Discours 2004 - Samedi 20 mars 2004


LX ANNIVERSAIRE DE LA RECONSTRUCTION DE L'ABBAYE ET XL DE LA PROCLAMATION DE SAINT BENOÎT PATRON D'EUROPE

MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AU PÈRE BERNARDO D'ONORIO, ABBÉ DU MONT-CASSIN




Au vénéré frère
R.P. Bernardo D'ONORIO, o.s.b.,
Abbé du Mont-Cassin

Soixante ans sont passés depuis les combats qui marquèrent dramatiquement l'histoire du Mont-Cassin et de sa région, mais leur écho est encore présent et vivant dans les âmes et les existences d'un très grand nombre de personnes et de familles de cette terre ancienne et illustre. Le 15 février 1944, un bombardement terrible rasa totalement l'Abbaye; un mois plus tard, le 15 mars, la ville de Cassino fut frappée. Mais finalement, le 18 mai, les combats cessèrent et une vie nouvelle commença dans cette région.

Je vous suis reconnaissant, cher Père Abbé, de m'avoir tenu informé des célébrations auxquelles la communauté diocésaine et citadine, réunie autour de la vénérable tombe de saint Benoît, s'apprête à participer, en retournant par la pensée à ces mois de souffrance et de douleur, mais également d'espérance et de solidarité. Je profite volontiers de cette opportunité pour adresser à ses membres mes salutations cordiales, avec l'assurance de ma proximité spirituelle, renforcée par le souvenir constant des visites que j'ai eu la possibilité d'accomplir à l'Abbaye et au cimetière polonais voisin.

Au moment où l'on commémore les deuils et les destructions, je m'unis par la prière à ceux qui renouvellent leurs prières d'intention chrétiennes pour toutes les victimes. Ma pensée va aussi, en ce moment, à tous ceux qui offrirent leur contribution à la cause de la justice et de la paix. Je souhaite, en particulier, fixer mon regard sur l'Abbaye du Mont-Cassin, véritable écrin d'un précieux trésor de spiritualité, de culture et d'art. Le fait que l'ancien monastère ait été totalement rasé par la guerre, mais ait été ensuite parfaitement reconstruit, devient, pour nous croyants, une invitation à l'espérance, et nous pousse à voir dans cet épisode une sorte de symbole de la victoire du Christ sur le mal et de la possibilité qui appartient à l'homme, avec la force de la foi en Dieu et de l'amour fraternel, de surmonter les conflits les plus âpres pour faire triompher le bien, la justice et la concorde.

La Deuxième Guerre mondiale a été un abîme de violence, de destruction et de mort tel que l'on n'en avait jamais connu jusqu'alors (cf. Message pour la XXXVII Journée mondiale de la Paix, 1 janvier 2004, n. 5). L'événement du Mont-Cassin mérite d'être commémoré et présenté comme une invitation pressante à la réflexion et un appel à tous au sens de la responsabilité. Par bonheur, les nouvelles générations italiennes et européennes n'ont pas vécu directement la guerre. Mais elles ont tout de même connaissance des drames provoqués par les guerres à travers les victimes qu'un grand nombre de conflits font dans différentes régions du monde. Les jeunes sont l'espérance de l'humanité. Ils doivent donc pouvoir grandir dans un climat d'éducation constante et concrète à la paix. Il faut qu'ils apprennent de l'histoire une leçon fondamentale de vie et de coexistence solidaire: le droit de la force détruit, quand la force du droit construit.

Telle est la pensée que je soumets à tous ceux qui prennent part à ces cérémonies commémoratives. Je participe en esprit à celles-ci par une prière spéciale à saint Benoît qui, il y a précisément quarante ans, fut proclamé Patron de l'Europe. J'invoque également les saints Cyrille et Méthode, co-patrons du continent, dont nous avons célébré hier la fête, ainsi que la Vierge Marie, Reine de la Paix, première d'entre tous. Puisse la famille des Nations connaître un élan renouvelé et commun au service de la paix dans la justice.

A vous, vénéré frère, aux révérends moines, aux Autorités civiles et militaires et à toute la population, je donne de tout coeur une Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 15 février 2004.

IOANNES PAULUS II




MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES SOEURS MISSIONNAIRES DE L'APOSTOLAT CATHOLIQUE (PALLOTTINES)




A Soeur Stella Holisz
Supérieure générale
des Soeurs missionnaires de l'Apostolat catholique

Avec une profonde affection dans le Seigneur, je vous transmets mes salutations, ainsi qu'à toutes les Soeurs missionnaires de l'Apostolat catholique, à l'occasion de votre XV Chapitre général, au cours duquel vous réfléchirez sur le thème: "Ravive ton premier amour - réponds aux défis actuels". En vous assurant de mes prières pour le succès de votre assemblée, je rends grâce au Seigneur pour votre dévouement à son Royaume. Guidées par le Saint-Esprit, et inspirées par l'exemple de Saint Vincenzo Pallotti, je suis certain que votre Chapitre constituera une source d'encouragement pour toutes les soeurs en vue de renouveler leur engagement à témoigner de l'unité indissoluble de l'amour de Dieu et de l'amour de son prochain (cf. Vita consecrata VC 63).

Votre vocation de missionnaires, modelée sur la vie des Apôtres, montre de façon éloquente que plus l'on vit dans le Christ, mieux on le sert dans les autres, en allant jusqu'aux avant-postes de la mission et en faisant face aux plus grands risques (cf. ibid., VC 76). Le ferme engagement visant à faire connaître et aimer le Christ trouve son origine sublime dans l'"amour à sa source" du Père, rendu présent dans la mission du Fils et de l'Esprit Saint (cf. Ad gentes AGD 2). Animées par l'amour irrésistible du Christ, vous ne pouvez pas ne pas partager ce que vous avez entendu (cf. Ac 4,20) à propos de cette source d'espérance et de joie qui a animé votre première réponse à l'appel du Seigneur et qui a continué de vous renforcer dans la vie de service apostolique aux autres.

Dans un monde où les ombres de la pauvreté, de l'injustice, et du sécularisme planent sur tous les continents, la nécessité d'authentiques disciples de Jésus Christ demeure plus urgente que jamais. C'est précisément le témoignage de l'Evangile du Christ qui dissipe les ombres et illumine le chemin de la paix, en promouvant l'espérance dans le coeur des personnes même les plus marginalisées et rejetées. Les hommes et les femmes que vous rencontrez appartenant à de nombreuses religions, cultures et groupes sociaux, et à la recherche d'un sens et d'une dignité dans leur vie, ne pourront jamais voir leurs aspirations satisfaites par une vague religiosité. Ce n'est qu'à travers la fidélité joyeuse au Christ et une proclamation courageuse de celui-ci en tant que Seigneur - un témoignage fondé sur son commandement d'aller et de faire des disciples de toutes les nations (cf. Mt 28,19) - que vous pourrez aider les autres à le connaître. Ce faisant, vous ferez l'expérience de la beauté dans toute sa splendeur et de la fécondité de votre vocation missionnaire.

Chères Soeurs, l'Eglise se tourne vers vous afin que vous "parliez" du Christ à ceux que vous servez et que vous le leur "montriez" (cf. Novo Millennio ineunte NM 16). Un tel témoignage exige que vous-mêmes soyez les premières à contempler le visage du Christ. Vos programmes de formation initiale et permanente doivent donc aider toutes les soeurs à se conformer totalement au Christ et à son amour du Père. Pour que cette formation soit véritablement chrétienne, chacun de ses aspects doit reposer sur une base spirituelle profonde qui modèle la vie de chaque soeur. De cette façon, non seulement vous continuerez à "voir" Dieu avec les yeux de la foi, mais vous rendrez de façon efficace sa présence "perceptible" aux autres à travers l'exemple de vos propres vies (cf. Vita consecrata VC 68) - des vies marquées par le zèle et la compassion pour les pauvres qui sont si souvent associés à votre bien-aimé Fondateur.

En invoquant sur vous l'intercession de saint Vincenzo Pallotti, dont c'est aujourd'hui l'anniversaire du dies natalis, ainsi que la protection de votre Patronne, Marie, Mère des Apôtres, je vous donne avec joie, ainsi qu'à toutes les Soeurs missionnaires de l'Apostolat catholique, ma Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 22 janvier 2004

IOANNES PAULUS PP. II



AUX MEMBRES DU DIRECTOIRE DU PRIX CHARLEMAGNE

Mercredi 24 mars 2004  


Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs, les membres du Directoire du Prix Charlemagne,
Eminences,
Excellences,
illustres hôtes,
Mesdames et Messieurs!

1. Je souhaite à tous une cordiale bienvenue ici, au Vatican. J'adresse un salut particulier aux représentants de la ville d'Aix-la-Chapelle avec le Maire, M. Linden et les hôtes de la République fédérale d'Allemagne. Conscients que l'Eglise catholique a à coeur l'union de l'Europe, vous êtes venus rendre honneur au Successeur de Pierre à travers le Prix international Charlemagne. Si je peux recevoir aujourd'hui ce Prix conféré de façon extraordinaire et unique, je le fais avec gratitude envers Dieu tout-puissant, qui a comblé les peuples européens d'un esprit de réconciliation, de paix et d'unité.

2. Le prix, à travers lequel la ville d'Aix-la-Chapelle veut honorer les mérites envers l'Europe, prend à juste titre le nom de l'empereur Charlemagne. En effet, le roi des Francs, qui fit d'Aix-la-Chapelle la capitale de son royaume, apporta une contribution essentielle aux fondements politiques et culturels de l'Europe et mérita ainsi, déjà de ses contemporains, de recevoir le nom de Pater Europae. L'heureuse union de la culture classique et de la foi chrétienne avec les traditions de divers peuples a pris forme dans l'empire de Charlemagne et s'est développée sous diverses formes en héritage spirituel et culturel de l'Europe tout au long des siècles. Même si l'Europe moderne présente sous de nombreux aspects une réalité nouvelle, on peut toutefois reconnaître une haute valeur symbolique à la figure historique de Charlemagne.

3. Aujourd'hui, l'unité européenne croissante a également d'autres pères. D'une part, on ne doit pas sous-estimer les penseurs et les hommes politiques qui ont donné et donnent la priorité à la réconciliation et à la croissance commune de leurs peuples au lieu d'insister sur leurs propres droits et sur l'exclusion. Dans ce contexte, je voudrais rappeler ceux qui ont été récompensés jusqu'à présent; nous pouvons saluer certains d'entre eux qui sont ici présents. Le Siège apostolique reconnaît et encourage leurs activités et l'engagement de nombreuses autres personnalités en faveur de la paix et de l'unité des peuples européens. Je remercie en particulier tous ceux qui placent leurs forces au service de la construction de la Maison européenne commune sur la base des valeurs transmises par la foi chrétienne comme sur la base de la culture occidentale.

4. Etant donné que le Saint-Siège se trouve sur un territoire européen, l'Eglise possède des relations particulières avec les peuples de ce continent. C'est pourquoi, dès le début, le Saint-Siège a participé au processus d'intégration européenne. Après la terreur de la Deuxième guerre mondiale, mon prédécesseur Pie XII de vénérée mémoire, a démontré le profond intérêt de l'Eglise, en appuyant de façon explicite l'idée de la formation d'une "union européenne", en ne laissant aucun doute quant au fait que l'affirmation valable et durable d'une telle union exigeait de se référer au christianisme comme facteur d'identité et d'unité (cf. Discours du 11 novembre 1948 à l'Union des fédéralistes européens à Rome).

5. Mesdames et messieurs! Quelle est l'Europe dont on devrait rêver aujourd'hui? Permettez-moi de tracer ici une rapide esquisse de la vision que j'ai d'une Europe unie.

Je pense à une Europe sans nationalismes égoïstes, dans laquelle les nations sont considérées comme les centres vivants d'une richesse culturelle qui mérite d'être protégée et promue au bénéfice de tous.

Je pense à une Europe dans laquelle les conquêtes de la science, de l'économie et du bien-être social ne sont pas orientées vers un consumérisme privé de sens, mais sont au service de chaque homme dans le besoin et de l'aide solidaire pour les pays qui cherchent à atteindre l'objectif de la sécurité sociale. Puisse l'Europe qui a souffert au cours de son histoire de tant de guerres sanglantes, devenir un promoteur actif de la paix dans le monde!

Je pense à une Europe dont l'unité se fonde sur la véritable liberté. La liberté de religion et les libertés sociales mûrissent comme des fruits précieux sur l'humus du christianisme. Il n'y a pas de responsabilité sans liberté: ni devant Dieu, ni devant les hommes. Surtout après le Concile Vatican II, l'Eglise a voulu laisser un ample espace à la liberté. L'Etat moderne est conscient de ne pas pouvoir être un Etat de droit s'il ne protège pas et ne promeut pas la liberté des citoyens dans leurs possibilités d'expression, tant individuelles que collectives.

Je pense à une Europe unie grâce à l'engagement des jeunes. Les jeunes se comprennent les uns les autres avec tant de facilité, au-delà des frontières géographiques! Mais comment une génération de jeunes ouverte à ce qui est vrai, ce qui est beau, ce qui est noble et ce qui est digne de sacrifices peut-elle naître si, en Europe, la famille ne se présente plus comme une institution ouverte à la vie et à l'amour désintéressé? Une famille dont les personnes âgées font également partie intégrante en vue de ce qui est le plus important: la transmission active des valeurs et du sens de la vie.

L'Europe que j'ai à l'esprit est une unité politique, mais plus encore spirituelle, dans laquelle les hommes politiques chrétiens de tous les pays agissent dans la conscience des richesses humaines que la foi porte en elle: des hommes et des femmes engagés à faire fructifier ces valeurs, en se plaçant au service de tous en vue d'une Europe de l'homme, dans laquelle resplendisse le visage de Dieu.

Tel est le rêve que je porte dans mon coeur et que je voudrais vous confier à cette occasion, ainsi qu'aux générations futures.

6. Monsieur le Maire, je voudrais à nouveau vous remercier, ainsi que le Directoire du Prix Charlemagne. J'implore de tout coeur d'abondantes Bénédictions de Dieu sur la ville et sur le diocèse d'Aix-la-Chapelle, ainsi que sur tous ceux qui s'engagent en vue du bien véritable des hommes et des peuples d'Europe.


AUX ÉVÊQUES D'AUSTRALIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Vendredi 26 mars 2004


  Eminences,
Chers frères Evêques,

1. "Grâce, miséricorde, paix, de par Dieu le Père et le Christ Jésus notre Seigneur" (1Tm 1,2). Je vous souhaite une cordiale bienvenue avec une affection fraternelle, chers Evêques d'Australie. Je remercie S.Exc. Mgr Caroll des bons voeux et des sentiments cordiaux exprimés en votre nom. Je vous exprime en retour mes meilleurs voeux et je vous assure de mes prières pour vous et pour ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux. Votre première visite "ad limina Apostolorum" de ce nouveau millénaire représente une occasion pour rendre grâce à Dieu du don immense de la foi en Jésus Christ, qui a été accueillie et conservée par les populations de votre pays (cf. Ecclesia in Oceania, n. 1). En tant que serviteurs de l'Evangile pour l'espérance du monde, votre visite auprès de Pierre (cf. Ga 1,18) affirme et consolide cette collégialité qui donne vie à l'unité dans la diversité et qui sauvegarde l'intégrité de la tradition transmise par les Apôtres (cf. Pastores gregis ).

2. L'appel de notre Seigneur: "Suivez-moi" (Mt 4,19) est valable aujourd'hui encore, comme il l'était sur les rives du lac de Galilée il y a plus de deux mille ans. La joie et l'espérance de la "sequela" chrétienne caractérisent la vie d'innombrables prêtres, religieux et hommes et femmes de foi australiens, qui, ensemble, cherchent à répondre à l'appel du Christ en faisant en sorte que sa vérité influe sur la vie ecclésiale et civile de votre nation. Toutefois, il est également vrai que l'idéologie pernicieuse du sécularisme a trouvé un terrain fertile en Australie. A la racine de ce développement préoccupant, se trouve la tentative de promouvoir une vision de l'humanité privée de Dieu. Celle-ci exacerbe l'individualisme, détruit le lien fondamental entre la liberté et la vérité et corrode les rapports de confiance qui caractérisent une vie sociale authentique. Vos rapports quinquennaux décrivent sans équivoque certaines des conséquences destructrices de cette éclipse du sens de Dieu: l'affaiblissement de la vie familiale, l'éloignement de l'Eglise, une vision limitée de la vie qui ne réussit pas à éveiller dans les personnes l'appel sublime à "se tourner vers une vérité qui les transcende" (Fides et ratio FR 5).

Face à ces défis, lorsque les vents nous sont contraires (cf. Mc 6,48), le Seigneur lui-même dit: "Ayez confiance, c'est moi, soyez sans crainte!" (Mc 6,50). En restant fermes dans votre confiance, vous pouvez vous aussi éloigner l'appréhension et la peur. En particulier dans une culture du "ici et maintenant", les Evêques doivent apparaître comme des prophètes, des témoins et des serviteurs intrépides de l'espérance du Christ (cf. Pastores gregis ). En proclamant cette espérance, qui naît de la Croix, je suis certain que vous guiderez les hommes et les femmes loin des ombres de la confusion morale et du mode de penser ambigu, vers la splendeur de la Vérité et de l'amour du Christ. En effet, ce n'est qu'en comprenant la destination finale de l'humanité, c'est-à-dire la vie éternelle au ciel, qu'il est possible d'expliquer la multiplicité des joies et des difficultés quotidiennes, en permettant aux personnes d'embrasser le mystère de leur vie avec confiance (cf. Fides et ratio FR 81).

3. Le témoignage, de la part de l'Eglise, de la foi qui est en elle (cf. 1P 3,15), est particulièrement puissant lorsque celle-ci se réunit pour le culte. La Messe dominicale, en raison de sa solennité particulière et de la présence obligatoire des fidèles, et du fait qu'elle est célébrée le jour où le Christ a vaincu la mort, exprime de manière extrêmement explicite la dimension ecclésiale intrinsèque de l'Eucharistie: le mystère de l'Eglise est rendu présent dans le monde de façon tangible (cf. Dies Domini, n. 34). Par conséquent, le dimanche est le "jour suprême de la foi", "un jour indispensable", "le jour de l'espérance chrétienne!".

Tout manquement à l'observance dominicale de la Messe affaiblit le disciple chrétien et obscurcit la lumière du témoignage de la présence du Christ dans notre monde. Lorsque le dimanche perd sa signification fondamentale et se retrouve subordonné à un concept séculier de "fin de semaine", dominé par des activités comme le divertissement et le sport, les personnes restent enfermées dans un horizon tellement étroit qu'elles ne réussissent plus à voir le ciel (cf. Dies Domini, n. 4). Au lieu d'être véritablement satisfaites ou ressourcées, elles restent prisonnières d'une recherche de la nouveauté vide de sens et sont privées de la fraîcheur éternelle de l'"eau vive" (Jn 4,11) du Christ. Bien que la sécularisation du jour du Seigneur soit pour vous une source compréhensible de nombreuses préoccupations, vous pouvez toutefois tirer réconfort de la fidélité du Seigneur lui-même, qui continue à inviter son peuple avec un amour qui défie et qui interpelle (cf. Ecclesia in Oceania, n. 3). En exhortant les bien-aimés fidèles d'Australie - et en particulier les jeunes - à rester fidèles à la célébration de la Messe dominicale, je fais miennes les paroles de la Lettre aux Hébreux: "Gardons indéfectible la confession de l'espérance [...] ne désertez pas votre propre assemblée [...] mais encouragez-vous mutuellement" (He 10,23-25).

Je vous suggère, vous qui êtes Evêques, en tant qu'animateurs de la liturgie, d'accorder la priorité pastorale à des programmes catéchétiques qui enseignent aux fidèles la véritable signification du dimanche et qui les incitent à l'observer pleinement. Dans ce but, je vous renvoie à ma Lettre apostolique Dies Domini.Elle décrit le caractère pèlerin et eschatologique du Peuple de Dieu, qui, aujourd'hui, peut être si facilement voilé par une compréhension sociologique superficielle de la communauté. Mémoire d'un événement passé et célébration de la présence vivante du Seigneur Ressuscité parmi son peuple, le dimanche envisage également la gloire future de Son retour et la plénitude de l'espérance et de la joie chrétienne.

4. La mission d'évangélisation de l'Eglise est intimement liée à la liturgie. Alors que le renouveau liturgique, ardemment souhaité par le Concile Vatican II, a conduit à juste titre à une participation plus active et consciente des fidèles aux devoirs qui leur sont propres, cette participation ne doit pas devenir une fin en elle-même. "Il faut être avec Jésus, pour repartir de Jésus, mais toujours revêtu de sa force et de sa grâce" (Ecclesia in Oceania, n. 3).

C'est précisément cette dynamique qu'expriment avec clarté la prière après la communion et le rite de conclusion de la Messe (cf. Dies Domini, n. 45). Envoyés par le Seigneur lui-même dans la vigne - la maison, le lieu de travail, l'école, les organisations civiques - les disciples du Christ ne peuvent pas rester "désoeuvrés sur la place" (Mt 20,3), ni être trop profondément plongés dans l'organisation interne de la vie paroissiale au point de ne pas suivre le commandement d'évangéliser les autres de façon active (cf. Christifideles laici CL 2). Renouvelés par la force du Seigneur Ressuscité et par son Esprit, les disciples du Christ doivent retourner à leur "vigne" en brûlant du désir de "parler" du Christ et de "le montrer" au monde (cf. Novo Millennio ineunte NM 16).

5. La communio existant entre l'Evêque et ses prêtres exige que le bien-être du presbyterium tienne au coeur de chaque Evêque. Le Rapport de conclusion de 1998 (Rencontre interdicastérielle avec une délégation d'Evêques australiens) a souligné, avec raison, le grand dévouement des prêtres qui servent l'Eglise en Australie (cf. n. 19). En exprimant ma satisfaction pour leur service inlassable et gratuit, je vous encourage à écouter toujours vos prêtres comme un père écouterait son fils. Dans un contexte séculier comme le vôtre, il est particulièrement important que vous aidiez vos prêtres à comprendre que leur identité spirituelle doit caractériser de façon consciente toute leur activité pastorale. Le prêtre n'est jamais un administrateur ou un simple défenseur d'un point de vue particulier. A l'image du Bon Pasteur, il est un disciple qui cherche à transcender ses limites personnelles et à vivre joyeusement dans une vie d'intimité avec le Christ. Un rapport de communion profonde et d'amitié avec Jésus, dans lequel le prêtre parle habituellement "coeur à coeur avec notre Seigneur" (), alimentera sa recherche de sainteté, en enrichissant non seulement sa personne, mais également toute la communauté qu'il sert.

C'est en embrassant l'appel universel à la sainteté (cf. 1Th 4,3) que l'on trouve la vocation particulière à laquelle Dieu appelle chaque personne. A ce propos, je suis certain que vos initiatives pour promouvoir une culture des vocations et pour apprécier les divers états de la vie ecclésiale, qui existent afin que "le monde croie" (Jn 17,21), porteront des fruits. En ce qui concerne les jeunes hommes qui répondent généreusement à l'appel de Dieu au sacerdoce, je répète encore une fois qu'ils doivent recevoir toute votre aide dans leur recherche d'une vie de simplicité, de chasteté et de service humble à l'image du Christ, Prêtre Suprême éternel, dont ils doivent devenir des icônes vivantes (cf. Pastores dabo vobis PDV 33).

6. La contribution des hommes et des femmes consacrés à la mission de l'Eglise et à la construction de la société civile a eu une valeur incommensurable dans votre pays. Un grand nombre d'Australiens ont bénéficié de l'engagement plein d'altruisme des religieux dans le domaine du ministère pastoral et de la direction spirituelle, ainsi que dans celui de l'éducation, de l'assistance sociale et médicale et du soin aux personnes âgées. Vos rapports témoignent de votre admiration pour ces hommes et ces femmes, dont "le don de soi par amour du Seigneur Jésus et, en Lui, de chaque membre de la famille humaine" (Vita consecrata VC 3) enrichit grandement la vie de vos diocèses.

Cette reconnaissance profonde de la vie consacrée est accompagnée par votre juste préoccupation face à la diminution du nombre de vocations religieuses dans votre pays. Une plus grande clarté est nécessaire, afin d'organiser la contribution particulière des religieux à la vie de l'Eglise: une mission pour rendre présent l'amour du Christ parmi les hommes (cf. Instruction, Repartir du Christ: un engagement renouvelé de la vie consacrée au troisième millénaire, n. 5). Cette clarté suscitera un nouveau kairos, avec les religieux qui reconfirment avec confiance leur appel et, sous la direction de l'Esprit Saint, proposent de nouveau aux jeunes l'idéal de la consécration et de la mission. Les conseils évangéliques de la chasteté, de la pauvreté et de l'obéissance, embrassées par amour de Dieu, illuminent de façon merveilleuse la fidélité, la domination de soi et la liberté authentique nécessaires pour vivre la plénitude de vie à laquelle tous les hommes et toutes les femmes sont appelés. Avec ces sentiments, j'assure encore une fois aux prêtres religieux, aux frères et aux soeurs qu'ils offrent un témoignage vital en suivant de façon radicale les traces du Christ.

7. Chers frères, je suis heureux de reconnaître vos profonds efforts pour soutenir l'unicité du mariage comme union pour toute la vie, fondée sur un don réciproque généreux et sur un amour sans condition. L'enseignement de l'Eglise sur le mariage et sur la stabilité de la vie familiale offre une vérité salvifique aux personnes et un fondement solide sur lequel ancrer les aspirations de votre pays. Expliquer de façon incisive et fidèle la doctrine chrétienne sur le mariage et sur la famille est très important dans le but de faire obstacle à la vision séculaire, pragmatique et individualiste, qui a gagné du terrain dans le cadre de la législation et qui a même trouvé un certain écho dans l'opinion publique (cf. Ecclesia in Oceania, n. 45). On assiste à une tendance croissante, particulièrement préoccupante, qui assimile le mariage à d'autres formes de coexistence. Cela déforme la nature même du mariage et viole son but sacré dans le dessein de Dieu pour les hommes (cf. Familiaris consortio FC 3).

Faire croître la famille selon la splendeur de la vérité du Christ signifie participer à l'oeuvre de création de Dieu. Elle se trouve au centre de l'appel à promouvoir une civilisation de l'amour. Le profond amour des mères et des pères pour leurs enfants est également celui de l'Eglise, comme l'est également la douleur que ressentent les parents lorsque leurs enfants deviennent la proie de forces et de tendances qui les éloignent du chemin de la vérité, en les laissant désorientés et confus. Les Evêques doivent continuer à soutenir les parents qui, malgré les difficultés sociales souvent déconcertantes du monde actuel, se trouvent dans une position telle qu'ils peuvent exercer une grande influence et offrir de plus vastes horizons d'espérance (cf. Pastores gregis ). La tâche particulière des Evêques est d'assurer que dans la société civile - y compris les moyens de communication sociale et les secteurs de l'industrie et des loisirs - les valeurs du mariage et de la vie familiale soient soutenues et défendues (cf. Ibid., ).

8. Enfin, je désire exprimer ma reconnaissance pour la noble contribution que l'Eglise qui est en Australie apporte en vue de parvenir à la justice sociale et à la solidarité. Votre engagement dans la défense des droits fondamentaux des réfugiés, des migrants et des demandeurs d'asile, et le soutien au développement offert aux Australiens autochtones sont des exemples lumineux de l'"engagement d'un amour actif et concret envers tout être humain" (Novo millennio ineunte NM 49), auquel j'ai appelé toute l'Eglise. Le rôle croissant de l'Australie comme guide dans la région du Pacifique représente pour vous une opportunité de répondre au besoin pressant d'un discernement attentif concernant le phénomène de la mondialisation. La sollicitude attentive à l'égard des personnes pauvres, abandonnées et maltraitées, et la promotion d'une mondialisation de la charité contribueront largement à indiquer un chemin de développement authentique qui dépasse la marginalisation sociale et apporte des bénéfices économiques pour tous (Cf. Pastores gregis ).

9. Chers frères, avec une affection et une gratitude fraternelle, je vous offre ces réflexions et je vous assure de mes prières, alors que vous cherchez à guider les troupeaux qui vous sont confiés. Unis dans votre proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, avancez à présent dans l'espérance! Avec ces sentiments, je vous confie à la protection de Marie, Mère de l'Eglise, et à l'intercession et la direction de la bienheureuse Mary MacKillop. Je vous donne de tout coeur, ainsi qu'aux prêtres, aux diacres, aux religieux et aux fidèles laïcs de vos diocèses, ma Bénédiction apostolique.



AUX PARTICIPANTS AU COURS PROMU PAR LA PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE

Samedi 27 mars 2004

Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans le sacerdoce,
chers jeunes!

1. En ce temps saint de Carême, chemin de l'Eglise vers Pâques sur les traces du Christ Seigneur, je suis heureux d'accueillir tous les participants au cours sur le For interne. Organisé chaque année par le Tribunal de la Pénitencerie apostolique, ce cours est suivi avec un intérêt particulier non seulement par des prêtres et des confesseurs, mais également par des séminaristes qui entendent se préparer à exercer avec générosité et sollicitude le ministère de la Réconciliation, si essentiel pour la vie de l'Eglise.

Je salue tout d'abord le Cardinal James Francis Stafford qui, exerçant la charge de Pénitencier majeur, accompagne pour la première fois ce groupe choisi de maîtres et d'élèves, avec les membres de ce même Tribunal. Je constate avec joie que sont également présents des religieux, dignes d'éloges, de divers Ordres qui se consacrent au ministère de la Pénitence dans les Basiliques patriarcales de Rome, au bénéfice des fidèles de l'Urbs et de l'Orbs. Je vous salue tous avec affection.

2. Il y a trente ans, entrait en vigueur en Italie le nouveau Rite de la Pénitence, promulgué quelques mois auparavant par la Congrégation pour le Culte divin. Il est de mon devoir de rappeler cette date, à l'occasion de laquelle a été placé entre les mains des prêtres et des fidèles un précieux instrument de renouveau de la Confession sacramentelle, que ce soit dans les prémisses doctrinales ou dans les orientations pour une digne célébration liturgique. Je voudrais attirer l'attention sur la vaste moisson de textes de l'Ecriture Sainte et de prières, que le nouveau Rite présente pour conférer au moment sacramentel toute la beauté et la dignité d'une confession de foi et de louange devant Dieu.

Il faut, en outre, souligner la nouveauté de la formule de l'absolution sacramentelle, qui met davantage en lumière la dimension trinitaire de ce sacrement: la miséricorde du Père, le mystère pascal de mort et de résurrection du Fils, l'effusion de l'Esprit Saint.

3. Avec le nouveau Rite de la Pénitence, si riche de thèmes de réflexion bibliques, théologiques et liturgiques, l'Eglise a placé entre nos mains un instrument opportun pour vivre le Sacrement du pardon dans la lumière du Christ ressuscité. Le jour même de Pâques, comme le rappelle l'évangéliste, Jésus entra dans le Cénacle alors que les portes étaient fermées, il souffla sur ses disciples et dit: "Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus" (Jn 20,22). Jésus transmet son Esprit, qui est "la rémission de tous les péchés", comme il est dit dans le Missel Romain (cf. samedi de la VII semaine de Pâques, prière sur les offrandes), afin que le pénitent obtienne, à travers le ministère des prêtres, la réconciliation et la paix.

Le fruit de ce sacrement n'est pas uniquement la rémission des péchés, nécessaire à celui qui a péché. Celui-ci "apporte une véritable "résurrection spirituelle", une restitution de la dignité et des biens de la vie des enfants de Dieu, dont le plus précieux est l'amitié de Dieu" (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1468). Ce serait une illusion que de vouloir tendre vers la sainteté, selon la vocation que chacun a reçue de Dieu, sans s'approcher fréquemment et avec ferveur de ce sacrement de la conversion et de la sanctification.

L'horizon de l'appel universel à la sainteté, que j'ai proposé comme chemin pastoral de l'Eglise au début du troisième millénaire (cf. Novo millennio ineunte NM 30), trouve dans le Sacrement de la réconciliation des prémisses décisives (cf. ibid., NM NM 37). En effet, il s'agit du sacrement du pardon et de la grâce, de la rencontre qui régénère et sanctifie, le sacrement qui, avec l'Eucharistie, accompagne le chemin du chrétien vers la perfection.

4. De par sa nature, celui-ci comporte une purification, que ce soit dans les actes du pénitent qui met à nu sa conscience en raison du profond besoin d'être pardonné et régénéré, ou dans l'effusion de la grâce sacramentelle qui purifie et renouvelle. Nous ne serons jamais suffisamment saints, pour ne pas avoir besoin de cette purification sacramentelle: l'humble confession, faite avec amour, suscite une pureté toujours plus parfaite dans le service de Dieu et dans les motivations qui le soutiennent.

La Pénitence est un sacrement d'illumination. La Parole de Dieu, la grâce sacramentelle, les exhortations emplies d'Esprit Saint du confesseur, véritable "guide spirituel", l'humble réflexion du pénitent en illuminent la conscience, lui font comprendre le mal commis et le disposent à s'engager à nouveau dans le bien. Celui qui se confesse fréquemment, et qui le fait avec le désir de s'améliorer, sait qu'il reçoit dans le sacrement, avec le pardon de Dieu et la grâce de l'Esprit, une lumière précieuse pour avancer sur son chemin de perfection.

En définitive, le Sacrement de la Pénitence réalise une rencontre unifiante avec le Christ. Progressivement, de confession en confession, le fidèle fait l'expérience d'une communion toujours plus profonde avec le Seigneur miséricordieux, jusqu'à la pleine identification avec Lui, que l'on trouve dans cette parfaite "vie en Christ" qui est la véritable sainteté.

Considéré comme une rencontre avec Dieu le Père par le Christ dans l'Esprit, le Sacrement de la pénitence révèle ainsi non seulement sa beauté, mais également l'opportunité de sa célébration assidue et fervente. Il est également un don pour nous les prêtres qui, bien qu'appelés à exercer le ministère sacramentel, avons nos propres manquements à nous faire pardonner. La joie de pardonner et celle d'être pardonnés vont de pair.

5. La grande responsabilité de tous les confesseurs est d'exercer ce ministère avec bonté, sagesse et courage. Leur tâche est de rendre attirante et désirable cette rencontre qui purifie et qui nous renouvelle sur le chemin vers la perfection chrétienne et dans le pèlerinage vers la Patrie.

Chers confesseurs, alors que je souhaite à tous que la grâce du Seigneur fasse de vous de dignes ministres de la "parole de la réconciliation" (cf. 2Co 5,19), je confie votre précieux service à la Vierge, Mère de Dieu et notre Mère, que l'Eglise invoque en ce temps de Carême, au cours d'une des Messes qui lui sont consacrées, en tant que "Mère de la Réconciliation".

Avec ces sentiments, je donne à tous avec affection ma Bénédiction.


Discours 2004 - Samedi 20 mars 2004