Discours 1982 - aux prêtres, religieux et religieuses de Bologne, 18 avril 1982


À L’OCCASION DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA COIFFURE

Lundi, 19 avril 1982




Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

A l’occasion du Festival international de la coiffure, vous avez manifesté le désir de rencontrer le Pape. Soyez les bienvenus! C’est d’abord à chacune de vos personnes, à chacune de vos familles, que j’adresse mon salut et mes voeux cordiaux. Car, au-delà de vos soucis professionnels, chacun a sa destinée propre, son histoire personnelle, chacun a une valeur unique dans le projet de Dieu, chacun porte la responsabilité des siens, et je prie Dieu de vous éclairer, de vous inspirer et de vous fortifier sur ce chemin personnel qui est celui de la réussite de votre vocation humaine et spirituelle, de l’épanouissement de vos familles, qui est celui du salut de vos âmes. Mes voeux sont marqués par la paix et la joie de Pâques, que les chrétiens savent recevoir du Christ ressuscité.

Mais vous êtes rassemblés ici comme membres de la Fédération mondiale de la coiffure et de ce festival international tenu à Rome. Je forme donc aussi des voeux pour l’accomplissement de votre profession, pour qu’elle remplise au mieux son objectif au service des personnes.

L’Eglise n’a pas de compétence pour aborder les aspects techniques de votre métier et moins encore pour apprécier les modes qui passent. Mais elle sait que, outre les aspects économiques et sociaux de cette profession qui relèvent aussi de la morale, la coiffure est un art et, comme tous les arts qui concernent l’expression ou la représentation du corps humain, il a des aspects étiques, selon l’idée que l’on se fait de la personne humaine et des rapports interpersonnels. Il peut contribuer - pour une part relative bien sûr - à détourner l’homme ou la femme de ce qui est essentiel, et surtout de ce qui est authentique, sain et pur dans les rapports humains. Mais il peut aussi servir et épanouir les valeurs humaines, contribuer au respect et à l’estime de soi-même et des autres. Ces quelques mots vous manifestent, en même temps que mes voeux, l’attention que j’accorde à votre profession, comme à chacune des autres.

Je souhaite que l’expérience de ces journées vous aide à mieux affronter les différents aspects de votre activité, vous apporte le renouvellement et le stimulant nécessaires, et vous procure aussi des contacts riches d’amitié, entre participants d’horizons culturels et de pays très divers. Je vous remercie de votre visite et je prie Dieu de vous bénir et de bénir ceux qui vous sont chers.

- en italien: rencontre avec les orfèvres




AUX AIDES AUX PRÊTRES

Jeudi, 22 avril 1982



Mesdames, Mesdemoiselles, chères Aides aux prêtres,

1. Je suis très heureux de m’associer à votre rassemblement festif, de vous rencontrer avec vos chers aumôniers, et de vous apporter mes encouragements personnels, comme le très vénéré Pape Paul VI avait tenu à le faire en plusieurs circonstances.

Laissez-moi vous confier ma première impression en vous voyant si nombreuses, en provenance de plusieurs pays d’Europe et même de Madagascar: les femmes ont leur place dans l’Eglise! Au chapitre seize de sa lettre aux Romains, l’apôtre Paul remercie nommément une dizaine de femmes pour leur dévouement et leurs fatigues au service des premières communautés chrétiennes. Qui pourrait compter les femmes de notre temps en responsabilité d’activités catéchétiques, caritatives et autres, au plan paroissial, diocésain et même national? Et cela à travers tous les continents. Soyez heureuses et fières d’appartenir à cette lignée de femmes qui ont apporté à l’oeuvre de l’évangélisation le meilleur d’elles-mêmes, et bien souvent une authentique sainteté.

Mais je voudrais surtout, en cette rencontre très importante pour votre Mouvement, méditer avec vous sur ce que j’appellerais volontiers la spiritualité des Aides aux prêtres. Comme toute spiritualité, elle prend sa source dans des convictions de foi, s’incarne dans des obligations spécifiques et, à travers un déploiement d’attitudes évangéliques et de qualités humaines particulières, participe au témoignage que l’Eglise veut rendre au Christ rédempteur de l’humanité.

2. Vous étiez célibataires, ou dans l’état du veuvage, ou parfois encore chargées de famille, ou même mamans ou soeurs de prêtres, lorsque vous avez été appelées à apporter votre aide à un prêtre ou à une équipe sacerdotale. Vous avez alors perçu que vous donniez votre vie à une grande cause: celle du sacerdoce catholique, indispensable à la visibilité et à la vitalité des communautés paroissiales. Mais comment tenir dans cette vocation de laïques chrétiennes sans entretenir en vous des convictions de foi sur l’identité du prêtre, sur sa mission de ministre du Christ agissant en son nom pour son Corps qui est l’Eglise, sur l’étendue de ses responsabilités de pasteur? Vous ne remercierez jamais assez le Seigneur de vous avoir fait la grâce de choix de servir le sacerdoce. C’est assurément dans des moments réservés chaque jour à la prière, et aussi dans vos récollections et retraites, qu’il faut approfondir cette belle vocation, véritable service d’Eglise.

3. Cette spiritualité de vénération profonde du sacerdoce s’incarne pour chacune de vous dans l’humble accomplissement de vos obligations quotidiennes. Soyez félicitées d’abord de bien tenir la demeure du prêtre, de le libérer des tâches matérielles qui absorberaient une partie de son temps si nécessaire au labeur apostolique et qui conviennent mieux à vos charismes de femmes. Oui, pour les prêtres responsables de paroisse ou de tout un secteur comme pour leurs fidèles, votre présence, votre accueil, vos services sont une source de bonheur humain et spirituel et ils donnent à la maison presbytérale un attrait et un rayonnement certains.

A ce rôle premier peut s’ajouter - et je le souhaite de tout coeur - une judicieuse collaboration, selon vos forces physiques et selon vos talents respectifs, aux activités qui font une paroisse vivante et rayonnante: l’enseignement catéchétique, l’animation de groupes de prière et de mouvements d’apostolat, la diffusion de la presse d’inspiration chrétienne, la visite des malades et des personnes isolées, la préparation des cérémonies liturgiques, etc. De nouveau, je félicite votre Mouvement d’avoir beaucoup fait pour donner aux auxiliaires du prêtre, non seulement un titre nouveau, mais un style de vie et un statut inspirés du décret conciliaire sur l’apostolat des laïcs.

- salutations en allemand, italien, polonais




Discours à des prêtres de Rome, 22 aprile 1982


Le 22 avril, le Pape a reçu en audience un groupe de prêtres du diocèse de Rome qui fêtaient leur 60e, 50e ou 25e anniversaire d'ordination sacerdotale, et il leur a adressé le discours suivant (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 23 avril. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


TRÈS CHERS PRÊTRES DE ROME,

1. Dans la circonstance significative du 60e, 50e et 25e anniversaire de votre ordination sacerdotale, vous avez vivement désiré une rencontre personnelle avec votre évêque.

Je suis très heureux de vous accueillir avec toute mon affection ! Tandis que je vous adresse ma salutation la plus cordiale, je vous exprime aussi ma reconnaissance pour votre geste de foi et de communion. Dans son ministère pastoral, tout évêque se sent comme soutenu par ses prêtres, il participe à leurs joies et à leurs sollicitudes. C'est pourquoi, moi aussi, je suis heureux de vivre avec vous cette date si importante, de m'unir à votre prière d'action de grâces, de vous adresser mes félicitations et mes voeux.

2. Votre présence est nécessairement source de réflexion. Vous représentez, en effet, trois générations de prêtres de ce siècle qui est le nôtre et qui est si mouvementé mais aussi si exaltant dans son histoire. Les plus anciens se souviennent encore des temps de Pie X et de la Première Guerre mondiale. Avec leurs confrères qui fêtent leurs cinquante ans de sacerdoce, ils ont parcouru un chemin difficile, à travers de vastes mutations et bouleversements politiques et sociaux, à travers les difficiles événements des conflits de guerre et des révolutions idéologiques. Avec ceux qui fêtent leurs vingt-cinq ans de sacerdoce, vous avez participé et vous prenez encore part aux différentes problématiques suscitées par les exigences de « renouveau » et de « dialogue » voulues par le Concile Vatican II. L'histoire du monde et l'histoire de l'Église sont passées à travers votre vie de prêtres et de ministres du Très-Haut.


Action de grâces

3. Le premier sentiment qui doit jaillir de votre coeur est un sentiment d'action de grâces envers le Seigneur qui vous a choisis, vous a consacrés, vous a éclairés et vous a gardés. Au milieu de tant de vicissitudes du monde, vous avez été les « médiateurs » entre Dieu et les hommes, au nom et surtout avec l'efficacité du Christ, le Rédempteur. Si, après tant d'années de service, vous devez dire avec une conviction toujours plus profonde : « Seigneur, je ne suis pas digne ! », en même temps, vous devez aussi jouir de cette joie intime à cause de votre sacerdoce et rendre grâce continuellement pour le don formidable et immérité que Dieu vous a fait. Ici se trouve votre grandeur, votre dignité, votre véritable richesse. « Grand mystère et grande dignité des prêtres, écrit l'Imitation de Jésus-Christ, à qui a été donné ce qui n'a pas été accordé aux anges. » (L. IV, C. V., 1). C'est seulement au ciel que nous pourrons comprendre quelle immense condescendance Dieu a eue pour nous en nous choisissant pour être ses uniques et authentiques ministres. Mais déjà dès maintenant, la méditation sur le mystère que nous portons doit nous servir d'encouragement, de défense, de joie et de confiance.


Ministres de l'Eucharistie

4. D'où l'intention que je vous laisse comme exhortation et comme souvenir : continuez à être des prêtres sérieux et engagés, convaincus que la mission essentielle du prêtre se trouve dans l'eucharistie En différentes occasions, le Concile Vatican II a insisté sur l'enseignement millénaire de l'Église au sujet de l'identité du prêtre. « Les prêtres, dit la constitution Lumen gentium, exercent surtout leur ministère sacré dans le culte eucharistique » (LG 28) et on lit dans le décret Presbyterorum ordinis : « Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c'est l'oeuvre de notre rédemption qui s'accomplit sans cesse. C'est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours » (PO 13). Faisant écho au Concile, j'ai moi-même écrit : « L'eucharistie est la raison d'être principale et centrale du sacrement du sacerdoce... Le prêtre accomplit sa mission principale et se manifeste dans toute sa plénitude en célébrant l'eucharistie. » (Dominicae cenae, 4 mars 1980.) Arrivés à cette étape, que votre plus belle résolution soit de continuer de faire de l'eucharistie le centre focal de votre vie, de la célébrer « dignement, avec attention et dévotion », en étant sûrs que c'est précisément à travers le renouvellement mystique du sacrifice de la Croix que se réalise la rédemption de l'homme et de l'histoire tout entière. L'Imitation de Jésus-Christ nous avertit : « Tu as été ordonné prêtre et tu as été consacré pour célébrer. Vois maintenant pour que tu offres fidèlement et avec dévotion un sacrifice en son temps à Dieu et que tu te montres d'une manière irréprochable. » (1 c. n. 2.)

5. Très chers prêtres,

Sainte Thérèse de Jésus, la grande maîtresse de l'esprit, dont nous célébrons le quatrième centenaire de la mort, termine ainsi son Château intérieur : « Plus que la grandeur des oeuvres, le Seigneur regarde l'amour avec lequel on les accomplit. Si nous faisons tout ce qui dépend de nous, il nous donnera la grâce de faire toujours plus jour après jour. » (Château intérieur, septième demeure, 7D 4,15.) C'est le souhait que, moi aussi, je formule pour vous tous : que jour après jour, vous puissiez faire toujours davantage, pour le bien de l'Église, pour le salut du monde, pour votre sanctification. Je vous recommande à la Très Sainte Vierge. Comme par les années passées, qu'elle continue à vous éclairer, à vous rendre heureux, à vous réconforter, à vous défendre, avec les saints apôtres Pierre et Paul de manière à être une consolation pour le diocèse et une source de nouvelles vocations.

Que vous accompagne aussi ma bénédiction apostolique que je vous donne avec une grande ferveur et que j'étends volontiers à toutes les personnes qui vous sont chères.



Le conflit entre l’Argentine et le Chili

Discours aux délégations des deux pays, 24 avril


Le Saint-Père a reçu dans la matinée du 24 avril les délégations que les gouvernements de l'Argentine et du Chili ont accréditées auprès du Saint-Siège pour la médiation du Pape à propos de la controverse sur la zone australe (1). Il a adressé aux chefs des deux délégations, les ambassadeurs Enrique Bernstein pour le Chili et Carlos Ortiz de Rozas pour l'Argentine, ainsi qu'à leurs membres, le discours suivant (2) :

(1) Cf. DC1979 : n° 1755, p. 4 ; 1757, p. 107 ; 1758, p.l94 ; 1774, p. 969. 1980 : n° 1793, pp. 898-899. 1981 : n° 1799, p. 21-23 ; 1799, p. 49 ; 1814, p. 817-818.
(2) Texte original espagnol dans l'Osservatore Romano du 24 avril. Traduction, sous-titres et notes de la DC.


Monsieur le Sous-Secrétaire, messieurs les Ambassadeurs et messieurs les Membres des distinguées délégations accréditées pour le développement des travaux de la médiation :

Les préoccupations quotidiennes, et particulièrement celles des dernières semaines, à propos du grave conflit entre l'une de vos nations et une autre grande nation, qui n'en est pas moins aimée, ne m'ont pas fait oublier l'engagement pris, il y a maintenant plus de trois ans, d'aider vos pays à trouver la solution du différend de la zone australe.

Sur ce conflit qui a tenu et qui continue à tenir les esprits en haleine devant la crainte d'un lamentable affrontement militaire, je me suis exprimé à plusieurs reprises et en public, au cours de ces vingt derniers jours, en manifestant le vif désir — que je renouvelle aujourd'hui — que l'on trouve, grâce à la bonne volonté des deux parties, une solution satisfaisante fondée sur la justice et le droit international, qui exclut le recours à la force.

Je ne veux pas maintenant m'attarder sur ce thème, bien que je continue à être inquiet et que je ne cesse de supplier le Seigneur : « Dona nobispacem », donne-nous et conserve- nous la paix.

J'en arrive maintenant, sans plus tarder, à l'objectif spécifique de notre réunion d'aujourd'hui.

Mesdames et messieurs,

Vous savez bien que depuis les premiers jours de mon pontificat j'ai eu la très vive préoccupation et le souci constant d'éviter que le différend entre vos deux pays ne dégénère en un conflit armé douloureux, mais aussi de trouver le moyen de résoudre définitivement cette controverse.

Nous rendons tous grâce à la Providence qui a permis que l'irréparable ne se soit pas accompli en ces mois brûlants de novembre et de décembre 1978. Vous vous rappelez, chers fils d'Argentine et du Chili, que j'ai alors fait miennes vos angoisses et que je n'ai pas épargné mes efforts pour apporter à vos deux nations toute l'aide possible. Depuis, en recevant la demande des deux gouvernements, accompagnée d'engagements concrets et exigeants, j'ai accepté la tâche de médiateur en vue de suggérer et de proposer une solution juste et équitable, et donc honorable, qui mette un terme définitif au différend.

L'action accomplie par le Saint-Siège

1. Il n'est pas nécessaire que je m'étende en de longues considérations sur le chemin laborieux parcouru ces trois dernières années devant ceux qui, comme vous, membres distingués des deux délégations, avez supporté le poids du travail obscur de chaque jour. Nous pensions et espérions tous parvenir à une fin heureuse beaucoup plus rapidement. Il n'en a pas été ainsi. Au contraire, pendant cette dure période, l'angoisse des deux peuples s'est maintenue et l'intérêt de l'opinion publique, y compris au niveau mondial, ne s'est pas ralenti. D'autre part, on a malheureusement pu parfois constater des faits qui ne sont pas totalement conformes à l'esprit des engagements pris quand on m'a demandé une médiation : des faits qui ont accru la préoccupation de tous et fait craindre un retour à une psychose d'affrontement.

Tout un ensemble de circonstances pousse maintenant à accélérer le pas et à multiplier les efforts pour que les affirmations de bonne volonté, sincères et répétées, de l'une et l'autre partie, se traduisent par des réalités concrètes et satisfaisantes. Je désire donc vous lancer aujourd'hui un appel chaleureux, affectueux et cordial : il est nécessaire que vous tiriez le meilleur parti possible du temps qui est à notre disposition ; il ne faut pas laisser passer davantage de jours sans tenter de profiter de toutes nos possibilités.

2. Durant ces trois années, les conversations ont été nombreuses avec l'instance chargée de la médiation : celle-ci m'a tenu étroitement au courant de cette affaire qui a toujours été pour moi l'objet d'un intérêt particulier. Vous connaissez mes interventions personnelles. Je vous rappelle simplement les plus significatives : mes rencontres avec vous en septembre 1979 et en novembre et décembre de l'année suivante.

À cette dernière occasion, le 12 décembre 1980, j'ai remis à Messieurs les ministres des Affaires étrangères de vos pays ma proposition, après avoir expliqué dans un discours public de résonance internationale — les critères qui l'inspiraient (3) :

— La volonté de promouvoir la paix.

— Le désir pressant de voir s'établir définitivement entre vos peuples les meilleures relations possibles, conformes à leur fraternité radicale et permanente.

— Le vif espoir de pouvoir montrer vos nations comme des exemples pour le monde entier sur ce problème particulier.

Tout cela m'a guidé lorsque — écoutant les voix autorisées des pays que vous représentez et qui me formulaient une telle demande — je me suis décidé à proposer un règlement honorable, qui pourrait avoir les caractéristiques d'une transaction entre les droits et les aspirations des Argentins et des Chiliens.

(3)Cf. DC 1981, n° 1799, p. 21-23.


Nouvelles propositions

Ayant présentes à l'esprit les « bonnes dispositions » dont vos gouvernements ont témoigné en sollicitant la médiation, « pour examiner les idées que le Saint-Siège pouvait exprimer » « sur tous les aspects controversés du problème de la zone australe, dans le but de contribuer à un règlement pacifique et acceptable pour les deux parties » (n° 10 du premier accord de Montevideo, c'est-à-dire de la demande de médiation), et me rappelant aussi la permanence du cadre prévu pour ladite médiation (n° 8 du même accord), il me paraît aujourd'hui opportun de vous faire part de quelques souhaits en relation avec la solution du différend qui continue d'avoir tant de conséquences sur la vie de vos nations.

a) En premier lieu, je vous propose de reprendre maintenant vos conversations conjointes et d'entrer dans la phase finale des travaux afin de parvenir, par un dialogue exhaustif et serein, à faire fructifier ma proposition de manière adéquate grâce à l'établissement d'un traité — naturellement acceptable pour les deux parties — qui développe le texte concret et complet de la proposition elle-même.

C'est pourquoi je souhaiterais que les gouvernements de vos deux nations, qui sont inséparablement unies par la nature et qui, comme je l'ai souligné en 1980, ne se sont jamais affrontées dans une guerre, veuillent bien vous fournir les instructions opportunes pour activer un dialogue profond et efficace entre vous dans ce but, aidés bien entendu par ceux que j'ai désignés pour vous assister.

La stipulation de ce traité de paix et d'amitié permanentes

— Devra être le couronnement de vos conversations ;

— Constituera la conclusion définitive d'une fâcheuse divergence en excluant aussi l'hypothèse de revendications futures ;

— Et scellera le début d'une collaboration vraiment étroite et féconde entre deux peuples frères.

Je crois que la considération de cette réalité, si désirable et si prometteuse, vous encouragera par elle-même à faire tout ce qui est possible pour surmonter les difficultés que vous pourrez rencontrer dorénavant, et vous persuadera qu'il vaut la peine d'accepter des sacrifices qui ne lèsent pas les intérêts fondamentaux, en renonçant même à des aspirations considérées en elles-mêmes comme légitimes.

Il s'agit d'un bien si précieux qu'il ne peut manquer d'inciter à accepter cette vision réaliste des choses, bien qu'elle revête des aspects douloureux, surtout s'ils sont examinés en dehors du contexte général du règlement proposé.

b) La proposition présentée à vos gouvernements offre un éventail de thèmes concrets dont le développement complet sera la récompense qui viendra couronner les efforts que vous devez accomplir. Il me semble cependant que vous seriez grandement encouragés si vous réalisiez, dès le départ, quelque chose qui viendrait confirmer la valeur de votre tâche.

Dans ce but, je considère qu'il serait très intéressant que vous tentiez de vous mettre d'accord, dès que possible, sur ce qui doit être le fondement solide de cette amitié féconde qui consacrera le traité final et qui, de plus, permettra d'éviter un « vacuum iuris » — un vide juridique — dans votre système particulier de règlement des controverses, lorsque prendra fin le traité signé en 1972. Je fais référence, comme vous pouvez le supposer, aux normes relatives au règlement pacifique d'éventuelles controverses, présentes et à venir.

Dans ce but, tout en rappelant le passé dans ce qu'il a eu d'utile et de positif, mais en laissant de côté les discussions stériles et les préjugés sur l'efficacité ou l'inefficacité des différents dispositifs expérimentés jusqu'à présent, je vous demande d'apporter une attention toute particulière — sans pour cela être exclusive — au développement du premier point spécifique de la proposition, c'est-à-dire la clause du traité final relative à l'établissement d'un système permettant le règlement pacifique des controverses dans tous les secteurs de vos relations mutuelles, accord qui exclurait donc explicitement le recours à la force ou la menace de l'usage de la force.

Je vous demande d'étudier le sujet et de présenter des formules visant à concilier vos points de vue respectifs comme le fera de son côté l'instance chargée de la médiation. Il s'agit d'un sujet fondamental, auquel j'attribue une importance prépondérante. Parvenir à une entente rapide sur ce point et être sûr qu'il n'y aura jamais, quelle qu'en soit la raison, d'affrontements violents entre vos deux pays, constituerait en outre une base des plus appropriées pour aborder, dans un climat de plus grande sérénité, d'autres questions plus compliquées ou plus complexes.

c) Pour ce qui est de ce climat, qui doit faciliter vos négociations, permettez-moi de vous renouveler l'appel que je vous ai lancé le 1er février de l'année dernière, par l'intermédiaire de mon représentant, sur l'observation du second accord de Montevideo. Je me référerai uniquement au dernier des trois engagements pris par vos gouvernements à cette occasion, engagement qui comporte l'abstention de mesures susceptibles d'altérer l'harmonie dans n'importe quel secteur des relations mutuelles. Il s'agit d'un engagement qui comporte des difficultés certaines en ce qui concerne la détermination de sa portée précise dans chaque secteur, surtout dans ceux qui sont les plus intimement liés au problème du différend austral. Je considère cependant qu'il s'agit d'un engagement fondamental. Observé de bonne foi, il devrait permettre d'éviter toute attitude hostile ou moins amicale d'une partie envers l'autre. Par ailleurs, au cas où une telle attitude se produirait, il devrait empêcher que celle-ci n'en vienne à constituer un incident.

Malheureusement, des épisodes désagréables se sont produits entre vos deux pays, y compris juste après mon dernier appel, auquel vos gouvernements avaient apporté une réponse pleine d'espérance. Les moyens de communication sociale eux-mêmes ont souligné les répercussions négatives de semblables épisodes. S'ils se répétaient à l'avenir, ils pourraient mettre en danger, non seulement le climat souhaitable pour les travaux, mais la poursuite elle-même de la médiation.

Il est certain qu'en acceptant cette médiation, je ne pouvais imaginer que ses travaux allaient se dérouler dans des circonstances défavorables. Je pensais alors que l'engagement auquel j'ai fait allusion plus haut, supposait la consolidation provisoire de certaines conditions favorables de vie et améliorerait même celles qui existaient au cours des négociations bilatérales des mois précédents, puisqu'il s'agissait d'un engagement assumé à la demande de mon envoyé. Ce dernier était convaincu en effet que cet engagement — que j'ai tellement mis en relief au moment d'accepter la médiation — suffisait à assurer les meilleures conditions générales de vie commune dans tous les secteurs et tous les domaines, jusqu'à ce qu'on parvienne au règlement définitif du différend.

Il est cependant apparu que des divergences existaient sur certains aspects très importants visant à assurer cette vie commune et éviter de tels épisodes. C'est pourquoi, faisant abstraction des points de vue maintenus par rapport aux normes de comportement agréées antérieurement à la demande de médiation, je demande maintenant à vos gouvernements — par votre intermédiaire — de réfléchir très sérieusement à ce problème et, dans le meilleur esprit de compréhension et de concorde, de s'efforcer de remplir et de faire remplir scrupuleusement cet engagement. Pour faciliter cette mission, permettez-moi de donner quelques indications qui, à mon avis, peuvent permettre d'éviter de nouveaux épisodes ou, du moins, de réduire leur portée, étant bien entendu que cela n'affectera pas, positivement ou négativement, les positions des parties, pas plus que cela ne créera des précédents auxquels on pourrait se référer en vue du règlement final du différend : de telles indications ont uniquement pour but d'améliorer et de garantir du mieux possible les conditions de convivence que je considère comme appropriées et nécessaires au bon développement des travaux de la médiation.

Appel aux deux gouvernements

À cette fin, il conviendra que vos gouvernements prennent conscience de la réalité du passé ainsi que des expériences qui ont rendu possible une bonne vie commune. En me référant tout particulièrement à la vie commune dans la zone australe, soumise à la médiation et par conséquent dépendant d'un accord complet et définitif sur tous les problèmes que comprend la médiation elle-même, je demande aux gouvernements de s'efforcer d'éviter les innovations affectant l'objet du différend (c'est-à-dire les questions territoriales, maritimes et aériennes et les zones comprises dans le domaine de la médiation : lesquelles, en vertu du principe « nihil innovetur », ne doivent pas subir de variations unilatérales). D'un point de vue général, il sera opportun que les deux gouvernements s'efforcent toujours de contrôler la gestion des faits susceptibles de donner lieu à des incidents : pour cela, qu'ils tentent d'éviter que ces faits ne soient amplifiés et qu'ils fassent en sorte que des autorités et des organismes subalternes ne se prononcent précipitamment sur ces mêmes faits — même s'ils relèvent de leur compétence respective — et qu'ils se limitent à en informer les autorités gouvernementales. Celles-ci, en fin de compte, sont les responsables de la gestion de tout ce qui peut être lié au développement de la médiation. De toute façon, il est à souhaiter que, si de tels faits se produisent, on les signale et les déplore en des termes qui n'aient pas de répercussions sur les bonnes relations entre les deux pays.

Je prie enfin les deux gouvernements eux-mêmes et, sur leur instruction, les autorités et les organismes subalternes de faire preuve de la plus grande prudence et de favoriser le sens d'autolimitation en ce qui concerne l'exercice ou la défense des droits légitimes, surtout dans la zone soumise à la médiation, dans le but de ne donner lieu à aucune sorte d'affrontement avec l'autre partie. En tout cela il est également entendu qu'une telle attitude ne suppose pas qu'on se désiste de ces droits ni ne crée de précédents.

3. J'ai dit à l'époque que le texte de la proposition supposait que les uns et les autres modèrent ou tempèrent leurs revendications propres, car il serait autrement impossible de parvenir à un accord. Il va de soi que ce critère s'applique aussi à tout ce qui précède.

Je vous invite donc, messieurs les Ambassadeurs et autres membres des deux délégations, à vous faire les interprètes de ces idées devant ceux qui vous ont accrédités pour cette noble mission et aussi à transmettre mon appel pressant et affectueux pour que, une fois reçues les instructions adéquates, vous puissiez travailler avec décision dans un climat de compréhension et de concorde.

Il serait des plus souhaitables que l'opinion publique de vos pays puisse avoir une présentation exacte des avantages que nous poursuivons et qu'elle perçoive aussi mon vif désir que les idées que je viens d'exposer veulent aider également les deux parties pour le meilleur déroulement de la médiation. C'est l'un des buts de mon appel d'aujourd'hui et je serais très heureux que mes paroles ne donnent pas lieu à des interprétations ou à des suppositions qui, parce qu'elles ne seraient pas conformes à ce désir d'aide sans discrimination, pourraient entraver la marche attentive et sereine des travaux que vous devez mener à bien.

Ayez présents à l'esprit les espoirs que vos peuples nourrissent depuis le 8 janvier 1979, quand ils ont reçu avec enthousiasme la nouvelle d'une grande promesse de paix entre le Chili et l'Argentine. Nous ne pouvons les décevoir. Vous êtes conscients de l'importance des prochains mois. D'où mon invitation à la plus grande sollicitude possible, laquelle correspond — j'en suis sûr — à votre commun désir de mettre rapidement un point final à tant de peines et d'efforts.

Soyez sûrs que j'ai confié à Dieu, auteur de tout bien, votre programme de travail ainsi que chacun d'entre vous, afin qu'il éclaire votre activité personnelle, lui qui est la lumière de toute lumière.

Ma cordiale bénédiction accompagne ce souvenir dans la prière.





AUX MEMBRES DE LA FONDATION INTERNATIONALE «NOVA SPES»

Lundi, 26 avril 1982

Le 26 avril, le Pape a reçu en audience des membres de la Fondation « Nova spes » qui a été créée, il y a quelques années, par le cardinal Koenig, archevêque de Vienne, pour que les intellectuels apportent leur contribution spécifique à l'avènement d'une société nouvelle, et il leur a adressé le discours suivant (1) :

(1) Texte français dans l'Osservatore Romano des 26-27 avril.


Mesdames, Messieurs,

1. Je suis heureux de recevoir à nouveau votre groupe, qui porte pratiquement la responsabilité de la Fondation internationale “Nova Spes”, et de recueillir de vous les conclusions de la réunion que vous venez de tenir à Rome. A trois reprises déjà, j’avais eu l’occasion de m’entretenir avec les responsables qui savent bien l’estime que je nourris pour cette initiative et les espoirs que je place en elle.

Vous êtes à la recherche d’un nouvel humanisme. Certes, les analyses de la situation contemporaine ne manquent pas, au plan sociologique, économique, politique, philosophique et moral. Tout le mond parle de “crise”. On essaie, avec bonne volonté, de scruter les injustices, de redéfinir les droits de chacun, en général les droits à “l’avoir”. Mais cela ne fait souvent que déplacer les problèmes, en demeurant dans le même horizon d’un progrès quantitatif, comme si on colmatait les brèches d’un mur, alors que ce sont les fondements qui sont en cause.

2. Si l’on veut un humanisme authentique, plénier, concret, il faut en venir à une anthropologie plus profonde et plus globale, qui considère l’homme comme un sujet personnel, transcendant son existence et opérant lui-même la synthèse de toutes les dimensions de son être, sans les isoler les unes des autres, sans les laisser se développer au détriment des autres. Car l’homme est simultanément un être qui a besoin d’accroître ses connaissances scientifiques, de répondre à l’appel et aux exigences de l’absolu par la foi, la prière et la conduite morale, de communiquer avec les autres dans un dialogue interpersonnel, de travailler et de transformer l’univers pour répondre à ses besoins et à ceux d’autrui. C’est de l’unité de toutes ces dimensions, de leur intégralité, que dépend le salut de l’homme, le remède à ses maux. N’a-t-on pas en effet trop privilégié l’“avoir” aux dépens de la valeur qualitative de l’“être”, trop identifié l’homme au possesseur des choses, et pratiquement réduit l’homme à se situer lui-même et à situer ses semblables dans le monde des choses, avec la volonté de puissance, la peur, la lutte des classes qui en découlent? Même au plan de la science et de l’histoire, l’homme a tendance à se considérer comme un résultat, le résultat de son propre processus évolutif ou des mécanismes de la vie sociale, comme dépossédé de sa subjectivité, alors qu’il est créature de Dieu, libre pour réaliser l’unité de son être, pour promouvoir les valeurs humaines fondamentales. Il s’agit de recomposer éthiquement la personnalité de chacun et de la communauté.

3. Cette vision anthropologique pourrait apparaître un idéal théorique abstrait, sans prise réelle sur l’évolution de la société et ses institutions; en réalité - et c’est votre responsabilité d’en apporter la démonstration convaincante - elle touche profondément la façon d’aborder tous les problèmes humains, parmi lesquels vous signalez les rapports entre les hommes, le dialogue entre les cultures, l’habitat et l’environnement de l’homme, son travail, les moyens de communication sociale... C’est sous cet angle personnaliste que je me suis efforcé moi-même de traiter, entre autres, de l’amour humain, du travail humain. Oui, votre initiative peut représenter un nouvel espoir, “nova spes”, puisqu’elle comporte le projet de développement qualitatif de l’homme, dans le sens originaire de son être, dans son intégralité, dans le dynamisme de son existence.

4. Le problème est de trouver comment faire passer cet espoir dans la réalité; comment susciter, pour cette anthropologie et ses applications éthiques, l’adhésion du monde culturel, de l’opinion publique, de ceux qui ont des responsabilités; comment finalement faire que la vie des personnes et des communautés, leurs choix, leurs décisions en soient marqués. C’est précisément la deuxième phase, la phase opérationnelle, qu’aborde aujuourd’hui la Fondation “Nova Spes”. Puisqu’il s’agit de recomposer l’unité de l’homme dont le propre est de penser, de croire, de communiquer et de travailler, il est bon, comme vous le projetez, d’inviter à une réflexion commune et à une collaboration des spécialistes des sciences, de la religion, du monde des communications sociales et de l’économie, afin de promouvoir une “alliance” qui fait actuellement défaut. Toute une série de problèmes éthiques fondamentaux et de droits humains pourront alors faire l’objet de vos débats, de vos résolutions et de votre témoignage. Il vous revient de faire mûrir vos généreux projet, dans un langage qui parle à nos contemporains, et de mettre au point une stratégie adéguate, en trouvant notamment les moyens concrets et les relais efficaces au plan national et international.

Pour ma part, je vous redis tous mes encouragements. Je prie l’Esprit Saint de vous donner ses dons de lumière et de force, pour poursuivre cette entreprise à la fois humaine et chrétienne, et de tout coeur je vous bénis, avec ceux qui collaboreront avec vous.





Discours 1982 - aux prêtres, religieux et religieuses de Bologne, 18 avril 1982