Discours 1980 - Salle du Consistoire, Jeudi 24 avril 1980


AU CONGRÈS DE L'UNION MONDIALE DES ENSEIGNANTS CATHOLIQUES

Salle du Trône, Vendredi, 25 avril 1980




Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

À l'occasion du Xe Congrès de l’Union Mondiale des Enseignants Catholiques, qui s’est tenu l’été dernier sur le thème de “L’enseignant catholique pour la liberté, la justice et la paix”, j’ai voulu, par un message de mon, Secrétaire d’Etat, témoigner l’estime que je porte à ceste Union, et exprimer mes voeux pour ses travaux. En vous recevant aujourd’hui, vous les Membres du Conseil général accompagnés de votre Assistant ecclésiastique, je suis très heureux de vous confier personnellement mes pensées comme mes espoirs.

L’UMEC a désormais presque trente ans d’existence et d’activité. Elle a pu expérimenter la nécessité et la fécondité d’une coordination, au niveau mondial, entre des associations nationales qui partagent le même engagement au service de l’éducation scolaire, engagement compris et vécu selon l’Evangile et dans la fidélité à l’Eglise. Cette coordination rend possible d’accueillir, de valoriser, de mettre en circulation les contributions originales des diverses cultures. Elle favorise aussi le dépassement des nationalismes et l’accroissement du sens de la fraternité et de l’universalité, dont il est aisé de comprendre l’urgence.

Le milieu éducatif permet, peut-être plus qu’aucun autre, de mesurer la gravité des problèmes qui préoccupent notre génération, et la richesse des réponses entraînées par un sens renouvelé de la solidarité. Les initiatives suscitées en divers pays du monde, pendant l’Année Internationale de l’Enfant, ont elles aussi mis en évidence le primat de l’éducation aux valeurs élémentaires de la vie, comme base de la formation permanente, dans le but de construire une civilisation vraiment humaine.

Il me semble que les Associations adhérant à l’UMEC sont appelées à apporter une contribution tout à fait particulière et qualifiée à cette tâche, en raison de la foi que professent leurs Membres.

C’est une contribution essentielle, parce que le Christ est Lui-même une réponse, “la” réponse, aux interrogations de l’homme sur le sens de sa vie. Il se trouve que les générations nouvelles sollicitent précisément, d’une façon plus forte sans doute qu’à d’autres époques, une proposition véridique et crédible de vie et d’espérance. L’Eglise attend donc beaucoup des Associations d’enseignants catholiques, car elle reconnaît dans leur service éducatif un élément déterminant pour le développement personnel des jeunes et pour le progrès social de la famille humaine tout entière.

Pour remplir cette fonction, les enseignants catholiques doivent être disponibles à une collaboration respectueuse et active avec les familles et les communautés ecclésiales, afin de réaliser une éducation complète et harmonieuse de chaque élève, et de les orienter aussi librement vers la vérité qui est l’une des voies de la paix. Tout cela exige d’eux, outre une compétence culturelle et pédagogique, un témoignage vraiment exemplaire. Et cela ne peut venir que de leur intimité avec Dieu, et de leur effort quotidien pour effectuer une synthèse sereine entre la foi et la culture, comme entre la foi et la vie.

Au risque d’être paradoxal, permettez au Pape, en toute humilité car il connaît vos mérites et votre haute conscience, de vous inviter à vous mettre à l’école du Christ. C’est lui notre “Maître” à tous. C’est Lui “le Chemin, la Vérité et la vie”. Je le prie pour chacun de vous, Mesdames et Messieurs, et aussi pour ceux que vous représentez, en lui demandant de vous bénir, et en vous assurant à nouveau de ma pleine confiance.




À JEAN-PIERRE NONAULT AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU CONGO CHEZ LE SAINT-SIÈGE

Lundi, 28 avril 1980



Monsieur l’Ambassadeur,

Il y a quelque temps, désirant se donner les moyens d’établir, de façon permanente, un dialogue constructif, le Saint-Siège et votre pays ont décidé d’un commun accord de nouer entre eux des relations diplomatiques. Déjà un pro-Nonce Apostolique a été accrédité à Brazzaville. Je suis personnellement très heureux d’accueillir aujourd’hui le premier représentant mandaté de la République Populaire du Congo.

Vous voudrez bien accepter mes souhaits, au moment où vous inaugurez votre haute missions. Ce sont des souhaits de bienvenue, de prospérité pour votre personne, votre famille et vos collaborateurs. Ils sont à la mesure des vôtres, dont j’ai apprécié la courtoisie.

J’ai été sensible également aux nobles paroles que vous m’avez transmises de la part de son Excellence le Président Denis Sassou N’Guesso. Dites-lui que je le salue respectueusement, et combien je suis heureux à la pensée de bénéficier bientôt de son hospitalité, combien je lui suis reconnaissant de permettre cette visite pastorale en territoire congolais.

Car tel veut être le caractère de mon périple africain: un voyage religieux avant tout, pour visiter les communautés chrétiennes locales, et un voyage d’amitié et d’amour fraternel, pour saluer les populations et, en les connaissant mieux, pouvoir mieux les aimer. Je viendrai au Congo en messager de paix, en homme de Dieu, porter le témoignage de mon estime pour ce Peuple, auquel je souhaite un avenir prometteur et prospère. Ce sera une étape assez brève, mais qui se révélera sans nul doute fructueuse et riche de souvenirs à l’heure du retour.

Vous avez eu la bonté de souligner quelques unes des initiatives prises par le Saint-Siège dans le domaine international. Elles sont inspirées par le service de l’homme, de toutes les grandes causes qui se rattachent au service de l’homme. Aucune autre visée n’anime, en ce domaine, l’Eglise catholique qui veut rester en tout point fidèle à la mission que Dieu lui a confiée. C’est dans cet esprit, impliquant le respect des pouvoirs publics de chaque Etat, que j’aimerais voir se renforcer nos liens avec la République Populaire du Congo. Vous vous emploierez certainement, pour votre part, à les consolider, et vous rejoindrez ainsi mon voeu profond.

Sur Votre Excellence et sur ceux qui L’accompagnent, j’appelle les bénédictions du Très-Haut, auquel je confie également la chère Nation congolaise.                     



                            Mai 1980



PÈLERINAGE APOSTOLIQUE EN AFRIQUE (2-12 MAI 1980)


À L'ARRIVÉE EN AFRIQUE

Kinshasa (Zaïre), Vendredi 2 mai 1980




Monsieur le Président,
Monsieur le Cardinal,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Chers Frères et Soeurs,

Que Dieu bénisse le Zaïre! Que Dieu bénisse toute l’Afrique!

1. C’est une très grande joie pour moi d’aborder pour la première fois le continent africain. Oui, en baisant cette terre, mon coeur déborde d’émotion, de joie, d’espérance. C’est l’émotion de découvrir la réalité africaine et de rencontrer chez elle cette partie notable de l’humanité, qui mérite estime et amour, et qui est appelée, elle aussi, au salut en Jésus-Christ. C’est la joie pascale qui m’habite et que je voudrais partager avec vous. C’est l’expérience qu’une vie nouvelle, une vie meilleure, une vie plus libre et plus fraternelle est possible sur cette terre, et que l’Église que je représente peut y contribuer grandement. Cette visite et les rencontres qu’elle va permettre sont des grâces dont je veux d’abord remercier le Seigneur. Dieu soit béni!

2. A tous les habitants de l’Afrique, quels que soient leur pays et leur origine, j’exprime mes salutations amicales et chaleureuses, et mes sentiments de confiance. Je salue d’abord mes frères et fils catholiques, et les autres chrétiens. Je salue tous ceux qui, profondément animés de sentiments religieux, ont à coeur de soumettre leur vie à Dieu ou de rechercher sa présence. Je salue les familles, pères et mères, enfants et vieillards. Je salue spécialement ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. Je salue ceux qui oeuvrent au bien commun de leurs concitoyens, à leur éducation, à leur prospérité, à leur santé, à leur sécurité.

Je salue chacune des nations africaines. Je me réjouis avec elles qu’elles aient pris en mains leur propre destin. Je pense à la fois au bel héritage de leurs valeurs humaines et spirituelles, à leurs efforts méritoires, à tous leurs besoins présents. Chaque nation a encore une longue marche à parcourir pour forger son unité; approfondir sa personnalité et sa culture; réaliser le développement qui s’impose en tant de domaines, et cela dans la justice, avec le souci de la participation et de l’intérêt de tous; s’insérer avec une part active dans le concert des nations. Pour cela l’Afrique a besoin d’indépendance et d’entraide désintéressée; elle a besoin de paix. A tous et à chacun, j’exprime des voeux cordiaux et fervents.

3. Je viens ici comme Chef spirituel, Serviteur de Jésus-Christ dans la lignée de l’Apôtre Pierre et de tous ses successeurs, les évêques de Rome. J’ai mission, avec mes frères les évêques des Églises locales, d’affermir les fils de toute l’Église dans la véritable foi, et dans l’amour conforme à Jésus-Christ, de veiller à leur unité, de renforcer leur témoignage. Un nombre important d’Africains adhèrent désormais à la foi chrétienne et je voudrais que ma visite leur soit un réconfort, en cette étape significative de leur histoire. Deux de ces Églises m’ont spécialement invité pour le centenaire de l’évangélisation, que d’autres s’apprêtent aussi à célébrer.

Je viens ici comme homme de la religion. J’apprécie le sens religieux si ancré dans l’âme africaine et qui demande, non pas à être relégué, mais au contraire purifié, élevé et affermi. J’estime ceux qui tiennent à mener leur existence et à construire leur cité dans un rapport vital avec Dieu, en tenant compte des exigences morales qu’il a inscrites dans la conscience de chacun, et donc aussi des droits fondamentaux de l’homme dont il est le garant. Je partage avec ceux qui ont cette vision spirituelle de l’homme la conviction que le matérialisme, d’où qu’il vienne, est un esclavage dont il faut défendre l’homme.

Je viens ici en messager de paix, désireux d’encourager, comme Jésus, les artisans de paix. Le véritable amour cherche la paix et la paix est absolument nécessaire pour que l’Afrique puisse se consacrer entièrement aux grandes tâches qui l’attendent. Avec tous mes amis africains, je voudrais que demain chaque enfant de ce continent puisse trouver la nourriture du corps et la nourriture de l’esprit, dans un climat de justice, de sécurité et de concorde.

Je viens ici en homme d’espérance.

4. Sans plus attendre, je remercie l’Afrique de son accueil. J’ai été profondément touché de l’hospitalité que tant de pays de ce continent m’ont si généreusement proposée depuis quelques mois. J’ai vraiment été dans l’impossibilité d’accepter toutes les invitations, durant ce premier voyage de dix jours. Je l’ai vivement regretté, et je pense notamment à l’attente de certains pays particulièrement méritants et riches de vitalité chrétienne, que j’aurais tant voulu combler. Mais ce sont des visites remises à plus tard. J’espère bien qu’à l’avenir la Providence donnera au Pape l’occasion de les accomplir.

J’ai le ferme espoir de revenir sur ce continent. D’ores et déjà, que tous ces pays soient assurés de mon estime et de mes voeux! Je penserai d’ailleurs à eux, à leurs mérites, à leurs joies et à leurs préoccupations humaines et spirituelles lorsque j’aborderai les différents thèmes de mon voyage, et m’adresserai aux diverses catégories d’interlocuteurs. Mon message est pour toute l’Afrique.

5. Et maintenant, je me tourne tout spécialement vers ce pays du Zaïre qui est au coeur de l’Afrique et qui est le premier à m’accueillir. Ce grand pays plein de promesses, que je suis si heureux de visiter, ce pays appelé à de grandes tâches, des tâches qui demeurent difficiles.

Mon premier mot est pour remercier Monsieur le Président et son Gouvernement, pour remercier les évêques, de leur invitation pressante.

Je sais l’attachement d’un grand nombre de Zaïrois à la foi chrétienne et à l’Eglise catholique, grâce à une évangélisation qui a progressé très rapidement.

C’est maintenant le centenaire de cette évangélisation que je viens célébrer avec vous, chers amis.

Il est bon de regarder le chemin parcouru, où Dieu n’a pas ménagé ses grâces pour le Zaïre: une pléiade d’ouvriers de l’Évangile sont venus de loin, ont consacré leur vie pour que vous aussi, vous ayez accès au salut en Jésus-Christ. Et les fils et les filles de ce pays ont accueilli la foi. Elle a porté des fruits abondants, chez de nombreux baptisés. Des prêtres, des religieux, des évêques, un cardinal, sont issus du peuple zaïrois, pour animer, avec leurs frères, cette Église locale et lui donner son vrai visage, pleinement africain et pleinement chrétien, en lien avec l’Église universelle que je représente parmi vous.

Durant les jours qui vont suivre, nous reparlerons de tout cela. La perspective de toutes ces rencontres me réjouit profondément. Dès maintenant, que tous ces Frères et Fils, que tous les habitants de ce pays, reçoivent mon salut chaleureux et les voeux amicaux que mon coeur forme pour eux.

Que Dieu bénisse le Zaïre! Que Dieu bénisse l’Afrique!



À L'ARCHIDIOCÈSE DE KINSHASA

Kinshasa (Zaïre), Vendredi 2 mai 1980




Loué soit Jésus-Christ!
Que Dieu notre Père et Jésus-Christ notre Seigneur vous donnent la grâce et la paix!
Que l’Esprit Saint soit votre joie!

1. Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

Votre Archevêque, le cher Cardinal Joseph Malula, vient de me souhaiter la bienvenue au nom de vous tous, évêques, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes et laïcs de l’archidiocèse de Kinshasa et des autres communautés catholiques du Zaïre. Je le remercie vivement. Il a évoqué la vitalité de l’Eglise qui est au Zaïre, une vitalité que l’Eglise de Rome connaît et apprécie. Et moi, Evêque de Rome, j’avais un grana désir de venir jusqu’à vous.

Je viens comme Serviteur de Jésus-Christ, le Chef invisible de l’Eglise. Je viens comme Successeur de l’Apôtre Pierre, auquel Jésus a dit: “Affermis tes frères”, puis, par trois fois: “Sois le pasteur de mes agneaux... sois le pasteur aussi de mes brebis” [1], c’est-à-dire de tout le troupeau de mes disciples. Par la volonté de Dieu, malgré mon indignité, j’ai hérité à mon tour de cette charge, qui est celle du Pape, c’est-à-dire du Père, celle du Vicaire du Christ sur la terre, qui préside à l’unité dans la foi et la charité.

2. Tout d’abord, je rends grâce à Dieu avec vous pour tout ce qu’il a réalisé au Zaïre pendant cent ans. Je viens aujourd’hui célébrer avec vous le centenaire de l’évangélisation, regarder avec vous le chemin parcouru, un chemin qui a connu des difficultés et des peines, des joies et des espérances.

Un chemin de grâces! Le centenaire nous permet de mieux mesurer en quelque sorte les bienfaits du Seigneur et les mérites de vos prédécesseurs. Et de prendre appui sur cette histoire chrétienne pour un nouvel élan.

Il y a juste un siècle, en effet, quelques missionnaires, brûlant d’amour pour le Christ et pour vous, venaient partager avec vous la foi qu’ils avaient eux-mêmes reçue; ils ont voulu, dès le début, implanter l’Eglise, faire naître une Eglise locale, avec les Africains. La moisson fut grande. Vos pères ont accueilli la Parole de Dieu avec générosité et enthousiasme. Aujourd’hui l’arbre de l’Eglise s’est solidement enraciné dans ce pays; ses branches s’étendent dans toute la contrée. La foi est devenue le lot d’un nombre considérable de citoyens et de citoyennes du Zaïre. De vos familles zaïroises sont issus des évêques, des prêtres, des religieuses, des catéchistes, des laïcs engagés, qui encadrent ou soutiennent vos communautés. Et l’Evangile a imprimé sa marque dans la vie et dans les moeurs. Dieu soit loué! Et bénis soient tous ceux qui ont fait fleurir cette Eglise, ceux qui sont venus de loin et ceux qui sont nés dans ce pays! Bénis soient ceux qui la guident aujourd’hui!

3. Chers amis, vous avez vécu une première grande étape, une étape irréversible. Une nouvelle étape vous est ouverte, non moins exaltante, même si elle comporte nécessairement de nouvelles épreuves, et peut-être des tentations de découragement. C’est celle de la persévérance, celle où il faut poursuivre l’affermissement de la foi, la conversion en profondeur des âmes, des façons de vivre, afin qu’elles correspondent toujours mieux à votre sublime vocation chrétienne; sans compter l’évangélisation qu’il faut continuer vous-mêmes dans des secteurs ou des milieux où l’Evangile est encore ignoré. Comme saint Pierre l’écrivait aux premières générations de convertis dans la Dispersion, je vous dis: “Soyez vigilante... à l’exemple du Saint qui vous a appelés, soyez saints vous aussi dans toute votre conduite” [2].

C’est ainsi que l’Eglise qui est au Zaïre atteindra sa pleine maturité chrétienne et africaine.

4. Je sais que vos évêques - qui sont vos Pasteurs et vos Pères - vous guident avec lucidité et courage sur ces chemins du Royaume de Dieu, comme en témoignent les Exhortations, Lettres ou Appels qu’ils vous ont adressés personnellement ou collégialement. Je viens affermir et encourager le ministère de ces évêques qui sont mes frères. Mais en même temps, je viens encourager tous les chrétiens et chrétiennes de Kinshasa et du Zaïre.

Je suis heureux que ma première rencontre, en cette cathédrale, soit avec les prêtres, les religieux, les religieuses, les séminaristes. Dans l’édification de l’Eglise, vous avez une place de choix. Votre ordination, votre consécration religieuse, votre appel au sacerdoce sont des grâces inestimables.

Remerciez le Seigneur! Servez-le dans la joie, la simplicité et la pureté de coeur. Vous êtes destinés, plus que les autres disciples du Christ, à être, le sel qui donne saveur, et la lumière qui brille; j’ai désiré avoir un entretien prolongé avec les prêtres, puis avec les religieuses, au cours des journées qui viennent. Mais dès ce soir, je vous salue avec toute mon affection. Mon premier mot est un mot de réconfort, dans la note d’action de grâces qui convient à un centenaire.

Prêtres, soyez heureux d’être ministres du Christ, annonciateurs de sa Parole et dispensateurs de ses mystères: Imitamini quod tractatis, “vivez ce que vous accomplissez”. Soyez des éducateurs de la foi, des hommes de prière, ayez le zèle et l’humilité du serviteur, vivez votre consécration totale au Royaume de Dieu dont votre célibat est le signe.

Religieux et religieuses, soyez heureux d’avoir donné tout votre amour au Christ et de servir l’Eglise, vos frères et soeurs en toute disponibilité. Avec toutes les personnes consacrées du Zaïre, laissez le Christ saisir vos vies, afin de devenir des témoins transparents pour le peuple de Dieu et pour les hommes de bonne volonté. Je pense à votre Soeur, Zaïroise, qui vous a précédés, en laissant un lumineux exemple de pureté et de courage dans la foi, la Servante de Dieu, Soeur Anwarite, que, j’espère, l’Eglise pourra bientôt béatifier.

Et vous, prêtres, religieux, religieuses et laïcs venus d’autres pays comme missionnaires, et qui continuez à coopérer aux divers services de l’Eglise en ce pays, soyez heureux d’être ici où votre entraide est précieuse et nécessaire, et où vous êtes témoins de l’Eglise universelle. Poursuivez ce service amical et désintéressé, sous la conduite des Pasteurs zaïrois qui sauront accueillir tous les prêtres à part entière dans leur presbyterium.

Séminaristes, soyez heureux de répondre à l’appel du Maître qui ne déçoit pas. Accueillez la pédagogie du Christ qui a formé tant de vos aînés. Préparez-vous en assimilant à fond la doctrine solide et la discipline de vie qui vous permettront d’être à votre tour des guides spirituals. Je souhaite que beaucoup suivent vos traces. Les vocations sacerdotales sont la preuve de la vitalité et la maturité d’une Eglise locale qui devient ainsi capable de prendre en mains la responsabilité de l’oeuvre de l’Evangile, en donnant au message évangélique et à la mission de l’Eglise leur pleine authenticité chrétienne et africaine.

Je ne veux pas oublier les laïcs chrétiens que je rencontrerai aussi: pères et mères de famille, animateurs de petites communautés catéchistes, éducateurs, laïcs engagés, étudiants et jeunes de Kinshasa ou des autres cités ou villages. Qu’ils soient heureux et fiers de leur foi! Partout où ils travaillent, qu’ils soient les témoins de l’Amour du Christ qui les a aimés le premier! Et qu’ils poursuivent un apostolat où ils sont irremplaçables!

5. Je dois vous faire à tous la recommandation que l’Apôtre saint Paul exprimait dans toutes ses lettres, lui qui visitait tant de premières communautés chrétiennes. C’est celle qui a suscité la dernière prière de Jésus après la Cène: “Que tous soient un”. Oui, bannissez toute division, vivez dans l’unité qui plaît à Dieu et qui fait votre force, autour de vos prêtres. Et que les prêtres soient unis dans un même presbyterium autour de leurs évêques. Manifestez un accueil bienveillant et une réelle collaboration entre vous, Zaïrois et Zaïroises, et avec les étrangers venus partager votre vie.

L’Eglise, c’est une famille, d’où personne n’est exclu.

En recevant votre témoignage, je vous apporterai à mon tour celui de l’Eglise qui est à Rome, et celui de l’Eglise universelle qui a son centre à Rome. C’est une seule famille. Aucune communauté ne vit fermée sur sol: elle se relie à la grande Eglise, à l’unique Eglise. Votre Eglise a été greffée sur le grand arbre de l’Eglise, où, durant cent ans, elle a puisé sa sève, ce qui lui permet maintenant de donner ses fruits à elle et de devenir elle-même missionnaire auprès des autres. Votre Eglise devra approfondir sa dimension locale, africaine, sans jamais oublier sa dimension universelle. Je sais votre attachement fervent au Pape. Aussi je vous dis: par lui, demeurez unis à toute l’Eglise.

Et maintenant, je vous invite à tourner avec moi, vos regards et vos coeurs vers la Vierge Marie.

6. Permettez-moi, en effet, en cette année où vous rendez grâce à Dieu pour le centenaire de l’évangélisation et du baptême de votre pays, de me référer à la tradition que nous trouvons au début de ce siècle, au début de l’évangélisation en terre africaine.

Les missionnaires qui venaient pour annoncer l’Evangile commençaient leur service missionnaire par un acte de consécration à la Mère du Christ.

Ils s’adressaient à elle de cette façon:
“Voici que nous nous trouvons parmi ceux qui sont nos frères et nos coeurs, et que ton Fils, o Vierge Marie, a aimés jusqu’à la fin. Par amour, il a offert sa vie pour eux sur la croix; par amour, il demeure dans l’Eucharistie pour être la nourriture des âmes; par amour, il a fondé inébranlable dans laquelle on trouve le salut. Tout cela, ces frères et ces soeurs au milieu desquels nous arrivons ne le savent pas encore; ils ne connaissent pas encore la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Mais nous, nous croyons profondément que leurs coeurs et leurs consciences sont préparés à accueillir l’Evangile du salut par l’oeuvre du sacrifice du Christ, et aussi grâce à ton intercession maternelle et à la médiation.

Nous croyons que, lorsque le Christ, du haut de la croix, t’a donné chaque homme comme fils, en la personne de son disciple saint Jean, tu as accepté aussi comme fils et comme filles ces frères et ces soeurs auxquels sa sainte Eglise nous envoie maintenant, nous, comme missionnaires.

Aide-nous à accomplir le mandat missionnaire de ton Fils sur cette terre; aide-nous à accomplir ici la mission salvifique de l’Evangile et de l’Eglise. Nous te consacrons tous ceux-là que l’Esprit de Jésus-Christ désire illuminer de la lumière de la foi et en qui il veut allumer le feu de son amour.

Nous te consacrons leurs familles, leurs tribus, les communautés et sociétés qu’ils forment, leur travail, leurs joies et leurs souffrances, leurs villages et leurs cités. A toi, nous te consacrons tout, nous te les consacrons tous. Accueille-les dans cet Amour éternel dont tu as été la première servante, et daigne guider, tout indigne qu’il soit, le service apostolique que nous commençons”.

7. Aujourd’hui, cent ans ont passé depuis ces commencements. Au moment où l’Eglise, dans ce pays du Zaïre, rend grâce à Dieu dans la Sainte Trinité pour les eaux du saint baptême qui ont donné le salut à tant de ses fils et de ses filles, permets, ô Mère du Christ et Mère de l’Eglise, que moi, le Pape Jean-Paul II, à qui il est donné de participer à ce jubilé, je rappelle et que je renouvelle en même temps cette consécration missionnaire qui a eu lieu sur cette terre au début de son évangélisation.

Se consacrer au Christ par ton intermédiaire!

Se consacrer à Toi pour le Christ!

Permets aussi, ô Mère de la divine Grâce, que, tout en remerciant pour toutes les lumières que l’Eglise a reçues et pour tous les fruits qu’elle a portés au cours de ce siècle sur cette terre du Zaïre, je te confie à nouveau cette Eglise, que je la remette entre tes mains pour les années et les siècles à venir, jusqu’à l’achèvement des siècles!

Et en même temps, je te confie encore toute la nation, qui vit aujourd’hui de sa vie propre et indépendante. Je le fais dans le même esprit de foi et avec la même confiance que les premiers missionnaires, et je le fais en même temps avec une joie d’autant plus grande que l’acte de consécration et d’abandon que je fais maintenant, tous les pasteurs de cette Eglise et aussi tout le peuple de Dieu le font en même temps avec moi; ce peuple de Dieu qui désire assumer et poursuivre avec ses pasteurs, dans l’amour et le courage apostolique, l’oeuvre de la construction du Corps du Christ et de l’approche du règne de Dieu sur cette terre.

Accepte, ô Mère, cet acte de confiance que nous faisons, ouvre les coeurs, et donne la force aux âmes pour écouter la parole de vie et pour faire ce que ton Fils ne cesse de nous ordonner et nous recommander.

Que la grâce et la paix, la justice et l’amour soient le partage de ce peuple; qu’en rendant grâce pour le centenaire de sa foi et de son baptême, il regarde avec confiance vers son avenir temporel et éternel! Amen!

 [1] (Jn 21,15-17).
 [2] (1P 1,13-16).




AU PRÉSIDENT DU ZAÏRE

Kinshasa, Vendredi 2 mai 1980



Monsieur le Président,

1. Au soir de cette première journée sur la terre zaïroise, tant de pensées viennent déjà à l’esprit que les mots se bousculent pour exprimer ce que je ressens. Est-ce l’émotion du contact si désiré, et enfin réalisé, avec les peuples d’Afrique, d’abord avec le Peuple zaïrois? Est-ce l’accueil qui m’a été réservé, aussi bien à l’arrivée que dans la ville même de Kinshasa? Est-ce l’enthousiasme de la population et particulièrement de la population catholique qui a pu trouver place, tout à l’heure, à la cathédrale et aux abords de celle-ci?

Je ne sais vraiment quel souvenir marquera le plus celui qui inaugure aujourd’hui une visite dont il attend beaucoup, et qui voudrait correspondre pleinement à son double objectif, de salut fraternel et cordial du Chef spirituel de l’Eglise catholique aux nations africaines, et d’encouragement très sincère aux Eglises locales.

2. C’est souligner, et je ne manquerai jamais de le rappeler dans les circonstances qui pourront se présenter, le caractère essentiellement religieux de ce voyage qui commence, j’en suis heureux, par le Zaïre. Chaque étape offrira pourtant des possibilités de rencontre avec les Autorités civiles. Il y a là davantage que l’observation d’un usage de courtoisie, permettant de remercier ses hôtes, comme ils le méritent, de leur hospitalité si généreuse ou de l’organisation minutieuse et combien absorbante de ce séjour.

A ce sujet, Monsieur le Président, je mesure parfaitement la qualité de ce que Votre Excellence et ses collaborateurs ont mis en oeuvre pour faciliter, et finalement assurer - je n’en doute pas - la réussite de ma visite. Qu’il me soit permis de le dire devant les hautes personnalités réunies ici, dont certaines n’ont pas ménagé leur contribution selon leurs responsabilités personnelles.

Mais j’attache également un grand prix aux entretiens avec ceux qui détiennent le pouvoir civil. Ce sont autant d’occasions d’échanger des vues, de façon constructive, sur les problèmes les plus fondamentaux pour l’homme, sa dimension spirituelle, sa dignité et son avenir, sur la paix aussi et l’harmonie entre les peuples, sur la liberté que demande l’Eglise d’annoncer l’Evangile au nom du respect des consciences inscrit dans la plupart des constitutions ou des lois organiques des Etats.

Le Concile Vatican II semblait appeler la multiplication des conversations de ce type lorsqu’il s’exprimait ainsi: “Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous, qu’elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération... L’homme, en effet, n’est pas limité aux seuls horizons terrestres, mais, vivant dans l’histoire humaine, il conserve intégralement sa vocation éternelle” [1].

3. Ayant déjà eu le bonheur d’accueillir Votre Excellence au Vatican l’an dernier, je me félicite de notre nouveau dialogue, qui devrait favoriser la compréhension et se révéler particulièrement fructueux. C’est dire l’attention avec laquelle j’ai écouté vos réflexions. Je suis moi-même persuadé que, si les questions africaines doivent être l’affaire des Africains, et non subir la pression ou l’ingérence de quelque bloc ou groupement d’intérêt que se soit, leur solution heureuse ne peut manquer d’influer de manière bénéfique sur les autres continente.

Mais il faudrait aussi, pour cela, que les autres peuples apprennent à recevoir des peuples africains.

Ce n’est pas seulement d’une aide matérielle et technique que ces derniers ont besoin. Ils ont besoin eux aussi de donner: leur coeur, leur sagesse, leur culture, leur sens de l’homme, leur sens de Dieu, que bien d’autres n’ont pas aussi éveillés. A la face du monde, j’aimerais lancer en cette circonstance un appel solennel, non pas uniquement à l’aide, mais à l’entraide internationale, c’est-à-dire à cet échange dans lequel chacun des partenaires apporte sa contribution constructive au progrès de l’humanité.

4. J’aimerais également que fussent connus de tous, dès le premier jour de ce voyage, les sentiments qu’éprouve le Pape en regardant l’Afrique comme un ami, comme un frère. Tout en partageant les préoccupations de beaucoup quant à la paix, aux problèmes posés par la croissance et la pauvreté et, en un mot, aux problèmes de l’homme, il éprouve une joie profonde. La source de sa joie est de voir que nombreuses ont été, au cours des dernières années, les populations qui ont pu accéder à la souveraineté nationale, au terme d’un processus parfois délicat, mais qui a pu conduire au choix de leur avenir.

C’est un phénomène que je comprends très bien, ne serait-ce que par mes origines personnelles.

Je sais, j’ai vécu les efforts accomplis par mon peuple pour sa souveraineté. Je sais ce que veut dire revendiquer le droit à l’auto-détermination, au nom de la justice et de la dignité nationale.

Certes, ce n’est là qu’une étape, car encore faut-il que l’auto-détermination reste ensuite effective, et s’accompagne d’une participation réelle des citoyens à la conduite de leur propre destin: ainsi également le progrès pourra bénéficier plus équitablement à tous. Certes, la liberté devrait jouer à tous les niveaux dans la vie politique et sociale. L’unité d’un peuple demande aussi une action persévérante, respectueuse des particularités légitimes et en même temps menée de façon harmonieuse. Mais tant d’espoirs sont aujourd’hui permis, tant de possibilités sont offertes, qu’une immense joie emplit mon coeur, à la mesure de la confiance que je mets dans les hommes de bonne volonté qui sont épris du bien commun.

5. Je voudrais à présent tourner mon regard, au-delà de cette assemblée, vers le Peuple zaïrois tout entier, et lui dire ma satisfaction de me trouver chez lui. Certes, les contraintes du programme existent, et il ne sera pas possible d’aller dans toutes les régions rendre visite à des populations également chères à mon coeur.

Que le passage du moins en quelques points du pays soit un témoignage concret du message d’amour du Christ que je souhaiterais porter à chaque famille, à chaque habitant, aux catholiques comme à ceux qui ne partagent pas la même foi. Les Zaïrois représentent une espérance pour l’Eglise et pour l’Afrique. Il leur appartient de poursuivre, en bons citoyens, leur action pour le progrès de leur pays dans un esprit de justice et d’honnêteté, en s’ouvrant aux vraies valeurs de l’homme [2]. Je demande à Dieu de les aider dans cette noble tâche et de bénir leurs efforts.

Soyez remercié, Monsieur le Président, de tout ce que vous avez entrepris pour moi depuis le moment où, comme l’Episcopat du pays, vous m’invitiez si chaleureusement au Zaïre. Je n’oublierai pas les termes élevés de votre allocution, et je vous présente, ainsi qu’aux membres du Gouvernement et à tous ceux qui me font l’honneur de leur présence, mes salutations et mes voeux les meilleurs.


 [1] (Gaudium et Spes GS 76), § 3.
 [2] Ioannis Pauli PP. II (Redemptor Hominis RH 18).





Discours 1980 - Salle du Consistoire, Jeudi 24 avril 1980