Discours 1980 - Chapelle du Séminaire "Bom Jesus" d'Aparecida (Brésil)


AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS MONDIAL DES INSTITUTS SÉCULIERS

Castelgandolfo, Jeudi, 28 août 1980




Chers Frères et Soeurs dans le Seigneur,

1. “A VOUS, la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ”. Ces paroles, familières à l’Apôtre saint Paul [1], montent spontanément à mes lèvres pour vous souhaiter la bienvenue, et pour vous exprimer ma reconnaissance pour la visite que vous me rendez à l’occasion de votre Congrès, qui réunit les représentants des Instituts séculiers du monde entier.

Cette rencontre me procure une joie profonde. En effet, votre état de vie consacrée constitue un don particulier de l’Esprit-Saint fait à notre temps pour l’aider, comme l’ont dit mes confrères latino-américains réunis à Puebla, “à résoudre la tension entre l’ouverture objective aux valeurs du monde moderne (état séculier chrétien authentique) et le don plénier du coeur à Dieu (esprit de la consécration)” [2]. En effet, vous vous trouvez pour ainsi dire au centre du conflit qui agite et divise l’âme moderne, c’est pourquoi vous pouvez offrir “un apport pastoral efficace pour l’avenir et ouvrir des voies nouvelles et de valeur universelle pour le peuple de Dieu” [3].

Je porte donc un grand intérêt à votre Congrès et je prie le Seigneur de vous donner sa lumière et sa grâce afin que les travaux de votre assemblée vous permettent d’analyser lucidement les possibilités et les risques que votre manière de vivre comporte, de prendre ensuite les décisions capables d’assurer à votre choix de vie, dont l’Église attend beaucoup aujourd’hui, les développements opportuns.

2. En choisissant le thème de votre Congrès: “L’évangélisation et les Instituts séculiers à la lumière de l’exhortation apostolique "Evangelii Nuntiandi"”, vous avez suivi une suggestion contenue dans une allocution de mon vénéré prédécesseur, le Pape Paul VI auquel va certainement votre gratitude pour l’attention qu’il vous a toujours réservée et pour l’efficacité avec laquelle il sut faire accueillir par l’Église la consécration dans la vie séculière.

S’adressant le 25 août 1976 aux Responsables généraux de vos Instituts, il remarquait: “S’ils demeurent fidèles à leur vocation propre, les Instituts séculiers deviendront comme " le laboratoire d’expérience " dans lequel l’Église vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde. C’est pourquoi ils doivent écouter, comme leur étant adressé surtout à eux, l’appel de l’Exhortation Apostolique "Evangelii Nuntiandi": " Leur tâche première... est la mise en oeuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice c’est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media" (EN 70)” [4].

Dans ces paroles, l’accent mis sur la réalité ecclésiale des Instituts séculiers dans leur être et dans leur agir n’aura certainement échappé à personne. Il est d’ailleurs développé aussi dans d’autres discours. Il y a là un élément que je désire souligner. En effet, comment ne pas se rendre compte combien il est important que votre expérience de vie, caractérisée et unifiée par la consécration, l’apostolat et la vie séculière, se déroule, à travers certes un sain pluralisme, dans une communion authentique: avec les Pasteurs de l’Église et dans la participation à la mission évangélisatrice de tout le peuple de Dieu?

Ceci ne porte pas préjudice, d’ailleurs, à ce qui distingue essentiellement le mode de consécration au Christ qui vous est propre. Mon prédécesseur le précisait dans l’allocution que j’ai déjà citée, et il rappelait à cette occasion une distinction de grande importance méthodologique: “Cela ne signifie pas, évidemment, - disait-il - que les Instituts séculiers, en tant que tels, doivent se charger de ces tâches. Cela revient normalement à chacun de leurs membres. C’est donc le devoir des Instituts eux-mêmes de former la conscience de leurs membres à une maturité et à une ouverture qui les poussent à se préparer avec beaucoup de zèle à la profession choisie, afin d’affronter ensuite avec compétence, et en esprit de détachement évangélique, les poids et la joie des responsabilités sociales vers lesquelles la Providence les orientera” [5].

3. Conformément à ces indications du Pape Paul VI, vos Instituts ont approfondi de diverses manières, ces dernières années, au niveau national ou continental, le thème de l’évangélisation.

Votre Congrès actuel veut faire le point sur les résultats acquis et en vérifier la valeur, afin d’orienter toujours mieux les efforts de chacun en accord avec la vie de l’Église, qui cherche par tous les moyens “à étudier comment faire arriver à l’homme moderne le message chrétien dans lequel il peut trouver la réponse à ses interrogations et la force pour son engagement de solidarité humaine” [6].

Je suis heureux de prendre acte du bon travail accompli, et j’exhorte tous les membres, prêtres et laïcs, à persévérer dans la recherche d’une meilleure compréhension des réalités et des valeurs temporelles par rapport à l’évangélisation elle-même: le prêtre, pour se rendre toujours plus attentif à la situation des laïcs et pour porter au presbyterium diocésain non seulement une expérience de vie selon les conseils évangéliques et avec une aide communautaire, mais aussi une sensibilité exacte du rapport de l’Église au monde; le laïc, pour accueillir le rôle particulier dévolu à celui qui est consacré dans la vie laïque au service de l’évangélisation.

Que les laïcs aient, en ce domaine, une charge spécifique, j’ai eu l’occasion de le souligner à maintes reprises, en accord étroit d’ailleurs avec les indications données par le Concile. “En tant que peuple saint de Dieu - disais-je par exemple à Limerick, au cours de mon pèlerinage en Irlande - vous êtes appelés à remplir votre rôle dans l’évangélisation du monde”. Oui, les laïcs sont “une race élue, un sacerdoce saint”. Eux aussi sont appelés à être “le sel de la terre” et “la lumière du monde”. C’est leur vocation et leur mission spécifique de manifester l’Évangile dans leur vie et de l’insérer ainsi comme un levain dans la réalité du monde où ils vivent et travaillent. Les grandes forces qui régissent le monde - politique, mass media, science, technologie, culture, éducation, industrie et travail - sont précisément les domaines où les laïcs ont spécifiquement compétence pour y exercer leur mission. Si ces forces sont dirigées par des personnes qui sont de véritables disciples du Christ et qui, en même temps, par leurs connaissances et leurs talents, sont compétentes dans leur domaine spécifique, alors le monde sera vraiment changé du dedans par la puissance rédemptrice du Christ” [7].

4. En reprenant maintenant ce discours et en l’approfondissant, j’éprouve le besoin d’attirer votre attention sur trois conditions d’une importance fondamentale pour l’efficacité de votre mission: a) Vous devez être, avant tout, de vrais disciples du Christ. En tant que membres d’un Institut séculier, vous voulez être tels par le radicalisme de votre engagement à suivre les conseils évangéliques d’une manière telle que, non seulement elle ne change pas votre condition, - vous êtes et vous demeurez des laïcs! - mais qu’elle la renforce, en ce sens que votre état séculier soit consacré, qu’il soit plus exigeant et que l’engagement dans le monde et pour le monde, impliqué par cet état séculier, soit permanent et fidèle.

Rendez-vous bien compte de ce que cela signifie: la consécration spéciale, qui conduit à sa plénitude la consécration du baptême et de la confirmation, doit imprégner toute votre vie et toutes vos activités quotidiennes, en créant en vous une disponibilité totale à la volonté du Père qui vous a placés dans le monde et pour le monde. De cette manière, la consécration en viendra à constituer comme l’élément de discernement de l’état séculier, et vous ne courrez pas le risque d’accepter cet état simplement comme tel, avec un optimisme facile, mais vous l’assumerez en gardant conscience de l’ambiguïté permanente qui l’accompagne, et vous vous sentirez logiquement engagés à en discerner les éléments positifs et ceux qui sont négatifs afin de privilégier les uns, précisément par l’exercice du discernement, et pour éliminer au contraire progressivement les autres.

b) La seconde condition est que vous soyez, au niveau du savoir et de l’expérience, vraiment compétents dans votre domaine spécifique pour exercer, grâce à votre présence, cet apostolat de témoignage et d’engagement envers les autres que votre consécration et votre vie dans l’Église vous imposent. En effet, c’est seulement grâce à cette compétence que vous pourrez mettre en pratique la recommandation adressée par le Concile aux membres des Instituts séculiers: “Il faut qu’ils tendent avant tout à se donner entièrement à Dieu dans la charité parfaite et que leurs Instituts gardent le caractère séculier qui leur est propre et spécifique afin de pouvoir exercer partout et efficacement l’apostolat dans le monde et comme du sein du monde, apostolat pour lequel ils ont été créées” [8].

c) La troisième condition sur laquelle je veux vous inviter à réfléchir est constituée par cette résolution qui vous est propre: à savoir de changer le monde de l’intérieur. Vous êtes, en effet, insérés dans le monde à part entière et non seulement de par votre condition sociologique; vous êtes tenus à cette insertion avant tout comme à une attitude intérieure. Vous devez donc vous considérer comme “partie” du monde, comme engagés à le sanctifier, en acceptant totalement les exigences qui découlent de la légitime autonomie des réalités du monde, de ses valeurs et de ses lois.

Ceci veut dire que vous devez prendre au sérieux l’ordre naturel et son “épaisseur ontologique”, en essayant de lire en lui le dessein librement poursuivi par Dieu, et en offrant votre collaboration afin qu’il s’actualise progressivement dans l’histoire. La foi vous donne des lumières sur le destin supérieur auquel cette histoire est ouverte grâce à l’initiative salvatrice du Christ; dans la révélation divine, cependant, vous ne trouvez pas de réponses toutes faites aux nombreuses questions que l’engagement concret vous pose. C’est votre devoir de chercher, à la lumière de la foi, les solutions adéquates aux problèmes pratiques qui émergent peu à peu, et que vous ne pourrez souvent obtenir qu’en prenant le risque de solutions seulement probables.

Il y a donc un engagement à promouvoir les réalités de l’ordre naturel et il y a un engagement à faire intervenir les valeurs de la foi, qui doivent s’unir et s’intégrer harmonieusement à votre vie, en constituant son orientation de fond et sa constante inspiration. De cette façon, vous pourrez contribuer à changer le monde “du dedans”, en devenant son ferment vivifiant et en obéissant à la consigne qui vous a été donnée dans le Motu Proprio “Primo Feliciter”: être “le ferment, modeste mais efficace, qui agissant partout et toujours, et mêlé à toutes les classes de citoyens, des plus modestes aux plus élevées, s’efforce de les atteindre et de les imprégner toutes et chacune par l’exemple et de toutes façons jusqu’à informer la masse toute entière de telle sorte qu’elle soit toute levée et transformée dans le Christ”.

5. La mise en évidence de l’apport spécifique de votre style de vie ne doit pas, cependant, conduire à sous-évaluer les autres formes de consécration à la cause du Royaume auxquelles vous pouvez aussi être appelés. Je veux faire allusion ici à ce qui est dit au numéro 73 de l’exhortation “Evangelii Nuntiandi”, qui rappelle que: “les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les Pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant des ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux”.

Cet aspect n’est certainement pas nouveau mais correspond au contraire dans l’Église à de très vieilles traditions; il concerne aussi un certain nombre de membres des Instituts séculiers et principalement, mais non exclusivement, ceux qui vivent dans les communautés d’Amérique latine ou d’autres pays du tiers-monde.

6. Chers Fils et Filles, votre champ d’action, comme vous le voyez, est très vaste. L’Église attend beaucoup de vous. Elle a besoin de votre témoignage pour apporter au monde, affamé de la Parole de Dieu même s’il n’en a pas conscience, la “joyeuse annonce” que toute aspiration authentiquement humaine peut trouver dans le Christ son accomplissement. Sachez être à la hauteur des grandes possibilités que la Providence divine vous offre en cette fin du second millénaire du christianisme.

Pour ma part, je renouvelle ma prière au Seigneur, par l’intercession maternelle de la Vierge Marie, afin qu’il vous accorde en abondance ses dons de lumière, de sagesse, de détermination dans la recherche des voies les meilleures pour être, parmi vos frères et vos soeurs qui sont dans le monde, un témoignage vivant rendu au Christ et un appel discret mais convaincant à accueillir sa nouveauté dans la vie personnelle et dans les structures sociales.

Que la charité du Seigneur guide vos réflexions et vos échanges durant ce Congrès. Vous pourrez alors marcher avec confiance. Je vous y encourage en vous donnant la Bénédiction Apostolique, pour vous ainsi que pour ceux et celles que vous représentez aujourd’hui.

 [1] Cf. (Rm 1,7 1Co 1,3 2Co 1,2), etc.
 [2] Cf. Document final de l'Assemblée de Puebla, n. 775.
 [3] Ibid.
 [4] Cf. Doc. Cath., 1976, p. 807.
 [5] Cf. ibid. p. 807.
 [6] (Evangelii Nuntiandi EN 3).
 [7] Homélie prononcée à Limerick, le 1er octobre 1979. Cf. Doc. Cath. 1979, p. 867.
 [8] Décret (Perfectae Caritatis PC 11).



Septembre 1980




À L'OCCASION DU IIe CONGRÈS INTERNATIONAL SUR LA PASTORALE DES GITANS

Castel Gandolfo, Mardi 16 septembre 1980




Je remercie Messieurs les Cardinaux Baggio et Duval, les Evêques et tous les Membres du Congrès organisé par la Commission Pontificale pour les Migrations et le Tourisme, sous la direction de Monseigneur Clarizio. Merci pour votre travail! Je devrais aussi remercier tous ceux qui sont présents pour leur visite. Ils sont venus manifester leur attachement envers l'Eglise et la personne du successeur de Pierre, et je sais que vous aviez souhaité avoir cette rencontre déjà dimanche dernier. Quelques uns ont été déçus par le fait de ma visite à Sienne, qui les a empêchés de me trouver ici. Je me réjouis du moins de l'occasion qui nous permet de nous rencontrer aujourd'hui, d'être ensemble, de nous voir, d'écouter nos voix, ainsi que votre musique qui est si fameuse. Et surtout, de l'occasion d'écouter vos coeurs, qui sont certainement ouverts et sincères.

Un signe de cette ouverture de vos coeurs, c'est la présence de vos familles, spécialement des enfants, qui ont tout de suite trouvé le chemin vers le Pape. Je suis toujours heureux de les avoir près de moi.

Je suis heureux de votre rencontre, qui a été, comme l'a dit votre aumônier, une rencontre de prière. Vous vous retrouvez pour prier, pour mieux connaître Jésus-Christ, sa Parole, son oeuvre; pour participer à cette parole et à cette oeuvre du Christ. Car c'est une Parole vivante, une parole qui modèle notre vie. Certainement aussi, vos réunions religieuses, vos rencontres de prière, contribuent à modeler votre vie personnelle, familiale, chrétienne. Il y a dans votre groupe des délégués qui vivent en Italie, mais aussi quelques uns qui proviennent d'au-delà des frontières, venus par exemple de la Yougoslavie. Tous, vous trouvez dans l'Eglise un appui; tous, vous rencontrez des prêtres et des religieuses, qui partagent votre vie, qui sont proches de vous, qui cherchent à former une communauté chrétienne avec vous. Telle est la mission particulière que l'Eglise cherche à accomplir au milieu de beaucoup d'autres tâches. Comme l'a dit l'un d'entre vous, le regretté Pape Paul VI était toujours disposé à rencontrer et animer cette mission de l'Eglise au sein de vos communautés. Je désire vous dire que moi, son successeur, je veux aussi continuer cette paternelle sollicitude, avec l'aide de la Commission Pontificale pour les Migrations et le Tourisme, avec l'aide des Evêques des diocèses et avec l'aide de tous les prêtres qui se consacrent spécialement à cet apostolat. Je souhaité que cette rencontre d'aujourd'hui soit le commencement d'autres rencontres analogues, et que dans l'avenir, nous prendrons de meilleurs rendez-vous pour nous trouver tout de suite ensemble!

Je désire maintenant conclure ces quelques mots en vous donnant, en même temps que les Cardinaux et Evêques présents, une bénédiction qui vaudra non seulement pour vous, qui êtes présents, mais aussi pour toutes vos familles, pour tous les membres de vos communautés qui sont en Italie, en Europe, et dans le monde entier.




  AU CONSEIL PONTIFICAL POUR LES LAÏCS ET AU COMITÉ POUR LA FAMILLE

Lundi, 22 septembre 1980




Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères et Soeurs,

1. Je suis vraiment heureux de pouvoir vous rencontrer aujourd’hui, vous tous qui participez à la IV Assemblée plénière du Conseil pontifical pour les laïcs. Je n’oublie pas en effet que j’ai été consulteur du Conseil des laïcs, depuis sa création en 1967. En promulguant alors le Motu proprio “Catholicam Christi Ecclesiam”, mon vénéré prédécesseur Paul VI concrétisait une recommandation précise des Pères conciliaires. Dix ans plus tard, un nouveau Motu proprio, “Apostolatus Peragendi”, évaluait positivement le travail accompli par cet organisme, à titre expérimental; il précisait et développait son champ d’action, réformait et renforçait sa structure, en le transformant en un Dicastère stable de la Curie romaine, l’actuel Conseil pontifical pour les laïcs, qui participe pleinement au gouvernement pastoral de l’Église universelle, au service du Successeur de Pierre.

Ce Motu proprio confirmait aussi l’existence et la mission du Comité pour la famille à la naissance duquel le Conseil des laïcs avait grandement contribué, et auquel je m’adresserai tout à l’heure.

Avant tout, je voudrais vous exprimer mes sincères remerciements pour la disponibilité et la générosité avec lesquelles vous avez accepté, sous la responsabilité du Président, le Cardinal Opilio Rossi, et du Vice-président, Monseigneur Paul J. Cordes, de vous mettre au service du Saint-Siège, tout en assumant diverses responsabilités au sein de vos organismes respectifs. Venant de toutes les régions du monde, vous y apportez la richesse des multiples expériences de vos associations aux niveaux local, national et même international.

2. Votre contribution indispensable comporte un double pôle: D’une part, par l’écoute et le dialogue, vous avez à porter une attention particulière aux aspirations, aux besoins et aux défis qui se manifestent dans la vie des laïcs en tant que personnes, dans leurs familles, dans leurs mouvements, dans leurs communautés chrétiennes et aussi dans leurs divers engagements sociaux et culturels. Ainsi vous aidez, vous aussi, le Saint-Siège à connaître toujours davantage le contexte dans lequel il exerce son gouvernement pastoral.

D’autre part, vous avez à évaluer les expériences très variées du laïcat à la lumière de la Révélation et de la Tradition chrétienne, en veillant à ce qu’elles se réalisent dans un esprit de fidélité à la Parole de Dieu et au Magistère de l’Église, pour réaffirmer l’identité catholique des associations, raviver leur élan évangélisateur en réponse aux attentes les plus profondes des hommes et des peuples et les encourager à insérer leur apostolat spécifique, d’une façon active et féconde, dans le dynamisme de la mission pastorale de l’Église et de ses communautés.

Je puis déjà vous assurer que je recevrai et considérerai avec un grand intérêt les résultats de cette IV Assemblée plénière du Conseil pontifical pour les laïcs qui a étudié spécialement la situation actuelle des associations de fidèles, en particulier des mouvements de laïcs, dans la vie et la mission de l’Église.

3. Le Conseil pontifical pour les laïcs est encore bien jeune, c’est vrai, mais il a déjà été confronté à des problèmes et à des expériences, au plan universel, qui le mettent en mesure de revoir, d’évaluer et d’orienter l’évolution des associations de fidèles.

Dès son origine, le Conseil des laïcs, puis le Conseil pontifical pour les laïcs, en collaboration avec la Secrétairerie d’État, a suivi très attentivement la vie de ces associations, en les accompagnant dans leur réflexion et leur action, en les interpellant dans leurs moments de crise, en les aidant à tisser de nombreux liens à l’intérieur de la communauté ecclésiale, favorisant ainsi leur participation, en soutenant leur programme de travail.

Tous les contacts réguliers qu’il entretient sont précieux: contacts avec les dirigeants et les assistants ecclésiastiques des Organisations internationales catholiques et de leur Conférence, contacts avec les mouvements de spiritualité et les autres associations de laïcs et, à travers celles-ci, avec l’ensemble du laïcat oeuvrant dans les communautés paroissiales ou au-delà de ce cadre, contacts aussi bien sûr avec les Conférences épiscopales, en particulier avec leurs commissions ou secteurs de l’apostolat des laïcs, et contacts avec les autres Dicastères de la Curie romaine.

4. C’est avec la constitution “Lumen Gentium” et le décret “Apostolicam Actuositatem” que Vatican II a déployé une perspective d’une profonde signification et d’une vaste répercussion: la pleine reconnaissance des laïcs comme “chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au peuple de Dieu, faits participants, à leur manière, de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l’Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien” [1].

Comme vous le savez, l’importance des multiples formes de l’apostolat organisé [2] dans la vie et la mission de l’Église découle du sacerdoce commun des fidèles et de la reconnaissance de la diversité des ministères, dans l’unité de la mission [3]. L’Exhortation apostolique “Evangelii Nuntiandi”, en une merveilleuse synthèse, juge avec discernement l’effervescence si féconde, mais parfois aussi critique et incontrôlée, de cette période post-conciliaire; elle en rappelle les meilleurs fruits et trace des jalons pour l’avenir. Dans l’enseignement que je suis moi-même appelé à donner, notamment dans l’encyclique “Redemptor Hominis” et dans l’Exhortation apostolique “Catechesi Tradendae”, ainsi qu’à l’occasion de mes voyages pastoraux, vous trouvez aussi les critères substantiels dont il faut tenir compte pour que l’action des mouvements et des associations puisse se développer en syntonie avec ce temps de renouveau de la catholicité dans lequel nous vivons.

5. Je me contenterai de vous rappeler ce que je disais lors de mon premier voyage apostolique, aux organisations catholiques du Mexique et, à travers elles, à toutes les organisations de laïcs: “Que vos associations, demain comme aujourd’hui, et mieux encore, forment des chrétiens appelés à la sainteté, ayant une foi solide, s’appuyant avec sûreté sur la doctrine proposée par le magistère authentique, fermes et actifs dans l’Église, alimentés par une riche vie spirituelle, s’approchant souvent, pour s’en nourrir, des sacrements de pénitence et d’eucharistie, persévérants dans le témoignage et l’action évangéliques, cohérents et courageux dans leurs engagements temporels, opposant avec constance la paix et la justice à toute violence ou oppression, capables de discerner avec esprit critique les situations et les idéologies à la lumière de la doctrine sociale de l’Église, confiants et pleins d’espérance dans le Seigneur” [4].

6. Aujourd’hui, je ne peux pas développer ces réflexions brèves mais exigeantes qui contiennent les fils conducteurs fondamentaux de la vie des associations de laïcs catholiques. Celles-ci sont des écoles de formation des chrétiens; elles les stimulent à agir comme le levain dans la pâte au sein même du peuple de Dieu, afin de susciter de nouvelles vocations au service de l’Évangile. En communion étroite avec l’Église, elles ne s’isolent pas dans un mouvement d’élites qui se suffirait à lui-même, mais elles offrent un potentiel de charismes en vue de la croissance du peuple de Dieu dans toutes les structures et activités pastorales, sous la direction des Évêques.

Mais les chrétiens doivent aussi être le levain dans la pâte au sein de la vie familiale, sociale, économique, politique, des diverses nations, et aussi au plan international, afin d’évangéliser les cultures, dans leurs racines mêmes, pour que se réalisent de meilleures conditions de paix et de justice, le développement intégral des personnes et des peuples, pour qu’ainsi l’on puisse entrevoir les fruits de la fraternité, dans la reconnaissance commune de la filiation divine. Des tâches si exigeantes ne pourront être assumées que si les laïcs chrétiens et les associations de fidèles en général donnent un témoignage, vigoureux et enthousiaste, d’identité catholique, de communion ecclésiale, de formation d’hommes nouveaux selon l’Évangile, de souci évangélisateur.

Soyons convaincus que seules la densité et la profondeur de l’expérience religieuse, de la vie spirituelle des mouvements et associations ainsi que de leurs membres permettent dé répondre à de telles exigences.

7. Je voudrais finalement vous encourager à poursuivre vos diverses activités: d’abord la mise en oeuvre de vos programmes, dont je vous remercie de m’informer régulièrement; et aussi les diverses réunions régionales avec les Evêques responsables de l’apostolat des laïcs, les rencontres des assistants ecclésiastiques des organisations et associations internationales catholiques et le dialogue permanent avec celles-ci, l’accompagnement pastoral des mouvements de spiritualité ou de charité.

Il est bien clair que dans toute approche pastorale concernant les laïcs, on ne peut faire abstraction de l’expérience fondamentale de leur vie familiale. C’est un secteur particulier et primordial sur lequel je m’attarderai un peu plus.

8. Et maintenant, je me tourne vers le Comité pour la Famille. A côté de son Président, Monsieur le Cardinal Opilio Rossi, je salue son Vice-président, Monseigneur Kazimierz Majdaski, Évêque de Szczecin-Kamie, son Secrétariat permanent, ses membres et ses représentants des divers Dicastères de la Curie Romaine dont les compétences s’exercent envers l’un ou l’autre des divers aspects de la famille.

Je sais que c’était l’intention du Pape Paul VI, quand il institua le Comité pour la Famille, que ce nouvel Organisme serve de point de rencontre et de référence pour tous les travaux doctrinaux, disciplinaires, tous les efforts de recherche et de pastorale qui depuis des années se déploient à l’intérieur de la Curie Romaine, pour devenir ensuite le point de départ d’un service pastoral renouvelé et authentique de la part du Siège de Pierre pour le bien de toutes les familles de l’Église.

9. Dans ces derniers mois, tous les efforts du Comité pour la Famille, tous ses moyens ont été mis au service de la préparation de la prochaine Assemblée Générale du Synode des Évêques. Je vous en suis très reconnaissant et vous remercie tous de vos efforts. Je remercie aussi les membres des Commissions épiscopales pour la Famille des différentes Conférences épiscopales qui ont cherché à nouer des liens solides et pleins d’espérance pour l’avenir avec le Comité pour la Famille. Et je remercie aussi, pour leur participation généreuse, les différents Mouvements d’Église qui cherchent à promouvoir une juste conception de la famille chrétienne, prenant ainsi leur part de la mission évangélisatrice de l’Église.

10. J’ai déjà eu l’occasion de m’adresser à toute l’Église pour exprimer la nécessité d’accompagner, dès maintenant, les travaux du Synode des Évêques, de la prière de tous, mais spécialement des familles elles-mêmes, qui sont comme de véritables “églises domestiques” [5], sanctuaires de prière et de témoignage de vie chrétienne quotidiennement vécue. Je désire maintenant renouveler cet appel. Les familles chrétiennes, retrouvant la force d’unité et l’équilibre que donne la prière en famille, se révéleront alors dans toutes leurs capacités éducatrices. Les obstacles créés devant elles par le pessimisme ambiant et les tendances à la désagrégation familiale, résultats de visions faussées de la personne et de la sexualité humaine, seront ainsi dépassés. Et je vois déjà en cela comme un premier fruit des travaux du Synode des Évêques.

Je souhaite, après la conclusion du Synode, pouvoir compter sur la contribution essentielle du Comité pour la Famille, enrichi des expériences synodales, pour la sauvegarde et la promotion d’une vision authentique et attirante de la famille.

Que l’exemple de la Sainte Famille à Nazareth soit pour vous une lumière. Je recommande vos intentions à la Vierge Immaculée, et je donne de grand coeur à tous la Bénédiction Apostolique.



 [1] (Lumen Gentium LG 31).
 [2] Cfr. (Apostolicam Actuositatem AA 18-19).
 [3] Cfr. ibid. (AA 2).
 [4] La Documentation Catholique, 1979, p. 177.
 [5] (Lumen Gentium LG 11).

 


À L'UNION CATHOLIQUE INTERNATIONALE DE LA PRESSE

Jeudi, 25 septembre 1980



Chers Amis,

1. Je suis très heureux de vous accueillir dans cette maison. C’est en effet pour moi un motif tout spécial de satisfaction que vous ayez voulu célébrer à Rome votre XII Congrès Mondial. Cela vous donne aussi l’occasion d’une rencontre avec le Pape, vous qui êtes les représentants catholiques les plus qualifiés de l’information et de la presse.

Vous vous trouvez au coeur même de ce qui fait la trame de la société et votre mission y est d’y favoriser les valeurs et les droits qui permettent à l’homme de grandir, et, dans le même temps, d’édifier la société elle-même. Comme catholiques, il vous appartient d’y exercer une responsabilité de membres du peuple de Dieu, toujours soucieux de plus de liberté, de vérité et d’amour fraternel.

2. Comme thème d’étude de ce XII Congrès mondial de l’UCIP, vous avez retenu: “Une presse pour une société de communication”. Thème qui pourrait paraître théorique au premier aspect, mais qui est en réalité riche d’applications pratiques pour l’avenir de l’homme. Grâce à la presse, et de plus en plus, ce ne sont pas seulement des élites restreintes, mais des groupes toujours plus larges, dans la plupart des pays, qui voient apparaître de nouvelles formes de connaissance de la réalité, des relations d’un type nouveau entre les individus et les sociétés, par l’entremise de cet instrument qui, en quelque sorte, prolonge la pensée et le sentiment d’un chacun.

Certes, cela ne va pas sans risques, et il faut avoir la lucidité et le courage de les évaluer. Risques d’écraser les libertés de l’individu, de la famille, des communautés; risque de considérer l’argent, le pouvoir, les idéologies, comme des valeurs suprêmes. Tout cela met en danger la dignité de l’homme. Mais si grands soient-ils, ces risques ne doivent pas nous effrayer. Il ne faut pas nous laisser impressionner par une vision trop négative au détriment de l’importance extraordinaire que revêt le fait, pour notre société, d’être précisément une société de communication.

3. Je préfère donc attirer votre attention sur les précautions utiles pour avancer lucidement dans votre tâche. C’est un bien, aux yeux de l’Eglise, que l’homme soit inséré dans une société de communication, car les moyens nécessaires à celle-ci peuvent aider à la réalisation des plans de la Providence divine. Dans ce domaine, c’est donc à l’espérance que vous êtes invités, même s’il vous faut vous montrer lucides et vigilants: la presse et les moyens de communication sociale en général peuvent et doivent servir à favoriser de façon nouvelle la compréhension entre les hommes et les sociétés et l’amour fraternel lui-même.

Votre document préparatoire vous invitait précisément à vous interroger, dans le détail, sur la contribution que la presse apporte, en fait, aux valeurs de la communication: écoute, information réciproque, échange, communion, participation, engagement au service des autres, bref tout ce qui va faire que les hommes se connaissent mieux, s’apprécient mieux et collaborent mieux.

Cette compréhension et cette ouverture aux autres, qui font partie intégrante de l’amour que le chrétien doit toujours aux personnes, ne signifient évidemment pas que les idées ou les attitudes seront considérées comme également admissibles: les journalistes catholiques demeurent responsables d’une éducation exigeante, permettant aux lecteurs de découvrir, de désirer et de rechercher l’attitude la meilleure, la plus juste, la plus conforme à la vérité, la plus bénéfique, pour eux et pour la société. Je pense que votre Congrès vous aura aidés à approfondir ces problèmes très importants et à éclairer votre route.

4. Ce progrès dans la communication est d’ailleurs l’objectif partiellement, mais heureusement réalisé par les organismes les plus autorisés de la société internationale - je pense en particulier à l’UNESCO que j’ai eu le plaisir de visiter récemment avec une grande satisfaction. Ce but est aussi le vôtre lorsque vous le définissez avec raison dans vos documents comme “un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication”. Loin d’y être étrangère, l’Église, dont vous êtes membres actifs, doit y participer.

S’il est vrai que souvent l’erreur, l’esclavage de l’homme peuvent provenir du mésusage des technologies modernes que l’information suppose aujourd’hui, il ne faut pas, pour autant, les rejeter globalement, mais dénoncer seulement l’abus qui peut en être fait par ceux qui s’en servent indignement. Car, pour que ces techniques remplissent le rôle que la Providence leur a assigné, il est requis de respecter les droits sacrés de l’homme dans ce domaine: droit de savoir et de communiquer la vérité dans sa richesse aux nombreuses facettes, en tenant compte des aspirations, de la condition et des besoins de chacun; droit au dialogue et au débat politique; droit au respect de la vie privée de chacun; et beaucoup d’autres qui apparaissent plus clairement au fur et à mesure de l’évolution de la société moderne.

Il s’agit de contribuer à l’édification de l’homme, à laquelle s’attache la réflexion de votre Congrès. Est-il besoin de le souligner: les moyens de communication sociale sont précisément des moyens “sociaux” de communication. Ils doivent respecter et servir les besoins et les droits des sociétés, des familles, des individus, en particulier en ce qui concerne la culture et l’éducation, au lieu de se soumettre aux lois de l’intérêt, du sensationnel ou du résultat immédiat [1].

5. Les moyens que vous représentez ont aussi l’avantage de pouvoir offrir directement et dans son authenticité la parole libératrice de l’Évangile. L’Église se réjouit d’en disposer pour son apostolat. Aujourd’hui comme hier, c’est toujours un devoir, pour les communautés chrétiennes dans les diocèses, comme au plan national et au plan international, de poursuivre et d’intensifier leur effort pour promouvoir des moyens d’information qui soient propres à l’Église, afin que soient transmises, librement et avec souci d’exactitude, des informations sur la vie interne de l’Église et sur ses activités, ainsi que la parole et l’enseignement des Successeurs des apôtres. J’ai noté avec satisfaction que vous avez commencé, dans un précongrès, à étudier les problèmes de la presse catholique dans les pays en développement, où son rôle est en effet capital. La presse doit toujours se caractériser par sa capacité à interpeller l’individu, à transmettre un message que réclame la conscience, et en fournissant des critères pour la formation d’une opinion publique véritable.

Les chrétiens sont appelés à travailler avec ardeur et avec constance, à faire de cet idéal une réalité effective, qu’ils soient au service de la presse catholique, à laquelle l’Église attache tant de prix, ou qu’ils collaborent à la presse dite neutre. Ces deux champs d’activité sont comme l’endroit et l’envers d’un même apostolat.

A vous-mêmes, membres de l’Union Catholique Internationale de la Presse, plus conscients des problèmes de l’humanité tout entière, il est demandé un effort particulier pour réajuster continuellement votre action et donc pour perfectionner toujours davantage votre Organisation.

C’est un labeur exigeant, mais qui doit être imprégné de confiance dans la capacité de l’homme à surmonter les difficultés et les contradictions de l’âge présent, par les moyens de communication sociale qui lui sont offerts, pourvu qu’il s’attache à respecter d’abord les droits de Dieu dans le coeur de l’homme. Il peut alors compter sur sa grâce.

C’est cette assistance de l’Esprit de Vérité et d’Amour que j’implore sur vous tous. En vous assurant de ma confiance, en vous redisant mes encouragements, je vous donne de tout coeur la Bénédiction Apostolique, et je bénis avec vous ceux qui vous sont chers, en particulier vos familles.

 [1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad UNESCO habita, 16, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1649.


Discours 1980 - Chapelle du Séminaire "Bom Jesus" d'Aparecida (Brésil)