Discours 1978 59

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TÉMOIGNER LA VRAIE JOIE QUI FLEURIT DANS LES COEURS PURS


Jean Paul II et les jeunes

La présence des fidèles à l'audience du 20 décembre a été, une fois de plus, si nombreuse qu 'il a fallu de nouveau grouper dans la Basilique vaticane les quelque dix mille jeunes et dans l'« Aula del Nervi » les douze mille visiteurs provenant de divers pays du monde. Et une fois de plus, à Saint-Pierre, l'enthousiasme des jeunes a explosé de la manière la plus sonore: « Basta con il chiasso ! » a dû  dire Jean Paul II, « Cela suffit pour le vacarme ». Et quand, enfin, un silence tout relatif a régné, le Saint-Père a prononcé le discours suivant :



Chers garçons et filles, chers jeunes,



Ce mercredi, également, a lieu l'habituelle mais cordiale et significative rencontre, dans cette Basilique vaticane, entre le pape et vous tous, si nombreux, joyeux et éloquents avec vos visages pleins de vie et vos hommages affectueux.

Le pape, qui représente la jeunesse de Jésus et de l'Église, est toujours heureux de rencontrer ceux qui sont l'expression de la jeunesse de la vie et de l'humanité !

II existe donc entre nous une affinité d'esprit ; il s'affirme comme Une exigence de nous entretenir comme de vrais amis ; il se révèle un goût de communiquer joie, espérance, idéal : émerge vif et spontané le désir du dialogue qui, de la part du pape se concrétise en enseignement de la vérité et de la bonté, en exhortations et encouragements, en bienveillance et en bénédiction ; tandis que de votre part, enfants et jeunes, il se manifeste dans l'accueil libre et volontaire de ces enseignements paternels ; il s'exprime dans la promesse de réaliser ce qui vous est demandé ; il se concrétise dans l'engagement d'être parmi ceux de vôtre âge les témoins de la vraie joie qui fleurit dans les coeurs bons, purs, riches de la grâce du Seigneur.

Aujourd'hui, nous désirons attirer votre attention sur cette grâce qui, d'une manière toute particulière et émouvante, se manifeste dans l'Incarnation du Verbe de Dieu, c'est-à-dire dans la naissance temporelle de Jésus ; nous le faisons pour que vous aussi, contemplant le grand mystère d'amour et de lumière qui rayonne de l'Enfant céleste, vous puissiez, comme les bergers de Bethléem, retourner chez vous remplis de joie, rendant grâce à Dieu, là-haut dans les cieux, pour le don ineffable de son Fils Unique fait aux hommes, et communiquant cette même joie également aux autres.

« La venue du Seigneur est proche. » La liturgie nous le répète ces jours-ci, avec des accents toujours plus vibrants et émus. Nous devons dire, sincèrement, que si le coeur se réjouit à cette annonce, l'esprit se pose cette question : « Pourquoi le Seigneur vient-il à nous ? » Je réponds à cette question en reprenant et en complétant le discours sur l'Avent, commencé la semaine dernière. Dans ce discours, j'ai traité trois grandes vérités fondamentales : Dieu qui crée et, en même temps, dans cette création se révèle lui-même ; l’homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu « reflète » Dieu dans le monde visible créé ; Dieu accorde sa grâce, c'est-à-dire veut que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». Il veut que tout homme participe à sa vérité, à son amour, à son mystère, afin qu'il puisse prendre part à sa vie divine elle-même.

Quel merveilleux destin ! Toujours vivre de Dieu et avec Dieu pour être heureux avec lui dans l'éternité.

Mais Dieu ne nous veut pas sauvés et heureux, de manière inconsciente ou forcée ; il exige notre collaboration libre et consciente, nous mettant en face de l’« arbre de la science du bien et du mal », c'est-à-dire qu'il nous propose un choix, qu'il exige de nous une preuve de fidélité.

Nous n'ignorons pas qu'Adam et Eve d'abord, puis leurs descendants, suivant leur néfaste exemple, ont connu plus « la science du mal » que celle du bien. Et ainsi fit son apparition dans le monde le péché originel, commencement et symbole de tant de péchés, de ruine immense, de mort physique et spirituelle. Le péché ! Le catéchisme nous dit qu'il est une transgression au commandement de Dieu. Nous savons bien qu'avec le péché on offense le Seigneur, on brise l'amitié avec lui, on perd sa grâce, on s'écarte du bon chemin, on marche vers la ruine. Avec ses commandements, Dieu nous enseigne pratiquement comment il faut se comporter pour vivre de manière digne, humaine, sereine ; ses commandements nous inculquent le respect des parents et des supérieurs (le quatrième), le respect de la vie dans toutes ses manifestations (le cinquième), le respect du corps et de l'amour (le sixième), le respect des biens d'autrui (le septième), le respect de la vérité (le huitième). Le péché est d'ignorer, de fouler aux pieds, de transgresser ces règles utiles et sages que le Seigneur nous a données : voilà pourquoi il est désordre et ruine ! En effet, avec tant de « voix » en nous et hors de nous, il nous tente, c'est-à-dire qu'il nous pousse à ne pas croire en Dieu, à ne pas écouter ses paternelles invitations, à préférer nos caprices à son amitié. En commettant le péché, nous sommes loin de Dieu, contre Dieu, sans Dieu !

L'Avent nous dit que le Seigneur vient « pour nous et pour notre salut », c'est-à-dire pour nous libérer du péché, pour nous rendre son amitié, pour éclairer notre esprit de sa lumière et réchauffer notre coeur avec son amour.

La venue de Jésus est toute proche ; la nuit de Noël, allons à sa rencontre pour lui dire un « merci » sincère et ému, et lui demander la force de nous tenir toujours à distance du péché et de demeurer constamment fidèles à son amour infini.

Nous ne saurions vous quitter sans vous adresser un cordial souhait paternel : que l'Enfant de Bethléem et sa — et notre — très douce Mère, vous sourient et vous comblent, vous et ceux qui vous sont chers, des dons de joie, de paix et de prospérité, et vous accordent enfin sa céleste bénédiction dont la mienne est le prélude et le signe.







21 décembre 1978

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L'AMBASSADEUR DU PANAMA PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE


Le 21 décembre, le Saint-Père a reçu en audience officielle S. Exc. M. José Manuel Watson Diez, nouvel ambassadeur du Panama près le Saint-Siège venu lui présenter les lettres qui l'accréditent dans ses hautes fonctions. Il était accompagné de M. Porfirio Castillo Melendez.

Après l'échange des discours et l'entretien privé entre le pape et le nouvel ambassadeur, celui-ci a été reçu par le cardinal-secrétaire d'État Jean Villot. Puis il s'est rendu à la basilique Saint-Pierre pour se recueillir à l'autel du Saint-Sacrement et prier, successivement, à la chapelle de la Vierge Marie et sur le tombeau de saint Pierre. Voici, en traduction, le discours prononcé par Jean Paul II :



Monsieur l'Ambassadeur,



Au moment de recevoir les lettres qui vous accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Panama près le Saint-Siège, je veux avant tout souhaiter de la manière la plus cordiale à Votre Excellence la bienvenue en ce centre du catholicisme où commence aujourd'hui la mission que vous a confiée M. le Président de votre pays à qui je désire adresser mon déférent salut.

Sachez dès à présent, Monsieur l'Ambassadeur, que dans la haute fonction que vous avez assumée, vous pourrez compter sur ma cordiale bienveillance et ma ferme volonté de favoriser autant qu'il est possible votre tâche pour qu'elle soit profitable et contribue efficacement à resserrer les liens solides de mutuelle estime et collaboration qui unissent le Panama au Saint-Siège.

Dans cette perspective, la présence ici de Votre Excellence me fait entrevoir, au-delà de votre digne personne, le pays que vous représentez, avec sa position géographique privilégiée, son immense trésor de culture, d'histoire et de riches traditions ; et me rend présent, surtout, un peuple noble et généreux dans lequel l'Église a enfoui des racines profondes et dont la bienfaisante influence a largement contribué à former sa propre identité, comme peuple et comme nation.

Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir témoigné publiquement votre reconnaissance pour l'oeuvre que l'Église a menée à bien en faveur de votre pays et d'avoir bien voulu l'évoquer avec d'éloquentes paroles. C'est une reconnaissance que l'Église et le Saint-Siège traduisent en intentions de service continu et désintéressé pour que la société panaméenne s'imprègne toujours plus de ces valeurs supérieures qui rendent la vie communautaire plus féconde, plus solidaire et fraternelle. Avec des horizons de croissante dignité humaine toujours ouverte aux espérances et aux aspirations les plus élevées de l'homme. Car on ne pourra réaliser une organisation temporelle plus parfaite si ce progrès ne s'accompagne d'un égal essor spirituel (cf. Gaudium et Spes, GS 4).

Monsieur l'Ambassadeur, je recommande au Très-Haut ces intentions de même que les vôtres personnelles et familiales. En même temps, j'envoie à tous les chers fils de Panama mon affectueux souvenir auquel je joins les meilleurs voeux de paix, de bien-être, de progrès chrétien, dans un climat de sereine entente et d'activé collaboration avec les pays voisins et ceux du monde entier.







21 décembre 1978

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L'ESPACE DE LA CHARITÉ SELON L'ÉVANGILE


Le pape à la commission de Bienfaisance du Crédit Artisanal Italien



Très chers Fils,



Je vous exprime très cordialement ma satisfaction pour cette rencontre qui se rattache d'une manière idéale à celles qu'a eues avec vous mon prédécesseur Paul VI, de vénérée mémoire ; déjà comme archevêque de Milan, il avait eu la chance de connaître votre institution, ses objectifs, ses réalisations.

1. Votre oeuvre, qui existe désormais depuis trente-deux ans, fut créée dans un but non uniquement et exclusivement économique, mais bien bénéfique : les fruits des diverses initiatives étaient destinées au développement des oeuvres catholiques. L'aspect intéressant et, pourrait-on dire, exemplaire de votre action est que celle-ci, même dans le jeu des lois économiques, veut et doit, en tout premier lieu et de manière absolument cohérente, respecter l'éthique professionnelle et la loi de Dieu, particulièrement en ce qui concerne la justice dans sa signification la plus globale.

Mais vos initiatives vont au-delà. Vous inspirant de la conception chrétienne de la vie et des relations entre les hommes, vous refusez de vous laisser enchaîner par la simple logique individualiste du gain et du profit, mais prétendez donner une application concrète à l'enseignement du Concile Vatican II qui a synthétisé la tradition chrétienne et l'enseignement du Magistère :         « Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les peuples et de tous les hommes, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité » (Const. Gaudium et Spes, GS 69).

2. A mes éloges sincères, je joins un souhait cordial. Malgré de grands et réels progrès, le monde d'aujourd'hui a tant besoin encore de solidarité, de coparticipation parce qu'il s'y trouve encore tant de pauvreté et de misère : nombreux sont ceux de nos frères et soeurs qui endurent la faim, la soif, les maladies de tout genre ; qui n'ont pas encore d'habitation décente, conforme à la dignité de la personne humaine. Il reste donc encore beaucoup d'espace pour la charité, pour la « bienfaisance », considérée et vécue non comme le geste orgueilleux de celui qui, satisfait de sa propre richesse, fait tomber ostensiblement une poignée de monnaies dans le trésor du temple, mais comme le don discret et humble de la «pauvre veuve» de l'Évangile donnant les deux piécettes qui étaient tout son avoir (cf. Mc Mc 12,41-44 Lc 21,1-4). La charité, dit saint Paul « ne manque pas de respect, ne cherche pas son intérêt » (1Co 13,5).

3. Très chers Fils, allez de l'avant sur cette voie qui est celle de l'Évangile : celui-ci doit demeurer toujours la base solide et sûre de votre comportement individuel et social. Que votre profession soit toujours éclairée et guidée par la lumière de la foi, qu'elle s'exprime et se traduise en cohérent témoignage de vie chrétienne.

Avec ces voeux, je vous donne bien volontiers, à vous, à tous les membres du Crédit Artisanal et à leurs familles, une spéciale bénédiction apostolique.







22 décembre 1978

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SOYONS VIGILENTS, VOICI NOËL ! VOICI LE SEIGNEUR !


Discours au Sacré Collège

Le 22 décembre dernier le Saint-Père a reçu, pour la traditionnelle présentation des voeux de Noël, le Sacré Collège des Cardinaux, la Famille Pontificale, la Curie et la Prélature Romaine. Voici la traduction du discours prononcé par le Saint-Père, en réponse à l'adresse d'hommage lue par le Cardinal Secrétaire d'Etat Jean Villot et préparée par le Cardinal Doyen Carlo Confalonieri, retenu chez lui par une légère indisposition :



Chers Frères du Sacré Collège et vous, Fils de l’Eglise Romaine !



1. Aux paroles qui viennent de m'être adressées en votre nom à tous ici présents je ne puis répondre qu'en ternies très brefs, mais chargés d'intense affection : un très vif merci. Oui, merci parce que votre visite à la veille de la sainte fête de Noël, n'est pas un simple geste protocolaire inspiré par une traditionnelle coutume, si gentille soit-elle, mais un acte riche d'une telle chaleur de sentiment qu'il constituerait pour moi une nouvelle preuve si c'était nécessaire — mais ce n'est pas nécessaire — du fait que, élu Pape il y a deux mois à peine, quittant ma bien-aimée terre de Pologne et mon diocèse de Cracovie, j'ai eu en échange une autre terre ici à Rome et une Eglise aussi vaste que le monde.

Noël est la fête des affections domestiques ; auprès de l'Enfant Jésus venu comme notre frère, il est un retour à notre naissance même et, par un itinéraire intérieur, aux racines primordiales de notre existence, entourée des chères figures de nos parents, de nos familles et de nos compatriotes. C'est pourquoi Noël est une invitation à penser à notre naissance, dans le caractère concret des circonstances particulières à chacun. Il est naturel pour moi de retourner par la pensée, sur les ondes de suggestifs souvenirs, à ma maison et à ma ville de Wadowice, comme il est naturel pour chacun de vous de retourner à la chaleur du foyer.

Le service de Pierre est un engagement d'amour





Mais voilà que votre présence prévenante et dévouée ici ce matin vient s'entrelacer avec mes pensées personnelles et privées et, étouffant .presque l'irrépressible émotion, me ramène à une autre réalité, bien, plus élevée : je parle de la nouvelle réalité survenue en moi à la suite du choix que, précisément vous, Messieurs les Cardinaux et les autres confrères épars dans le monde avez fait le 16 octobre, ce jour pour moi fatidique. « Vos estis corona mea », vous dirai-je après l'Apôtre (cf. Ph Ph 4,1) : vous avez élargi le cercle de ma famille et vous êtes devenus pour moi, à un titre tout à fait spécial, des « parents » selon cette communion transcendante — mais très réelle et créatrice de liens aussi solides que ceux de la famille humaine — qui s'appelle et qui est la vie ecclésiale.

Merci donc pour cette présentation chorale de voeux et souhaits que vous m'offrez, non seulement vous mais aussi tous ceux que vous représentez. Je les échange « toto corde », souhaitant pour chacun de vous et pour tous ceux qui vous sont unis une abondante effusion de la grâce surnaturelle et de la bienveillance très humaine de notre Sauveur Jésus Christ (cf. Tt Tt 2,11).



2. Je sais que mon Prédécesseur Paul VI de vénérée mémoire, au cours des rencontres semblables qu'il eut dans cette même Salle durant les quinze années, laborieuses et lumineuses, de son Pontificat, a toujours préféré porter le regard sur les devoirs de sa mission pastorale. Il avait l'habitude de rappeler les faits saillants de l'Église et du monde, non seulement pour alimenter d'éléments précis son entretien avec ses collaborateurs les plus qualifiés, mais aussi « pour faire le point » sur la situation par un examen attentif des événements les plus récents.

Une telle occasion s'offre à moi aujourd'hui, d'une façon en même temps semblable et différente, mais probablement plus facile... Que s'est-il passé cette année ? Et plus exactement : que s'est-il passé depuis cette nuit du 6 août où un insigne Pontife a fermé les yeux sur la scène du monde pour les ouvrir à la lumière du ciel, où il est entré pour recevoir la récompense du bon et fidèle Serviteur (cf. Mt Mt 25,21) ? Les événements sont bien connus et il n'est certainement pas nécessaire de les rappeler, et moins encore devant vous, qui en avez été non seulement les spectateurs, mais aussi les acteurs et, dans une large mesure, les protagonistes. Aucun de nous — dirais-je avec le disciple d'Emmaûs — « est étranger à Rome au point d'en ignorer ce qui s'y est passé ces jours derniers » (Lc 24,18).

En termes journalistiques ou bureaucratiques, on a parlé d'une relève ou plutôt d'une double relève au sommet de l'Eglise, si bien qu'en un an — comme on l'a observé — il y a eu trois Papes ! Objectivement, c'est vrai, mais ceci n'épuise pas en tout cas le discours sur la succession au Siège Apostolique survenue ni sur ce que cette succession contient de plus substantiel et déterminant : je parle du formidable héritage du ministère même de Pierre tel qu'il s'est présenté concrètement sous l'étreinte de ces années cruciales sous le Pontificat de Paul VI, et tel qu'il s'est en même temps enrichi, durant les assises conciliaires de germes et de substances de requêtes rénovatrices et d'orientations programmatrices.

II importe d'ajouter que le bref mais intense service du Pape Jean Paul 1er a également marqué cet héritage déjà complexe, lui apportant une note pastorale plus définie. Si bien que moi qui ai été appelé à le recueillir, je ressens chaque jour le poids vraiment énorme de si grandes responsabilités.

Est-ce alors le cas de parler de sommets et de pouvoirs ? Oh non, Frères : le service de Pierre — comme je l’ai dit en la Chapelle Sixtine le lendemain de mon élection — est essentiellement un engagement de dévouement et d'amour. Tel veut être en effet mon humble ministère.

Et pour ceci je trouve la force surtout dans la certitude, ou mieux dans ma foi inébranlable dans la puissance de Jésus-Seigneur qui a promis à son Eglise une indéfectible assistance (cf. Mt Mt 28,20), et à son Vicaire murmure doucement, comme et plus qu'à tous les autres Pasteurs : « Modificaefidei, quare dubitasti ? » (Mt 14,31). Mais je suis aussi soutenu par la coopération que vous m'offrez, vous et dont j'ai déjà eu confirmation en tant d'occasions et d'une manière si efficace et quotidienne durant cette première période de mon pontificat. Et c'est ici que je reprends le discours des souhaits pour conclure par une invitation renouvelée à élever vos prières pour moi. Que la communion dans la prière et dans la charité soit, intentionnellement aussi, la première forme de votre précieuse collaboration.


La pédagogie de la paix





3. Après le regard sur l'Eglise, ma pensée se tourne naturellement — comme le faisait aussi d'habitude Paul VI — vers le monde qui l'entoure. En cette année qui désormais touche à sa fin, comment la société humaine a-t-elle vécu ? Et comment vit-elle ces jours derniers ? Plus que les faits, que chacun connaît, il faut considérer leurs relations pour en découvrir, autant que possible, le sens et la direction. On peut se demander par exemple : la cause de la paix progresse t-elle ou recule-t-elle parmi les hommes ? Et la réponse se fait tremblante et incertaine quand on découvre, dans certains pays, la persistance de virulentes tensions qui ne manquent souvent pas de provoquer de rageuses explosions de violence.

Malheureusement la paix demeure assez précaire, tandis qu'il est facile d'entrevoir les raisons de base qui existent et la menacent. Où il n'y a pas de justice — qui l'ignore ? — il ne peut y avoir de paix parce que déjà l'injustice est un désordre ; et toujours reste vraie la parole du prophète : Opus justitiae pax (Is 32,17). De même, la. où manque le respect pour les droits humains — je parle des droits inaliénables, inhérents à l'homme en tant qu'homme — il ne saurait y avoir de paix, parce que toute violation de la dignité personnelle favorise la rancoeur et l'esprit de vengeance. Et encore, là où fait défaut la formation morale qui favorise le bien, il ne saurait y avoir de paix, parce qu'il est toujours nécessaire de surveiller et de contenir les basses tendances qui couvent dans le coeur.

Je ne veux pas, Frères, insister sur ces pensées mais je tiens, à tirer de tout ceci une indication : l'étude de ces thèmes fait paraître toujours plus nécessaire l'affermissement des bases spirituelles de la paix, en poursuivant, avec courage et persévérance, cette pédagogie de la paix, dont Paul VI a été un maître si influent. Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix, publié hier j'ai repris son thème de l'éducation à la paix et j'adresse également à vous comme à tous les hommes mes frères l'invitation à l'approfondir et à l'assimiler.

Intervention du Saint-Siège dans le litige Chili-Argentine





Les tristes nouvelles qui nous sont récemment parvenues du Continent Sud-Américain sont une nouvelle preuve qu'il faut s'engager d'urgence en faveur de la paix.

Le désaccord entre l'Argentine et le Chili qui, malgré le vibrant appel adressé aux dirigeants par l'Episcopat des deux pays, vivement appuyé et fait sien par mon Prédécesseur le Pape Jean-Paul Ier, s'est dangereusement aggravé ces derniers temps et constitue un motif de profonde douleur et d'intime préoccupation.

Animé par l'affection paternelle que je porte à ces deux chères nations, moi aussi, à la veille de la rencontre de Buenos Aires le 12 décembre dernier, des Ministres des Affaires Etrangères — rencontre qui a suscité tant d'espoirs — dis-je moi aussi, j'ai exprimé aux deux Présidents mes préoccupations, mes voeux et mes encouragements à rechercher dans l'examen serein et responsable les moyens de sauvegarder la paix si vivement désirée par les deux peuples.

Les réponses reçues sont pleines de respect et d'expression de bonne volonté. Toutefois, et bien qu'en principe les deux adversaires aient accepté de recourir à l'intervention médiatrice du Saint-Siège, cette intention commune n'a pas. eu de suite à cause de difficultés concrètes survenues ultérieurement. Le Saint-Siège ne se serait pas soustrait à l'appel, tout en étant parfaitement conscient du caractère délicat et complexe de la question : il considère en effet que les intérêts supérieurs de la paix l'emportent sur les aspects politiques et techniques du différend.

Et hier, devant les nouvelles toujours plus alarmantes qui nous parviennent sur la continuelle aggravation de la situation qui rend possible — et même imminent comme beaucoup le craignent — qu'elle se précipite, j'ai fait savoir aux parties en cause que j'étais disposé et même désireux d'envoyer dans les deux Capitales mon représentant spécial pour avoir de plus directes et concrètes informations sur les positions respectives et pour examiner et rechercher les possibilités d'un honorable accommodement du litige.

Dans le courant de la soirée m'est parvenue la nouvelle que les deux gouvernements acceptaient ma proposition, exprimant leur gratitude et leur confiance ce qui, tout en me réconfortant, me fait ressentir plus intensément la responsabilité que comporte une semblable intervention, à laquelle toutefois le Saint-Siège estime qu'il ne saurait se soustraire. Et comme les deux parties sont d'accord pour souligner le caractère urgent d'une telle intervention, le Saint-Siège procédera avec toute la sollicitude possible.

Entre-temps je désire renouveler mon appel affligé aux responsables pour que soit évitée toute initiative qui pourrait entraîner des conséquences imprévisibles — ou, aussi, trop prévisibles— de dommages et de souffrances pour les populations de deux pays frères. Et je vous invite tous à élever vers le Seigneur une fervente prière pour que la violence des armes ne l'emporte pas sur la paix.

Le Saint-Père participera à la Conférence de Puebla





4. Et maintenant je désire vous confier, en prémices, quelques bonnes nouvelles au sujet d'initiatives et d'événements, tous différents mais démontrant la présence et l'activité multiforme de la Sainte Église.

a- La première nouvelle est que vers la fin du prochain mois de janvier;-je compte, s'il plaît à Dieu, me rendre au Mexique pour participer à la IIIe Assemblée Générale de l'Episcopat Latino-Américain qui aura lieu — comme vous le savez — à Puebla de Los Angeles. Il s'agit là d'un événement de très grande importance ecclésiale, non seulement parce que dans le vaste Continent de l’Amérique Latine, appelé le Continent de l'Espérance, les fidèles catholiques sont la grande majorité, mais également en raison de l'intérêt tout spécial et, plus encore, les grandes expectatives qui se concentrent dans ces assises ; et ce sera un authentique et historique mérite pour les Evoques qui gouvernent ces Eglises, anciennes et nouvelles, de les transformer en consolante réalité. Mais avant de gagner le siège de la Conférence, je ferai une halte au célèbre sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe. C'est là, en effet, que je désire puiser le plus grand réconfort et le nécessaire encouragement — comme de bons présages — pour ma mission de Pasteur de l'Eglise Universelle et, en particulier, pour mon premier contact avec l'Eglise d'Amérique Latine. Le point essentiel de ma rencontre si désirée avec cette Eglise, sera précisément ce pèlerinage religieux aux pieds de la Sainte Vierge pour la vénérer, pour l'implorer, pour lui demander inspiration et conseils pour les Confrères de tout le Continent.

C'est une joie pour moi d'affirmer tout ceci à la veille de Noël, au moment où tous — pasteurs et fidèles — nous nous réunissons autour de la Mère qui, de même qu'un jour, dans la grotte de Bethléem, elle a donné au monde le Sauveur Jésus, continue à nous le donner dans la fécondité inépuisable de sa virginale et spirituelle maternité. Puisse ma présence en son beau Sanctuaire en terre mexicaine contribuer à obtenir de nouveau le Christ d'Elle, par Elle comme Mère, non seulement pour le peuple de cette terre, mais pour tous les pays de l'Amérique Latine.

Quant au thème assigné au Congrès de Puebla, vous le connaissez déjà, comme également les indications offertes par le document préparatoire élaboré par le CELAM (Conférence Episcopale Latino-Américaine) : « L'évangélisation dans le présent et dans le futur de l'Amérique Latine ». Eh bien, l'importance de ce sujet, ses implications théologiques, ecclésiologiques et pastorales, doctrinales et pratiques, l'immense étendue de l'aire où devra être appliquée toute résolution concrète sont tellement évidentes qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer le pourquoi de ma décision. De même que Paul VI a voulu être présent à la IIe Assemblée réunie durant le Congrès Eucharistique International de Bogota, moi-même je me trouverai là, parmi les frères réunis pour la nouvelle Assemblée afin de leur témoigner, à eux et à leurs prêtres et fidèles, l'estime, la confiance, l'espérance de l'Église Universelle et de renforcer leur courage dans l'engagement pastoral commun. Quelqu'un a dit que l'avenir de l'Eglise «se joue» en Amérique Latine. Même si, sur le plan général, cet avenir est caché en Dieu suivant son propre dessein qui va au-delà des projets humains et des conditionnements historiques et sociaux (cf. Rm Rm 11,33 Ac 16,6-9), il y a dans cette phrase une part de vérité, car elle indique combien sont solidaires le sort de l'Eglise dans le Continent centre et sud-américain et celui de l'unique et indivisible Eglise du Christ. J'adresse donc, dès à présent mon salut et mes meilleurs voeux à cette assemblée de choix.
A la disposition des chercheurs les archives vaticanes jusqu'à Léon XIII





b- La seconde nouvelle concerne la décision d'ouvrir aux chercheurs les Archives Secrètes du Vatican jusqu'à la fin du Pontificat de Léon XIII. Cette décision, depuis longtemps souhaitée par le monde de l'a culture, tombe opportunément en cette année 1978 où — comme vous le savez — a été célébré un double centenaire : celui de la mort du Serviteur de Dieu Pie IX et celui de la successive élévation à la Chaire de Pierre de Gioacchino Pecci, dont le ministère qui dura vingt-cinq ans « usque ad summam senectutem », se prolongea jusqu'aux premières années de notre siècle. Et voilà alors que le Saint-Siège, permettant la libre consultation des papiers et documents concernant cette ample et non secondaire période qui, de 1878 à 1903, marque le passage au XXe siècle, ouvre à l'enquête un panorama de grande amplitude, au service de la vérité historique et, également, comme témoignage de la présence toujours active de l'Eglise dans le monde de la culture.


L'« Aula Nervi » dédiée à Paul VI





c- Dans le même ordre d'idées s'inscrit également l'initiative d'honorer la mémoire de mon grand prédécesseur Paul VI. D'une part, pour perpétuer son souvenir, la grande Salle des audiences, voulue par lui et confiée au talent de l'architecte Pier Luigi Nervi sera dorénavant appelée « Salle Paul VI » ; d'autre part, pour mettre en valeur un patrimoine qui s'est constitué au cours de sa dernière année de pontificat, seront rendus accessibles les « autographes » que d'insignes et très nombreuses personnalités lui ont offerts lors de la célébration de son quatre-vingtième anniversaire. Je considère en effet comme un devoir précis de continuer et de développer l'intérêt que Paul VI ne cessa de démontrer pour les causes de la culture et de Fart ; ce qui n'est pas un de ses moindres titres de gloire et a valu un grand prestige à l'Eglise.

C'est ainsi, très chers Frères et Fils que j'ai répondu à vos souhaits ; je vous ai donné officiellement, en prémices, la nouvelle de quelques initiatives ; je vous ai recommandé de prier pour moi. Les contacts que, jusqu'à présent, j'ai eus avec vous m'entraînent à relever la signification de cette communion. Grâce à Dieu il m'a déjà été possible de connaître personnellement une partie de mes plus proches collaborateurs, ceux de la Secrétairerie d'Etat, et j'ai l'intention de poursuivre, dès que possible, les visites aux autres dicastères de la Curie Romaine, convaincu comme je le suis que la connaissance réciproque favorise la meilleure coordination de nos efforts tendus — selon les fonctions respectives assignées à chacun — vers un même centre de référence : la croissance du Peuple de Dieu dans la foi et dans la charité !

Noël est proche et vient le Seigneur Jésus : puisse-t-il nous trouver tous — comme le souhaite la préface de l'Avent — vigilants dans l'attente, exultants dans la louange, ardents dans la charité, toujours sous le regard suavement rassurant de Celle qui, comme Mère de Jésus, a été et demeure aussi notre Mère. Qu'il en soit ainsi, avec ma bénédiction apostolique.







23 décembre 1978

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« SOYEZ LE SEL DE LA TERRE ET LA LUMIERE DU MONDE »


Aux représentants de l'Action Catholique Italienne

Le 23 décembre dernier Jean Paul II a accordé une audience à un groupe de représentants de l'Action Catholique Italienne des jeunes, accompagné par Mgr Marco Ce, Assistant Général de l'A.CJ., récemment nommé par le Pape Patriarche de Venise. Le Saint-Père leur a adressé un discours dont voici la traduction :



Chers jeunes,



C'est pour moi un motif de grande joie et d'intime consolation de vous accueillir ce matin, vous les représentants régionaux de l'Action Catholique des jeunes, venus avec vos zélés dirigeants présenter au pape vos voeux de Noël.

Je salue de tout coeur et avant tout le cher Monseigneur Cè qui laisse la charge d'Assistant général de l'Action Catholique pour le nouveau ministère pastoral qui lui est confié, ainsi que le Président de l'Action Catholique, M. Mario Agnès.

Je voudrais avoir plus de temps à ma disposition afin de pouvoir exprimer plus complètement la quantité de choses que j'ai le devoir de vous dire, mais, comme en ce moment ce n'est pas possible, je renvoie à une autre occasion le discours plus long qui répondra mieux à l'affection que je nourris pour vous, les jeunes.

En ce moment je me contenterai de vous remercier pour cette belle visite et d'échanger avec vous les bons voeux de Noël et d'heureuse Nouvelle Année. Je sais que pour 1979 vous avez choisi le slogan :   « Eh, nous sommes là, nous aussi ! ». Ce mot d'ordre, même sous sa forme aimable et quelque peu railleuse, synthétise parfaitement la raison de votre activité dont vous voulez avant tout et surtout qu'elle soit une présence chrétienne et un témoignage évangélique dans le milieu où vous vivez.

Rappelez-vous toutefois, si vous voulez que cette présence soit efficace et féconde, que vous devez vous efforcer de connaître Jésus-Christ toujours mieux et puiser en lui, qui est le grand ami des enfants, la force d'être en réalité et non simplement en pensée le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt Mt 5,13-14).

Revenus dans ces belles régions d'Italie que vous représentez ici, dites à vos amis d'Action Catholique que le pape vous aime particulièrement et vous suit dans l'heureux choix que vous avez fait du Christ et que, ces jours-ci, vous vénérez sous la forme d'un petit enfant. Dites-leur que le pape est avec tous les jeunes : par une pensée continuelle, par sa bienveillance paternelle, par une prière incessante et avec la bénédiction apostolique qu'il donne maintenant de grand coeur à vous ici présents, à tous les jeunes que vous y représentez et à vos chères familles, en gage des grâces choisies de l'Enfant-Jésus.







23 décembre 1978


Discours 1978 59