglise depuis désormais de nombreux siècles, en poursuivant l'oeuvre commencée par François d'Assise et par sa disciple Claire. Je désire également profiter de cette occasion pour offrir aux membres du Chapitre général et, par leur intermédiaire, à tous les Frères mineurs, divers éléments utiles pour une révision communautaire du chemin accompli jusqu'à présent et pour une action apostolique plus incisive dans le monde d'aujourd'hui.

2. Au terme du grand Jubilé de l'An 2000, avec la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai voulu rappeler à tout le peuple chrétien les priorités spirituelles du troisième millénaire, en n'hésitant pas à affirmer que la perspective dans laquelle doit se placer tout le chemin pastoral est celle de la sainteté (cf. NM NM 30). Je soulignais que dans tout programme d'évangélisation, doit ressortir le "primat de la grâce [...], le primat du Christ et, en rapport avec lui, le primat de la vie intérieure et de la sainteté" (NM 38). En outre, les Instituts de vie consacrée sont appelés à jouer un rôle particulier, car leur mission spécifique est le témoignage prophétique du Royaume des Cieux. Cela implique une tension permanente vers la sainteté. On comprend alors mieux ce que l'on lit dans l'Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, c'est-à-dire qu'"aujourd'hui plus que jamais, il est indispensable que les personnes consacrées renouvellent leur engagement dans la sainteté, pour aider et soutenir en tout chrétien la recherche de la perfection" (VC 39).

S'il est vrai que "les voies de la sainteté sont multiples et adaptées à la vocation de chacun" (Novo millennio ineunte NM 31), dans la Règle et dans les Constitutions de votre Ordre, "un itinéraire est tracé pour la sequela Christi, correspondant à un charisme propre authentifié par l'Eglise" (Vita consecrata VC 37). Cet itinéraire a été parcouru par un grand nombre de vos confrères, saints et bienheureux franciscains, qui ont observé avec une fidélité héroïque jusqu'à la mort les engagements librement pris le jour de leur profession religieuse. Il vous sera d'une grande aide de faire une référence constante à eux, maîtres et modèles de sainteté, en vous inspirant de leur exemple, en approfondissant leur connaissance, en les invoquant avec dévotion, et en les commémorant à l'occasion de leur fête liturgique.

3. Le Chapitre général se déroule dans la ville d'Assise, où retentit la voie éternelle que François entendit par trois fois descendre de la Croix vers lui: "Va, et répare ma maison qui, comme tu le vois, est en ruine!" (Bonaventure, Legenda maior, II, 1: FF 1038).

Au cours de ces dernières années également, marquées par d'importants changements sociaux, l'Ordre a été encouragé à actualiser cet appel particulier, en approfondissant sa signification pour en vivre le charisme avec cohérence. Cette réflexion a incité votre Famille religieuse à mieux mettre en évidence le service missionnaire et ecclésial confié par le Christ au jeune François et, par la suite, confirmé par le Pape Innocent III, à travers les paroles: "Allez avec Dieu, frères, et de la façon dont Il daignera vous inspirer, prêchez à tous la pénitence" (Celano, Vita prima, XIII, 33: FF 375).

Il est important que l'Ordre conserve son style missionnaire caractérisé par la pauvreté et la vie fraternelle, animé par un esprit de contemplation et par la recherche sincère de la justice, de la paix, du respect de la création. Il est également indispensable que chacun de ses membres et que toutes les fraternités collaborent à l'édification de l'unique Eglise du Christ, en accord et en pleine communion avec les Pasteurs des Communautés chrétiennes locales.

Votre Ordre, en accord avec les Evêques diocésains, contribuera ainsi à "affermir et étendre le Royaume du Christ, en portant partout l'annonce de l'Evangile, même dans les régions les plus lointaines" (Vita consecrata VC 78), grâce à un esprit renouvelé d'obéissance et à un désir sincère de communion ecclésiale.

4. Votre unique objectif, dans tout choix et toute décision apostolique, doit être la salus animarum, comme ce fut le cas pour le Poverello d'Assise, animé toujours et uniquement par le zèle pour le salut de ses frères. Considérant que "le Fils unique de Dieu a daigné être crucifié pour les âmes", "il ne se considérait pas ami du Christ s'il n'aimait pas les âmes qu'Il avait sauvées" (Celano, Vita seconda, CXXXI, 172: FF 758) et "choisit de vivre pour Celui qui mourut pour tous, bien conscient d'avoir été envoyé par Dieu, pour conquérir les âmes que le diable tentait d'enlever" (Celano, Vita prima, XIV, 35: FF 381).

La salus animarum le poussa également à promouvoir la dignité et les droits de la personne, créée et formée "à l'image du Fils bien-aimé selon le corps et à sa ressemblance selon l'esprit" (François, Admonition V: FF 153), ainsi qu'à défendre la sauvegarde de la création, car toutes les choses ont été créées au moyen du Christ et en vue du Christ et toutes subsistent en Lui (cf. Col 1,16-17). Par dessus-tout, la vie de François se distingua par une constante tension spirituelle, qui le conduisait à tout voir et comprendre à la lumière de la "béatitude définitive qui est auprès de Dieu" (Vita consecrata VC 33). De son amour pour Dieu jaillissait l'ardente passion de prêcher "aux fidèles les vices et les vertus, la peine et la gloire" (Règle, IX: FF 99). Que cela, chers Frères mineurs, demeure votre "style" apostolique dans l'Eglise. Je souhaite que des travaux capitulaires ressortent d'utiles orientations pour le rendre toujours plus fidèle aux défis de l'époque moderne.

5. "La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux!" (Mt 9,37). Ces paroles du Christ viennent à l'esprit face à l'étendue du domaine d'action et au nombre limité de bras disponibles. Parler d'élan missionnaire semble peu réaliste également pour votre Ordre, compte tenu de la diminution du nombre de ses membres et de l'augmentation de l'âge moyen qui a été enregistrée ces dernières années. Pourtant, au lieu de susciter le découragement, cela doit plutôt pousser à intensifier, d'un côté, la prière afin que le Maître de la Moisson "envoie des ouvriers à sa moisson" (Mt 9,38) et, de l'autre, à rechercher de nouvelles stratégies pastorales et de vocation.

Pourquoi perdre confiance, si Jésus lui-même a assuré à François que c'était précisément Lui qui était "le principal responsable" de l'Ordre? Ne lui promit-il pas: "C'est moi qui ai appelé, c'est moi qui conserverai, c'est moi qui paîtrai, et, à la place de ceux qui se perdent, j'en ferai naître d'autres. Et s'ils ne naissent pas, je les ferai naître moi-même" (Bonaventure, Legenda maior, VII, 3: FF 1140)? Dans cette conscience, encouragez et accompagnez les vocations à travers la prière et le témoignage de vie, ayant confiance en ce "Dieu qui [...] des pierres mêmes peut faire naître des fils à Abraham et rendre fécond le sein stérile" (Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Repartir du Christ, n. 16). L'Ordre a bien fait de destiner de nombreuses énergies à la pastorale des vocations et à la formation des aspirants à la vie consacrée, en collaboration avec d'autres Instituts d'inspiration franciscaine et avec les diocèses.

La fascination de François et de Claire d'Assise sur les jeunes est grande et doit être utilisée pour proposer également aux nouvelles générations du troisième millénaire "une réflexion plus attentive sur les valeurs essentielles de la vie, qui trouvent leur aboutissement dans la réponse que chacun est invité à donner à l'appel de Dieu, spécialement quand cet appel invite au don total de soi et de ses énergies pour la cause du Royaume" (Novo millennio ineunte NM 46).

Les célébrations annoncées par les quatre Ministres généraux des Familles franciscaines pour le 750 anniversaire de la mort de sainte Claire pourront constituer, à cet égard, une occasion plus que jamais opportune pour faire mieux connaître les vocations à la vie contemplative, apostolique, érémitique, et séculière inspirée par saint François et sainte Claire.

6. Soyez vous-mêmes des hommes passionnés par le Christ et par l'Evangile, des hommes de prière incessante et des témoins joyeux d'un choix radical du Royaume des cieux. Votre engagement apparaîtra d'autant plus efficace si vous vous efforcez d'offrir des signes éloquents du "primat que Dieu et les valeurs évangéliques ont dans la vie chrétienne" (Vita consecrata VC 84).

La tunique traditionnelle, que vous portez habituellement, rappelle déjà au premier abord le style de pénitence et de pauvreté, de douceur et d'accueil, de simplicité et de consécration totale à Dieu qui doit vous distinguer. Demeurez fidèles à votre charisme, en vous ouvrant dans le même temps avec sagesse et prudence aux exigences de l'apostolat de notre époque.

Que l'Esprit Saint, par sa lumière et sa force, vous rende capables d'apporter le Christ "dans notre coeur et dans notre corps, par amour et par une conscience pure et sincère" et de l'engendrer "par de saintes oeuvres, qui doivent luire en exemple pour les autres" (François, Lettre à tous les fidèles, X, 53: FF 200).

Que saint François, sainte Claire et tous vos saints Patrons accompagnent les travaux capitulaires et les rendent féconds pour le bien de l'Ordre et de l'Eglise. Que la Vierge Marie "Etoile de la nouvelle évangélisation", vous aide à demeurer fidèles à l'engagement missionnaire auquel François continue de vous exhorter à travers la belle expression: "Repose ta confiance dans le Seigneur et Il aura soin de toi" (Celano, Vita prima, XII, 29: FF 367).

Adressez-vous chaque jour à la "Vierge faite Eglise" (François, Salut à la Bienheureuse Vierge Marie: FF 259), à la Reine des Apôtres, à l'"Avocate de l'Ordre" (Celano, Vita seconda, CL, CL 198, FF 758), à travers la récitation du Rosaire, prière merveilleusement évangélique et franciscaine.

Avec ces sentiments, tandis que j'assure chacun de mon souvenir constant dans le Seigneur, je vous donne de tout coeur, Révérend Père, ainsi qu'aux participants au Chapitre général et à tous vos Confrères présents dans le monde, une Bénédiction apostolique particulière.

Du Vatican, le 10 mai 2003.

IOANNES PAULUS II



Discours 2003 - Vendredi 30 mai 2003