Discours 1980 - Vendredi, 14 novembre 1980


AUX PARTICIPANTS À LA SEMAINE D'ÉTUDE SUR "ÉNERGIE ET HUMANITÉ"

Vendredi, 14 novembre 1980



Excellences,
Mesdames,
Messieurs,

Vous savez le prix que j’attache à la recherche des membres de notre Académie Pontificale des Sciences. C’est vous dire ma joie de vous rencontrer ici, avant que ne s’achèvent vos travaux qui honorent le Saint-Siège, pour vous exprimer moi-même mon estime et mes encouragements.

La semaine d’étude qui vous a réunis traite d’une des questions les plus graves que l’humanité doive affronter aujourd’hui. Et précisément votre analyse des données scientifiques sur l’énergie est orientée vers le souci du sort de l’humanité: “Energie et humanité”. Je vous félicite, moi qui, à la tribune de l’UNESCO, le 2 juin dernier, ai insisté sur la nécessité d’éviter que le progrès de la connaissance scientifique désintéressée ignore les responsabilités des consciences [1].

Permettez-moi maintenant d’évoquer devant vous, d’une façon très simple et dépouillée de technicité, ces données qui vous sont évidemment très familières; je le fais seulement dans le but de vous manifester mon intérêt pour vos échanges et de partager avec vous quelques préoccupations d’ordre éthique.

Au cours de son histoire, l’homme a développé les formes d’énergie dont il avait besoin, passant de la découverte du feu à des formes d’énergie toujours plus riches, en arrivant enfin à l’énergie nucléaire, bouleversante à tant de points de vue. En même temps, le progrès de l’industrialisation a donné lieu, surtout ces derniers temps, à une consommation chaque jour croissante si bien que certaines ressources naturelles sont en voie d’épuisement. Notre civilisation - avant tout ses scientifiques et ses techniciens - doit chercher des méthodes nouvelles pour utiliser les sources d’énergie que la Providence divine a mises à la disposition des hommes. Il est nécessaire en outre que les gouvernements eux-mêmes mènent une politique énergétique unifiée, de telle sorte que l’énergie produite dans une région puisse être utilisée dans d’autres régions.

Il semble bien que le soleil, première source d’énergie et la plus riche pour notre planète, devrait être étudié plus attentivement par les chercheurs; il doit devenir une de leurs principales préoccupations. S’il est vrai que l’utilisation directe de l’énergie solaire est encore lointaine, cette perspective ne doit pas atténuer les efforts des chercheurs ni l’appui des gouvernements. Au reste, des résultats ont déjà été obtenus et on en profite déjà en diverses parties du monde. En outre, d’autres formes d’énergie, telles que l’énergie éolienne, marine ou géothermique, ont déjà été utilisées, même si c’est de manière encore limitée, et en fonction des conditions géographiques.

J’ai appris que l’utilisation de la bio-masse a attiré votre attention et que vous vous êtes arrêtés sur la nécessité du développement des études concernant la photosynthèse.

Le bois prend place parmi les sources d’énergie les plus anciennes. Dans les pays en voie de développement, il restera sans doute pour longtemps la principale source d’énergie. Mais il est nécessaire que l’usage de cette forme d’énergie traditionnelle et importante ne donne pas lieu à des déboisements et à des destructions de forêts qui créent de graves déséquilibres écologiques. Il faudrait donc prévoir un reboisement actif, à mener à bien par les botanistes, les écologistes, les pédologues, et sa réalisation devrait être l’objet de soins attentifs de la part des planificateurs et des hommes politiques.

En ce qui concerne d’autres formes d’énergie, telles que chutes d’eau, charbon, pétrole et énergie nucléaire, leur choix se fonde évidemment sur des facteurs divers dépendant des ressources naturelles et humaines, de la croissance démographique, des modes de développement, de l’économie. Je suis sûr que vous aurez pris en considération dans vos discussions les règles qui s’imposent pour éliminer les périls qui menacent, de près ou de loin, ceux qui sont exposés à subir les dommages éventuels provenant de l’utilisation de certaines sources d’énergie, et aussi pour promouvoir toujours la sauvegarde écologique, la protection de la faune et de la flore, pour éviter la destruction des beautés naturelles qui remplissent le coeur d’admiration et de poésie.

J’ai pu constater par moi-même les dommages causés à la beauté de la nature par des implantations industrielles qui auraient pu être placées ailleurs ou conçues autrement. J’ai connu surtout par expérience personnelle les souffrances des mineurs de charbon, dont les poumons sont imprégnés de la poussière qui empoisonne les galeries des mines. Je veux espérer que sont d’ores et déjà adoptées, au nom des droits de l’homme et pour l’amélioration de la qualité de la vie, des méthodes nouvelles et efficaces pour l’utilisation des sources conventionnelles d’énergie, et qu’il n’y aura plus ainsi à voir mettre en péril, outre le milieu naturel, les travailleurs et les populations.

Il convient de réfléchir enfin sur les périls d’ordre économique et moral qui sont dus à ce qu’on appelle la civilisation de consommation actuelle, et à ses structures. Comme je l’ai écrit dans mon encyclique “Redemptor Hominis”: “On connaît bien le cadre de la civilisation de consommation qui consiste dans un certain excès des biens nécessaires à l’homme, à des sociétés entières - et il s’agit ici des sociétés riches et très développées - tandis que les autres sociétés, au moins de larges couches de celles-ci, souffrent de la faim et que beaucoup de personnes meurent chaque jour d’inanition et de dénutrition...

L’ampleur du phénomène met en cause les structures et les mécanismes financiers, monétaires, productifs et commerciaux qui, appuyés sur des pressions politiques diverses, régissent l’économie mondiale: ils s’avèrent incapables de résorber les injustices héritées du passé et de faire face aux défis urgents et aux exigences éthiques du présent. Tout en soumettant l’homme aux tensions qu’il crée lui-même, tout en dilapidant à un rythme accéléré les ressources matérielles et énergétiques, tout en compromettant l’environnement géophysique, ces structures font s’étendre sans cesse les zones de misère et avec elles la détresse, la frustration et l’amertume” [2].

Les frustrations auxquelles est sujet l’homme d’aujourd’hui à cause de la consommation excessive d’une part et de la crise énergétique de l’autre, peuvent être résolues seulement si on reconnaît que l’énergie, quelle qu’en soit la forme ou l’origine, doit coopérer au bien de l’homme. L’énergie et les problèmes qu’elle pose ne doivent pas servir les intérêts égoïstes de groupes particuliers, qui cherchent à augmenter leur sphère d’influence économique et politique; à plus forte raison, ils ne doivent pas diviser les peuples, mettre des nations en état de dépendance par rapport à d’autres, augmenter les risques de guerre ou d’hécatombe nucléaire.

L’énergie est un bien universel que la divine Providence a mise au service de l’homme, de tous les hommes, quelle que soit la partie du monde à laquelle ils appartiennent, et il nous faut penser aussi aux hommes de demain, car le Créateur a confié la terre et la multiplication de ses habitants à la responsabilité de l’homme.

J’estime qu’on peut considérer comme un devoir de justice et de charité l’effort résolu et persévérant accompli pour ménager les sources d’énergie et respecter la nature, non seulement pour que l’ensemble de l’humanité d’aujourd’hui puisse en profiter, mais aussi les générations à venir. Nous sommes solidaires des générations à venir. Et j’espère que les chrétiens, mus de façon particulière par la reconnaissance envers Dieu, par la conviction du sens de la vie et du monde, par l’espérance et par une charité sans limite, seront les premiers à apprécier ce devoir et à en tirer les conséquences.

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, d’avoir répondu aussi nombreux, étant donné votre haute compétence, à l’appel que vous avait adressé l’Académie Pontificale des Sciences, et je forme les voeux les meilleurs pour que vos travaux servent au bien de toute l’humanité. Je prie Dieu de vous assister dans cette noble tâche, au moment où je pars en Allemagne commémorer saint Albert le Grand, dont l’oeuvre scientifique fut considérable pour son temps, à côté de sa réflexion philosophique et théologique. Je prie également le Seigneur de bénir vos personnes et vos familles.

 [1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad UNESCO, 20-22, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 165 ss.
 [2] Ioannis Pauli PP. II Redemptor Hominis, RH 16.

 

À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE "IUSTITIA ET PAX"

Vendredi, 14 novembre 1980




Monsieur le Cardinal, chers Frères et Soeurs,

Il est normal et bienfaisant que le Pape se réserve régulièrement un moment avec chacun des Dicastères du Saint-Siège, et spécialement à l’occasion du temps fort de leur travail, de leur réunion plénière. C’est vous dire que je suis heureux de cette rencontre.

1. Au cours de cette quatorzième Assemblée générale de la Commission Pontificale “Iustitia et Pax”, vous tous, Membres et Secrétariat, vous avez réfléchi ensemble pour mieux prendre conscience de problèmes importants qui marquent notre époque dans les domaines du développement, des relations entre les peuples, des droits de l’homme et de la paix. Chacun de vous y a contribué à partir de sa propre expérience et de son propre engagement. Je me réjouis du travail que vous avez réalisé et je vous remercie tous et chacun pour ce que cette Assemblée apportera à la mission de l’Église et au Ministère pastoral qui m’est confié.

2. Votre tâche est bien en effet une contribution au ministère pastoral de l’Église, pour l’Église et, à travers elle, pour toute l’humanité. La Constitution pastorale “Gaudium et Spes” - qui prend un relief particulier pour votre Commission et pour toutes les Commissions nationales “Justice et Paix” en lien avec vous - a exprimé cette idée avec force: “A la fois “assemblée visible et communauté spirituelle”, l’Église fait ainsi route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de la société humaine, appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.... Ainsi, par chacun de ses membres, comme par toute la communauté qu’elle forme, l’Église croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire” [1].

Oui, grâce à cette foi offerte en témoignage et traduite en action concrète, il nous faut humaniser, en ayant en vue la pleine dimension de la personne, en tenant compte des valeurs fondamentales, culturelles et religieuses.

3. Cette pleine dimension spirituelle est trop souvent négligée ou absente de nos jours dans les entreprises des hommes et des nations. Elle est absente de sa profonde totalité. Elle est absente quand une société se referme sur elle-même et vise des objectifs dont une seule partie du peuple bénéficie au détriment des autres. En en prenant une conscience vive et souvent angoissée, beaucoup de personnes de bonne volonté, beaucoup de chrétiens, et en particulier votre Commission n’hésitent pas à consacrer leur attention et leurs forces à la grande tâche du développement authentique de l’homme et des peuples, qui apparaît comme un immense défi.

Car chaque jour apporte de nouveaux obstacles sur la route du développement intégralement humain et vous pouvez les inventorier. Certes les théories et les approches abondent qui envisagent le progrès de l’homme, mais de façon souvent partielle; ou elles cherchent à satisfaire les besoins matériels au détriment des valeurs culturelles et spirituelles. C’est dans ce contexte que nous pouvons découvrir la vocation spécifique qui est nôtre. Nous devons d’abord regarder bien en face les problèmes réels et les moyens techniques, scientifiques ou politiques proposés pour apporter des solutions.

Mais notre rôle spécifique de chrétiens, le rôle de l’Église, est de confronter ces possibilités aux critères de l’homme, de sa vraie nature et de sa destinée, de sa vocation transcendante.

4. Pour sauvegarder cette destinée, chaque homme doit pouvoir exercer sa liberté, dans un climat d’équité et sans angoisse. Faut-il rappeler qu’il devrait d’abord manger à sa faim, et sur ce point rien ne saurait être négligé pour rendre nos contemporains et les responsables plus conscients de ce problème primordial de subsistance pour des populations entières qui subissent, çà et là, de graves menaces pour leur nourriture et leur santé. Mais il faut aussi que chaque personne puisse vivre dans la dignité, en partenaire égal aux autres; elle doit être assurée que sa vie sera respectée ainsi que ses droits inaliénables. La torture doit être dénoncée et bonnie, mais aussi cette suspicion systématique qui étouffe la juste liberté de l’homme et le paralyse constamment, en l’empêchant d’être libre dans ses choix fondamentaux, dans ses idées et dans sa foi, alors que le bien commun n’en est nullement menacé.

Pour sauvegarder cette destinée de l’homme, chaque peuple et chaque nation doit pouvoir librement exercer son droit au maintien et au développement de sa propre identité, de son patrimoine culturel, de son avenir, en ayant les moyens de demeurer maître de son sort et indépendant. Il doit être capable de développer ses propres ressources et de recevoir une compensation adéquate pour les produits de son effort. Il doit pouvoir partager les richesses authentiques de son patrimoine avec les autres. Bref, il doit pouvoir devenir en réalité un partenaire à part entière dans la famille des nations.

En énumérant ces conditions à titre d’exemples, on peut donner l’impression d’un idéal utopique qui est loin d’être réalisé. Mais, à temps et à contre-temps, il faut former les consciences à en avoir un vif désir, il faut soutenir les hommes et les peuples qui en demandent la réalisation pour eux-mêmes et pour les autres; il faut surtout encourager les initiatives positives qui vont dans ce sens. Aux côtés du Pape, votre Commission apporte ici une contribution de choix.

5. La possibilité de réaliser un tel développement donnera aux nations et au monde entier cette vision d’espérance dont elles ont tant besoin de nos jours et qui dépend, pour une partie notable, de la volonté politique des responsables du sort des peuples, une volonté décidée à créer les conditions nécessaires pour une société de fraternité et de solidarité. Parmi ces conditions, une des plus urgentes est bien la paix.

Dans ce domaine, le monde nous présente aujourd’hui encore des signes contradictoires. Certes, on est témoin de beaucoup d’initiatives généreuses qui cherchent à assurer la sécurité et la paix.

Mais on voit aussi, dans le sens contraire, des tensions qui s’accroissent, des conflits qui durent ou renaissent, des guerres mêmes qui surgissent et se prolongent, avec leurs cortèges de haines exacerbées, de destructions inutiles si dommageables pour l’avenir, de morts dont les populations font les frais. On constate par ailleurs que se poursuit la spirale de la course aux armements en sacrifiant de réels besoins sociaux et particulièrement en négligeant les besoins des pauvres.

La volonté politique de la paix doit donc s’attaquer aux attitudes qui sont à la base des tensions: l’animosité et la haine, l’égoïsme et la méfiance, la compétition trompeuse et l’intérêt propre aveugle. La volonté politique doit se laisser guider par la vérité.

Qu’il me soit permis de me référer au thème de la Journée mondiale de la paix: “La vérité, force de la paix”. Oui, c’est la vérité qui éclairera les ténèbres des malentendus et des poussées de violence; c’est la vérité qui montrera le chemin de la confiance et du dialogue; c’est la vérité qui rendra possible le respect mutuel et la collaboration; c’est la vérité qui seule garantira la liberté.

6. La vérité sur l’homme, fondement de la paix et condition du développement, vous trace la voie à suivre dans votre travail si étendu et si important. Elle vous place au centre de l’oeuvre d’évangélisation et de promotion humaine à laquelle votre appartenance à la Commission Pontificale “Iustitia et Pax” vous engage; elle vous met au centre de la mission de l’Église dans le monde. Car, en aidant la famille humaine, vous manifestez et actualisez le mystère de l’amour de Dieu pour l’homme [2].

Que votre ministère de justice et de paix puisse toujours être un ministère d’amour, et je dirais même de miséricorde!

A vous tous, et d’abord à vous-même, cher Cardinal Gantin, à vous, Père Schotte, dans vos nouvelles fonctions de Secrétaire, à vous membres de la Commission venus de tous les continents, et membres du Secrétariat, j’exprime ma confiance, mes encouragements, l’assurance de ma prière, et je vous bénis de tout coeur.

 [1] Gaudium et Spes, GS 40, §§ 2 et 3.
 [2] Cfr. Gaudium et Spes, GS 45, § 1.





MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II À SA SAINTETÉ DIMITRIOS I




A Sa Sainteté Dimitrios I
Archevêque de Constantinople et Patriarche oecuménique.

L’an dernier, nous avons fêté ensemble saint André, l’apôtre premier appelé et le frère de Pierre.

La prière fut au centre de cette rencontre chaleureuse et fraternelle. Le temps passé depuis n’a pas affaibli les sentiments éprouvés alors ni le souvenir de cet événement; bien au contraire, il les a approfondis et ravivés. Cette année, la célébration du saint patron de votre Église me donne de nouveau l’occasion de vous envoyer une délégation, présidée par notre cher frère le cardinal Willebrands; il transmettra à Votre Sainteté, à son Saint Synode, au clergé et à tout le peuple fidèle, mon salut affectueux et celui de l’Église de Rome: “Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint soient avec tous!”.

C’est avec une joie et une espérance chaque année renouvelée que nous célébrons les fêtes des deux frères, les saints apôtres Pierre et André. Je suis convaincu en effet que cette union dans la prière aidera nos Églises soeurs à hâter le jour où la pleine communion sera rétablie entre elles. La joie de cette célébration commune est comme une anticipation de celle que nous éprouverons alors, lorsque nous pourrons témoigner ensemble de notre fidélité au Seigneur et, ce faisant, donner au monde un exemple de vraie réconciliation et une contribution à la paix entre les hommes.

Le dialogue théologique que la commission mixte entre les Églises catholique et orthodoxe a commencé cette année dans l’île de Patmos, si riche de souvenirs apostoliques et de suggestions prophétiques, est un événement de la plus haute importance pour les relations entre nos Églises.

L’atmosphère de chaleureuse charité fraternelle qui a caractérisé cette rencontre ainsi que l’engagement pris devant le Seigneur de travailler pour le rétablissement de l’unité nous permettent d’entrevoir que des progrès substantiels seront accomplis. Les anciennes divergences qui avaient amené les Églises d’Orient et d’Occident à cesser de célébrer ensemble l’Eucharistie vont être abordées d’une manière nouvelle et constructive, dont témoignent tant le thème choisi pour la première phase du dialogue que ses perspectives générales.

Notre prière accompagnera le dialogue théologique pour qu’il soit toujours plus profondément enraciné dans la vérité, conduit dans la sincérité et dans une fidélité réciproque sans ombres, animé par l’Esprit de Dieu et donc fécond pour la vie de l’Église. Dans ce but j’ai sollicité la prière de tous les fidèles catholiques et, pour nous permettre de croître ensemble dans le Christ, j’ai souhaité que, là où ils vivent côte à côte, catholiques et orthodoxes entretiennent des rapports fraternels et une collaboration désintéressée qui prépareront progressivement la réarticulation de notre unité.

Très cher Frère, ce sont là quelques-unes des pensées, quelques-uns des espoirs et des sentiments qui remplissent mon coeur et que j’ai tenu à vous exprimer en ces lignes. Ils voudraient vous redire, avec ma ferme volonté de fidélité à toutes les exigences du Seigneur, ma très profonde et fraternelle charité.

Du Vatican, le 24 novembre 1980.

IOANNES PAULUS PP. II


À EUGÈNE RITTWEGER, AMBASSADEUR DE LA BELGIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi, 27 novembre 1980




Monsieur l’Ambassadeur,

Votre Excellence vient de m’exprimer les sentiments élevés qui L’inspirent au seuil de sa mission d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Sa Majesté le Roi des Belges auprès du Saint-Siège. Je vous en remercie vivement, ainsi que Leurs Majestés le Roi Baudouin Ier et la Reine Fabiola, dont vous m’avez transmis les souhaits. Vous voudrez bien, Monsieur l’Ambassadeur, les assurer de mes sentiments respectueux et cordiaux.

Votre mission auprès du Saint-Siège sera guidée par les principes que vous avez rappelés, cet amour de la paix et de la justice qui oriente l’action internationale de votre pays. Est-il besoin de vous assurer que vous trouverez toujours ici compréhension et appui? Aujourd’hui, les hommes sont de plus en plus conscients que le primat de l’action pour la paix ne constitue pas un voeu platonique et en quelque sorte rituel, mais qu’il s’agit d’une exigence imposée à l’humanité par la prise de conscience des dangers qui la menacent et par la nécessité même de survivre. L’acuité d’un tel sentiment conduira, nous l’espérons, à des attitudes toujours plus décidées à cet égard.

C’est pourquoi, alors que les pays signataires de l’Acte final d’Helsinki s’efforcent d’assurer à ce dernier toute sa portée et sa pleine mise en oeuvre, j’ai voulu rappeler, à la veille de la réunion de Madrid, la dimension spirituelle que je considère comme indispensable pour parvenir à une véritable atmosphère de sécurité, de coopération et de paix en Europe. Mon appel a été pleinement compris par les hautes Autorités de votre pays, et je m’en réjouis profondément.

Dans ce contexte, l’oeuvre de la Belgique en Europe prend tout son sens. En cherchant à forger sur des modes nouveaux, une unité fondée sur une communauté d’origine et de destin, les pays qui composent ce continent ne doivent pas succomber à la tentation du repliement sur eux-mêmes, mais chercher au contraire à mettre en oeuvre des formes renouvelées de coopération internationale.

J’ai souvent eu l’occasion de souligner que la conception de l’homme nécessairement impliquée à la base de tout effort désintéressé de coopération - conception fondée sur les droits inhérents à la personne humaine - exige que cette dernière soit comprise dans toutes ses dimensions spirituelles, donc aussi dans sa dimension religieuse. C’est pourquoi les convergences qui existent, dans un pays, entre les préoccupations humanitaires de ses responsables et celles de l’Église ne sont point accidentelles ni sans rapports. En Belgique, votre histoire montre bien que la vitalité chrétienne dont votre pays témoigne si heureusement est intimement liée à son rayonnement universitaire et à l’idéal humaniste qui inspire vos concitoyens.

C’est pourquoi je forme les voeux les plus fervents à l’intention de la Belgique, de son Souverain, Sa Majesté le Roi Baudouin Ier, et de tous ses dirigeants, pour leur prospérité et pour le succès de leurs efforts au service de la communauté des peuples. A vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, je souhaite que votre mission auprès du Saint-Siège soit heureuse et fructueuse, et je demande au Seigneur l’abondance de ses bénédictions pour votre personne et pour votre cher pays.

Décembre 1980

À L'ORGANISATION MONDIALE DES ANCIENS ÉLÈVES DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE

Samedi, 6 décembre 1980




Mesdames,
Messieurs,

Je suis particulièrement heureux d’accueillir les membres du nouveau Comité directeur de l’Organisation mondiale des anciens et anciennes Élèves de l’Enseignement catholique. En vous souhaitant la bienvenue ce matin, je désire vous encourager dans la poursuite des objectifs qui ont motivé la fondation de votre Organisation.

Celle-ci, encore relativement jeune, est née de la conscience très vive des valeurs reçues, “au printemps de la vie”, dans les institutions catholiques. Il y a là, à juste titre, une reconnaissance de la valeur du système éducatif qui vous a formés, et de ses principes fondamentaux. L’enseignement catholique, en effet, cherche toujours à unir l’accès au savoir, la formation morale et l’initiation religieuse. Pour ceux qui en ont profité, cette éducation chrétienne est la source d’un engagement, car elle n’est pas un patrimoine inerte, mais une conception dynamique de l’existence. C’est bien celle-ci que vous voulez développer en vous-même et dans vos milieux, et assurer à la jeunesse actuelle.

Comment donc ne pas réaffirmer encore une fois le droit des familles catholiques à éduquer leurs enfants dans des écoles et des institutions qui correspondent à leur conception de la vie?

Dans le monde pluraliste qui est le notre, vous avez à affirmer et à cultiver votre identité culturelle religieuse propre, fondée sur une conception de l’homme et de son rapport avec la vérité qui trouve sa plénitude dans la connaissance du Verbe de Dieu, Sagesse éternelle, qui révèle le sens ultime de la réalité. Sachez vous situer toujours davantage dans cette vérité totale qui vous permettra à la fois d’être ouverts aux diverses valeurs culturelles de notre monde et d’y travailler d’une manière conforme à ce que vous êtes.

Précisément, vous avez pris l’initiative d’étudier un certain nombre de problèmes importants concernant en particulier l’éducation et la famille. Je vous souhaite d’aider ainsi la réflexion et le témoignage de beaucoup de parents et d’éducateurs, et d’avoir une heureuse influence auprès des différentes instances qui sont concernées, au plan national et international. C’est une contribution appréciable à l’oeuvre immense et exaltante qui s’offre à l’Église en ces domaines cruciaux. Je vous y encourage de tout coeur.

Que la prière au Seigneur, Maître intérieur, et à la Vierge, modèle des éducatrices, vous soutienne dans vos efforts, ainsi que ma Bénédiction Apostolique pour vous-mêmes, pour tous ceux que vous représentez et pour toutes vos familles.



AUX DÉLÉGUÉS DU CONGRÈS EUCHARISTIQUE INTERNATIONAL

Jeudi, 11 décembre 1980



Chers Frères et chers Fils,

1. Nous voici à quelque sept mois du Congrès eucharistique international de Lourdes. Celui-ci revêtira une importance très particulière, du fait qu’il marquera le centième anniversaire du premier Congrès international de Lille et qu’il se déroulera dans la cité mariale si chère à tous les pèlerins du monde. Vous êtes venus de nombreux pays pour faire le point sur les préparatifs et vous mettre d’accord sur les grandes lignes de la célébration. Le Pape, vous le savez, se sent particulièrement concerné par ce Congrès. C’est vous dire combien il s’intéresse à vos travaux et souhaite qu’ils portent les meilleurs fruits. Je voudrais vous exprimer mes vifs encouragements pour votre travail de concertation au plan de la sensibilisation du peuple chrétien et à celui de la programmation du Congrès.

2. D’abord, en ce qui concerne la préparation du peuple chrétien, vous avez bien saisi qu’il y avait là une occasion providentielle de faire progresser le sens de l’Eucharistie chez les prêtres, les religieux et les fidèles, bien au-delà du cercle restreint de ceux qui pourront y participer sur place, ou même par la radio et la télévision. En somme, il s’agit de mieux faire comprendre la place centrale de l’Eucharistie dans l’Église. Et cela concerne toutes les communautés chrétiennes.

N’est-ce pas l’Eucharistie qui structure l’Église? Le thème, “Jésus-Christ, pain rompu pour un monde nouveau”, peut devenir comme une symphonie aux multiples résonances qui doivent cependant toutes jaillir de l’essentiel du mystère de la foi - le Christ réellement présent et offert sous les espèces du pain et du vin - et en exprimer de façon adéquate toutes les conséquences fondamentales.

Pour dire les choses d’un mot, nous voulons célébrer solennellement l’Alliance de Dieu avec les hommes - et notre monde a plus que jamais besoin d’entendre cette Bonne Nouvelle. Cette Alliance, nouée dans le sacrifice et la résurrection du Christ, est proposée en partage à tous les hommes, par une nourriture sacrée qui les relie réellement au Christ et entre eux grâce à Lui, d’une façon qui dépasse tout ce qui est monté au coeur de l’homme puisqu’elle est le dernier mot de l’Amour. Il convient de ne négliger aucune face de cette participation à l’Eucharistie. Elle comporte d’abord l’action de grâces et d’adoration qui devront trouver une place de choix dans le Congrès, dans les célébrations de la messe, les processions, les heures de recueillement devant le Saint-Sacrement. Elle comprend la conversion qui la prépare et l’accompagne, dans la ligne des tout premiers mots de l’Évangile et du message confié à Bernadette Soubirous. Elle appelle un engagement résolu à vivre l’amour reçu de Dieu dans les relations effectives de justice, de paix, de miséricorde, en partageant les diverses formes du pain quotidien avec tous nos frères. Ainsi doit apparaître l’Eucharistie, dans sa dimension verticale et horizontale. Ainsi se prépare le renouveau profond des personnes et, de proche en proche, le renouveau du monde.

Je félicite donc et j’encourage vivement tous ceux qui ont déjà mis en oeuvre, dans leur pays, les moyens de susciter prière, réflexion et action dans l’axe du mystère eucharistique. Je pense par exemple aux lettres de certains Pasteurs. Il faut à la fois développer ces initiatives, au plan théologique, spirituel et pastoral, et veiller à leur authenticité par rapport au Testament du Christ.

3. Mais en plus de cette pédagogie qui intéresse chacune de vos Églises locales, vous êtes réunis à Rome en ce moment pour faire face à l’organisation laborieuse du Congrès, vous pencher sur son programme, sur les problèmes de son déroulement et de la participation. Des choix s’imposent pour atteindre plus sûrement l’essentiel et exprimer au mieux les divers aspects dont nous avons parlé. Il vous appartient de les peser mûrement, en tenant compte de plusieurs critères: d’abord l’expérience et les traditions des Congrès eucharistiques précédents, avec les éléments qui ont fait leurs preuves; le caractère festif et les autres exigences de ces grands rassemblements populaires de fidèles provenant de multiples pays et de divers milieux, afin que tous puissent s’associer facilement à la prière; la grâce particulière de la cité mariale de Lourdes, avec ses manifestations de piété eucharistique et ses démarches personnelles de réconciliation; l’attention portée aux malades et aux souffrances du monde; et encore certaines exigences nouvelles qui se font jour pour permettre aux différents groupes, par exemple aux jeunes, une réflexion approfondie, une expression de prière adaptée, un partage effectif.

Le Congrès doit constituer un grand moment de témoignage rendu à l’Eucharistie, comme une proclamation de la foi de l’Église lisible pour tous, un déploiement de charité évangélique et en même temps une source d’espérance pour tous ceux qui sont en chemin et que la miséricorde de Dieu appelle au salut et à l’unité en Jésus-Christ.

Ne pouvant prolonger aujourd’hui notre conversation, je bénis de tout coeur votre délégation. Que votre concertation dans l’écoute et la charité mutuelle prépare bien la voie au Congrès! Que l’Esprit Saint vous prodigue sa lumière! Que la Vierge Immaculée, Notre-Dame de Lourdes, nous aide tous à nous mettre à l’écoute de son Fils, nous prépare à vénérer, à recevoir et a partager le Pain de vie qui doit régénérer le monde!


AUX ÉVÊQUES DU VIETNAM EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Jeudi, 11 décembre 1980


Discours 1980 - Vendredi, 14 novembre 1980