Discours 1978 29108

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Le 29 octobre dernier, un hélicoptère de l'Aéronautique militaire se posait, peu après 14 h 30, sur la petite place où s'élève le sanctuaire mariai de la Mentorella. Jean Paul II descendit de l'appareil, immédiatement entouré, et serra toutes les mains qui se tendaient vers lui. Il assista à la messe célébrée par l'évêque de Tivoli, Mgr Giaquinta, puis il écouta le discours de bienvenue de Mgr Giaquinta et, celui en polonais, du Provincial des pères résurrectionnistes. La foule applaudit, ce qui fit dire au pape : « Je vois que vous avez tous compris ». Il prononça un discours, dont voici la traduction :



Depuis l'inauguration du Concile Vatican II, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de séjourner à Rome, soit pour les travaux conciliaires, soit pour d'autres missions que m'avait confiées le pape Paul VI.

A l'occasion de mes séjours à Rome, j'ai souvent visité le sanctuaire de la Vierge de la Mentorella. Ce lieu, abrité entre les montagnes, m'a tout particulièrement séduit. De là, on peut embrasser et admirer le magnifique panorama du paysage italien. J'y suis venu également quelques jours avant le récent conclave. Et si j'ai désiré d'y revenir encore aujourd'hui, c'est pour diverses raisons que je vais vous exposer.

Toutefois je voudrais d'abord présenter des excuses à mes collaborateurs, à l'administration communale et à tous ceux qui se sont occupés de ce voyage aérien, parce qu'avec mon arrivée, je leur ai imposé une corvée supplémentaire. En même temps, je salue cordialement tous les habitants du proche Guadagnolo et des localités voisines qui se sont rassemblés ici. Je salue les gardiens de ce sanctuaire, les Pères polonais de la Résurrection, de même que le clergé des environs venu avec leur évêque, Monseigneur Guglielmo Giaquinta.

Dans l'Évangile de saint Luc, nous lisons qu'après l'Annonciation, Marie alla, à travers les montagnes, visiter Elisabeth, sa parente. Arrivée à Ain-Karim, elle mit toute son âme dans les paroles du Cantique que chaque jour l'Église rappelle dans les Vêpres : « Mon âme glorifie le Seigneur ». J'ai désiré venir ici, entre ces montagnes pour chanter le Magnificat dans le sillage de Marie.

Ceci est un lieu où, de manière toute particulière, l'homme s'ouvre devant Dieu. Un lieu où, loin de tout, mais en même temps tout près de la nature, on parle confidentiellement avec Dieu lui-même. On entend, au plus intime de soi, ce qui est l'appel personnel de l'homme. Et l'homme doit rendre gloire à Dieu Créateur et Rédempteur ; il doit de quelque manière se faire la voix de toute la création pour dire en son nom : « Magnificat ». Il doit annoncer les « magnolia Dei », les grandes oeuvres de Dieu et, en même temps, s'exprimer lui-même dans cette sublime relation avec Dieu, car dans le monde visible, il est le seul à pouvoir le faire.

Durant mes séjours à Rome, ce lieu m'a beaucoup aidé à prier. Et c'est pourquoi j'ai désiré venir ici. La prière qui, de diverses manières, exprime les rapports de l'homme avec Dieu vivant, est également la première tâche et quasi la première annonce du Pape, de même qu'elle est la première condition de son service dans l'Église et dans le monde.

Durant ce bref espace de temps qui s'est écoulé depuis le 16 octobre j'ai eu la bonne fortune d'entendre, de la bouche de personnes dignes de foi, des paroles qui confirment le réveil spirituel de l'homme moderne. Ces paroles —et ceci est significatif—ont été prononcées principalement par des laïcs, des personnalités qui occupent des charges importantes dans la vie politique de divers pays et peuples. Bien des fois ils ont parlé des besoins de l'esprit humain qui ne sont pas moindres que les besoins du corps. En même temps ils ont indiqué, en premier lieu, l'Église comme capable de satisfaire ces besoins.

Que ce que je dis, maintenant soit une première et humble réponse à tout ce que j'ai entendu : l'Église prie, l'Église veut prier, elle désire être au service du plus simple et être, en même temps, un merveilleux don de l'esprit humain qui se réalise dans la prière. La prière est en effet la première expression de la vérité intérieure de l'homme, la première condition de la liberté de l'esprit.

L'Église prie et veut prier pour écouter la voix intérieure de l'Esprit divin afin qu'il puisse lui-même, en nous, parler avec les gémissements indicibles de toute la création. L'Église prie et veut prier pour répondre aux besoins du plus intime de l'homme qui, parfois est confiné et limité par les conditions et les contingences de la vie quotidienne, par tout ce qui est temporel, par la faiblesse, par le péché, par le découragement et par une vie qui semble sans signification. La prière donne un sens à toute la vie, à chacun de ses moments, en toutes circonstances.

C'est pourquoi, comme Vicaire du Christ sur la terre, le Pape désire avant tout s'unir à tous ceux qui, où qu'ils soient, où qu'ils se trouvent tendent à l'union avec le Christ dans la prière. Comme un bédouin dans la steppe, ou les carmes, ou les cisterciens dans leur profonde clôture, ou le malade sur son lit d'hôpital dans les souffrances de l'agonie, ou un homme au travail, dans la plénitude de la vie, ou des personnes opprimées, humiliées... Partout.

La Mère du Christ alla vers la montagne pour dire son « Magnificat ».

Que le Père, le Fils et l'Esprit Saint agréent la prière du Pape en ce sanctuaire et accordent les dons de l'Esprit à tous ceux qui prient.





30 octobre 1978

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LE RÔLE PRIMORDIAL DE LA FAMILLE


Le pape aux membres d'une Conférence internationale

Dans la salle Clémentine, le pape Jean Paul II a reçu en audience, le lundi 30 octobre, les participants au IIIe Congrès international de la famille, présidé par le professeur Piernicola De Leonardis. Il s'est adressé aux congressistes en ces termes :



C'est toujours une joie pour le pape de rencontrer des pères et des mères de famille, très conscients de leurs responsabilités d'éducateurs chrétiens. Et c'est une grâce de voir surgir aujourd'hui dans l'Église de nombreuses initiatives de soutien des familles.

Je n'ai pas besoin, devant vous, d'insister sur le rôle primordial de la famille dans l'éducation humaine et chrétienne. Le récent Concile, en plusieurs de ses textes, a mis heureusement en relief la mission des parents « premiers et principaux éducateurs », difficilement remplaçables (Déclaration Gravissimum educationis. GE 3). C'est pour eux un droit naturel, puisqu'ils ont donné la vie à leurs enfants ; c'est aussi la meilleure façon d'assurer une éducation harmonieuse, en raison du caractère tout à fait original des relations parents-enfants, et de l'atmosphère d'affection et de sécurité que les parents peuvent créer dans le rayonnement de leur propre amour (cf. Const. Gaudium et Spes, N. 52). La plupart des sociétés civiles ont dû reconnaître elles-mêmes le rôle particulier et nécessaire des parents dans la première éducation. Au plan international, la « Déclaration des droits de l'enfant », qui est pour le moins le signe d'un très large consensus, a admis que l'enfant « doit, autant que possible, grandir sous la sauvegarde et sous la responsabilité de ses parents » (principe 6). Souhaitons que cet engagement se traduise toujours davantage dans les faits, surtout durant l'Année internationale de l'enfant qui va bientôt commencer.

Mais il ne suffît pas d'affirmer et de défendre ce principe du droit des parents. Il faut surtout se soucier de les aider à bien accomplir ce métier difficile de l'éducation en nos temps modernes. En ce domaine, la bonne volonté, l'amour même, ne sont pas suffisants. C'est un savoir-faire que les parents doivent acquérir, avec la grâce de Dieu, d'abord en fortifiant leurs propres convictions morales et religieuses, en donnant l'exemple, en réfléchissant aussi sur leur expérience, entre eux, avec d'autres parents, avec des éducateurs experts, avec des prêtres. Il s'agit d'aider les enfants et les adolescents «à apprécier sainement les valeurs morales et à les embrasser dans une adhésion personnelle et, tout autant, à connaître et à aimer Dieu plus parfaitement » (déclaration Gravissimum educationis, GE 1). Cette éducation de leur discernement, de leur volonté et de leur foi est tout un art ; l'atmosphère familiale doit être faite de confiance, de dialogue, de fermeté, de respect bien compris de la liberté naissante : toutes choses qui permettent une initiation progressive à la rencontre du Seigneur et aux habitudes qui honorent déjà l'enfant et préparent l'homme de demain. Puissent vos enfants acquérir dans vos familles une « première expérience de l'Église et de l'authentique vie humaine en société » (cf. ibid., n. 3) ! Il vous reviendra aussi de les introduire peu à peu dans des communautés éducatives plus larges que la famille. Celle-ci doit alors accompagner ses adolescents avec un amour patient, dans l'espérance et, sans démissionner, coopérer avec les autres éducateurs. Ainsi, affermis dans leur identité chrétienne pour affronter comme il convient un monde pluraliste, souvent indifférent, voire hostile à leurs convictions, ces jeunes pourront devenir forts dans la foi, servir la société et prendre une part active à la vie de l'Église, en communion avec leurs pasteurs et en mettant en oeuvre les orientations du Concile Vatican II.

Que l'exemple et la prière de la Vierge Mère vous aident dans votre magnifique mission ! Je suis heureux de bénir vos familles et d'encourager, au-delà de vos personnes, tous les parents et associations de parents soucieux d'éducation chrétienne.







4 novembre 1978

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BONNE FÊTE, SAINT-PÈRE !


Le samedi 4 novembre, l'Église célèbre la fête de saint Charles Borromée, le grand archevêque de Milan, celui qui a consacré toutes ses forces à la mise en application du Concile de Trente. Il se trouve que c'est aujourd'hui la fête du pape Jean Paul II qui a reçu, à son baptême le nom de Karol.



Je désire de tout coeur vous remercier pour les expressions de bienveillance au regard de ma personne. Le jour de la fête fait toujours converger l'attention et la bienveillance des plus proches, des familiers, sur la personne qui porte un nom déterminé. Ce nom nous rappelle l'amour de nos parents, qui en nous l'imposant voulaient d'une certaine manière déterminer la place de leur enfant dans cette communauté d'amour qu'est la famille. Par ce nom, eux d'abord, se sont adressés à lui, et avec eux, tous les frères et les soeurs, les parents, les amis et les compagnons. Et ainsi le nom a tracé la route de l'homme parmi les hommes ; parmi les hommes plus proches et plus affectionnés.

Cependant le mystère du nom va au-delà. Les parents qui ont imposé le nom à leur enfant au baptême voulaient définir sa place dans la grande assise d'amour qu'est la Famille de Dieu. L'Église sur la terre tend sans cesse aux dimensions de cette famille dans le mystère de la Communion des Saints. En imposant le nom à leur enfant, les parents veulent l'introduire dans la continuité de ce mystère.

Mes très chers parents m'ont donné le nom de Karol (Charles) qui était aussi le nom de mon père. Certainement ils n'ont jamais pu prévoir (l'un et l'autre sont morts jeunes) que ce nom aurait ouvert à leur enfant la voie parmi les grands événements de l'Église d'aujourd'hui.

Saint Charles ! Combien de fois me suis-je agenouillé devant ses reliques au. Dôme de Milan ! Combien de fois ai-je repensé à sa vie, contemplant dans mon esprit la gigantesque figure de cet homme de Dieu et serviteur de l'Église, Charles Borromée, Cardinal, Évoque de Milan, et homme du Concile ! Il est un des grands protagonistes de la réforme de l'Église au XVIe siècle, opérée par le Concile de Trente, qui restera pour toujours liée à son nom. Il a été également l'un des créateurs de l'institution des séminaires ecclésiastiques, reconfirmée dans toute sa substance par le Concile Vatican II. Il fut, en plus, serviteur des âmes, qui ne se laissait jamais dominer par la peur ; serviteur des souffrants, des malades, des condamnés à mort.

Mon Patron !

En son nom mes parents, ma paroisse, ma patrie avaient l'intention de me préparer dès le début à un service singulier envers l'Église, dans le contexte du Concile d'aujourd'hui, avec les nombreux devoirs attachés à sa réalisation, et aussi dans l'ensemble des expériences et souffrances de l'homme de nos jours.

Que Dieu vous récompense, vénérés Frères, Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, parce qu'en ce jour vous avez voulu avec moi vénérer saint Charles dans mon indigne personne. Que Dieu récompense tous ceux qui le font unis à Vous.

Puisse-je, au moins en partie, être son imitateur !

J'espère que vos prières, les prières de tous les hommes bons, nobles, bienveillants, mes frères et soeurs, m'aideront en cela.

Et maintenant, avant de terminer ce discours, qu'il me soit permis de m'adresser d'une façon spéciale à Vous, vénéré et cher Doyen du Sacré Collège, porteur du même nom de Charles.

Nous avons un même Patron et nous avons notre fête le même jour.

Échangeons les meilleurs voeux de fête. Et je le fais du fond du coeur avec une très vive reconnaissance.

Le doyen du Sacré Collège m'a donné des preuves d'une grande bienveillance en ces premiers jours de mon pontificat Ses paroles, chaque fois qu'il parle, sont pleines d'amour, et de dévouement ; et moi je reçois les expressions qu'il m'a adressées aujourd'hui comme un signe de singulier appui pour mes premiers pas au début de ma nouvelle Mission. Je vous remercie de tout coeur.

Et je prie afin que saint Charles, notre Patron commun, bénisse votre personne durant toute votre vie, durant tous vos jours pleins d'amour pour l'Église et marqués de l'esprit de consécration et de service, qui nous édifie tous.

Avec ma spéciale bénédiction apostolique.







5 novembre 1978

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JEAN PAUL II ET LES « PATRONS » DE L'ITALIE


Le dimanche 5 novembre, Jean Paul II a quitté le Vatican vers 13 h, pour se rendre en hélicoptère, à Assise. De retour au Vatican, dans le milieu de l'après-midi, il en ressortait peu après pour se rendre dans le centre historique de Rome, à l'église dite de la « Minerva», où se trouve le corps de sainte Catherine de Sienne. Le but de ce double voyage est clair: le pape s'est rendu près des tombes des deux saints patrons de l'Italie : François d'Assise et Catherine de Sienne. Par là, il témoigne de son insertion complète en Italie comme évêque de Rome.

Voici la traduction des discours prononcés par lui à cette occasion :



Me voici à Assise en ce jour que j'ai voulu consacrer d'une façon spéciale aux Saints Patrons de cette terre : l'Italie, terre où Dieu m'a appelé afin que je puisse servir comme successeur de saint Pierre. Du fait que je ne suis pas né sur ce sol, je sens plus que jamais le besoin d'une « naissance » spirituelle en lui. Et pour cela, en ce dimanche, je viens en pèlerin à Assise aux pieds du saint « povorello » François, qui a inscrit en caractères incisifs l'Évangile du Christ dans le coeur des hommes de son temps. Nous ne pouvons nous étonner que ses concitoyens aient voulu voir en lui le Patron de l'Italie. Le Pape, qui par sa mission doit avoir devant les yeux l'Église universelle, épouse du Christ, dans les diverses parties du globe, a besoin en particulier sur son siège de Rome, de l'aide du Saint Patron d'Italie, il a besoin de l'intercession de saint François d'Assise.

Et pour cela aujourd'hui, il arrive ici.

Il vient pour visiter cette ville toujours témoin de la merveilleuse aventure divine, qui s'est déroulée entre le XIIe et le XIIIe siècle. Elle est le témoignage de cette surprenante sainteté qui passa ici comme un grand souffle de l'Esprit. Souffle auquel participent saint François d'Assise, sa soeur spirituelle, sainte Claire et tant d'autres saints nés de leur spiritualité évangélique. Le message franciscain s'est étendu loin au-delà des frontières d'Italie, et bien vite il est arrivé même en Pologne, d'où je proviens. Et il produit toujours des fruits abondants comme du reste en d'autres pays du monde et en d'autres continents.

Je vous dirai qu'étant archevêque de Cracovie, j'habitais près d'une très antique église franciscaine, et de temps en temps, j'allais prier en ce lieu, faire le « Chemin de Croix » et visiter la chapelle de la Vierge des Douleurs. Moments inoubliables pour moi ! Il faut se rappeler, n'est-ce pas que, de ce magnifique tronc de la spiritualité franciscaine, est né le bienheureux Maximilien Kolbe, Patron de nos temps difficiles.

Je ne puis passer sous silence que précisément à Assise, dans cette Basilique, en 1253, le Pape Innocent IV a proclamé saint l'Évêque de Cracovie le martyr Stanislas, maintenant Patron de la Pologne dont jusqu'à il y a peu de temps, j'étais l'indigne successeur.

Pour cela aujourd'hui, en posant, pour la première fois comme Pape, les pieds ici, à la source de ce grand souffle de l'Esprit, de cette merveilleuse renaissance de l'Église et de la chrétienté au XIIIe siècle, mon coeur s'ouvre vers notre Patron et s'écrie : « Toi qui as tant travaillé à rapprocher le Christ de ton époque, aide-nous à faire de même pour notre époque, en ces temps critiques et difficiles».

Aide-nous ! Cette époque attend le Christ avec une anxiété grandissante, bien que beaucoup d'hommes d'aujourd'hui ne s'en rendent pas compte. Nous nous approchons de l'an deux mille après le Christ. N'y aura-t-il pas des temps pour nous préparer à une renaissance du Christ, à un nouvel A vent ? Nous, chaque jour, dans la prière eucharistique nous exprimons notre attente, adressée à Lui seul, notre Rédempteur et Sauveur, à Lui qui est l'accomplissement de l'histoire de l'homme et du monde.

Aide-nous, saint François d'Assise à rapprocher le Christ de l'Église et du monde d'aujourd'hui.

Toi, qui as porté dans Ton coeur les vicissitudes de tes contemporains, aide-nous, avec le coeur proche du Rédempteur, à embrasser tout ce qui touche les hommes de notre époque !

Les difficiles problèmes sociaux, économiques, politiques, de la culture et de la civilisation contemporaines, toutes les souffrances de l'homme d'aujourd'hui, ses doutes, ses négations, ses débandades, ses tensions, ses complexes, ses inquiétudes... Aide-nous à traduire tout cela dans le langage simple et fructueux de l'Évangile.

Aide-nous à résoudre toute chose à la manière évangélique afin que le Christ lui-même puisse être « Voie, Vérité, Vie » pour l'homme de notre temps.

Moi, le Pape Jean Paul II, fils de la terre polonaise, je te demande cela, à Toi fils saint de l'Église, fils de la terre italienne. Et j'espère que tu ne le lui refuseras pas, que tu l'aideras. Tu as toujours été bon et tu t'es toujours empressé de porter secours à tous ceux qui se sont adressés à toi.

Je remercie vivement S. Em. le cardinal Silvio Oddi, délégué pontifical pour la basilique de Saint-François d'Assise et S. Exc. Monseigneur Dino Tomasini, évêque d'Assise, tous les archevêques et évêques de la Région pastorale de l’Ombrie, ainsi que les prêtres des divers diocèses.

Un salut et un grand merci spécial au Ministre général des quatre Familles franciscaines, à la Communauté de la Basilique de Saint-François, à tous les franciscains, à toutes les familles religieuses — religieux et religieuses — qui s'inspirent de la Règle et du style de vie de saint François d'Assise ! Je vous dis ce que je ressens au fond de mon coeur :

Le Pape vous remercie pour votre fidélité à votre vocation franciscaine !

Le Pape vous remercie pour votre travail apostolique, évangélique et missionnaire.

Le Pape vous remercie pour vos prières à ses intentions.

Le Pape vous assure de son souvenir dans la prière.

Servez le Seigneur avec joie !

Soyez serviteurs de son peuple avec allégresse parce que saint François a voulu que vous soyez des serviteurs joyeux de l'humanité, capables d'allumer la lampe de l'espérance, de la confiance, de l'optimisme qui trouve sa source dans le Seigneur lui-même. Qu'aujourd'hui et toujours vous serve d'exemple, notre commun saint Patron, saint François d'Assise !

A l'église de la « Minerve » à Rome





Nous arrivons désormais au soir de cette journée que j'ai voulu consacrer d'une façon particulière aux saints Patrons de l'Italie. Élu par le Sacré Collège des cardinaux comme successeur de saint Pierre, c'est avec une profonde appréhension que j'ai accepté ce service, en y voyant la volonté de notre Seigneur Jésus-Christ. Quand j'ai bien pris conscience de ne pas être natif de cette terre, mais d'être un étranger par rapport à elle, j'ai pensé à la figure de saint Pierre, lui aussi étranger à Rome, Ainsi, en esprit de foi, par obéissance, j'ai accepté cette élection, en vertu de laquelle je suis devenu successeur de Pierre et Évêque de Rome.

Je ressens donc d'autant plus le besoin de m'insérer sur cette nouvelle terre que Pierre a choisie, en venant de Jérusalem, par Antioche jusqu'à Rome. Et il l'a choisie pour établir en elle sa chaire apostolique. Cette terre m'a toujours été proche ; maintenant, elle doit devenir ma seconde patrie, et voilà pourquoi j'ai eu l'idée d'exprimer aujourd'hui, de façon spéciale, mon union avec cette terre, avec l'Italie. Je désire faire partie de cette terre dans toute sa richesse historique et, en même temps, dans toute sa réalité d'aujourd'hui. Il est un témoignage particulier de chaque patrie terrestre des hommes : ce sont les Saints propres à ce pays, parmi lesquels précisément figurent ces deux-là : Sainte Catherine de Sienne et Saint François d'Assise, qui ont été proclamés Patrons de l'Italie.

Ici, devant les reliques de sainte Catherine, je dois encore une fois remercier la divine Sagesse d'avoir voulu se servir de ce coeur de femme, à la fois simple et profond, pour montrer, dans une période d'incertitude, le chemin à l'Église et, spécialement, aux Successeurs de Pierre. Quel amour et quel courage ! Quelle merveilleuse simplicité, mais aussi quelle merveilleuse profondeur d'âme : une âme ouverte à toutes les inspirations de l'Esprit, consciente de sa mission.

Je souhaite de tout coeur que, à notre époque sainte Catherine, Docteur de l'Église, continue à être la patronne qui accorde à tous les hommes la conscience de leur vocation chrétienne. Conscience qui, d'une façon particulière, doit mûrir et s'approfondir pour que l'Église puisse remplir la mission que lui a confiée le Christ et la remplir en correspondant aux besoins de notre temps !

En sainte Catherine de Sienne, je vois un signe visible de la mission de la femme dans l'Église. Je voudrais dire beaucoup de choses à ce sujet, mais le court espace de temps dé cette journée ne me le permet pas. L'Église de Jésus-Christ et des apôtres est en même temps l'Église-mère et l'Église-épouse. De telles expressions bibliques révèlent avec clarté de quelle façon profonde la mission de la femme est inscrite dans le mystère de l'Église. Puissions-nous ensemble découvrir la signification multiforme de cette mission, en allant, la main dans la main avec le monde féminin d'aujourd'hui, en s'appuyant sur les richesses que, dès l'origine, le Créateur a mises dans le coeur de la femme et sur la sagesse admirable de ce coeur que Dieu a voulu manifester, voici bien des siècles, en sainte Catherine de Sienne.

De même que, en ce temps-là, elle servit de maître et de guide aux Papes éloignés de Rome, qu'elle soit aujourd'hui l'inspiratrice du Pape venu à Rome et qu'elle rapproche de lui, non seulement sa propre patrie, mais aussi toutes les terres du monde en lui permettant d'embrasser d'un seul coup l'Église universelle.

Avec ces voeux, de grand coeur, je vous bénis.







8 novembre 1978



AUX ENFANTS ET AUX JEUNES GENS





Je vous salue de tout coeur et vous dis que particulièrement grande est la joie que m'apporte aujourd'hui votre nombreuse et affectueuse présence. On se trouve toujours bien avec les jeunes.

Le Pape aime tout le monde, chaque homme et tous les hommes, mais il a une préférence pour les plus jeunes parce que ceux-ci avaient une place privilégiée dans le coeur de Jésus, qui désirait rester avec les enfants (Me 10, 14 ; LE 18,16) et s'entretenir avec les jeunes ; c'est particulièrement aux jeunes qu'il adressait son appel (Mt 19,21) ; et Jean, l'Apôtre le plus jeune, était son préféré.

Je vous remercie donc vivement pour être venus me voir, m'apportant le don précieux de votre jeunesse, de vos yeux pleins de joie et de vie, de vos visages resplendissant d'idéal.

En cette première rencontre je désire, en plus de l'intensité de mes sentiments d'affection, vous exprimer mon espérance. Oui, mon espérance, parce que vous êtes la promesse de demain. Vous êtes l'espérance de l'Église et de la société.

En vous contemplant, je pense en frémissant, et avec confiance, à ce qui vous attend dans la vie et à ce que vous serez dans le monde de demain ; comme viatique pour votre vie, je désire vous laisser trois pensées :

- cherchez Jésus ;

- aimez Jésus ;

- témoignez Jésus.



1. Avant tout, « cherchez Jésus » !

On ne saurait, aujourd'hui moins que jamais, en rester à une foi chrétienne superficielle ou de type sociologique : les temps, vous le savez, sont changés. Le développement de la culture, l'influence continue des mass média, la connaissance des événements humains du passé et du présent, l'accroissement de la sensibilité et du besoin de certitude et de clarté au sujet des vérités fondamentales, la présence massive dans la société et dans la culture de conceptions athées agnostiques et, également, anti-chrétiennes, imposent d'avoir une foi personnelle, c'est-à-dire recherchée avec la hantise de la vérité pour être ensuite vécue intégralement.

Il faut par conséquent parvenir à une conviction claire et certaine de la vérité de sa propre foi chrétienne, et donc, en premier lieu, de l'historicité et de la divinité du Christ et de la mission de l'Église qu'il a voulue et fondée.

Quand on est vraiment convaincu que Jésus est le Verbe Incarné et qu'il est encore aujourd'hui présent dans l'Église, alors on accepte totalement sa « parole », parce qu'elle est parole divine qui ne trompe pas, qui ne se contredit pas, qui nous donne l'unique et véritable sens de la vie et de l'éternité. C'est Lui seul en effet qui a des paroles de vie éternelle ! Lui seul est la voie, la vérité et la vie !

Je vous répète donc : cherchez Jésus en lisant et étudiant l'Évangile ; en lisant quelque bon livre ; cherchez Jésus, tirant profit en particulier de la leçon de religion dans les écoles, les catéchismes, les réunions dans vos paroisses.

Chercher personnellement Jésus donne, avec l'anxiété et la joie de découvrir la vérité, une profonde satisfaction intérieure et une grande force spirituelle pour mettre alors en pratique ce qu'il exige, même si cela impose des sacrifices.



2. En deuxième lieu, je vous dis : aimez Jésus !

Jésus n'est pas une idée, un sentiment, un souvenir ! Jésus est une « personne » toujours vivante et présente parmi nous !

- Aimez Jésus présent dans l'Eucharistie. Il est présent de manière sacrificatoire dans la Sainte Messe qui renouvelle le Sacrifice de la Croix. Aller à la Messe signifie aller au Calvaire pour le rencontrer, Lui, notre Rédempteur.

Il vient en nous dans la Sainte Communion et demeure présent dans les Tabernacles de nos églises parce qu'il désire être particulièrement l'ami et, sur le chemin de la vie, le soutien des jeunes, le vôtre, chers enfants et jeunes gens, qui avez tant besoin de confiance et d'amitié.

- Aimez Jésus présent dans l'Église au moyen de ses prêtres, présent dans la famille au moyen de vos parents et de ceux qui vous aiment.

- Aimez Jésus présent spécialement en ceux qui souffrent de l'une ou l'autre manière : physiquement, moralement, spirituellement. Que ce soit pour vous un engagement et un programme d'aimer votre prochain en découvrant en lui le visage du Christ.



3. Et enfin je vous dis : témoignez le Christ par votre foi courageuse et par votre innocence.

Il est vain de se lamenter sur la méchanceté des temps. Comme l'écrivait déjà saint Paul, il faut vaincre le mal en faisant le bien (Rm 12,21) .

Le monde estime et respecte le courage des idées et la force des vertus. N'ayez pas peur de bannir les paroles, les gestes, les attitudes non conformes aux idéaux chrétiens. Ayez le courage de repousser ce qui détruit votre innocence ou nuit à la fraîcheur de votre amour pour le Christ.

Chercher, aimer, témoigner Jésus ! Voilà votre mission ; voilà la consigne que je vous laisse ! En agissant ainsi, non seulement vous conserverez la vraie joie dans votre vie, mais vous ferez aussi du bien à la société tout entière qui a besoin avant tout d'être cohérente avec le message évangélique.

C'est ce que, de tout coeur, je souhaite pour vous, tandis que cordialement je vous bénis, vous, tous ceux qui vous sont chers et tous ceux qui se consacrent à votre formation.







9 novembre 1978

26

LE PAPE AU CLERGÉ DE ROME


Le jeudi 9 novembre, le Saint-Père a reçu en audience, dans la Salle des Bénédictions, le clergé de Rome. Celui-ci a accueilli le Souverain Pontife avec une très grande ferveur. Le cardinal-vicaire Ugo Poletti a présenté le diocèse de Rome au Pape. Celui-ci s'est alors adressé aux prêtres par un discours en italien dont voici la traduction :



Monsieur le Cardinal,



Je désire vous remercier de tout coeur pour les paroles que vous m'avez adressées au début de notre rencontre d'aujourd'hui. Avec le Cardinal-Vicaire, Mgr le Vice-Gérant et les évoques auxiliaires sont ici présents, les membres du clergé romain pour rencontrer le nouvel évêque de Rome, que le Christ a désigné au moyen du vote des Cardinaux au cours du Conclave du 16 octobre, après la mort inopinée du bien-aimé Pape Jean Paul Ier. Je dois vous avouer, chers Confrères, que j'ai fort désiré cette, rencontre et l'ai vivement attendue. Toutefois, assumant l'héritage de mes vénérables Prédécesseurs — en fait à peine trois mois nous séparent de la mort du grand Pape Paul VI — j'ai pensé qu'il convenait de le faire graduellement. D'autant plus que les circonstances sont particulièrement insolites.

La succession des Evêques de Rome compte pour la première fois après 455 ans un Pape qui vient d'au-delà des frontières italiennes. C'est pourquoi j'ai cru bon de faire précéder ma prise de possession du diocèse de Rome liée à l'entrée solennelle dans la Basilique Saint-Jean de Latran, par une période de préparation. Entre-temps, j'ai voulu m'insérer dans le magnifique courant de la tradition chrétienne d'Italie, exprimée par la figure de ses Saints Patrons : Saint François d'Assise et Sainte Catherine de Sienne. Après cette préparation, je désire accomplir le devoir fondamental de mon pontificat, c'est-à-dire prendre possession de Rome comme Diocèse, comme Église de cette ville, assumer officiellement la responsabilité de cette communauté, de cette tradition dont l'origine remonte à l'Apôtre Saint Pierre. Je suis parfaitement conscient d'être devenu Pape de l'Église Universelle, parce que Evêque de Rome. Le ministère (munus) de l'évêque de Rome en tant que successeur de Pierre est la racine de l'universalité.

Notre rencontre aujourd'hui, fête de la Dédicace de la Basilique du Latran, est comme une inauguration de l'acte solennel qui aura lieu dimanche prochain. Je salue le Cardinal-Vicaire, Monseigneur le Vice-Gérant, les Evêques et tous les Prêtres ici réunis, tant diocésains que religieux. Je souhaite cordialement à tous la bienvenue au nom du Christ Sauveur.

J'ai écouté très attentivement le discours du Cardinal-Vicaire. J'ajoute que déjà avant notre rencontre d'aujourd'hui il a eu la bonté de m'informer au sujet de différentes questions concernant le Diocèse de Rome et, en particulier sur l'activité pastorale qui pèse sur vos épaules, chers Frères prêtres dans ce diocèse, premier par dignité parmi les autres.

En écoutant ce discours, j'ai constaté avec joie que les problèmes essentiels me sont familiers. Ils font partie de toute ma précédente expérience. Vingt années de service épiscopal et quelque quinze ans de direction de l'un des plus anciens diocèses de Pologne, l’archidiocèse de Cracovie, font que ces problèmes revivent dans mes souvenirs, me forçant à les confronter entre eux, tout en ayant, évidemment, conscience de la diversité des situations. Je sais parfaitement ce que signifient l’évangélisation et l'activité pastorale dans une ville où le centre historique est riche d'églises qui se dépeuplent alors qu'en même temps, naissent de nouveaux quartiers et bourgades auxquels il faut pourvoir, non sans devoir souvent lutter pour obtenir de nouvelles églises, de nouvelles paroisses ainsi que les autres conditions fondamentales nécessaires pour l'évangélisation. Je me souviens des prêtres admirables, zélés et souvent héroïques avec lesquels j'ai pu partager la sollicitude et la lutte. Sur cette voie, la foi alimentée par la tradition acquiert des forces neuves. La laïcisation programmée ou bien jaillie d'habitudes et de prédispositions des habitants d'une grande ville s'arrête quand elle rencontre un vivant témoignage de foi qui sait mettre également en évidence, la dimension sociale de l'Évangile.

Je sais également, chers frères, ce que signifient les diverses institutions et structures auxquelles le Cardinal-Vicaire a eu la bonté de faire allusion, c'est-à-dire la Curie — en l'espèce le Vicariat de Rome — les préfectures et le Conseil des Curés-Préfets y relatif, le Conseil Presbytéral. J'ai appris à donner leur juste valeur à toutes ces formes de travail de groupe. Elles sont, non pas seulement, des structures administratives mais aussi des centres par lesquels s'expriment et se réalisent notre communion sacerdotale et, en même temps, l'union du service pastoral et de l'évangélisation. Dans ma précédente activité épiscopale, il m'a été rendu de grands services par le Conseil Presbytéral, soit en tant que communauté, soit comme lieu de rencontre avec l’évêque pour partager avec lui la commune sollicitude pour toute la vie du presbyterium et pour l'efficacité de son activité pastorale.

Parmi les institutions que le Cardinal Vicaire a énumérées dans son discours, il en est trois qui, dans mon précédent service d'évêque m'ont toujours été très proches et très chères : le séminaire diocésain, l'Université des Sciences théologiques et la paroisse.

Comme j'aimerais contribuer à leur développement ! Le Séminaire en effet est « la pupille de l'oeil » non seulement des Évêques, mais de toute l'Église locale et universelle. L'Université des Sciences théologiques — en notre cas l'Université du Latran — me sera chère autant que l'était et le reste la Faculté de Théologie de Cracovie et ses Instituts-annexes. Quant à la paroisse, comme je trouve profondément justifiée l'affirmation que c'est « dans la paroisse » que l'évêque se sent le plus à l'aise ! Les visites aux paroisses — cellules fondamentales d'organisation de l'Église et, en même temps, de la Communauté du Peuple de Dieu — comme je les aimais ! J'espère pouvoir les continuer ici également pour connaître vos problèmes et ceux de la paroisse. A cet égard, j'ai déjà eu des entretiens avec le Cardinal-Vicaire et ses évêques.

Tout ce que je dis se rapporte à vous et vous touche directement, chers frères prêtres romains. Tandis que je vous rencontre ici pour la première fois et vous salue avec sincère affection, j'ai encore dans les yeux et dans le coeur le « presbyterium » de l'Église de Cracovie — toutes nos rencontres en diverses occasions — les nombreux entretiens qui ont commencé dès les années de Séminaire — les réunions de prêtres — compagnons d'ordination des divers cours du séminaire, auxquels j'ai toujours été invité et y participant avec joie et profit.

Il ne sera pas possible évidemment de réaliser tout cela ici, étant donné mes nouvelles conditions de travail, mais nous devons faire tout ce que nous pouvons pour être proches, pour former P« unum », la communion sacerdotale, comprenant tout le clergé diocésain et religieux de tous les prêtres provenant des diverses parties du monde qui travaillent au service de la Curie Romaine et se dévouent avec autant de sollicitude au ministère pastoral. Cette communion des prêtres entre eux et avec leur Évêque est la condition fondamentale de l'union entre tout le Peuple de Dieu. Elle constitue son unité dans le pluralisme et dans la solidarité chrétienne. L'union des prêtres avec leur évêque doit devenir la source de l'union réciproque des prêtres entre eux et des groupes de prêtres. Cette union, basée sur la conscience de leur grande mission propre, s'exprime moyennant l'échange de services et d'expériences, la disponibilité à la collaboration, l'engagement dans toutes les activités pastorales, tant dans la paroisse que dans la catéchèse ou dans la direction de l'apostolat des laïcs.

Chers Frères, nous devons aimer notre sacerdoce du plus profond de notre âme, comme grand «sacrement social ». Nous devons l'aimer comme l'essence de notre vie et de notre vocation, comme base de notre identité chrétienne et humaine. Aucun de nous ne peut être divisé en lui-même. Le sacerdoce sacramentel, le sacerdoce ministériel, exige une particulière foi, un particulier engagement de toutes les forces de l'âme et du corps ; il exige une toute spéciale conscience de la propre vocation comme vocation exceptionnelle. Nous devons, chacun de nous, remercier le Christ à genoux pour le don de cette vocation : « Que rendrais-je au Seigneur pour les dons qu'il m'a faits ? J'élèverai le calice du salut et j'invoquerai le nom du Seigneur » (Ps 115).

Chers frères, nous devons prendre « le calice du salut ». Nous sommes nécessaires aux hommes, immensément nécessaires, et pas à moitié-service, à mi-temps, comme des « employés ». Nous sommes nécessaires en tant qu'hommes qui rendent témoignage et réveillent chez autrui le besoin de rendre témoignage. Et s'il peut sembler parfois que nous ne sommes pas nécessaires, cela veut dire qu'il nous faut commencer à rendre plus clairement témoignage, et alors nous nous rendrons compte combien le monde a besoin aujourd'hui de notre témoignage sacerdotal, de notre service, de notre sacerdoce.

Aux hommes de notre temps, à nos fidèles, au peuple de Rome, nous devons donner et offrir notre témoignage avec toute notre existence humaine, avec tout notre être. Le témoignage sacerdotal, le tien, cher confrère prêtre, et le mien implique notre personne tout entière. Oui, le Seigneur semble en effet nous parler : « J'ai besoin de tes mains pour continuer à bénir... J'ai besoin de tes lèvres pour continuer à parler... J'ai besoin de ton corps pour continuer à souffrir... J'ai besoin de ton coeur pour continuer à aimer... J'ai besoin de toi pour continuer à sauver » (Michel Quoist, Prières).

Ne nous flattons pas de servir, si nous tentons de « diluer » notre charisme sacerdotal en accordant un intérêt exagéré au vaste domaine des problèmes temporels, si nous désirons « laïciser » notre manière de vivre et d'agir, si nous effaçons également les signes extérieurs de notre vocation sacerdotale. Nous devons conserver le sens de notre vocation spéciale, et un tel caractère exceptionnel doit s'exprimer également dans le vêtement extérieur. Nous n'avons pas à en avoir honte. Certes, nous sommes dans le monde ! Mais nous ne sommes pas du monde !

Le Concile Vatican II nous a rappelé cette splendide vérité du « sacerdoce universel » de tout le Peuple de Dieu qui découle de la participation au sacerdoce unique de Jésus. Notre sacerdoce               « ministériel », enraciné dans le sacrement de l'Ordre, diffère essentiellement du sacerdoce universel des fidèles. Il a été constitué afin d'éclairer plus efficacement nos frères et soeurs qui vivent dans le monde — c'est-à-dire les laïcs — sur le fait que nous sommes tous en Jésus-Christ « royaume de prêtres » pour le Père. Le prêtre rejoint cette fin par le ministère de la parole et des sacrements qui lui est propre, et surtout par le sacrifice eucharistique auquel lui seul est autorisé ; tout ceci, le prêtre le réalise également grâce à un style de vie adapté. C'est pourquoi notre sacerdoce doit être limpide et expressif. Et si, dans la tradition de notre Église, il est strictement lié au célibat, c'est précisément en vue de la limpidité et de l'expressivité « évangélique » auxquelles se réfèrent les paroles du Seigneur au sujet du célibat « pour le royaume des cieux » (cf. Mt Mt 19,12).

Le Concile Vatican II et un des premiers Synodes des Évêques, celui de 1971, ont prêté grande attention aux questions précitées. En outre, rappelons-nous que durant ce Synode, le Pape Paul VI a élevé aux honneurs de l'autel, le Bienheureux Maximilien Kolbe, un prêtre. Aujourd'hui, je désire me référer à tout ce qui a été énoncé à l'époque et également au témoignage sacerdotal de mon compatriote.

Je voudrais vous confier également un problème que j'ai pris particulièrement à coeur: celui des vocations sacerdotales pour notre chère ville et diocèse de Rome. Chers prêtres, veuillez prendre part à ma préoccupation, à ma sollicitude ! Faites appel à vos souvenirs les plus personnels ! N'y a-t-il pas eu aux débuts de votre vocation un prêtre exemplaire qui vous a guidés dans vos premiers pas vers le sacerdoce ? Votre première pensée, votre premier désir de suivre le Seigneur, ne sont-ils pas liés à la personne concrète d'un prêtre-confesseur, d'un prêtre-ami ? Qu'aillent à ce prêtre votre pensée reconnaissante, votre coeur gonflé de gratitude. Oui, le Seigneur a besoin d'intermédiaires, d'instruments pour faire écouter sa voix, son appel. Chers prêtres, offrez-vous au Seigneur pour être ses instruments pour appeler de nouveaux ouvriers à sa vigne. Il ne manque pas de jeunes généreux.

Avec grande humilité et amour je demande au Christ, Prêtre éternel et unique, par l'intercession de Sa Mère et de la nôtre, particulièrement vénérée dans l'image connue dans le monde entier comme Salus Populi Romani, que notre commun service sacerdotal et pastoral dans ce diocèse qui est le plus vénérable de l'Église Universelle soit béni et produise des fruits copieux. Me référant donc à la prière sacerdotale de Jésus-Christ, je termine par ces paroles : « Père Saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés pour qu'ils soient une seule chose... et qu'aucun d'eux ne se perde... afin qu'ils soient sanctifiés dans la vérité» (Jn 17, 11, 19).







9 novembre 1978


Discours 1978 29108