Discours 1980 - DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES

DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES


1. Pour veiller à l'exécution des conclusions ci-dessus, il est institué un Conseil synodal composé de deux membres élus par le Synode parmi les évêques néerlandais, et d'un membre nommé par le Saint-Père.

Les trois membres sont :

Son Eminence le Cardinal Gabriel Marie Garrone,
Son Eminence le Cardinal Johannes Willebrands, archevêque d'Utrecht, et S?n Excellence Monseigneur Johannes Bluyssen, évêque de 's-Hertogenbosch.

2. En ce qui concerne les membres des deux Commissions prévues respectivement aux nn. 28 et 35 des Conclusions ci-dessus, le Synode établit la procédure suivante : Son Eminence le Cardinal Willebrands et Son Excellence Monseigneur Danneels proposeront au Saint-Père les noms des candidats.

3. a) L'évêque de Ruremonde reprendra sa collaboration avec les autres évêques dans le domaine des OEuvres Pontificales missionnaires, de l'Action pour le Carême et de la Semaine du missionnaire néerlandais.

   b) Les évêques ont conscience de certaines difficultés existant entre l'évêque de Ruremonde et des personnes et institutions, dans le triple domaine mentionné. Ils sont prêts à l'aider à rechercher une solution à ces difficultés.

Voté et adopté par les Membres soussignés du Synode Particulier des Évêques des Pays-Bas.

Rome, le 31 janvier 1980.

Sebastiano Card. Baggio, Préfet de la Sacrée Congrégation pour les Évêques.

Franjo Card. Šeper, Préfet de la Sacrée Congrégation p?ur la Doctrine de la foi.

Gabriel M. Card. Garrone, Ancien Préfet de la Sacrée Congrégation p?ur l'Éducation catholique.

Silvio Card. Oddi, Préfet de la Sacrée Congrégation pour le Clergé.

Johannes Card. Willebrands, Archevêque d'Utrecht.

James Robert Card. Knox, Préfet de la Sacrée Congrégation pour les Sacrements et le Culte divin.

Eduardo Card. Pironio, Préfet de la Sacrée Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers.

Jozef Mgr.Tomko, Secrétaire Général du Synode des Évêques.

Godfried Mgr. Danneels, Archevêque de Malines-Bruxelles.

Johannes Mgr. Bluyssen, Évêque de 's-Hertogenbosch.

Theodorus Henricus Mgr. Zwartkruis, Évêque de Haarlem.

Hubertus C. A. Mgr. Ernst, Évêque de Breda.

Johannes B. Mgr. Moeller, Évêque de Groningen.

Adrianus J. Mgr. Simonis, Évêque de Rotterdam.

Johannes B. M. Mgr. Gijsen, Évêque de Roermond.

— Dom P. van den Biensen O.S.B., Prieur de St. Willibrord, Slangenburg (Doetinchem).

— Don A. van Luyn S.D.B., Provincial de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco.



Les Conclusions ci-dessus ont plu aux Pères du Synode Particulier des évêques des Pays-Bas. En vertu du pouvoir apostolique que je tiens du Christ, je les approuve, et j'ordonne que, pour la gloire de Dieu, ce qui a été établi synodalement soit promulgué.

Rome, en la Chapelle Sixtine, près Saint-Pierre, le 31 janvier 1980.



IOANNES PAULUS PP. II


* A.A.S., vol. LXXII (1980), n. 2, pp. 215-232.                              

                                   

                                      Février 1980


À LA COMMUNAUTÉ AFRICAINE DE ROME

Vendredi, 2 février 1980




Monsieur le Cardinal,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Vous êtes les bienvenus! Je connais l’hospitalité africaine, si cordiale et si généreuse. Aujourd’hui, vous êtes mes hôtes. Puissiez-vous vous sentir heureux, à l’aise, comme chez vous, dans cette maison qui se veut accueillante à l’univers entier, accueillante comme le coeur du Christ dont je suis le serviteur.

1. Je remercie votre digne interprète de ses paroles pleines de délicatesse et de sagesse. Et je suis très touché de ce désir que nombre d’entre vous avaient manifesté de me rencontrer. A vrai dire, vous êtes venus au-devant de mon propre souhait. Depuis longtemps, je voulais réserver un temps et des contacts, sinon à tel ou tel pays africain - ils sont si nombreux - du moins à l’ensemble des fils de ce grand continent qui résident à Rome.

Je vous salue donc très cordialement dans la diversité de vos fonctions, dans la diversité des peuples, des ethnies, des communautés religieuses que vous représentez.

Les Chefs des Missions diplomatiques accréditées près le Saint-Siège sont déjà familiarisés avec cette maison, et je suis heureux de saluer aujourd’hui à côté d’eux tous leurs collaborateurs et le personnel de leurs Ambassades. Puis il y a les diplomates des autres Ambassades en Italie, les experts des missions auprès de la FAO ou d’autres organismes internationaux, tous ceux que leur travail, leurs études ont fixés pour quelque temps à Rome, avec leurs familles.

Je fais une place à part aux prêtres, séminaristes, religieuses, catéchistes, laïcs qui poursuivent ici leur formation chrétienne-ecclésiastique, religieuse, apostolique: ils ont un titre particulier à se réunir eux aussi autour du Pape. A tous, merci de votre visite.

Certes, vous n’avez pas tous les mêmes convictions religieuses; votre histoire, vos traditions, votre appartenance ethnique, vous ont marqués de caractéristiques assez diverses. Il ne s’agit pas d’ignorer ces différences, mais bien plutôt de se reconnaître ainsi, de se respecter, de se vouloir du bien, de vivre une certaine solidarité, et surtout de découvrir les lignes convergentes de vos richesses morales et de vos projets capables d’assurer anjourd’hui et demain le bonheur durable, le progrès humain et spirituel des Africains.

2. Tout d’abord, je souhaite à chacun de vous, à chacun de vos foyers, de trouver ici, à Rome, les conditions de son épanouissement. Bien que la population soit ici familière et accueillante, il y a toujours, comme pour toute colonie étrangère, un dépaysement à surmonter pour ce qui est des habitudes, de la langue.

J’espère qu’aucune famille africaine ne reste isolée, mais que vous avez l’occasion de nouer, avec vos hôtes romains, et entre vous d’abord, des relations amicales, d’organiser des rencontres, de vous apporter l’entraide nécessaire, dans la ligne de la solidarité africaine qui ne laisse de côté aucun des parents ou amis.Je souhaite aussi, en ce qui concerne les chrétiens, que vous arriviez toujours à établir les liens nécessaires avec une communauté chrétienne, paroissiale ou autre, afin que vous puissiez entretenir votre foi, la développer, en témoigner.

En effet, loin d’être une parenthèse dans votre vie spirituelle, votre séjour romain devrait lui donner une dimension nouvelle, grâce aux témoignages de la foi qui sont inscrits dans l’histoire et dans l’art de cette ville, ou qui sont vécus aujourd’hui par les personnes et les institutions catholiques. Mes voeux se font particulièrement chaleureux pour vos enfants, si naturellement débordants de joie et de vitalité, afin qu’ils bénéficient de ce qui est essentiel en cette période importante de leur formation.

3. Mais vous portez, ou devez porter des soucis qui débordent le cadre de vos personnes, de vos familles. Beaucoup d’entre vous sont ici-même au service de leur pays, délégués par lui pour une mission de diplomates ou d’experts. Beaucoup viennent se préparer à mieux le servir, à mieux servir l’Afrique, grâce à la formation théologique ou pastorale qu’ils parachèvent dans les instituts romains d’éducation catholique.

Que puis-je souhaiter pour tous et chacun de vos pays, pour l’ensemble du continent africain? Mes voeux se résument en une phrase: que vos peuples sachent assumer les mutations souvent accélérées qui leur sont nécessaires ou imposées par les circonstances, avec le maximum de sagesse et d’humanité, en sauvegardant et même en développant, quitte à les purifier, les valeurs authentiques de l’âme africaine.

4. Pour tout le continent africain, c’est un passage qui est à la fois plein d’espoir et semé d’embûches. Vos pays s’ouvrent désormais, de par leur propre choix, aux possibilités du développement de la science, de la technique, de l’instruction, et à beaucoup d’influences extérieures.

Mais le progrès qui peut et doit en résulter en multipliant les biens matériels et le savoir, demeure très inégal, selon les possibilités des pays et l’entraide dont ils disposent; et il s’accompagne d’un certain nombre de phénomènes qu’il est difficile de maîtriser pour les rendre vraiment humains: transformation de l’économie rurale, industrialisation avec le caractère plus mécanique du travail, urbanisation massive avec le déracinement et l’anonymat qui affectent les banlieues des grandes métropoles, nombre de jeunes instruits devenus plus allergiques au travail manuel et se trouvant sans emploi correspondant à leurs capacités...

Il y a un risque de matérialisme [1], d’individualisme, de désagrégation de la famille, d’affaiblissement des valeurs morales et spirituelles, qui contrecarrent la vision spirituelle et le sens de la solidarité si ancrés dans l’âme africaine. L’Occident lui-même, par exemple, il faut bien l’avouer, n’a pas toujours su, ne sait pas toujours vivre de façon satisfaisante cette mutation inéluctable. Je souhaite de tout coeur que l’Afrique y réussisse, avec son génie propre.

5. …

 [1] Cfr. Pauli VI (Populorum Progressio PP 41).

 [2] Ioannis Pauli PP. II Catechesi Tradendae,





AU SECRÉTARIAT POUR L'UNITÉ DES CHRÉTIENS

Vendredi, 8 février 1980




Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers Frères et Soeurs,

Quinze mois se sont déjà écoulés depuis notre dernière et première rencontre. J’étais alors au tout début de mon pontificat, et j’avais tenu à vous exprimer ma satisfaction et mes vifs encouragements pour votre travail, en vous donnant quelques orientations générales. Je voudrais aujourd’hui m’entretenir plus longuement avec vous de ce qui, avec l’aide du Seigneur et sous la conduite de l’Esprit Saint, s’est passé et a été réalisé dans le domaine de l’oecuménisme pendant ces quinze mois.

Il n’est malheureusement pas possible de descendre dans le détail. Je ne puis toutefois omettre d’évoquer ici, devant vous, les nombreuses rencontres avec des responsables ou des groupes de fidèles d’autres Eglises et Communautés ecclésiales, qui ont commencé au lendemain de la cérémonie d’inauguration de mon ministère pontifical et ont atteint leur apogée en novembre dernier avec ma visite au Patriarcat oecuménique où a été lancé le dialogue théologique avec les Eglises orthodoxes.

Notre effort, qui se poursuit patiemment mais activement, doit tendre à promouvoir ce vrai renouveau qui, selon l’enseignement du Concile Vatican II, consiste essentiellement “dans une fidelité plus grande de l’Eglise à sa vocation” [1].

Le deuxième Concile du Vatican a marqué une étape importante dans ce renouveau, une étape et un point de départ. L’expérience de ce concile, les textes dans lesquels cette expérience s’est exprimée, demeurent une source toujours actuelle d’inspiration; ils sont riches d’orientations, en exigences qui ont encore à être découvertes et réalisées dans la vie concrète du peuple de Dieu.

Je l’ai dit souvent durant ces mois, mais je tiens à vous le redire, à vous, membres du Secrétariat pour la promotion de l’unité des chrétiens, parce que le Concile a affirmé que ce renouveau a une insigne valeur oecuménique: l’unité de tous les chrétiens était un de ses buts principaux [2]; elle demeure une part importante de mon ministère, comme de l’action pastorale de l’Eglise.

L’unité demande une fidélité sans cesse plus approfondie par l’écoute réciproque. Avec une fraternelle liberté les partenaires d’un vrai dialogue se provoquent l’un l’autre à une fidélité toujours plus exigeante à l’intégralité du plan de Dieu.

Dans la fidélité au Christ Seigneur qui a demandé l’unité, a prié pour elle et s’est sacrifié pour elle, et dans la docilité à l’Esprit Saint qui guide les croyants vers la vérité tout entière [3], ils s’obligent sans cesse à dépasser les limites que l’histoire religieuse de chacun peut avoir entraînées pour s’ouvrir toujours plus à la “largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur” du dessein mystérieux de Dieu qui surpasse toute connaissance [4].

D’ailleurs, disons-le en passant, cet esprit de dialogue fraternel, qui doit exister, et je dirais même doit exister d’abord entre les théologiens qui, dans l’Eglise catholique sont engagés dans l’effort de renouveau théologique, implique évidemment aussi que ce dialogue se fasse dans la vérité et la fidélité. Il devient alors un moyen indispensable d’équilibre qui devrait permettre d’éviter à l’autorité de l’Eglise d’être obligée de déclarer que certains s’engagent dans une voie qui n’est pas la vraie voie du renouveau. Si l’autorité est obligée d’intervenir, elle n’agit pas contre le mouvement oecuménique mais apporte à ce mouvement sa contribution en l’avertissant que certaines pistes ou certains raccourcis ne mènent pas au but recherché.

J’ai voulu aller à Istanbul pour célébrer avec Sa Sainteté le Patriarche Dimitrios la fête de saint André, patron de cette Eglise. Je l’ai fait pour manifester devant Dieu et devant tout le peuple de Dieu mon impatience de l’unité. Nous avons prié ensemble. Dans la cathédrale patriarcale, j’ai assisté avec une profonde émotion spirituelle à la liturgie eucharistique que le Patriarche et son Synode y ont célébrée, comme le Patriarche et les Métropolites étaient venus assister à la liturgie que j’avais célébrée dans la cathédrale catholique.

Dans cette prière nous avons douloureusement ressenti combien il était regrettable que nous ne puissions pas concélébrer. Il faut tout faire pour hâter le jour d’une telle concélébration, et la durée même de notre séparation rend plus urgente encore la nécessité d’y mettre fin.

Cette année sera marquée par le commencement du dialogue théologique avec l’Eglise orthodoxe. Ce dialogue théologique est un épanouissement du dialogue de la charité qui a commencé durant le Concile, qui doit continuer et s’intensifier car il est le milieu vital nécessaire à cet effort de lucidité qui permette de redécouvrir, au-delà des divergences et des malentendus hérités de l’histoire, les voies qui nous mèneront enfin à une commune profession de foi au sein de la concélébration eucharistique.

Le deuxième millénaire a vu notre séparation progressive. Le mouvement inverse a partout commencé. Il faut, et je le demande instamment au “Père des lumières de qui vient tout don parfait” [5], que l’aube du troisième millénaire se lève sur notre pleine communion retrouvée.

J’espère que cette première rencontre sera prochainement suivie d’autres rencontres avec le Patriarche Dimitrios mais aussi avec d’autres responsables d’Eglise et de Communautés ecclésiales en Occident.

Je voudrais aussi dire toute l’attention que je porte au dialogue avec les anciennes Eglises orientales et notamment avec l’Eglise copte. La visite à Rome de Sa Sainteté Shenouda, Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de saint Marc, a été un événement important qui a marqué l’ouverture de ce dialogue [6]. Il faudrait que soient réalisées toutes les possibilités ouvertes par la déclaration commune qu’il a signée avec mon grand prédécesseur le Pape Paul VI.

Comme je l’ai déjà dit à la délégation de l’Eglise copte que j’ai eu la joie de recevoir en juin dernier, cette déclaration, je l’ai faite mienne ainsi que les encouragements que, par la suite, le Saint-Siège a donné à ce dialogue. L’unité des chrétiens appartenant au grand peuple égyptien leur permette d’apporter pleinement, en collaboration avec leurs frères musulmans, leur contribution à l’effort national.

De plus, je suis convaincu qu’une réarticulation des anciennes traditions orientales et occidentales et l’échange équilibrant qui en résultera dans la pleine communion retrouvée peuvent être d’une grande importance pour la guérison des divisions nées en Occident au XVIe siècle.

Les divers dialogues qui se développent depuis la fin du Concile ont déjà réalisé de sérieux progrès. Avec la Communion anglicane la commission mixte est en train de finir son travail et devrait remettre son rapport final l’année prochaine. L’Eglise catholique pourra alors se prononcer officiellement et en tirer les conséquences pour l’étape qui devra suivre.

Cette année voit le 450e anniversaire de la Confession d’Augsbourg. Dans notre dialogue avec la Fédération luthérienne mondiale nous avons commencé à redécouvrir les liens profonds qui nous unissent dans la foi et qui furent masqués par les polémiques du passé. Si, après 450 ans, catholiques et luthériens pouvaient arriver à une évaluation historique plus exacte de ce document et à mieux établir son rôle dans le déroulement de l’histoire ecclésiastique, un pas notable serait fait dans la marche vers l’unité.

Il faut avec lucidité, ouverture, humilité et charité continuer à étudier les principales divergences doctrinales qui ont été dans le passé à l’origine des divisions qui, aujourd’hui encore, séparent les chrétiens.

Ces divers dialogues sont autant d’efforts tendant au même but en prenant en considération la variété des obstacles à surmonter. Il en est de même de ceux dans lesquels l’Eglise catholique n’est pas directement impliquée. Il n’y a pas opposition entre ces divers types de dialogue, et rien ne doit être négligé de ce qui peut hâter le progrès vers l’unité.

Tout cela est nécessaire, mais tout cela ne pourra porter du fruit que si, en même temps, partout dans l’Eglise catholique, on prend une conscience plus claire de la nécessité de l’engagement oecuménique tel qu’il a été défini par le Concile.

Le Secrétariat pour l’unité a publié en 1975 d’importantes orientations pour le développement de la collaboration oecuménique aux niveaux locaux, nationaux et régionaux. J’ai déjà dit que le souci de la collaboration avec nos autres frères chrétiens doit trouver sa juste place dans la pastorale. Ceci demande un changement d’attitude, une conversion du coeur qui suppose toute une orientation dans la formation du clergé et du peuple chrétien. La catéchèse doit avoir ici le rôle que j’ai rappelé récemment dans l’Exhortation Apostolique Catechesi Tradendae [7].

Cette recherche de l’unité, tant par le dialogue que par la collaboration partout où c’est possible, a comme but le témoignage à rendre au Christ aujourd’hui. Ce témoignage commun est limité, incomplet, tant que nous sommes en désaccord sur le contenu de la foi que nous avons à annoncer. D’où l’importance de l’unité pour l’évangélisation aujourd’hui. En effet dès maintenant les chrétiens doivent être soucieux de témoigner ensemble de ces dons de foi et de vie qu’ils ont reçus de Dieu [8].

Le thème principal de votre réunion plénière est justement le témoignage commun. Le problème n’est pas seulement qu’il soit commun, mais qu’il soit un témoignage authentique de l’Evangile, un témoignage rendu à Jésus-Christ vivant aujourd’hui dans la plénitude de son Eglise. Dans ce sens-là, il faut que les chrétiens - et là je pense spécialement aux catholiques - approfondissent leur fidélité au Christ et à son Eglise. Oui, le devoir urgent des catholiques est de comprendre ce que doit être ce témoignage, ce qu’il implique et demande dans la vie de l’Eglise.

Je souhaite qu’une telle réflexion et une telle recherche aient lieu partout dans l’Eglise sous la direction des évêques et des Conférences épiscopales. Dans toutes les situations, selon les possibilités, il faudrait s’efforcer, avec une grande sagesse pastorale, de découvrir les possibilités de témoignage commun des chrétiens. Ce faisant on se heurtera aux limites que nos divergences imposent encore à ce témoignage et cette pénible expérience stimulera à intensifier l’effort vers un réel accord dans la foi.

J’espère que les résultats de votre plénière encourageront les initiatives des Eglises locales dans ce sens qui est celui que le Concile du Vatican nous indique [9]. Il faut avancer dans cette direction avec prudence et courage. De nos jours plus que jamais le courage n’est-il pas souvent une exigence de la prudence pour nous qui savons en qui nous croyons?

Je veux enfin vous remercier d’être venus et d’avoir consacré une semaine de votre temps précieux à notre Secrétariat pour l’unité. Vous avez pu aussi vous rendre compte de son incessant travail accompli avec un dévouement uniquement soucieux de servir et de promouvoir la grande cause de l’unité.

Que le Dieu de l’espérance nous donne pleinement sa force, sa paix et que par la puissance de l’Esprit Saint il rende inébranlable l’espérance [10] qui anime notre service de chaque jour.


 [1] Décret (Unitatis Redintegratio UR 6).
 [2] Cf. Décret (Unitatis Redintegratio UR 1 et UR 16).
 [3]Cf. (Jn 16,13).
 [4] Cf. (Ep 3,18-19).
 [5] Cf. (Jc 1,17).
 [6] Cf. AAS 71 (1979), 1000.
 [7] Cf. n. (CTR 31-34).
 [8] Cf. (Redemptor Hominis RH 11).
 [9] Cf. Décret (Unitatis Redintegratio UR 12 et 24).
 [10] Cf. (Rm 15,13).





À LA XIIIe COMMISSION PONTIFICALE "JUSTICE ET PAIX"

Salle du Trône, Samedi, 9 février 1980




1. C’est avec joie que je vous salue tous ici ce matin, membres de la Commission pontificale “Justice et Paix” et membres de son secrétariat, qui avez participé à la XIIIe Assemblée générale de la Commission, qui est aussi la troisième après l’approbation définitive de ses statuts.

Venus de différents continents, vous avez consacré ces jours, hors de Rome, à une réflexion commune approfondie, où chacun a contribué à la compréhension des problèmes à l’ordre du jour en apportant l’expérience de sa propre vie, celle de sa patrie, de l’Eglise dans son pays et de sa propre culture.

2. Je me rappelle encore très bien notre première rencontre, quelques mois après mon élection au Siège de Pierre. A cette occasion, je vous ai dit: “Je compte sur vous, je compte sur la Commission pontificale "Justice et Paix" pour m’aider et pour aider l’Eglise entière à redire aux hommes de ce temps... "N’ayez pas peur!... Ouvrez toutes grandes les portes au Christ!"” [1]. Je veux répéter aujourd’hui encore que je compte sur vous tous, et je sais que vous désirez apporter cette aide à moi-même et à toute l’Eglise.

Il s’agit d’une tâche noble qui est avant tout un service. En effet, cette Commission a été établie pour cela: être au service du Pape, des Evêques, et donc de toute l’Eglise. Ce service que vous rendez à l’Eglise au sein de la Curie romaine est une raison de légitime fierté et de joie intérieure; c’est aussi une raison de gratitude envers Dieu dont nous sommes tous les serviteurs, et envers le Christ “le centre du Cosmos et de l’histoire” [2], et donc centre de notre vie, de nos efforts et de notre travail.

3. Au cours de votre rencontre à Nemi, vous avez discuté de plusieurs sujets qui revêtent un intérêt particulier pour l’Eglise et pour le monde de nos jours. Vous avez de nouveau examiné, de manière spéciale, le thème fondamental qui est une des raisons d’être de votre Commission, le développement. Il s’agit d’une réalité en constante évolution au cours des dix dernières années, posant des problèmes qui doivent être abordés à chaque reprise dans un contexte bien différent, bien que cette réalité ne cesse jamais de se référer aux exigences fondamentales que sont le bien des personnes et celui de la société.

Je sais que vous avez abordé cette discussion pour percevoir la parole propre que l’Eglise pourra offrir comme contribution au débat dans lequel sont engagés tant de personnes, de groupes et de sociétés si divers.

En ce qui concerne le développement, je veux rappeler ici ce que j’ai dit à la vingtième Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) au mois de novembre dernier: “Mais le perfectionnement de la personne suppose... la réalisation concrète des conditions sociales qui constituent le bien commun de chaque communauté politique nationale comme de l’ensemble de la communauté internationale. Un tel développement collectif, organique et continu, est le présupposé indispensable pour assurer l’exercice concret des droits de l’homme, aussi bien de ceux qui ont un contenu économique que de ceux qui concernent directement les valeurs spirituelles. Un tel développement requiert cependant, pour être l’expression d’une véritable unité humaine, d’être obtenu en faisant appel à la participation libre et à la responsabilité de tous, dans le domaine public comme dans le domaine privé, au niveau intérieur comme au niveau international” [3].

4. Au moment où s’annonce la Troisième Décennie du Développement, proclamée par les Nations Unies, au moment aussi où tant de peuples se voient confrontés à des problèmes écrasants concernant leur avenir économique et social, l’Eglise ne peut se dérober à son devoir d’être présente, de témoigner par sa parole, de tendre la main pour aider. Elle le fera, car elle sait être la voix évangélique qui proclame toujours que la mesure de tout développement réel est l’intégrité et le respect de la personne humaine.

Cette parole d’Eglise, et la préoccupation de tous les chrétiens, devront être toujours l’expression de l’inspiration évangélique. Alors, l’Eglise encouragera les forces vives de la société à mettre en oeuvre les ressources disponibles pour parvenir à la solution des problèmes de développement, problèmes qui sont devenus d’une complexité inconnue jusqu’ici. Elle offrira sa contribution en fonction de sa propre mission et en accord avec elle.

Mon grand prédécesseur, le Pape Paul VI, mettait en lumière cette exigence évangélique quand il disait, dans l’Exhortation Apostolique “Evangelii Nuntiandi”, que “l’évangélisation ne serait pas complète si elle ne tenait pas compte des rapports concrets et permanents qui existent entre l’Evangile et la vie, personnelle et sociale, de l’homme. C’est pourquoi, disait-il, l’évangélisation comporte un message explicite, adapté aux diverses situations, constamment actualisé, sur les droits et les devoirs de toute personne humaine... sur la vie en commun dans la société, sur la vie internationale, la paix, la justice, le développement” [4].

5. Telle est la voie pour définir, à chaque étape et dans le contexte de chaque situation nouvelle, le rôle et la contribution de l’Eglise dans le domaine du développement. Guidés par cette parole, nous pouvons tous chercher, vous et moi, à exprimer en termes clairs le message de l’Evangile pour les hommes qui vivent aujourd’hui dans des conditions qui ont profondément évolué.

Un des facteurs déterminants, dans le nouveau, contexte du développement, est l’interaction entre les problèmes du développement et les menaces contre la paix, que prennent à l’heure actuelle des formes nouvelles et très réelles.

J’ai eu l’occasion de rappeler devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, le 2 octobre dernier, la règle constante de l’histoire de l’homme qui indique la relation étroite existant entre les droits de l’homme, le développement et la paix: “Cette règle est fondée sur le rapport entre les valeurs spirituelles et les valeurs matérielles ou économiques. Dans ce rapport, le primat appartient aux valeurs spirituelles par égard pour la nature même de ces valeurs et aussi pour des motifs qui concernent le bien de l’homme. Le primat des valeurs de l’esprit définit la signification des biens terrestres et matériels ainsi que la manière de s’en servir, et se trouve par le fait même à la base de la juste paix.

Ce primat des valeurs spirituelles, par ailleurs, contribue à faire que le développement matériel, le développement technique et le développement de la civilisation soient au service de ce qui constitue l’homme, autrement dit qu’ils lui permettent d’accéder pleinement à la vérité, au développement moral, à la possibilité de jouir totalement des biens de la culture dont nous héritons, et à la multiplication de ces biens par notre créativité” [5].

6. Dans mon message pour la Journée mondiale de la Paix, j’ai parlé des menaces qui trouvent leur origine dans toutes les formes de “non-vérité”. La paix est menacée quand “règne l’incertitude, le doute et le soupçon” [6]. L’incertitude et le mensonge créent un climat qui affecte les efforts visant à réaliser, dans la paix et la fraternité, le plein développement des peuples, des personnes, et des sociétés.

Un tel climat existe de nos jours en de nombreux domaines de la vie collective et risque d’affecter la pensée et l’action de ceux qui s’efforcent d’assurer à chaque homme et à chaque femme un avenir meilleur. Les nations ont donc le devoir de revoir sans cesse leurs positions afin de s’engager dans un mouvement qui aille “d’une situation moins humaine à une situation plus humaine, dans la vie nationale comme dans la vie internationale” [7]. Ceci exige d’être capable de renoncer aux slogans et aux expressions stéréotypées pour chercher et affirmer la vérité, qui est la force de la paix.

Ceci signifie aussi être prêt à placer, à la base et au coeur de tout souci politique, social ou économique, l’idéal de la dignité de la personne humaine: “Tout être humain possède une dignité qui, bien que la personne existe toujours dans un contexte social et historique concret, ne pourra jamais être diminuée, blessée ou détruite, mais qui, au contraire, devra être respectée et protégée, si on veut réellement construire la paix” [8].

7. Les ravages de la “non-vérité” se manifestent de manière aiguë dans l’actualité avec les menaces de guerre qui persistent ou qui se manifestent à nouveau; mais ils sont visibles aussi dans bien d’autres domaines, tels ceux de la justice, du développement et des droits de l’homme. Comme je l’ai dit dans mon encyclique “Redemptor Hominis” [9], l’homme moderne semble menacé par ses propres créations et risque de perdre le vrai sens de la réalité et la vraie signification des choses, s’aliénant dans ses propres productions parce qu’il ne ramène pas constamment toutes choses à une vision centrée sur la dignité, l’inviolabilité et le caractère sacré de la vie humaine et de tout être humain.

C’est ici que se manifeste l’importance de votre tâche et de votre travail en tant que membres de la Commission pontificale “Justice et Paix”. C’est à vous de chercher à présenter, dans les relations sociales, aux hommes de notre temps, l’idéal de l’amour.

Cet amour social doit constituer le contrepoids à l’égoïsme, à l’exploitation, à la violence; il doit être la lumière d’un monde dont la vision risque d’être obscurcie constamment par les menaces de la guerre, par l’exploitation économique ou sociale, par la violation des droits humains; il doit conduire à la solidarité active avec tous ceux qui veulent promouvoir la justice et la paix dans le monde.

Cet amour social doit renforcer le respect pour la personne et sauvegarder les valeurs authentiques des peuples et des nations comme de leurs cultures. Pour nous, le principe de cet amour social, de la sollicitude de l’Eglise pour l’homme, se trouve en Jésus-Christ lui-même, comme en témoignent les évangiles.

A tous, à vous, cher Monsieur le Cardinal, qui êtes un témoin infatigable de l’amour du Christ pour tous les peuples, à vous, chers Frères dans l’épiscopat, et à vous tous, membres de la Commission pontificale “Justice et Paix” et du secrétariat, je donne de grand coeur ma bénédiction, en vous assurant que je recommande votre travail au Seigneur: je lui demande de bénir lui-même et de faire fructifier vos généreux efforts.


 [1] Alloc. à la Commission "Justice et Paix", 22 novembre 1978, AAS 71 (1979), 26.
 [2] (Redemptor Hominis RH 1).
 [3] Cf. L'Osservatore Romano, 12-13 novembre 1979.
 [4] (EN 29).
 [5] N. 14.
 [6] Message pour la célébration de la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier 1980, AAS 71, 1572, n.4.
 [7] Ibid. n. 8.
 [8] Discours à la XXXIVe Assemblée générale de l'ONU, 2 octobre 1979, n. 12.
 [9] Cf. n. (RH 15).





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