Discours 2004 - A Sa Béatitude


AU TERME DU CONCERT SUR LE THÈME DE LA RÉCONCILIATION ENTRE JUIFS, CHRÉTIENS ET MUSULMANS

Aula Paul VI, Samedi 17 janvier 2004



1. C'est avec une vive émotion que j'ai assisté au concert de ce soir, consacré au thème de la réconciliation entre juifs, chrétiens et musulmans. J'ai écouté avec une profonde intensité la splendide exécution musicale, qui a constitué pour nous tous une occasion de réflexion et de prière. Je salue et je remercie de tout coeur les promoteurs de cette initiative, ainsi que ceux qui ont contribué à sa réalisation concrète.

Je salue les Présidents et les membres des Conseils pontificaux qui ont parrainé cet événement hautement significatif. Je salue les personnalités et les représentants des diverses Organisations juives internationales, des Eglises et des Communautés ecclésiales et de l'Islam, qui à travers leur participation rendent cette rencontre encore plus suggestive. J'adresse un remerciement particulier aux Chevaliers de Colomb, qui ont offert leur soutien concret au concert, et à la RAI, ici représentée par ses dirigeants, qui en ont assuré une diffusion appropriée.

J'adresse ensuite mon salut à l'illustre Maître Gilbert Levine et aux membres du "Pittsburgh Symphony Orchestra" et aux Choeurs d'Ankara, de Cracove, de Londres et de Pittsburgh. Le choix des morceaux de ce soir a voulu rappeler à notre attention deux points importants qui, d'une certaine façon, rassemblent ceux qui se réclament du judaïsme, de l'islam et du christianisme, même si les textes sacrés respectifs les traitent de façon différente. Ces deux points sont: la vénération pour le Patriarche Abraham et la résurrection des morts. Nous en avons écouté un commentaire magistral dans le motet sacré "Abraham" de John Harbison, et dans la symphonie n. 2 de Gustav Malher, inspirée du poème dramatique "Dziady" de l'illustre dramaturge polonais Adam Mickiewicz.
2. L'histoire des relations entres les juifs, les chrétiens et les musulmans est marquée par des zones d'ombre et de lumière, et a malheureusement connu des moments douloureux. Aujourd'hui, on ressent le besoin pressant d'une sincère réconciliation entre les croyants dans le Dieu unique.

Ce soir, nous sommes ici réunis afin de donner une expression concrète à cet engagement de réconciliation, en nous confiant au message universel de la musique. Un avertissement nous a été rappelé: "Je suis El Shaddai [Dieu Tout-puissant], marche en ma présence et sois parfait" (Gn 17,1). Chaque être humain entend retentir en lui ces paroles: il sait qu'il devra un jour rendre compte à Dieu qui, d'en-haut, observe son chemin sur la terre.

Le voeu que nous exprimons ensemble est que les hommes soient purifiés de la haine et du mal qui menacent sans cesse la paix, et qu'ils sachent se tendre réciproquement des mains qui ignorent la violence mais qui sont prêtes à offrir aide et réconfort à celui qui est dans le besoin.

3. Le juif honore le Tout-Puissant comme le protecteur de la personne humaine, et Dieu des promesses de vie. Le chrétien sait que l'amour est le motif pour lequel Dieu entre en rapport avec l'homme et que l'amour est la réponse qu'Il attend de l'homme. Pour le musulman, Dieu est bon et sait combler le croyant de ses grâces. Nourris par ces convictions, les juifs, les chrétiens et les musulmans ne peuvent pas accepter que la terre soit frappée par la haine, que l'humanité soit bouleversée par des guerres sans fin.

Oui! Nous devons trouver en nous le courage de la paix. Nous devons implorer d'En-Haut le don de la paix. Et cette paix se répandra comme l'huile qui adoucit, si nous parcourons sans relâche la voie de la réconciliation. Le désert deviendra alors un jardin où règnera la justice, et la conséquence de la justice sera la paix (cf. Is 32,15-16).

Omnia vincit amor!


MESSAGE À L'ARCHEVÊQUE DE SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE POUR LE DÉBUT DE L'ANNÉE JUBILAIRE


A Monseigneur Julían BARRIO BARRIO
Archevêque de Saint-Jacques-de-Compostelle

1. A l'occasion de l'ouverture de la Porte Sainte, qui marque le début de l'Année jubilaire de Compostelle 2004, la première du troisième millénaire chrétien, j'adresse un salut cordial aux Pasteurs et aux fidèles de l'archidiocèse de Saint-Jacques-de-Compostelle et aux chers frères de la Galice. Dans le même temps, je m'unis spirituellement, dès à présent, aux pèlerins qui d'autres parties de l'Espagne, de l'Europe et des lieux les plus éloignés de la terre, entreprendront, de diverses façons, le chemin vers la tombe de l'Apôtre Jacques, poussés par un désir sincère de conversion.

Au cours de l'histoire, d'innombrables hommes et femmes se sont dirigés vers le lieu que l'on appelle "Finis Terrae", dans un esprit de prière et de sacrifice.

Leurs pas anonymes, en suivant la direction de la Voie Lactée, ont tracé le Chemin. Le pèlerinage à Saint-Jacques nous parle des origines spirituelles et culturelles du vieux Continent, car l'Eglise et l'Europe sont deux réalités intimement unies dans leur être et dans leur destin (cf. Ecclesia in Europa, n. 108). C'est pourquoi il faut affirmer que, malgré la crise actuelle, qui d'une certaine façon se reflète dans la vie de certains chrétiens, l'Evangile continue à être une référence fondamentale pour le Continent. J'ai moi-même accompli, à deux reprises, un pèlerinage dans cette ville, appelée à juste titre "capitale spirituelle de l'unité européenne". J'en garde un souvenir inoubliable.

2. L'Eglise de Compostelle, qui depuis des temps immémoriaux a reçu le privilège de conserver le Sépulcre de l'Ami du Seigneur, se sent appelée à accueillir généreusement et à transmettre le sens profond de la vie, en s'inspirant de la foi que Jacques, appelé Boanergès, a proclamée (cf. Mc 3,17).

C'est pourquoi le Chemin de Saint-Jacques, à travers lequel de nombreux pèlerins ont purifié et développé leur foi au cours de l'histoire, et qui a laissé une empreinte nettement chrétienne dans la culture humaine, ne peut pas oublier sa dimension spirituelle. Le phénomène de Saint-Jacques, qui fait uniquement référence à l'itinéraire séculier de Compostelle, ne peut altérer son identité en raison des facteurs culturels, économiques et politiques qu'il contient. Toute initiative qui chercherait à abaisser ou à altérer son caractère spécifiquement religieux éluderait ses origines authentiques. A ce propos, le pèlerin n'est donc pas seulement un voyageur: il est tout d'abord un croyant qui, à travers cette expérience de vie et en gardant le regard fixé sur le courage de l'Apôtre, désire suivre fidèlement le Christ.

"Pèlerins par Grâce. Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant?".

La devise de l'Année Sainte actuelle fait référence au récit évangélique des disciples d'Emmaüs et c'est une image du pèlerinage chrétien qui s'adapte parfaitement aux pèlerins du nouveau millénaire.

3. Au cours des siècles, l'essence du pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle a été la conversion au Dieu vivant, à travers la rencontre avec Jésus Christ. La célébration de ce Jubilé se présente également comme un chemin de conversion. En effet, des personnes de tous les continents se rencontreront à Compostelle pour confesser leur foi chrétienne et pour implorer et recevoir le pardon de Dieu miséricordieux, dont la plénitude se manifeste dans la grâce de l'indulgence jubilaire qui contient la rémission totale de la peine temporelle pour les péchés. En abandonnant progressivement son comportement précédent, le pèlerin est appelé à se revêtir de l'"homme nouveau", et à assumer la nouvelle mentalité proposée par l'Evangile. Le rite du Botafumeiro est, d'autre part, un signe de sa purification, de son nouvel être offert comme l'encens qui s'élève en présence du Seigneur.

Le pèlerinage à la Basilique de Compostelle au cours de l'Année jubilaire doit donc être synonyme d'un élan renouvelé pour la communauté chrétienne dans son engagement pour raviver la foi. Dans ce but, les sacrements de la Pénitence et de l'Eucharistie sont fondamentaux.

Le geste traditionnel du baiser de l'Apôtre, témoin et martyr de Jésus Christ, symbolise l'accueil joyeux de la foi que Jacques le Majeur a inlassablement prêchée jusqu'à donner sa propre vie. C'est pour cette raison que la Voie de Saint-Jacques n'est pas seulement un objectif. En franchissant le seuil du Portique de la Gloire, les pèlerins, en orientant leur vie vers la lumière des Ecritures, repartent vers leurs lieux d'origine pour y être des témoins vivants et crédibles du Seigneur. De cette façon, les architraves de la Porte de Grâce, qui évoquent l'image de la Jérusalem céleste, seront les témoins de l'audace de ceux qui ne craignent ni l'avenir ni les obstacles qui restent encore à surmonter afin que se manifeste l'humanité nouvelle, et ils nous rappelleront que la vie elle-même est un chemin, à travers le Christ, vers Dieu le Père dans l'Esprit.

4. Le pèlerinage, malgré sa rigueur et sa difficulté, est donc une joyeuse annonce de foi. C'est un chemin personnel sur lequel les pèlerins, en suivant l'exemple du "Fils du Tonnerre", se transforment en apôtres courageux et zélés. Les pèlerins, sur leur chemin de réflexion, livrés à l'intimité avec le Seigneur dans la prière et dans le silence, s'appuyant sur le bâton de sa Parole, en contemplant les merveilles que le Créateur a façonnées dans la nature, à travers leur ascèse personnelle, n'ayant que quelques provisions et bagages, évitant les dangers de l'expérience gnostique de certains mouvements pseudo-religieux et culturels préoccupants, sont invités à annoncer le Royaume de Dieu.

En outre, le Chemin est un espace et un temps pour le dialogue, pour la réconciliation et pour la paix; il constitue un itinéraire de fraternité spirituelle, ainsi qu'une impulsion à l'engagement oecuménique, conformément à la vocation universelle de l'Eglise. L'hospitalité, caractéristique inhérente au pèlerinage, constitue également un apport important à la société européenne actuelle, où le phénomène de la migration requiert une attention particulière.

5. Cette Année Sainte nous offre l'occasion propice pour donner une vigueur renouvelée à notre engagement à l'égard des valeurs de la Bonne Nouvelle, en les proposant de façon convaincante aux nouvelles générations et en engageant avec elles la vie personnelle, familiale et sociale.

C'est vers cet objectif que sont orientées les diverses activités pastorales programmées pour le Jubilé, en particulier la réunion de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COM.E.C.E.) et la Rencontre européenne des Jeunes. Ces événements manifestent la vitalité de la foi de l'Eglise, fondée sur la prédication apostolique, et doivent se projeter fraternellement vers l'Amérique et vers les autres continents. Compostelle doit continuer à être la voix prophétique, la lumière resplendissante de vie chrétienne et d'espérance pour les nouvelles voies de l'évangélisation (cf. Discours sur la Place de l'Obradoiro, 19 août 1989, n. 2).

6. Je confie cette année de Saint-Jacques à la Sainte Vierge du Chemin, Vierge en pèlerinage, icône de l'Eglise en marche dans le désert de l'histoire, qui accompagnera les pèlerins sur leur itinéraire pénitentiel, et à la protection de saint Jacques, qui les accueillera en souriant à leur arrivée au Portique de la Gloire, avec la certitude que les fruits abondants de cette célébration jubilaire aideront à raviver la vie chrétienne, en nous conservant solidement dans la foi, assurés dans l'espérance et constants dans la charité.

Avec ces voeux, et en signe de bienveillance, je vous donne volontiers ma Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 30 novembre 2003, Premier Dimanche de l'Avent.


IOANNES PAULUS II


AUX MEMBRES DU COMITÉ ISLAMO - CATHOLIQUE

Mardi 20 janvier 2004



Cher Frère Evêque,
Eminents participants à la rencontre du Comité de liaison islamo-catholique

La paix soit avec vous! C'est pour moi un plaisir de vous accueillir au terme de votre IX Rencontre annuelle. Votre Comité, qui facilite le dialogue entre les chrétiens et les musulmans, a été établi au cours d'une période de grande espérance pour la paix mondiale. Malheureusement, cette espérance ne s'est pas encore réalisée. Face aux tragédies qui continuent de frapper l'humanité, il est toujours plus nécessaire de convaincre les peuples que la paix est possible. C'est même un devoir (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 2004, n. 4). Je vous encourage, ainsi que tous les responsables religieux, à promouvoir une culture du dialogue, de la compréhension mutuelle et du respect. J'invoque sur vous tous d'abondantes Bénédictions de Dieu tout-puissant.

   

À S.E. MONSIEUR GUIDO DE MARCO, PRÉSIDENT DE MALTE

Jeudi 22 janvier 2004

Monsieur le Président,

Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue au Vatican, ainsi qu'à votre famille. Votre visite me ramène à l'esprit de vifs souvenirs de mon voyage à Malte, il y a trois ans, et de l'accueil chaleureux que j'ai reçu. Mon pèlerinage jubilaire sur les traces de saint Paul a été pour moi l'occasion d'apprécier une fois de plus l'antique héritage chrétien de votre pays et d'encourager ses citoyens dans leurs efforts afin d'édifier une société digne de sa noble tradition culturelle. La force de Malte a toujours été constituée par les familles, qui ont non seulement enrichi le tissu social, mais également contribué de façon significative à la mission universelle de l'Eglise, notamment à travers leurs abondants fruits de vocations sacerdotales et religieuses. Puissent les familles trouver toujours un encouragement et un soutien dans leur devoir d'éduquer les jeunes, qui sont l'avenir de Malte. Sur vous, et sur tout le bien-aimé peuple de Malte, de tout coeur, j'invoque de Dieu les abondantes Bénédictions de prospérité, de joie et de paix.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE FRANCE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 24 janvier 2004



Chers Frères dans l’Épiscopat et dans le Sacerdoce,

1. Je suis heureux de reprendre les audiences avec les Évêques de France pendant leurs visites ad limina. Je vous accueille avec joie, vous les Évêques des provinces de Toulouse et de Montpellier. Je remercie Monseigneur Émile Marcus, Archevêque de Toulouse, pour ses paroles aimables, me réjouissant de l'esprit de collaboration qui existe entre vos deux provinces, collaboration largement facilitée par les liens historiques et par la présence de l'Institut catholique et du séminaire diocésain de Toulouse, qui accueillent notamment des séminaristes de toute la région. En tant que responsable de la Commission épiscopale des ministères ordonnés, Mgr Marcus vient de me faire part de vos interrogations et de vos inquiétudes quant à l'avenir du clergé, rappelant la situation particulièrement alarmante que traverse votre pays et dont les rapports quinquennaux des diocèses de France donnent malheureusement le témoignage. Je fais monter vers le Seigneur une prière incessante pour que des jeunes acceptent d'entendre l'appel au sacerdoce – tout spécialement au sacerdoce diocésain – et s'engagent à la suite du Christ, en quittant tout à la manière des apôtres, comme nous le rappelait opportunément le texte de l'Évangile de la Messe qui ouvrait cette année le temps ordinaire (cf. Lundi de la première semaine, Mc 1,14-20).

2. C’est donc cette question du sacerdoce diocésain, essentiel pour les Églises locales, dont je souhaite m’entretenir avec vous aujourd’hui. Je comprends aisément que, comme les prêtres, vous puissiez parfois être démoralisés devant la situation et les perspectives d’avenir, mais je voudrais vous inviter à l'espérance et à un engagement toujours plus résolu en faveur du sacerdoce. Même s'il convient d’être réalistes devant les difficultés, il ne faut pas cependant céder au découragement, ni se contenter de regarder les chiffres et la baisse du nombre de prêtres, dont nous ne pouvons pas d’ailleurs nous sentir totalement responsables. En effet, comme le soulignait justement la Lettre aux catholiques de France publiée par votre Conférence épiscopale en 1996, qui demeure toujours d’actualité, la crise que traverse l’Église est pour une large part due à la répercussion, au sein même de l’institution ecclésiale comme dans la vie de ses membres, des mutations sociales, des nouvelles formes de comportement, de la perte des valeurs morales et religieuses, et d’une attitude consumériste largement répandue. Avec l'aide du Christ et conscients de l’héritage qui est le nôtre, il nous faut cependant, dans l'adversité, proposer sans cesse la vie sacerdotale aux jeunes, comme un engagement généreux et une source de bonheur, en prenant soin de renouveler et de raffermir la pastorale des vocations.

Ce qui peut éloigner la jeunesse, souvent marquée par la vie facile et superficielle, c'est d’abord l'image du prêtre, dont l'identité, dans la société moderne, est peu assurée et de moins en moins claire, et dont la charge est aussi de plus en plus lourde. Il est essentiel de raffermir cette identité, en faisant apparaître de manière plus nette les contours de la figure du prêtre diocésain. En effet, comment des jeunes pourraient-ils être attirés par une forme de vie s’ils n’en saisissent pas la grandeur et la beauté, et si les prêtres eux-mêmes ne prennent pas soin d’exprimer leur enthousiasme pour la mission de l’Église ? Homme au milieu de ses frères, mis à part pour mieux les servir, le prêtre trouve sa joie et son équilibre de vie dans sa relation au Christ et dans son ministère. Il est le pasteur du troupeau, qui guide le peuple de Dieu, qui célèbre les sacrements, qui enseigne et annonce l’Évangile, assurant aussi une paternité spirituelle par l’accompagnement des fidèles. En tout cela, il est à la fois le témoin et l’apôtre qui, à travers les différents actes de son ministère, manifeste son amour pour le Christ, pour l’Église et pour les hommes.

L'importance, la diversité et la lourdeur de la mission que les prêtres de la génération présente ont à assumer donnent l’impression d’un ministère éclaté et n’invitent sans doute pas toujours des jeunes à suivre leurs devanciers. À ce propos, je voudrais saluer le courage, le zèle et la ténacité des prêtres, qui accomplissent leur ministère dans des conditions souvent très difficiles, au sein d’une société où ils ne sont pas tellement reconnus. Puissent-ils ne pas se décourager, mais trouver dans le Christ l’audace pour accomplir la mission qui leur est confiée ! Avec eux je rends grâce pour leur fidélité, signe de leur amour profond pour le Christ et pour l’Église. Qu’ils n’oublient jamais que par les actes de leur ministère ils rendent présente la tendresse de Dieu et qu’ils communiquent aux hommes la grâce dont ils ont besoin ! Portez-leur l’affection du Successeur de Pierre, qui les accompagne quotidiennement par sa prière ! Invitez-les, dans les rencontres avec les jeunes et dans leurs homélies, à rendre compte du bonheur qu’il y a à suivre le Christ dans le sacerdoce diocésain ! Ma prière affectueuse rejoint tout spécialement les prêtres âgés ou malades, qui, par leur vie d’intercession et par un ministère à la mesure de leurs forces, continuent de servir l’Église, d’une autre maniere.

3. Les urgences de la mission et les sollicitations multiples des hommes font courir aux prêtres, trop peu nombreux, le risque de négliger ou de laisser s’affadir leur vie spirituelle; de même, ils ont à concilier les exigences de l’existence quotidienne, du ministère, de la formation permanente et de leur temps de repos pour refaire leurs forces, afin de ne pas mettre en péril leur équilibre de vie humain et affectif. Ce qui compte avant tout pour le prêtre, c’est l’édification et la croissance de sa vie spirituelle, fondée sur une relation quotidienne avec le Christ, structurée par la célébration eucharistique, la Liturgie des Heures, la lectio divina et l’oraison. C’est cette relation qui fait l’unité de l’être sacerdotal et du ministère. Plus la charge est lourde, plus il importe d’être proche du Seigneur afin de trouver en lui les grâces nécessaires au service pastoral et à l’accueil des fidèles. C’est en effet l’expérience spirituelle personnelle qui permet de vivre dans la fidélité et de raviver sans cesse le don reçu par l’imposition des mains (cf. 2Tm 1,6). De même, comme je le rappelais dans l’exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, les réponses à la crise du ministère que connaissent beaucoup de pays résident dans un acte de foi total à l’Esprit Saint (cf. PDV 1), dans une structuration toujours plus forte de la vie spirituelle des prêtres eux-mêmes, qui les maintiennent dans une marche exigeante dans la voie de la sainteté (cf. PDV 19-20), et dans une formation permanente, qui est comme l’âme de la charité pastorale (cf. PDV 70-81). Il vous revient de veiller à ce que les membres du presbyterium enracinent leur mission sur une vie de prière régulière et fidèle, et sur la pratique du sacrement de la pénitence.

4. Des prêtres, notamment parmi les plus jeunes, éprouvent le besoin d’une expérience sacerdotale fraternelle, voire d’une démarche communautaire, pour se soutenir et atténuer les difficultés que certains peuvent éprouver face à l’inévitable solitude liée au ministère, bien que, parfois de manière paradoxale, ils vivent leur ministère de façon trop individuelle. Je les encourage à développer leur désir de vie fraternelle et de collaboration mutuelle, qui ne peut qu’affermir la communion au sein du presbyterium diocésain, autour de l’Évêque. Il vous revient, avec les membres de votre conseil épiscopal de prendre en compte ce désir, en proposant aux prêtres des insertions ministérielles où ils puissent, si possible, établir des liens forts avec des confrères. Je vous invite, vous aussi, à être toujours plus proches de vos prêtres, qui sont vos premiers collaborateurs. C’est d’abord avec eux que vous devez sans cesse développer une relation pastorale et fraternelle forte, marquée par la confiance réciproque et par la proximité affectueuse. Il est bon que, à intervalles réguliers, comme certains le font déjà, vous puissiez vous rendre chez les prêtres, mesurant ainsi davantage leurs conditions de vie et de ministère, et manifestant votre attention à la réalité quotidienne de leur existence.

De même, j’encourage les prêtres, toutes générations confondues, à être toujours davantage proches les uns des autres, à développer leur fraternité sacerdotale et les collaborations pastorales, sans peur des différences, ni des sensibilités spécifiques, qui peuvent être bénéfiques pour le dynamisme de l’Église locale. Dans cet esprit, la participation à une association sacerdotale constitue une aide précieuse. Plus les liens de communion et d’unité seront forts entre l’Évêque et ses prêtres, et entre les prêtres eux-mêmes, plus sera grande la cohésion diocésaine, plus sera fort le sens de la mission commune et plus les jeunes pourront avoir envie de rejoindre le presbyterium. La vie fraternelle des ministres de l’Église est sans aucun doute une façon concrète de proposer la foi et d’appeler les fidèles à développer des relations renouvelées, à vivre davantage dans l’amour qui nous vient du Seigneur. Car c’est à cela, comme le dit l’Apôtre, que nous serons reconnus comme disciples et que nous pourrons annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Plus encore, en cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, comment ne pas nous sentir responsables de l’unité au sein même du presbyterium, comme y exhortait saint Ignace d’Antioche: «Votre presbyterium, digne de sa réputation, digne de Dieu, est accordé à l’Évêque comme les cordes à la cithare; ainsi, dans l’accord de vos sentiments et l’harmonie de votre charité, vous chantez Jésus Christ [...]. Il est donc utile que vous soyez dans une irréprochable unité, pour être toujours participants de Dieu» (Lettre aux Éphésiens, IV, 1-2).

La disparité du nombre de prêtres entre les diocèses ne cesse de s’accroître. La nouvelle organisation de l’Église en France, désormais découpée en provinces, peut permettre, sur ce plan là, des collaborations intéressantes, pour une meilleure répartition sacerdotale en fonction des besoins, pour une coopération au niveau des services diocésains et dans les différentes instances administratives. À ce propos, je tiens à saluer les diocèses qui vivent déjà ce partage fraternel, remerciant les prêtres qui acceptent, au moins pour un temps, de quitter leur diocèse, auquel ils demeurent légitimement liés, pour servir l’Église dans des zones à plus faible présence ministérielle, avec le souci de constituer de véritables communautés sacerdotales, dans une disponibilité particulièrement éloquente.

5. Dans le monde actuel, la question du célibat ecclésiastique et de la chasteté qui lui est liée demeure souvent, pour les jeunes comme pour d’autres fidèles, une pierre d’achoppement, sujette à de nombreuses incompréhensions dans l’opinion publique. Je veux tout d’abord saluer la fidélité des prêtres, qui s’attachent à vivre en plénitude cette dimension essentielle de leur vie sacerdotale, montrant ainsi au monde que le Christ et la mission peuvent combler une existence et que l’attachement au Seigneur, dans le don total de ses puissances de vie, constitue un témoignage rendu à l’absolu de Dieu et une participation particulièrement féconde à la construction de l’Église. J’invite les prêtres à demeurer vigilants face aux séductions du monde et à faire régulièrement un examen de conscience pour vivre toujours plus profondément dans la fidélité à leur engagement, qui les conforme au Christ, chaste et totalement donné au Père, et qui est une contribution importante à l’annonce de l’Évangile. Toute attitude qui va à l’encontre de cet engagement constitue pour la communauté chrétienne et pour tous les hommes un contre-témoignage. Il vous revient d’être attentifs aux conditions affectives de la vie des prêtres et à leurs éventuelles difficultés. Vous savez par expérience que les jeunes prêtres, comme tous leurs contemporains, sont marqués à la fois par un extraordinaire enthousiasme et par les fragilités de leur époque, que vous connaissez bien. Il est bon de les accompagner avec grand soin, en nommant peut-être un prêtre d’une grande sagesse pour les soutenir dans les premières années ministérielles. Une aide psychologique et spirituelle appropriée peut aussi s’avérer nécessaire, pour ne pas laisser perdurer des situations qui pourraient se révéler à long terme dangereuses. De même, dans les cas où des prêtres auraient un mode de vie non conforme à leur état, il importe de les inviter expressément à la conversion. La chasteté dans le célibat a une valeur inestimable. Elle constitue une clé importante pour la vie spirituelle des prêtres, pour leur engagement dans la mission et pour leur juste rapport pastoral avec les fidèles, qui ne doit pas d’abord reposer sur des aspects affectifs mais sur la responsabilité qui leur incombe dans le ministère. Ainsi identifiés au Christ, ils se rendent toujours plus disponibles au Père et aux motions de l’Esprit Saint.

6. Face aux charges de plus en plus lourdes que les prêtres doivent affronter, il est important de les aider à discerner les priorités et à favoriser les collaborations confiantes avec les laïcs, dans le respect des responsabilités qui incombent à chacun. Je sais la joie et le bonheur dont ils font l’expérience dans leur ministère, dans l’annonce de la Parole de Dieu, dans les contacts directs avec des hommes, des femmes et des enfants, dans le partage des responsabilités avec des laïcs. Qu’y a-t-il de plus beau pour un pasteur que de voir des fidèles grandir en humanité et dans la foi, et prendre leur place dans l’Église et dans la société ?

La déchristianisation croissante est le défi majeur du moment, que je vous appelle à relever, mobilisant à cet effet tous les prêtres de vos diocèses. L’urgence est à la mission, à laquelle tous les disciples du Seigneur se doivent de participer, à l’évangélisation d’un monde qui, non seulement ne connaît plus les aspects fondamentaux du dogme chrétien, nécessaires pour une existence chrétienne et une participation fructueuse à la vie sacramentelle, mais qui a, pour une grande part, perdu même la mémoire des éléments culturels du christianisme.

7. Les diacres permanents, le plus souvent mariés, dont le nombre ne cesse de croître dans vos diocèses, ont un rôle important, dans les Églises diocésaines. Je les salue affectueusement, eux-mêmes, ainsi que leurs épouses et leurs enfants, qui, par leur proximité et leur soutien, les aident dans leur ministère; vos rapports témoignent de l’estime que vous leur portez et de la confiance que vous leur faites. J’apprécie la mission qu’ils remplissent, car ils sont parfois au contact de milieux très éloignés de l’Église; ils sont reconnus par leurs frères en raison de leurs compétences professionnelles et de leur proximité fraternelle avec les personnes et la culture dans laquelle elles sont immergées. Ils présentent un visage caractéristique de l’Église, qui aime être proche des gens et de leur réalité quotidienne, pour enraciner dans leur vie l’annonce du message du Christ, à la manière de saint Paul à Athènes, dont rend compte l’épisode de l’aréopage (cf. Ac 17,16-32). Que tous soient remerciés pour la mission d’Église qu’ils remplissent comme serviteurs de l’Évangile, en accompagnant, souvent dans le cadre professionnel qui est le contexte premier de leur ministère, le peuple chrétien, donnant un témoignage primordial de l’attention de l’Église à toutes les couches de la société et s’attachant, par la parole et par leur vie personnelle, conjugale et familiale exigeante, à faire connaître le message chrétien et à faire réfléchir les hommes et les femmes sur les grandes questions de société, pour que resplendissent les valeurs évangéliques !

Au terme de notre rencontre, je vous demande de porter mes salutations affectueuses à tous les fidèles de vos diocèses et de transmettre de manière toute particulière ma proximité spirituelle aux familles sinistrées par les différentes inondations qui ont touché les habitants de la région et par le tragique accident de l'usine AZF, rappelant aux chrétiens et à tous les hommes de bonne volonté la nécessité d’une attention et d’une solidarité toujours plus grande envers nos frères qui sont dans l’épreuve.

En vous confiant, ainsi que les prêtres, les diacres et tout le peuple chrétien dont vous avez la charge à l’affection maternelle de la Vierge Marie, Mère de l’Église et notre Mère, je vous accorde de grand coeur, ainsi qu’à tous vos diocésains, la Bénédiction apostolique.


AU GROUPE DU CENTRE DE FORMATION CULTURELLE ET ARTISTIQUE DE POLOGNE

Dimanche 25 janvier 2004



Je souhaite une cordiale bienvenue à tous les artistes et aux personnes qui les accompagnent. Merci beaucoup de m'avoir confié le "Livre des Chérubins" - le registre des dons généreux offerts par les personnes qui savent valoriser tout type de créativité dans la vie des sociétés et des peuples.

J'ai écrit un jour que dans l'homme artisan se reflète l'image du Créateur (cf. Lettre aux Artistes, n. 1). Je répète aujourd'hui ces paroles devant les représentants de la Fondation, qui a pour but la promotion du style créatif dans la vie, en particulier parmi les jeunes. Je les répète comme motivation fondamentale du bien-fondé de votre oeuvre. Je le dis également pour faire noter à tous les artistes ici présents que cette façon de refléter Dieu implique une profonde responsabilité.

Responsabilité avant tout envers soi-même et pour son propre talent. Le talent artistique est un don de Dieu et celui qui le découvre en soi ressent dans le même temps une certaine obligation: il sait qu'il ne peut gâcher ce talent, mais qu'il doit le développer. Il se rend également compte qu'il ne le développe pas pour sa propre satisfaction, mais pour servir à travers son talent son prochain et la société dans laquelle il lui a été donné de vivre. Telle est la seconde dimension de la responsabilité d'un artiste - l'engagement à former l'esprit des sociétés et des peuples.

C'est dans cette perspective que se dévoile la troisième dimension de la responsabilité, que le philosophe grec Platon a synthétisée dans la phrase: "La puissance du Bien se réfugie dans la nature du Beau" (Philèbe, 65). Lorsque l'on parle de la créativité, on pense immédiatement au beau. Toutefois, le beau ne peut commencer à exister que lorsque dans sa nature réside la puissance du bien. L'artiste est donc responsable non seulement de la dimension esthétique du monde et de la vie, mais également de sa dimension morale. Si on ne se laisse pas guider par le bien dans la créativité, ou, pire, si on se dirige vers le mal, l'artiste n'est pas digne de ce nom.

Je confie à vos coeurs cette triple responsabilité, chers jeunes qui désirez vivre de façon créative, et vous tous qui voulez les aider de diverses façons. Soyez fidèles au beau et soyez fidèles au bien. Que cela vous rapproche de Dieu, le premier Créateur du beau et du bien, afin que vous puissiez aider les autres à puiser à cette source une inspiration pour leur croissance spirituelle. Que Dieu vous assiste!

Je vous bénis de tout coeur pour ces efforts créatifs.


Discours 2004 - A Sa Béatitude