Discours 1980 - Paris (France), Lundi 2 juin 1980

AU DÉPART DE PARIS

Lundi, 2 juin 1980




Mon voyage touche à sa fin, pour ce qui est de la capitale. Je suis très heureux de tous les contacts dont il m’a permis de bénéficier; je commence à avoir l’habitude de programmes chargés, mais je crois que, cette fois-ci, on ne pouvait pas faire beaucoup plus! J’ai apprécié les occasions qui m’ont été offertes d’exprimer ce que me dictent mes responsabilités. J’ai aussi “enregistré” beaucoup de témoignages; ce que j’ai vu et entendu sera pour moi matière à d’autres réflexions et surtout l’objet de prière. C’est une riche expérience!

Mais c’est à vous, journalistes, qu’il est revenu de rapporter les faits, de décrire les choses, de mettre en relief l’essentiel, disons de témoigner en toute vérité de l’événement et d’en faire saisir le véritable enjeu. J’espère que c’est ce que vous avez fait. C’est ce qui fait l’honneur de votre fonction et ses contraintes, dont j’ai souvent eu l’occasion de parler. Aujourd’hui, je voulais seulement vous remercier, et remercier avec vous tous les agents de communications sociales, de la presse, de la radio, de la télévision. En France, votre compétence et votre équipement vous permettent des réalisations techniquement très soignées. Vous avez un public exigeant! Je vous offre tous mes voeux, avec ma gratitude.

Je dois aussi dire un très grand merci à tous les membres de la police, en confiant à ceux qui la représentent ici de s’en faire l’interprète auprès de leurs collègues. Il vous revenait, non pas seulement de veiller sur moi, mais d’assurer le bon ordre des foules innombrables, surtout hier au Bourget, et je suis très conscient du surcroît de travail qui vous a été demandé à cette occasion. Je m’excuse auprès de vous et de vos familles. Ce fut votre honneur d’assurer la meilleure hospitalité au Pape et de servir en même temps le peuple français dans son désir de participer à ces rassemblements, car c’est bien le peuple français qui l’a spontanément voulu. Sans prolonger, je voudrais que vous sachiez que j’apprécie votre service public souvent trop peu reconnu. Voici quelques mois, j’ai eu l’occasion de le dire à Rome à un groupe de policiers français, pèlerins de “Police et humanisme”. Tels sont bien les sentiments que j’ai toujours envers vos personnes et envers votre fonction.

Mais beaucoup d’autres personnes ont dû travailler intensément depuis plusieurs semaines pour ce voyage, pour prévoir les détails avec la précision française. Outre celles de la Nonciature que j’ai déjà remerciées, je pense à celles du Secrétariat de l’épiscopat et de tous les services qui ont collaboré avec ce Secrétariat pour coordonner l’ensemble. Je ne voudrais oublier aucun de ceux qui se sont dévoués discrètement, au-delà du travail ordinaire, pour faire face à l’événement. Je prie le Seigneur de récompenser tout ce que vous avez fait pour son Serviteur et pour vos frères, et de tout coeur je bénis vos familles et ceux qui vous sont chers.



  AUX SOEURS CONTEMPLATIVES DU CARMEL DE LISIEUX

Lundi, 2 juin 1980



Mes chères Soeurs,

1. Paix et joie dans le Christ Jésus! A vous qui entourez : l’humble successeur de l’Apôtre Pierre!

Et, à travers vous, à toutes les moniales qui vivent sur la terre de France!

Je dois dire d’abord ma profonde émotion de pouvoir prier près de la châsse qui contient les restes de sainte Thérèse. J’ai déjà exprimé longuement mon action de grâce et mon attachement pour la “voie spirituelle” qu’elle a adoptée et offerte à toute l’Église. J’éprouve maintenant une grande joie à visiter ce Carmel qui a été le cadre de sa vie et de sa mort, de sa sanctification, au milieu de ses Soeurs, et qui doit demeurer un haut lieu de prière et de sanctification pour les carmélites et pour tous les pèlerins. C’est de là que Je voudrais vous affermir toutes, quelle que soit votre famille spirituelle, dans votre vie contemplative, absolument vitale pour l’Église et pour l’humanité.

2. Tout en aimant profondément notre époque, il faut bien reconnaître que la pensée moderne enferme facilement dans le subjectivisme tout ce qui concerne les religions, la foi des croyants, les sentiments religieux. Et cette vision n’épargne pas la vie monastique. A tel point que l’opinion publique, et hélas! Parfois quelques chrétiens plus sensibles au seul engagement concret, sont tentés de considérer votre vie contemplative comme une évasion du réel, une activité anachronique et même inutile. Cette incompréhension peut vous faire souffrir, vous humilier même. Je vous dirai comme le Christ: “Ne craignez pas, petit troupeau” [1]. D’ailleurs un certain renouveau monastique, qui se manifeste à travers votre pays, doit vous maintenir dans l’espérance.

Mais j’ajoute également: relevez le défi du monde contemporain et du monde de toujours, en vivant plus radicalement que jamais le mystère même de votre condition tout à fait originale, qui est folie aux yeux du monde et sagesse dans l’Esprit Saint: l’amour exclusif du Seigneur et de tous vos frères humains en Lui. Ne cherchez même pas à vous justifier! Tout amour, dès lors qu’il est authentique, pur et désintéressé, porte en lui-même sa justification.

Aimer de façon gratuite est un droit inaliénable de la personne, même - et il faudrait dire surtout - lorsque l’Aimé est Dieu lui-même. A la suite des contemplatifs et des mystiques de tous les temps, continuez d’attester avec force et humilité la dimension transcendante de le personne humaine, créée à la ressemblance de Dieu et appelée à une vie d’intimité avec Lui.

Saint Augustin, au terme de méditations faites autant avec son coeur qu’avec son intelligence pénétrante, nous assure que la béatitude de l’homme est là: dans la contemplation amoureuse de Dieu! C’est pourquoi la qualité de votre appartenance d’amour au Seigneur, aussi bien au plan personnel qu’au plan communautaire, est d’une extrême importance. La densité et le rayonnement de votre vie “cachée en Dieu” doivent poser question aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui, doivent poser question aux jeunes qui cherchent si souvent le sens de la vie.

En vous rencontrant ou en vous voyant, il faudrait que tout visiteur, hôte ou retraitant de vos monastères puisse dire ou du moins sentir qu’il a rencontré Dieu, qu’il a connu une épiphanie du Mystère de Dieu qui est Lumière et Amour! Les temps que nous vivons ont besoin de témoins autant que d’apologistes! Soyez, pour votre part, ces témoins très humbles et toujours transparents!

3. Laissez-moi encore vous assurer - au nom de la tradition constante de l’Église - que non seulement votre vie peut annoncer l’Absolu de Dieu, mais qu’elle possède un merveilleux et mystérieux pouvoir de fécondité spirituelle [2]. Pourquoi? Parce que votre oblation d’amour est intégrée par le Christ lui-même à son oeuvre de Rédemption universelle, un peu comme les vagues se fondent dans les profondeurs de l’océan. En vous voyant, je pense à la Mère du Christ, je pense aux saintes femmes de l’Évangile, debout au pied de la croix du Seigneur et communiant à sa mort salvatrice, mais également messagères de sa résurrection. Vous avez choisi de vivre, ou plutôt le Christ vous a choisies pour vivre avec lui son Mystère pascal à travers le temps et l’espace. Tout ce que vous êtes, tout ce que vous faites chaque jour, qu’il s’agisse de l’office psalmodié ou chanté, de la célébration de l’Eucharistie, des travaux en cellule ou en équipes fraternelles, du respect de la clôture et du silence, des mortifications choisies ou imposées par la règle, tout est assumé, sanctifié, utilisé par le Christ pour la Rédemption du monde. Pour que vous n’ayez aucun doute à ce sujet, l’Église - au nom même du Christ - a pris un jour possession de toutes vos puissances de vivre et d’aimer. C’était votre profession monastique. Renouvelez-la souvent! Et, à l’exemple des saints, consacrez-vous, immolez-vous toujours davantage, sans même chercher à savoir comment Dieu utilise votre collaboration. Alors qu’à la base de toute action, il y a un but et donc une limitation, une finitude, la gratuité de votre amour est à l’origine de la fécondité contemplative. Une comparaison très moderne me vient à l’esprit: vous embrasez le monde du feu de la vérité et de l’amour révélés, un peu comme les maîtres de l’atome allument les fusées spatiales: à distance.

4. Je voudrais enfin ajouter deux encouragements qui me semblent opportuns. Le premier concerne la fidélité au charisme de vos fondatrices ou fondateurs. La bonne fraternité et la coopération qui existent davantage qu’autrefois entre les monastères ne doivent pas conduire à un certain nivellement des instituts contemplatifs. Que chaque famille spirituelle veille bien à son identité particulière en vue du bien de l’Église entière. Ce qui se fait dans un endroit n’est pas nécessairement à imiter ailleurs.

Mon second encouragement est le suivant. Dans une civilisation de plus en plus mobile, sonore et parlante, les zones de silence et de repos deviennent une nécessité vitale. Les monastères - dans leur style original - ont donc plus que jamais la vocation de demeurer des lieux de paix et d’intériorité. Ne laissez pas les pressions internes ou externes porter atteinte à vos traditions et à vos moyens de recueillement. Efforcez-vous plutôt d’éduquer vos hôtes et vos retraitants à la vertu du silence. Vous savez certainement que j’ai eu l’occasion de rappeler aux participants à la session plénière de la Congrégation pour les Religieux, le 7 mars dernier, l’observance rigoureuse de la clôture monastique. Je faisais mémoire à ce sujet des paroles très fortes de mon prédécesseur Paul VI: “La clôture n’isole pas les âmes contemplatives de la communion du Corps mystique. Bien plus, elle les met au coeur de l’Église”. Aimez votre séparation du monde, tout à fait comparable au désert biblique. Paradoxalement, ce désert n’est pas le vide. C’est là que le Seigneur parle à votre coeur et vous associe étroitement à son oeuvre de salut.

Telles sont les convictions que je tenais à vous confier très simplement, mes chères Soeurs. Vous en ferez le meilleur usage, j’en suis persuadé. Vous priez beaucoup pour la fécondité de mon ministère. Soyez très vivement remerciées! Sachez bien que le Pape rejoint aussi et très souvent, par le coeur et la prière, les monastères de France et du monde entier. Je souhaite et je demande au Seigneur, par l’intercession de la sainte Carmélite de Lisieux, que des vocations solides et nombreuses viennent augmenter et renouveler vos diverses communautés contemplatives. Je vous bénis de tout coeur, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

 [1] Cfr. (Lc 12,22).
 [2] Cfr. (Perfectae Caritatis PC 7).






À LA PRÉSIDENCE DES SUPÉRIEURES MAJEURES ET AU COMITÉ PERMANENTE DES RELIGIEUX DU CARMEL DE LISIEUX

Lisieux (France) Lundi, 2 juin 1980




Les entretiens qu’il m’a été donné d’avoir, samedi à Paris, avec les religieuses engagées dans les tâches d’évangélisation, et tout à l’heure en ce Carmel, avec un groupe important de contemplatives, étaient dans ma pensée destinés à tous les moines et toutes les moniales, à tous les religieux et à toutes les religieuses de France, qui consument leur vie consacrée au Christ, dans le service ecclésial de la prière ou de l’apostolat.

A vous, chers Frères et Soeurs, qui avez été choisis pour porter la responsabilité de vos Instituts, je veux adresser un encouragement spécial et important.

Le Concile a très heureusement rappelé que toute autorité dans l’Église était un service et devait être vécue dans l’esprit même du Seigneur Jésus [1]. Cette norme évangélique et impérative ne saurait vous faire abdiquer vos responsabilités propres. La formule “tous responsables”, qui a connu un grand succès depuis une bonne décennie, est valable en un certain sens seulement. Vous êtes gravement responsables en dernier lieu de l’esprit religieux de vos sujets, de leur rendement apostolique, de la fidélité de vos Instituts à leur idéal spécifique et de la qualité de leur témoignage dans l’Église et le monde d’aujourd’hui.

Je sais d’autre part tout le travail de recherches et d’expériences que vos Congrégations ont accompli depuis le Concile. Le bilan comporte d’heureuses orientations. Veillez bien à ce que la vie religieuse soit une “épiphanie” du Christ. Le monde moderne a besoin de signes. La nuit privée d’étoiles est source d’angoisse. En un mot, accréditez partout dans vos familles religieuses que le temps de la mise en oeuvre, calme et persévérante, des constitutions révisées et approuvées, est arrivé. Chers Frères et Soeurs, je fais confiance à votre sagesse et à votre courage. J’invoque sur vous-mêmes et sur vos Instituts, les plus abondantes Bénédictions du Seigneur.

 [1] Cfr. (Lc 22,27).

 

AU DÉPART DE LA FRANCE

Deauville, Lundi 2 juin 1980



Monsieur le Premier Ministre,

Le moment est venu, déjà, de quitter la France, au terme d’une visite qui restera pour moi inoubliable, à tout point de vue. Je ne sais quel souvenir sera le plus marquant. Chaque cérémonie, chaque rencontre portait son caractère propre et fut chargée d’intensité, dans les cercles les plus restreints comme dans la chaleur des foules. Peut-être est-ce finalement le sentiment d’avoir pu rejoindre l’âme de la France et du Peuple Français, que j’emporterai avec moi tel un bien particulièrement précieux.

Ce fut un accueil tout à fait exceptionnel, digne de l’hospitalité de la France. Je veux ici, une dernière fois, exprimer ma gratitude aux hommes et aux femmes de ce pays, aux familles, aux travailleurs, aux jeunes, à tous sans aucune exception, et je le fais du fond du coeur. Je remercie à un titre spécial les Autorités civiles qui ont collaboré avec tant de bienveillance à la réalisation du programme, et d’abord Son Excellence Monsieur le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement.

A mes Frères et Fils de l’Église catholique, évêques, prêtres, religieux, religieuses, laïcs, je laisse en les quittant le don qui nous a été fait d’une communion plus forte, au service de notre mission d’annoncer l’Évangile. Cette mission, nous allons la reprendre avec une énergie nouvelle, à la mesure de ta tâche. Dieu soit loué de nous permettre de lui rendre ainsi témoignage!

Adieu, cher Peuple de France, ou plutôt au revoir. Je t’offre mes souhaits les plus fervents et je te bénis au nom du Seigneur.

 


À STEFHANOS STATHATOS AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

12 juin 1980




Monsieur l’Ambassadeur,

1. C’est avec une grande joie que j’accueille Votre Excellence, qui présente ses lettres de créance en tant que premier Ambassadeur de la République Hellénique près le Saint-Siège, et je ne puis m’empêcher de souligner ce matin le caractère exceptionnel de cet événement. Vous êtes établi, en effet, auprès du Siège Apostolique, comme premier représentant officiel du peuple et du Gouvernement de Grèce, de la nation qui est comme le dépositaire premier et naturel de la civilisation qui, parmi les plus élevées des civilisations apparues dans l’histoire, a si profondément influencé la pensée, l’art et le devenir de l’humanité.

La civilisation grecque, en effet, a exprimé une conception sublime de l’homme, de sa capacité de pénétrer les mystères de la nature, mais, par-dessus tout, de se “connaître lui-même”; selon cette conception, l’homme respecte et observe, non seulement les lois écrites, mais surtout les “lois non écrites” et pose comme règle morale “de se tourner vers la sagesse” et “d’agir avec la plus haute vertu ou perfection”. C’est par là qu’il est capable d’atteindre, “grâce à ce qu’il y a de divin en nous”, comme le dit Platon, la connaissance de l’être suprême et le sens religieux de la vie. Saint Paul, arrivant dans votre pays, pouvait commencer son discours à l’Aréopage en disant: “Athéniens, je vois que vous êtes à tous points de vue les plus religieux des hommes” [1].

L’enracinement du christianisme dans la civilisation grecque et hellénistique ne pouvait qu’être heureux et fructueux. La langue grecque a été jusqu’à “incarner” la Parole de Dieu du Nouveau Testament et elle a été employée par d’innombrables Pères de l’Eglise et écrivains ecclésiastiques pour mettre en lumière et approfondir la richesse du message chrétien, au plan de la théologie et de la spiritualité.

Ce rappel du patrimoine religieux et humaniste de la Grèce antique ne nous fait pas oublier la part active que la Grèce moderne a prise, depuis qu’elle a retrouvé son indépendance, et continue d’avoir dans le concert des nations. Actuellement, la Grèce se distingue, en même temps que par ses efforts en vue de la modernisation et du développement du pays, par son ouverture aux pays de diverses tendances et par son adhésion au processus de l’unité européenne. Ces perspectives font présager l’influence bénéfique que pourra en retirer la communauté internationale et les peuples qui y sont plus directement intéressés. Dans ce contexte, je voudrais renouveler le souhait, que le Saint-Siège a formulé en d’autres occasions, pour une solution rapide et juste du douloureux problème de la République de Chypre, auquel, à bon droit, la Grèce accorde tant d’importance.

2. L’Eglise de Rome a regardé et regarde avec attention et respect, comme vous pouvez facilement l’imaginer, le patrimoine que l’hellénisme représente à ses différentes époques: antique, byzantine et moderne. Elle sait qu’elle lui est redevable des richesses qu’elle en a reçues et elle formule la vive espérance que les rapports diplomatiques récemment établis marqueront un progrès décisif dans la collaboration et l’entente entre le Saint-Siège et la Grèce, au service de la diffusion des valeurs les plus hautes de l’humanisme et pour le progrès de la paix entre les peuples.

3. Cette action commune devra être accompagnée d’une compréhension plus large et plus profonde et de l’amitié entre le Siège de Rome et l’Eglise grecque-orthodoxe. Votre Excellence sait combien le dialogue entre le catholicisme et l’orthodoxie, en s’efforçant d’oublier les douloureuses incompréhensions du passé, se noue aujourd’hui de façon toujours plus serrée, et la récente réunion de Pathmos et de Rhodes n’en est qu’une nouvelle manifestation tangible. Je suis convaincu aussi que l’échange de représentants officiels entre le Saint-Siège et la Grèce pourra contribuer à rendre plus ouverts et plus cordiaux ces contacts oecuméniques entre catholiques et grecs-orthodoxes.

4. En Grèce, vous ne l’ignorez pas, les catholiques sont loyalement attachés à leur patrie et désirent, sans rechercher aucun privilège, exercer librement leurs activités, au plan religieux comme au plan social et personnel, pour le plus grand bien de la nation Je ne puis que me réjouir de la bonne réputation dont ils jouissent et souhaiter que leur action soit toujours plus profonde et plus fructueuse pour tous leurs compatriotes, sans aucune distinction.

5. Monsieur l’Ambassadeur, je désire vous remercier pour les paroles d’estime et d’amitié et les voeux que vous m’avez exprimés au nom du Président de la République et de la Nation grecque. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir transmettre mon salut déférent à Son Excellence Monsieur Constantin Caramanlis, qui jouit d’une grande considération dans le domaine international et qui vient de se voir confier les plus hautes fonctions nationales par les représentants du peuple grec.

Je souhaite à Votre Excellence de pouvoir accomplir heureusement la mission que son Gouvernement lui a confiée, et je puis dès maintenant L’assurer de la compréhension et de la.collaboration que les divers dicastères du Saint-Siège Lui offriront dans ce but.

Au noble peuple de Grèce et à ses dirigeants, je souhaite, en priant le Seigneur à cette intention, la prospérité et le progrès, ainsi qu’un rayonnement toujours plus étendu dans le monde, et le don divin de la paix.

 [1] (Ac 17,22).






  AUX ÉVÊQUES DU VIETNAM EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Mardi, 17 juin 1980




Aujourd'hui, c’est pour moi un jour de grande joie. Je suis en effet profondément heureux de pouvoir accueillir dans cette demeure un groupe important d’Évêques du Vietnam. Vous provenez principalement du nord de votre pays, mais aussi du centre et du sud. Au cher et zélé Cardinal Joseph-Marie Trinh van-Can, Archevêque de Hanoï, à Mgr Philippe Nguyen-Kim-Dien, le vaillant Archevêque de Hué, et à vous tous, Pasteurs du peuple chrétien qui est au Vietnam, je souhaite la bienvenue la plus fraternelle et la plus affectueuse. Il y a bien longtemps qu’un aussi grand nombre d’Évêques était venu apporter le témoignage de la fidélité et de l’attachement des catholiques du Vietnam au Successeur de Pierre. Certains d’entre vous accomplissent leur première visite à Rome, et, pour beaucoup, c’est la première rencontre avec celui dont la charge n’est pas tant “de présider que de servir” [1].

J’aurais beaucoup de choses à vous dire en cette occasion si importante de la visite “ad limina Apostolorum”. Vous venez vénérer les tombes des Apôtres Pierre et Paul qui ont confessé ici la foi jusqu’au martyre. Vous venez visiter le Successeur de Pierre aujourd’hui. Vous venez voir Pierre.

De la sorte vous vous inscrivez à votre tour dans une démarche qui remonte aux origines de l’Église. C’est l’Apôtre Paul qui le premier fit le voyage pour rencontrer Pierre: “Je suis monté à Jérusalem pour rendre visite à Céphas et je suis resté quinze jours auprès de lui” [2]. C’est dans cet esprit que les chrétiens et leurs Pasteurs accomplissent le pèlerinage à Rome pour “voir Pierre”.

Vous venez voir Pierre parce qu’il est avant tout le témoin et le gardien de la foi apostolique. C’est parce qu’il a confessé la foi en Jésus, Messie, Fils du Dieu vivant, qu’il a pu s’entendre dire de Jésus lui-même: “Tu es Pierre, et sur cette Pierre, je bâtirai mon Église” [3]. Mais Pierre affermit aussi la foi de ses frères dans le Christ: “J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. Et toi, affermis tes frères” [4].

Tel est le ministère de service et d’autorité qui est celui de Pierre et qui vous affermit aujourd’hui dans la charge que vous avez reçue du Seigneur. Car les Évêques sont les Docteurs de la foi. “Par l’Esprit Saint qui leur a été donné, les Évêques ont été constitués vrais et authentiques maîtres de la Foi, Pontifes et Pasteurs” [5]. Voilà votre mission première. Vous la remplirez en annonçant le mieux possible aux hommes l’Évangile du Christ.

Pour ce faire, il est nécessaire que l’Évêque visite régulièrement ses diocésains, au service de la foi.

Vous affermissez ainsi dans la foi ceux qui sont confiés à votre sollicitude pastorale.

Avec tous les Évêques, vous avez pu vous réunir dans les mois qui ont précédé cette visite, par provinces ecclésiastiques, puis tous ensemble en Conférence épiscopale du pays. Ainsi vous avez pu prier ensemble, vous avez échangé vos expériences pastorales, vous avez préparé cette rencontre. Les réunions d’Évêques sont le signe de la collégialité justement mise en valeur par le Concile Vatican II, et une façon concrète de l’exercer. Je souhaite très vivement que ces assemblées puissent se tenir régulièrement.

Ma pensée se tourne vers vos prêtres, “vos auxiliaires et vos conseillers” [6]. Ils doivent occuper une place de choix dans votre coeur. Le Seigneur seul connaît leurs difficultés et leurs mérites. Ils sont pauvres et travaillent dans des conditions parfois précaires. Qu’ils bénéficient toujours davantage de l’affection des communautés chrétiennes et qu’ils rencontrent la compréhension et l’estime de tous! Soyez auprès d’eux l’interprète de mes plus vifs encouragements.

Mais les prêtres sont peu nombreux et souvent âgés. La relève des ouvriers pour la moisson est indispensable, elle est urgente. L’action de l’Église en dépend. Les communautés catholiques du Vietnam ont donné tant de preuves de courage, de générosité et de fidélité hors pair au Christ et à son Église qu’elles ont suscité et suscitent toujours l’admiration du monde entier; cela souligne davantage encore le droit qu’elles ont, comme l’exige d’ailleurs fondamentalement la liberté religieuse, d’avoir leurs prêtres, tous les prêtres qui sont nécessaires pour entretenir leur foi et les faire bénéficier des actes de leur ministère sacerdotal indispensables à leur vie chrétienne, selon les exigences de leur conscience.

Il faut donc que les candidats - qui, eux, sont nombreux - puissent recevoir la formation intellectuelle et spirituelle dans des séminaires tels que l’entend l’Église. En ce sens je me réjouis de la bonne nouvelle que vous m’apportez de la réouverture du Séminaire de Hanoï. Je souhaite encore que les prêtres soient toujours consacrés à leur ministère spirituel, sans mêler à leur propre mission religieuse des initiatives en d’autres domaines, qui sont étrangères à l’Église. Leur zèle religieux, leur esprit de sacrifice au service des communautés ecclésiales, ne constituent-ils pas déjà précisément une contribution au bien de leur propre pays?

Votre peuple a vécu de longues années de guerres et de dévastations. Il connaît encore beaucoup de difficultés. Les catholiques du Vietnam ont a coeur, je le sais, de prendre leur part à la tâche de reconstruction. Il n’est pas besoin de rappeler l’attention et la sollicitude constantes que le Saint-Siège y porte. Les Organisations catholiques de différents pays continueront également à l’avenir de prêter un généreux concours, aussi bien pour remédier aux calamités que pour aider à l’oeuvre de développement économique et social qui est entreprise.

Je saisis cette occasion privilégiée pour dire que j’ai apprécié le fait que les Autorités de votre pays aient favorisé la réalisation de votre visite. Lorsque l’occasion se présente, je suis toujours heureux, ainsi que mes collaborateurs, d’avoir avec elles des contacts qui ne peuvent qu’être utiles au bien du Vietnam et également à celui de toute l’Église.

En prenant possession l’an dernier de son titre cardinalice, votre cher Cardinal disait que l’Église qui est au Vietnam a toujours trouvé en Marie “la main puissante d’une mère”. Je confie à sa protection votre mission ecclésiale et celle de tous les chrétiens de votre pays. Au retour de mon pèlerinage à Lisieux, qu’il me soit permis d’invoquer aussi la petite carmélite, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, que bien des liens unissent au Vietnam. Son Carmel est à l’origine de la vie carmélitaine chez vous et, si sa santé le lui avait permis, elle aurait volontiers rejoint votre pays. Que les cent dix-sept bienheureux Martyrs vietnamiens, qui illustrent la fidélité intrépide de votre peuple dans la foi, vous accompagnent sur les chemins parfois difficiles qui sont les vôtres!

Au terme de cette rencontre, j’adresse à tous ceux dont vous avez la charge pastorale, prêtres, religieux et religieuses, catéchistes, parente, adolescente et enfants, avec mes souhaits chaleureux de courage, de joie et de paix dans le Christ, ma paternelle Bénédiction Apostolique.

 [1] S. Leonis Magni Sermo 5, 5: SC 200.
 [2] (Ga 1,18).
 [3] (Mt 16,18).
 [4] (Lc 22,32).
 [5] (Christus Dominus CD 2).
 [6] (Presbyterorum Ordinis PO 7).



AUX REPRÉSENTANTS DES FÉDÉRATIONS EUROPÉENNES DE FOOTBALL

Vendredi, 20 juin 1980



Monsieur le Président,

Je vous remercie vivement des paroles aimables que vous venez de m’adresser et je suis heureux de saluer en retour, en même temps que le Président de la Fédération internationale de football, les Représentants des Fédérations européennes, réunis à Rome pour leur Congrès à l’occasion de cette phase finale du championnat d’Europe qui se déroule actuellement en Italie. A tous, Mesdames et Messieurs, je souhaite la plus cordiale bienvenue.

Le football, dont vous organisez les grandes compétitions et contribuez à sélectionner les joueurs, donne chaque semaine, et cela dans presque tous les pays, l’occasion de rassemblements massifs, où tant de familles, de jeunes - et de moins jeunes! - trouvent un sain divertissement, un intérêt pour la valeur sportive du jeu, et même une passion de “supporter”. C’est un fait de société qui a son importance pour les millions de spectateurs des stades, et maintenant de la télévision. Mais l’importance est plus grande encore pour les joueurs, et là je pense d’abord, au-delà des grandes équipes que vous patronnez, aux multiplex personnes qui s’entraînent au football, dès le plus jeune âge, pour le plaisir du sport et pour des compétitions d’amateurs. Par expérience, j’ai pu apprécier le plaisir et l’intérêt de ce sport, et je suis de ceux qui l’encouragent.

Ce n’est pas devant vous que j’ai besoin d’en souligner les vertus physiques et morales, lorsqu’il est pratiqué comme il doit l’être; vous devez en être bien persuadés. Non seulement le joueur y trouve, au plan du corps, la détente dont il a besoin, y acquiert un surcroît de souplesse, d’adresse et d’endurance, y revigore sa santé, mais il y gagne en énergie et en esprit de collaboration. Une saine émulation développe aussi le sens de l’équipe, le fair-play devant l’adversaire, élargit l’horizon humain des échanges et des rencontres entre cités et même au niveau international. L’unité de l’Europe, par exemple - je parle d’elle puisque vous êtes presque tous de ce continent - ne se fera évidemment pas autour du ballon rond ou ovale, les problèmes se situent à un autre niveau, très complexe; mais le sport peut certainement contribuer à faire que les partenaires se connaissent mieux, s’apprécient et vivent une certaine solidarité au-delà des frontières, précisément sur la base commune de leurs mêmes qualités humaines et sportives.

Oui, comme tant d’autres sports, le football peut élever l’homme. Naturellement il doit pour cela garder, dans la vie personnelle, familiale, nationale, sa place, qui est relative, pour ne pas amener à négliger les autres grande problèmes sociaux ou religieux; ni les autres moyens d’épanouir les valeurs du corps, de l’esprit, du coeur, de l’âme assoiffée d’absolu. Le bien que Dieu veut pour chacun et pour la société est fait d’un ensemble équilibré.

Par ailleurs, tout le monde sait bien que les valeurs du sport ne sont point automatiquement assurées. Comme toutes les choses humaines, elles ont besoin d’être purifiées, d’être protégées.

Les tentations se font parfois très fortes aujourd’hui de détourner le sport de sa finalité proprement humaine, qui est le déploiement optimum des dons du corps et donc de la personne dans une émulation naturelle, au-delà de toute discrimination; on peut en arriver à troubler le déroulement loyal des compétitions sportives, ou à les utiliser à d’autres fins, avec le péril de corruption et de décadence.

Ceux qui aiment vraiment le sport, mais aussi toute la société ne sauraient souffrir de telles déviations, qui sont en fait des régressions par rapport à l’idéal sportif et au progrès de l’homme.

Là encore, la défense de l’homme mérite vigilance et noble lutte. J’espère rejoindre ici l’une de vos préoccupations. Il me semble que cela aussi rentre en effet dans le cadre des responsabilités qui vous incombent à la tête ou au sein de vos Fédérations européennes.

Je souhaite que les championnats se déroulent toujours dignement, dans une atmosphère de joie, de paix, de fair-play, d’amitié. Je forme les meilleurs voeux pour votre tâche, et pour vos équipes.

(Là, je ne peux pas me permettre d’être partial, en face de représentations aussi méritantes! Alors je dirai simplement: “Que le meilleur gagne!”).

Je n’oublie pas non plus que vous êtes des hommes et des femmes qui avez d’autres soucis, qui avez en particulier une famille: que Dieu bénisse vos familles, vos enfants! Chacun de vous est aussi, dans le secret de sa conscience, en rapport avec Dieu, qui est l’Auteur de la vie et la fin de notre existence: le Pasteur de l’Église de Rome souhaite donc que ce rapport aussi s’épanouisse, que Dieu soit votre lumière, votre espérance, votre joie. C’est le sens de la Bénédiction que j’implore sur vous, de tout coeur.



Discours 1980 - Paris (France), Lundi 2 juin 1980