Discours 1978


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16 octobre 1978





LE PREMIER SALUT DU PAPE AUX FIDÈLES



Il était 19 h 20, le lundi 16 octobre, lorsque le Saint-Père Jean Paul II s'est présenté au balcon central de la basilique vaticane pour le premier salut et la première bénédiction aux fidèles. Voici la traduction des paroles qu'il a adressées en italien à la foule présente, avant la bénédiction « Urbi et Orbi » :



Loué soit Jésus-Christ. Très chers frères et soeurs, nous sommes encore tous affligés par la mort de notre très aimé pape Jean Paul Ier. Et voici que les éminents cardinaux ont élu un nouvel évêque de Rome. Ils l'ont appelé d'un pays lointain... lointain, mais toujours si proche par la communion dans la foi et dans la tradition chrétienne. J'ai eu peur en recevant cette nomination, mais je l'ai acceptée en esprit d'obéissance envers Nôtre-Seigneur Jésus-Christ et dans une confiance totale envers sa Mère, la Très Sainte Vierge.

Je ne sais si je pourrai bien m'exprimer dans votre... notre langue italienne... Si je me trompe vous me corrigerez. Et ainsi je me présente à vous tous pour confesser notre foi commune, notre espérance, notre confiance en la Mère du Christ et de l'Église, avec l'aide de Dieu et avec l'aide des hommes.






18 octobre 1978

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UNITÉ DE LA FOI ET DIVERSITÉ DES LANGUES


Au Sacré Collège

Le 18 octobre, le Saint-Père a reçu en audience le Sacré Collège des cardinaux. A l'adresse d'hommage du cardinal-doyen Confalonieri, Jean Paul II a répondu par un discours en italien dont voici notre traduction :



Vénérés Frères,



Que pourrais-je et voudrais-je vous dire en cette rencontre alors que, sans nul doute, nous sommes encore tous émus en raison des événements ecclésiaux de ces jours ?

Avant tout, je remercie le cardinal-doyen pour les nobles paroles que, interprétant vos sentiments, il m'a adressées et, en particulier, je vous exprime ma gratitude pour le geste d'exceptionnelle confiance que vous avez démontrée à l'égard de mon humble personne comme successeur de Pierre au siège de Rome. Ce n'est qu'à la lumière de la foi qu'il est possible d'accepter, avec intime tranquillité et confiance le fait qu'en vertu de votre choix il m'est échu, à moi, de devenir le Vicaire du Christ sur la terre et le chef visible de l'Église.

Vénérables Frères, ce fut un acte de confiance et, en même temps, de grand courage d'avoir appelé comme évêque de Rome, un « non-Italien ». On ne peut rien dire de plus, et seulement courber le front devant une telle décision du Sacré Collège.

Jamais peut-être autant que dans les récentes vicissitudes qui ont affecté l'Église, la privant deux fois en deux mois de son Pasteur universel, le peuple chrétien n'a senti et expérimenté l'importance, la délicatesse, la responsabilité des tâches que doit accomplir le Sacré Collège des cardinaux ; et, jamais comme en cette période — nous devons le reconnaître avec satisfaction — les fidèles n'ont démontré à l'égard des Éminentissimes Pères autant d'affectueuse estime et autant de bienveillante compréhension. Les applaudissements intenses et prolongés qui vous ont été adressés à la fin de la messe Pro eligendo Pape et l'annonce de l'élection du nouveau pontife, en sont la preuve la plus expressive, la plus exaltante, la plus émouvante.

Les fidèles ont vraiment compris, vénérés Frères, que la pourpre dont vous êtes revêtus est le signe de cette fidélité usque ad effïtsionem sanguinis que vous avez promis au pape par serment solennel. Votre habit est un habit de sang, qui rappelle et représente le sang que, durant le cours des siècles, les apôtres, les évêques, les cardinaux, ont versé pour le Christ. Il me souvient, en ce moment, de la figure d'un grand évêque, saint Jean Fisher, créé cardinal — comme on le sait — alors qu'il se trouvait incarcéré pour sa fidélité au pape de Rome. Le matin du 22 juin 1535, tandis qu'il se préparait à offrir sa tête à la hache du bourreau, il se tourna vers la foule, s'exclamant : « Peuple chrétien, je vais mourir à cause de ma foi en la sainte Église catholique du Christ. »

Oserais-je encore ajouter que, même à notre époque, ne manquent pas ceux qui ont fait et font encore l'expérience de la prison, des souffrances, des humiliations du Christ ?

Que cette indéfectible fidélité à l'Épouse du Christ soit toujours la marque d'honneur et l'orgueil prééminent du Collège cardinalice.

II est un autre élément que je voudrais souligner en cette brève rencontre : le sens de la fraternité qui, au cours de cette dernière période s'est de plus en plus manifesté et cimenté au sein du Sacré Collège : « Voyez ! Qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble » (Ps 133 [132] 1). Le Sacré Collège a dû, par deux fois et en très peu de temps, affronter un des problèmes les plus délicats de l'Église : celui de l'élection du Pontife romain. Et, en de telles occasions, s'est manifestée, lumineusement, l'authentique universalité de l'Église. On a pu constater réellement ce qu'affirmait saint Augustin : « Ipsa Ecclesia linguis omnium loquitur... Diffusa Ecclesia per gentes loquitur omnibus linguis » (InJoannis Evang. Tract., XXXII, 7 ; PL 35, 1645).

Expériences, exigences, problèmes ecclésiaux, complexes, variés et, parfois également différents. Mais une telle variété a été — et sera certainement — toujours en concordance avec une seule et même foi, comme nous le rappelle l'évêque d'Hippone, lorsqu'il souligne la beauté et la variété de la robe de l'Eglise-Reine : « Ces langues constituent la variété du vêtement royal de l'Église, de manière à ce que toutes les diversités de costume se rejoignent dans l'unité de la foi unique, comme il en est de même de toutes les langues » (Enarrat. in Psalm. XLIV, 2 : PL 36, 509).

Il m'est difficile, de ne pas exprimer ma profonde gratitude envers le Saint-Père Paul VI notamment pour le fait qu'il a voulu donner au Sacré Collège une si large dimension internationale et intercontinentale. En effet, ses membres proviennent des plus lointains confins de la terre. Ce qui permet de mettre en évidence non seulement l'universalité de l'Église, mais aussi le caractère universel de l’« Urbs ».

Dans quelques jours vous retournerez tous à vos postes de responsabilité : la plupart d'entre vous dans vos diocèses ; les autres dans les dicastères du Saint-Siège; tous, afin de poursuivre avec un zèle toujours croissant le ministère pastoral, lourd de responsabilités, de préoccupations, de sacrifices, mais aussi réconfortés par la grâce du Seigneur et par la joie spirituelle qu'il donne à ses serviteurs fidèles. Mais tout en étant à la tête des Églises particulières vous prenez toujours part aux soucis de l'Église tout entière, vivant et réalisant de toutes vos forces tout ce qu'a recommandé le Concile Vatican II :             « Successeurs légitimes des Apôtres et membres du Collège épiscopal, les évêques doivent se savoir toujours unis entre eux et se montrer soucieux de toutes les Églises ; en vertu de l'institution divine et des devoirs de sa charge apostolique, chacun d'eux est en effet responsable de l'Église avec les autres évêques » (Décret Christus Dominus, CD 6 cf. ibid. CD 3 Lumen Gentium, LG 23).

Invoquant sur vous tous, sur les fidèles confiés à votre zèle pastoral et sur les personnes qui vous sont chères, la grâce du Christ et la vigilante protection de Marie, la Mater Ecclesiae, je voudrais, avec grande affection, donner ma bénédiction apostolique. Je voudrais d'abord le faire pour vous, et ensuite, avec vous tous : Que l'Église soit ainsi bénie partout, par l'Évêque de Rome et par tout le Collège des cardinaux dont les membres proviennent de toutes les parties du monde et sont à ses côtés.







20 octobre 1978

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JE SERAI LE TÉMOIN DE L'AMOUR UNIVERSEL


Au Corps diplomatique

Jean Paul II a reçu les membres du Corps diplomatique près du Saint-Siège le vendredi 20 octobre à II h, dans la salle du Consistoire. Répondant au discours du doyen, S. Exc. M. Luis Valladares y Aycinena, ambassadeur du Guatemala près le Saint-Siège, le pape s'est adressé aux diplomates en ces termes :



Excellences, Mesdames, Messieurs,



Je suis très touché des nobles paroles, des souhaits généreux que votre interprète vient de m'adresser. Je sais les relations pleines d'estime et de confiance réciproques qui s'étaient instaurées entre le pape Paul VI et chacune des représentations diplomatiques accréditées auprès du Saint-Siège. Ce climat était dû à la compréhension, respectueuse et bienveillante, que ce grand pape avait de la responsabilité du bien commun des peuples, et surtout aux idéaux supérieurs qui l'animaient en matière de paix et de développement. Mon prédécesseur immédiat, le cher pape Jean Paul Ier, en vous recevant il y a moins de deux mois, avait inauguré de semblables relations, et chacun d'entre vous a encore en mémoire ses paroles pleines d'humilité, de disponibilité, dé sens pastoral, que je fais entièrement miennes. Et voilà qu'aujourd'hui j'hérite de la même charge et vous, vous m'exprimez la même confiance, avec le même enthousiasme. Je vous remercie très vivement des sentiments que, à travers ma personne, vous témoignez ainsi fidèlement au Saint-Siège.

Tout d'abord, que chacun de vous se sente ici cordialement accueilli pour lui-même, et pour le pays, pour le peuple qu'il représente. Oui, s'il est un lieu où tous les peuples doivent se côtoyer dans la paix et rencontrer respect, sympathie, désir sincère de leur dignité, de leur bonheur, de leur progrès, c'est bien au coeur de l'Église, autour du Siège apostolique, établi pour témoigner de la vérité et de l'amour du Christ.

Mon estime et mes voeux sont donc à tous et à chacun, dans la diversité de vos situations. Dans cette rencontre sont représentés en effet, non seulement les Gouvernements, mais aussi les peuples et les nations. Et parmi celles-ci, il y a les vieilles « nations », riches d'un grand passé, d'une histoire féconde d'une tradition et d'une culture propres ; il y a aussi déjeunes nations qui ont surgi depuis peu, avec de grandes possibilités à mettre en oeuvre, ou qui s'éveillent et se forment encore. L'Église a toujours désiré participer à la vie et contribuer au développement des peuples et des nations. L'Église a toujours reconnu une richesse particulière dans la diversité et la pluralité de leurs cultures, de leurs histoires, de leurs langues. En beaucoup de cas, l'Église a apporté sa part spécifique dans la formation de ces cultures. L'Église a considéré, et continue à estimer que, dans les relations internationales, il est obligatoire de respecter les droits de chaque nation.

Pour moi, appelé de l'une de ces nations à succéder à l'apôtre Pierre au service de l'Église universelle et de toutes les nations, je m'appliquerai à manifester à chacune l'estime qu'elle est en droit d'attendre. Vous devez donc vous faire l'écho de mes voeux fervents auprès de vos Gouvernants et de tous vos compatriotes. Et ici je dois ajouter que l'histoire de ma patrie d'origine m'a enseigné de respecter les valeurs spécifiques de chaque nation, de chaque peuple, sa tradition et ses droits parmi les autres peuples. Comme chrétien, plus encore comme pape, je suis, je serai le témoin de cette attitude et de l'amour universel réservant à tous la même bienveillance, spécialement à ceux qui connaissent l'épreuve.

Qui dit relations diplomatiques dit relations stables, réciproques, sous le signe de la courtoisie, de la discrétion, de la loyauté. Sans confusion des compétences, elles manifestent de ma part, non pas nécessairement l'approbation de tel ou tel régime — cela n'est pas mon affaire — ni évidemment l'approbation de tous ses actes dans la conduite des affaires publiques, mais une appréciation des valeurs temporelles positives, une volonté de dialogue avec ceux qui sont légitimement chargés du bien commun de la société, une compréhension de leur rôle souvent difficile, un intérêt et une aide apportés aux causes humaines qu'ils ont à promouvoir, grâce parfois à des interventions directes, grâce surtout à la formation des consciences, une contribution spécifique à la justice et à la paix au plan international. Ce faisant le Saint-Siège ne veut pas sortir de son rôle pastoral : soucieux de mettre en oeuvre la sollicitude du Christ comment pourrait-il, en préparant le salut éternel des hommes, ce qui est son premier devoir, se désintéresser du bien et du progrès des peuples en ce monde ?

D'un autre côté, l'Église — et le Saint-Siège en particulier — demandent à vos nations, à vos Gouvernements, de prendre toujours plus en considération un certain nombre de besoins. Le Saint-Siège ne le cherche pas pour lui-même. Il le fait, en union avec l'épiscopat local, pour les chrétiens ou les croyants qui habitent vos pays afin que, sans privilège particulier mais en toute justice, ils puissent alimenter leur foi, assurer le culte religieux et être admis, comme des citoyens loyaux, à participer à part entière à la vie sociale. Le Saint-Siège le fait pareillement dans l'intérêt des hommes quels qu'ils soient, sachant que la liberté, le respect de la vie et de la dignité des personnes — qui ne sont jamais des instruments — l'équité dans le traitement, la conscience professionnelle dans le travail et la recherche solidaire du bien commun, l'esprit de réconciliation, l'ouverture aux valeurs spirituelles, sont des exigences fondamentales de la vie harmonieuse en société, du progrès des citoyens et de leur civilisation. Certes, ces derniers objectifs figurent, en général, au programme des responsables. Mais le résultat n'est pas pour autant acquis et tous les moyens ne sont pas également valables. Il y a encore trop de misères physiques et morales qui dépendent de la négligence, de l'égoïsme, de l'aveuglement ou de la dureté des hommes. L'Église elle, veut contribuer à diminuer ces misères, avec ses moyens pacifiques, en éduquant au sens moral, par l'action loyale des chrétiens et des hommes de bonne volonté. Ce faisant, l'Église peut parfois ne pas être comprise, mais elle est convaincue de rendre un service dont l'humanité ne saurait se passer : elle est fidèle à son Maître et Sauveur, Jésus-Christ. C'est dans cet esprit que j'espère maintenir et développer, avec tous les pays que vous représentez, des rapports cordiaux et fructueux. Je vous encourage, dans votre haute fonction, et j'encourage surtout vos Gouvernements, à rechercher toujours plus de justice et de paix, dans un amour bien compris de vos compatriotes, et dans l'ouverture d'esprit et de coeur aux autres peuples. Sur ce chemin, que Dieu vous éclaire et vous fortifie, vous-mêmes et tous les responsables, et qu'il bénisse chacun de vos pays.







21 octobre 1978

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L'ÉVANGILE GUIDE L'ÉGLISE


Aux journalistes

Le samedi 21 octobre, à 11 h, en la salle des Bénédictions, le Saint-Père a reçu en audience les journalistes de la presse, de la radio et de la télévision. En l'absence de Mgr Deskur, président delà commission pontificale des Moyens de communication sociales, retenu par la maladie, c'est le Père Romeo Panciroli, secrétaire de la commission, qui s'est adressé au pape pour lui présenter son auditoire. Le Saint-Père s'est longuement attardé, en entrant et en sortant, avec les journalistes, s'adressant à eux avec beaucoup de simplicité. Jean Paul II a prononcé le discours suivant en   français :



Mesdames, Messieurs,



Soyez les bienvenus ! Et soyez vivement remerciés de tout ce que vous avez fait, de ce que vous ferez, pour présenter au grand public, dans la presse, à la radio, à la télévision, les événements de l'Église catholique qui vous ont plusieurs fois rassemblés à Rome depuis deux mois.

Certes, au simple niveau professionnel, vous avez vécu des journées éprouvantes autant qu'émouvantes. Le caractère soudain, imprévisible, des faits qui se sont succédé, vous a obligé, à faire appel à une somme de connaissances en matière d'information religieuse qui vous étaient peut-être peu familières, puis à faire face, dans des conditions parfois fébriles, à une exigence qui connaît la maladie du siècle : la hâte. Pour vous, attendre la fumée blanche n'était pas une heure de tout repos !

Merci d'abord d'avoir fait si largement écho, avec un respect unanime, au labeur considérable et véritablement historique du grand pape Paul VI. Merci d'avoir rendu si familier le visage souriant et l'attitude évangélique de mon prédécesseur immédiat, Jean Paul Ier. Merci encore du relief favorable que vous avez donné au récent conclave, à mon élection et aux premiers pas que j'ai accomplis dans la lourde charge du pontificat. Dans tous les cas, ce fut l'occasion pour vous, non seulement de parler des personnes — qui passent — mais du Siège de Rome, de l'Église, de ses traditions et de ses rites, de sa foi, de ses problèmes et de ses espérances, de saint Pierre et du rôle du pape, des grands enjeux spirituels d'aujourd'hui, bref, du mystère de l'Église. Permettez que je m'arrête un peu sur cet aspect : il est difficile de bien présenter le vrai visage de l'Église.

Oui, les événements sont toujours difficiles à lire, et à faire lire. D'abord ils sont presque toujours complexes. Il suffit qu'un élément soit oublié par inadvertance, omis volontairement, minimisé ou au contraire accentué outre mesure, pour fausser la vision présente et les prévisions à venir. Les faits d'Église sont en outre plus difficiles à saisir pour ceux qui les regardent, je le dis en tout respect de chacun, en dehors d'une vision de foi, et plus encore à exprimer à un large public qui en perçoit difficilement le vrai sens. Il vous faut pourtant susciter l'intérêt et l'écoute de ce public, alors que vos agences vous demandent souvent et surtout du sensationnel. Certains sont alors tentés de tomber dans l'anecdote : c'est concret et ce peut être valable, mais à condition que l'anecdote soit significative et en rapport réel avec la nature du fait religieux. D'autres se livrent courageusement à une analyse très poussée des problèmes et des mobiles des personnes d'Église, avec le risque de rendre insuffisamment compte de l'essentiel qui, vous le savez, n'est pas d'ordre politique, mais spirituel. Finalement, de ce dernier point de vue, les choses sont souvent plus simples qu'on ne l'imagine : j'ose à peine parler de mon élection !

Mais ce n'est pas l'heure d'examiner en détail tous les risques et mérites de votre fonction d'informateurs religieux. Notons d'ailleurs qu'un certain progrès semble se dessiner ici et là, dans la recherche de la vérité, dans la compréhension et la présentation du fait religieux. Soyez félicités de la part que vous y avez prise.

Peut-être avez-vous été vous-mêmes surpris et encouragés par l'importance qu'y attribuait, dans tous les pays, un très large public que d'aucuns croyaient indifférent ou allergique à l'institution ecclésiastique et aux choses spirituelles. En réalité, la transmission de la charge suprême confiée par le Christ à saint Pierre, à l'égard de tous les peuples à évangéliser et de tous les disciples du Christ à rassembler dans l'unité, est vraiment apparue comme une réalité transcendant les événements habituels. Oui, la transmission de cette charge a un profond retentissement dans les esprits et dans les coeurs qui perçoivent que Dieu est à l'oeuvre dans l'histoire. C'était loyal d'en prendre acte et d'y adapter les moyens de communication sociale dont vous disposez à des degrés divers.

Je souhaite précisément que les artisans de l'information religieuse puissent trouver l'aide dont ils ont besoin auprès d'instances d'Église qualifiées. Celles-ci doivent les accueillir dans le respect de leurs convictions et de leur profession, leur fournir une documentation très adéquate et très objective, mais aussi leur proposer une perspective chrétienne qui situe les faits dans leur véritable signification pour l'Église et pour l'humanité. Ainsi vous pourrez aborder ces reportages religieux avec la compétence spécifique qu'ils exigent.

Vous êtes très soucieux de la liberté de l'information et de l'expression : vous avez raison. Estimez-vous heureux d'en bénéficier ! Utilisez bien cette liberté pour cerner de plus près la vérité et initier vos lecteurs, vos auditeurs ou téléspectateurs à « ce qui est vrai et noble, à ce qui est juste et pur, à ce qui est digne d'être aimé et honoré », pour reprendre les mots de saint Paul (Ph 4,8), à ce qui les aide à vivre dans la justice et la fraternité, à découvrir le sens ultime de la vie, à les ouvrir au mystère de Dieu si proche de chacun d'entre nous. Dans ces conditions, votre profession si exigeante et parfois si épuisante, j'allais dire votre vocation si actuelle et si belle, élèvera encore l'esprit et le coeur des hommes de bonne volonté, en même temps que la foi des chrétiens. C'est un service que l'Église et l'humanité apprécient.

J'ose vous inviter vous aussi à un effort de compréhension, comme à un pacte loyal : quand vous faites un reportage sur la vie et l'activité de l'Église, cherchez encore davantage à saisir les motivations authentiques, profondes, spirituelles, de la pensée et de l'action de l'Église. L'Église, de son côté, écoute le témoignage objectif des journalistes sur les attentes et les exigences de ce monde. Cela ne veut pas dire évidemment qu'elle modèle son message sur le monde de son temps : c'est l'Évangile qui doit toujours inspirer son attitude.

Je suis heureux de ce premier contact avec vous. Je vous assure de ma compréhension et je me permets de compter sur la vôtre. Je sais qu'en plus de vos problèmes professionnels -, sur lesquels nous reviendrons une autre fois, vous avez chacun vos soucis personnels, familiaux. Ne craignons pas de les confier à la Vierge Marie, qui se tient toujours aux côtés du Christ. Et au nom du Christ, je vous bénis de tout coeur.







22 octobre 1978

20

ALLER DE L'AVANT DANS LA VOIE DE L'UNITÉ


Aux délégués des autres Églises

C'est en cours d'après-midi le dimanche 22 octobre, que le pape a reçu en audience les délégations des Églises chrétiennes non catholiques qui avaient participé le matin à la célébration solennelle. La rencontre a eu lieu dans la bibliothèque privée de l'appartement. Chaque délégation a été accueillie séparément, puis Jean Paul II s'est adressé à tous, dans la bibliothèque, par le discours suivant prononcé en français :



Très chers Frères dans le Christ,



Nous voulons d'abord vous remercier du fond du coeur d'être venus ici aujourd'hui. Votre présence en effet témoigne de notre commune volonté d'établir entre nous des liens de plus en plus étroits et de surmonter les divisions héritées du passé, divisions qui sont, nous l'avons déjà dit, un intolérable scandale faisant obstacle à la proclamation de la bonne nouvelle du salut donné en Jésus-Christ, à l’annonce de cette grande espérance de libération dont le monde d'aujourd'hui a tant besoin.

En cette première rencontre, nous tenons à vous dire notre ferme volonté d'aller de l'avant sur la voie de l'unité dans l'esprit du deuxième Concile du Vatican et en suivant l'exemple de nos prédécesseurs. Une belle étape a déjà été parcourue, mais nous ne devons pas nous arrêter avant d'être arrivés au terme, avant d'avoir réalisé cette unité que le Christ veut pour son Église et pour laquelle il a prié.

La volonté du Christ, le témoignage à rendre au Christ, voilà le motif qui nous incite tous et chacun à ne pas nous lasser ou nous décourager dans cet effort. Nous avons confiance que celui qui a commencé cette oeuvre parmi nous, nous donnera abondamment la force pour persévérer et pour la mener vers son terme.

Veuillez dire à ceux que vous représentez et à tous que l'engagement de l'Église catholique dans le mouvement oecuménique tel qu'il s'est solennellement exprimé dans le deuxième Concile du Vatican est irréversible.

Nous nous réjouissons de vos relations de confiance fraternelle et de collaboration avec notre Secrétariat pour l'unité. Nous savons que vous cherchez avec lui, patiemment, la solution des différends qui nous séparent encore, les moyens de progresser ensemble dans une fidélité toujours plus intégrale à tous les aspects de la vérité révélée en Jésus-Christ. Nous vous assurons que nous ferons tout pour vous aider.

Que l'Esprit d'amour et de vérité nous donne de nous retrouver souvent et de plus en plus proches les uns des autres, de plus en plus en communion profonde dans le mystère du Christ notre unique Sauveur, notre unique Seigneur. Que la Vierge Marie soit pour nous un exemple de cette docilité à l'Esprit-Saint qui est le centre le plus profond de l'attitude oecuménique que notre réponse soit toujours comme la sienne : je suis ton serviteur, qu'il me soit fait selon ta parole (cf. Le LE 1,19).







23 octobre 1978

21

LE SOUCI DU BIEN DE L'ÉGLISE ET DE LA FAMILLE HUMAINE


Aux Missions spéciales

Le Saint-Père a reçu en audience, dans la matinée du lundi 23 octobre, les Chefs d'État et les membres des Missions extraordinaires qui avaient assisté la veille à la célébration solennelle en l'honneur du début de son pontificat. Après avoir accordé une audience privée à chacun des Chefs d'État, Jean Paul II s'est adressé en français aux membres des délégations en ces termes :



Excellences, Mesdames, Messieurs,



Voici quelques semaines seulement mon prédécesseur Jean Paul Ier accueillait les membres des semblables Missions avec le sourire et la simplicité qui lui avaient gagné tous les coeurs. Dans son souvenir inoubliable, je vous exprime à mon tour ma chaleureuse gratitude pour votre participation à la cérémonie d'ouverture de mon pontificat Ma gratitude va d'abord à vous qui présidez au destin de vos nations : je suis très touché que vous soyez venus en personne. Merci également à ceux qui ont été désignés par leur Gouvernement et qui assument souvent une part importante dans la conduite des affaires publiques. Merci aux peuples et organisations internationales que vous représentez. Oui, votre présence a été pour moi une joie et un honneur .vivement ressentis. Et surtout, elle m'a paru significative de l'hommage rendu à l'Église catholique et au Saint-Siège pour leur action au service de l'Évangile et de l'humanité.

Certes, les hommes d'État et leurs collaborateurs qualifiés ont d'abord la responsabilité de leur propre nation et du bien de leurs concitoyens. Mais la certitude s'impose de plus en plus, et vous en les premiers convaincus, qu'il ne peut y avoir de progrès humain véritable ni de paix durable sans la recherche courageuse, loyale, désintéressée, d'une coopération et d'une unité croissantes entre les peuples. Pour cela, l'Église encourage toutes les initiatives qui peuvent être prises, tous les pas qui peuvent être accomplis, au plan bilatéral ou multilatéral. N'est-ce pas souvent le seul moyen de commencer à dénouer des problèmes apparemment insolubles ? Par ailleurs, les Organisations internationales dont les représentants sont ici à côté de ceux des États, ont un rôle extrêmement important et que je souhaite toujours plus efficace. Je suis heureux de souligner leur contribution, à la veille précisément de la « Journée mondiale des Nations Unies ».

Oui, dans une conjoncture souvent difficile, vous avez d'énormes responsabilités, qui vous demandent beaucoup de lucidité, de ténacité, d'ouverture, dans le respect des exigences fondamentales de l'homme. Comment ne pas apprécier ces efforts, dans la marche tâtonnante de l'humanité vers son progrès et son unité ? Ils méritent estime et encouragement.

Les chrétiens sont d'autant plus sensibles à cette vocation des hommes à la coopération et à l'unité que au plan du salut, le message évangélique leur révèle que Jésus de Nazareth « est mort afin de rassembler dans l'unité tous les fils de Dieu dispersés » (Jn 11,52) Ce texte avait sans doute frappé le célèbre évêque d'Hippone, saint Augustin, qui présente l'humanité créée à l'image de Dieu comme brisée en quelque sorte par le péché et remplissant de ses débris tout l'univers : « Mais la miséricorde divine en a rassemblé de partout les fragments, elle les a fondus au feu de sa charité, elle a reconstitué leur unité brisée » (Ennarationes in Psalmos, 95, 15, PL 37, 1236).

L'Église, elle, en poursuivant sa fin spécifique de conduire les hommes sur la voie du salut, est persuadée de pouvoir également contribuer efficacement, grâce à l'amour évangélique, à cette oeuvre de reconstitution de l'unité, à l'humanisation toujours plus profonde de la famille humaine et de son histoire (cf. Const. Gaudium et Spes, GS 40).C'est aussi pour cela que le Saint-Siège établit des relations avec chacun de vos Gouvernements et participe aux activités des Organisations internationales. Je suis heureux de constater l'estime et la confiance avec laquelle la Communauté internationale comprend et accueille une action qui n'a d'autre but que de la servir.

Est-il besoin d'ajouter, Excellences, Mesdames, Messieurs, que les principes qui guidaient mes prédécesseurs, et particulièrement le regretté pape Paul VI, continueront à inspirer l'action du Saint-Siège ? Élu évêque de Rome et héritier de l'apôtre Pierre dans l'exercice de sa charge, c'est inséparablement le souci du bien de toute l'Église et celui de toute la famille humaine qui guideront mes efforts. D'ores et déjà, je remercie les pays et les institutions que vous représentez de la compréhension toujours plus grande, j'ose l'espérer, qu'ils témoigneront de manière effective à l'égard des besoins proprement spirituels de l'homme et de la manière dont ils accueilleront l'engagement du Saint-Siège à cet égard.

Au-delà de vos personnes; je salue avec cordialité chacun des peuples et des nations auxquels vous appartenez, et chacune des organisations internationales auxquelles vous vous dévouez. Que le Seigneur les bénisse, qu' il inspire leur action ! Et qu'il vous accorde, ainsi qu'à vos familles, les dons de sa grâce et de sa paix !







28 octobre 1978

22

NÉCESSITÉ DE LA PRÉSENCE ACTIVE DANS LE MONDE D'HOMMES ADULTES CATHOLIQUES


Audience de Jean Paul II à la Fédération internationale des hommes catholiques

Le 28 octobre, le Saint-Père a reçu en audience les participants à l'Assemblée générale de la Fédération internationale des hommes catholiques « Unum Omnes » qui se déroulait à ce moment à Rome. La délégation, présidée par le président de la Fédération Fers Niehaus, et accompagnée par le secrétaire général Emile Inglesis et par Mgr Paul Grichting, comptait quelque soixante-dix dirigeants provenant d'Europe, d'Amérique latine, d'Amérique du Nord, d'Afrique et d'Asie.

La Fédération « Unum Omnes », qui célèbre cette année le trentième anniversaire de sa fondation à Lourdes en 1948, s'était réunie à Rome pour examiner le thème : « L'Église et les droits de l'homme».



Chers Amis,



La Fédération internationale des hommes catholiques « Unum Omnes », qui regroupe des Associations nationales de plus de trente pays des divers continents, célèbre cette année le trentième anniversaire de sa fondation. C'est une joie, au début de mon pontificat, de m'adresser pour la première fois à l'une de ces Organisations internationales catholiques appelées à apporter une contribution importante à la mission de l'Église, c'est-à-dire à l'évangélisation et à l'animation chrétienne du monde. Joie de prendre contact particulièrement avec votre Fédération qui a toujours développé ses activités dans une grande fidélité à l'Église, en communion étroite avec la hiérarchie et en ayant le souci constant des aspirations et des problèmes actuels. Je désire seulement souligner aujourd'hui quelques caractéristiques des Organisations nationales, membres de la Fédération, et de la Fédération elle-même, dans une perspective d'approfondissement et de renouveau.

Votre Fédération est une Organisation internationale d'hommes adultes. En mettant tout d'abord cet aspect en relief, il ne s'agit pas de sous-estimer la participation si importante des femmes, des jeunes et des enfants eux-mêmes à la mission de l'Église, dans de nombreux domaines de la vie sociale et ecclésiale.

Mais il s'agit d'insister sur la nécessité de la présence active dans le monde d'hommes adultes catholiques, sur la nécessité de leur témoignage chrétien et de leur action apostolique, pour que l'Église, comme un levain, pénètre réellement toute la société humaine, structurée comme elle l'est et marquée par tant d'idéologies étrangères à l'esprit de l'Évangile. Comment, d'autre part, rejoindre tous ces hommes, souvent si engagés et si absorbés par leurs responsabilités ou préoccupations terrestres qu'ils en négligent ou même oublient la dimension religieuse de leur vie ? N'est-ce pas grâce à d'autres hommes, semblables à eux, engagés comme eux, mais qui, sans trêve, cherchent et adorent Dieu, suivent et servent le Seigneur Jésus-Christ ?

Comment ne pas souhaiter que partout dans le monde, des hommes catholiques, de toute condition sociale et assumant des responsabilités temporelles à tous les niveaux, puissent s'unir dans des associations apostoliques, bien insérées dans les paroisses et les cités, pour y trouver la solide formation chrétienne qui leur est nécessaire, pour s'entraider et se préparer à porter un vrai témoignage apostolique, adapté aux besoins présents et animé par l'esprit d'amour, de service et de renouveau selon l'Évangile ? Cette insertion locale appelle évidemment échanges et concertation au plan diocésain, national et international.

Votre Fédération et ses organisations membres sont catholiques. C'est une des caractéristiques essentielles de ces associations d'action catholique, bien mise en lumière par le récent Concile : poursuivre, « en union particulièrement étroite avec la hiérarchie des buts proprement apostoliques... dans l'ordre de l'évangélisation, de la sanctification des hommes et de la formation chrétienne de leur conscience, afin qu'ils soient en mesure de pénétrer de l'esprit de l'Évangile les diverses communautés et les divers milieux » (Décret Apostolicam actuositatem, AA 20).

Le Saint-Siège apprécie hautement ce profond sens ecclésial de la Fédération et vous encourage vivement à l'entretenir à tous les niveaux.

Il est capital enfin que votre Fédération garde le souci de donner à ses membres la formation appropriée pour qu'ils puissent assumer pleinement leurs responsabilités de laïcs, car, dans un monde menacé par la sécularisation, ils doivent mener une action séculière chrétienne, cherchant le règne de Dieu à travers la gérance des choses temporelles (cf. Const. Lumen Gentium, LG 31).

Le thème étudié dans la présente Assemblée, « les droits de l'homme », est un signe de votre désir d'être très présents aux réalités sociales de notre temps. Cette étude, faite à la lumière de l'Évangile, vise des objectifs concrets : l'engagement personnel et l'action concertée des chrétiens en vue de promouvoir, défendre et faire respecter ces droits dans la société humaine. Et par là même, elle contribuera à accroître le rayonnement de l'Église à travers l'action de ses membres laïcs.

Je souhaite que les travaux de votre Assemblée soient très fructueux. Merci pour la tâche accomplie au service de l'Église au cours de ces trente années ; poursuivez-la, dans la foi, l'espérance et la charité. Je demande au Seigneur de vous guider et je vous bénis de grand coeur, vous qui êtes ici présents, avec vos aumôniers, ainsi que tous les membres de la Fédération et leurs familles.

Permettez-moi d'ajouter un mot en anglais pour vous dire la joie que me donne cette occasion de me trouver en compagnie du Conseil international des hommes catholiques. Je désire vous exprimer mon admiration pour votre dévouement à la cause du Seigneur Jésus. Par le baptême et la confirmation, il vous a invités à prendre part à la mission de l'Église — à sa mission de salut. Et le pape vous est profondément reconnaissant pour tout ce que vous faites pour le progrès du royaume de Dieu, celui de la vérité et de la vie, de la sainteté et de la grâce, de la justice, de l'amour et de la paix. Il est comblé de joie, à vous avoir pour partenaires dans l'Évangile du Christ.

Je recommande vos activités à Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Église, lui demandant de vous maintenir fermes dans la foi en son Fils, Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, afin que Je monde « voyant vos oeuvres, en rende gloire à votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16). Avec ma bénédiction apostolique.






29 octobre 1978, AU SANCTUAIRE MARIAL DE LA MENTORELLA

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Discours 1978