Discours 2003 - Lundi 17 novembre 2003


MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX MEMBRES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE ITALIENNE RÉUNIS À ASSISE





Très chers Evêques italiens!

1. "A vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ" (1Co 1,3).

Je salue avec une profonde affection chacun de vous, réuni à Assise près de la Basilique Saint-Marie-des-Anges, pour votre 52 Assemblée générale. Je vous accompagne par la prière et je vous souhaite de passer ensemble des jours d'intense communion et de travail fécond. Je salue en particulier le Cardinal-Président Camillo Ruini, les trois Vice-Présidents et le Secrétaire général, ainsi que tous ceux qui collaborent avec un engagement généreux aux activités de votre Conférence.

2. Votre sollicitude de Pasteurs se concentrera, à cette occasion, sur un thème d'une importance fondamentale dans la vie et la mission de l'Eglise, celui de la paroisse. Dans le programme de votre Assemblée, et de façon très opportune, cette dernière est présentée comme l'"Eglise qui vit au milieu des maisons des hommes", faisant écho aux paroles à travers lesquelles je décrivais la nature de la paroisse dans l'Exhortation apostolique Christifideles laici (n. 26).

Je tiens à souligner que je partage avec vous la conviction du rôle central et irremplaçable qui revient à la paroisse pour permettre, et dans un certain sens rendre plus facile et spontanée, la participation de chaque personne et de chaque famille à la vie de l'Eglise. En effet, comme l'affirmait le Concile Vatican II, dans la Constitution sur la sainte Liturgie, les paroisses "d'une certaine manière représentent l'Eglise visible établie dans l'univers" (SC 42).

La présence nombreuse de paroisses sur tout le territoire italien, leur vitalité et leur capacité à accomplir un service pastoral mais aussi social, attentif aux besoins de la population, représentent une richesse extraordinaire pour l'Eglise qui est en Italie. Au cours de votre Assemblée, vous tenterez de déterminer les moyens les plus adaptés de préserver et de faire croître cette richesse parmi les grands changements sociaux et culturels de notre époque et en faisant face aux multiples défis qui tendent également à éloigner de la foi et de l'Eglise un peuple comme le peuple italien, dont l'enracinement chrétien est si solide et profond.

Pour atteindre ces résultats, il sera particulièrement important que les paroisses italiennes conservent ce style "familial" qui les distingue et qui fait d'elles, en un certain sens, de grandes "familles de familles": ainsi, les paroisses représenteront un milieu de vie chaleureux et accueillant, et pourront offrir une contribution importante à la défense et à la promotion de la réalité précieuse et irremplaçable, mais malheureusement constamment menacée aujourd'hui, qu'est la famille.

3. Votre Assemblée constitue également l'occasion propice pour moi d'adresser un salut affectueux, reconnaissant et encourageant, aux nombreux prêtres italiens engagés dans le ministère paroissial, en commençant par les curés.

Je connais bien leurs efforts quotidiens, les problèmes qu'ils rencontrent souvent, les déceptions qui ne manquent pas, et je veux les assurer de ma proximité cordiale. Mais je connais également le zèle et la confiance qui les animent, l'esprit de foi et leur sens ecclésial, auquel ils puisent des énergies toujours renouvelées.

Que ces prêtres sachent que le Pape les porte dans son coeur et qu'il compte sur eux pour maintenir la foi chez le Peuple de Dieu et pour faire croître chez les Pasteurs et leurs fidèles l'élan apostolique et missionnaire, afin que les communautés paroissiales soient des cellules vivantes de rayonnement du christianisme.

4. Très chers frères dans l'épiscopat, je désire vous exprimer ma plus profonde reconnaissance pour la sollicitude pastorale constante avec laquelle vous suivez et accompagnez la vie sociale de l'Italie.

A un an de distance de ma visite au Parlement italien, cette nation bien-aimée, qui a tant contribué et contribue encore à la construction de l'Europe et à la diffusion des valeurs authentiques de la civilisation, continue d'être tourmentée par divers problèmes et obstacles, tandis que la mauvaise herbe du terrorisme politique n'est pas encore totalement extirpée.

Je suis donc à vos côtés dans l'oeuvre que chacun de vous accomplit pour favoriser la sérénité et la concorde, dans les rapports entre les diverses forces et composantes politiques, sociales et institutionnelles. En outre, je partage de tout coeur votre engagement permanent en vue de la protection de la vie humaine, de la famille fondée sur le mariage, de la liberté scolaire concrète et également votre sollicitude pour le développement de l'emploi et le soutien des couches les plus pauvres de la population.

5. Très chers Evêques italiens, vous êtes réunis à Assise pour le 750 anniversaire de la mort de sainte Claire. Ce lieu, auquel me rattachent d'inoubliables souvenirs, est un symbole de paix pour le monde entier. Je m'unis spirituellement à vous pour invoquer le don de la paix sur l'humanité tourmentée par tant de conflits sanglants. Avec vous, je confie au Seigneur les Italiens qui sont tombés en Irak, en accomplissant leur devoir au service de ces populations.

Prions enfin pour l'Italie et pour toutes les Eglises confiées à votre sollicitude pastorale, afin que la foi et la charité du Christ soient une lumière et une nourriture pour toute la Nation.

Avec des sentiments de profonde affection, je vous donne, ainsi qu'à vos diocèses et à chaque paroisse italienne, une Bénédiction apostolique particulière.

Du Vatican, le 14 novembre 2003

IOANNES PAULUS II



AUX MEMBRES DU V CONGRÈS MONDIAL DE LA PASTORALE POUR LES MIGRANTS ET LES RÉFUGIÉS

Jeudi 20 novembre 2003




Éminences,
chers frères dans l'épiscopat,
bien-aimés frères et soeurs dans le Christ,

1. La paix soit avec vous! C'est avec joie que je vous accueille ici aujourd'hui. J'adresse une salutation particulière au Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, le Cardinal Stephen Fumio Hamao, et je le remercie des paroles cordiales qu'il m'a adressées en votre nom. Je suis heureux de saluer les autres Cardinaux et les Évêques présents parmi vous, et de souhaiter une bienvenue particulière à nos frères et soeurs venus d'autres communautés chrétiennes. A l'occasion de votre V Congrès mondial, j'assure également de ma proximité spirituelle les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées et les étudiants étrangers partout dans le monde, auxquels vous vous efforcez d'apporter une assistance.

L'oeuvre de promouvoir le bien-être de nombreux hommes et femmes qui, pour diverses raisons, ne vivent pas dans leur pays natal, représente un vaste domaine pour la nouvelle évangélisation à laquelle toute l'Église est appelée. Une condition importante de cette tâche consiste à reconnaître la mobilité - volontaire et involontaire - de nombreuses familles aujourd'hui.

2. L'Église continue de chercher à répondre aux signes des temps; il s'agit d'un défi qui appelle à un engagement pastoral toujours renouvelé. Inspiré par la Constitution apostolique du Pape Pie XII, Exsul familia, et en réponse à l'enseignement du Concile Vatican II, le Conseil pontifical prépare actuellement une Instruction qui répondra aux nouveaux besoins spirituels et pastoraux des migrants et des réfugiés, et présentera le phénomène de la migration comme un moyen de promouvoir le dialogue, la paix et la proclamation de l'Evangile.

Une attention particulière doit être apportée aujourd'hui à l'aspect oecuménique de la migration, avec une référence aux chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique, et également à la dimension interreligieuse, notamment à l'égard des fidèles de l'islam. Je suis certain que l'Instruction répondra à ces exigences et formulera le besoin de promouvoir un programme pastoral ouvert à de nouveaux développements mais, dans le même temps, toujours attentif au devoir des agents de la pastorale de collaborer pleinement avec la hiérarchie locale.

3. C'est dans ce contexte qu'a été choisi le thème de votre Congrès: "Repartir du Christ: pour une pastorale des migrants et des réfugiés renouvelée". En prenant comme point de départ ma Lettre apostolique Novo millennio ineunte, vous vous proposez d'analyser les défis d'aujourd'hui à la lumière de la Parole de Dieu et de l'enseignement de l'Église, en soulignant l'aspect de la charité et en consacrant une attention particulière au mystère de l'Eucharistie, en particulier sa célébration le dimanche. Je vous encourage dans cette tâche et je vous rappelle que ce n'est pas une formule que nous recherchons, mais une Personne, et la certitude qu'il nous donne: "Je suis avec vous pour toujours" (Mt 28,20).

Dans ce but, je réaffirme une fois de plus que le renouveau pastoral, quel que soit son objectif particulier, ne consiste pas à "inventer un "nouveau programme". Le programme existe déjà: c'est celui de toujours, tiré de l'Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer et imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement" (Novo millennio ineunte NM 29). Telle est notre proclamation commune du Christ, qui doit "atteindre les personnes, modeler les communautés, agir en profondeur par le témoignage des valeurs évangéliques dans la société et la culture" (ibid. NM NM 29).

4. C'est précisément dans la société et la culture que nous devons montrer le respect de la dignité de l'homme, du migrant et du réfugié. A cet égard, j'exhorte une fois de plus les États à adhérer à la Convention internationale pour la Protection des Droits des Travailleurs immigrés et de leurs familles, qui est entrée en vigueur le 1 juillet 2003. De même, j'appelle les États à respecter les Traités internationaux concernant les réfugiés. Une telle protection de la personne humaine doit être garantie dans chaque société civile et respectée par tous les chrétiens.

5. Avec gratitude pour le travail du Conseil pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, et pour le soutien de tous ceux qui y collaborent, je partage avec joie ces réflexions avec vous, et je vous encourage dans vos débats qui auront lieu au cours des cinq prochains jours. A vous et à tous ceux qui sont confiés à votre soin particulier, je donne la Bénédiction apostolique en signe de force et de paix dans notre Seigneur Jésus Christ.


AUX PARTICIPANTS À LA XXV ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL "COR UNUM"

Vendredi 21 novembre 2003


Vénérés Frères dans l'épiscopat,
chers frères et soeurs!

1. C'est avec un grand plaisir que je vous reçois aujourd'hui, membres du Conseil pontifical "Cor Unum", venus à Rome pour l'Assemblée plénière de votre dicastère. Je vous salue de tout coeur. Je salue en particulier Mgr Paul Josef Cordes, auquel je désire adresser une parole de remerciement cordial pour l'hommage qu'il vient de m'adresser.

La charité envers Dieu et nos frères est la manifestation directe de la fidélité de l'Eglise à son Seigneur, qui "s'est livré pour nous" (Ep 5,2). Du coeur transpercé de Jésus crucifié est née l'Eglise, qui, par conséquent, se sent engagée à communiquer au monde l'amour qu'elle a reçu de Lui. Elle le communique également aux hommes de notre temps, en particulier à ceux qui se trouvent dans des situations de besoin en tout genre. Chers membres du Conseil pontifical "Cor Unum", tel est le devoir que le Pape vous confie, afin que vous soyez un soutien pour de nombreux frères et soeurs en difficulté, en leur faisant ressentir la tendresse divine et la proximité bienveillante du Successeur de Pierre.

2. L'Eglise est au service de l'homme dans ses diverses nécessités spirituelles et matérielles concrètes. Étant donné que "l'homme est la voie de l'Eglise", comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Redemptor hominis précisément au début de mon Pontificat (cf. RH 14), l'attention qu'il faut lui porter nous pousse à regarder en profondeur le désir de plénitude de vie qui est inscrit dans son coeur.

Cette exigence est précisément mise en évidence par le thème - "La dimension de la religion dans notre activité caritative", que vous avez choisi pour votre rencontre. En effet, celui-ci met en lumière le fait que, tout en apportant une aide à ceux qui ont faim, qui sont malades, qui souffrent, il ne faut pas négliger cette profonde aspiration qui vibre dans toute créature humaine, à rencontrer et connaître Dieu. En effet, nous sommes tous à la recherche de réponses définitives aux grandes interrogations de l'existence. Nous, chrétiens, savons que ce n'est que dans Jésus que se trouve la réponse véritable et complète à tant de préoccupations de l'âme humaine.

Voilà pourquoi l'Eglise ne se limite pas à satisfaire uniquement les attentes matérielles de ceux qui sont en difficulté; son action caritative ne se limite pas à réaliser des structures et des oeuvres philanthropiques, aussi louables soient-elles. Elle s'efforce également de répondre aux questions existentielles, même si elles ne sont pas clairement exprimées. Et, avec simplicité et prudence, elle n'hésite pas à témoigner du Christ, qui révèle le visage de Dieu le Père, tendre et miséricordieux.

3. Très chers membres du Conseil pontifical "Cor Unum", je vous suis sincèrement reconnaissant pour le travail que vous accomplissez chaque jour et pour l'aide que vous apportez au Saint-Siège. Les réflexions de ces jours-ci vous poussent à mettre en évidence la signification et la valeur évangélique de la diaconie de la charité, que l'Eglise exerce à travers ses Institutions bénéfiques, et dont elle témoigne à travers le dévouement de tant de personnes.

Les exemples lumineux de ce service à l'amour pour Dieu et pour le prochain ne manquent pas. Je désire rappeler à tous Teresa de Calcutta, que j'ai pu accompagner personnellement pendant de nombreuses années, et que j'ai eu récemment la joie d'inscrire dans l'album des bienheureux. Que du Ciel, elle intercède pour vous et rende votre travail fructueux. Que la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Miséricorde et Consolatrice des Affligés, veille toujours sur vous.

Avec ces sentiments, je donne de tout coeur une Bénédiction apostolique propitiatoire à chacun de vous, ainsi qu'aux activités que le Conseil pontifical "Cor Unum" accomplit avec un engagement généreux.



AUX ÉVÊQUES DE BELGIQUE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 22 novembre 2003


Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Je suis heureux de vous accueillir tous, à l’occasion de votre visite ad limina sur les tombes des Apôtres Pierre et Paul. Je salue spécialement les plus jeunes d’entre vous, qui participent pour la première fois à cette rencontre, et je remercie Monsieur le Cardinal Godfried Danneels, Président de votre Conférence épiscopale, pour les paroles aimables qu’il vient de m’adresser. Je souhaite que cette visite, qui est un temps fort de contacts et d’échanges avec les dicastères du Saint-Siège, pour un meilleur service de l’évangélisation, mais aussi un moment privilégié de célébration de l’affectus collegialis qui nous unit, soit pour chacun d’entre vous une étape significative et un encouragement dans votre difficile mais exaltante mission de pasteurs du Peuple de Dieu.

2. Les informations qui me parviennent concernant la situation de votre Église sont pour moi particulièrement préoccupantes. En effet, on ne peut cacher une réelle et sérieuse inquiétude devant la baisse régulière et importante de la pratique religieuse dans votre pays, qui affecte les célébrations dominicales mais aussi de nombreux sacrements, en particulier le Baptême, la Réconciliation et surtout le mariage. De même, la diminution importante du nombre des prêtres et la crise persistante des vocations sont un sujet de graves préoccupations pour vous. Vous notez toutefois la qualité de la collaboration pastorale que vous vivez avec les prêtres, dans vos conseils presbytéraux, ainsi qu’avec les représentants du peuple de Dieu, dans les conseils pastoraux diocésains. La participation toujours plus active des fidèles laïcs à la mission de l’Église, notamment dans les paroisses, constitue également un motif de satisfaction. Cette participation doit se développer selon l’esprit de coresponsabilité voulu par le Concile Vatican II et selon les indications pastorales contenues dans l’Instruction interdicastérielle sur quelques questions concernant la collaboration des Fidèles laïcs au ministère des prêtres, qui rappelle la différence essentielle entre le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel et le caractère irremplaçable du ministère ordonné. De ce fait, pour éviter les éventuelles confusions, il est nécessaire que soient clairement exprimés les principes doctrinaux en cette matière. Cela aidera les fidèles à saisir plus nettement le sens du ministère sacerdotal, pour le service du peuple de Dieu. Il est clair que des jeunes ne seront pas à même de s’engager dans le ministère s’ils ne perçoivent pas la place qui leur est donnée dans la communauté chrétienne et si les fidèles mettent en cause la valeur de leur engagement. Il vous appartient donc en ce domaine d’éduquer l’ensemble de vos diocésains sur le sens et la valeur du ministère ordonné.

3. Le changement rapide que vous constatez correspond certes à une évolution sensible de la société, marquée par une sécularisation de grande ampleur, qui pourrait faire penser parfois que la société belge se plaît à tourner le dos aux racines chrétiennes qui pourtant la font vivre en profondeur. Ainsi votre pays s’est doté récemment d’une législation nouvelle et inquiétante dans des domaines qui touchent des dimensions fondamentales de la vie humaine et sociale, comme la naissance, le mariage et la famille, la maladie et la mort. Vous n’avez pas manqué d’intervenir sur ces questions. Il est important que les pasteurs fassent toujours entendre leur voix pour réaffirmer la vision chrétienne de l’existence et, dans cette circonstance, pour marquer leur désapprobation, car ces changements au niveau de la loi ne sont pas seulement le signe d’adaptations ou d’évolutions devant des mentalités ou des comportements nouveaux, mais ils affectent profondément la dimension éthique de la vie humaine et ils remettent en cause le rapport à la loi naturelle, la conception des droits humains et, plus profondément encore, la conception de l’homme et de sa nature.

4. C’est donc sur un terrain pastoral nouveau, changeant et difficile, que vous vivez votre mission de pasteurs de l’Église du Christ. Comme je l’ai écrit tout dernièrement aux évêques du monde entier, «si le devoir d’annoncer l’Évangile est le propre de toute l’Église et de chacun de ses fils, il l’est à un titre spécial des Évêques, qui, le jour de leur ordination qui les inscrit dans la succession apostolique, assument comme engagement principal celui de prêcher l’Évangile, ‘appelant les hommes à la foi dans la force de l’Esprit ou les confirmant dans la foi vivante’» (Pastores gregis ). Notre responsabilité d’évêques est donc de faire entendre avec force et clarté l’annonce du salut de Dieu offert à tout homme dans le mystère de l’amour rédempteur du Christ, salut accompli une fois pour toutes sur le bois de la Croix, ainsi que d’inviter les fidèles à mener une vie conforme à la foi qu’ils professent. Dans une société qui perd ses repères traditionnels et qui favorise volontiers un relativisme généralisé au nom du pluralisme, notre premier devoir est de faire connaître le Christ, son Évangile de paix et la lumière nouvelle qu’il apporte sur la destinée de l’homme. En agissant ainsi, l’Église «n’est poussée par aucune ambition terrestre : elle ne vise qu’un seul but, qui est de continuer, sous la conduite de l’Esprit Paraclet, l’oeuvre du Christ lui-même, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi» (Gaudium et spes GS 3). Je vous invite donc à poursuivre activement le dialogue avec la société civile et avec l’ensemble du peuple de Belgique, en ayant le souci de faire connaître explicitement les valeurs de la foi chrétienne et sa riche expérience de l’homme à travers l’histoire et les cultures, non pas pour imposer son propre modèle, mais par respect pour la vérité dont vous êtes les ministres au nom du Christ et par respect pour le dialogue lui-même, qui exige que soit prise en compte l’identité propre et légitime de chacun. C’est à ces conditions que l’Église trouvera sa juste place dans la société belge, en annonçant l’Évangile avec clarté et en travaillant à son inculturation progressive dans la culture d’aujourd’hui.

5. Pour permettre aux fidèles de bien se situer dans cette perspective réellement missionnaire, je vous encourage à développer toujours davantage la formation théologique, spirituelle et morale du plus grand nombre : ainsi les fidèles laïcs seront mieux soutenus dans leur propre vie chrétienne et ils seront davantage prêts à rendre compte de l’espérance qui est en eux (cf. 1P 1P 3,15), grâce à une meilleure connaissance de la Parole de Dieu et du mystère de la foi, servie par un exposé organique et cohérent de son contenu, notamment à partir du Catéchisme de l’Église catholique. Veillez aussi à soutenir les Universités et les Instituts qui offrent des formations de plus haut niveau, davantage spécialisées mais indispensables, pour qu’ils s’efforcent toujours plus de témoigner, de manière cohérente, de la vigueur de la pensée chrétienne, rendant en cela un service important, notamment pour la formation sacerdotale ! Soyez vigilants, afin d’entretenir les rapports institutionnels, mais aussi d’estime et de confiance qui vous lient à ces établissements ainsi qu’aux personnes qui y travaillent, notamment les théologiens, de manière à ce que l’unité catholique soit toujours manifeste, dans le respect nécessaire des compétences et des responsabilités de chacun (cf. Pastores gregis ) ! L’Université catholique, en effet, «doit exercer sa mission avec le souci de maintenir son identité chrétienne(...). Tout en ayant son autonomie scientifique, elle a la charge de vivre l’enseignement du Magistère dans les différents domaines de la recherche dans lesquels elle est impliquée» (Discours au Congrès organisé par la Congrégation pour l’Éducation catholique et la Fédération internationale des Universités catholiques, n. 6). Il revient aux Autorités universitaires et aux pasteurs que vous êtes d’y veiller.

Je vous invite encore, en union avec les curés des paroisses et les services de catéchèse et de formation permanente, à diffuser la Bible dans les familles, afin que «l’écoute de la Parole devienne une rencontre vitale, selon l’antique et toujours actuelle tradition de la lectio divina permettant de puiser dans le texte biblique la parole vivante qui interpelle, qui oriente, qui façonne l’existence» (Novo millennio ineunte NM 39). D’une manière toute spéciale, je souhaite que les fidèles approfondissent toujours plus l’importance de l’Eucharistie dans leur vie personnelle et communautaire. Qu’ils sachent aussi donner du temps à la prière dans leur vie de chaque jour, pour puiser à la vraie source, selon un principe essentiel de la conception chrétienne de la vie: le primat de la grâce (cf. idem, NM NM 38) !

6. Un effort particulier s’impose pour rendre toujours plus solide la formation humaine, morale, théologique et spirituelle des futurs prêtres, qui auront la responsabilité de conduire les communautés chrétiennes de demain et de veiller à la qualité de leur témoignage dans la société où elles vivront, ainsi que de manifester l’unité du presbyterium autour de l’Évêque. L’exigence en cette matière ne saurait se satisfaire d’une formation reçue seulement de l’extérieur; devenir un pasteur selon le coeur du Christ demande une véritable conversion de l’être; cela s’acquiert à travers toutes les dimensions de la formation sacerdotale, dans le creuset de la vie commune comme aussi dans l’approfondissement de la vie spirituelle. On souhaite en particulier que les jeunes, et plus largement l’ensemble du peuple chrétien, puissent connaître sans équivoque les exigences objectives de l’appel au ministère presbytéral, notamment en ce qui concerne le célibat pour les ordres sacrés, qui, selon la tradition qui nous vient du Seigneur, sont réservés aux hommes. Ce que j’ai dit à toute l’Église au début du nouveau millénaire, «Duc in altum, avance au large !» (Novo millennio ineunte NM 1), je le redis particulièrement à vos communautés: avancez au large, puisez en profondeur, en redonnant à la vie chrétienne toute sa densité spirituelle! Le renouveau attendu de la vie chrétienne et des vocations au ministère ordonné, ainsi qu’à la vie consacrée, ne peut pas venir seulement de réformes ou de réorganisations extérieures cependant utiles, mais d’abord et surtout d’un renouvellement intérieur de la vie de foi des pasteurs et des fidèles. Il importe également de retrouver la dimension sacramentelle de l’Église et la vérité de son mystère, comme Épouse mystique du Fils de Dieu (cf. Ep 5,31-32), lui qui est le Rédempteur de l’homme. C’est à cette profondeur aussi que le ministère ordonné trouve sa vraie signification : il ne s’agit pas seulement, à travers les activités variées et multiples du ministère, d’être l’animateur ou le coordinateur de la communauté, mais il s’agit bien plus de représenter sacramentellement, dans la communauté et pour elle, le Christ Serviteur, Tête de l’Église qui est son Corps. Comment ce don du Seigneur à l’Église pourrait-il lui manquer ? Je vous exhorte, chers Frères, à soutenir et à encourager de toutes vos forces de pasteurs une pastorale des vocations qui interpelle les communautés et les jeunes, pour que tous aient le souci de transmettre l’appel de Dieu et de préparer l’avenir de vos diocèses.

7. L’Église qui est en Belgique a toujours été attentive à l’éducation de la jeunesse, mobilisant à cette fin beaucoup de ses forces vives, notamment les religieux et les religieuses, et les écoles catholiques, très nombreuses dans votre pays, accueillent aujourd’hui un grand nombre d’élèves.

Je vous félicite à cet égard d’avoir clairement réaffirmé les principes de l’enseignement catholique et votre attachement à son identité. Je demande aux responsables, aux enseignants et aux parents d’élèves, d’approfondir les richesses de cette identité catholique, pour donner aux jeunes générations le meilleur de la tradition éducative de l’Église, le sens de Dieu et le sens de l’homme, ainsi que les principes moraux indispensables, afin de leur permettre d’avancer avec sérénité et responsabilité sur les chemins de la vie. Alors, parmi les jeunes de Belgique, pourront se lever ceux qui choisiront de vivre l’Évangile en s’engageant dans les réalités temporelles et dans le Sacrement du mariage, et ceux qui choisiront de suivre le Christ d’une manière plus radicale, sur la voie des conseils évangéliques, en ajoutant ainsi de nouveaux fruits à la moisson déjà abondante de la vie consacrée en Belgique. C’est parmi ces jeunes, ouverts à la générosité du Christ et à l’universalité de son amour, que pourront naître également des vocations de prêtres diocésains et de prêtres missionnaires pour le monde.

8. Alors même que vous avez souligné dans vos rapports les difficultés de la vie chrétienne dans une société qui semble amnésique, vous avez aussi remarqué les signes du possible renouveau : la vigueur nouvelle des pèlerinages, l’attrait pour le silence des monastères, l’augmentation sensible du nombre des catéchumènes adultes, la participation active de nombreux laïcs à la vie des communautés paroissiales et le goût renouvelé chez beaucoup d’entre eux d’une vie spirituelle authentique. On peut dire alors avec le psalmiste : « Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie : il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes» (Ps 125,5-6). L’espérance du croyant, ainsi exprimée au retour de l’Exil à Babylone, vient éclairer la vie des fidèles laïcs. Dans les débats importants qui animent la société belge d’aujourd’hui, un double témoignage leur est en effet demandé : celui de la parole prophétique, par des prises de position claires et conformes aux exigences de l’Évangile, telles que les rappelle à temps et à contretemps (cf. 2Tm 4,2) le Magistère de l’Église, mais aussi le témoignage des actes, celui d’hommes et de femmes engagés dans les joies et les difficultés de la vie quotidienne, à travers la vie de couple et la vie familiale, le travail et les responsabilités sociales ou politiques, attentifs à leurs frères et solidaires de leurs joies et de leurs espoirs (cf. Gaudium et spes GS 1), désireux de leur témoigner l’amour sans réserve du Christ. Ayez à coeur d’encourager et de soutenir tous ceux qui travaillent à promouvoir une pastorale familiale qui atteste de la grandeur du mariage chrétien et du bonheur d’accueillir des enfants, qui puisse aussi aider ceux qui ont été blessés dans leur projet de vie à trouver leur place dans la communauté ecclésiale ! La foi du psalmiste éclaire également le labeur quotidien des prêtres, donnés généreusement à leur mission pastorale, mais qui pourraient être tentés parfois par la lassitude ou le découragement devant les difficultés qu’ils rencontrent. Qu’ils sachent combien le Pape leur est proche, rendant grâce pour la fécondité souvent cachée de leur ministère et priant pour qu’ils soient toujours plus attachés au Christ, leur Maître et Seigneur !

Ma reconnaissance va aussi aux diacres permanents : en communion avec les évêques et en collaboration avec les prêtres, ils annoncent, par leur vie donnée, l’amour fidèle et humble du Christ. C’est dans «l’espérance que s’accomplisse en nous le mystère de Pâques» (Missel romain, Préface des dimanches, n. 6), puisée à la source du Sacrifice eucharistique, que vous-mêmes, Évêques de Belgique, recevez chaque jour des forces nouvelles pour encourager, soutenir, éclairer et guider ceux que le Seigneur vous a confiés, dans son Église. Soyez pour eux prophètes, témoins et serviteurs de l’espérance, «car l’espérance, spécialement en des temps d’incroyance et d’indifférence croissantes, est un véritable soutien pour la foi et un précieux stimulant pour la charité. Elle tire sa force de la certitude de la volonté salvifique universelle de Dieu (cf. 1Tm 2,3) et de la constante présence du Seigneur Jésus, l’Emmanuel qui demeure toujours avec nous jusqu’à la fin du monde (cf. Mt 28,20)» (Pastores gregis ).

Que la Vierge Marie, qui a porté en son sein l’espérance de tous les hommes, veille avec amour sur les besoins de l’Église en Belgique et qu’elle oriente vers son Fils, comme elle l’a fait aux noces de Cana, le coeur de tous les fidèles : «Faites tout ce qu’il vous dira» (Jn 2,5) !

À vous tous, j’accorde une affectueuse Bénédiction apostolique, que j’étends de grand coeur aux prêtres et aux diacres, aux religieux et aux religieuses, et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.


MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II À L'OCCASION DU 40ème ANNIVERSAIRE DE FONDATION DE L'ASSOCIATION DES RELIGIEUX DES INSTITUTS SOCIO-MÉDICAUX (ARIS)


Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous envoyer un Message à l'occasion du 40 anniversaire de fondation de l'Association des religieux des Instituts socio-médicaux (ARIS). En saluant avec affection chacune des personnes présentes, je voudrais m'adresser par votre intermédiaire à tous les membres de cette Association de grand mérite, qui offre une contribution précieuse au renouveau professionnel et spirituel du monde de la santé.

Je vous exhorte à continuer de servir les malades avec compétence et dévouement. Que le Seigneur, dispensateur de tout bien, continue de vous accompagner et de vous bénir comme il l'a fait ces quarante dernières années.

2. Au cours de ces jours qui concluent l'année liturgique, les croyants sont presque naturellement portés à tourner leur regard vers les réalités ultimes, lorsque le Seigneur, lors du jugement dernier, nous demandera si et comment nous avons aimé, écouté et servi notre prochain dans le besoin (cf. Mt 25,31-46). Pour se préparer à cette rencontre décisive, il est nécessaire de s'efforcer quotidiennement de chercher et de contempler dans nos frères le visage de Jésus, unique Sauveur du monde. Nous pouvons reconnaître, en particulier chez les malades et les personnes qui souffrent, le visage douloureux du Christ, qui, sur la Croix, nous a dévoilé l'amour miséricordieux du Père; un amour rédempteur qui a guéri définitivement l'humanité blessée par le péché.

A la lumière de ces éternelles vérités de foi, combien votre mission auprès des malades apparaît importante! Faites en sorte que l'apostolat de la miséricorde, auquel vous vous consacrez, devienne une authentique diaconie de charité, qui dans le temps et l'espace, rende visible et presque tangible la tendresse du coeur de Dieu.

3. Très souvent, celui qui vit dans des situations de grande douleur et de peine a du mal à comprendre le sens et la signification de l'existence. Il est alors important qu'à côté de lui, il y ait quelqu'un qui, comme le Bon Samaritain, le soutienne et l'accompagne. Des personnes comme Mère Teresa, récemment béatifiée, témoignent de façon simple et concrète de la charité et de la compassion du Seigneur pour les personnes marginalisées, les personnes qui souffrent, les malades, les mourants. Tandis qu'elles allègent les souffrances de leur corps, elles les aident à rencontrer le Christ qui, en vainquant la mort, a dévoilé la pleine valeur de la vie à chacune de ses étapes et de ses conditions.

Très chers frères, ne cessez jamais d'annoncer l'Evangile de la souffrance! Témoignez à travers votre service, de la puissance rédemptrice de l'Amour divin.

4. Je saisis volontiers cette occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour exprimer ma reconnaissance pour l'oeuvre généreuse que votre Association accomplit dans de nombreux pays, en particulier dans les territoires de mission. Vous aidez ces jeunes Eglises à gérer des structures d'accueil pour les malades et les personnes qui souffrent et à préparer des agents médicaux et pastoraux qualifiés.
Il est bon que cette collaboration bénéfique entre Communautés ecclésiales du Nord et du Sud du monde s'intensifie toujours plus, afin que, dans chaque partie du monde, en particulier là où la crise des valeurs religieuses et morales est la plus profonde, les croyants soient prêts à rendre raison de leur foi.

Avec ces voeux, je renouvelle à tous l'expression de ma reconnaissance pour ce que vous faites. Je vous assure de ma prière et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à vos familles religieuses respectives et aux nombreux malades hospitalisés dans les structures de l'ARIS.

Du Vatican, le 24 novembre 2003

IOANNES PAULUS


Discours 2003 - Lundi 17 novembre 2003