Discours 2004 - Patinoire de "BEA Bern Expo", Samedi 5 juin 2004

RENCONTRE AVEC LES MEMBRES DE L'ASSOCIATION DES ANCIENS GARDES SUISSES PONTIFICAUX

Place devant la Résidence Viktoriaheim, Dimanche 6 juin 2004



  Chers amis,

1. Au terme de ce bref pèlerinage apostolique en Suisse, j’ai la joie de vous rencontrer, vous qui faites partie de l’Association des Anciens de la Garde Suisse, ainsi que les membres de vos familles. J’adresse à chacun un salut cordial. Au cours des vingt-cinq années de mon Pontificat, j’ai eu l’occasion de connaître bon nombre d’entre vous au Vatican et c’est une joie pour moi de vous revoir maintenant avec vos familles. Je vous remercie d’être venus et j’exprime ma particulière gratitude au Président de votre Association, Monsieur Jacques Babey, pour les paroles courtoises qu’il m’a adressées en votre nom.

2. Le Successeur de Pierre a une dette de reconnaissance particulière envers la communauté catholique de ce pays, car c’est de cette communauté que viennent les Gardes Suisses qui, depuis cinq siècles, jouent un rôle particulier pour assurer l’ordre et la sécurité au Vatican, à Castelgandolfo et partout où le Pape se rend pour son ministère. Il est dit dans l’Évangile que l’on reconnaît le bon arbre à ses fruits (cf. Mt 7,17-18). Je peux assurer que les jeunes, qui viennent de chez vous jusqu’à Rome pour assurer un tel service auprès du Souverain Pontife, sont des garçons qui font honneur à leurs familles et aux paroisses de Suisse.

3. Ils font aussi honneur à votre méritante Association qui a soin de maintenir toujours vivant, ici dans votre patrie, l’intérêt pour ce service d’Église, afin que le Corps de la Garde Suisse Pontificale puisse bénéficier d’un renouvellement constant et de qualité. Je vous remercie vivement pour ce que vous avez fait et que vous continuez à faire, et je vous encourage à persévérer dans votre engagement de témoins du Christ et de fidélité à l’Église au milieu d’un monde qui change.

Que la Vierge Marie veille toujours sur vous et sur vos familles! Je vous bénis tous de grand coeur.


AUX PARTICIPANTS À LA RÉUNION DU CONSEIL POST-SYNODAL DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L'AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

Mardi 15 juin 2004  



Très chers frères dans l'épiscopat!

1. J'adresse à chacun de vous un salut cordial en ce temps béni qui suit la Solennité du Corpus Domini, alors que vous êtes réunis à l'occasion de la XII Réunion du Conseil post-synodal de l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Secrétariat général du Synode des Evêques.

Ce Conseil post-synodal, élu par les Pères synodaux à la fin de l'Assemblée spéciale pour l'Afrique il y a déjà dix ans, a encouragé à diverses reprises les évêques d'Afrique à donner une traduction pratique aux conclusions du Synode contenues dans l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa. En effet, en vous réunissant régulièrement, vous êtes à même d'apprécier les réalisations, les projets et les progrès des Eglises locales d'Afrique. Ces dernières sont d'autant plus louables et dignes d'éloges que les situations politiques et socio-économiques, même si l'on note quelques signes encourageants, sont encore pour la plupart tragiquement défavorables.

C'est pourquoi je vous renouvelle, une fois encore, l'expression de ma gratitude pour l'oeuvre importante que vous accomplissez au service de la collégialité épiscopale. En effet, vous offrez ainsi sans relâche au Successeur de Pierre vos conseils éclairés fondés sur votre expérience pastorale de la situation de l'Eglise et de la société civile sur le continent africain.

2. J'avais défini la Première Assemblée spéciale comme "le Synode de la Résurrection et de l'espérance" (Ecclesia in Africa ), et elle l'a été véritablement car les premiers signes de cette nouvelle floraison apparaissent déjà çà et là. Cependant, ce continent ne semble malheureusement connaître ni répit ni paix durable. Aux conflits internationaux, viennent s'ajouter les foyers endémiques de lutte qui sèment la terreur et la destruction parmi les populations qui n'aspirent qu'à vivre dans une sérénité enfin retrouvée.

A cela s'ajoutent les autres fléaux qui frappent l'Afrique et les Africains: la pauvreté, qui découle tant d'une situation économique compromise, que des conditions difficiles dans lesquelles se trouvent les secteurs de l'éducation et de la santé. Comment ne pas évoquer ici le drame social du SIDA; l'insécurité, qui résulte des conflits en cours ou larvés et enfin la corruption, présente encore à trop de niveaux de la société civile. Ainsi se referme le cercle vicieux qui gangrène ce jeune corps plein de vigueur.

Briser ces nouvelles chaînes exige l'effort conjoint de toutes les forces vives de la société, en particulier de celles de l'Eglise qui sont déjà à l'oeuvre et opèrent avec abnégation et dévouement à tous les échelons. L'Eglise universelle, fidèle à son rôle prophétique à l'égard de l'Afrique, a quant à elle déjà rappelé aux grands de ce monde cinq priorités pour restituer aux Africains ce ce qui leur a été enlevé souvent par la violence: le respect de la vie et des diversités religieuses, l'éradication de la pauvreté, la fin du trafic d'armes, la solution des conflits et l'action en vue d'un développement motivé par la solidarité.

3. Certes, notre espérance est forte car elle s'enracine dans le Christ et reçoit de lui vigueur et inspiration. L'Assemblée spéciale pour l'Afrique avait souligné la dimension familiale de l'Eglise en insistant sur la notion d'Eglise-famille de Dieu et dans l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, j'avais accueilli cette belle expression si significative de la paternité divine. Dans ce cadre "familial", il me semble important de rappeler la nécessité d'une réconciliation fraternelle authentique à la suite des blessures engendrées par les conflits qui enveniment encore les rapports interpersonnels, inter-ethniques et internationaux dans les diverses régions d'Afrique.

Le moment ne serait-il pas venu, ainsi que le sollicitent de nombreux pasteurs d'Afrique, d'approfondir cette expérience synodale africaine? La croissance exceptionnelle de l'Eglise en Afrique, le renouvellement rapide des pasteurs, les nouveaux défis à relever sur le continent demandent des réponses que seule la poursuite de la mise en oeuvre d'Ecclesia in Africa pourrait offrir, redonnant ainsi une vigueur renouvelée et une espérance renforcée à ce continent en difficulté.

En signe de communion collégiale et de gratitude pour votre inlassable disponibilité et votre inestimable service, je vous donne, en qualité de membres du Conseil post-synodal de l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Secrétariat général du Synode des Evêques, mon affectueuse Bénédiction apostolique.



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX PARTICIPANTS AU 95ème "KATHOLIKENTAG" ALLEMAND




A mon vénéré Frère
Mgr Gebhard FUERST
Evêque de Rottenburg-Stuttgart

1. "Vivre avec la force de Dieu": à travers cette devise, de nombreux chrétiens catholiques et une multitude de participants provenant d'autres confessions, ainsi que du monde politique et social, se sont réunis à Ulm à l'occasion du 95 "Katholikentag" allemand. De Rome, je salue tous ceux qui ont participé à la célébration d'inauguration sur la place de la Cathédrale d'Ulm. La Cathédrale, avec sa haute tour, est comme un doigt pointé vers le ciel, qui nous indique Dieu, Créateur de toute la vie. Il est la source de notre espérance et de notre force. La joie du Seigneur est notre force (cf. Ne Ne 8,10). Je salue également tous ceux qui suivent cette manifestation à travers la radio et la télévision. Que la paix du Seigneur Jésus Christ crucifié et ressuscité, qui demeure toujours proche de son Eglise, soit avec vous! J'adresse un salut particulier à l'Evêque du diocèse de Rottenburg-Stuttgart et au Comité central des catholiques allemands qui ont organisé ensemble cette manifestation. Je salue, en outre, les Evêques d'Allemagne, de tous les autres pays européens et du monde entier, dont la présence souligne la communion des catholiques vécue dans les diocèses d'Allemagne avec leurs frères et soeurs de même confession dans la grande Eglise universelle.

2. "Vivre avec la force de Dieu". C'est vers cette devise, tirée de la deuxième Epître aux Corinthiens, qu'est orienté le programme du "Katholikentag" d'Ulm. La devise incite à rendre vivantes, à travers la force de Dieu, toutes les célébrations liturgiques, les colloques et les prières. Je vous exhorte à passer ces jours ensemble avec les yeux et le coeur ouverts, afin que vous deveniez à nouveau conscients de la façon dont agit en vous avec vigueur la force de Dieu, qui, à travers votre témoignage de foi, peut être vécue également dans la société. Au cours des manifestations de cette grande rencontre des catholiques, à laquelle participent également de nombreux autres chrétiens, soyez encouragés, en tant que chrétiens croyants, à élever courageusement votre voix lorsque sont mis en discussion les fondements de la foi chrétienne et de la coexistence humaine, lorsque sont mises de côté les nobles valeurs du mariage et de la famille chrétiennes et lorsqu'est en jeu le caractère unique de la vie, en tant que don de Dieu! Encouragez-vous réciproquement à un nouvel engagement en faveur des pauvres et des laissés-pour-compte, en faveur de la paix et de la justice sur toute la terre! Soyez pour tous des témoins de l'espérance qui est en vous (1P 3,15).

3. Le lieu de votre rencontre, la ville d'Ulm, s'élève sur les rives du Danube, le grand fleuve qui relie l'est et l'ouest de l'Europe. Au cours des dernières décennies, la conscience de l'identité européenne et du sens d'appartenance des peuples européens est devenue de plus en plus forte. Il y a précisément quelques semaines, dix autres Etats, parmi lesquels huit de l'Europe centrale et orientale, sont entrés dans l'Union européenne. Cet élargissement peut être d'une grande richesse pour la communauté. L'Europe n'est pas une simple union au hasard d'Etats liés l'un à l'autre géographiquement. L'Europe, en dépit de sa multiplicité culturelle, doit devenir toujours plus, sur la base des valeurs humaines et chrétiennes, une unité spirituelle, qui inspire les actions des hommes. Mettons donc à profit les possibilités que l'Europe unie nous offre pour une meilleure diffusion de l'Evangile du Christ, afin que personne ne soit privé de l'exceptionnel don salvifique de Dieu! Les chrétiens se sont prodigués pour l'unité européenne et continuent de s'engager dans ce but. L'Europe a aujourd'hui également besoin de la contribution des chrétiens et du christianisme pour un bon développement de ses peuples. Comme je l'ai affirmé dans mon Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, ce continent a besoin "d'un saut qualitatif dans la prise de conscience de son héritage spirituel. Un tel élan ne peut lui venir que d'une écoute renouvelée de l'Evangile du Christ" (n. 120). Qui vit avec la force de Dieu et veut édifier avec elle la société, doit s'imposer ce devoir en tout lieu et en tout temps.

4. Chers frères et chères soeurs! Laissez-vous mobiliser en ces jours par l'action dynamique de Dieu qui illumine et libère! Placez toutes les souffrances humaines, votre manque de force et vos limites dans la grandeur de Dieu, dont l'amour est plus grand que notre coeur. Il désire vous faire participer à sa vie divine et nous donner l'amour et la force dont nous avons besoin pour nous placer au service de notre prochain et pour apporter le témoignage de notre foi commune dans le temps et dans la société. Afin que vous puissiez vivre avec la force de Dieu, je vous confie tous, vous qui êtes réunis à Ulm à l'occasion du "Katholikentag", à l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie et Mère de Dieu et à saint Boniface, dont l'Eglise commémore ces jours-ci le martyre, qui a eu lieu il y a 1250 ans, et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.

Du Vatican, solennité du Très Saint Corps et Sang du Christ 2004


IOANNES PAULUS II




AUX ÉVÊQUES DE COLOMBIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Jeudi 17 juin 2004


Chers frères dans l'épiscopat,

1. Je suis heureux de vous saluer cordialement, Evêques des provinces ecclésiastiques de Medellín, Barranquilla, Cali, Cartagena, Manizales, Popayán et Santa Fé de Antioquia, qui formez le premier groupe en visite "ad limina" de la bien-aimée Colombie. Vous recevrez du pèlerinage sur les tombes des saints Apôtres Pierre et Paul et des rencontres avec l'Evêque de Rome et avec ses collaborateurs, un nouveau dynamisme pour poursuivre votre mission épiscopale, conscients que le Christ est présent dans son Eglise (cf. Mt 28,20) et qu'il la guide avec la force de son Esprit, afin qu'elle soit le signe du salut dans le monde. Que Lui, Maître des Pasteurs, vous comble d'espérance et vous conduise à être ses témoins dans votre vie (cf. 1P 3,15), édifiant ainsi tous les fidèles confiés à votre sollicitude pastorale.

Je remercie Mgr Giraldo Jaramillo, Archevêque de Medellín, de ses paroles aimables à travers lesquelles il a renouvelé l'adhésion de chacun de vous et des communautés ecclésiales que vous présidez au nom du Seigneur et, dans le même temps, présenté les orientations pastorales qui guident votre ministère, afin que les hommes et les femmes s'acheminent vers la communion intime avec Dieu, Un et Trine, et vivent dans la paix comme les membres d'une grande famille unie.

2. Votre présence renouvelle en moi la proximité et l'affection que je ressens pour votre pays. Je me rappelle de la visite que j'ai effectuée en 1986, dont la devise était: "Avec la paix du Christ, sur les sentiers de la Colombie". Ce furent des journées très intenses, qui ont laissé une trace profonde, et au cours desquelles j'ai eu l'occasion de voir directement les visages pleins d'espérance des Colombiens, d'apprécier l'action que l'Eglise conduit avec tant d'enthousiasme, d'adresser à tous une parole de réconfort et de leur rappeler l'amour ineffable de Dieu pour chacun d'entre nous.

L'Eglise qui est dans ce pays a produit des fruits de sainteté. Au cours de ces dernières années, j'ai eu la joie d'élever aux honneurs des autels deux nouveaux bienheureux, originaires de vos régions: le généreux prêtre Mariano Euse, en 2000, et, plus récemment, Mère Laura Montoya, vénérée comme la Mère des populations autochtones. Auparavant, un groupe de jeunes étudiants colombiens de l'Ordre hospitalier, qui avaient obtenu la palme du martyre, ont été béatifiés en 1992. Ces exemples de sainteté sont des perles précieuses qui ornent l'histoire de votre pays, où la foi chrétienne fait pleinement partie du patrimoine spirituel.

3. Vous effectuez votre visite "ad limina" après la célébration du grand Jubilé de l'An 2000, qui, comme je l'ai affirmé, a été "un fleuve de vie, celui qui jaillit en permanence du trône de Dieu et de l'Agneau (cf. Ap Ap 22,1), [et qui] s'est répandu sur l'Eglise" (Novo Millennio ineunte NM 1). Vous venez donc à Rome avec le bagage d'un fleuve de grâce qui a donné vigueur à vos Eglises particulières. C'est pourquoi il est légitime de nourrir de bonnes espérances pour l'avenir, en travaillant au service du Royaume de Dieu, animés par la parole de Jésus Christ: "Duc in altum" (Lc 5,4).

Avec ces paroles de Jésus, que j'ai proposées comme devise pour le troisième millénaire chrétien, je désire vous exhorter à aller de l'avant, sans perdre courage et pleinement confiants dans le Seigneur, dans vos engagements pour l'évangélisation, mission primordiale de l'Eglise. En effet, il s'agit de la première tâche que Jésus confia à ses Apôtres avant de monter au ciel pour siéger à la droite du Père, comme nous venons de le célébrer liturgiquement. A cette occasion, Jésus leur dit: "Allez dans le monde entier" (Mc 16,15), les assurant dans le même temps de sa présence proche et mystérieuse.

4. L'Eglise, fidèle au mandat de Jésus, continue à faire de l'évangélisation son action principale. Celle-ci comprend de nombreux aspects, tous importants, bien que les circonstances concrètes suggèrent, selon l'époque et le lieu, de se fixer des priorités, sans en négliger aucune. Dans le cas particulier de votre pays, qui depuis des années vit un conflit intérieur qui cause tant de victimes innocentes, tant de douleur aux familles et à la société, engendrant pauvreté et insécurité, et limitant les potentialités de développement intégral, vous êtes conscients que dans les choix pastoraux, il faut accorder la priorité à la paix et à la réconciliation, en contribuant ainsi à édifier la société sur les solides principes chrétiens de la vérité, de la justice, de l'amour et de la liberté et en promouvant, en outre, le pardon qui naît du désir sincère de réconciliation avec Dieu et avec nos frères.

Il y a deux ans, à l'occasion du centenaire de la Consécration de la Colombie au Sacré-Coeur de Jésus, une pratique pieuse qui au cours de ces journées s'est renouvelée dans de nombreuses communautés de votre pays, je vous ai écrit: "La société qui écoute et suit le message du Christ avance vers la paix authentique, refuse toute forme de violence et engendre de nouvelles formes de coexistence le long du chemin sûr et ferme de la justice, de la réconciliation et du pardon, en promouvant des liens d'unité et de respect pour chaque personne" (n. 4).

N'hésitez jamais à consacrer tout votre zèle et votre engagement pastoral à promouvoir la réconciliation, qui dérive de l'évangélisation, avec l'intime conviction que cela illuminera l'action des laïcs chrétiens et pourra constituer un remède efficace et permanent aux maux complexes et graves qui frappent actuellement de nombreux citoyens de votre nation, en raison du conflit civil interne qui a provoqué tant de morts, également parmi les serviteurs de l'Evangile. Parmi eux je désire évoquer le souvenir de Mgr Isaías Duarte, Archevêque de Cali, ainsi que les prêtres et les religieux assassinés ces dernières années. Cette triste situation a conduit tant de Colombiens à vivre dans la pauvreté et risque de fomenter une culture de la mort et de la violence au lieu d'une culture de la vie et de la solidarité, propre à vos racines catholiques.

5. Un autre domaine d'action pastorale qui mérite une attention particulière concerne la promotion et la défense de l'institution familiale, qui est aujourd'hui attaquée sur divers fronts à travers de multiples et subtiles argumentations. Nous observons un courant, très répandu dans certains endroits, qui tend à affaiblir sa véritable nature.

Je connais votre engagement pour défendre et promouvoir cette institution, qui a son origine en Dieu et dans son dessein salvifique (cf. Familiaris consortio FC 49). C'est pourquoi il est nécessaire de continuer à proclamer avec fermeté, comme un authentique service à la société, la vérité sur le mariage et sur la famille instituée par Dieu. Négliger cet engagement constituerait une grave omission pastorale qui induirait les croyants en erreur, ainsi que ceux qui ont la tâche difficile de prendre les décisions pour le bien commun de la nation. Cette vérité n'est pas valable uniquement pour les catholiques, mais elle l'est également pour tous les hommes et les femmes, sans distinction, car le mariage et la famille constituent le bien irremplaçable de la société, qui ne peut pas rester indifférente face à la dégradation ou à la perte de son identité.

A ce propos, la pastorale familiale, effectuée en particulier par des couples qui appartiennent à des mouvements ou à des associations de spiritualité matrimoniale, et qui sont un exemple dans l'éducation de leurs enfants, doit guider les jeunes couples et les familles en difficulté, ainsi que ceux qui se préparent à se marier, à découvrir les valeurs du mariage chrétien et à être fidèles à l'engagement assumé en recevant ce Sacrement. Dans le même temps, il est tout aussi important de leur enseigner que, en concevant des enfants, ils doivent suivre le critère d'une paternité responsable et, en outre, les accompagner dans leur formation humaine et religieuse dispensée dans leur propre foyer dans un climat de coexistence sereine et de tendresse, comme expression de l'amour de Dieu envers chacun de ses enfants.

6. Un signe d'espérance pour l'Eglise qui est en Colombie est la nouvelle floraison des vocations qui caractérise vos communautés ecclésiales et qui est l'expression de sa vitalité. La région dont vous provenez est riche de vocations sacerdotales et religieuses, vos séminaires constituant une bénédiction spéciale pour l'Eglise, car les prêtres qui en sortent servent non seulement dans vos Eglises particulières, mais certains d'entre eux n'hésitent pas à aller collaborer dans d'autres zones qui en ont davantage besoin.

Je vous exhorte donc à poursuivre ce chemin, sans négliger à l'avenir une intense pastorale des vocations, conscients du rôle fondamental de chaque communauté ecclésiale dans cet engagement, fondé tout d'abord sur une prière incessante au Seigneur de la moisson afin qu'il envoie des ouvriers dans sa vigne et également sur l'éducation des enfants et des jeunes pour affronter les défis de la vie chrétienne, en les mettant également en condition d'écouter l'appel divin à suivre le Christ sur le chemin de la vie sacerdotale ou consacrée, à travers les conseils évangéliques.

7. Chers frères, à travers ces réflexions, je désire vous exhorter dans votre service à l'Eglise de Dieu qui est en pèlerinage en Colombie. De retour dans vos diocèses, encouragez vos prêtres, les personnes consacrées et les fidèles à vivre leur foi dans le Christ. Apportez mon salut aux jeunes, appelés à être "les sentinelles de l'aurore" de ce nouveau millénaire, espérance de l'Eglise et de la nation. Je pense en particulier aux jeunes Colombiens qui, dans les séminaires et dans les maisons de formation, se préparent au sacerdoce ou à la vie religieuse; aux familles, écoles de profonde humanité et de vertus chrétiennes, et en particulier à ceux qui souffrent à la suite de l'enlèvement d'un membre de leur famille; aux pauvres et aux indigents, qui doivent toujours être l'objet de votre préoccupation et de votre attention; aux professionnels dans les divers domaines de l'activité humaine, afin que, en ces moments si particuliers de votre histoire, ils soient les artisans d'une société renouvelée; aux malades et aux personnes âgées.

Que sur vous et sur vos communautés chrétiennes descendent les Bénédictions du Seigneur, par l'intercession de la Vierge de Chiquinquirà, Mère de tous les Colombiens, dont les mains tiennent le Rosaire, "prière pour la paix... lien de communion et de fraternité qui nous unit dans le Christ". En confirmation de ces voeux, que vous accompagne ma Bénédiction apostolique, que je vous donne de tout coeur et que j'étends à vos diocèses.




À S.E. M. JORGE DEZCALLAR DE MAZARREDO, NOUVEL AMBASSADEUR D'ESPAGNE PRÈS LE SAINT-SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Vendredi 18 juin 2004


Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je suis heureux de vous recevoir à l'occasion de la remise des Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume d'Espagne près le Saint-Siège. Cette rencontre m'offre également l'opportunité de vous souhaiter une cordiale bienvenue et, dans le même temps, de vous exprimer mes meilleurs voeux pour l'accomplissement de la haute responsabilité que votre gouvernement vous a confiée.

Je vous remercie des paroles aimables que vous m'avez adressées, qui ont ranimé en moi les sentiments de proximité et d'estime à l'égard d'un pays qui, comme Votre Excellence l'a souligné, à partir de ses profondes racines chrétiennes, s'est toujours distingué par son lien avec l'Eglise, si bien que, à travers une importante oeuvre d'évangélisation, un grand nombre de ses fidèles dans le monde parlent espagnol.

J'apprécie de tout coeur les salutations de Sa Majesté le Roi, de la famille royale, de la nation espagnole et de votre gouvernement, et je vous prie de vous faire l'interprète auprès d'eux de la profonde affection du Pape pour tous les Espagnols.

2. En considérant avec satisfaction l'état des relations diplomatiques entre l'Espagne et le Saint-Siège, fondées sur l'estime et le respect, je ne peux oublier mes cinq voyages dans ce pays. Je me rappelle surtout du plus récent, l'an dernier, où l'expression des témoignages s'est unie à une joie et à une ferveur débordantes. J'ai rencontré, une fois de plus, des personnes de toutes les origines sociales, vibrantes d'une foi profonde et d'une grande affection à l'égard du Successeur de Pierre. Ce fut un signe d'espérance très clair pour l'Eglise et également pour la société espagnole, car les valeurs élevées vécues intensément sont comme l'âme qui donne sa cohésion à toute l'activité humaine et qui communique la créativité et la fermeté dans les moments d'abattement ou d'adversité, dont l'Espagne a également fait très récemment la tragique expérience, en particulier à cause de la plaie du terrorisme.

Conscient de cela, j'ai pris congé en adressant une invitation pressante aux Espagnols: "Ne négligez jamais cette mission qui a fait la noblesse de votre pays par le passé et qui demeure un défi courageux pour l'avenir" (Regina caeli, Madrid, 4 mai 2003). Il s'agit d'une mission qui se poursuit également en dehors des frontières de votre patrie, où des milliers de religieux et de religieuses, de volontaires et de coopérateurs laïcs, grâce à leur dévouement et à leurs efforts plein d'abnégation, sont très souvent les messagers de la meilleure image de votre patrie. L'Espagne a produit un nombre incalculable de saints et elle est parsemée de monuments, de centres d'assistance, de culture et d'oeuvres d'art inspirés par la foi. Il s'agit de signes patents de son identité et de la force vitale qui a guidé sa glorieuse histoire et qu'elle a su apporter avec générosité à de nombreux autres peuples. Au moment où, dans la vieille Europe, une nouvelle organisation apparaît, on ne peut manquer d'y mentionner expressément ses racines chrétiennes, à partir desquelles, comme dans d'autres pays européens, s'est élaborée au cours des siècles une conception éminente de la personne, ouverte à la transcendance, qui est également un facteur décisif d'intégration et d'universalité.

3. Dans l'exercice de sa mission, l'Eglise recherche le bien intégral de chaque peuple, en oeuvrant dans le cadre de ses compétences et en respectant pleinement l'autonomie des autorités civiles, qu'elle apprécie, demandant à Dieu que celles-ci exercent avec générosité, sagesse et justice leur service à tous les citoyens.

En effet, il s'agit de deux domaines autonomes qui ne peuvent s'ignorer, car tous les deux tirent bénéfice d'un dialogue loyal et constructif, étant donné que le bien commun demande fréquemment diverses formes de collaboration entre eux, sans discrimination ni aucune exclusion. C'est ce que définissent les Accords partiels entre l'Eglise et l'Etat, établis immédiatement après l'approbation de l'actuelle Constitution espagnole. Les fruits recueillis et le développement obtenu grâce à son application concrète sont également le résultat d'une communication ouverte et constante, établie sur une base solide et durable, précisément pour éviter le risque de brusques changements ou d'alternances passagères, qui dans de nombreux cas produisent insécurité et égarement en ce qui concerne les droits des institutions, de la famille et des citoyens.

4. Dans son action évangélisatrice, l'Eglise s'efforce d'inviter tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à construire une société fondée sur des valeurs fondamentales et incontournables, afin de parvenir à un ordre national et international juste et digne de l'être humain. Cela va de pair avec sa mission religieuse et possède un caractère éthique de portée universelle, fondé sur la dignité inégalable de la personne humaine, créée à l'image de Dieu, dont découlent ses droits inaliénables, que les institutions publiques doivent précisément servir et promouvoir, selon le principe classique de la subsidiarité. Ainsi, la coexistence humaine, au lieu d'obéir uniquement aux intérêts partiaux ou passagers, doit reposer sur des idéaux de liberté, de justice et de solidarité.

Dans cette perspective, il faut souligner l'incohérence de certaines tendances de notre époque qui alors qu'elles exaltent, d'une part, le bien-être des personnes, de l'autre, portent atteinte aux racines de sa dignité et de ses droits les plus fondamentaux, comme cela se produit lorsqu'on limite ou que l'on instrumentalise le droit fondamental à la vie, comme dans le cas de l'avortement. Protéger la vie humaine est un devoir pour tous, mais la question de la vie et de sa promotion n'est pas seulement une prérogative des chrétiens, elle concerne également toute conscience humaine qui aspire à la vérité et qui se préoccupe du destin de l'humanité. Les responsables publics, en tant que garants des droits de tous, ont l'obligation de défendre la vie, en particulier celle des plus faibles et sans défense. Les véritables "conquêtes sociales" sont celles qui promeuvent et qui protègent la vie de chacun et, dans le même temps, le bien commun de la société.

Dans ce domaine on parle quelquefois de "conquêtes sociales" qui portent mal leur nom et qui ne profitent en réalité qu'à certains, au prix du sacrifice des autres, et que les responsables publics, garants et non créateurs des droits innés de tous, devraient considérer bien davantage avec inquiétude et alarme.

Il en est de même pour la famille, noyau central et fondamental de toute société, milieu inégalable de solidarité et école naturelle de coexistence pacifique, qui mérite une plus grande protection et assistance pour accomplir ses objectifs. Ses droits sont primordiaux par rapport aux corps sociaux plus amples. Parmi ces droits, il ne faut pas oublier celui de naître et de grandir dans un foyer stable, où les paroles père et mère peuvent être prononcées avec joie et sans erreur. On prépare ainsi les plus petits à s'ouvrir avec confiance à la vie et à la société, qui en bénéficiera dans son ensemble si elle ne cède pas à certaines voix qui semblent confondre le mariage avec d'autres formes d'union entièrement différentes - quand elles ne sont pas contraires à celui-ci -, ou qui semblent considérer les enfants comme de simples objets de satisfaction personnelle.

La famille possède, entre autres, le droit et le devoir d'éduquer les enfants en accord avec ses propres convictions morales et religieuses, car la formation intégrale ne peut pas faire abstraction de la dimension transcendante et spirituelle de l'être humain. C'est dans ce contexte que s'organise le rôle des institutions éducatives liées à l'Eglise, qui contribuent au bien commun, ainsi que de tant d'autres qui, dans divers domaines, prêtent également un service aux citoyens, souvent les moins favorisés. Il ne faut pas non plus sous-évaluer l'enseignement de la religion catholique dans les institutions d'Etat, fondé précisément sur le droit des familles qui en font la demande, sans discriminations ni obligations.

5. Monsieur l'Ambassadeur, je vous présente à nouveau mes meilleurs voeux pour votre mission près le Saint-Siège, mission qui vous a été confiée en cette Année de saint Jacques, et je prie l'Apôtre pour que, comme il l'a fait pendant des siècles, il continue à être un phare lumineux pour les populations d'Espagne, en faisant de votre terre un chemin mêlant efforts et espérance pour les nombreux pèlerins de toute l'Europe. Un grand nombre d'entre eux sont restés fascinés par l'accueil et la noblesse de ceux qu'ils ont rencontrés sur leur route; ils ont été les témoins de leur travail, de leur constance et de leur fidélité; ils ont découvert une nation dont le regard est élevé. Voilà des vertus qui sont à l'origine de votre histoire glorieuse et qui, avec les efforts et la collaboration loyale de tous, laissent également espérer en un avenir prometteur, en une société plus prospère, juste et ouverte aux valeurs de l'esprit.

Avec ces voeux, je vous souhaite un agréable séjour à Rome et je vous donne ma Bénédiction apostolique, que j'étends à votre famille et à vos collaborateurs.


Discours 2004 - Patinoire de "BEA Bern Expo", Samedi 5 juin 2004