Messages 1979 20282

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(1) Texte français distribué par le Secrétariat national de l'Opinion publique.

VÉNÉRABLES ET CHERS FRÈRES DANS L'ÉPISCOPAT, CHERS FILS ET FILLES DU MONDE ENTIER !

1. La vie en abondance

« Je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu 'ils l'aient en abondance. » (
Jn 10,10)

Nous trouvons ces paroles du Seigneur immédiatement avant la lecture de l'Évangile du quatrième dimanche de Pâques où nous célébrons la dix-neuvième Journée mondiale de prière pour les vocations, pour ceux qui se consacrent d'une façon particulière à Dieu, dans le service de l'Église et pour le salut du monde.

Je vous invite à méditer profondément en vos coeurs ce passage de l'Évangile (Jn 10,11-18) dans lequel, à cinq reprises, Jésus répète que le Bon Pasteur est venu offrir sa vie pour son troupeau, un troupeau qui devra comprendre l'humanité tout entière : « Il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » (Jn 10,16)

Le Seigneur Jésus nous révèle ainsi le mystère de la vocation chrétienne et, en particulier, le mystère de toute vocation totalement consacrée à Dieu et à l'Église. L'essentiel d'une telle vocation est en effet d'être appelé à offrir sa propre vie, afin que d'autres aient la vie et l'aient en abondance. C'est ce que Jésus a fait, lui qui est prémices et modèle de tous ceux qui sont appelés et consacrés : « Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. » (He 10,9 cf. Ps 39,8 [40]) Et c'est pour cela qu'il a donné sa vie, afin que d'autres aient la vie. C'est ce que doivent faire tout homme et toute femme appelés à suivre le Christ dans le don total d'eux-mêmes.

La vocation est un appel à la vie, un appel à la recevoir et à la donner.

2. De quelle vie le Seigneur veut-il nous parler ici ?

Il nous parle de la vie qui vient de Celui que lui-même appelle son Père (cf. Jn 17,1) et notre Père (cf. Mt Mt 6,9) ; Celui qui est la « source de la vie » (Ps 35,10 [36] ; le Père qui, « par la disposition absolument libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté a créé l'univers, (et qui) a décidé d'élever les hommes à la communion de sa vie divine » (Const. dogm. Lumen gentium, LG 2).

Cette vie, « nous l'avons contemplée » (1Jn 1,2) en Notre-Seigneur Jésus qui la possède en plénitude : « En lui était la vie » (Jn 1,4) ; « Moi, je suis. la vie » (Jn 14,6), et il veut la donner en abondance (cf. Jn 10,10).

Cette vie est continuellement offerte aux hommes par l'Esprit-Saint, l'Esprit « qui est Seigneur et qui donne la vie », selon l'expression de notre foi proclamée au Credo de la messe, et qui est « source d'eau jaillissante pour la vie éternelle » (Const. dogm. Lumen gentium, LG 4 cf. Jn 4,14 Jn 7,38-39).

C'est donc la vie du « Dieu vivant » (Ps 41,3 [42]) qui, par lui, est donnée à tous les hommes régénérés dans le baptême et appelés à devenir ses fils, sa famille, son peuple, son Église. C'est la vie divine que nous célébrons en ce temps liturgique en revivant le mystère pascal du Seigneur ressuscité ; c'est la vie divine que bientôt nous célébrerons en revivant le mystère toujours agissant de la Pentecôte.

3. L'Église est née pour vivre et donner la vie

Comme le Seigneur Jésus est venu pour donner sa vie, ainsi il a institué l'Église, son Corps, pour qu'en lui sa vie se répande au sein des croyants (cf. Const. dogm. Lumen gentium, LG 7). Afin de vivre et de donner la vie, l'Église reçoit de son Seigneur, par l'Esprit-Saint, tous ses dons : la parole de Dieu est pour la vie ; les sacrements sont pour la vie ; les ministères ordonnés, épiscopat, presbytérat, diaconat, sont pour la vie ; les dons ou charismes de la consécration religieuse, séculière, missionnaire, sont pour la vie.

Le don qui surpasse tous les autres — en raison de l'Ordre sacré —, c'est le sacerdoce ministériel, participation à l'unique sacerdoce du Christ qui s'est offert lui-même sur la croix et continue à s'offrir dans l'eucharistie pour la vie et le salut du monde. Sacerdoce et eucharistie : admirable mystère d'amour et de vie révélé et perpétué par Jésus dans les paroles de la dernière Cène : « Faites cela en mémoire de moi. » (Lc 22,19 1Co 11,24 cf. Conc. Trente, Denz- Schon, DS 1740 DS 1752) Admirable mystère de fécondité divine, car, essentiellement à travers l'eucharistie, le sacerdoce a été donné pour la multiplication spirituelle de toute l'Église (cf. Conc. Florence, Denz-Schon, DS 1311 ; Conc. Vat. II, Presbyterorum ordinis, PO 5). Toute vocation sacerdotale doit être comprise, accueillie, vécue comme une participation intime à ce mystère d'amour, de vie, de fécondité.

4. La vie engendre la vie

C'est en ces termes que je me suis adressé au Congrès international des évêques et autres responsables des vocations consacrées, à l'occasion de la dernière journée mondiale de prière pour les vocations (cf. homélie du 10 mai 1981). Je le répète volontiers à tous : l'Église vivante est mère de vie et donc aussi mère des vocations que Dieu donne pour la vie. Les vocations sont un signe visible de la vitalité de l'Église. Elles sont en même temps une condition fondamentale pour sa vie, pour son développement, pour la mission qu'elle doit acomplir au service de la famille humaine tout entière, « en mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l'Église, conduite par l'Esprit-Saint, reçoit de son fondateur » (Const. past. Gaudium et spes, GS 3).

J'invite chaque communauté chrétienne et chaque croyant à prendre conscience de la grave responsabilité qu'ils ont de favoriser l'accroissement des vocations consacrées. Et l'on s'acquitte d'un tel devoir « avant tout par une vie pleinement chrétienne » (Décr. Optatam totius, OT 2). La vie engendre la vie. Comment pourrons-nous prier de façon cohérente pour les vocations, si notre prière n'est pas effectivement accompagnée d'une recherche sincère de conversion ?

J'invite vivement et avec une affection particulière les personnes consacrées à examiner leur propre vie. Leur vocation de personnes totalement consacrées à Dieu et à l'Église doit être vécue selon le rythme du « recevoir » et du « donner ». Si elles ont beaucoup reçu, elles doivent donner beaucoup. La richesse de leur vie spirituelle, la générosité de leur engagement apostolique, constituent un élément très favorable pour que se lèvent d'autres vocations. Leur témoignage et leur coopération répondent à l'action de la divine Providence (cf. décr. Optatam totius, OT 2).

J'invite enfin en toute confiance l'ensemble des familles chrétiennes à réfléchir sur la mission, reçue de Dieu, de veiller à l'éducation de la foi et de la vie chrétienne chez leurs enfants. Dans l'accomplissement de cette mission, elles ont aussi une responsabilité à l'égard de la vocation de leurs enfants. « Que les enfants soient éduqués de telle manière qu'une fois adultes, avec une entière conscience de leur responsabilité, ils puissent suivre leur vocation, y compris leur vocation religieuse. » (Const. past. Gaudium et spes GS 52) La coopération entre famille et Église — et cela vaut aussi pour les vocations — s'enracine en profondeur dans le mystère et le « ministère » même de la famille chrétienne : « En effet, la famille ouverte aux valeurs transcendantes, au service joyeux du prochain, à l'accomplissement généreux et fidèle de ses obligations et toujours consciente de sa participation au mystère de la croix glorieuse du Christ, devient le premier et le meilleur séminaire de la vocation à une vie consacrée au royaume de Dieu. » (Exhort. apost. Familiaris consortio, FC 53)

Au terme de ces réflexions et de ces exhortations, je vous invite à prier ainsi avec moi :

Seigneur Jésus, Bon Pasteur, toi qui as offert ta vie pour que tous aient la vie, donne-nous, donne à la communauté des croyants répandue dans le monde entier, l'abondance de ta vie, et fais que nous soyons capables d'en rendre témoignage et de la transmettre aux autres.

Seigneur Jésus, donne l'abondance de ta vie à toutes les personnes qui te sont consacrées, pour le service de l'Église, fais que leur don total soit pour elles source de joie, rends-les infatigables dans leur ministère, généreuses dans leur sacrifice ; et que leur exemple permette à d'autres d'ouvrir leur coeur pour entendre ton appel et te suivre.

Seigneur Jésus, donne l'abondance de ta vie aux familles chrétiennes, afin que, ferventes dans la foi et le service ecclésial, elles favorisent ainsi l'éclosion et le développement de nouvelles vocations de personnes consacrées.

Seigneur Jésus, donne à tous l'abondance de ta vie, spécialement aux jeunes que tu appelles à ton service ; éclaire leur choix ; aide-les dans les difficultés ; maintiens-les dans la fidélité ; qu'ils soient prêts, à ta suite, à offrir courageusement leur vie, afin que d'autres aient la vie.

Sûr que la Vierge Sainte, Mère de Dieu, Mère de l'Église, fera sienne cette supplication et que, par sa puissante intercession, elle la fera agréer par son Fils Jésus, j'invoque sur vous tous, vénérables Frères dans l'épiscopat, sur les prêtres, les religieux, les religieuses, sur tout le Peuple de Dieu et spécialement sur tous ceux qui sont en formation dans les séminaires et les instituts religieux, l'abondance des grâces divines, et je vous accorde de grand coeur ma bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 2 février 1982, fête de la Présentation du Seigneur, en la quatrième année de mon pontificat.

IOANNES PAULUS PP II.




Message de Pâques 1982 (1)

1982
(1) Texte en français distribué par la salle de presse du Saint-siège. Titre et sous-titres de la DC.


1. Victimae paschali laudes immolent Christiani. (À la victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.)

Chrétiens de cette ville et de l'univers, en cette heure solennelle, je vous appelle et je vous invite — où que vous vous trouviez — à rendre un hommage de vénération au Christ ressuscité ! À 1a victime pascale de l'Église et du monde.

Que soient unies dans ce culte toutes les communautés du Peuple de Dieu, du levant du soleil jusqu'à son couchant ! Que tous les hommes de bonne volonté soient avec nous ! Ce jour, en effet, est l'oeuvre du Seigneur !

Agnus redemit oves. (L'agneau a racheté les brebis.)

2. C'est le jour où s'est décidée l'éternelle bataille : Mors et vita duello conflixere mirando ! (La mort et la vie s'affrontèrent en un duel prodigieux !)

Entre la vie et la mort, depuis le début, une lutte se déroule. La bataille se déroule dans le monde entre le bien et le mal.

Aujourd'hui la balance penche d'un côté : la vie a la meilleure part ; le bien l'emporte. Le Christ crucifié est ressuscité de la tombe : il a fait pencher la balance en faveur de la vie. Il a planté de nouveau la vie sur le terrain des âmes humaines. La mort a ses limites. Le Christ a ouvert une grande espérance : l' espérance de la vie au-delà de la sphère de la mort.

Dux vitae mortuus regnat vivus ! (Le maître de la vie mourut : Vivant, il règne !)

3. Les années passent. Les siècles passent. C'est maintenant l'année 1982. La victime pascale continue à être comme la vigne plantée dans le terrain de l'humanité. Dans le monde, le bien et le mal continuent à être en lutte, la vie et la mort sont en lutte ; le péché et la grâce sont en lutte.

Les armements et la famine

C'est maintenant l'année 1982. Vers quoi s'oriente le monde contemporain ? Nous devons y réfléchir, non sans inquiétude. Ayant enfoncé profondément leurs racines dans l'humanité de notre temps, les structures du péché — telle une vaste ramification du mal — semblent obscurcir l'horizon du bien.

Elles semblent menacer de destruction l'homme et la terre.

De combien de douleurs souffrent les hommes : individus, familles, sociétés entières ! Mors et vita duello conflixere mi- rando !

En ce jour du sacrifice pascal, il ne nous est pas permis d'oublier aucun de ceux qui souffrent.

Pour eux aussi c'est la Pâque.

Toutes les victimes de l'injustice, de la cruauté humaine et de la violence, de l'exploitation et de l'égoïsme se trouvent dans le coeur même de la victime pascale.

Pour eux aussi c'est la Pâque.

Tous les millions et millions d'êtres humains menacés du fléau de la famine qui pourrait être éloigné ou réduit si l'humanité savait renoncer ne serait-ce qu'à une partie des ressources qu'elle consacre follement aux armements.

Pour eux aussi c'est la Pâque ! ...

Le mal et le bien

4. Victime pascale, toi qui connais tous les noms du mal mieux que quiconque ne peut les appeler et les énumérer, embrasse toutes les victimes avec toi !

Victime pascale ! Agneau crucifié ! Rédempteur ! Agnus redemit oves. (L'agneau a racheté les brebis.) Même si, dans l'histoire de l'homme, des individus, des familles, de la société et, finalement, de l'humanité entière, le mal s'était développé d'une façon disproportionnée, obscurcissant l'horizon du bien, pourtant il ne l'emportera pas sur toi !

La mort ne te frappera plus !

Le Christ ressuscité ne meurt plus !

Même si dans l'histoire de l'homme — et dans le temps où nous vivons — le mal augmentait sa puissance ; même si, humainement, on ne voyait pas qu 'on puisse revenir au monde qui permet à l'homme de vivre dans la paix et la justice — au monde de l'amour social ; même si humainement on ne voyait pas le passage ; même si les puissances des ténèbres ou les forces du mal faisaient rage.

Toi, victime pascale, agneau sans tache, Rédempteur, tu as déjà obtenu la victoire ! Ta Pâque est un passage ! Tu as déjà obtenu la victoire !

Tu as déjà fait d'elle notre victime ! Le contenu pascal de la vie de ton peuple.

5. Agnus redemit oves. (L'Agneau a racheté les brebis.) Christus innocenspatri reconciliavitpeccatores. (Le Christ innocent a réconcilié l'homme pécheur avec le Père.)

Le mal ne se réconciliera jamais avec le bien.

Mais les hommes, les hommes pécheurs, les hommes frappés par le mal — et parfois même profondément marqués par le mal — le Christ les a réconciliés avec le Père.

Fêtons aujourd'hui la Résurrection !

Fêtons aujourd'hui la Réconciliation !

Le mystère de la Résurrection demeure au coeur même de chaque mort humaine. Le mystère de la Résurrection demeure au coeur des foules : au coeur même des foules innombrables, des nations, des mondes linguistiques, des races, des cultures et des religions. Le mystère pascal de la Réconciliation demeure dans la profondeur du genre humain et, de là, personne ne pourra l'arracher.

6. La joie de Pâques est troublée par des situations de tension ou de conflit dans plusieurs parties du monde, et, parmi elles, tout d'abord, la guerre épuisante qui fait rage depuis un certain temps entre l'Irak et l'Iran et qui a apporté déjà tant de souffrances aux deux peuples respectifs. Dernièrement, s'est ajoutée la grave tension entre deux pays de tradition chrétienne, l'Argentine et la Grande- Bretagne, avec la perte de vies humaines et la menace d'un conflit arrné, et les répercussions qu'il comporterait — on peut le craindre — dans les rapports internationaux.

C'est pourquoi je formule un souhait fervent et j'adresse un appel particulièrement pressant aux parties en cause, afin qu'elles veuillent bien rechercher, avec un sens des responsabilités et toute la bonne volonté possible, les voies d'un arrangement pacifique et honorable du différend, tant qu'il reste encore le temps de prévenir une rencontre sanglante.

La paix ! La paix dans la justice, dans le respect des principes fondamentaux universellement reconnus et affirmés par le droit international, dans une compréhension mutuelle !

Que la prière de tous suscite et soutienne l'effort que doivent accomplir les responsables de l'une et de l'autre partie et de tous ceux qui voudront bien apporter amicalement leur entremise pour arriver à la paix souhaitée.

7. Frères et soeurs, élevons notre prière à la Mère de Dieu : Reine du ciel, réjouis-toi, alléluia ! Car Celui que tu as porté est ressuscité, alléluia ! Il est ressuscité comme il l'avait dit, alléluia ! Prie Dieu pour nous, alléluia !

Frères et soeurs de toutes les nations et peuples, langues et races, cultures et religions, pays et continents. Notre monde humain est imprégné de la Résurrection ! Notre monde humain est transformé par la Réconciliation : Agnus redemit oves !

Je m'adresse à tous. Je vous invite à adorer en union avec le serviteur des serviteurs de Dieu la Victime pascale ! À retrouver la lumière dans les ténèbres ! L'espérance à travers les souffrances !

Surrexit Dominus vere ! (Le Seigneur est vraiment ressuscité.)

Le Pape a ensuite souhaité de « bonnes et joyeuses Pâques » successivement en italien, français, anglais, allemand, espagnol, portugais, grec, albanais, roumain, hongrois, tchèque, slovaque, croate, slovène, serbe, sorabe, bulgare, biélorusse, russe, ukrainien, lituanien, letton, hollandais, suédois, finlandais, gaélique, tzigane, maltais, géorgien, arménien, arabe, éthiopien, swahili, hindou, chinois, japonais, coréen, vietnamien, indonésien, tagalog, polonais (plus longuement), latin.





Les communications sociales et le troisième âge

Message du 10 mai 1982 pour la 16e Journée mondiale des communications sociales

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À l'occasion de la 16e Journée mondiale des communications sociales que l'Église a célébrée le 23 mai dernier, le Pape a adressé à toutes les communautés chrétiennes le message suivant (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 15 mai. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


CHERS FRÈRES ET SOEURS EN JÉSUS-CHRIST

Depuis seize ans déjà, l’Église catholique célèbre une « Journée » spéciale, à l’occasion de laquelle les fidèles sont invités à prendre plus profondement conscience de leurs tâches particulières — par la prière et l’engagement personnel — dans cet important secteur des communications sociales. C’est là une indication précise du Concile, qui assigne chaque année un thème précis à cette « Journée » (Inter mirifica
IM 18), en vue d’attirer l’attention des croyants sur un aspect spécifique et d’orienter « leurs propres prières et offrandes » (Ibid. IM 18). Dans la ligne de cette tradition, j’ai désiré consacrer cette Journée de 1982 au troisième âge accueillant volontiers le thème proposé par les Nations Unies pour cette même année.

La personne âgée dans la société actuelle

1. Les questions qui concernent le troisième âge ont pris des proportions et des caractéristiques bien plus vastes qu’au cours des temps passés. La nouveaute la plus marquante, c’est d’abord le nombre élevé de personnes âgées, qui augmente — dans les pays dont le niveau de vie est plus élevé — en raison des progrès de la médecine et des institutions hygiénico-sanitaires ainsi que des meilleures conditions de travail et du bien-être en général.

Certains facteurs sont également nouveaux et propres à la société moderne, industrielle et post-industrielle. Citons en premier lieu la structure familiale, qui s’est réduite, de la famille patriarcale de la sociéte rurale, à un noyau plus restreint. Celui-ci est souvent isolé et instable, parfois même démembré. Plusieurs éléments y ont contribué : l’exode des campagnes vers les centres urbains, auquel s’ajoute la recherche effrénée de bien-être et la soif de consommation. Dans ce contexte, souvent, les personnes âgées deviennent un poids.

Les conséquences sont immanquables pour le troisième âge : à commencer par la pauvreté la plus crue, surtout dans les pays sans prévoyance sociale en vue de la vieillesse, en passant par l’inaction forcée des pensionnés, principalement s’ils proviennent des secteurs industriels ou tertiaires, et, pour finir, l’amère solitude des personnes âgées, privées de vraies amitiés et d’affection familiale. Le poids de la vie et la fragilité physique se font ainsi sentir à mesure qu’augmente le nombre des années, que les forces déclinent ou que se manifestent les maladies.

La personne âgée dans la Bible

2. Les problèmes du troisième âge ne peuvent trouver une solution adéquate s’ils ne sont pas vécus et compris comme des questions qui concernent l’humanité entière. Celle-ci est appelée à valoriser les personnes âgées en raison de la dignité de chaque personne et du sens de la vie qui « est toujours un don ».

La Sainte Écriture parle souvent des anciens et considère la vieillesse comme un don qu’il faut vivre quotidiennement et qui se renouvelle dans la disponibilité envers Dieu et le prochain.

L’Ancien Testament considère la personne âgée comme un maître de vie : « La couronne des vieillards, c’est une riche expérience, leur fierté, c’est la crainte du Seigneur. » (Si 25,6) Les personnes âgées ont en outre une tâche importante à accomplir : transmettre la parole de Dieu aux nouvelles générations : « Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles, nos pères nous ont raconté. » (Ps 44,2) Annonçant la foi aux jeunes, les personnes âgées conservent la fécondité d’esprit qui ne décline pas comme les forces physiques : « Dans la vieillesse encore ils portent fruit, ils restent frais et florissants, pour publier que le Seigneur est droit. » (Ps 92,15-16). À cette tâche des anciens correspond le devoir des jeunes de les écouter : « Ne fais pas fi du discours des anciens. » (Si 8,9) « Interroge ton père, qu’il te l’apprenne, tes anciens qu’ils te le disent. » (Dt 32,7) Ils ont aussi le devoir de leur prêter assistance : « Mon fils, viens en aide à ton père dans sa vieillesse, ne lui fais pas de peine pendant sa vie. Même si son esprit faiblit, sois indulgent, ne le méprise pas, toi qui es plein de force. » (Si 3,12-13)

L’enseignement du Nouveau Testament n’est pas moins riche, quand saint Paul présente l’idéal de vie des anciens sous forme de conseils « évangéliques » fort concrets sur la sobriété, la dignité, la sagesse, la profondeur de foi, d’amour et de patience (Tt 2,2). Un exemple vivant est le vieux Siméon qui a vécu dans l’attente et dans l’espérance de rencontrer le Messie, et pour qui le Christ devient plénitude de vie et espérance d’avenir pour lui-même et pour tous les hommes. Après s’être préparé dans la foi et l’humilité, il sait reconnaître le Seigneur et proclame avec enthousiasme non pas un adieu à la vie, mais un hymne d’action de grâces au Sauveur du monde, en entrant dans l’éternité (cf. Lc 2,25-32).


Le rôle des personnes âgées dans la société

3. Parce que le troisième âge est un moment de l’existence qui doit être vécu dans sa totalité, il faut mettre en juste valeur ces « mouvements » qui aident les personnes âgées à sortir d'une attitude de méfiance, de solitude et de sentiments résignés, afin qu'ils deviennent dispensateurs de sagesse, témoins d'espérance et opérateurs de charité.

Le premier milieu où les personnes âgées peuvent agir est la famille. Leur sagesse et leur expérience sont un trésor pour les jeunes époux. Dans les premières difficultés de vie conjugale, ces derniers peuvent s'ouvrir à leurs parents comme à des confidents qui leur offrent d'utiles conseils. Par ailleurs, les grands-parents peuvent s'occuper affectueusement des petits enfants, à l'occasion des absences, plus ou moins fréquentes, des parents.

Il y a plus : la societé civile a toujours confié au conseil des personnes de grande maturité la stabilité de l'ordre social. Dans le cadre des réformes nécessaires, les personnes âgees représentent encore aujourd'hui l'élément d'équilibre pour l'édification de la vie commune, qui va de l'avant et qui se renouvelle, non pas grâce à des expériences désastreuses, mais avec prudence et graduellement.

Le rôle des journalistes

4. Les journalistes ont un rôle particulièrement important à jouer par rapport au troisième âge. Cette fonction irremplaçable touche à la nature des mass media, qui, par l'universalité et l'impact de leurs messages, peuvent rapidement et éloquemment attirer l'attention de tous sur les problèmes des personnes âgées et sur leurs conditions de vie. Seule une société bien informée, sensibilisée et mobilisée pourra s'engager en vue de rechercher les orientations et les solutions qui répondront efficacement aux besoins nouveaux.

Les journalistes peuvent aussi contribuer à dépasser certains préjugés de la jeunesse, reconnaissant à nouveau au troisième âge son utiliée, et offrant à la société des modèles et des échelles de valeurs qui incluent positivement les personnes âgées. Ils sont en mesure de rappeler à l'opinion publique qu'à côté du « juste salaire », il y a aussi la « juste pension », comme partie intégrante de la justice sociale.

Les schémas culturels modernes exaltent souvent de manière unilatérale la productivité économique, l'efficacité, la beauté et la force physique, le bien-être individuel. Ils induisent parfois à considérer les personnes âgées comme un poids encombrant, superflu inutile, et à marginaliser les personnes âgées hors de la vie familiale et sociale. Un examen attentif de ce domaine révèle la responsabilité partagée des mass media : si ceux-ci sont fruits de la société où ils opèrent, ils contribuent aussi à la modeler et ne peuvent donc se déclarer sans responsabilité à ce niveau.

Les journalistes sont particulièrement qualifiés pour répandre cette vision vraiment humaine, et donc aussi chrétienne, au sujet des personnes âgées : ceux-ci sont don de Dieu pour les personnes, la famille et la société. Les auteurs, les écrivains, les metteurs en scène, les acteurs, à travers les voies admirables de leur art, peuvent rendre cette vision plus compréhensible et attrayante. Tout le monde sait le succès de leurs campagnes, en d'autres secteurs, menées avec persévérance et habileté.

5. Ces orientations humaines et chrétiennes, présentes au sein des médias, aideront les personnes âgées à considérer cette étape de leur vie avec réalisme et sérénité. Ils les rendront capables de mettre leurs énergies intellectuelles, morales et physiques au service des autres, en soutenant les initiatives humanitaires, éducatives, sociales et religieuses. Ils aideront les personnes du troisième âge à remplir les longs moments de silence au moyen de la culture et du dialogue avec Dieu. Les enfants se rendront compte que le milieu idéal des personnes âgées est la famille, où la cohabitation est moins une question physique qu'affective, qui leur donne 1'assurance d'être acceptées, aimées et assistées. La societé civile sera encouragée à prendre des mesures de prévoyance et d'assistance adéquates, qui tiennent compte des besoins non seulement physiques mais aussi psychologiques et spirituels des personnes âgées, afin de leur garantir de manière permanente une plénitude de vie. Les personnes généreuses comprendront l'appel à consacrer une partie de leur temps et de leurs énergies au service de cette cause, voyant dans ces frères et soeurs qui ont besoin d'eux, le visage même du Christ. Outre cette action d'animation, les journalistes prendront conscience qu'une large part de leur public est composée de personnes âgées, spécialement les usagers de radio-télévision et les lecteurs. Ils auront soin de leur réserver des programmes et des publications, afin de ne pas se limiter au divertissement, mais de contribuer également à la formation permanente, qui est indispensable à tous les âges de l'existence. Les journalistes seront l'objet d'une particulière gratitude de la part des malades et des handicapés, pour leur avoir ainsi donné la possibilité de participer avec le Peuple de Dieu aux célébrations liturgiques et aux événements ecclésiaux. Ces émissions devront naturellement tenir compte de la sensibilité particulière des personnes âgées, évitant des nouveautés déconcertantes et respectant le sens du sacré, que les personnes du troisième âge possèdent intensément et qui constitue un bien qui doit être préservé dans l'Église.

6. Qu'en cette Journée mondiale, consacrée à leurs problèmes, les personnes âgées soient les premières à offrir leurs prières et leurs sacrifices, afin que le monde puisse voir se développer une vision chrétienne du troisième âge.

Que ceux qui jouissent du charme de l'enfance, de la vigueur de la jeunesse, de l'efficacité de l'âge mûr, considèrent avec respect, gratitude et amour, ceux qui les ont précédés.

Que les journalistes soient heureux de pouvoir mettre leurs ressources admirables au service de cette noble cause, qui mérite toute leur attention. Que le Seigneur veuille bien bénir et assister tous et chacun dans l'accomplissement d'une telle tâche.

Et, en conclusion, c'est avec plaisir que je tiens à donner à tous ceux qui travaillent au sein des mass media, à ceux qui les utilisent de manière responsable et spécialement aux personnes âgées, ma bénédiction apostolique, afin que leur soient accordées d'abondantes grâces de joie sereine et de progrès spirituel.

Du Vatican, le 10 mai 1982, quatrième année du pontificat.

JEAN-PAUL II



Message pour la journée mondiale des missions du Dimanche 24 octobre (1)

30 mai 1982

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(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 5 juin. Traduction de l'Agence Fides. Titre et notes de la DC.


FRÈRES VÉNÉRÉS, CHERS FILS ET CHÈRES FILLES DE L'ÉGLISE !



À l'approche de la prochaine Journée mondiale des missions, je désire, comme chaque année, vous adresser à tous mon message personnel pour servir à une réflexion commune sur la dimension mnissionnaire qui appartient à l'essence même de l'Église, Corps mystique du Christ et Peuple de Dieu, mais aussi sur l'engagement qui en résulte et qui nous concerne tous afin que l'Évangile de Jésus soit prêché et accueilli dans le monde entier.

Cette année, mon message part d'un événement particulièrement sigmficatif : le 25e anniversaire de l'encyclique Fidei donum, de mon vénéré prédécesseur Pie XII (cf. AAS 49, 1957, 225-248) (2). Un tournant important, dans le domaine de la pastorale missionnaire, avait été pris avec elle et avait reçu ensuite, du Concile Vatican II, les lignes directrices que l'Église, consciente de sa nature intrinsèque propre et de sa mission et toujours soucieuse d'étudier les signes des temps, continue à suivre aujourd'hui tout au long de son chemin, dans le but de servir l'homme et de le conduire au salut en lui ouvrant les « insondables richesses du Christ » (
Ep 3,8).

Cet important document, même s'il concentrait toute son attention spécifique sur l'Afrique, contenait des directives claires, valables pour l'activité missionnaire de l'Église dans tous les continents de la terre, et son apport original s'est retrouvé, comme vous le savez, d'une manière spéciale dans le décret conciliaire Adgentes, et, plus récemment encore, dans les « Notae Directivae » Postquam Apostoli de la S. Congrégation pour le Clergé (cf. AAS 72, 1980, 343-364) (3).

(2) DC, 1957, n° 1251, col. 582-596.
(3) DC, 1980, n° 1795, p. 982-990.



1. Les évêques, responsables de l'évangélisation du monde

L'encyclique Fidei donum rappelait d'abord d'une manière solennelle le principe de la coresponsabilité des évêques, en vertu de leur appartenance au collège épiscopal, dans l'évangélisation du monde.

C'est à eux, en effet, en tant que successeurs des apôtres, que le Christ a confié et confie, avant tout autre personne, le mandat commun de proclamer et de propager la Bonne Nouvelle jusqu'aux extrémités de la terre. En conséquence, même s'ils sont les pasteurs de secteurs particuliers du troupeau, ils sont et ils doivent se sentir solidairement responsables, en union avec le Vicaire du Christ, de la marche et du devoir missionnaire de l'Église tout entière ; ils seront donc remplis d'une vive sollicitude à l'égard de « ces régions du monde où la Parole de Dieu n'a pas encore été annoncée, ou dans lesquelles, en raison surtout du petit nombre de prêtres, les fidèles sont en danger de s'éloigner des commandements de la vie chrétienne et plus encore de perdre la foi elle-même (décr. Christus Dominus, CD 6).

Ce principe de base, largement approfondi et développé par le Concile (cf. Lumen gentium LG 23-24 Ad gentes, AGD 38), je désire aujourd'hui le souligner une fois encore, tant pour en rendre manifeste l'actualité que pour exhorter tous mes vénérés frères dans l'épiscopat à prendre toujours plus conscience de cette très haute responsabilité qui est la leur, en rappelant qu'ils « ont été consacrés non seulement pour un diocèse, mais pour le salut du monde entier » (Ad gentes, AGD 38).

Ce principe apparaîtra plus clair encore si l'on se rappelle les relations étroites et mutuelles entre les Églises particulières et l'Église universelle. En effet, si dans chaque Église particulière qui possède dans son évêque le lien et le fondement « est vraiment présente et agissante l'Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique » (Christus Dominus, II), il en découle qu'elle doit promouvoir, dans son milieu concret, toute l'activité qui est commune à l'Église universelle (cf. Postquam Apostoli 13-14 : 1. c., p. 352-354).

Chaque diocèse est donc appelé à prendre toujours plus conscience de cette dimension universelle, c'est-à-dire à découvrir ou à redécouvrir sa propre nature missionnaire, en élargissant « le rayon de sa charité jusqu'aux extrémités de la terre » et en manifestant « pour ceux qui sont loin une sollicitude semblable à celle qu'elle a pour ses propres membres » (Ad gentes, AGD 17).

En conséquence, tout évêque, en tant que chef et guide de l'Église locale, devra employer toutes ses énergies dans ce sens, il devra donc, dans toute la mesure du possible, mettre tout en oeuvre pour imprimer un élan missionnaire vigoureux à son diocèse : il lui revient en premier lieu de créer chez les fidèles une mentalité catholique au sens plein du terme, ouverte aux nécessités de l'Église universelle, en sensibilisant le Peuple de Dieu au devoir de la coopération sous toutes ses formes et dont il faut tenir compte ; de promouvoir les initiatives opportunes de soutien et d'aide spirituelle et matérielle aux missions, en renforçant les structures déjà existantes ou en en réalisant de nouvelles ; favoriser d'une manière très spéciale les vocations sacerdotales et religieuses, en aidant, dans le même temps, les prêtres à prendre conscience de la dimension typiquement apostolique du ministère sacerdotal (cf. Ad gentes, AGD 38).



2. Le manque d'apôtres : urgence principale de la mission

Une forme concrète de coopération, à laquelle les évêques pourront recourir pour réaliser cette responsabilité qui est la leur dans l'oeuvre d'évangélisation, est l'envoi en mission de prêtres diocésains, parce qu'une des urgences les plus vives de nombreuses Églises est précisément aujourd'hui le manque préoccupant d'apôtres et de serviteurs de l'Évangile.

C'est là la grande nouveauté, à laquelle Fidei Donum a lié son nom. Une nouveauté qui a fait dépasser la dimension territoriale du service presbytéral pour l'orienter vers l'Église tout entière, comme le souligne le Concile : « Le don spirituel que les prêtres ont reçu à l'ordination les prépare non pas à une mission limitée et restreinte, mais à une mission de salut d'ampleur universelle, « jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1,8) ; n'importe quel ministère sacerdotal participe, en effet, aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux apôtres » (Presbyterorum Ordinis, PO 10).

Puisque l'un des obstacles les plus graves pour la diffusion du message du Christ est précisément le manque « d'ouvriers pour la vigne du Seigneur », je voudrais saisir cette occasion pour exhorter tous les Évêques, dans leur oeuvre d'aide et de promotion des oeuvres d'évangélisation, à envoyer généreusement leurs propres prêtres dans ces régions qui en ont un besoin urgent, même si leur diocèse ne déborde pas de prêtres. « Il ne s'agit point — rappelait Pie XII en citant saint Paul —, pour soulager les autres, de vous réduire à la gêne ; ce qu'il faut, c'est l'égalité (2Co 8,13). Que les diocèses qui souffrent de la pénurie de prêtres ne refusent pas d'écouter les sollicitations pressantes et suppliantes provenant des missions qui demandent de l'aide. Que l'obole de la veuve, selon la parole du Seigneur, soit l'exemple à suivre : si un diocèse pauvre porte secours à un autre diocèse pauvre, il ne pourra en résulter un appauvrissement plus grand, parce qu'on ne peut jamais vaincre le Seigneur en générosité » (Fidei Donum, 1. c., p. 244 ; cf. également Postquam Apostoli n° 10 : 1. c., p. 350).

Mais, outre les prêtres, Fidei Donum faisait également appel directement aux laïcs, dont le service aux côtés des prêtres et des religieux en mission se présente, aujourd'hui plus que jamais, précieux et indispensable (cf. Ad Gentes, AGD 41). Ceci a créé les conditions nécessaires pour l'expérience de ce phénomène typique de notre époque, que je désire vivement recommander, et qui est le volontariat chrétien international (cf. Discours à la Fédération des organismes chrétiens de service international volontaire, 23 janvier 1981 : Enseignements de Jean-Paul II, IV, 1/1981, pp. 196-l99).


3. Développement de la conscience missionnaire des Églises locales

L'introduction de ces formes de coopération, ainsi que le rappel très fort du principe de la coresponsabilité du Collège épiscopal dans l'évangélisation du monde, ont eu le mérite indiscutable de donner le départ au renouveau missionnaire de l'Église, dont les conditions nécessaires apparaissent déjà dans l'affirmation clairvoyante de Pie XII selon laquelle « la vie de l'Église dans son aspect visible », au lieu de déployer sa force — comme dans le passé — « dans les pays de la vieille Europe d'où elle se répandait. vers ce que l'on pouvait appeler la périphérie du monde », se présente au jour d'aujourd'hui comme « échange de vie et d'énergie entre tous les membres du Corps mystique » (Fidei Donum, 1. c., p. 235).

On a obtenu, avant tout, et de manière toujours plus profonde l'idée de base, qui a été ensuite amplement développée et affirmée par le Concile, du devoir indispensable pour toute Église locale de s'engager directement, selon ses propres possibilités, dans l'oeuvre d'évangélisation ; et l'on a provoqué ainsi un approfondissement indéniable de la conscience missionnaire des Églises particulières, qui avaient été sollicitées à dépasser la mentalité et la pratique de la « délégation », qui avait caractérisé en grande partie leur attitude vis-a-vis de leur devoir missionnaire.

Il s'est ainsi produit pour ces Églises un élan résolu à devenir toujours plus les sujets premiers de l'action missionnaire (cf. Ad Gentes, AGD 20), les responsables en premier lieu de la mission (cf. Ibid, AGD 36-37), comme j'ai pu le constater personnellement au cours de mes voyages en Afrique, en Amérique latine, en Asie.

Le fait d'avoir mis l'accent, en outre, sur ce rôle de « sujet de l'action missionnaire », a poussé les Églises particulières à se mettre en rapport avec les Églises soeurs répandues dans le monde dans cette « communion-coopération » qui est si nécessaire « pour continuer l'oeuvre de l'évangélisation » (Ibid., AGD 38), et qui est une des réalités les plus actuelles de la mission, dans un échange de valeurs et d'expériences, qui permet à chacune des Églises de bénéficier des dons que l'Esprit du Seigneur répand en tous lieux (cf. Ibid., AGD 20).

Aucune fermeture, en conséquence, de la part des Églises particulières, aucun isolationnisme ou repliement égoïste dans le cadre exclusif et limité de ses propres problèmes ; parce que, s'il en était autrement, l'élan vital perdrait de sa vigueur en conduisant inévitablement à un appauvrissement dangereux de toute la vie spirituelle (cf. Evangelii Nuntiandi EN 64; Postquam Apostoli 14 : l.c., p. 353).

4. La coopération missionnaire, échange réciproque d'énergies et d'expériences

C'est ainsi donc que se dessine le concept nouveau de coopération, comprise non plus comme étant « à sens unique », comme peut l'être l'aide fournie aux Églises plus jeunes par les Églises de fondation ancienne, mais bien plutôt comme un échange réciproque et fécond d'énergies et de biens, dans le cadre d'une communion fraternelle d'Églises soeurs, en dépassant le dualisme « Églises riches » — « Églises pauvres », comme s'il existait deux catégories distinctes : les Églises qui « donnent » et les Églises qui se contentent de « recevoir ». Il existe en réalité une véritable réciprocité, dans la mesure où la pauvreté d'une Église qui reçoit de l'aide, enrichit l'Église qui se prive en donnant.

La mission devient ainsi non seulement une aide généreuse des Églises « riches » aux Églises « pauvres », mais une grâce pour chaque Église, condition de renouveau, loi fondamentale de vie (cf. Ad gentes, AGD 37 ; Postquam apostoli 14-15 ; l.c. pp. 353 s.).

Il faut cependant souligner que l'appel adressé aux Églises particulières d'envoyer des prêtres et des laïcs, n'a pas voulu signifier qu'étaient dépassées les formes et les forces traditionnelles de coopération missionnaire, lesquelles continuent à supporter le poids le plus grand de l'évangélisation. Ce fut une nouveauté qui ne s'est pas présentée comme substitution ou comme alternative, mais comme une forme complémentaire, comme une richesse nouvelle, suscitée par l'Esprit, et qui se place aux côtés des forces traditionnelles.

Après vingt-cinq années de ces expériences, qui ont atteint une consistance et une solidité considérables, on commence toutefois à ressentir plusieurs signes de fatigue, qui sont dus en partie à la baisse des vocations et en partie à l'urgence qu'il y a de faire face à la crise dans laquelle se débattent de nombreuses communautés d'ancienne tradition. Face au phénomène de la déchristianisation, peut naître la tentation de se replier sur soi-même, de s'enfermer dans ses propres problèmes, d'éteindre l'élan missionnaire en son sein même.

Il faut donc une relance missionnaire vigoureuse, enracinée dans l'inspiration plus profonde, qui provient, pour l'Église, directement du Divin Maître (cf. Evangelii nuntiandi EN 50), dictée par une espérance confiante et soutenue par l'engagement commun des Églises particulières et de tous les chrétiens.

5. Rôle prioritaire des OEuvres pontificales missionnaires

Dans l'établissement du programme de cette vigoureuse relance missionnaire, facteur indispensable pour la vie même et pour la croissances des Églises locales et de l'Église tout entière, je désire enfin recommander le recours à cet instrument irremplaçable de la coopération missionnaire si vivement recommandé par mes prédécesseurs, que constituent les OEuvres pontificales missionnaires auxquelles, comme le déclare Ad gentes (n° AGD 38), en tout lieu et en tout temps « doit être attribuée la première place », et qu'il est plus que jamais opportun de renforcer et de développer dans tous les diocèses.

La Journée mondiale des missions nous rappelle en particulier l'OEuvre pontificale de la Propagation de la Foi à laquelle revient le mérite d'avoir proposé à Sa Sainteté le Pape Pie XI, en 1926, I'heureuse initiative de décider la création de la Journée annuelle en faveur de l'activité missionnaire de l'Église, et qui a la charge de promouvoir et d'organiser, avec la collaboration des autres OEuvres pontificales et sous la direction des évêques respectifs, cette même Journée.

Que l'on donne également l'élan qui convient à l'Union missionnaire du clergé, qui a pour tâche principale d'animer et de sensibiliser aux urgences du problème missionnaire, tous les niveaux du peuple de Dieu — par l'intermédiaire du réseau capillaire des prêtres, des religieux et des religieuses.

Du bon développement de cette Association dépendra en bonne partie le niveau de l'action et de la conscience missionnaires de l'Église locale tout entière et, de manière spéciale, la sensibilité missionnaire des prêtres, auxquels l'Union s'adresse en premier, de manière à ce qu'ils soient poussés naturellement — dans une prise de conscience, toujours plus vive et plus profonde, du caractère apostolique intrinsèque de leur sacerdoce — à franchir non seulement spirituellement mais également de façon matérielle, les limites de leur propre diocèse, pour travailler également dans les Églises plus lointaines de la terre, là où les demandes d'aide se font plus pressantes.

En conclusion de ce message, je désire exprimer toute ma reconnaissance à tous ceux — évêques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs — qui, bien souvent au prix de fatigues et de sacrifices inimaginables, dépensent le meilleur de leurs énergies, leur vie, « en première ligne », mais également « à l'arrière » pour répandre l'annonce du salut jusqu'aux extrémités du monde, afin que le nom du Christ rédempteur soit connu et giorifié par tous.

À vous tous, Vénérés Frères, chers Fils et chères Filles de l'Église, j'accorde de grand coeur ma paternelle bénédiction apostolique, gage des nombreuses faveurs célestes, et signe de ma constante bienveillance.

Donné au Vatican, le 30 mai, solennité de la Pentecôte de l'an 1982, quatrième de mon Pontificat.

JEAN-PAUL II




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