Discours 2003 - Vendredi 31 octobre 2003


MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II À L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA MORT DE LÉON XIII



Vénérés frères,
Mesdames, Messieurs

1. De façon tout à fait opportune, le Comité pontifical des Sciences historiques a voulu rappeler le centenaire de la mort du Pape Léon XIII de vénérée mémoire. En effet, mon illustre prédécesseur ne se limita pas à fonder la Commission cardinalice pour la promotion des études historiques, dont est né l'actuel Comité pontifical des Sciences historiques, mais il donna également un élan aux sciences historiques à travers l'ouverture aux chercheurs des Archives secrètes vaticanes et de la Bibliothèque apostolique vaticane.

Je me réjouis donc de cette initiative et je salue volontiers chacun de vous, qui avez voulu ces jours-ci rendre hommage à la mémoire d'un si grand Pontife, en soulignant en particulier ses mérites à l'égard des disciplines historiques.

2. Comme on le sait, l'influence de Léon XIII s'étendit de façon efficace aux divers milieux de l'action pastorale et de l'engagement culturel de l'Eglise. J'ai déjà eu l'occasion de m'arrêter à plusieurs reprises sur certains d'entre eux, par le passé. Je pense, par exemple, à l'attention que le Pape Pecci consacra aux problèmes apparaissant dans le domaine social dans la seconde moitié du XIX siècle, une attention qu'il exprima de façon particulière dans la Lettre encyclique Rerum novarum. J'ai consacré pour ma part l'Encyclique Centesimus annus au thème de la doctrine sociale de l'Eglise, avec de nombreuses références à ce Document fondamental (cf. CA 4-11).

Il faut, en outre, rappeler la profonde impulsion apportée par Léon XIII au renouveau des études philosophiques et théologiques, en particulier à travers la publication de la Lettre encyclique Aeterni Patris, par laquelle il contribua de façon significative également au développement du néo-thomisme. C'est précisément à cet aspect particulier de son Magistère que j'ai fait allusion dans l'Encyclique Fides et ratio (cf. FR FR 57-58).

Enfin, il ne faut pas oublier sa profonde dévotion mariale et sa sensibilité pastorale pour les formes traditionnelles de piété populaire à l'égard de la Sainte Vierge, en particulier pour le Rosaire. Je le soulignais dans la récente Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae, dans laquelle je rappelais son Encyclique Supremi apostolatus officio, ainsi que d'autres parmi ses nombreuses interventions sur cette prière, qu'il recommandait "comme instrument spirituel efficace face aux maux de la société" (RVM 2).

3. Sans perdre de vue ce vaste contexte théologique, culturel et pastoral dans lequel s'est développée l'action du Pape Léon XIII, le Congrès actuel m'offre l'heureuse opportunité de m'arrêter sur l'influence de ce grand Pontife dans le domaine des études historiques.

Comme Léon XIII, je suis moi aussi personnellement convaincu qu'il est bénéfique pour l'Eglise de mettre en lumière, autant que possible, à travers les instruments des sciences, la pleine vérité sur ses deux mille ans d'histoire.

Certes, il est demandé aux historiens non seulement d'appliquer scrupuleusement tous les instruments de la méthodologie historique, mais également de prêter une attention consciente à l'éthique scientifique qui doit toujours caractériser leurs recherches. Dans son célèbre document, Saepenumero considerantes, Léon XIII adressa aux historiens le célèbre avertissement de Cicéron: "Primam esse historiae legem ne quid falsi dicere audeat, deinde ne quid veri non audeat; ne qua suspicio gratiae sit in scribendo, ne qua simultatis" (Léon XIII Acta, III, 268).

Ces paroles d'une grande sagesse invitent l'historien à n'être ni accusateur, ni juge du passé, mais à se prodiguer avec patience pour comprendre chaque chose avec la plus grande profondeur et étendue, afin de tracer un cadre historique le plus fidèle possible à la vérité des faits.

4. Plusieurs fois, au cours de ces années, j'ai eu l'occasion de souligner la nécessité de la "purification de la mémoire" comme condition indispensable pour un ordre international de paix (cf. par exemple le Message pour la Journée mondiale de la Paix 1997, n. 3).

Lorsque l'on étudie les racines des conflits en cours dans diverses parties de la planète, on découvre que des événements remontant aux siècles passés continuent également de faire sentir dans le présent leurs sombres conséquences. Souvent, - et cela complique la situation - ces mémoires "salies" sont même devenues des points de cristallisation de l'identité nationale et, dans certains cas, même de l'identité religieuse. Voilà pourquoi il faut renoncer à toute instrumentalisation de la vérité. L'amour des historiens pour leur peuple, pour leur communauté également religieuse, ne doit pas s'opposer à la rigueur pour la vérité élaborée scientifiquement. C'est là que commence le processus de purification de la mémoire.

5. L'invitation à honorer la vérité historique n'implique évidemment pas que le chercheur renonce à son objectif ou abandonne son identité. On attend uniquement de lui la disponibilité à comprendre et à renoncer à exprimer un jugement hâtif, voire même faux.

En effet, dans l'étude de l'histoire, il est impossible d'appliquer mécaniquement au passé des critères et des valeurs acquis uniquement après un processus séculaire. Il est en revanche important de s'efforcer de remonter avant tout au cadre socio-culturel de l'époque pour comprendre ce qui a eu lieu à partir des motivations, des circonstances et des aspects de la période en question. Les événements historiques sont le résultat de liens complexes entre liberté humaine et conditionnements personnels et structurels. Il faut tenir compte de tout cela lorsque l'on veut "purifier la mémoire".

6. Mesdames et Messieurs! Il ressort clairement de ces réflexions qu'il est nécessaire en premier lieu de se réconcilier avec le passé avant de commencer un processus de réconciliation avec les autres personnes ou communautés. Cet effort de purifier sa mémoire comporte tant pour les personnes que pour les peuples la reconnaissance des erreurs effectivement commises et pour lesquelles il est juste de demander pardon. "Nous ne pouvons rester prisonniers du passé", ai-je averti dans le Message précédemment cité (n. 3). Cela exige parfois beaucoup de courage et d'abnégation. Mais il s'agit de l'unique voie à travers laquelle les groupes sociaux et les nations, libérés de la tourmente d'anciennes rancoeurs, puissent unir leurs forces avec une loyauté fraternelle et réciproque, pour créer un avenir meilleur pour tous.

Qu'il en soit toujours ainsi! Tel est le souhait que j'accompagne d'un souvenir particulier dans la prière. En renouvelant à chacun de vous mes profonds remerciements pour le service que vous rendez à l'Eglise, je forme à votre attention des voeux de tout bien dans le Seigneur et je vous bénis tous de tout coeur.

Du Vatican, le 28 octobre 2003

IOANNES PAULUS II


Novembre 2003

MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II AU CARDINAL WALTER KASPER À L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION DE L'UNITÉ DES CHRÉTIENS




Au vénéré Frère
le Cardinal Walter KASPER,
Président du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens

1. Je m'adresse volontiers à vous à travers ce Message, pour vous demander de bien vouloir transmettre mes salutations aux membres, aux consulteurs et au personnel du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, à l'occasion de son Assemblée plénière. Un grand nombre de participants à cet important événement sont associés pour la première fois à l'engagement confié au Conseil pontifical, dont ils commencent ainsi à partager de façon directe la "passion" pour l'unité de tous les disciples du Christ.

Que les disciples "soient un" a été la prière que Jésus a adressée au Père la veille de sa Passion (cf. Jn 17,20-23). Il s'agit d'une prière qui nous engage, en constituant un devoir incontournable pour l'Eglise, qui se sent appelée à consacrer toutes ses énergies pour en hâter l'accomplissement. En effet, "vouloir l'unité signifie vouloir l'Eglise; vouloir l'Eglise signifie vouloir la communion de grâce qui correspond au dessein du Père de toute éternité. Tel est le sens de la prière du Christ: ut unum sint" (Lettre enc. Ut unum sint UUS 9).

2. Je suis certain que les Cardinaux, les Archevêques et les Evêques, ainsi que les experts dans diverses disciplines, réunis en session plénière, sont pleinement conscients de l'urgence avec laquelle l'Eglise doit porter à terme le devoir du rétablissement de la pleine communion entre tous les chrétiens. Chacun a d'ailleurs devant les yeux l'engagement avec lequel mes prédécesseurs ont oeuvré et prié pour atteindre ce but. Moi-même, j'ai affirmé à plusieurs reprises que le mouvement visant à la recomposition de l'unité de tous les chrétiens constitue l'une des grandes sollicitudes pastorales de mon Pontificat. Aujourd'hui, vingt-cinq ans après mon élection au Siège de Pierre, je remercie le Seigneur car je peux constater que, sur le chemin oecuménique, en dépit des multiples vicissitudes, des pas importants ont été accomplis vers cet objectif.

3. Certes, le chemin oecuménique n'est pas un chemin facile. Au fur et à mesure que nous avançons, les obstacles sont plus facilement identifiés et leur difficulté plus clairement ressentie. Même l'objectif déclaré des divers dialogues théologiques, dans lesquels l'Eglise est engagée avec les autres Eglises et les communautés ecclésiales, semble dans certains cas devenir plus problématique. La perspective de la pleine communion visible peut parfois engendrer des phénomènes et des réactions douloureuses chez ceux qui veulent accélérer à tout prix le processus, ou chez ceux qui se découragent face au long chemin qui reste à parcourir. Toutefois, à l'école de l'oecuménisme, nous apprenons à vivre avec une humble confiance cette période intermédiaire, dans la conscience que celle-ci demeure toutefois une période de non-retour.

Nous voulons surmonter ensemble les oppositions et les difficultés, nous voulons reconnaître ensemble les défaillances et les retards à l'égard de l'unité, nous voulons rétablir le désir de la réconciliation là où il semble menacé par mille méfiances et soupçons. Tout cela peut être fait, au sein de l'Eglise catholique elle-même, et dans son action oecuménique, uniquement en partant de la conviction qu'il n'y a pas d'autre choix, car "le mouvement pour l'unité des chrétiens n'est pas qu'un "appendice" quelconque qui s'ajoute à l'activité traditionnelle de l'Eglise. Au contraire, il est partie intégrante de sa vie et de son action" (Lettre enc. Ut unum sint UUS 20).

4. Comme un phare qui guide à travers les ombres des divisions héritées de tant de siècles de péchés contre l'unité, demeure l'inébranlable espérance selon laquelle l'Esprit du Christ nous soutiendra dans cette traversée, en guérissant nos faiblesses et nos réticences et en nous enseignant à vivre en plénitude l'enseignement de l'amour: "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (Jn 13,35).

La force de l'amour nous pousse les uns vers les autres et nous aide à nous placer à nouveau à l'écoute, au dialogue, à la conversion et au renouveau (Unitatis redintegratio UR 1). C'est dans ce contexte précis que s'inscrit de façon tout fait opportune le thème principal de cette session plénière du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens: la spiritualité oecuménique.

5. Au cours des années, de nombreuses initiatives ont été mises en place pour encourager la prière des chrétiens. J'ai écrit dans l'Encyclique Ut unum sint: "Sur la route oecuménique de l'unité, la priorité revient certainement à la prière commune, à l'union orante de ceux qui se rassemblent autour du Christ lui-même. Si, malgré leurs divisions, les chrétiens savent toujours plus s'unir dans une prière commune autour du Christ lui-même" (UUS 22). Parmi ces initiatives, la "Semaine de Prière pour l'Unité des Chrétiens" mérite d'être particulièrement encouragée. J'ai moi-même plusieurs fois exhorté afin qu'elle devienne une pratique diffuse et suivie partout, en évitant de revêtir un caractère de routine, mais en étant toujours animée par le désir sincère d'un engagement toujours plus répandu en vue de la recomposition de l'unité de tous les baptisés. J'ai même encouragé de nombreuses façons les fidèles de l'Eglise catholique à ne pas négliger, dans leur conversation quotidienne avec Dieu, de faire leur, la prière pour l'unité des chrétiens. Je suis donc profondément reconnaissant à tous ceux qui ont répondu à ma préoccupation et qui ont fait de la prière pour l'unité des chrétiens une préoccupation constante de leur dialogue avec le Seigneur.

Quarante ans après la célébration du Concile Vatican II, alors qu'un grand nombre des pionniers de l'oecuménisme sont déjà entrés dans la Maison du Père, en considérant le chemin parcouru, nous pouvons reconnaître avoir accompli une grande étape et avoir pénétré au coeur même des divisions, là où celles-ci étaient le plus douloureuses. Cela a eu lieu surtout grâce à la prière. Nous devons donc une fois de plus prendre acte du "primat" qui doit être attribué à l'engagement de la prière. Seule une intense spiritualité oecuménique, vécue dans la docilité au Christ et dans la pleine disponibilité aux suggestions de l'Esprit, nous aidera à vivre avec l'élan nécessaire cette période intermédiaire au cours de laquelle nous devons nous confronter avec nos progrès et nos échecs, avec les lumières et les ombres de notre chemin de réconciliation.

5. Monsieur le Cardinal, je souhaite que l'Assemblée plénière de ce Conseil pontifical puisse faire apparaître de nouvelles intuitions pour étendre et enraciner plus profondément la spiritualité oecuménique dans l'âme de tous. Cela constituera l'antidote efficace contre tout découragement, doute ou hésitation. Le sacrifice le plus agréable à offrir à Dieu est la paix et la concorde fraternelle des chrétiens; c'est le spectacle d'un peuple réuni par l'unité du Père du Fils et du Saint Esprit (cf. Saint Cipriano, De Domina oratione, 23: PL 4, 536).

Je donne à tous ma Bénédiction!

Du Vatican, le 3 novembre 2003

IOANNES PAULUS II



AUX MEMBRES DU "POPE JOHN PAUL II CULTURAL CENTER" DES ETATS-UNIS

Jeudi 6 novembre 2003



Cher Cardinal Maida,
chers amis dans le Christ,

Je suis heureux de vous saluer, administrateurs délégués du "Pope John Paul II Cultural Center", et je vous souhaite une cordiale bienvenue.

C'est avec gratitude et en les encourageant que je suis vos efforts en vue de promouvoir les contacts, les relations réciproques et la compréhension entre les peuples et les diverses cultures. En effet, cet échange réciproque est précisément nécessaire, aujourd'hui, pour l'édification de la culture de la paix et de la civilisation de l'amour qui doit toujours être la lumière qui guide notre monde en ce nouveau millénaire.

Puisse votre travail dans ce contexte être couronné de succès! Merci de votre engagement, et que Dieu vous bénisse toujours!


AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D'IRLANDE, Mme MARY MCALEESE

Jeudi 6 novembre 2003  




Madame le Président,

Je suis heureux de vous accueillir au Vatican, à l'occasion de votre visite à Rome pour les célébrations de l'anniversaire du Collège pontifical irlandais. Je profite de cette occasion pour vous faire part de ma profonde affection pour le peuple irlandais, et je vous demande de bien vouloir lui transmettre les salutations chaleureuses du Pape et l'assurance de ses prières. L'Irlande, avec sa riche histoire chrétienne et son remarquable patrimoine de valeurs spirituelles et culturelles, a un rôle essentiel à jouer dans l'édification de la nouvelle Europe et l'affirmation de son identité la plus profonde. Je souhaite que le message de l'Evangile représente une inspiration et un encouragement constants pour tous ceux qui sont engagés dans le progrès de l'Irlande sur le chemin de la justice et de la solidarité, et surtout dans la grande oeuvre de la réconciliation nationale.

Avec ma Bénédiction apostolique.


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE PROMUE PAR LA FONDATION "ROBERT SCHUMAN" POUR LA COOPÉRATION DES DÉMOCRATES CHRÉTIENS D’EUROPE

Vendredi 7 novembre 2003




Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

1. Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion de ce Séminaire organisé par la Fondation Robert Schuman. Je vous souhaite à tous une cordiale bienvenue et j'exprime ma gratitude particulière à M. Jacques Santer, qui a traduit vos sentiments de respect et d'estime.

En tant que chrétiens engagés dans la vie publique, vous vous êtes réunis pour réfléchir aux perspectives qui s'ouvrent à l'heure actuelle pour l'Europe. La "nouvelle" Europe en train de se construire souhaite à juste titre devenir un "édifice" solide et harmonieux. Cela signifie qu'il faut trouver un juste équilibre entre le rôle de l'Union et celui des Etats-membres, ainsi qu'entre les défis inévitables que pose la mondialisation au continent et le respect de ses particularités historiques et culturelles, les identités nationales et religieuses de ses peuples, et les contributions spécifiques que peut apporter chacun des pays membres. Cela implique également de construire un "édifice" qui soit accueillant à l'égard des autres pays, à commencer par ses plus proches voisins, et une "maison" ouverte à des formes de coopération qui ne soient pas seulement économiques, mais aussi sociales et culturelles.

2. Pour qu'il en soit ainsi, il est nécessaire que l'Europe reconnaisse et préserve son patrimoine le plus précieux, constitué par ces valeurs qui lui ont garanti, et continuent de le faire, une influence providentielle dans l'histoire de la civilisation. Ces valeurs concernent avant tout la dignité de la personne humaine, le caractère sacré de la vie humaine, le rôle central de la famille fondée sur le mariage, la solidarité, le principe de subsidiarité, l'autorité de la loi et une solide démocratie.

Diverses racines culturelles ont servi à affermir ces valeurs, mais il est indéniable que le christianisme a été la force qui a permis de les promouvoir, de les concilier et de les consolider. C'est pourquoi il paraît logique que le futur Traité constitutionnel européen, qui vise à parvenir à "l'unité dans la diversité" (cf. Préambule, 5), devrait faire explicitement mention des racines chrétiennes du continent. Une société qui oublie son passé s'expose au risque de ne pas être capable d'affronter le présent et - pire encore - de devenir la victime de son avenir!

A cet égard, je suis heureux de constater que beaucoup d'entre vous proviennent de pays qui se préparent à entrer dans l'Union, des pays où le christianisme a souvent accompagné de manière décisive la marche vers la liberté. De ce point de vue, vous pouvez également facilement percevoir combien il serait injuste que l'Europe d'aujourd'hui occulte la contribution décisive apportée par les chrétiens à la chute des régimes d'oppressions de toute nature et à l'édification de la démocratie authentique.

3. Dans ma récente Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, je ne pouvais manquer de souligner, avec douleur, combien ce continent semble tragiquement souffrir d'une profonde crise de valeurs (cf. n. 108), qui a récemment conduit à une crise d'identité.

Je souligne ici avec plaisir tout ce qui, de ce point de vue, peut être fait à travers une participation responsable et généreuse à la vie "politique" et par conséquent à travers les différentes activités économiques, sociales et culturelles, qui peuvent être accomplies pour la promotion du bien commun d'un point de vue organique et à l'échelle institutionnelle. Vous connaissez les paroles de mon vénéré Prédécesseur Paul VI sur ce sujet: "La politique est une manière exigeante [...] de vivre l'engagement chrétien au service des autres" (Octogesima adveniens, n. 46).

Les critiques qui sont souvent faites à l'activité politique ne justifient pas une attitude de scepticisme désengagé de la part des catholiques, qui ont au contraire le devoir d'assumer leurs responsabilités au service du bien-être de la société. Il n'est pas suffisant de demander la construction d'une société juste et fraternelle. Il faut également oeuvrer de manière engagée et compétente au service de la promotion des valeurs humaines éternelles dans la vie publique, conformément aux justes méthodes propres à l'activité politique.

4. Le chrétien doit également s'assurer que le "sel" de son engagement chrétien ne perde pas de sa "saveur" et que la "lumière" de ses idéaux évangéliques ne soit pas occultée par le pragmatisme, ou pire, l'utilitarisme. C'est pourquoi, il a besoin d'approfondir sa connaissance de la doctrine sociale chrétienne, en cherchant à assimiler ses principes et à l'appliquer avec sagesse là où cela est nécessaire.

Cela suppose une formation spirituelle sérieuse, alimentée par la prière. Une personne qui serait superficielle, spirituellement peu sensible, voire indifférente, ou excessivement préoccupée par le succès et la popularité, ne pourra jamais exercer de manière adéquate sa responsabilité politique.

Votre Fondation peut trouver chez celui qui lui a donné son nom, Robert Schuman, un modèle important auquel s'inspirer. Sa vie politique fut entièrement consacrée au service des valeurs fondamentales de la liberté et de la solidarité, pleinement comprises à la lumière de l'Evangile.

5. Chers amis, en ces jours au cours desquels vous réfléchissez sur l'Europe, il est naturel de rappeler que parmi les principaux promoteurs de la réunification de ce continent, on trouve des hommes inspirés par une profonde foi chrétienne comme Adenauer, De Gasperi et Schuman. Comment pouvons-nous, par exemple, sous-évaluer le fait qu'en 1951, avant d'entreprendre les négociations délicates qui devaient conduire à l'adoption du Traité de Paris, ils aient souhaité se rencontrer dans un monastère bénédictin sur le Rhin pour méditer et prier?

Vous avez vous aussi la responsabilité non seulement de sauvegarder et de défendre, mais également de développer et de renforcer l'héritage spirituel et politique légué par ces grandes figures. Tout en formant ce voeu, je vous donne cordialement, ainsi qu'à vos familles, ma Bénédiction apostolique.




  MESSAGE À L'OCCASION DE LA VIII SÉANCE PUBLIQUE DES ACADÉMIES PONTIFICALES  




A mon Vénéré Frère
Paul Card. POUPARD
Président du Conseil
de Coordination
entre les Académies pontificales

1. C'est avec une grande joie que j'adresse ce Message aux participants à la huitième Séance publique des Académies pontificales. Il s'agit d'une rencontre qui entend promouvoir l'oeuvre de ces importantes Institutions culturelles et accorder, dans le même temps, une distinction à ceux qui se prodiguent pour promouvoir un humanisme chrétien renouvelé.

Je vous salue cordialement, Vénéré Frère, et je vous remercie de la sollicitude avec laquelle vous suivez cette initiative. Je salue ensuite les Présidents de chaque Académie et leurs collaborateurs, ainsi que les membres de la Curie romaine présents. J'étends mon salut aux Autorités, à Messieurs les Ambassadeurs et à ceux qui ont voulu honorer de leur présence cette manifestation.

2. Le thème choisi pour la séance publique de ce jour - Les Martyrs et leurs mémoires monumentales, pierres vivantes dans la construction de l'Europe - entend offrir une clef de lecture particulière du tournant historique que nous vivons actuellement en Europe. Il s'agit de découvrir le lien profond entre l'histoire d'hier et celle d'aujourd'hui, entre le témoignage évangélique offert courageusement au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne par de nombreux hommes et femmes et le témoignage que, également à notre époque, de multiples croyants dans le Christ continuent à offrir au monde pour réaffirmer le primat de l'Evangile du Christ et de la charité.

Si l'on perdait la mémoire des chrétiens qui ont sacrifié leur vie pour affirmer leur foi, le temps présent, avec ses projets et ses idéaux, perdrait un précieux élément, car les grandes valeurs humaines et religieuses ne seraient plus soutenues par un témoignage concret, inséré dans l'histoire.

3. "Approchez-vous de lui, la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l'édification d'un édifice spirituel" (1P 2,4).

Ces paroles de l'Apôtre Pierre ont animé et soutenu des milliers d'hommes et de femmes qui ont affronté les persécutions et le martyre au cours des deux mille ans du christianisme. Aujourd'hui en Europe - mais il n'en est pas ainsi dans d'autres régions du monde - la persécution n'est heureusement plus un problème. Les chrétiens doivent toutefois souvent affronter des formes d'hostilité plus ou moins évidentes et cela les engage à un témoignage clair et courageux. Avec tous les hommes de bonne volonté, ils sont appelés à construire une véritable "maison commune", qui ne soit pas seulement un édifice politique et économique et financier, mais une "maison" riche de mémoires, de valeurs, de contenus spirituels. Ces valeurs ont trouvé et trouvent dans la Croix un symbole éloquent qui les résume et les exprime.

Dans l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, j'ai souligné que le Continent européen est en train de vivre une "époque d'égarement" et que les Eglises européennes sont elles aussi tentées par un "obscurcissement de l'espérance" (n. 7). Parmi les signes préoccupants, j'ai mis en évidence l'égarement progressif de l'héritage chrétien, qui en conséquence entraîne la culture européenne à glisser dans une sorte d'"apostasie silencieuse", dans laquelle l'homme vit comme si Dieu n'existait pas.

4. Les disciples du Christ sont appelés à contempler et à imiter les nombreux témoins de la foi chrétienne, qui ont vécu au siècle dernier, à l'Est comme à l'Ouest, et qui ont persévéré dans leur adhésion à l'Evangile malgré des situations d'hostilité et de persécution, souvent jusqu'à l'épreuve suprême du sang. Ces témoins sont un signe convaincant d'espérance, qui est indiqué en particulier aux Eglises d'Europe. En effet, ils attestent de la vitalité et de la fécondité de l'Evangile, également dans le monde d'aujourd'hui. Ils sont véritablement un phare lumineux pour l'Eglise et pour l'humanité, car ils ont fait resplendir dans les ténèbres la lumière du Christ.

Ils se sont efforcés de servir fidèlement le Christ et son "Evangile de l'espérance" et, par leur martyre, ils ont exprimé à un niveau héroïque leur foi et leur amour, en se plaçant généralement au service de leurs frères. En agissant ainsi, ils ont démontré que l'obéissance à la loi évangélique engendre une vie morale et une coexistence sociale qui honorent et promeuvent la dignité et la liberté de chaque personne.

C'est donc à nous qu'il revient de recueillir ce précieux et singulier héritage, ce patrimoine unique et exceptionnel, comme l'ont déjà fait les premières générations de chrétiens, qui ont construit sur les tombes des martyrs des lieux de mémoire monumentaux, des basiliques et des lieux de pèlerinage, afin de rappeler à tous leur sacrifice suprême.

5. Cette Séance publique solennelle désire donc être, tout d'abord, une mémoire et un accueil intérieur du témoignage des martyrs. Les chrétiens d'aujourd'hui ne doivent pas oublier les racines de leur expérience de foi et de leur engagement civil lui-même.

Je suis donc heureux de vous charger, Monsieur le Cardinal, de remettre le Prix des Académies pontificales pour l'année 2003, à Mme Giuseppina Cipriano, pour son étude intitulée Les Mausolées de l'Exode et de la Paix dans la nécropole de El-Bagawat. Réflexions sur les origines du christianisme en Egypte. Je vous prie également de remettre la Médaille du Pontificat à Mme Sara Tamarri, pour l'oeuvre intitulée L'iconographie du lion, de l'antiquité tardive au moyen-âge.

Veuillez dans le même temps, Vénéré Frère, exprimer aux lauréats ma satisfaction pour leurs travaux respectifs, qui soulignent la valeur du patrimoine archéologique, liturgique et historique, auquel la culture chrétienne doit tant et à laquelle elle peut encore aujourd'hui puiser des éléments d'authentique humanisme.

En vous assurant tous de mon souvenir particulier dans la prière, je vous donne, Monsieur le Cardinal, ainsi qu'à chacune des personnes présentes, ma Bénédiction.

Du Vatican, le 3 novembre 2003

IOANNES PAULUS II

   

AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE DE LA CROATIE

Samedi 8 novembre 2003


Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de saluer cordialement chacun de vous, qui êtes venus à Rome pour manifester une nouvelle fois votre profonde dévotion au Siège de Pierre et, dans le même temps, pour répondre à la Visite pastorale que j'ai eu la joie d'accomplir dans votre pays au mois de juin dernier. Je souhaite à tous une affectueuse bienvenue.

Je salue tout d'abord le Cardinal Josip Bozanic, et je le remercie des paroles courtoises qu'il m'a adressées au nom de toutes les personnes présentes, ainsi qu'au titre de Président de la Conférence épiscopale de Croatie. Avec lui, j'adresse également un salut fraternel aux Evêques, qui n'ont pas voulu manquer ce rendez-vous. Ma pensée respectueuse va ensuite aux représentants des Autorités civiles et militaires du pays, que je remercie de leur engagement généreux à la pleine réussite de mes visites pastorales.

Je souhaite renouveler l'expression de ma plus vive gratitude pour l'accueil si chaleureux qui m'a toujours été réservé toutes les fois où j'ai posé le pied sur le sol de votre bien-aimée patrie. Je conserve dans mon esprit et dans mon coeur les images d'un peuple animé par une foi vivante et pleine d'enthousiasme, d'un peuple accueillant et généreux.

2. Je me souviens de la première grande rencontre avec des Croates, qui a eu lieu dans la Basilique toute proche, auprès du Tombeau du Prince des Apôtres, le 30 avril 1979. Depuis lors, j'ai eu plusieurs fois la possibilité de rencontrer vos concitoyens, que ce soit ici à Rome, ou lors des visites pastorales dans votre patrie.

La Providence a voulu que mon 100 voyage apostolique hors d'Italie ait justement pour destination la Croatie, avec des étapes dans l'antique et splendide Dubrovnik, pour béatifier Soeur Marie de Jésus Crucifié Petkovic, puis à Osijek et Djakovo, à Rijeka et à Zadar. De cette manière, en pèlerin de l'Evangile sur les chemins du monde, appelé à servir l'Eglise sur la Chaire de Pierre, j'ai pu vous confirmer dans la foi, dont vous avez rendu un beau témoignage dans l'adversité et les nombreuses souffrances. J'ai ainsi voulu soutenir votre espérance, souvent mise à dure épreuve, et animer votre charité en vous incitant à persévérer dans votre attachement à l'Eglise dans le nouveau climat de liberté et de démocratie retrouvé il y a environ treize ans.

3. Votre terre bien-aimée possède la force et les capacités nécessaires pour affronter de manière adéquate les défis de l'époque actuelle. J'espère qu'elle saura toujours s'en prévaloir pour construire une société solidaire et prête à soutenir de façon concrète les couches les plus faibles de la population. Une société fondée sur des valeurs religieuses et humaines qui, tout au long des siècles, ont inspiré les générations qui vous ont précédés. Une société qui respecte le caractère sacré de la vie et le grand projet de Dieu pour la famille. Une société qui sache unir ses forces saines, en promouvant l'esprit de communion et de coresponsabilité.

L'engagement au service de l'homme et de son bien véritable tire également sa force de l'Evangile et, par conséquent, fait partie de la mission de l'Eglise (cf. Mt 25,34-46 Lc 4,18-19). Rien de ce qui est authentiquement humain ne peut demeurer étranger aux disciples du Christ.

4. Je prie Dieu de vouloir accorder à la noble nation croate la paix, la concorde et la persévérance dans l'engagement au service du bien commun. Je confie votre peuple à l'intercession de la Sainte Vierge, Madone du Grand Voeu de Baptême de la Croatie, et de saint Joseph, Patron céleste de votre pays.

A vous tous ici présents, à vos communautés diocésaines et paroissiales, ainsi qu'à vos familles, je donne de tout coeur la Bénédiction apostolique.

Loués soient Jésus et Marie!

Discours 2003 - Vendredi 31 octobre 2003