Discours 1982 - Mercredi, 7 avril 1982

Discours au sécrétaire général de l’ONU

7 avril 1982

Le 7 avril, Jean-Paul II a reçu en audience M. Javier Perez de Cuellar, secrétaire général de l'ONU, auquel il a adressé le discours suivant (1) :

(1) Texte espagnol dans l'Osservatore Romano du 7 avril 1982. Traduction et titre de la DC.


MONSIEUR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL,

Je vous remercie vivement de cette visite que vous avez voulu me rendre peu de mois après avoir assumé vos hautes fonctions de secrétaire général de l'ONU. C'est pour moi un motif de véritable satisfaction d'avoir pu vous connaître personnellement, cependant qu'il m'est agréable de vous renouveler mes meilleurs voeux pour les lourdes tâches qui vous incombent, en vous manifestant de même la volonté de poursuivre et d'approfondir ce dialogue cordial et respectueux entre l'Église catholique et l'ONU, au développement duquel j'attache une grande importance.

La position que vous occupez, monsieur le Secrétaire général, dans le système de l'ONU et dans la communauté internationale, peut se dire unique en son genre. Appelé à diriger le secrétariat d'une organisation aussi complexe, vous devez exercer effectivement des fonctions très importantes d'ordre administratif, mais en même temps vous remplissez une délicate mission de type politique qui se déploie dans des tâches d'ordre représentatif, diplomatique et opérationnel.

Le caractère international de votre fonction est au service de l'universalité de l'ONU et vise à des finalités très hautes : la paix et la coopération entre tous les peuples, la sauvegarde de la dignité des droits de l'homme, la justice internationale. Le simple énoncé de ces fonctions et de ces objectifs permet déjà de mettre en relief l'importance de la charge que vous occupez et du service que vous pouvez rendre à la famille humaine.

Vous le savez bien, monsieur le Secrétaire général, mais je voudrais le redire en cette occasion : le Saint-Siège, à travers les Papes successifs, a apporté un soutien moral, de manière claire et solennelle, aux principes institutionnels et aux objectifs essentiels de l'ONU. Mon prédécesseur Paul Vl, dans son mémorable discours du 4 octobre 1965, a qualifié l'ONU de « chemin obligé de la civilisation moderne et de la paix mondiale ».

Moi-même, m'adressant à la XXXlVe Assemblée générale des Nations Unies, le 2 octobre 1979, j'ai confirmé la confiance et l'attitude de mes prédécesseurs à l'égard de cette institution. Les motifs d'une telle confiance, monsieur le Secrétaire général, ne sont pas contingents, mais au contraire bien réfléchis. Ils reposent sur de profondes convictions : la nécessité d'une organisation de la société internationale, dans la phase actuelle de développement à laquelle est arrivée l'interdépendance entre les peuples, l'obtention du bien commun international et la nécessité qui en découle d'une autorité mondiale ; et, en même temps, la conviction du lien étroit — je dirais essentiel — qui existe entre l'organisation de la société internationale et la sauvegarde de la paix et de la concorde entre tous les peuples de la terre.

Au moment où nous vivons, l'attention de l'opinion publique se porte avec angoisse vers tant de points de tension, dont la situation si délicate qui s'est créée entre l'Argentine et la Grande-Bretagne ; et de manière plus générale, il se porte à juste titre vers la terrible et permanente menace d'une guerre nucléaire. Menace rendue plus réelle que jamais par l'obstination à renforcer toujours davantage des arsenaux déjà plus que débordants et par les grandes difficultés que rencontrent les gouvernements responsables à se décider à ouvrir des tribunes de négociations réalistes et efficaces sur les différents types d'armements.

Monsieur le Secrétaire général, le Saint-Siège est préoccupé plus que personne par la recrudescence de la tension internationale, et espère vivement que la prochaine Assemblée extraordinaire sur le désarmement contribuera à rasséréner les esprits ; mais, en même temps, elle ne peut manquer de s'étonner que ces problèmes qui concernent plus immédiatement les pays industrialisés tendent à laisser dans l'ombre la dramatique situation des deux tiers de la population du globe qui sont plus défavorisés. Comme il serait important que les activités des Nations Unies pour le développement des peuples continuent à être au premier plan des préoccupations des gouvernements des pays mieux pourvus. Devant l'ampleur des inégalités toujours croissantes, comme il serait triste que la crise économique qui affecte l'hémisphère nord serve de prétexte pour nous écarter de notre devoir de solidarité. Pour cette raison, monsieur le Secrétaire général, je loue et encourage les efforts réalisés pour éveiller la conscience des plus favorisés matériellement et pour leur rappeler leurs graves responsabilités devant les plus démunis.

Si de telles finalités et de tels biens sont nécessaires et essentiels sur la route historique de la famille humaine, ils sont également très complexes et difficiles à atteindre de manière permanente. Aujourd'hui plus que jamais, la collaboration de tous s'impose, de même qu'il est nécessaire de dépasser des visions particularistes ou d'intérêt personnel pour s'ouvrir à une conception véritablement universelle du bien commun.

Conscient de la grandeur de ces idéaux, de même que des difficultés qui se présentent pour les mettre en oeuvre, je souhaite vous apporter mon sincère encouragement, à vous- même, monsieur le Secrétaire général, et à tous vos collaborateurs, pour que vous travailliez avec confiance, avec courage et avec le profond sentiment de responsabilité qui vous distingue, de manière à surmonter les tensions et les crises qui obscurcissent l'horizon international, pour que vous renforciez et perfectionniez cet édifice de l'ONU qui, à la suite de tragiques expériences, a été créé pour servir les intérêts suprêmes des nations et de l'homme.

En vue de la réalisation d'une tâche si importante pour les destins de l'humanité, le Saint-Siège est disposé, dans les limites de sa mission spécifique, à continuer à offrir à l'ONU et à vous-même, monsieur le Secrétaire général, sa loyale collaboration, surtout en faveur de la cause suprême de la paix, de la défense de la dignité et des droits de l'homme, de la justice internationale et du développement de tous les peuples, tout particulièrement de ceux du tiers monde, de ceux qui sont les plus démunis ou les plus menacés dans leurs justes aspirations de la liberté.

Dans ces sentiments, j'invoque sur votre personne et vos fonctions, monsieur le Secrétaire général, l'assistance, la protection et les bénédictions du Tout-Puissant.




L’Église et l’Université

Aux professeurs des Universités d’Émilie-Romagne, 18 avril


Dans la bibliothèque du couvent Saint- Dominique, centre culturel de Bologne, le Pape a rencontré le 18 avril les professeurs des Universités d'Émilie-Romagne. Après les allocutions du recteur de l'Université de Bologne, le professeur Carlo Rizzoli, et du ministre italien de la Recherche scientifique, Giancarlo Tesini, Jean-Paul II leur a adressé le discours ci-après (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 19-20 avril 1982. Traduction, titre et sous-titres de la DC.

MESSIEURS,

1. C'est avec une profonde joie que je vous rencontre ce matin, membres du Corps académique de l'Université de Bologne, en qui je reconnais et honore les héritiers de la tradition universitaire la plus ancienne du monde. Ma joie est encore renforcée par la présence des Recteurs et des professeurs des autres Sièges universitaires de la région : des Universités de Ferrare, de Modène, de Parme et des Facultés d'agriculture de Plaisance.

Je salue cordialement le Recteur magnifique de Bologne, le professeur Carlo Rizzoli, dans la noble allocution duquel j'ai suivi non seulement l'expression des communs sentiments de cordiale déférence à l'égard de ma personne, mais aussi le témoignage du profond sentiment de responsabilité qui anime les autorités académiques et les professeurs dans l'exercice quotidien de leur tâche éducative. En vous remerciant, M. le Recteur, de vos nobles paroles, je voudrais également vous manifester ma reconnaissance pour l'invitation si sympathique que vous m'avez adressée de visiter le siège actuel de l'Université ; même si diverses circonstances ne m'ont pas permis de réaliser cette proposition, elle m'a été des plus agréables, car elle a réveillé en mon esprit le souvenir de la visite que j'ai eu l'occasion de faire à cet illustre centre d'études il y a bien longtemps, en 1964, en qualité de grand Chancelier de l'Université de Cracovie, qui célébrait en cette année le sixième centenaire de sa fondation.

Je remercie également l'Honorable Tesini, ministre de la Recherche scientifique qui, m'apportant le salut de l'entière communauté scientifique de l'Italie, a opportunément souligné les extraordinaires possibilités et les risques réels qui accompagnent les progrès des sciences, comme les vicissitudes de notre siècle l'ont mis en évidence.

Je voudrais enfin adresser un mot spécial de salutation aux autorités académiques et aux professeurs des autres sièges universitaires de la région : leur présence en cette circonstance est une preuve éloquente du lien idéal qui unit ces Centres à l' « Alma Mater » bolognaise et à l'expérience universitaire qui a vu le jour au début du millénaire dans cette cité. C'est précisément pour rendre hommage à ces glorieux débuts que j'ai l'intention de me rendre sous peu au siège du très antique « Arciginnasio », berceau de l'institution universitaire dont le modèle s'est successivement répandu en Europe et dans le monde.

On ne peut penser à Bologne sans évoquer le rôle significatif joué, au cours de neuf siècles, par 1'« Alma Mater », dont la valeur, comme centre d'études, a tellement répandu la renommée au-delà de ses murs qu'elle a attiré de nombreux et valeureux étudiants et professeurs de toute nation, manifestant ainsi la permanente dimension universelle de toute recherche authentique du vrai. C'est du modèle de cette exceptionnelle Universitas, communauté d'enseignants et d'étudiants, unis dans l'art de celui qui enseigne et de celui qui apprend, que se sont inspirés par la suite tant d'autres athénées, confirmant ainsi la valeur du choix culturel, il y a neuf siècles, à Bologne.

Ce glorieux passé est donc celui dont est héritière la vie universitaire de cette ville ! Mais un tel fait engage une responsabilité devant l'avenir, et vous qui vous trouvez, aujourd'hui, directement confrontés aux grands problèmes de l'Université moderne, vous devez faire appel aux hautes valeurs de votre tradition pour les incarner dans un esprit de création renouvelé, au sein d'une situation changée.

L'Église, solidaire de l'Université

2. On me demandera peut-être à quel titre moi-même, représentant de l'Église, je m'adresse aujourd'hui à vous dans une participation aussi intense pour les tâches qui sont les vôtres. On me demandera si j'ai le droit, pour ainsi dire, d'entrer dans le domaine de vos responsabilités. Il y a diverses raisons qui me poussent à le faire.

Il y a avant tout une raison historique : l'Église peut affirmer qu'elle a souvent été à l'origine de l'institution universitaire, avec ses écoles théologiques et juridiques.

Il y a peut-être aussi, permettez-moi de le dire, une raison personnelle, puisque j'ai consacré, comme vous le savez, une bonne part de mon activité passée à l'enseignement universitaire, au point de me sentir véritablement honoré d'être votre collègue.

Mais il y a une raison plus profonde et universelle ; et c'est la commune passion, la vôtre et celle de l'Église, pour la vérité et pour l'homme ; mieux encore, pour la vérité de l'homme. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire en m'adressant à la Conférence générale de l'UNESCO, l'Université est l'un, peut-être le principal, de ces « bancs de travail, auprès desquels la vocation de l'homme à la connaissance, ainsi que le lien constitutif de l'humanité avec la vérité comme but de la connaissance, deviennent une réalité quotidienne, deviennent, en un certain sens, le pain quotidien de tant de maîtres, coryphées vénérés de la science, et autour d'eux, des jeunes chercheurs voués à la science et à ses applications, comme aussi de la multitude des étudiants qui fréquentent ces centres de la science et de la connaissance. Nous nous trouvons ici comme aux degrés les plus élevés de l'échelle que l'homme, depuis le début, gravit vers la connaissance de la réalité du monde qui l'entoure, et vers celle des mystères de son humanité » (Discours à l'UNESCO, 19).

Or, si l'homme, dans la pleine vérité de son être personnel et aussi de son être communautaire et social, est la première et fondamentale voie que l'Église doit parcourir dans l'accomplissement de la mission à elle confiée par le Christ (cf. Redemptor hominis, RH 14), vous comprenez pourquoi votre aventure quotidienne sur les chemins du savoir ne peut lui être indifférente.

En effet, si la réponse ultime à notre interrogation permanente : qui est l'homme ?, nous l'attendons du Christ, l'homme nouveau, crucifié et ressuscité, cette même interrogation nous l'adressons également à vous, parce que tout ce que vous conquérez avec tant d'efforts nous intéresse, nous est vitalement nécessaire. Notre foi est en effet une fides quaerens intellectum, une foi qui exige d'être pensée et comme épousée par l'intelligence de l'homme, de cet homme historique concret. Nous serons donc infidèles à notre mission propre si nous pensions pouvoir nous dispenser d'une confrontation qui est votre tâche quotidienne. Comme nous l'ont enseigné les douloureuses expériences historiques du dialogue manqué entre la foi et la science, trop grave serait le dommage si l'Église proposait des réponses qui ne rencontreraient plus les questions posées par l'homme d'aujourd'hui dans sa montée consciente dans l'échelle de la vérité.

L'Église est donc solidaire de l'Université et de ses problèmes, parce qu'elle sait qu'elle a besoin de l'Université elle-même, afin que sa foi puisse s'incarner et devenir culture : et aussi parce que l'Église affirme que la recherche de la vérité fait partie de la vocation même de l'homme, créé par Dieu à son image (cf. Discours aux curés de Rome sur la pastorale universitaire, 8 mars 1982).

La tension entre la spécialisation et l'universalité

3. Mais si tout ce que j'ai dit peut s'appliquer plus généralement au rapport entre foi et science, foi et culture, je voudrais maintenant le rapporter plus spécifiquement au rapport entre Église et Université. L'Université se trouve aujourd'hui, en effet, en Italie et en de nombreux pays du monde, au centre de certaines tensions qui l'interpellent dans ses raisons d'être les plus profondes, et la lancent encore une fois, neuf siècles après sa naissance, à la recherche de son identité.

La première de ces tensions est celle qui existe entre la spécialisation des diverses disciplines et l'idée de l'universalité du savoir. Le Concile Vatican II l'a noté : « De nos jours, plus que par le passé, la difficulté est grande d'opérer la synthèse entre les différentes disciplines et branches du savoir. En effet, tandis que s'accroissent la masse et la diversité des éléments culturels, dans le même temps s'amenuise la faculté pour chaque homme de les percevoir et de les harmoniser entre eux, si bien que l'image de « l'homme universel » s'évanouit de plus en plus. » (Gaudium et spes, GS 61 Gaudium et spes, ) Or, c'est précisément la caractéristique de l'Université, à la différence d'autres centres d'étude et de recherche, de cultiver une connaissance universelle, non pas au sens qu'elle devrait abriter l'éventail complet de toutes les disciplines, mais au sens que, en elle, chaque science doit être cultivée dans un esprit d'universalité, à savoir dans la conscience que chacune d'entre elles, même différente, est tellement liée aux autres qu'il n'est pas possible de l'enseigner en dehors du contexte, au moins intentionnel, de toutes les autres. Se fermer, c'est se condamner, tôt ou tard, à la stérilité, c'est risquer de prendre pour norme de la vérité totale une méthode affinée destinée à analyser et à saisir une section particulière de la réalité.

C'est pourquoi la vision de la vérité que l'homme moderne atteint à travers l'effort aventureux de la raison ne peut se faire que sous le signe du dynamisme et du dialogue. Du fait que la raison ne peut saisir l'unité qui unit le monde et la vérité à leur origine qu'à l'intérieur de modes partiels de connaissance, chaque science particulière — y compris la philosophie et la théologie — reste une tentative limitée qui ne peut saisir l'unité complexe de la vérité que dans la diversité, c'est-à-dire au sein d'une imbrication de savoirs ouverts et complémentaires (cf. Discours aux hommes de science dans la cathédrale de Cologne, 2.)

Mais une manière aussi vivante et aussi constamment soucieuse d'incarner l'idéal de l'universalité dans la connaissance ne peut se réaliser que dans une Université qui soit réellement une communauté de recherche, un lieu de rencontre et de confrontation spirituelle dans l'humilité et le courage, où les hommes qui aiment la connaissance apprennent à se respecter, à se consulter, en créant un climat culturel et humain, aussi éloigné de la spécialisation fermée et exaspérée que de la généralisation et du relativisme. Les points de vue partiels pourront se fondre, non parce qu'ils entrent de force dans un dessein prédéterminé, mais parce que l'écoute mutuelle et la fréquentation assidue en laissent entrevoir la complémentarité.

L'Université et le pouvoir politique et économique

4. Une seconde tension découle du rôle toujours plus déterminant joué par la recherche scientifique dans le monde d'aujourd'hui à tel point qu'elle est l'objet de l'intérêt spécifique de ceux qui détiennent le pouvoir politique et économique. Se pose alors la question, elle aussi fondamentale pour l'universalité, du rapport entre le pouvoir public et sa politique culturelle, ou d'autres pouvoirs présents dans la société, et l'initiative autonome de l'institution universitaire.

Or, la communauté universitaire se devra, à coup sûr, de percevoir de manière responsable les attentes de la société civile qui l'entoure : le temps est révolu, en effet, où l'Université pouvait se concevoir presque comme une société close sur elle-même. De telles attentes concernent, soit les objectifs des recherches envisagées, soit la préparation des étudiants, afin qu'ils puissent exercer comme il convient une profession dans la société. Pourtant, il me semble nécessaire d'affirmer une fois de plus le principe d'une relative autonomie de l'institution universitaire comme garantie de la liberté de recherche. La liberté, en effet, est depuis toujours une condition essentielle du développement d'une science qui conserve son intime dignité de recherche du vrai et ne doit pas se réduire à une pure fonction, asservie à une idéologie, à la satisfaction de fins immédiates, de besoins sociaux matériels ou d'intérêts économiques, de perspectives du savoir humain uniquement inspirées de critères unilatéraux ou partiels, propres aux interprétations tendancieuses, et par cela même incomplètes, de la réalité.

La science peut d'autant plus efficacement influencer la praxis qu'elle est plus libre pour la vérité !

La science est en effet vision totale de l'homme et de son histoire, elle est harmonie et synthèse unitaire entre les réalités contingentes et la vérité éternelle. Comme l'a dit le Concile Vatican II, « la culture doit être subordonnée au développement intégral de la personne, au bien de la communauté et à celui du genre humain tout entier. Aussi convient- il de cultiver l'esprit en vue de développer les puissances d'admiration, de contemplation, d'aboutir à la formation d'un jugement personnel et d'élever le sens religieux, moral et social. La culture, en effet, puisqu'elle découle immédiatement du caractère raisonnable et social de l'homme, a sans cesse besoin d'une juste liberté pour s'épanouir et d'une légitime autonomie d'action, en conformité avec ses propres principes » (Gaudium et spes, GS 59).

C'est pourquoi une interprétation de la science et de la culture, qui ignorerait à dessein et ferait totalement l'impasse sur l'essence spirituelle de l'homme, sur son aspiration à la plénitude de l'être, sur sa soif de vérité et d'absolu, sur les questions qu'il se pose face aux énigmes de la douleur et de la mort, ne peut satisfaire aux plus profondes et authentiques exigences de l'homme. Elle s'exclut d'elle- même du royaume du savoir, c'est-à-dire de la « sagesse », qui est goût de connaissance, maturité de l'esprit, aspiration à la vraie liberté, exercice de critère et de discernement.

Même dans ses nécessaires spécialisations, l'Université ne pourra donc jouer son rôle essentiel dans la société que si elle réussit à l'harmoniser avec un certain détachement critique, face aux idéologies transitoires, même totalisantes. La garantie du libre espace de la culture est l'un des signes les plus clairs de la maturité d'une société civile, mais il revient aussi à la communauté universitaire elle-même d'en démontrer de manière convaincante la nécessité en présentant le charme de cet humanisme intégral qui inspire depuis toujours les idéaux et répond, à n'en pas douter, à tant d'attentes secrètes de nos contemporains.

La dimension communautaire de l'Université

5. Il me faut encore m'arrêter sur un troisième aspect, peut- être encore plus évident, des problèmes de l'Université. L'accès élargi à la culture supérieure, phénomène à coup sûr positif, y compris dans la société italienne, a également investi les structures de vos institutions, les mettant à rude épreuve, et posant des problèmes qui concernent non seulement l'organisation, mais aussi le niveau et la nature de l'enseignement universitaire et son rapport avec la recherche scientifique.

Je crois donc nécessaire de réaffirmer avec force la dimension communautaire de l'Université, y compris en ce qui concerne le rapport entre enseignants et étudiants.

Bien que cela soit rendu difficile aujourd'hui en raison du nombre accru des étudiants et la faible fréquentation des cours dans diverses facultés, la rencontre humaine est indispensable pour former la personnalité, et pour permettre à l'Université de continuer d'exercer une mission éducative. L'expérience montre à quel point les figures de vrais maîtres sont importantes pour communiquer non seulement le contenu des connaissances et la méthode de l'étude mais aussi l'intime passion du vrai, l'effort moral qui anime la recherche.

Cela exige que les enseignants soient aussi en recherche. Quiconque enseigne aux jeunes sans être capable de chercher ressemble à celui qui voudrait étancher leur soif en les abreuvant de l'eau de marais au lieu d'une source. Et cela exige en même temps que les enseignants se maintiennent toujours dans une attitude de service disponible : la connaissance ne leur a pas été donnée pour être conservée comme une possession exclusive, ou comme un moyen de prestige personnel, mais pour être partagée et mise en commun. Et il fait une expérience de profonde joie celui qui, en communiquant un bien spirituel tel que le savoir, s'aperçoit que celui-ci, non seulement ne diminue ni ne s'épuise, mais au contraire se multiplie, et gagne toujours davantage en cette simplicité et en cette clarté qui sont le signe de la vérité.

Le sens de la présence de l'Église

6. Certes, j'ai dû me limiter à l'énoncé de quelques problèmes fondamentaux qui touchent à vos préoccupations quotidiennes et se présentent comme extrêmement complexes. Mais la tradition et l'idée dont vous êtes les héritiers sont trop grandes et l'enjeu pour l'Université et pour la société où elle vit est trop important pour que vous vous arrêtiez devant les difficultés. Pleins d'imagination et de courage, comme autrefois les bâtisseurs de l'Université, vous ne pouvez renoncer à la mission d'unir dynamiquement, une fois de plus, d'une manière nouvelle et adaptée aux temps modernes, l'approfondissement des diverses disciplines et la tension vers l'universalité du savoir, l'autonomie nécessaire à la libre recherche et le service de la société, la recherche personnelle et collective et l'enseignement aux jeunes générations.

Dans cette difficile tâche, l'Église entend être présente et collaborer loyalement, dans le seul intérêt de l'homme. Dans le passé, les pontifes romains et d'autres insignes hommes d'Église se sont signalés par leurs largesses à l'égard de l'Athénée de Bologne : qu'il suffise de rappeler le nom du grand Pape, Prospero Lambertini, et le soutien qu'il a apporté au renouveau des études supérieures dans cette ville, au XVIIIe siècle. Aujourd'hui, c'est la communauté ecclésiale dans son ensemble qui, dans l'esprit du Concile Vatican II, se sent coresponsable de la promotion des valeurs humaines et évangéliques dans la vie de votre Université. De l'effort concret pour l'accueil des étudiants étrangers à la cité, à l'animation de centres et de lieux de rencontre et de dialogue culturel — comme celui où nous nous trouvons en ce moment, près de l'antique couvent dominicain —, il y a toute une gamme d'initiatives déjà existantes et possibles, par lesquelles la communauté chrétienne peut contribuer à affronter les problèmes de l'Université. Il y a surtout la présence active dans une attitude de recherche, de dialogue et de témoignage, des chrétiens étudiants et enseignants, qui oeuvrent dans l'Université elle-même. Que leur apport soit une richesse à l'intérieur de la communauté de recherche que vous constituez : toute intelligence ouverte reconnaîtra alors que ce n'est le véritable intérêt de personne que, dans le creuset de la culture, fasse défaut la contribution de cette tradition catholique qui a joué un tel rôle dans l'histoire de ce pays.

Au fond, au coeur même de cette dynamique qui vise à la connaissance universelle et qui inspire votre travail, est-ce que ne naissent pas aujourd'hui toujours plus fréquentes des questions sur le sens ultime de la vie et de l'agir humain ? Les meilleurs parmi les jeunes qui viennent à vous assoiffés de connaissance ne vous interrogent-ils pas sur la légitimité et la finalité de la science, sur ses valeurs morales et spirituelles qui leur permettront de croire de manière nouvelle à la science, à la raison et à leur bon usage ?

Si la foi chrétienne est une fides quaerens intellectum, l'intelligence humaine, pour retrouver la juste confiance en elle- même, doit s'ouvrir avec confiance à une vérité plus grande qu'elle-même. Cette vérité devenue humaine, et qui n'est donc plus étrangère à tout vrai humanisme, c'est Jésus, le Christ, la Parole de la vérité éternelle, que l'Église vous annonce comme son ultime contribution pour atteindre votre idéal : la connaissance de la vérité dans son entière mesure.





La présence au monde

aux prêtres, religieux et religieuses de Bologne, 18 avril 1982


Le 18 avril, au cours de l'après-midi, le Pape a rencontré à la cathédrale de Bologne le clergé, les religieux et les religieuses de l'archidiocèse. Après avoir écouté la salutation du cardinal Poma, il a prononcé le discours suivant (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano des 19-20 avril. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.



TRÈS CHERS FRÈRES ET SOEURS !

1. C'est pour moi une joie qui se renouvelle chaque fois avec une fraîcheur intacte, de pouvoir rencontrer, au cours de mes visites pastorales, ceux qui se sont donnés au Christ dans la plénitude de leurs énergies spirituelles et physiques, en accueillant son appel par un engagement sans réserves pour l'avènement du règne de Dieu.

Je vous adresse donc ma salutation affectueuse, prêtres, religieux, religieuses et membres des instituts séculiers de l'Émilie-Romagne, qui vous êtes réunis dans la basilique Saint- Pierre pour exprimer votre attachement et votre dévotion à son humble successeur, appelé par le Christ à la tâche formidable de faire « paître ses agneaux et ses brebis » (cf. Jn 21,15-17). Faisant miennes les paroles de Paul, je désire vous répéter, aujourd'hui, très chaleureusement : « Que mon amour soit avec vous tous dans le Christ Jésus. » (Cf. 1Co 16,23.)

Je connais les nobles traditions de zèle actif qui ont toujours distingué le clergé et les religieux de cette région où, il y a tant de siècles, saint Apollinaire a répandu la semence de la Parole de Dieu, commençant un travail de défrichage spirituel qui devait donner de précieux fruits de vie chrétienne. À côté de lui et après lui, une armée glorieuse de travailleurs évangéliques s'est penchée sur ces terres fécondes, les trempant de la sueur d'un dévouement apostolique inépuisable et les mouillant parfois du sang du témoignage suprême.

Aujourd'hui également, en des temps tout aussi difficiles sous certains aspects, d'autres âmes généreuses ont pris des mains de ceux qui les ont précédés le flamheau de l'annonce de l'Évangile, en assumant la tâche d'apporter la lumière du Christ à la génération d'aujourd'hui, souvent attirée et déviée par les feux follets d'idéologies trompeuses. Ces âmes généreuses, c'est vous, prêtres, religieux et religieuses, qui travaillez dans les nobles Églises de l'Émilie- Romagne. C'est vous, membres des Instituts séculiers, qui poursuivez, à travers des formes nouvelles dictées par les exigences des temps, le même idéal, celui d'être le levain évangélique mis dans la masse de farine « pour qu'elle soit toute fermentée » (Lc 13,21). C'est vous, les cloîtrées des quarante-six monastères de la région, spirituellement présents ici par la prière et par l'offrande de votre vie.


Invitation à la confiance

2. Avant tout, je veux adresser à chacun de vous une invitation à la confiance Le Christ est ressuscité ! L'annonce joyeuse que la liturgie pascale a fait retentir de nouveau ces jours-ci, est la confirmation d'une réalité dont vit l'histoire de l'humanité. Le Christ a maintenu la promesse faite à ses disciples : le troisième jour après sa mort, il est ressuscité et il est entré dans l'immortalité. Il vit et il vivra pour toujours !

Il y a plus : il n'est pas ressuscité pour lui seulement mais aussi pour nous. Tout homme qui croit en lui est introduit dans le cadre de la vie future qu'il a inauguré pour nous, lui qui est « le premier-né d'une multitude de frères » (Rm 8,29). Le mystère de la résurrection ne le concerne pas seulement, lui, Fils de Dieu et fils de l'homme : il nous concerne également, nous qui sommes fils des hommes et qui sommes devenus en lui fils de Dieu. La force de sa résurrection travaille déjà dans le monde comme un dynamisme victorieux qui pousse tous ceux qui l'acceptent dans la foi vers le but suprême de la vie totale qui est au-delà de la mort.

Quelle dose d'optimisme se dégage d'un tel message ! Pour qui a la foi, la vie s'annonce au terme de l'existence humaine comme un abord radieux, au-delà du gouffre de la mort. Le bien porte en lui l'assurance de la victoire finale sur la mort. Le bonheur s'annonce comme une aspiration raisonnable et dans une mesure suréminente, comme notre coeur n'a jamais réussi à imaginer. (Cf. 1Co 2,9)

Quelle impulsion à la générosité et à l'engagement découle de cette annonce pour ceux qui veulent apporter leur contribution au progrès de l'humanité ! Ils savent qu'ils peuvent compter sur l'Esprit que le Christ ressuscité a donné à l'Ég]ise (cf. Jn 20,22), pour qu'il suscite à partir de la cité terrestre et mortelle cette cité céleste et immortelle, en vivifiant et en soutenant le dévouement de tous ceux qui s'efforcent d'orienter l'ordre temporel vers la liberté et la justice, vers l'unité et la concorde, vers l'amour réciproque et la paix active.

Très chers frères et soeurs, laissez-vous envahir par la joie qui jaillit du message pascal de manière qu'elle rayonne de votre parole et de votre attitude.


Soyez des témoins

3. Telle est précisément la seconde parole que je désire vous adresser aujourd'hui : Soyez des témoins. Des témoins de l'espérance qui a ses racines dans la foi. Des témoins de l'invisible dans une société sécularisée qui exclut trop souvent toutes les dimensions transcendantes.

Oui, très chers prêtres, religieux et âmes consacrées : au milieu des hommes de cette génération, si plongée dans le relatif, vous devez être des voix qui parlent d'absolu. N'avez- vous pas jeté, pour ainsi dire, toutes vos ressources sur la balance du monde pour faire en sorte qu'elle penche heureusement vers Dieu et les biens qu'il a promis ? Votre choix a été décisif pour votre vie : vous avez opté pour la générosité et pour le don face à la cupidité et au calcul. Vous avez choisi de compter sur l'amour et sur la grâce, défiant tous ceux qui vous considèrent à ce sujet comme naïfs et bons à rien. Vous appuyez toute votre espérance sur le royaume des cieux quand beaucoup, autour de vous, ne s'efforcent que de s'assurer une demeure confortable sur la terre.

À vous maintenant d'être cohérents, malgré toutes les difficultés. Le destin spirituel de beaucoup d'âmes est lié à votre foi et à votre cohérence.

De ce destin qui se déroule dans le temps mais qui a l'éternité pour but, vous devez être le constant rappel, en témoignant par la parole et encore davantage par la vie la nécessaire orientation vers Celui qui constitue l'inévitable abord de notre parabole existentielle. Votre vocation vous place comme des points avancés de l'humanité en chemin : dans votre prière et dans votre travail, dans votre joie et dans votre souffrance, dans vos succès et dans vos épreuves, l'humanité doit pouvoir trouver le modèle et l'anticipation de ce qu'elle est elle-même appelée à être malgré ses propres lourdeurs et ses propres compromis.


L'annonce de l'Évangile

4. Dans ce contexte, je voudrais dire un mot particulier à ceux que l'ordination sacrée envoie pour une mission spécifique sur le plan du salut. Au cours de ces années, elles ont été nombreuses les discussions sur la nature du presbytérat et sur la fonction que vous accomplissez dans l'Église. Beaucoup de prêtres ont connu, en conséquence, une « crise d'identité » qui en a freiné l'engagement. Il est temps désormais de redécouvrir la grandeur du don que le Christ a fait à l'Église en instituant le sacerdoce ministériel. Il est surtout temps de retrouver l'élan généreux pour correspondre à son appel et pour accueillir de ses lèvres la consigne : « Allez dans le monde entier et prêchez l'évangile à toute créature. « (Mc 16,15)

Telle est, en effet, la mission essentielle du prêtre. Il est l'annonceur de la parole de Dieu qui a résonné en dernier lieu et d'une manière définitive dans le Christ Jésus. C'est la parole d'amour de Dieu pour tous les hommes qui sont appelés par lui à former une seule famille : une parole qui demande à être traduite en actions concrètes et aussi en institutions sociales neuves et meilleures. Ces conséquences sociales innovatrices, ce ne sera cependant pas d'une manière générale au prêtre de devoir les tirer : ce souci constitue, en effet, la mission propre des laïcs (cf. Const. dogm. Lumen gentium, LG 31 Décr. Apostolicam actuositatem, AA 7 Décr. Ad gentes, Ag 21).

Ainsi donc, la parole du message évangélique qui est confiée au prêtre est une parole de pardon qui libère de l'aliénation du péché et qui rallume l'espérance dans les coeurs. Il n'y a pas de doute qu'elle demande une action lénifiante sur les blessures que la faute peut avoir laissées dans l'âme de celui qui s'en est rendu responsable. Ce n'est cependant pas au prêtre de se charger d'une thérapie psychologique spécifique qui tendrait à guérir les traumatismes résultant de fausses expériences du passé (cf. Monitum de Saint-Office du 15 juillet 1961, n° 3 ; AAS 1961, vol. 53, p. 571) (2).

La parole que le prêtre annonce atteint son point culminant dans le sacrifice eucharistique dans lequel le pain, qui est le corps du Christ est « rompu » et « donné » aux hommes. Qui ne voit dans ce geste une claire invitation au partage de tous ces autres biens que le Créateur a mis sur la « table » de la terre pour les hommes qui sont tous, de manière égale, ses fils ? Cependant, l'engagement concret pour une distribution plus équitable des ressources entre chacun et entre les nations est une tâche qui met directement en cause non pas le prêtre mais les responsables de la vie économique et politique dans le cadre de la cité, de la nation, du monde entier (cf. Const. dogm. Lumen gentium LG 36 Décr. Apostolicam actuositatem, AA 14 Const. Gaudium et spes, GS 69).

Ce discours est-il craintif et défaitiste ? Faut-il reconnaître une fuite de l'engagement concret ? Seul celui qui n'a pas mesuré dans toute son étendue l'implication personnelle qu'exige du prêtre la mission qui lui a été confiée, « annoncer la Parole », peut penser ainsi. S'il doit renoncer à certaines tâches, c'est seulement pour pouvoir développer à fond la tâche qui lui est propre : être porteur d'un message qui ne s'identifie avec aucun rôle particulier mais que toute fonction juge et demande au sérieux radical de la norme suprême : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 15,12)

Pour pouvoir annoncer la « parole de salut » (Ac 13,26) avec une liberté supérieure qui lui vient du fait qu'il n'est pas « partie prenante » dans les tensions existant dans la communauté et dans le monde, le prêtre doit se soumettre à un autocontrôle continuel et affronter le risque de se sentir parfois incompris ou même contesté ou rejeté. Le dévouement généreux à sa tâche ne manquera pas de lui obtenir de Dieu cette « assurance » (Ac 4,29 Ac 4,31 Ac 28,31) qui permettait aux premiers apôtres d'affronter un monde encore totalement païen et de le transformer.

Des hommes cultivés

5. « Annoncer la parole », telle est votre mission spécifique, très chers prêtres. Ici se trouve la racine de votre souci quotidien, ici se trouve la source inépuisable de votre joie la plus authentique. Mais comme ministres de la Parole — et c'est la dernière pensée que je vous laisse —, vous devez connaître aussi bien le contenu du message qui nous est confié que la mentalité des personnes auxquelles il est destiné. Cela signifie que vous devez vous efforcer d'être des hommes de culture et, en particulier, de véritables théologiens.

Il me plaît de rappeler cette obligation ici, dans une région qui a en son centre une ville comme Bologne qui, en fait de culture, a brillé au cours des siècles comme un phare de lumière très brillant. Vous devez être fiers d'avoir foi en une si noble tradition, soit en veillant à une constante adaptation des structures centrales et périphériques de formation, soit en vous engageant personnellement dans cette réflexion approfondie de la parole de Dieu dans le contexte des interrogations émergeant de l'expérience qui constitue l'âme de toute véritable théologie.

C'est grâce à cet effort que vous éviterez d'être ou des répétiteurs dépassés de formules qui sont justes en elle- mêmes mais qui ne sont pas descendues dans la problématique d'aujourd'hui, ou des innovateurs peureux qui savent certes accueillir les modes du moment mais non les évaluer avec maturité et « discernement » (la « diakrisis » dont parle saint Paul : cf. 1Co 12,10), à la lumière du critère suprême qui est et restera toujours la parole de Dieu. Le risque d'être « ballotés comme des enfants, menés à la dérive, à tout vent de doctrine » (Ep 4,14) n'est pas seulement du passé mais investit toutes les époques de l'histoire dont la nôtre n'est pas exclue.

Il est donc nécessaire « de se consacrer à la lecture » (1Tm 4,13) pour approfondir la connaissance des Écritures qui peuvent « instruire pour le salut qui s'obtient moyennant la foi dans le Christ Jésus » (2Tm 3,15), et pour proclamer ensuite avec fidélité tout ce qu'elles proposent, en ne limitant pas l'annonce à ce qui est agréable à son propre coeur, peut-être encore trop « endurci » ou à ce que l'on pense qui pourrait rencontrer l'approbation ou, du moins, l'accueil bienveillant du milieu. En effet, encore aujourd'hui, comme hier et comme toujours, il reste vrai que l'Évangile de la croix est « scandale pour les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1Co 1,23-24).

6. Très chers frères et soeurs, en prenant congé de vous, je désire renouveler l'exhortation à la confiance et à l'optimisme par laquelle j'ai commencé. Ne nous a-t-il pas été répété précisement aujourd'hui par la liturgie que dans notre foi se trouve « la victoire qui a vaincu le monde » ? Ayez donc confiance « même si vous n'avez pas vu » (Jn 20,29) et tout problème sera résolu et dépassé à la fin.

Que la Vierge sainte, qui est un modèle incomparable d'une telle foi, vous soit proche par son aide constante et qu'elle vous accompagne tout au long des chemins de votre service ecclésial pour que vous puissiez répandre à pleines mains dans l'âme de beaucoup de frères et de soeurs la semence de l'espérance qui « ne trompe pas » (Rm 5,5). En son nom, j'accorde à tous de tout coeur ma bénédiction apostolique.

(2) DC, 1961, n° 1357, col. 1000.



Discours 1982 - Mercredi, 7 avril 1982