Discours 1980 - Kisangani (Zaïre) Mardi, 6 mai 1980

À L'OCCASION DE SA VISITE À LA MISSION SAINT-GABRIEL

Kisangani (Zaïre) Mardi, 6 mai 1980



Chers frères et soeurs dans le Christ,

A l’occasion de cette visite à la Mission Saint-Gabriel, je voudrais vous adresser un mot d’admiration et d’encouragement, qui vaudra aussi pour tous les postes de mission, disséminés dans ce pays et les autres pays d’Afrique. J’aurais aimé en visiter davantage, aux abords des grandes cités, comme ici, ou au milieu des villages de la forêt ou de la brousse. La brièveté du séjour ne le permet pas. Que tous sachent du moins à quel point le Pape apprécie ce beau service d’évangélisation et les remercie, au nom de l’Église.

1. Tout d’abord je salue le personnel dévoué de ces postes de mission. Ce sont des prêtres zélés, souvent venus de loin. Ce sont des religieux, qu’on appelle du nom si expressif de Frères, et dont je tiens à souligner le dévouement quotidien, humble et efficace depuis l’aube de l’évangélisation: par leur compétence en de multiples domaines, ils ont beaucoup contribué à l’implantation et au fonctionnement pratique et pédagogique de ces postes de mission. Ce sont des religieuses, dont la vie consacrée est rayonnante de la présence du Seigneur et qui assurent, grâce à l’aisance de leurs contacts avec les familles, un magnifique travail d’éducation, de charité et de promotion humaine.

Ce sont aussi des laïcs qui coopèrent à toutes ces tâches.

Certains membres de ces missions vivent comme en détachement avancé, dans un secteur tout neuf de l’évangélisation; plus souvent, aujourd’hui, ils vivent en équipe, et leur poste, avec sa chapelle et ses diverses installations, est un point de ralliement pour les chrétiens dispersés dans les quartiers ou dans les villages environnants. En saluant spécialement ceux de Saint-Gabriel que j’ai la joie de rencontrer ici, avec leurs paroissiens, je salue et je remercie chaleureusement tous les autres.

2. De mon coeur montent quelques pensées que je vous confie simplement.

A mes yeux, le poste de mission évoque d’abord la modestie des commencements: modestie des effectifs missionnaires bien souvent, modestie des communautés chrétiennes, modestie des moyens pédagogiques et matériels. En fait, la vie de ces évangélisateurs et de leurs premiers disciples est toute proche de la pauvreté de l’Évangile et de la simplicité des premières communautés chrétiennes que nous décrivent les Actes des Apôtres [1]. Paul, Barnabé et tant d’autres disciples y arrivaient en quelque sorte les mains nues, n’ayant que la Bonne Nouvelle à partager, la ferveur de leur amour et l’assurance de l’Esprit-Saint. Oui, chers amis, la foi et la charité qui habitent vos personnes, voilà ce qui fait d’abord votre originalité, votre richesse, votre dynamisme.

3. Et, ici, je veux adresser une pensée spéciale à tous ceux qui, dans certains postes difficiles de mission, connaissent l’épreuve de la persévérance et même de l’enfouissement dans la solitude et l’oubli. Car vous ne vous contentez pas de passer: vous demeurez au milieu de ceux dont vous avez adopté la vie. Vous y demeurez patiemment, même s’il vous faut longtemps semer l’Évangile sans assister encore à la germination et à la floraison. La lampe de votre foi et de votre charité semble alors brûler en pure perte. Mais rien n’est perdu de ce qui est ainsi donné. Une mystérieuse solidarité relie tous les apôtres. Vous préparez le terrain où d’autres moissonneront. Demeurez de fidèles serviteurs.

Dans tous les cas, vous n’avez pas ménagé vos forces. Vous avez entrepris et poursuivi cette initiative apostolique au prix de grandes fatigues, morales et aussi physiques, parfois jusqu’à en être exténués, sous un climat auquel vous n’étiez pas habitués et dans des conditions de vie précaires.

Je pense spécialement à vous lorsque je relis les pages de saint Paul - dont j’ai pris le nom - sur les tribulations du ministère apostolique, dont il dresse une liste impressionnante [2]. Je souhaite, chers amis, que vous connaissiez aussi son espérance et sa joie, en attendant la récompense du Seigneur.

4. Votre labeur apostolique emprunte les chemins ordinaires et nécessaires de l’évangélisation.

D’abord prendre contact, manifester l’amour du Seigneur pour tous, non seulement une attention bienveillante, mais un amour concret qui ne néglige pas les diverses formes d’entraide, qu’il s’agisse d’école, de dispensaire, de projets agricoles, de promotion humaine de toute sorte. On sait, en fait, que vous êtes là d’abord pour répondre à la faim de Dieu, au besoin de sa Parole qui éclaire et réconforte les coeurs, les élève et suscite un renouveau des hommes et de la société. C’est la part importante de votre ministère: témoignage et annonce de l’Évangile, catéchèse de ceux qui demandent à être initiés à la foi, longue préparation aux sacrements, surtout de baptême et d’eucharistie, encouragement à la prière, formation des consciences aux responsabilités humaines et chrétiennes.

5. Vous seriez vite débordés si vous vouliez accaparer toutes les tâches. Et ce ne serait pas une vraie fondation d’Église. Très vite, vous cherchez à vous associer des disciples, catéchistes, animateurs, qui deviennent à leur tour des évangélisateurs, un peu comme saint Paul qui désignait ce qu’on appelait alors des “anciens”, en faisant confiance au Seigneur [3]. C’est là que gît la vitalité de la mission.

Le service purement évangélique que vous voulez rendre à ces peuples pour le salut desquels vous avez tout sacrifié, doit tendre en effet à ce que les fils de ces peuples acquièrent leur maturité chrétienne, ecclésiale, et guident par eux-mêmes l’oeuvre commencée.

6. Le beau travail que vous accomplissez mérite la solidarité de toute l’Église locale et celle des Églises soeurs à travers le monde.

Je suis spécialement heureux d’être ici, et de m’adresser, d’ici, à tous les membres des postes de mission. C’est, pour ainsi dire, un moment de “retrouvailles”, pour moi et pour toute l’Église que je représente. Oui, l’Église se retrouve elle-même auprès de vous, missionnaires - que vous soyez Zaïrois, Africains ou venus de loin -, parce qu’elle-même doit être tout entière et à tout moment “missionnaire”. Ainsi s’étend au loin et en profondeur l’action du “sel” et du “levain” dont parle l’Évangile.

7. La charge dont j’ai hérité de l’Apôtre Pierre est d’unir tous les chrétiens. Elle est en même temps d’entretenir le zèle missionnaire. Que le Seigneur vous bénisse et qu’il bénisse tous les postes semblables de mission!

Qu’il bénisse tous les membres de cette mission: parents, enfants, jeunes, vieillards, et spécialement ceux qui souffrent! Je confie votre communauté à la Vierge Marie, notre Mère, vers laquelle nous oriente tout spontanément le nom de l’ange Gabriel, patron de cette paroisse. Que la paix du Christ soit toujours avec vous! Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique.

 [1] Cfr. (Ac 13 Ac 14) ss.
 [2] Cfr. (2Co 4,7-18 2Co 6,1-10).
 [3] Cfr. (Ac 14,23).

 

AU DÉPART DU ZAÏRE

Kisangani Mardi 6 mai 1980




Monsieur le Commissaire d’État,
Monsieur le Cardinal,
Excellences,
Chers Frères et Soeurs,



Dieu soit loué!

1. Ces quelques journées sur la terre du Zaïre m’ont permis de prendre des contacts très agréables et très enrichissants avec la population de ce pays, avec ses chefs religieux et civils, avec les différentes catégories du peuple de Dieu, évêques, prêtres, séminaristes, religieux, religieuses, familles, laïcs engagés dans les différents mouvements, catéchistes, étudiants, jeunes, avec les missionnaires, avec les citoyens et citoyennes des grandes villes et ceux du monde rural qui les avaient rejoints. J’ai dû me limiter à deux contrées caractéristiques, celles de Kinshasa et de Kisangani. Je sais que l’immense Zaïre en comprend beaucoup d’autres. J’aurais encore beaucoup de choses à découvrir chez vous! Je dois partir, à regret, vers de nouveaux pays africains. Mais ce que j’ai exprimé au cours de mes rencontres ou des célébrations, je l’ai dit en pensant à tous les catholiques et à tous les habitants de cette nation. Et je tiens à les saluer une dernière fois, avec des sentiments d’estime et toute la chaleur de mon affection.

2. Je vous remercie, Monsieur le Commissaire d’État, de votre présence, et je vous prie d’être l’interprète de ma vive gratitude auprès de Son Excellence Monsieur le Président de la République pour l’accueil bienveillant qui m’a été réservé et tout le zèle qui a été déployé pour veiller au bon déroulement de ce séjour. J’en remercie également les membres du Gouvernement et tous les fonctionnaires. J’ai par ailleurs été heureux de m’entretenir avec les Autorités qui ont la lourde responsabilité du bien commun de tout le pays.

Je remercie le cher Cardinal Joseph Malula qui m’a si bien accueilli à Kinshasa et qui, par son appartenance au Sacré Collège, a tissé depuis longtemps des liens particuliers avec le Successeur de Pierre et l’Église qui est à Rome. Je remercie Monseigneur Fataki, l’Archevêque de ce lieu, que j’ai été heureux de retrouver ici, chez lui. Je remercie tous les autres Évêques du Zaïre, mes frères, avec lesquels j’ai vécu des moments de grande communion qui vont se prolonger. Je remercie avec eux tous les fidèles du Zaïre et leurs pasteurs qui ont manifesté tant d’empressement à venir rencontrer le Pape, l’écouter, prier avec lui et lui donner le témoignage de leur vitalité religieuse.

3. Le centenaire de l’évangélisation nous a permis de rendre grâce à Dieu, pour tout ce qui a été réalisé à partir de la semence de l’Évangile apportée par de valeureux missionnaires. L’Église a grandi et a fleuri, comme un arbre bien enraciné en terre zaïroise. La sève est celle de l’Église universelle, car il n’y a qu’une seule foi, un seul baptême, un seul Seigneur, un seul Esprit, un seul Dieu et Père de tous. Mais ses fruits ont aussi, et ils doivent avoir, la saveur de l’Afrique et plus spécialement de ce pays et des familles qui le composent. La communauté catholique est confiée à des évêques nés de ce terroir, en communion avec le successeur de Pierre.

4. Mais, comme je le disais à mon arrivée, cette étape en appelle une autre. Je ne dis pas seulement celle de la persévérance, déjà méritoire. Je dis plutôt celle du progrès dans la foi et dans la sainteté.

Le Christ, présent parmi vous, présent en vous, doit saisir au plus profond votre âme africaine, avec sa culture - pensée, sentiments et aspirations humaines - pour la “sauver”, au sens où Dieu a envoyé son Fils pour “sauver” le monde [1], c’est-à-dire la racheter, l’élever, la transfigurer. C’est l’oeuvre du Rédempteur; mais tous et chacun vous y avez une part de responsabilité.

5. Ma dernière consigne sera: vivez dans l’unité, fortifiez cette unité. Et pour cela bannissez toute division. L’appartenance au même Corps du Christ ne souffre pas d’exclusion, de mépris ou de haine. Elle appelle la collaboration, la paix et la fraternité de l’amour. Soyez des artisans de paix.

Ce sont ceux-là qui édifient l’Église. Ce sont ceux-là qui contribueront à édifier ce beau et grand pays, avec les autres chrétiens et les autres hommes de bonne volonté.

L’union avec vos évêques sera la garantie de votre progrès. Et de même l’union avec le Pape.

Dans la mémoire du coeur et de la prière, vous conserverez le souvenir de la proximité exceptionnelle de ces derniers jours; soyez assurés aussi que je prierai sans cesse pour vous.

La paix soit avec vous tous!

La paix soit sur le Zaïre!

Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique.

 [1] Cfr. (Jn 3,17).

 

À L'ARRIVÉE EN HAUTE-VOLTA

Ouagadougou, Samedi, 10 mai 1980




C’est avec une grande joie au coeur que j arrive ici, en Haute-Volta, et que: je salue avec respect et sympathie Son Excellence le Président de la République, ainsi que les hautes Autorités qui sont venues m’y accueillir, et qui viennent de me souhaiter la bienvenue avec une cordialité si profonde qui exprime aussi, je le sais, les sentiments de toute la nation Voltaïque et qui me touche si vivement.

Avec quelle joie, je le répète, j’ai accueilli l’invitation délicate du Gouvernement de Haute-Volta, qui a si bien compris le but purement spirituel de mon voyage en Afrique, et qui a consenti à organiser en conséquence cette trop brève étape dans sa capitale. Je désire donc que mes premières paroles soient pour exprimer, avec ma reconnaissance, les voeux fervents que je forme auprès du Dieu Tout-Puissant pour ce pays et son peuple laborieux et fier, pour ceux qui en portent la responsabilité, et pour tous ses citoyens.

Je salue tous les croyants. Non seulement les chrétiens, mais ceux qui ont en commun avec eux la croyance au Dieu unique et miséricordieux, qui ont à coeur de soumettre leur vie au Tout-Puissant dans la religion islamique ou qui sont animés de sentiments religieux selon leurs traditions ancestrales.

Vous me permettrez de saluer avec une affection particulière, et d’abord en la personne de mon frère le Cardinal Paul Zoungrana et de mes frères les évêques de ce pays, tous mes fils et filles catholiques.

Je suis venu pour vous! Avant de retourner vers son Père au jour de l’Ascension, Notre-Seigneur avait ordonné à ses Apôtres: “Allez dans le monde entier porter la Bonne Nouvelle!”. Bien des siècles se sont écoulés avant que votre cher pays ne reçoive l’Évangile, et voici qu’en moins d’un siècle, chez vous, la semence est devenue un grand arbre; et voici maintenant que le successeur de saint Pierre met ses pas dans les pas de ceux qui vous ont apporté l’Évangile, les fils du grand Cardinal Lavigerie, les évêques infatigables tel Monseigneur Thevenoud, dont tant parmi vous se souviennent avec émotion. Et je rencontre maintenant, chefs de vos Églises diocésaines et successeurs des Apôtres, donnés tout entiers comme eux au service du Seigneur, des fils de la Haute-Volta, qui m’accueillent chez eux, chez vous.

Au peuple de Haute-Volta, à son Président, aux membres de son Gouvernement et aux Représentants de l’Église venus m’accueillir si chaleureusement, je redis mes remerciements et mon salut cordial. Je sais aussi que beaucoup sont venus du Togo; à eux tous, mon salut très chaleureux et cordial. Merci et salut à tous! Puisses le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant, vous combler tous de ses bénédictions!


  AU PRÉSIDENT DE HAUTE-VOLTA ET À LA NATION

Ouagadougou, Samedi 10 mai 1980



Monsieur le Président,

1. Dès mon arrivée, tout à l’heure, j ai voulu exprimer publiquement ma joie de répondre à l’invitation si cordiale qui m’avait été adressée, aussi bien par Votre Excellence au nom de la République de Haute-Volta, que par les évêques du pays. A l’occasion de cette rencontre avec les plus hautes Autorités de l’État, qu’il me soit permis de leur redire mes sentiments de profonde gratitude, et de leur présenter mon salut respectueux.

Je suis fier et heureux de pouvoir venir trouver, chez lui, le Peuple voltaïque. Je viens à lui comme un frère qui, pour cette raison même, souhaite mieux le connaître afin de lui être plus proche encore. Mes paroles veulent être des paroles d’amour et de paix, pour tous, pour les chrétiens, et aussi pour ceux qui appartiennent aux religions ancestrales ou à l’importante communauté islamique du pays. Nous avons des valeurs religieuses en commun.

Nous devons donc, à plus forte raison, nous respecter les uns les autres, et reconnaître à chacun le droit de professer librement sa foi. Ceci vaut mutuellement pour chacun de nous. Je viens par conséquent comme un homme de Dieu, parler à tous le langage du coeur, que tous les habitants peuvent comprendre s’ils l’écoutent. A ce niveau, il n’y a pas de différence entre les hommes, tous façonnés par la main du Créateur, tous appelés à vivre dans la fraternité, à s’entraider, et à rechercher les valeurs spirituelles.

Ma pensée et mon affection rejoignent donc en ce moment tous et chacun des Voltaïques, les jeunes comme les sages vieillards, les familles, les parents, les pauvres, les malades, les travailleurs du pays - qu’ils soient dans leur patrie ou à l’étranger - qui apportent leur concours au développement malgré tant de difficultés naturelles. Je les salue en la personne de ceux qui portent la charge de les guider, avec la conscience de leur grande mission. A tous, je renouvelle les voeux que mon prédécesseur le Pape Paul VI leur a adressés en bien des circonstances, et en particulier lorsque Votre Excellence lui fit, il y a quelques années, l’honneur d’une visite au Vatican [1].

J’évoquerai personnellement ma satisfaction d’avoir pu m’entretenir, le 13 juillet dernier, avec Monsieur le Premier Ministre de la République.

2. Si de précédentes étapes de ce voyage pastoral ont offert déjà l’occasion d’aborder certains problèmes plus spécifiques du continent africain ou de la place qui, dans le monde, revient au génie propre de celui-ci, j’ai eu pour préoccupation essentielle leur dimension religieuse et morale, le désir de dialoguer au nom de l’homme pris dans son intégralité [2].

L’Église catholique n’entend donc en aucune manière peser sur les responsabilités propres des gouvernants. Elle aime toutefois à se souvenir que, dans l’esprit de son Fondateur, la notion de pouvoir; est inséparable de la notion de service, et que d’une certaine manière tout pouvoir étant reçu d’en-haut, il doit être exercé selon Dieu [3].

Tel est bien le souci qui l’anime quand elle s’adonne, par exemple, aux oeuvres d’éducation, pour contribuer elle aussi à la formation de ceux qui auront à prendre le relais du développement et de l’avenir de leur pays: préparer des hommes et des femmes habités par l’idéal du véritable service public, honnêtes, désintéressés et soucieux du bien commun de la population.

En ce domaine, l’Église en Haute-Volta a déjà fourni une collaboration loyale au progrès du pays. Elle la poursuit aujourd’hui dans la mesure de ses possibilités, avec la conviction de l’importance de cette tâche. Je ne doute pas que son enseignement catéchétique ne soit ouvert, par ailleurs, à l’ensemble de la vie, de manière à former en profondeur l’homme de demain, au service de son pays et des plus nobles idéaux.

3. De la même façon, elle ne demande qu’à être présente partout où elle peut aider la dignité de l’homme, du citoyen, avec des moyens pauvres mais la générosité d’un coeur prêt à partager.

Puisse-t-elle persévérer dans cet élan qui quatre-vingt ans après le début de l’évangélisation, n’a jamais faibli, la poussant à prendre sans cesse de nouvelles initiatives, dans le respect des consciences et la loyauté à l’égard du pouvoir civil. Je fais pleine confiance aux évêques du pays et à mon cher collaborateur le Cardinal Paul Zoungrana, pour rester fidèles à cette ligne inspirée par le sens d’une fraternité authentique.

4. Il est certain que, nourries d’une commune volonté de dialogue, les relations entre le Saint-Siège et la République de Haute-Volta continueront à se renforcer á l’avenir. C’est mon voeu très cher, dont je tiens à faire part; à Votre Excellence et à tous nos auditeurs. Cette étape de mon voyage en soit l’attestation, avec la joie que j’éprouve à passer cette journée à Ouagadougou, au milieu du cher Peuple voltaïque! Merci de votre hospitalité, Monsieur le Président, merci de votre accueil et de tant d’égards pour mon humble personne.



 [1] Cfr. "L'Osservatore Romano", diebus 18-19 iun. 1973.
 [2] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad Nationem Unitarum Legatos, 5, die 2 oct. 1979: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, II, 2 (1979) 524.
 [3] Cfr. (Jn 19,11).






AUX ÉVÊQUES DE HAUTE-VOLTA

Ouagadougou, Samedi, 10 mai 1980



Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Au fur et à mesure que se déroule ce voyage sut votre terre africaine, je ne me lasse pas de dire ma joie de rencontrer, trop rapidement hélas, ces hommes et ces femmes qui sont l’Église dans vos pays, le royaume de Dieu qui s’implanté et qui grandit chez vous.

Cette joie se fait plus grande encore, lorsque je rencontre les évêques, les chefs spirituels; du peuple nouveau, mes frères dans l’épiscopat. Et je suis particulièrement heureux, comme je l’ai dit, de rendre ainsi sa visite au cher Cardinal Zoungrana, qui fut le premier cardinal africain à venir me voir à Cracovie. Nous avons tout juste le temps, chers frères, d’évoquer quelques pensées qui nous tiennent à coeur aux uns et aux autres.

2. La première, c’est notre unité dans la collégialité. Vous la vivez entre vous; nous la vivons ensemble, reliant l’Église qui est en Haute-Volta à la vie et aux préoccupations évangéliques de l’Église universelle. La collégialité est un élément structurel de l’Église, un mode de gouvernement de l’épiscopat, auquel notre époque, suivant en cela un enseignement important du Concile Vatican II, donne à juste titre un relief particulier. Le fait de bien la mettre en oeuvre, vous l’éprouvez certainement chaque jour, est un grand soutien pour notre action pastorale, et aussi un grand espoir pour l’accroissement de son efficacité. Mais c’est d’abord sur des raisons spirituelles, théologiques, que nous devons bâtir notre collaboration épiscopale, la source de notre ministère étant la personne du Seigneur.

Je vous encourage donc à continuer à travailler pour fonder vraiment dans le Christ votre unité et celle de votre presbytérium. Ce dernier est divers; cherchez à ce que sa diversité soit toujours source d’enrichissement mutuel, non de division ou de rivalité. Et pour cela, demeurez vous-mêmes très proches de vos prêtres, très présents à leur vie difficile. Vos paroles et vos exemples sauront orienter toujours davantage vers le service du peuple de Dieu les esprits et les volontés de ceux qui se sont généreusement donnés à cette mission.

Vos diocèses eux aussi sont divers, avec des forces apostoliques variées: il vous faut faire face ensemble aux tâches communes et aux secteurs les plus démunis. Cet esprit de solidarité doit aussi s’étendre en dehors de vos frontières, notamment dans le cadre de la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest, dont Votre Éminence assume la présidence, et même dans le cadre du SCEAM, pour toute l’Afrique et Madagascar. Vous avez à devenir toujours davantage vos propres missionnaires.

3. Ceci m’amène à partager avec vous deux soucis primordiaux pour l’évangélisation et pour la ferveur chrétienne de votre Église en Haute-Volta. Je veux parler de votre souci des vocations, et aussi d’une pastorale qui s’appuie sur le sens proprement africain de la famille.

Outre les “missionnaires” dont tout le monde reconnaît le service hors pair et toujours si précieux comme témoignage de l’Église universelle, vous avez la joie d’avoir de nombreux prêtres, religieux, religieuses, séminaristes voltaïques, ainsi que de nombreux catéchistes. La mission de l’Église en demanderait davantage. C’est une part importante de votre ministère de pourvoir à l’éveil et à la conduite des vocations sacerdotales et religieuses, par une formation solide, qui a fait ses preuves dans l’Église, et bien insérée dans la réalité africaine. Nous ne devons jamais nous lasser d’expliquer le sens profond de cette vocation dans le dessein de Dieu. S’offrir à suivre le Christ en toute disponibilité, au service exclusif de son Royaume, lui consacrer ses forces et son amour dans le célibat, c’est une grâce que ne saurait manquer à l’Église d’aujourd’hui, et donc aux Églises d’Afrique.

Par de tels prêtres, ou religieux, les chrétiens seront aidés à progresser dans la conscience personnelle de leur propre vocation. Parmi eux, les catéchistes, que je tiens encore à encourager par votre intermédiaire, donnent un magnifique exemple de vocation laïque chrétienne mise au service de la mission de l’Église. Paul VI avait tenu lui-même à décorer, voilà cinq ans, le centenaire Simon Zerbo, premier catéchiste voltaïque et pionnier de la foi dans votre pays.

4. Pour cette mission, vous poursuivez, depuis plusieurs années, un effort pastoral visant à manifester que l’Eglise est vraiment la famille de Dieu, où chacun a sa place, où chacun est compris et aimé. Par là, je l’espère avec vous, vos communautés chrétiennes bénéficieront d’un élément profond de structuration, qui constituera aussi un témoignage concret de l’Évangile, et même un appel pour les non-chrétiens. Dans cette conception de la famille se trouve ainsi mis en relief le lien entre une réalité fondamentale et la révélation évangélique et une des valeurs morales caractéristiques de la civilisation de votre peuple.

5. Il y aurait beaucoup d’autres questions. J’ai abordé tout à l’heure celle si grave de la sécheresse au Sahel, qui doit susciter une solidarité plus réelle, plus concertée et plus persévérante dans le monde entier. Je pense également au fait que beaucoup de vos compatriotes adhèrent à l’Islam.

Les deux principales communautés religieuses, catholique et musulmane, doivent donc poursuivre leurs efforts pour s’estimer mutuellement, en respectant de part et d’autre ce que requiert la liberté religieuse bien comprise, et collaborer quand il s’agit de faire face aux besoins humains des populations et à leur bien commun.

6. Avec vous, chers frères, je suis plein d’espoir, malgré les difficultés, et je sais votre attachement profond au Saint-Siège et à l’Église universelle. Le Seigneur ne nous a pas promis une vie et un ministère exempts d’épreuves. Il nous a seulement assuré qu’il avait vaincu les forces du mal à l’oeuvre dans l’homme. C’est pourquoi nous devons toujours avoir présentes à l’esprit ses paroles d’envoi en mission prononcées après sa résurrection: “Ne craignez pas... je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde”. Comment pourrai-je mieux vous exprimer mes encouragements?

Les efforts que vous prodiguez sans cesse au service du Seigneur porteront leurs fruits. Que le Seigneur bénisse chacun d’entre vous, et tous ceux ça vous portez dans vos coeurs, prêtres, religieux, religieuses et fidèles tous et chacun de vos diocèses!



  AUX FAMILLES

Ouagadougou (Haute-Volta), Samedi, 10 mai 1980



1. Voici déjà l’heure du départ, la fin de ce trop bref séjour parmi vous, dans votre pays de Haute-Volta, maintenant encore plus cher à mon coeur. S’il faut le quitter, sachez bien que vous resterez tous présents à ma pensée, ceux que j’ai rencontrés et ceux qui n’ont pas pu venir. A ceux-là, chers fils et filles de Haute-Volta, vous saurez transmettre les encouragements et les souhaits du Pape, qui demande au Seigneur Jésus de vous bénir tous, jusque dans le plus lointain de vos villages, dans la plus humble de vos maisons.

2. Et voici la dernière consigne que je vous laisse. Elle résume le message que j’ai voulu faire entendre pendant ce voyage dans les pays d’Afrique, si bien préparés à le comprendre par leur riche tradition sur le sens de la famille et le sens de l’accueil. Je reprends pour cela l’enseignement de saint Pierre, le premier Pape, celui auquel le Seigneur a confié son Église et dont je suis aujourd’hui le successeur parmi vous. Il rappelait aux fidèles: devenez “la maison spirituelle” de Dieu, car vous êtes “le peuple qu’il s’est acquis” [1].

Dans le même sens, le Concile Vatican II a rappelé bien des fois que l’Église est la maison de Dieu dans laquelle habite sa famille [2] et que tous les hommes ont à prendre conscience qu’ils forment une seule famille, et qu’ils sont tous appelés à faire partie de la famille de Dieu [3]. Et cette vérité est à la base de la mission, c’est-à-dire de l’effort pour faire connaître à tous les hommes le salut, l’amour de Dieu pour nous et ses exigences [4].

Alors je vous dis: suivez fidèlement les orientations données par vos évêques, mes frères dans l’épiscopat, pour que vos communautés soient toujours davantage, ici, en Haute-Volta, la famille de Dieu. Que vos manières de vivre soient inspirées de cette profonde vérité. Et j’indiquerai trois points.

D’abord, celui qui fait vraiment partie de la famille ne craint pas de se mettre au service de son Père: ayez donc le souci des vocations. Jeunes, soyez généreux et généreuses pour répondre à l’appel de Dieu s’il vous demande de le suivre dans la chasteté, la pauvreté et le service, pour faire grandir sa famille grâce à vos efforts. Je pense particulièrement aussi aux catéchistes, dont le dévouement est si nécessaire au progrès de l’Évangile. Parents, soyez généreux pour susciter et soutenir les vocations nécessaires à la vie de l’Église en Haute-Volta, et d’abord par votre exemple de vie chrétienne.

Ensuite, celui qui fait partie de la famille de Dieu désire aussi que tous découvrent le même bonheur. A votre tour, soyez les missionnaires de votre propre pays en étant les témoins de l’amour de Dieu pour tous ses habitants.

Enfin, pour la même raison, parce qu’ils veulent être les témoins de l’amour de Dieu pour sa famille, les catholiques de Haute-Volta doivent être toujours des membres actifs et loyaux de leur communauté nationale qui forme elle aussi une grande famille. Votre peuple se partage en effet entre diverses croyances religieuses, traditionnelles, musulmanes et chrétiennes. Cette situation, qui est pour vous un appel de plus à une conduite exemplaire, ne doit pas empêcher, et n’empêche pas, je le sais, les relations de bon voisinage comme la collaboration de tous au service du développement local et national, toujours dans un respect mutuel et réciproque.

C’est pourquoi je suis heureux de saluer encore une fois tout le peuple de Haute-Volta, dont j’ai tant apprécié l’accueil émouvant et chaleureux. Je remercie sincèrement Son Excellence le Président de la République et toutes les Autorités civiles pour la manière délicate dont ils ont rendu possible cette rencontre inoubliable. Je remercie tous les membres de la Presse, pour la diffusion qu’ils ont donnée à mes paroles, et tous ceux qui se sont faits et se feront l’écho de ma voix. Et je remercie enfin tous les Voltaïques sans exception, et tous leurs frères du Togo, qui se sont joints à eux. A tous ceux que sont venus, au prix de tant de peines et de fatigues, je le sais, je dis: merci.

Si je suis obligé de m’en aller, vous savez bien que Notre Seigneur, lui, ne vous quitte pas, qu’il demeure toujours avec vous. En son nom, je vous bénis encore de tout coeur.

 [1] Cfr. (1P 2,5 1P 2,9).
 [2] Cfr. (Lumen Gentium LG 6).
 [3] Cfr. ibid. (LG 51).
 [4] Cfr. (Ad Gentes AGD 1).


  ARRIVÉE DE JEAN-PAUL II EN CÔTE D'IVOIRE

Abidjan Samedi 10 mai 1980



Monsieur le Président,
Excellences,
chers Frères et Soeurs de Côte d’Ivoire,

Que dieu bénisse la Côte d’Ivoire! En abordant votre terre, je vous dis ma joie, ma très grande joie, de visiter ce pays. J’attendais ce moment. L’occasion m’en est donnée. Dieu soit loué! C’est par la Côte d’Ivoire que je vais achever mon premier voyage en Afrique.

Je ne peux y passer que deux journées, et en dehors de la capitale, mes rencontres seront rares et brèves. Mais je voudrais dès maintenant assurer tous les Ivoiriens et toutes les Ivoiriennes des villes et des villages, de mon estime, de mon affection, de mes voeux les plus cordiaux.

Et tout d’abord, je remercie les Autorités de ce pays, le Chef de l’État et la hiérarchie catholique, de leur invitation empressée et de leur dévouement pour organiser au mieux ce séjour. Et vous tous, je vous remercie déjà de la chaleur de votre accueil qui me touche profondément.

Je salue avec joie ce pays, plein de promesses, au coeur de l’Afrique de l’Ouest. Je sais que ses citoyens son accueillants, tolérants, respectueux de la vie humaine et de la liberté. Et lorsqu’aujourd’hui ils prennent largement contact avec d’autres civilisations, qui les séduisent par leur progrès technique, ils portent en eux beaucoup de valeurs humains traditionnelles qu’ils ont cultivées sur leur propre sol, à partir de leurs traditions et, dans une certaine mesure, depuis un siècle, à partir aussi de l’Évangile.

Je salue en effet mes frères et fils catholiques, puisque je suis venu avant tout en Pasteur de l’Église universelle. Ils forment ici une communauté importante par son nombre, et plus encore peut-être par son dynamisme. Je salue ses neuf évêques ivoiriens, ses prêtres - j’aurai la joie de concélébrer tout à l’heure avec les plus jeunes ordonnés -, ses religieuses, tous ses fidèles. Et je me garderai bien d’oublier les nombreux missionnaires qui, surtout depuis mil huit cent quatre-vingt-quinze, ont accompli une oeuvre admirable dans ce pays, par amour du Christ et des Ivoiriens, et qui la poursuivent au service de leurs frères, dans une collaboration heureuse et fructueuse.

Je salue les autres chrétiens et les autres croyants: ils savent comme nous que le sens de Dieu est inséparable du coeur humain.

Au plan civil, je salue tous les responsables du bien commun et les experts de tout ordre, y compris les étrangers qui apportent leur concours: ils ont entrepris d’accélérer le développement du pays, de toutes ses ressources, et en même temps de donner à sa jeunesse une instruction adéquate. Je souhaite que cette oeuvre tourne au progrès humain complet, non seulement technique, mais moral et spirituel de l’ensemble des habitants.

Je salue tous les travailleurs de ce pays, ruraux et citadins, et j’ai une pensée particulière pour les nombreux migrants des pays voisins, venus s’adjoindre aux travailleurs ivoiriens.

Je salue spécialement les jeunes et les étudiants, auxquels je consacrerai une longue rencontre.

Ma pensée et ma prière s’en vont vers toutes les familles de ce pays, et spécialement là où se trouvent des gens qui souffrent: malades, handicapés, vieillards, tous ceux qui connaissent la détresse physique ou morale. Ils ont toujours une place spéciale dans mon affection. Je prendrai contact avec ceux qui sont particulièrement éprouvés par la lèpre.

Je viens en effet ici en messager de paix. Le Christ, que je sers comme successeur de son premier Apôtre, a béni les artisans de paix. Je viens recevoir le témoignage de tout ce qui se fait de beau et de fraternel dans ce pays et dans cette Église. Je viens l’encourager, et si possible apporter l’élan qui vient de notre foi, afin que soit édifiée une civilisation digne des hommes, qui sont des fils de Dieu. L’unité de tous, tel sera le thème de la messe qui nous réunira ce soir.

Que Dieu vous bénisse, qu’il vous récompense d’accueillir ainsi le Pape! Qu’il bénisse toute la Côte d’Ivoire!



Discours 1980 - Kisangani (Zaïre) Mardi, 6 mai 1980