Discours 1978 41

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FOI ET AMOUR DANS LA COMMUNAUTÉ ECCLÉSIALE


Jean Paul II aux pèlerins de Seregno

Le Saint-Père a reçu le 25 novembre un groupe nombreux de pèlerins de Seregno, venus lui rendre la visite qu'il leur fit en décembre 1963.

A l'adresse d'hommage de Mgr Citterio, auxiliaire de Milan et jadis curé de Saint-Joseph de Seregno, Jean Paul II a répondu par un discours en italien dont voici la traduction :



Très chers Fils de Seregno,



Je vous salue tous avec une cordialité particulièrement chaleureuse, à commencer par mon bien-aimé frère Monseigneur Bernardo Citterio, évêque auxiliaire de Milan et ancien curé de votre paroisse, Monseigneur Luigi Gandini, l'actuel curé, les autorités municipales puis chacun de vous, sans exclure personne.

Je suis heureux de votre présence et je vous en remercie. Le lien qui m'unit à vous remonte à cette année déjà lointaine de 1963, lors de ma première visite à Seregno où j'ai célébré la sainte messe en votre collégiale. Ce fut le début d'une série de rencontres personnelles ou épistolaires qui ont constellé ces quinze années.

Tout commença par la requête que le curé de Saint-Florient à Cracovie et puis moi-même avions adressée au cardinal Montini, à l'époque archevêque de Milan, d'avoir pour cette église trois cloches nouvelles en remplacement des précédentes perdues pendant la guerre. C'est précisément vous, de Seregno, qui, avec la grâce de Dieu et votre concrète générosité chrétienne avez traduit ce désir en réalité, manifestant également ainsi votre communion ecclésiale désintéressée. Aujourd'hui les cloches qui sonnent à Cracovie en l'église Saint-Florient, patron de cet archevêché bien-aimé, chantent également votre sollicitude fraternelle et sont un témoignage de ce lien d'amour mutuel qui doit toujours caractériser l'Église du Christ.

Jusqu'à présent, il m'était resté dans l'âme un sincère regret : lors-qu'en août 1973 vous êtes venus en pèlerinage à Cracovie, je n'ai pu vous recevoir, étant absent à cause de mes engagements pastoraux. C'est pourquoi je suis particulièrement" joyeux de pouvoir remédier aujourd'hui à cette rencontre manquée en vous accueillant ici de grand coeur et avec une profonde bienveillance. Cette fois, dans mon humble personne vous ne rencontrez plus l'évêque de Cracovie, mais l'évêque de Rome qui, pour cette raison même est le successeur de Pierre et, donc, signe d'unité de toute l'Église fondée par le Christ. Ceci ne diminue nullement et même accroît la reconnaissance que je nourris à votre égard.

Voici à quoi je veux vous exhorter ; poursuivez également avec d'autres initiatives édifiantes, votre engagement de communion avec la grande communauté catholique éparse dans le monde. Alors, comme déjà saint Paul l'assurait aux chrétiens de la Grèce qui s'intéressaient, même matériellement, à ceux de Jérusalem, Dieu « vous fournira la semence, en abondance, et il fera croître les fruits de votre justice » (2Co 9,10).

L'objet de mes voeux pour votre communauté paroissiale et pour chacun de vous est précisément ceci : qu'avec l'aide du Seigneur, vous puissiez croître de plus en plus dans l'intensité d'une vie chrétienne qui soit fondée sur une foi solide et fleurisse dans la beauté de l'amour. C'est seulement ainsi que la lumière luit au-dessus du boisseau, témoin efficace de l'Évangile devant les hommes qui             « voyant vos bonnes oeuvres, en rendront gloire à votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16).

Avec ces voeux et l'assurance d'une prière spéciale, je vous donne bien volontiers la plus ample bénédiction apostolique que j'étends également à vos familles et aux autres membres de votre paroisse restés chez eux , qu'elle soit le gage de la durable et toujours féconde protection céleste.







27 novembre 1978

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LE CONCOURS DE LA FONDATION « LATINITAS »


A l'occasion du vingt et unième « Concours du Vatican » organisé par la fondation « Latinitas », le cardinal Felici, le président de la fondation, l'abbé Carlo Egger, ainsi que les participants à ce concours ont été reçus en audience par le pape le 27 novembre.

Voici la traduction du discours du pape, en réponse à l'adresse d'hommage du cardinal et prononcé en latin :



Vénérable Frère et chers Fils,



Nous vous saluons volontiers, vous qui vous adonnez à la culture et à la diffusion de la langue latine, et vous en particulier notre vénérable frère Péricle cardinal Felici qui êtes reconnu comme un très grand expert de la langue de Rome, ainsi que les administrateurs et les membres de cette fondation, appelée Latinitas, que, dans sa sagesse prévoyante, Paul VI notre prédécesseur de pieuse mémoire, a fondée. Parmi vous, nous saluons également ceux qui travaillent à la composition des documents latins dans notre Secrétairerie d'État, ainsi que les vingt premiers lauréats du concours du Vatican.

Ce concours institué autrefois avec l'approbation bienveillante de Pie XII, est l'objet de nos vives félicitations puisqu'il encourage les experts de la langue latine à intensifier leur connaissance et leur utilisation de cette langue.

Personne n'ignore que, de nos jours, les études latines jouissent d'une moins grande faveur car les hommes sont plus portés aux sciences techniques et préfèrent les langues vulgaires. Cependant, nous ne voulons pas nous écarter des importants documents de nos prédécesseurs qui ont souvent mis en lumière l'importance de la langue latine, même de notre temps, surtout pour l'Église. En effet, la langue latine est en quelque sorte universelle, elle traverse les frontières des nations à tel point que le Saint-Siège l'utilise beaucoup dans les lettres et les actes qui concernent la famille catholique universelle.

Il faut aussi remarquer que les sources des disciplines ecclésiastiques sont, pour une très grande part, écrites en langue latine. Que dire, en effet, des illustres ouvrages des Pères et d'autres écrivains de renom qui ont employé cette langue ? Ainsi, on ne peut pas penser qu'il possède une véritable science celui qui ne comprend pas la langue d'écrits de ce genre et qui doit s'appuyer sur des versions, quand elles existent : ces versions rendent rarement le sens plein du texte original. C'est pour cette raison que le Concile Vatican II avertit à ce sujet ceux qui étudient les sciences sacrées : « qu'ils acquièrent la connaissance de la langue latine qui leur permettra de comprendre les sources de tant de sciences et les documents de l'Église » (Décret Optatam totius, OT 13).

Nous nous adressons donc d'abord aux jeunes qui, de nos jours, en de nombreux endroits, comme on le sait, étudient les lettres latines et les sciences humaines : qu'ils accueillent avec joie ce patrimoine, pour ainsi dire, de la latinité, que l'Église tient en haute estime et que leur activité porte des fruits. Qu'ils sachent que ce mot de Cicéron s'adresse en quelque sorte à eux aussi : « II n'est pas tellement glorieux de savoir le latin qu'il n'est honteux de l'ignorer » (Brutus, 37, 140).

Par conséquent, nous vous exhortons, vous tous, ici présents, et les membres de la fondation qui vous soutiennent à poursuivre vos nobles travaux et à porter haut le flambeau de la latinité qui est ainsi, bien qu'elle soit circonscrite dans des frontières plus étroites, un certain lien entre les hommes de langue différente. Sachez que le successeur de Pierre dans le ministère apostolique suprême prie pour le bon résultat de votre entreprise, qu'il est à vos côtés et qu'il vous confirme. Qu'en soit le gage la bénédiction apostolique que nous vous accordons volontiers dans le Seigneur à tous et à chacun.







28 novembre 1978

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L'ÉVANGÉLISATION, PLÉNITUDE DE LA PROMOTION HUMAINE




Chers Amis de Cor Unum,



Je suis très heureux de vous accueillir ici, à l'issue de votre septième assemblée plénière. Plusieurs d'entre vous font partie de conférences épiscopales, de celles qui sont en mesure de proposer une aide matérielle ou de celles qui ont des besoins à faire connaître ; la plupart représentent des organismes caritatifs qui émanent directement de ces conférences ou qui se sont constitués pour mettre en oeuvre l'entraide et le partage, dans un esprit chrétien et selon un objectif particulier, au plan national ou international.

Puisque vous avez été appelés à travailler dans un conseil « pontifical », il me revient de vous dire la vive gratitude du Saint-Siège, d'autant plus grande que je vous sais déjà très accaparés par les multiples tâches de vos institutions particulières, tâches qui ne souffrent guère de délai d'exécution. Et pourtant, vous saisissez la nécessité de venir avec assiduité aux assemblées et réunions de ce conseil. Le pape personnellement, le Saint-Siège, l'Église universelle comptent sur ces rencontres, au sommet, de chrétiens éminemment engagés au service de la promotion humaine et de la charité, d'hommes et de femmes qui peuvent les faire bénéficier de leur connaissance et de leur zèle au plan pastoral et aussi de leur compétence d'experts dans les aspects techniques de l'entraide toujours envisagée selon le souci de charité de l'Église. Oui, je vous encourage vivement à cette participation active et régulière aux travaux du conseil pontifical.

Les rapports sur les activités de Cor Unum montrent clairement comment progresse et mûrit l'esprit de coordination qui a motivé la fondation de cette institution et qui en demeure la raison d'être. Il semble que ce résultat ait été largement favorisé par les groupes de travail que le conseil a organisés entre les différents membres, consul-leurs ou autres experts, sur des thèmes ou objectifs précis. Cette formule permet d'espérer des résultats toujours plus fructueux. Certes, les Églises locales sont les premières concernées au stade du don et de l'accueil, de la préparation ou de l'exécution, et leur participation est nécessaire. Mais il apparaît non moins nécessaire que tous les artisans du partage se concertent et se soutiennent mutuellement, au-delà d'échanges bilatéraux, dans le contexte de l'Église universelle, car il y va d'une responsabilité et d'une mission vraiment universelles de l'Église. Et le conseil pontifical Cor Unum est précisément le terrain normal et efficace de rencontre et de coordination pour tous les efforts d'assistance et de promotion dans l'Église. C'est dire la confiance que mes prédécesseurs ont mise dans cette oeuvre, confiance que j'aime aujourd'hui vous renouveler.

Je ne peux pas, au cours de ce bref entretien, aborder les nombreux aspects que vous avez vous-mêmes examinés et qui doivent vous tenir à coeur. Nous sommes tous bien convaincus que c'est la charité selon le Christ qui doit motiver nos actions de promotion humaine : l'Évangile lu cette année pour la fête du Christ-Roi en demeure la charte. Il nous faut veiller également à bien situer la promotion dans le contexte de l'évangélisation, laquelle est la plénitude de la promotion humaine, puisqu'elle annonce et offre le salut plénier de l'homme.

Par ailleurs, un aspect particulier, mais capital de votre action consiste à maintenir l'élan de générosité. Vous connaissez les situations d'urgence qui se présentent, qu'il s'agisse de catastrophes naturelles ou de catastrophes provoquées par les hommes, par leurs violences ou par leurs égoïsmes obstinés. De telles situations provoquent souvent, Dieu merci, des sursauts immédiats de générosité dans la conscience des hommes épris de solidarité, d'autant plus que les organes d'information donnent alors largement écho au caractère sensationnel des faits. Mais s'il est des catastrophes dont les effets peuvent être éliminés par une action décisive de brève durée, il n'en est généralement pas ainsi : les besoins se prolongent souvent durant de longues périodes. Et l'une de vos tâches est alors de maintenir en éveil ou de ressaisir la générosité et le souci d'informer autant que durent les besoins de nos frères.

Que l'Esprit-Saint vous éclaire et vous' fortifie dans l'oeuvre magnifique qui vous est confiée ! Vous contribuez à donner le témoignage qui caractérise le mieux les disciples du Christ : la charité, la charité universelle, celle qui ne connaît pas de frontière ni d'ennemi. De tout coeur, je vous bénis, avec tous ceux qui collaborent avec vous.







29 novembre 1978

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VOUS ÊTES LE RÉCONFORT ET LE FORCE DU PAPE


Le pape s'adresse à des jeunes

Le 29 novembre, avant de se rendre à la grande salle des audiences où l'attendaient plus de seize mille personnes, le pape est venu à Saint-Pierre parler aux jeunes et il leur a dit :



Chers jeunes garçons et filles,



Merci pour l'enthousiasme que vous avez manifesté lorsque j'ai traversé cette splendide basilique vaticane au milieu de vos groupes vibrant de juvénile allégresse et de sincère attachement à la personne du successeur de Pierre sur la tombe duquel nous nous trouvons réunis pour recevoir de lui inspiration et soutien.

Vous venez des écoles, des paroisses, des oratoires, des institutions et associations catholiques pour manifester au pape vos idéaux chrétiens et la bonne volonté de vous préparer à votre avenir et à vos futures responsabilités de chrétiens et de citoyens, avec sérieux et généreux dévouement. Pour ceci également et même surtout pour ceci, je vous répète mon « merci » cordial que je désire étendre à vos parents, à vos éducateurs, à vos instituteurs et au clergé de vos paroisses qui vous ont conduits à cette rencontre.

Avant de vous parler du thème général de ce mercredi, centré sur l'Avent, (c'est en effet, comme vous le savez, dimanche prochain que commence le temps liturgique de l'Avent), je désire adresser, avec paternelle bienveillance, un salut particulier à deux groupes de jeunes : les paralytiques du            « Centro spastici villa Margherita » de Montefiascone, dirigé par les religieuses de la congrégation des Filles de l'Immaculée Conception ; puis le groupe des sourds-muets hospitalisés à l'institut Gualandi de Rome : soyez les bienvenus, très chers fils ! Votre présence et vos conditions particulières vous méritent une place spéciale dans le coeur du pape qui vous embrasse et vous bénit avec une prédilection émue. Que soient pour vous un motif de soulagement et de sérénité, même au milieu des peines inévitables de la vie quotidienne, les soins affectueux de tous ceux qui se dévouent à votre assistance et à votre instruction et qui, aujourd'hui, d'un geste digne d'être noté, vous ont accompagnés ici dans un esprit d'activé solidarité à l'égard des frères les plus nécessiteux.

Aujourd'hui, presque à la veille de l'Avent, comme nous l'avons dit, nous voulons nous interroger sur la signification de l'Avent ; nous avons tellement l'habitude de ce terme que nous risquons de ne plus éprouver le besoin de rechercher de nouveau sa profonde signification.

Il veut dire « venue ». Et ceci, vous le savez mieux encore, vous les plus petits qui m'écoutez et vous rappelez bien la venue de Jésus, la nuit de Noël, dans une grotte qui servait d'étable. Quant à vous, les plus grands, qui faites déjà des études supérieures, vous vous posez des questions pour approfondir toujours plus cette merveilleuse réalité du christianisme, l'Avent. Résumant en quelques mots, ce que je développerai plus largement au cours de la seconde audience de cette matinée, l'Avent est l'histoire des premiers rapports entre Dieu et l'homme. Le chrétien, dès qu'il prend conscience de sa vocation surnaturelle, accueille le mystère de la venue de Dieu dans sa propre âme et cette réalité fait palpiter et battre constamment son coeur, cette venue n'étant autre que la vie du christianisme.

Pour mieux comprendre le rôle de Dieu et de l'homme dans le mystère de l'Avent, nous devons revenir à la première page de la Sainte Écriture, c'est-à-dire à la Genèse où nous lisons les mots :          « Beresit bara ! Au commencement, Dieu créa... ». Lui, Dieu, créa, c'est-à-dire « donna naissance » à tout ce qui n'est pas Dieu, c'est-à-dire au monde visible et invisible (selon la , le ciel et la terre). Dans ce contexte, le verbe « créa » manifeste la plénitude de l'être de Dieu, et cette plénitude se révèle comme Toute-Puissance qui est ensemble Sagesse et Amour.

Mais cette même page de la Bible nous présente aussi l'autre protagoniste de l'Avent : l'homme. Nous y lisons en effet que Dieu le créa à son image et à sa ressemblance : « Dieu dit : faisons l'homme à notre image, à notre ressemblance» (Gn 1,26). De ce second protagoniste de l'Avent, c'est-à-dire l'homme, je parlerai mercredi prochain ; mais dès à présent, je désire vous indiquer cette relation particulière, à laquelle s'intéresse la théologie de l'Avent, entre Dieu et l'image de Dieu, c'est-à-dire l'homme.

Et comme premier engagement du nouveau temps liturgique qui va commencer bientôt, tâchez, en vous basant sur les brèves considérations bibliques que nous venons de faire ensemble, de donner votre réponse personnelle aux deux interrogations qui émergent implicitement du discours : que signifie l'Avent ? Et pourquoi l'Avent est-il partie essentielle du christianisme ?

Rentrés dans vos foyers, dans vos écoles, dans vos associations, dites à tous que le pape compte beaucoup sur les jeunes. Dites que les jeunes sont le réconfort et la force du pape, qu'il désire les voir tous pour leur faire entendre ses paroles d'encouragement au milieu de toutes les difficultés que comporte l'intégration dans la société. Dites-leur enfin, de réfléchir, tant individuellement que dans leurs rencontres, sur la signification de la nouvelle période liturgique et sur les implications qui en découlent dans l'effort quotidien du nécessaire renouvellement spirituel.

Que vous aide et vous stimule dans la réalisation de vos propos, la bénédiction apostolique que de tout coeur je vous donne maintenant à vous et à tous ceux qui vous sont chers.







1er décembre 1978

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LA PÉDAGOGIE DE L'AMOUR


Le 1er décembre, Jean Paul II a reçu en audience les membres du Conseil général, les Supérieurs provinciaux et les directeurs des instituts italiens ; de la congrégation Saint-Joseph réunis à Rome en congrès à l'occasion du cent cinquantième anniversaire de la naissance de leur fondateur, saint Léonard Murialdo.



Très chers Fils !



Réunis à Rome pour votre annuel congrès administratif qui coïncide avec le cent cinquantième anniversaire de la naissance du fondateur de votre institut, saint Léonard Murialdo, vous avez exprimé le désir d'être reçus par le nouveau pape pour manifester votre fidélité au vicaire du Christ et écouter sa parole.

Je vous exprime ma reconnaissance pour ce geste aimable et prévenant et vous adresse avant tout, à chacun de vous, mon salut le plus cordial ; je m'associe bien volontiers à vous dans cette célébration, souhaitant qu'elle vous incite à un engagement renouvelé dans votre vie spirituelle et dans votre zèle apostolique.

Puis, je désire profiter de l'occasion de cette rencontre pour vous exhorter à vous maintenir fidèles aux trois consignes données par votre fondateur :

1. La recherche de la sainteté. «Devenez des saints et faites-le vite », était une constante exhortation de Murialdo. Il faut qu'elle constitue notre préoccupation primordiale et notre effort fondamental.

La sainteté consiste avant tout à vivre avec conviction la réalité de l'amour de Dieu, en dépit des difficultés de l'histoire et de celles de notre propre vie.

Dans son « testament spirituel », Murialdo a écrit : « J'aimerais que la congrégation de Saint-Joseph vise surtout à répandre autour d'elle et spécialement en son sein, la connaissance de l'amour infini, actuel et individuel, que Dieu a pour toutes les âmes et de manière toute particulière pour ses élus et privilégiés — les prêtres et les religieux — de la connaissance de l'amour personnel qu'il a pour chacun, on lit dans les livres de piété et l'on prêche du haut des chaires de vérité que Dieu a tant aimé les hommes, mais on ne pense pas que c'est maintenant, actuellement, à cette heure même que Dieu nous aime vraiment et infiniment. »

Et moi aussi je veux vous dire ceci : dans vos difficultés quotidiennes, aux moments de l'épreuve et du découragement, quand il semble que chaque effort s'est pour ainsi dire vidé d'intérêt et de valeur, rappelez-vous que Dieu connaît nos angoisses ! Dieu vous aime un par un, vous est proche, vous comprend ! Ayez confiance en lui et, dans cette certitude, vous trouverez le courage et la joie d'accomplir votre devoir avec amour et sérénité.

La « sainteté » consiste en outre dans une vie d'effacement et d'humilité : savoir se plonger dans le travail quotidien des hommes, mais en silence, sans défrayer la chronique, sans échos mondains. « Agissons et taisons-nous ! » C'était la devise-programme de votre fondateur. Agir et se taire ! Comme il est encore actuel aujourd'hui ce programme de vie et d'apostolat !

Mettez à profit, très chers Fils, ces enseignements de votre saint ! Ils indiquent la voie même de l'Avent du royaume de Dieu !

2. Une deuxième caractéristique de saint Léonard Murialdo est sa préoccupation pédagogique. Il fut incontestablement un grand éducateur, comme don Bosco, et il engagea toute sa vie dans l'éducation des enfants et des jeunes, convaincu de la valeur de la méthode préventive et de l'orientation christocentrique.

Méditons ensemble ce qu'il écrivit à ses confrères, recueillis dans les Exercices Spirituels de 1898 : « L'amour de Dieu engendre le zèle pour le salut des jeunes : ne perdantur, disait saint Jean Chrysostome, « afin qu'ils ne se perdent pas », qu'ils ne se damnent pas, et donc... le véritable zélé pour les sauver, les instruire convenablement dans la religion, leur inspirer l'amour de Dieu, de Jésus-Christ, de Marie et le zèle pour se sauver. Mais tout cela ne peut être obtenu que si l'on a l'humilité du coeur. »

C'est une exhortation dont le pape veut se faire l'écho ce matin. Que ceci soit votre hantise : éduquez pour sauver !

La pédagogie du salut éternel contient logiquement la « pédagogie de l'amour ». Engagez totalement votre vie pour éduquer, pour former les enfants et les jeunes, vous comportant de manière que votre vie soit pour eux un constant exemple de vertu : il faut se faire petit avec les petits et être tout à tous pour les gagner tous au Christ !

La bonté du coeur, l'affabilité, la patience, la courtoisie, la joie, sont des éléments nécessaires pour « accrocher », pour former, pour conduire au Christ, pour sauver, et bien souvent ils exigent des efforts et des sacrifices. En dépit des difficultés, vous devez poursuivre votre labeur avec amour et dévouement, car l'oeuvre de l'éducateur a une valeur éternelle !

3. Enfin, je voudrais relever une dernière caractéristique qui me semble importante pour définir plus complètement la physionomie de Léonard Murialdo : il s'agit de sa profonde fidélité à l'Église et au pape. Il vécut à une époque assez difficile pour l'Église, particulièrement en Italie ; homme intelligent et clairvoyant comme il l'était, il avait parfaitement compris que les temps commençaient à changer rapidement et qu'il valait mieux pour l'Église de ne plus avoir les soucis du « pouvoir temporel ». En font foi ses lettres si profondes et si équilibrées. Il avait confiance en la Providence, suivant l'exemple de saint Joseph dont votre congrégation porte le nom.

Agissez ainsi, vous également ! Aimez l'Église ! Aimez le pape ! Soyez dociles à ses enseignements et à ses directives, bien convaincus que le Seigneur veut l'unité dans la vérité et dans la charité et que le Saint-Esprit assiste le vicaire du Christ dans son oeuvre indispensable et salvifique. Et priez, et faites prier vos jeunes et vos fidèles pour le pape et pour l'Église.

Nous ne pouvons conclure qu'en nous adressant à la Très Sainte Vierge Marie que Murialdo aimait et vénérait tant, à qui il recourait comme médiatrice universelle de toute grâce. Dans ses lettres revenait constamment la pensée de Marie : il y incitait à la récitation du Rosaire et confiait à ses fils la diffusion de la dévotion à la Vierge Très Sainte ; il affirmait « Si l'on veut faire un peu de bien parmi les jeunes, il faut leur inspirer l'amour envers Marie ». L'oeuvre bénéfique accomplie par votre fondateur en est la meilleure démonstration. Suivez donc également en ceci son exemple.

Avec ces voeux et tandis que je pense avec admiration à l'énorme travail que vous avez accompli dans différentes parties du monde, particulièrement au bénéfice de la jeunesse, j'implore du Seigneur l'abondance de ses grâces, de ses faveurs sur votre apostolat et avec une toute particulière bienveillance je vous donne, très chers Fils, à vous et tous vos jeunes et à vos paroisses, la bénédiction apostolique propitiatoire.







2 décembre 1978



L'AMBASSADEUR DU SÉNÉGAL PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE



Le pape a reçu en audience solennelle, le samedi 2 décembre, S. Exc. M. Paul Ndiaye, nouvel ambassadeur du Sénégal près le Saint-Siège, venu lui présenter ses lettres de créance. Il était accompagné de M. Casimir Sambou, conseiller.



Monsieur l'Ambassadeur,



Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Le Sénégal, que vous représentez désormais comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, est un pays avec lequel le Saint-Siège entretient depuis longtemps des rapports d'amitié et votre Président, Son Excellence Monsieur Léopold Sédar Senghor, qui vous a chargé de me transmettre ses voeux, est un homme d'État dont mon vénéré prédécesseur le pape Paul VI a plusieurs fois reçu avec plaisir la visite et apprécié les interventions. Veuillez vous faire auprès de lui l'interprète de mes sentiments de haute considération et de profonde estime.

Ma pensée se tourne spontanément vers l'Église qui est au Sénégal, et particulièrement vers le cher cardinal Hyacinthe Thiandoum et mes autres frères dans l'épiscopat. Mais en cette circonstance, c'est pour tous vos compatriotes que je formule des souhaits fervents de bonheur, de paix et de progrès.

Une condition essentielle de ce progrès — Votre Excellence l'a souligné à ma vive satisfaction — c'est le respect et la promotion des valeurs spirituelles. Certes l'amplification des connaissances, la lutte pour de meilleures conditions de santé, le développement économique sont bien nécessaires et méritent tous nos efforts : je pense au drame de la sécheresse, auquel il faut remédier grâce à une large  solidarité ; je pense aux réalisations courageuses de votre Gouvernement dans le domaine culturel. Mais si ces progrès devaient s'accompagner d'une conception matérialiste de la vie, ce serait en fait une régression. L'homme serait mutilé et il aurait tôt fait de perdre sa dignité, son caractère sacré, en même temps que le sens ultime de son existence qui est de vivre en présence de Dieu et en relation fraternelle avec le prochain. Toute civilisation doit se garder de perdre son âme.

C'est l'honneur de votre pays, c'est l'honneur de la tradition africaine, de garder l'intuition du sacré. La civilisation de la négritude, que le Président Senghor lui-même a analysée d'une façon pénétrante, comporte ce sens religieux très enraciné et le favorise. Encore faut-il qu'il soit approfondi et éduqué, pour être en mesure d'affronter sans réduction toute la culture moderne, avec ses philosophies, son esprit scientifique et technique.

La tolérance et la paix entre les disciples des grandes confessions religieuses sont facilitées par les institutions de votre pays, sous la sage conduite de votre Président. L'État garde vis-à-vis de ces confessions religieuses la distance qui permet l'impartialité nécessaire à leur égard et la distinction normale entre les intérêts politiques et les affaires religieuses. Mais cette distance n'est pas   indifférence : l'État sait marquer son estime pour les valeurs spirituelles et encourager, avec justice, les services que les communautés religieuses rendent aux populations, dans le domaine de l'enseignement ou de l'aide sanitaire.

Enfin la paix entre les pays, et notamment sur le continent africain, préoccupe aussi, à bon droit, le gouvernement et le peuple sénégalais. Conscient de l'interdépendance des nations et soucieux des droits humains de vos proches, votre pays désire aider ses partenaires africains à juguler la violence, toujours renaissante, à surmonter les discriminations raciales dont ils souffrent, à régler leurs conflits de façon raisonnable, à établir entre eux, et si possible sans ingérence étrangère, une paix juste et durable.

L'enjeu est immense et redoutable pour le bonheur et le développement des peuples de l'Afrique. Puisse Dieu favoriser la contribution sage et généreuse que le Sénégal est susceptible de lui apporter ! Vous savez la sollicitude constante du Saint-Siège en ce domaine. Je suis touché de la façon dont Votre Excellence lui a rendu hommage.

A vous-même, Monsieur l'Ambassadeur, je souhaite une heureuse et fructueuse mission et j'invoque sur votre personne, sur vos compatriotes et vos gouvernants, l'assistance du Très-Haut.







4 décembre 1978

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L'AMBASSADEUR DE TURQUIE PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE


Le lundi 4 décembre, le pape a reçu en audience solennelle S. Exc. M. Vecdi Turel, nouvel ambassadeur de Turquie près le Saint-Siège, venu lui présenter ses lettres de créance. Il était accompagné du conseiller de l'ambassade, M. Verkin Adayilmaz. L'échange des discours a eu lieu en français. Il a été suivi d'un entretien privé. Au terme de sa visite au Saint-Père, le nouvel ambassadeur s'est rendu auprès du cardinal Jean Villot, secrétaire d'État.



Monsieur l'Ambassadeur,



Vous inaugurez aujourd'hui votre mission d'ambassadeur que je souhaite heureuse et paisible pour vous, fructueuse pour votre pays et pour le Saint-Siège. Les souvenirs de mes prédécesseurs que vous avez évoqués avec délicatesse, les voeux que vous avez formulés pour mon pontificat, en écho à ceux de votre Président et de votre Gouvernement, constituent un hommage qui m'a beaucoup touché. Par ailleurs, vos propos soulignent des principes auxquels l'Église catholique accorde une grande importance. Je vous en remercie vivement.

A l'égard du peuple turc que vous représentez désormais auprès du Saint-Siège, je reprendrai volontiers les voeux que vous avez vous-même cités : paix à l'intérieur, entre tous ceux qui vivent sur le sol de la République, cherchent dans ses lois la protection de leurs droits et apportent leur part originale au patrimoine national ; paix à l'extérieur, avec les pays voisins, si divers soient-ils, et avec l'ensemble de la Communauté internationale, dans un esprit de compréhension mutuelle. L'établissement ou le renforcement de la paix doit apparaître d'autant plus urgent à la Turquie que celle-ci se trouve placée à la charnière de deux continents, à la porte du Moyen-Orient encore si instable, au croisement des grandes civilisations. Le Saint-Siège lui souhaite, non seulement de bénéficier de la paix, condition de bonheur et de prospérité, mais de pouvoir y apporter elle-même sa contribution positive et spécifique. Le Saint-Siège pense en particulier au problème de Chypre, pour lequel il espère, avec toutes les populations de l'île, que l'on arrive le plus tôt possible à une juste solution.

Pour sa part, le .Saint-Siège désire servir — selon les critères que Votre Excellence a heureusement rappelés — l'entente et la coopération internationales. Il importe en effet que les rapports de force ou d'intérêts économiques ne prévalent pas au détriment des minorités ou des faibles, mais que la justice inspire toujours le respect, l'estime et l'entraide auxquels chacun a droit L'Église catholique s'emploie spécialement à ce que les valeurs morales et spirituelles imprègnent toutes les relations entre les peuples : c'est un aspect de sa mission, et elle est persuadée qu'il y va du bonheur, du progrès de l'humanité. C'est cet esprit qui anime le Saint-Siège dans ses rapports bilatéraux ou ses activités internationales. Pour cela, il compte sur la compréhension et le soutien des hommes de bonne volonté, particulièrement des pays qui reconnaissent son rôle en échangeant avec lui des représentants diplomatiques.

En votre pays, les chrétiens — qui se relient aux communautés et aux hauts-lieux spirituels des tout premiers siècles de notre ère — ont montré leur vouloir et leur capacité de participer, en citoyens responsables, au progrès culturel et social de leur patrie. Comment ne désireraient-ils pas entretenir des relations harmonieuses avec tous leurs compatriotes musulmans, dans le respect reconnu et effectif de la liberté religieuse, dont Votre Excellence a souligné l'importance et qui est, de fait, quand elle est bien comprise, la pierre de touche de toutes les autres libertés et le signe d'un véritable progrès et, disons-le, d'un État moderne ? Je ne doute pas non plus que les institutions catholiques, d'éducation ou d'assistance, trouvent, auprès de votre Gouvernement et de l'opinion publique, l'estime, la protection et les encouragements que mérite leur service, dans l'intérêt de tous.

Je vous prie de remercier S. Exc. M. Fahri S. Koruturk de ses aimables voeux et de l'assurer de ceux que je forme de tout coeur, dans la prière, pour sa personne et pour tout le peuple au destin duquel il préside. Que le Tout-Puissant l'assiste, qu'ils inspire ceux qui partagent avec lui la lourde charge du bien commun, qu'il veille sur tous vos compatriotes et qu'il vous aide vous-même, Monsieur l'Ambassadeur, à accomplir ici votre noble mission !







6 décembre 1978


Discours 1978 41