Discours 2003 - MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES


  "ECCLESIASTICA COMMUNIO" AU PATRIARCHE DE BABYLONE DES CHALDÉENS

AU NOUVEAU PATRIARCHE DE BABYLONE DES CHALDÉENS, S. B. EMMANUEL III DELLY, ET AUX MEMBRES DU SYNODE DE L'ÉGLISE CHALDÉENNE 

Mercredi 3 décembre 2003



Vos Béatitudes,
chers frères dans l'épiscopat,
chers pasteurs et fils de la vénérée Eglise chaldéenne!

1. "A vous grâce et paix de par Dieu, notre Père et le Seigneur Jésus Christ" (Rm 1,7).

Je vous accueille avec une grande affection, au terme du Synode extraordinaire de votre Eglise, qui a procédé à l'élection du nouveau Patriarche de Babylone des Chaldéens, "Chef et Père" de votre Eglise, successeur du regretté Patriarche Raphaël I Bidawid.

Je vous adresse mon salut cordial, cher Emmanuel III Delly, tandis que j'invoque sur Vous une effusion abondante de dons spirituels.

Je salue le Cardinal-Préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, auquel j'ai confié la présidence des travaux synodaux. Je le remercie de son travail et des aimables paroles d'hommage qu'il vient de prononcer.

Je vous salue tous, vénérés frères, réunis à Saint-Pierre pour accomplir l'acte le plus élevé de la responsabilité synodale. Je vous demande d'apporter aux communautés dont vous êtes les pasteurs ma pensée affectueuse et l'assurance de ma prière. Le Pape est proche de tous les Irakiens et connaît leurs aspirations à la paix, à la sécurité et à la liberté.

2. Votre Béatitude a demandé l'ecclesiastica communio. C'est volontiers que j'accède à cette requête. Dans cette perspective, j'ai chargé le Cardinal Moussa I Daoud de la confirmer, selon la pratique, à travers la Concélébration eucharistique qui aura lieu dans la Basilique Saint-Pierre. La communion avec l'Evêque de Rome, Successeur de Pierre, principe et fondement visible de l'unité dans la foi et dans la charité, fait que les Eglises particulières vivent et oeuvrent dans le mystère de l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique.

L'Eglise chaldéenne est fière de témoigner du Christ sur la terre d'où partit "Abraham, notre Père dans la foi", et de tirer ses origines apostoliques de la prédication de "Thomas, l'un des Douze".

Faisant partie de l'unique lymphe vitale qui provient du Christ, celle-ci doit continuer de fleurir, fidèle à son identité, en portant des fruits abondants pour le bien de tout le corps ecclésial.

3. Vénérés frères, développez toujours plus l'harmonie unanime qui s'est manifestée dans ce Synode. En effet, l'unité d'intentions permettra un plein développement de la vie ecclésiale.

L'harmonie est d'autant plus nécessaire si nous considérons votre terre qui, aujourd'hui, a plus que jamais besoin d'une paix véritable et de tranquillité dans l'ordre. Oeuvrez afin "d'unir les forces" de tous les croyants dans un dialogue respectueux, qui favorise à tous les niveaux l'édification d'une société stable et libre.

Tandis que j'invoque l'intercession de la Sainte Mère de Dieu, qui a donné au monde le Prince de la Paix, je vous donne ma Bénédiction apostolique, que j'étends de tout coeur à tous les fils et toutes les filles de la bien-aimée Eglise chaldéenne.



AUX COMITÉS PRÉPARATOIRES DE LA VISITE PASTORALE DU SAINT-PÈRE EN BOSNIE ET HERZÉGOVINE

Jeudi 4 décembre 2003


Très chers frères et soeurs!

1. Je vous accueille avec joie, et j'adresse mes salutations cordiales à chacun de vous, qui êtes venus à Rome en réponse à la Visite pastorale que j'ai pu accomplir à Banja Luka le 22 juin dernier. Le coeur comblé de gratitude pour l'accueil chaleureux qui m'a alors été réservé, je souhaite à chacun de vous la bienvenue.

Je salue tout d'abord l'Evêque de Banja Luka, Monseigneur Franjo Komarica, et je le remercie des paroles courtoises qu'en sa qualité de Président de la Conférence épiscopale de la Bosnie et Herzégovine, il m'a adressées au nom de toutes les personnes présentes. Avec lui, j'adresse également un salut fraternel à l'estimé et cher Cardinal Vinko Puljic, Archevêque de Vrhbosna, ainsi qu'à l'Auxiliaire, Monseigneur Pero Sudar, et au cher et zélé Evêque de Mostar-Duvno et Administrateur apostolique de Trebinje-Mrkan, qui n'a pas pu prendre part à cette rencontre. Ma pensée respectueuse va ensuite au Président de la Présidence de Bosnie et Herzégovine, M. Dragan Covic, et aux autres membres de la Présidence, ainsi qu'à Messieurs les Ministres présents et à toutes les autorités civiles du pays, que je remercie de l'engagement généreux pour la pleine réussite de ma Visite pastorale.

2. A Banja Luka, j'ai eu la grande joie de proclamer bienheureux un jeune originaire de cette ville, Ivan Merz. Que son exemple resplendissant de sainteté encourage les laïcs catholiques à s'engager pour témoigner de l'Evangile, critère et orientation fondamentale des chrétiens de toutes les époques.

Ce jeune homme, comme l'ont écrit les évêques de votre terre, "a véritablement beaucoup de choses à dire et à témoigner" (Lettre pastorale des évêques) à toute personne de bonne volonté. L'enseignement le plus incisif est peut-être constitué par ce que l'on peut lire dans son Journal, à la date du 5 février 1918, alors que l'Europe était en pleine guerre et qu'il se trouvait au front. "Ne jamais oublier Dieu! Vouloir toujours s'unir à Lui!".

3. Ces paroles revêtent une signification particulière pour votre pays, qui s'efforce de surmonter beaucoup de souffrances qui sont la conséquence d'un régime d'oppression et d'une longue guerre. Il pourra dépasser cette situation difficile grâce à la mise en place d'institutions démocratiques au niveau politique et administratif. Le plus important, toutefois, sera de cultiver un authentique renouveau spirituel, au moyen duquel l'on s'ouvre au pardon, à la réconciliation et au respect réciproque de l'identité culturelle et religieuse de la part de chacun.

Telles sont les voies qui conduisent à la création d'une société prospère et sereine, libre et solidaire; tel est le chemin qui rend possible le retour tant attendu des réfugiés et des exilés dans leurs villages natals, dans un climat de sécurité et de pleine liberté.

4. Un grand défi vous attend: "Ne jamais oublier Dieu"! Je vous assure le soutien de ma prière et je souhaite vous encourager à aller de l'avant avec confiance.

Que sur vous et sur votre chère patrie descende la Bénédiction de Dieu.

Loués soient Jésus et Marie!



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II POUR LE 70ème ANNIVERSAIRE DE L'HOLODOMOR EN UKRAINE




A mes vénérés frères
LUBOMYR Card. HUSAR
Archevêque majeur de Lviv des Ukrainiens
et
MARIAN Card. JAWORSKI
Archevêque de Lviv des Latins

1. Se souvenir des événements dramatiques vécus par un peuple est non seulement un devoir en soi-même, mais se révèle également plus que jamais utile pour susciter chez les nouvelles générations l'engagement à se faire, en toute circonstance, des sentinelles vigilantes du respect de la dignité de tout homme. La prière de suffrage qui naît de cet événement constitue par ailleurs pour les croyants, un baume qui adoucit la douleur et une supplication efficace au Dieu des vivants, pour qu'il offre le repos éternel à tous ceux qui ont été injustement privés du bien de l'existence. Le devoir de mémoire vis-à-vis du passé revêt, enfin, une valeur qui dépasse les frontières d'une nation, en touchant les autres peuples qui ont été victimes d'événements tout aussi tragiques et qui peuvent puiser un réconfort à ce partage.

Tels sont les sentiments que le 70 anniversaire des tristes événements de l'Holodomor inspirent à mon âme: des millions de personnes ont subi une mort atroce à cause des sombres mesures d'une idéologie qui, tout au long du XX siècle, a été source de souffrances et de deuils dans de nombreuses régions du monde. C'est pour cette raison, vénérés Frères, que je souhaite être présent en esprit aux célébrations qui se tiendront en souvenir des innombrables victimes de la grande famine provoquée en Ukraine sous le régime communiste. Il s'agit d'un dessein inhumain, mis en oeuvre avec une froide détermination par les détenteurs du pouvoir à cette époque.

2. Dans la réévocation de ces tristes événements, je vous demande, vénérés Frères, de vous faire les interprètes de ma pensée solidaire et de ma prière auprès des autorités de ce pays et auprès de vos concitoyens, qui me sont particulièrement chers. Les célébrations prévues, destinées à renforcer le juste amour pour la patrie dans le souvenir du sacrifice de ses fils, ne sont pas tournées contre les autres nations, mais entendent raviver dans le coeur de chacun le sens de la dignité de toute personne, quel que soit peuple auquel elle appartient.

Me reviennent à l'esprit les paroles de mon prédécesseur le Pape Pie XI, de vénérée mémoire, qui, en évoquant les politiques des membres du gouvernement soviétique de l'époque, distinguait nettement entre gouvernants et gouvernés et, tout en disculpant ces derniers, dénonçait ouvertement les responsables du système "qui méconnaissent la véritable origine de la nature et de la fin de l'Etat, nient les droits de la personne humaine, nient sa dignité et sa liberté" (Lett. enc. Divini Redemptoris [18 mars 1937], II: AAS 29 [1937], 77).

Comment ne pas penser, à ce sujet, à la destruction de si nombreuses familles, à la douleur des innombrables orphelins, au bouleversement de toute la société? Tout en me sentant proche de tous ceux qui ont souffert des conséquences de ce terrible drame de 1933, je souhaite réaffirmer la nécessité de défendre la mémoire de ces événements, pour pouvoir répéter ensemble, encore une fois: Jamais plus! La conscience des aberrations passées se traduit en un constant encouragement à construire un avenir davantage à la mesure de l'homme, s'opposant à toute idéologie qui profane la vie, la dignité, les justes aspirations de la personne.

3. L'expérience de cette tragédie doit aujourd'hui guider la manière de voir et d'oeuvrer du peuple ukrainien vers des perspectives de concorde et de coopération. Malheureusement, l'idéologie communiste a contribué à approfondir les divisions jusque dans le cadre de la vie sociale et religieuse. Il faut s'engager à une pacification sincère et effective: c'est de cette manière que peuvent être honorées de manière appropriée les victimes appartenant à toute la famille ukrainienne.

Le sentiment du suffrage chrétien pour tous ceux qui sont morts à cause d'un projet meurtrier insensé doit être accompagné de la volonté d'édifier une société où le bien commun, la loi naturelle, la justice pour tous et le droit des gens soient des guides constants pour un renouveau efficace des coeurs et des esprits de ceux qui s'honorent d'appartenir au peuple ukrainien. Ainsi, la mémoire des événements passés deviendra-t-elle une source d'inspiration pour la génération présente et les générations futures.

4. Au cours de l'inoubliable voyage accompli dans votre patrie il y a deux ans, évoquant la sombre période vécue par l'Ukraine soixante-dix ans plus tôt, je rappelais "les terribles années de la dictature soviétique et la terrible famine du début des années trente, lorsque votre pays, "grenier de l'Europe", ne réussit plus à nourrir ses enfants, qui moururent par millions" (Discours aux représentants du monde de la politique, de la culture, de la science et de l'industrie au Palais présidentiel [23 juin 2001], n. 3; Insegnamenti 24/1, 2001, 1268).

Il faut espérer que, avec l'aide de la grâce de Dieu, les leçons de l'histoire aident à trouver des raisons solides pour s'entendre, en vue d'une coopération constructive, dans le but d'édifier ensemble un pays qui se développe de manière harmonieuse et pacifique à tous les niveaux.

Atteindre ce noble objectif dépend en premier lieu des Ukrainiens, auxquels est confiée la défense de l'héritage chrétien oriental et occidental, et la responsabilité de savoir le conduire à une synthèse originale de culture et de civilisation. C'est là que réside la contribution spécifique que l'Ukraine est appelée à offrir à l'édification de la "maison commune européenne" dans laquelle chaque peuple puisse trouver un accueil qui lui convienne dans le respect des valeurs de sa propre identité.

5. Vénérés frères, en cette circonstance si solennelle, comment ne pas retourner par l'esprit à l'ensemencement évangélique opéré par les saints Cyrille et Méthode? Comment ne pas repenser avec gratitude au témoignage de saint Vladimir et de sa mère sainte Olga, par l'intermédiaire desquels Dieu offrit à votre peuple la grâce du Baptême de la vie nouvelle dans le Christ? Le coeur illuminé par l'Evangile, l'on peut mieux comprendre comment on doit aimer sa patrie pour contribuer efficacement à son progrès sur le chemin de la culture et de la civilisation. L'appartenance à une lignée doit s'accompagner de l'engagement à répondre de manière généreuse et gratuite aux dons reçus en héritage des générations précédentes, afin d'édifier une société ouverte à la rencontre d'autres peuples et d'autres traditions.

Tout en souhaitant que le peuple ukrainien sache jeter sur les événements de l'histoire un regard réconcilié, je confie tous ceux qui souffrent encore des conséquences de ces tristes événements au réconfort qu'apporte la Toute-Sainte, la Mère de Dieu. Je confirme ces sentiments par une Bénédiction apostolique particulière, que je vous accorde, vénérés frères, ainsi qu'à tous ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux, en invoquant sur tous d'abondantes effusions de faveurs célestes.

Du Vatican, le 23 novembre 2003, solennité de Notre Seigneur Jésus Christ, Roi de l'univers.

IOANNES PAULUS II



DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II AUX PARTICIPANTS À LA XXXII CONFÉRENCE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE (F.A.O.)

Vendredi 5 décembre 2003



Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

1. Je suis heureux de vous accueillir, éminents participants à la 32 Conférence de l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture des Nations unies. J'adresse mes salutations cordiales à M. Jim Sutton, Ministre de l'Agriculture de Nouvelle-Zélande, qui préside la session actuelle, ainsi qu'au Directeur général, M. Jacques Diouf. Notre rencontre d'aujourd'hui me donne l'occasion d'exprimer l'appréciation de l'Eglise catholique pour l'important service que la FAO rend à l'humanité.

Aujourd'hui, ce service est plus urgent que jamais. La faim et la malnutrition, aggravées par la pauvreté croissante, représentent une grave menace pour la coexistence pacifique des peuples et des nations. A travers ses efforts en vue de combattre l'insécurité alimentaire qui frappe de vastes régions de notre monde, la FAO apporte une contribution importante au progrès de la paix mondiale.

2. Etant donné la relation étroite qui existe entre la faim et la paix, il est clair que les décisions et les stratégies économiques et politiques doivent être toujours plus guidées par un engagement en faveur de la solidarité globale et du respect des droits humains fondamentaux, y compris le droit à une alimentation adéquate. La dignité humaine elle-même est menacée lorsqu'un pragmatisme étroit, détaché des exigences objectives du droit moral, conduit à des décisions qui profitent à un petit nombre de privilégiés et ignorent les souffrances de larges couches de la famille humaine. Dans le même temps, conformément au principe de la subsidiarité, les personnes et les groupes sociaux, les associations civiles et les confessions religieuses, les gouvernements et les institutions internationales, sont tous appelés, selon leurs compétences et ressources spécifiques, à partager cet engagement à la solidarité en promouvant le bien commun de l'humanité.

3. Pour cette raison, je suis certain que le travail de la FAO, en établissant une Alliance internationale contre la Faim, portera des fruits à travers des choix pratiques et des décisions politiques inspirées par la conscience que l'humanité constitue une unique famille. Comme dans toute famille, il faut faire preuve de sollicitude avant tout à l'égard de ceux qui sont le plus défavorisés et qui en ont le plus besoin. Le monde ne peut demeurer sourd aux suppliques de ceux qui réclament la nourriture dont ils ont besoin pour survivre!

4. Avec cette conviction, j'offre mes meilleurs voeux dans la prière afin que la Conférence actuelle aide la FAO à poursuivre avec toujours plus de succès ses nobles buts et objectifs.
J'invoque cordialement sur vous les Bénédictions de sagesse, de persévérance et de paix de Dieu.



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AU CARDINAL FRANCIS ARINZE À L'OCCASION DE LA JOURNÉE D'ÉTUDE SUR LA CONSTITUTION "SACROSANCTUM CONCILIUM"


A mon Vénéré Frère
Francis Card. ARINZE
Préfet
de la Congrégation
pour le Culte divin
et la Discipline
des Sacrements

A quarante ans du 4 décembre 1963, jour où mon vénéré prédécesseur, le Pape Paul VI, promulguait la Constitution Sacrosanctum Concilium, premier fruit du Concile Vatican II, la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements a opportunément organisé une journée d'étude, pour souligner les thématiques de fond du renouveau liturgique souhaité par le Concile.

En me réjouissant de cette initiative, je saisis volontiers l'occasion pour Vous transmettre, Vénéré Frère, ainsi qu'à tous les participants au Colloque, la Lettre que j'ai préparée pour rappeler la promulgation de la Constitution conciliaire susmentionnée, qui a marqué, dans la vie de l'Eglise, une étape d'importance fondamentale pour la promotion et le développement de la Liturgie.

En confiant à ce dicastère la tâche de faire connaître au peuple chrétien le contenu de la Lettre apostolique ci-jointe, je vous assure de ma présence spirituelle aux travaux du Colloque, alors que je vous envoie de tout coeur, vénéré Frère, ainsi qu'à vos collaborateurs, aux rapporteurs et à toutes les personnes présentes, une Bénédiction spéciale, gage d'abondantes faveurs célestes.

Du Vatican, le 4 décembre 2003


IOANNES PAULUS II

AUX ÉVÊQUES DE FRANCE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 6 décembre 2003


Chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

1. Je suis heureux de vous accueillir, Évêques et Administrateur diocésain, venus des provinces de Rennes et de Rouen, de cette région de l’Ouest de la France que j’ai eu l’occasion de visiter à deux reprises, en me rendant à Lisieux, à Saint-Laurent sur Sèvre et à Sainte-Anne d’Auray. Soyez les bienvenus au terme de votre visite ad limina, temps de rencontre et de travail avec les Dicastères de la Curie romaine, et également moment de ressourcement spirituel, par la prière auprès des tombes des Apôtres et par la célébration de la communion entre vous et avec le Successeur de Pierre. Je remercie Mgr Saint-Macary, Archevêque de Rennes, pour la présentation qu’il m’a faite de vos diocèses et des mutations importantes que vous connaissez dans la vie des communautés chrétiennes comme dans les formes d’exercice du ministère des prêtres. À mon tour, je souhaite vous entretenir d’une question qui me tient beaucoup à coeur comme à tous les évêques du monde entier, la question des vocations sacerdotales et de la formation des prêtres.

2. Depuis de nombreuses années maintenant, votre pays connaît une grave crise des vocations, une sorte de traversée du désert qui constitue une véritable épreuve dans la foi pour les pasteurs comme pour les fidèles et dont vos rapports quinquennaux se font largement l’écho. En trente ans, on a assisté à un lent effritement des effectifs qui semble s’être même accentué ces dernières années. Dans le même temps, bien des réflexions ont été engagées pour essayer d’analyser les causes de ce phénomène et pour y porter remède. De nombreuses initiatives ont été prises dans les diocèses de France pour réveiller la pastorale des vocations, pour susciter une nouvelle prise de conscience dans les communautés chrétiennes, pour interpeller les jeunes, pour rappeler la responsabilité des prêtres dans l’appel, pour adapter les lieux de formation et assurer davantage leur solidité. Assurément, ces efforts multiples n’ont pas encore donné tous leurs fruits et la crise est toujours là, inquiétante dans ses conséquences proches et durables sur la vitalité des paroisses et des diocèses de France. Plutôt que de céder au découragement devant cette situation, je vous exhorte à relever le défi, avec une ferme espérance, pour construire l’avenir de vos Églises. Dans cette démarche, soyez assurés de la proximité spirituelle et des encouragements du Successeur de Pierre.

3. En France, les séminaires ont une longue histoire et une riche expérience. La dernière Visite apostolique, réalisée dans tous les instituts de formation de votre pays, a montré qu’ils étaient dans l’ensemble des instruments sûrs et bien adaptés, pour aider les jeunes qui entendent un appel du Seigneur à discerner sa volonté, et pour en faire des pasteurs disponibles et compétents. Ils demeurent donc à la disposition des évêques comme l’outil essentiel et nécessaire de la formation des candidats au sacerdoce (cf. Pastores dabo vobis PDV 60). Ayez donc à coeur de maintenir, avec toute votre vigilance de pasteurs, la qualité de ces maisons de formation, en particulier par le choix des formateurs qui assurent sous votre responsabilité ce ministère, et en veillant à l’application de la Ratio institutionis, votée par votre Conférence épiscopale et approuvée par la Congrégation pour l’Éducation catholique en 1998!

Le Code de Droit canonique prévoit qu’il y ait dans chaque diocèse un séminaire pour la formation des futurs prêtres (CIC 237). Évidemment, les conditions pastorales actuelles ne vous permettent pas d’envisager que cela soit possible partout, ni même souhaitable : en effet, comme le montre l’expérience, le regroupement des forces est souvent nécessaire et il peut donner aussi un réel dynamisme. Mais le législateur, dans sa sagesse, a voulu montrer le lien profond et intrinsèque qui existe entre l’Église diocésaine et la formation des prêtres. En ordonnant pour le service des communautés chrétiennes des hommes qui font don de leur vie entière et qui auront la charge d’agir au nom du Christ, l’évêque diocésain assure la vie de l’Église dans la vérité et la continuité de son mystère, elle qui est le Corps du Christ, "le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain" (Lumen gentium LG 1). Comment, dès lors, l’Église diocésaine pourrait-elle se désintéresser de la formation de ses futurs pasteurs ? Voilà pourquoi il importe que le séminaire soit une institution stable, repérable et reconnue dans le diocèse, apparaissant toujours comme le séminaire du diocèse, même si ce séminaire, qui accueille des candidats venus de plusieurs diocèses, est implanté dans un autre diocèse. Tout en laissant à ceux qui en ont la responsabilité leur tâche de discernement, l’évêque doit veiller à être présent à la vie du séminaire en le visitant, lui-même ou son délégué, et en rencontrant régulièrement les formateurs et les séminaristes. Il invitera ces derniers à s’enraciner progressivement dans les réalités de leur diocèse, par les stages qui s’imposent, surtout quand, pour des raisons légitimes liées aux études, les lieux de formation sont éloignés du diocèse.

Dans cet esprit, une concertation entre les évêques de France pourrait être d’une grande utilité, afin de réfléchir ensemble, et avec les formateurs responsables, à la question de la répartition des séminaires, de façon à ce qu’ils ne soient pas trop éloignés des diocèses qui leur confient leurs candidats. Les provinces nouvelles, créées tout récemment pour un meilleur service de votre action pastorale, ne pourraient-elles pas constituer un cadre de référence, permettant aux évêques de mettre en commun leurs forces pastorales disponibles pour une meilleure formation des candidats au sacerdoce ?

Il convient, en outre, de ne pas oublier que la mission des prêtres s’exprime sacramentellement et humainement dans la solidarité d’un même presbyterium, uni autour de l’évêque, et que la formation commune des prêtres d’un même diocèse, ou d’une même province, dans un même séminaire est certainement propice à susciter l’esprit d’unité, si nécessaire pour aider l’évêque à mettre en oeuvre ses décisions pastorales et également pour permettre aux prêtres de vivre dans le soutien mutuel et fraternel un ministère qui est souvent difficile.

4. Comme je l’avais souligné dans l’Exhortation apostolique Pastores dabo vobis (cf. PDV 43-59), je veux rappeler la complémentarité essentielle des quatre dimensions de la formation, humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale, que le séminaire, «communauté éducative en cheminement» (ibid., PDV 60), dispense avec progressivité au long des années de la formation. L’attention aux difficultés spécifiques des jeunes d’aujourd’hui, notamment dans le domaine de la vie familiale et de la maturité affective, ainsi que la prise en compte de l’environnement social, caractérisé par le relativisme généralisé des «valeurs» diffusées dans les médias, par la banalisation de la sexualité, mais également par les scandales qui lui sont liés, commandent d’être particulièrement attentifs à la formation humaine, affective et morale des candidats. J’encourage les équipes des séminaires à poursuivre leur travail de formation et de discernement dans ce domaine, en relation avec des spécialistes compétents, afin de permettre aux jeunes qu’ils accueillent de toujours connaître clairement les exigences objectives de la vie sacerdotale et de faire la lumière sur leur propre vie, afin d’estimer à sa juste valeur le don du célibat et de se préparer à le vivre généreusement dans la chasteté, comme un don d’amour offert au Seigneur et à ceux qui leur seront confiés. Je compte sur vous, qui êtes les premiers responsables de la formation des prêtres dans vos diocèses, pour veiller avec attention et rigueur à cette dimension. «Voici l’homme» (Jn 19,5), affirmait Pilate, de manière prophétique, en présentant Jésus à la foule : dans la formation humaine et affective des candidats au sacerdoce, comme d’ailleurs dans toutes les autres dimensions de leur formation, c’est bien le Christ, Verbe incarné et homme nouveau et parfait, qu’il s’agit de chercher et de contempler, c’est lui qu’il convient de prendre pour modèle (cf. 1Co 11,1) afin de l’imiter en toutes choses, pour devenir prêtre, en son nom.

5. Vos Églises diocésaines sont engagées dans un profond travail d’adaptation aux réalités nouvelles, comme les réaménagements pastoraux, la diminution rapide du nombre des prêtres et l’accès aux responsabilités pastorales de nombreux fidèles laïcs, évolutions sensibles dont il convient évidemment de tenir compte pour la préparation des futurs prêtres, afin de rendre leur formation toujours plus solide et mieux adaptée. Cependant, pour mener à bien cette mission difficile et essentielle de la formation des prêtres et pour dépasser la situation de crise actuelle, il faut assurément aller plus loin et plus en profondeur (cf. Novo millennio ineunte NM 1). L’Église doit pour cela être soucieuse d’une certaine stabilité dans ses institutions et découvrir toujours davantage la richesse qui la constitue dans la complémentarité des diverses vocations de ses membres. Elle doit surtout estimer à sa juste valeur le ministère des prêtres, en comprenant qu’il est indispensable à sa propre vie, puisqu’il lui assure la permanence de la présence du Christ, dans la fidélité à l’annonce et à l’enseignement de sa Parole, dans le don précieux des Sacrements qui la font vivre, spécialement l’Eucharistie et la Réconciliation, et dans le service de l’autorité au nom du Seigneur et à sa manière. C’est dans un nouvel approfondissement de la vie chrétienne, par le renouvellement intérieur de la vie de foi de tous, pasteurs et fidèles, et par le rayonnement missionnaire des communautés chrétiennes, que pourront surgir, chez les jeunes, de nouvelles vocations pour l’Église.

6. À cet égard, il importe que l’Église, qui appelle les jeunes à servir le Christ, apparaisse à leurs yeux, comme aux yeux des familles, sereine et confiante : «Venez, et vous verrez !» (Jn 1,39). Pour cela, il est essentiel que ceux qui sont chargés de la formation au ministère presbytéral se sentent soutenus par leur évêque et par l’Église : l’équipe des formateurs, choisie et mandatée par l’évêque, ou collégialement par les évêques responsables, a besoin de cette confiance pour exercer sa mission auprès des jeunes qui lui sont confiés, comme auprès des prêtres et des laïcs engagés dans la pastorale des vocations. Il convient aussi que les jeunes eux-mêmes qui envisagent de devenir prêtres puissent identifier le séminaire de leur diocèse comme le lieu normal où ils doivent se former au sacerdoce pour le service de l’Église diocésaine, dans une obéissance confiante à l’évêque et sans poser d’exigence particulière sur le lieu de leur formation. Je tiens à rappeler également que l’accueil des candidats venant d’un autre diocèse doit être fait avec discernement et qu’il doit toujours obéir aux dispositions canoniques et pastorales en vigueur (CIC 241-242), rappelées par l’Instruction sur l’admission au séminaire de candidats provenant d’autres diocèses ou d’autres familles religieuses. À cette fin, il apparaît souhaitable que les Évêques de France puissent échanger sereinement, dans le cadre de la Conférence épiscopale, sur les questions liées à la formation des prêtres, sans revenir sur le travail déjà accompli et acquis, afin de manifester toujours davantage devant l’ensemble des fidèles une unité de vues sans laquelle leurs efforts risquent de manquer de souffle. Nous devons toujours nous rappeler la prière instante du Seigneur, demandant à son Père que ses disciples «soient un, pour que le monde croie» (Jn 17,21), et nous devons nous employer à vivre entre nous les exigences d’une communion sans cesse à construire, à vérifier et à reprendre, pour rendre toujours plus évidente l’unité du Corps du Christ.

7. Pour préparer l’avenir avec espérance, l’Église doit poursuivre et amplifier son action en faveur des vocations et en direction des jeunes : ces derniers seront l’Église de l’avenir, et les prêtres de demain. En rendant grâce pour leur enthousiasme, si expressif dans les grands rassemblements comme celui des Journées mondiales de la Jeunesse ou dans ceux que vous organisez dans vos diocèses, mais aussi pour la générosité avec laquelle ils savent s’engager au service de causes sociales et humanitaires, il convient de les aider à répondre, plus nombreux qu’ils ne le font aujourd’hui, aux appels particuliers que le Seigneur ne manque pas de leur adresser. Si les difficultés des jeunes d’aujourd’hui à répondre à cet appel sont multiples, il semble qu’on puisse discerner trois raisons majeures. La première difficulté est la crainte de l’engagement à long terme, parce qu’on a peur de prendre des risques sur un avenir incertain et qu’on vit dans un monde changeant où l’intérêt semble fugitif, lié essentiellement à la satisfaction de l’instant. C’est certainement un frein essentiel à la disponibilité des jeunes, qu’on ne pourra surmonter qu’en leur donnant confiance dans une perspective à la mesure de l’espérance chrétienne. C’est tout l’enjeu du travail éducatif qui est assuré d’abord par la famille et par l’école, et qui s’accomplit également à travers les diverses propositions pastorales pour les jeunes : je pense particulièrement aux mouvements de jeunes, comme le scoutisme, aux aumôneries, aux divers lieux d’accueil qui leur sont proposés, où ils peuvent apprendre à faire confiance aux adultes, à la société, à l’Église, aux autres jeunes et à eux-mêmes. La deuxième difficulté concerne la proposition du ministère sacerdotal lui-même. En effet, depuis plusieurs générations, le ministère des prêtres a considérablement évolué dans ses formes; il a parfois été ébranlé dans les convictions mêmes de bien des prêtres concernant leur propre identité; il a été souvent dévalué aux yeux de l’opinion. Aujourd’hui, les contours de ce ministère peuvent sembler encore flous, difficilement repérables par les jeunes et manquant de stabilité. Il importe donc de soutenir le ministère ordonné, de lui donner toute sa place dans l’Église, dans un esprit de communion qui respecte les différences et leur vraie complémentarité, et non pas dans un esprit de concurrence dommageable avec le laïcat. La troisième difficulté, la plus fondamentale, concerne le rapport des jeunes avec le Seigneur lui-même. Leur connaissance du Christ est souvent superficielle et relative, au milieu de propositions religieuses multiples, alors que le désir d’être prêtre se nourrit essentiellement de l’intimité avec le Seigneur, dans un dialogue vraiment personnel, puisqu’il s’exprime d’abord comme le désir d’être avec lui (cf. Mc 3,14). Il est clair que tout ce qui peut favoriser chez les enfants et chez les jeunes une découverte authentique de la personne de Jésus et de la relation vivante avec lui, qui s’exprime dans la vie sacramentelle, dans la prière et dans le service des frères, sera bénéfique à l’éveil des vocations. Qu’il s’agisse d’écoles de prière pour les enfants, de récollections ou de veillées de prière pour les jeunes, mais aussi de propositions de formation théologique et spirituelle adaptées aux jeunes, il y a là comme un terreau fertile et nécessaire, où l’appel de Dieu pourra germer jusqu’à porter du fruit. Veillez donc à ce que les divers services spécialisés qui concourent dans une étroite collaboration à nourrir la vie diocésaine, la pastorale familiale, la catéchèse, la pastorale des jeunes, soient ouverts généreusement à cette perspective des vocations, qui donne sens à leur action, grâce notamment aux interpellations et aux propositions des Services diocésains des Vocations, chargés de faire entendre à l’Église diocésaine, dans ses différentes composantes, l’appel du Seigneur aux vocations particulières de prêtres et de diacres, mais aussi de vocations à la vie consacrée.

8. Au terme de ces réflexions, que j’ai voulu partager avec vous pour vous manifester mon souci et mon soutien dans une situation difficile, qui constitue une épreuve pour beaucoup, je voudrais évoquer tous ceux et celles qui sont adonnés à cette mission : les membres du Service national des Vocations et des Services diocésains des Vocations, les responsables de la Pastorale des Jeunes, et surtout les équipes de formateurs des séminaires. Malgré la diminution du nombre des prêtres et l’accumulation des tâches qui leur incombent, veillez à donner assez de disponibilité à ceux que vous chargez de ces responsabilités pastorales, pour leur permettre de les assumer avec joie et assurance, et aussi avec efficacité. Je rends grâce avec vous pour le témoignage de fidélité des prêtres. Assurez-les tous de ma proximité spirituelle et de mes encouragements dans leur engagement généreux. Le Pape prie chaque jour pour que le don du sacerdoce ne manque pas à l’Église et pour que les séminaristes réalisent le don merveilleux que le Seigneur leur a fait de les appeler à son service. En les confiant tous à l’intercession maternelle de la Vierge Marie, je vous assure de ma sollicitude pastorale pour vos Églises diocésaines. À tous, j’accorde de grand coeur une affectueuse Bénédiction apostolique, que j’étends aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.



Discours 2003 - MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES