Discours 1980 - Salle du Trône, Samedi, 9 février 1980

AU CONSEIL DU SECRÉTARIAT DU SYNODE

Samedi, 23 février 1980


Chers Frères dans l’Episcopat,
Chers amis,

I

C’est avec joie que je vous rencontre ce matin dans cette selle qui a vu se dérouler le premier Synode général, et où vous avez eu l’aimable attention de tenir la dernière session de votre Conseil, ce qui me permet de m’associer pour un moment à vos travaux.

Le prochain Synode a pour sujet: “Les fonctions de la famille chrétienne dans le monde d’aujourd’hui”. Notre époque requiert en effet qu’on mette en pleine lumière, de manière compréhensible et adaptée, la signification permanente de cette institution définie depuis longtemps avec raison comme “l’Eglise domestique”. De toutes parts, le Secrétariat du Synode a recueilli les observations des Conférences épiscopales, l’expérience des pasteurs, la manière dont le ferment évangélique est à l’oeuvre dans des situations très diverses. A partir de là, vous élaborez le document de travail qui permette aux membres du Synode un travail approfondi et fructueux.

Je tiens donc tout d’abord à vous remercier, Membres du Conseil du Secrétariat général du Synode, experts et membres de ce Secrétariat, pour le service que vous rendez ainsi à l’organisme qui est une expression privilégiée de la collégialité épiscopale, par laquelle les pasteurs des diocèses partagent avec l’Evêque de Rome la sollicitude pour toutes les Eglises.

II

Je ne veux pas reprendre ici toute la richesse de vos discussions ni m’étendre sur tous les problèmes que vous croyez devoir soumettre au prochain Synode.

Ce Synode comportera d’abord une description de la situation des familles et des divers problèmes qu’elle pose: il faut commencer en effet par regarder bien en face la façon dont sont vécues aujourd’hui les réalités familiales, en analyser autant que possible les causes et les lignes d’évolution, afin que l’évangélisation pénètre vraiment ce monde.

Une partie importante sera consacrée à la théologie, à la doctrine catholique sur la famille. Le Synode doit en effet fortifier les convictions des chrétiens. Il s’agit sans doute moins de refaire un exposé systématique de données déjà bien connues et bien établies - comme si l’on commençait à zéro, alors que l’Eglise en vit depuis deux mille ans -, mais de trouver le langage et les motivations profondes qui illustrent la doctrine permanente de l’Eglise d’une façon qui atteigne et si possible convainque les hommes d’aujourd’hui, dans leurs situations concrètes, qui leur permette de répondre par exemple à certaines tendances qui se répandent comme celle de s’installer dans l’union libre.

Le Synode ne sera pas un instrument de réponse à tous les problèmes, mais il devra mettre en évidence ce que signifie suivre le Christ en ce domaine, il devra dégager les valeurs sans lesquelles la société s’enfonce aveuglément dans une impasse, il devra aider les chrétiens et les hommes de bonne volonté à se former sur ces points une conscience bien éclairée et ferme, selon les principes chrétiens.

Enfin et surtout, le Synode cherchera de façon réaliste comment permettre aux familles de retrouver ou de maintenir ces valeurs, d’en vivre, de les rayonner autour d’elles, de proche en proche. Ce sera la partie directement pastorale.


III


Je me contente de souligner quelques aspects qui me paraissent particulièrement importants.

1. Les considérations sur la famille chrétienne ne peuvent pas être séparées du mariage, car le couple constitue la première forme de la famille et garde sa valeur, même en l’absence d’enfants. Et là, il faut en venir au sens profond du mariage, qui est alliance et amour; alliance et amour entre deux sujets, homme et femme, signe de l’alliance entre le Christ et son Eglise, amour enraciné dans la vie trinitaire. Les caractères de cette union doivent alors apparaître dans toute leur clarté: l’unité du foyer, la fidélité de l’alliance, la permanence du lien conjugal.

2. La famille doit être envisagée comme institution, non seulement en ce sens qu’elle a sa place et ses fonctions dans la société et dans l’Eglise, qu’elle doit bénéficier de garanties juridiques pour l’accomplissement de ses devoirs, pour avoir la stabilité et le rayonnement qu’on attend d’elle, mais en ce sens qu’en soi elle transcende la volonté des individus, les projets spontanés des couples, les décisions des organismes sociaux et gouvernementaux: le mariage est “une sage institution du Créateur pour réaliser dans l’humanité son dessein d’amour” [1]. Il conviendra d’approfondir cet aspect institutionnel, qui, loin d’être une entrave à l’amour, en est le couronnement.

3. Il faudra donner une attention particulière à la préparation à l’amour et au mariage, qui est nécessairement aussi une préparation à la vie en famille et aux responsabilités familiales. Comment assurer aujourd’hui cette préparation? C’est un point capital de la pastorale.

4. Les prêtres, pour leur part, doivent être préparés et formés à l’apostolat familial, car une partie primordiale de leur rôle consiste à soutenir les laïcs dans leurs propres responsabilités, personnelles et sociales certes, mais aussi familiales. Apprécient-ils suffisamment cet apostolat familial? Sont-ils initiés à ses problèmes complexes? Comme pasteurs, nous n’avons pas à résoudre nous-mêmes, tous les problèmes des foyers, mais nous devons être très présents à leurs difficultés comme à leurs joies, et être en mesure de les aider, comme le veut le Seigneur.

5. Les laïcs évidemment doivent pouvoir aussi trouver les conditions de leur formation doctrinale, spirituelle et pédagogique pour leur vie de couple, comme pour leurs responsabilités de pères et mères de famille aux prises avec tous les problèmes d’éducation de leurs enfants au fur et à mesure de leur croissance. Il s’agit encore, d’éclairer leur attitude vis-à-vis de tous les membres de la famille au sens large, entre lesquels doit exister une réelle solidarité; notamment avec les malades, les handicapés, les vieillards: ceux-ci attendent d’en recevoir une affection et un soutien particuliers, tout en apportant eux-mêmes une contribution de choix, par leur expérience et leur amour.

La formation de ces laïcs est doublement importante, pour les initier aux véritables valeurs chrétiennes, et leur permettre d’en témoigner, car, dans les conditions actuelles, l’évangélisation des familles se fera surtout par d’autres familles.

6. Enfin nous n’oublierons pas la sollicitude pastorale que requièrent les cas difficiles: celui des foyers qui connaissent la séparation; celui des personnes divorcées et remariées civilement, qui, sans pouvoir accéder pleinement à la vie sacramentelle, doivent être accompagnées dans leurs besoins spirituels et l’apostolat qui leur est possible; le cas des veufs et des veuves; le cas des personnes seules qui ont charge d’enfants, etc.

Ces quelques mots, Frères vénérés et chers amis, vous laissent deviner tout l’intérêt que le Pape porte à ce Synode, et les grands espoirs qu’il y met pour l’Eglise. J’adresse mes plus vifs encouragements à ceux qui ont maintenant la tâche de mettre au point la dernière préparation. Je pense aussi à tous les futurs participants qui s’y préparent dans la réflexion et l’entraide de leur peuple chrétien.

Tous, nous prierons Dieu d’éclairer les esprits, de disposer les coeurs, pour que l’expérience du Synode entraîne un surcroît de convictions, de résolutions et d’encouragements pour la sainteté des familles. Nous confions cette oeuvre à l’intercession de la Mère du Christ qui est Mère de l’Eglise.

 [1] Pauli VI (Humanae Vitae HV 8).

                         Mars 1980


À GASTON FÉLICIEN OLOUNA AMBASSADEUR DU GABON PRES LE SAINT-SIÈGE

Jeudi, 20 mars 1980




Monsieur l’Ambassadeur,

Mes premiers mot seront pour apprécier vos paroles si courtoises et l’esprit dans lequel vous vous disposez à remplir votre mission. Je souhaite cette mission très fructueuse, pour les relations entre le Saint-Siège et le Gabon d’abord, pour tout ce qui pourra contribuer à affermir la compréhension et à resserrer les liens réciproques, et aussi pour la Personne de Votre Excellence, afin qu’Elle y trouve de nombreuses satisfactions.

Je vous demande de bien vouloir remercier le Président Omar Bongo de ses sentiments de considération, de l’assurer que mes collaborateurs et moi-même n’avons d’autre désir que de vous permettre d’exercer vos fonctions dans les meilleures conditions. Par votre intermédiaire, les Autorités de votre pays pourront poursuivre le dialogue qui leur tient à coeur, et je ne doute pas que vous saurez vous faire auprès d’Elles un interprète avisé, un écho de la vie de l’Eglise catholique et des efforts que celle-ci entreprend pour le service fondamental de l’homme, à la lumière de Dieu.

Cette circonstance offre l’heureuse occasion de se tourner vers le Peuple Gabonais. Je salue aujourd’hui cette Nation qui m’est chère, chacun de ses habitants, les familles, les jeunes. Les jeunes parce que le pays est encore jeune et se révèle plein de promesses; c’est sur eux que repose l’avenir, l’utilisation judicieuse des ressources naturelles et la mise en oeuvre du développement dans un esprit de courage, d’honnêteté et de justice, pour que l’ensemble de la population en bénéficie.

Laissez-moi aussi, évoquer avec une fierté bien naturelle les catholiques du Gabon, et avoir une pensée pour le clergé, les religieux, les religieuses et les catéchistes dévoués qui les exhortent à donner un témoignage encore plus conforme à leur vocation exigeante. En cet instant, le Pape leur est proche par l’affection et l’espoir qu’il met en eux. Les tâches ne manquent pas, d’ailleurs, où ils peuvent collaborer en bons citoyens au progrès spirituel, culturel et social de leur patrie, comme ils le font déjà.

Mais vous avez tenu à me parler des principes qui guident l’action des responsables Gabonais dans le concert international. Outre le dialogue, ce sont la tolérance et la paix qu’ils se proposent comme objectif. Ici, à Rome, par les contacts que vous serez amené à prendre auprès des Dicastères de la Curie, par l’étude également des documents du Saint-Siège, vous verrez combien et comment l’Eglise s’emploie à les promouvoir, non seulement pour favoriser à ce sujet la réflexion des hommes de bonne volonté, mais pour en trouver des traductions concrètes et remédier ainsi à des problèmes particulièrement difficiles à résoudre en notre siècle, tels ceux de la faim ou de la violence. Puisse le Gabon se trouver toujours parmi les Nations éprises d’entente et d’amitié, disponibles à prêter leur concours pour la réalisation de cet idéal, prêtes à prendre elles-mêmes des initiatives en ce sens!

Je vous renouvelle très cordialement, Monsieur l’Ambassadeur, mes voeux de succès pour l’accomplissement de votre mission, un succès dont je ne doute pas du fait de votre expérience diplomatique. Sur vous, sur vos proches et sur tous vos compatriotes, j’implore l’assistance et les bénédictions du Tout-Puissant.



Avril 1980

À HASSAN II BEN MOHAMMED SOUVERAIN DU ROYAUME DU MAROC

Mercredi, 2 avril 1980


Sire,

C’est avec une vive satisfaction que je reçois la visite de Votre Majesté, la première visite d’un Souverain du Royaume du Maroc au Chef de l’Eglise catholique.

Un tel événement paraît à lui seul chargé de sens, et il me plaît de le souligner publiquement en vous adressant, devant les personnalités ici présentes, mes respectueuses et ferventes salutations.

Vous régnez sur un Pays dont nul n’ignore le passé prestigieux. Parmi les Peuples d’Afrique du Nord, le vôtre est l’héritier de traditions particulièrement anciennes et vénérables, d’une civilisation qui a marqué toujours dans les domaines de la culture, de l’art, de la science. Il est juste de lui rendre cet hommage, et d’apprécier comme il convient une rencontre avec Celui qui le gouverne en le préparant à son avenir.

Traditions de foi aussi. Le Maroc est un Peuple de croyants. Votre Majesté veut le guider dans le respect de Dieu, à qui nous devons nous soumettre en toute chose et à qui nous cherchons à référer chacune de nos actions. Cette responsabilité, en vous faisant protéger les aspirations religieuses de vos Sujets, vous porte également à manifester votre bienveillance à ceux d’entre eux, ou à vos hôtes, qui n’appartiennent pas à l’Islam.

Je me félicite personnellement de l’esprit de dialogue qui vous a conduit à nouer des relations avec le Saint-Siège, en signe de votre estime pour l’Eglise catholique. Celle-ci s’efforce, dans le Royaume, de proposer une contribution loyale à la construction du progrès et de la paix. Par le biais de ses institutions, par le témoignage surtout qu’elle peut donner en milieu musulman, elle aimerait assumer toujours plus son identité de communauté insérée dans le contexte national. C’est le désir profond des Archevêques de Rabat et de Tanger, qui m’est bien connu et que je ne puis qu’encourager.

Dans le même esprit de dialogue, Votre Majesté vient m’entretenir aujourd’hui d’une question très délicate, à laquelle sont sensibles tant de peuples de la terre. Vous êtes ici le porte-parole d’un grand nombre de pays islamiques, qui souhaitent faire connaître leur sentiment sur le problème de Jérusalem. C’est dire avec quelle attention je vous ai écouté développer leurs vues, et vos réflexions sur le même sujet dont vous m’aviez déjà exposé les grandes lignes, il y a quelques mois, par une lettre personnelle.

Je considère cet entretien comme très utile. Il me semble que la Cité Sainte représente un patrimoine vraiment sacré pour tous les fidèles des trois grandes religions monothéistes et pour le monde entier, et au premier chef pour les populations qui vivent sur son territoire. Il faudrait trouver là l’élan nouveau, l’approche nouvelle qui permettraient, loin d’accentuer la division, de traduire en actes une fraternité beaucoup plus fondamentale, et de parvenir, Dieu aidant, à une solution originale peut-être, mais prochaine, définitive, garantie et respectueuse des droits de tous.

Puissions-nous voir ce voeu enfin réalisé! Pour cela, j’ose souhaiter que les croyants des trois religions soient capables d’élever en même temps leurs prières vers le Dieu unique, pour l’avenir d’une terre si chère à leur coeur.

Sur la noble Personne de Votre Majesté et sur chacun de ceux qui l’accompagnent, sur l’ensemble du Peuple Marocain représenté ici, j’invoque les Bénédictions du Tout-Puissant, et l’assistance qu’Il prodigue toujours à ses Fils qui L’invoquent avec piété.


                       

AUX ÉTUDIANTS UNIVERSITAIRES FRANÇAIS

Samedi, 5 avril 1980




Chers Amis,

Je suis très heureux de vous rencontrer, étudiants universitaires français, en lien avec le Sacré-Coeur de Montmartre. Vous êtes venus terminer à Rome le Triduum pascal. Je sais le sérieux de votre attachement à l’Eglise, votre désir d’approfondir sans cesse votre foi, pas seulement dans l’étude, mais dans la prière personnelle d’adoration, dans la liturgie bien célébrée, dans le partage et le témoignage.

A vous tous, j’offre mes meilleurs voeux de Pâques. A vous comme aux Apôtres réunis autour de Pierre, le Christ demande: “Pour vous, qui suis-je?”. Chacun de vous doit répondre en son âme et conscience. A vrai dire, livrés à vos seules forces, à votre seule raison, influencés peut-être par le climat d’incertitude, de doute qui règne autour de vous, vous en seriez incapables.Mais l’Eglise elle-même, dans les pas de l’Apôtre Pierre, a proclamé pour vous la seule foi qui convient: “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant”.

Cette foi a été infusée en vous à l’état de germe, de capacité, de vertu par le baptême. Vous l’avez faite vôtre peu à peu, au cours de votre enfance et de votre adolescence, avec peut-être des hauts et des bas. De l’intérieur, l’Esprit Saint a éclairé, fortifié cette foi, en répandant dans vos coeurs l’amour de Dieu. J’aime vous redire avec le premier des Apôtres, le premier des Evêques de Rome: ce Jésus, “sans l’avoir vu vous l’aimez; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire, sûrs d’obtenir l’objet de votre foi: le salut des âmes” [1].

Que votre attachement au Christ et à son Eglise ne défaille pas. Accueillez-le avec confiance, avec sérénité, avec joie, car nous savons en qui nous avons mis notre foi. Cette nuit, nous allons célébrer sa Résurrection. Le Christ ressuscité est là pour “saisir” vos personnes, comme disait saint Paul - et il l’a déjà fait -, pour vous délivrer de vos péchés, de ce qui vous empêcherait de vivre dans la foi religieuse, dans la paix avec les autres, dans la vérité, dans la pureté, dans le pardon, dans la charité; pour mettre en vous sa vie divine, et sa puissance de renouveau. Aucune barrière ne peut le retenir d’exercer son salut, dès lors que quelqu’un s’y ouvre librement. Ayez confiance, quand bien même vous auriez l’impression d’en être encore loin.

Cet amour de Dieu qui vous saisit est un don gratuit. Recevez-le en action de grâce. Et partez sur les routes du monde, dans vos familles, dans vos cités, dans vos écoles, au milieu des autres jeunes, pour être témoins de ce Don, pour être en quelque sorte le sacrement de son amour auprès de chacun de vos frères, en les invitant à accueillir le Sauveur dans leur propre vie. C’est le secret du bonheur! Et pour notre monde vieilli dans ses doutes, ses fermetures et ses haines, c’est sa chance de renouveau. C’est son salut.

Bonnes Pâques! Avec la Bénédiction Apostolique que je vous donne de tout coeur au nom du Seigneur.


 [1] (1P 1,8-9).


À L'ACTION CATHOLIQUE FÉMININE DU LUXEMBOURG

Salle Clémentine, Lundi 14 avril 1980




Chers Jeunes de l’Action Catholique Féminine du Luxembourg,

Le Pape est toujours très heureux d’ouvrir sa maison et son coeur à tous, mais spécialement aux Jeunes qu’il voudrait aider, pour sa part, à prendre en main leur vie et leur avenir.

Merci d’être venus me rendre visite! Et tous mes voeux pour le plein succès de votre séjour romain, centré en grande partie sur l’approfondissement d’un thème qui doit vous passionner: “Rêve d’un monde nouveau”. Le rêve et l’attrait de neuf n’habitent-ils pas le coeur des jeunes?

Rêvez donc, maintenant et toujours, de réussir votre vie et celle des autres! Une vie toujours en quête de vérité, de liberté bien comprise, et par-dessus tout le don continuel aux autres! Une telle conception de l’existence, référée au Christ venu pour donner la vie en abondance, ne peut que vous mettre sur le chemin d’un authentique épanouissement de vos personnes et d’un beau service de l’humanité.

Et vous rêvez d’un monde nouveau! Vous avez raison! Cette hantise d’un monde toujours plus libéré de ce qui appesantit les esprits et les coeurs, de ce qui compromet ou dégrade la vie interne des nations ou leurs rapports entre elles, contribue certainement à renouveler le dynamisme d’une société, hélas portée à s’installer plus qu’à monter vers les sommets.

Rêvez cependant de manière réaliste! Seule en effet, la fidélité au présent vous délivrera de la peur ou des désillusions de l’avenir. Et cette fidélité exigeante s’incarne nécessairement dans la recherche quotidienne d’une solide formation humaine et pour vous jeunes chrétiennes, dans votre appartenance toujours plus consciente à Jésus-Christ.

Une telle fidélité comportera des moments et des élans merveilleux, mais aussi des difficultés de relation aux autres, d’orientation scolaire, d’insertion professionnelle, d’ambiance de permissivité ou de scepticisme, de tentations de toutes sortes. Mais ne doutez jamais de vos capacités ni de la force de Jésus-Christ qui accompagne mystérieusement et réellement votre fidélité.

Chers Jeunes, la période liturgique du temps pascal comporte précisément - pour vous comme pour tous les baptisés conscients de leur baptême - une grâce particulière et très précieuse! La grâce d’augmenter votre certitude que le Christ, mort et ressuscité, et accueilli dans la foi, vous rend capables, aujourd’hui et là où vous vivez, de vaincre les obstacles à l’avènement d’un monde nouveau en vous et autour de vous!

Je vous bénis de tout coeur, ainsi que votre cher pays du Luxembourg.




AUX JEUNES DE L'ARCHEVÊCHÉ DE ROUEN

Salle du Consistoire, Lundi 14 avril 1980




Chers Amis,

Je suis heureux de vous rencontrer, comme j’aime rencontrer des jeunes chrétiens chaque fois que mon horaire le permet, pour être témoin de leur vitalité humaine et religieuse et encourager leur foi. Jésus a dit à Pierre: “Affermis tes frères”. C’est ce que je fais ce matin, en union avec votre Archevêque, vos aumôniers, les religieuses et laïcs qui vous apportent leur aide et que je félicite. L’évangélisation des jeunes demeure une part importante de notre ministère.

Je vous laisse deux consignes simples. D’une part, enracinez-vous dans la foi, dans la foi de l’Église. Il s’agit pour vous d’accueillir le message du Christ - qui ne s’invente pas; de greffer votre vie sur la sienne, d’entrer avec lui en relation personnelle avec le Père, avec vos frères, d’y reproduire sa façon d’aimer.

Cela, nous ne l’apprenons pas du monde, en tout cas pas du monde qui doute ou qui ne croit pas, ou qui se laisse guider uniquement par ses impressions et son plaisir immédiat. Il faut des moments de réflexion, de prière, entre chrétiens, à l’aumônerie, à l’école et en paroisse, autour de la parole de Dieu et des sacrements; il faut retrouver la grande sève qui nous vient de Jésus, par les Apôtres Pierre et Paul, par les saints comme François et Claire... C’est ce que vous avez essayé de faire ici. C’est ce qu’il faut continuer. Ainsi vous fortifierez votre identité de chrétien qui autrement serait ébranlée ou appauvrie.

D’autre part, vous deviendrez par le fait même les témoins du Christ. Car le monde a besoin de connaître par vous la Bonne Nouvelle: par le témoignage de votre foi en Jésus-Christ, de votre attachement à l’Église - l’Église, une mère que l’on l’aime! - ; par votre vie pure et joyeuse, toute disponible à l’accueil de vos frères, auxquels vous savez donner en vérité votre attention, votre temps, votre aide. C’est le signe auquel on reconnaît les disciples.

Je pense que vous vous préparez ainsi à un apostolat adulte, vécu si possible en équipe. Et j’espère aussi que certains, séduits par le Christ et voyant les besoins spirituels immenses de leurs frères, n’hésiteront pas à se consacrer totalement à la mission du Christ. Oui, le Christ vous appelle à le suivre, aujourd’hui comme hier. Je me fais l’écho de son appel.

Que le Christ soit votre joie et votre force! Je vous bénis de tout coeur avec vos éducateurs dans la foi!



AUX AUTEURS DE "L'HISTOIRE DU CHRISTIANISME EN POLOGNE"

Jeudi, 17 avril 1980



Mesdames, Messieurs,

C’est pour moi une très grande joie de vous recevoir et de vous saluer ce matin. Est-il besoin de souligner que, si je suis toujours heureux lorsque j’ai l’occasion de rencontrer des universitaires, je le suis doublement aujourd’hui, puisqu’il s’agit d’historiens qui ont consacré leurs efforts à l’étude de “L’histoire du christianisme en Pologne”, et que vous avez eu la délicate attention de venir m’offrir cette belle oeuvre.

Soyez donc assurés de ma profonde gratitude, vous tous qui avez collaboré à sa réalisation, auteurs et éditeurs. J’espère que vos efforts, en faisant connaître la place si importante tenue par le catholicisme dans l’histoire de mon pays, contribueront aussi à mieux faire comprendre au lecteur de bonne volonté comment sa nature propre fait qu’il doit avoir sa place dans toute société humaine soucieuse de l’homme dans sa totalité.

Si l’histoire, en effet, est toujours et partout magistra vitae lorsqu’on cherche à comprendre notre époque, l’histoire de l’Église, vous le savez bien, ajoute à cette compréhension la dimension particulière qui découle de la réalité même du christianisme. Certes, on peut considérer cette histoire de manière purement extérieure, sociologique, et l’enrichissement humain qu’on en retire est déjà considérable. Mais il l’est combien plus lorsque l’historien chrétien, dans l’acceptation totale de cette réalité de l’Église dont il vit intérieurement, devient capable d’en pénétrer la signification ultime, celle qui se réfère à l’Incarnation du Christ, qui donne à l’homme tout entier, à sa vie, et donc à son histoire, les perspectives spirituelles grâce auxquelles il devient capable de sa pleine réalisation.

L’histoire du christianisme, malgré ses vicissitudes, n’est en effet rien d’autre que l’histoire de l’actualisation du salut qui nous a été donné en ce temps pascal que nous célébrons.

Je vous remercie donc de tout coeur pour tout ce que vous avez fait, avec toute votre science et votre probité historique, pour la réalisation de cette oeuvre. Merci pour les nombreux efforts et tout le travail qu’elle vous a coûtés. Que ce soit, comme le dit l’Écriture, le Seigneur lui-même qui récompense ce que vous avez fait pour mieux faire connaître, comprendre et aimer l’Église à travers l’histoire du pays qui est le mien. Pour moi, en vous offrant mes voeux pour votre travail, je suis heureux d’implorer la bénédiction du Christ ressuscité sur vos personnes et vos familles.



AUX MOUVEMENTS LAÏC DE SPIRITUALITÉ

Vendredi, 18 avril 1980



C’est pour moi une joie de m’adresser à vous, représentants de divers mouvements internationaux qui êtes en session à Rocca di Papa pour réfléchir à la vie spirituelle des laïcs que vous avez la tâche de promouvoir.

Je salue cordialement Monsieur le Cardinal Opilio Rossi, Président du Conseil pontifical pour les Laïcs, qui est à l’origine de cette initiative, et vous tous chers amis, que j’ai le plaisir de recevoir ce matin.

Votre rencontre revêt pour l’Église une importance particulière, car le “renouveau spirituel”, dont vous êtes un signe fécond parmi tant d’autres expériences ecclésiales, est le fondement et la force vivante de la communion de l’Église et de son oeuvre d’évangélisation.

Tous, à travers les différentes spiritualités qui vous animent et qui constituent un riche patrimoine spirituel pour l’Église et l’humanité, vous cherchez à vivre une vie authentiquement chrétienne et donc évangélique en étant, comme laïcs et comme chrétiens, “dans le monde” [1], sans être “du monde” [2].

Pour vous laïcs, cette vie apostolique exige une ouverture effective à vos divers milieux afin d’y faire pénétrer le “ferment” évangélique. Elle comporte de multiplex activités et des responsabilités à assumer dans tous les secteurs de l’existence humaine: familial, professionnel, social, culturel, politique. Et c’est en assumant ces responsabilités avec compétence et en union profonde avec Dieu que vous répondrez à votre vocation de laïcs et de chrétiens: que vous vous sanctifierez et sanctifierez le monde.

Rester unis à Dieu dans l’accomplissement des tâches qui vous incombent est une nécessité vitale pour témoigner de son Amour. Et cette intimité avec le Seigneur, seules une vie sacramentelle et une vie de prière pourront la faire grandir.

Prendre du temps pour prier, et alimenter prière et activités par l’étude biblique, théologique et doctrinale; vivre du Christ et de sa grâce par une fréquentation assidue des sacrements de la réconciliation et de l’Eucharistie, telles sont les exigences fondamentales de toute vie profondément chrétienne: ainsi l’Esprit Saint sera la source à la fois de votre action et de votre contemplation qui, alors, s’interpénétreront, s’appuieront l’une sur l’autre et porteront de nombreux fruits.

Cette unité profonde entre prière et action est à la base de tout renouveau spiritual, spécialement chez les laïcs. Elle est à la base des grandes entreprises d’évangélisation et de construction du monde selon le plan de Dieu. Elle doit sous-tendre la vie de vos mouvements et leurs moyens de formation en vue de l’évangélisation.

Elle doit aussi être vécue en Église, car elle ne concerne pas des individus ou des mouvements isolés dont l’autarcie spirituelle et doctrinale ne peut conduire qu’au sectarisme et à la frustration.

Au contraire, elle est une expression de l’union du Christ et de l’Église.

C’est pourquoi il ne faut pas perdre de vue que chacun de vos mouvements est une cellule vivante de l’Eglise et que tous les membres, pour remplir leur fonction, ont besoin d’être rattachés au corps du Christ et ont besoin les uns des autres [3]. Vos inspirations, vos objectifs sont différents mais complémentaires. Aucun mouvement ne peut exclure les autres, ni se suffire à soi-même, ni représenter la seule voie de renouveau, sans risque de perdre sa sève, de se dessécher et de faillir à sa mission.

Je vous encourage donc, au terme de cette rencontre, à vivre entre vous cette communion ecclésiale pour pouvoir ensuite, guidés par vos pasteurs, travailler à la mission commune, avec tous ceux qui vivent d’autres expériences de vie ecclésiale.

L’Église a besoin de vous pour faire redécouvrir au monde la primauté des valeurs spirituelles; pour répondre aux questions les plus profondes de l’âme humaine que l’on ne peut laisser de côté; pour ouvrir de nouvelles perspectives pleines d’espérance dans les domaines sociaux et idéologiques enlisés dans la crise du sécularisme; pour briser les diverses idoles du pouvoir, de la richesse et du plaisir; pour retrouver, purifier et renforcer, par la révélation de la Bonne Nouvelle du Salut, la sagesse humaine et religieuse des peuples; pour rétablir la suprême dignité de l’homme et de tous les hommes par la reconnaissance de la Paternité divine, fondement de notre origine commune et de la vraie fraternité qui exclut radicalement toute forme d’esclavage et d’oppression ainsi que par la reconnaissance de la domination de l’homme sur la création en vue d’un monde plus humain.

Ayons la certitude que “la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu... gémissant en travail d’enfantement” [4] et qu’elle aspire aussi “au ciel nouveau et à la terre nouvelle” [5] que Dieu nous donnera en établissant sa demeure définitive.

En demandant à l’Esprit Saint, en union avec le Christ ressuscité et la Vierge de la Pentecôte, de vous guider dans votre recherche de formes de vie spirituelle adaptées aux laïcs d’aujourd’hui, dans le respect des diverses spiritualités, je vous donne de tout coeur, ainsi qu’à tous les membres de vos mouvements et aux prêtres qui vous accompagnent, ma Bénédiction Apostolique.

 [1] (Jn 17,11).
 [2] Ibid. (Jn 17,14).
 [3] Cfr. (1Co 12,12-27).
 [4] (Rm 8,19 Rm 8,22).
 [5] (Ap 21,1).


AUX PARTICIPANT AU CONGRÈS INTERNATIONAL EST-OUEST

Salle du Consistoire, Jeudi 24 avril 1980



Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue, à vous qui participez au Congrès international Est-Ouest. Je vous ai volontiers ouvert les portes de ma maison, et je vous ouvre encore plus volontiers les portes de mon coeur.

Je sais que vos travaux sont centrés sur les perspectives, pour les années 80, des relations entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale, sans oublier le problème plus vaste et plus essentiel des relations entre le monde développé et le monde en voie de développement, ou, comme on dit habituellement, entre Nord et Sud.

Votre présence ici, au coeur de l’Eglise catholique, me donne l’impression de voir resplendir encore plus aujourd’hui le centre d’une croix qui s’étend à l’est et à l’ouest, au nord et au sud.

Et c’est dans le signe de cette croix, dans sa grande signification surnaturelle et historique de souffrance mais aussi de vie reconquise et ressuscitée, que j’apprécie hautement votre contribution scientifique, vos efforts politiques, les nobles buts vers lesquels ils sont tournée.

Le Saint-Siège, pour ce qui est de sa compétence, a sans cesse encouragé l’établissement de rapports toujours plus étroits entre les peuples. Il comprend qu’il est souvent opportun d’engager ce long processus en commençant par le réseau des intérêts matériels et en favorisant une expansion progressive et équilibrée des échanges commerciaux internationaux. Il sait aussi que le progrès est en train de lier le destin de chaque peuple à celui de tous les autres, le commerce extérieur constituant une part toujours plus grande du commerce de chaque pays.

Le Saint-Siège n’ignore pas l’ampleur et la complexité des questions qui sont bien synthétisées dans le programme de vos travaux; et il constate qu’il existe un commun intérêt et un commun engagement pour la constitution d’instruments régulateurs suffisants et efficaces.

Le Saint-Siège n’entend certes pas vous donner des directives sur le rôle spécifique des économistes et des politiciens. Mais il peut et il entend bien dire un mot dans un domaine qui, je dirais, est avant tout le sien: un mot qui encourage à coordonner et à orienter toutes les initiatives vers un but de bien-être intégral pour tous les hommes.

Même les échanges commerciaux tendent vers un idéal: l’échange de biens matériels est beau s'il conduit à une poignée de mains.

L’Eglise est pour la convergence et non pour la divergence entre les peuples. Elle n’aime pas voir se creuser des fossés; elle veut au contraire qu’on lance des ponts. En mettant les intérêts au service des principes, en adoptant la loi fondamentale de la loyauté et du respect mutuel, en vivant la loi humaine et chrétienne de l’amour, il est possible - et il est nécessaire - de créer un nouveau système de bons rapports commerciaux, un nouvel ordre économique international, au-delà de toute différence.

Il faudrait que sur les lois de l’économie passe le souffle de la solidarité entre tous les hommes et entre tous les peuples. Tout encouragement à la collaboration est une pierre de plus pour édifier la paix. Là où règnent la bonne volonté et la bonne foi, les difficultés peuvent peu à peu disparaître.

Que votre Congrès apporte une contribution réelle permettant aux nouvelles tendances de l’économie mondiale de s’orienter vers une coopération non seulement continentale - au plan de cette vieille et grande Europe - mais aussi mondiale.

Puisse l’harmonie et la paix entre les hommes faire toujours mieux comprendre et accepter partout - “a solis ortu usque ad occasum”, de l’est à l’ouest - la prière chrétienne qui invoque notre Père, le Père de tous, en lui demandant pour tous notre pain de chaque jour!

J’implore sur vos personnes et sur vos efforts la Bénédiction du Dieu Tout-Puissant.



Discours 1980 - Salle du Trône, Samedi, 9 février 1980