Discours 1980 - Jeudi, 11 décembre 1980




Frères très chers dans le Christ,

1. Au Pape Paul VI, qui a tant souffert de vos souffrances et tant espéré accueillir les Évêques du Vietnam, fut seulement donnée la grande joie de recevoir dans le Collège des Cardinaux l’ancien Archevêque de Hanoi: le très vénéré Monseigneur Joseph Trin Nhu Khue. Cet événement marquant laissait présager que les Pasteurs des diocèses vietnamiens pourraient en fin prendre le chemin de Rome et rencontrer leur Frère aîné, l’humble successeur de Pierre. L’année 1980 fera date dans les annales de vos Églises locales. Comment ne point faire mémoire de la visite de vos Confrères, venus surtout du nord du Vietnam, en juin dernier? L’émouvante adresse du Cardinal Joseph-Marie Trinh van Can lors de l’audience collective du 17 juin, l’entretien pastoral qu’il me fut donné d’avoir avec eux sur les principaux problèmes religieux de votre pays, ainsi que l’agréable soirée d’échanges et de détente passée sous le toit de votre Procure romaine, demeurent des souvenirs bien vivants et chers à mon coeur. Et vous, que j’avais eu le grand bonheur de rencontrer en privé à la mi-octobre, vous voici de nouveau réunis pour l’accolade de l’au revoir.

Car j’ai bon espoir de vous accueillir encore. Fraternellement guidés par Monseigneur l’Archevêque d’Hôchiminville, vous serez heureux d’emporter avec vous, mais également pour vos Frères déjà venus, le témoignage renouvelé de la profonde affection du Pape et ses encouragements réitérés à vivre dans l’unité, dans l’espérance et dans un généreux service de votre patrie.

2. La “grâce” de Rome n’est pas un vain mot! Vous avez enfin pu rencontrer, voir et entendre celui que la Providence a mystérieusement fait venir de loin pour assumer la redoutable charge de confirmer ses Frères dans la foi et dans la charité. Laissez-moi vous assurer encore une fois que je demeure spécialement proche des Évêques du Vietnam, du fait de ma mission particulière, du fait également que j’ai moi-même vécu les défis et les espérances d’une Église locale, dans le cadre, il est vrai, d’une Conférence épiscopale qui m’a singulièrement aidé, sans parler de la riche expérience collégiale du Concile et des Synodes romains. Vous aussi, demeurez avec le Pape, quoi qu’il arrive! L’expérience séculaire de l’Église fait dire que les initiatives d’un Épiscopat, loin d’être étrangères au souci de l’unité catholique, trouvent dans la référence à l’Évêque de Rome la garantie et l’encouragement dont elles ont besoin.

La communion “effective et affective” au Successeur de Pierre est la condition sine qua non de l’unité entre vous, unité dont le peuple a un besoin vital. L’exhortation de saint Cyprien, Évêque de Carthage au IIIe siècle, à un moment où l’unité entre les Évêques de son pays était menacée, est toujours très actuelle: “Nous devons maintenir cette unité, nous surtout les Évêques qui présidons dans l’Église, afin de témoigner que l’épiscopat est un et indivisible. Que personne ne trompe les fidèles ni n’altère la vérité. L’épiscopat est un...” [1]. Dieu soit loué, cette unité existe entre vous, mais elle doit grandir encore. Précisément, je réexprime mes voeux ardents pour que l’un des instruments privilégiés de cette unité de vue et d’action apostolique - à savoir la Conférence épiscopale avec ses diverses structures - se développe concrètement et harmonieusement. Les premiers pas de votre Conférence, comme la première lettre collégiale publiée par les trente-sept Évêques du Vietnam en mai dernier, ont été pour moi une source de grand réconfort et d’action de grâces.

Cette union des esprits et des coeurs constitue en elle-même un chemin de l’évangélisation. “Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé” [2]. L’unité des Evêques entre eux a toujours été et sera toujours la clé de l’unité du presbyterium, des religieux et des religieuses, si étroitement associés au ministère de l’Evangile, et des laïcs chrétiens de plus en plus appelés à prendre leur part dans l’édification des communautés de foi, qui cherchent à s’adapter judicieusement aux besoins nouveaux.

3. Je tiens aussi à vous confier un autre souhait. Avec l’aide du Seigneur, vivez de plus en plus dans l’espérance: l’espérance évangélique fondée sur la vérité de notre foi, sur la solidité de notre conception chrétienne de l’existence humaine. Certes, mieux que n’importe qui, vous connaissez de l’intérieur le nombre et le poids des difficultés qui pèsent sur votre pays et sur votre ministère pastoral. Mais vous mesurez aussi le dynamisme spirituel qui anime présentement vos fidèles, et qu’ils puisent dans l’approfondissement du Mystère pascal du Seigneur Jésus. En s’abandonnant entre les mains de son Père, le Christ fit pour ainsi dire éclater de l’intérieur le destin qui semblait l’écraser. Il transforma la nécessité en espérance. Aujourd’hui, le Christ mort et ressuscité convie Pasteurs et fidèles vietnamiens à relire les Écritures et la longue histoire de l’Église qui est son Corps mystique pour renaître à l’espérance. Le Christ semble dire à tous et à chacun: si longue soit la nuit, l’aube vient toujours à son heure. Est-il besoin d’ajouter que cette espérance, puisée dans la croix et la résurrection du Seigneur Jésus, n’a rien à voir avec une pieuse résignation, un quiétisme qui contredirait les appels évangéliques au courage?

Une telle espérance fait porter des regards nouveaux sur les personnes et sur les événements, pousse à chercher des solutions nouvelles, entraîne à recommencer les mêmes tentatives en les améliorant toujours. Voyez vous-mêmes, chers Frères, la pédagogie du Christ. N’est-elle pas une véritable pastorale de l’espérance? Mesurez votre responsabilité. L’espérance, en effet, est contagieuse.

4. Enfin, mon troisième souhait est celui-ci: montrez toujours davantage combien vous aimez votre patrie. A ce plan si important et si délicat, le comportement du Christ est également significatif.

Sans crainte d’erreur, on peut affirmer qu’il a véritablement et profondément aimé son pays. Il en a partagé avec dignité et fidélité les souffrances et les espérances. Vous savez aussi comment le récent Concile a mis en relief l’obligation pour tous les citoyens de participer à la vie de la nation, à l’avènement du bien commun [3]. Je vous félicite d’avoir su traduire cet enseignement de Vatican II dans la Lettre collective de l’Épiscopat vietnamien, à laquelle je faisais allusion tout à l’heure.

Puissent tous vos fidèles bien comprendre que leur style de participation à l’essor de la communauté nationale est une manière d’annoncer l’Évangile! Puissent-ils, en retour être reconnus comme des serviteurs loyaux et courageux de leur pays! Je ne voudrais pas omettre de souligner que, dans leurs efforts de collaboration à la reconstruction et au développement du Vietnam, la charité des Églises particulières et l’aide des Organisations catholiques, qui se sont si souvent et si généreusement manifestées, leur sont toujours assurées.

5. J’ai partagé avec vous quelques convictions profondes. Vous les partagerez vous-mêmes avec vos Confrères déjà venus en visite “ad limina”. Je vous ai ainsi parlé en songeant sans cesse à la Croix du Christ, sans laquelle l’existence humaine n’a ni racines ni avenir, en pensant à la Mère du Christ, si honorée dans vos églises et dans les demeures de vos fidèles, en espérant que les Bienheureux Martyrs du Vietnam, et de même saint François-Xavier et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus que vous aimez prier, vous assisteront encore dans ce mystère de la passion et de la résurrection des communautés catholiques vietnamiennes.

A vous, chers Frères ici présents, à tous les Évêques du Vietnam et à leurs diocésains respectifs, j’accorde de tout coeur ma Bénédiction Apostolique.

 [1] S. Cypriani De Unitate Ecclesiae, 6-8.
 [2] Jn 17,21.
 [3] Cfr. Gaudium et Spes, GS 75, § 5.

 

À SALOMON RAHATOKA AMBASSADEUR DU MADAGASCAR PRÈS DU SAINT-SIÈGE

Lundi, 15 décembre 1980




Monsieur l’Ambassadeur,

La présence de Votre Excellence, dans cette maison où je vous accueille avec joie, en qualité d’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République Démocratique de Madagascar, est une occasion privilégiée de se féliciter des liens étroits qui unissent le Saint-Siège et la Grande Ile, et je tiens à vous remercier de vos paroles qui en ont souligné si opportunément toute la richesse.

Avec émotion, je vous ai écouté évoquer le courage des chrétiens malgaches au siècle dernier et je songeais à l’exemple qu’íls nous ont ainsi laissé. Certes, depuis lors, les conditions du monde, comme celles de votre pays, ont considérablement évolué. Il n’en reste pas moins que l’avenir de la paix semble menacé, que les droits de l’homme sont mis çà et là en péril, que la compréhension entre les pays favorisés et ceux qui le sont moins est difficile. Cette situation requiert à nouveau des hommes capables de faire preuve de détermination et de courage, et surs que la dignité de l’homme est d’abord dans son âme. C’est pourquoi je tiens à vous exprimer ma gratitude pour le tableau que vous avez brossé des activités de l’Église dans votre pays au progrès duquel elle participe de grand coeur.

Ce que l’Église tente résolument d’accomplir, c’est le service de l’homme tout entier. Elle s’efforce tout d’abord de préserver et d’affiner son intuition des valeurs spirituelles, composante si remarquable de la civilisation malgache. Elle affermira son sens communautaire, en lui faisant percevoir, dans les devoirs de justice sociale et internationale, l’exigence plus profonde encore de miséricorde, comme je le rappelais dans ma lettre “Dives in Misericordia”. Elle l’aidera à faire grandir en lui la passion pour la recherche de la vérité, mais aussi celle de la tolérance, qualités qui appartiennent en propre, pourrait-on dire, au tempérament malgache. Voilà ce que recherche l’Église catholique, oeuvre à laquelle elle collabore volontiers avec les autres communautés chrétiennes, comme vous l’avez vous-même souligné. Cet esprit, de plus en plus partagé, doit permettre à tous les hommes de bonne volonté dans l’ensemble de la nation de se retrouver pour promouvoir de façon constructive et désintéressée la noble cause de l’homme.

A votre peuple revient une responsabilité spéciale dans le domaine international, étant donné, entre autres, sa situation dans l’Océan Indien. Les relations qui lient les peuples les uns aux autres demeurent fort délicates, en raison des options différentes et des intérêts économiques divergents. Le Saint-Siège, pour sa part, s’emploie à les imprégner des valeurs morales et spirituelles nécessaires. Il veut contribuer à servir les hommes, non seulement dans leurs besoins matériels, mais dans leurs besoins spirituels et leur ouverture à Dieu. Il ne négligera aucun moyen qui puisse promouvoir un tel idéal auquel ont été attachées toutes les grandes civilisations, et, avec une fidélité particulière, je le sais, celle de votre cher pays.

Tel est l’enjeu placé au coeur de la tâche immense qui incombe aux nations et à ceux qui ont reçu mission de les guider, tâche redoutable à bien des égards, et c’est pourquoi je vous prie de transmettre à Son Excellence Monsieur Didier Ratsiraka, Président de la République Démocratique de Madagascar, mes voeux les plus fervents pour lui-même, ses collaborateurs, ainsi que pour tous les Malgaches. Puissent-ils, avec l’aide de Dieu, jouir de la paix, avancer en sûreté sur le chemin du progrès, avec le souci de la participation active de chacun, afin de pouvoir jouer dans le monde un rôle digne de la civilisation glorieuse dont la nation malgache est issue!

Quant à vous, Monsieur l’Ambassadeur, vous savez que vous pourrez toujours compter sur le meilleur accueil auprès du Saint-Siège, afin d’être aidé dans votre importante mission, pour la réussite de laquelle je suis heureux de vous adresser mes souhaits les meilleurs.


  AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES PÈRES BLANCS

Lundi, 15 décembre 1980




Frères très chers dans le Christ.

1. Profondément heureux de vous accueillir au terme du XXIIe Chapitre général de votre Société, j’adresse un salut du coeur à chacun de vous et aux 3.000 Pères et Frères que vous représentez. Permettez-moi de saluer particulièrement le cher Père Jean-Marie Vasseur qui vient d’achever son mandat de supérieur général, et d’offrir à son successeur, le Père Robert Gay, que vous venez d’élire, mes souhaits fervents de fructueux service de votre famille missionnaire.

Si le grand Cardinal Lavigerie, qui vous fonda en 1868, pouvait revenir parmi vous, il me semble qu’il vous redirait avec la même ardeur évangélique: “Soyez des apôtres, et rien d’autre...”. Cette consigne, brève et percutante, est toujours d’actualité. Au nom de l’Église, et en écho à votre fondateur, je vous l’exprime très fort: “Soyez des apôtres, et rien d’autre...”. C’est d’ailleurs dans cette perspective que votre chapitre a oeuvré. Vos esprits et vos coeurs sont davantage habités par les convictions du Cardinal, qui voulait des apôtres au coeur brûlant et profondément enracinés dans la vie spirituelle. Je sais, sur ce dernier point, l’effort accompli depuis six ans par le conseil général. Il a tenu à favoriser les retraites ignatiennes et les sessions bibliques à Jérusalem même, là où Lavigerie avait déjà envoyé les Pères Blancs au service des Églises du Proche-Orient; vos confrères y travaillent toujours dans une perspective oecuménique. Ces efforts de ressourcement donnent et donneront davantage encore à vos communautés un dynamisme et une transparence évangéliques. L’Église a tant besoin d’apôtres infatigables et habités par Jésus-Christ!

2. Depuis sa fondation, votre Société est un Institut missionnaire; elle contribue avec d’autres à la grande oeuvre de l’évangélisation des peuples, qui est “la mission essentielle de l’Église” [1]. Nous pouvons imaginer le bonheur du Cardinal Lavigerie, s’il avait connu les études et les expériences missionnaires de notre époque, et aussi les documents d’Église qui en sont à la fois les fruits savoureux et les normes indispensables. Citons seulement l’Exhortation “Evangelii Nuntiandi”, qui rappelle précisément que l’évangélisation est la vocation propre de l’Église [2] et que “évangéliser, pour l’Église, c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même...” [3].

Puisse cette Exhortation rester pour vous une charte et une lumière sur votre route! Votre tâche particulière a été et demeure l’évangélisation du monde africain. De ce fait, votre Société a toujours porté une attention particulière aux croyants de l’Islam. L’Église s’en réjouit et elle vous encourage à poursuivre les tâches que vous accomplissez avec compétence au service du monde musulman; tâches de dialogue et de témoignage, si importantes dans les années qui viennent. C’est bien dans ce but éminemment pastoral que le Saint-Siège vous a confié l’“Institut Pontifical d’Études Arabes”, afin de permettre aux clercs et aux laïcs de se perfectionner dans la langue et la littérature arabes, ainsi que dans la connaissance de la religion et des institutions de l’Islam.

L’épopée africaine des Pères Blancs est un fait. Il importe de la relire avec une grande compréhension des circonstances qui l’ont vu naître et se déployer, avec respect et reconnaissance pour vos devanciers. Moi-même, pendant mon voyage pastoral en Afrique, j’ai tenu à me recueillir sur la tombe d’anciens missionnaires, à Kisangani au Zaïre. Les générations de Pères Blancs qui se sont donnés corps et âme à l’annonce de l’Évangile en Afrique étaient bien présentes à ma démarche et à ma prière. Laissez-moi encore ajouter que, pour tout ce labeur accompli depuis plus d’un siècle, l’Église vous exprime publiquement ses vives félicitations et sa reconnaissance.

3. Mais votre tâche n’est pas terminée. Précisément, au cours de ce vingt-deuxième chapitre général, vous avez tous ensemble porté un regard très attentif sur les besoins actuels et même urgents du continent africain qui affirme de plus en plus son identité culturelle et sa volonté de croissance au plan socio-économique. Vous ne pourrez faire votre travail d’évangélisateurs sans échapper au dialogue avec les autres croyants et sans prendre en compte les nécessités, parfois criantes, du développement africain [4].

Mais votre responsabilité demeure grande également à l’égard des Églises locales, qui n’ont pas encore de prêtres et d’animateurs en nombre suffisant. Combien d’Évêques adressent au Siège Apostolique de Rome des appels urgents et émouvants! Demeurez aux côtés de ces jeunes Églises et trouvez de plus en plus votre style de co-responsabilité auprès d’elles. Continuez aussi de collaborer à l’action menée par les diocèses d’Europe - j’ai constaté cela au cours de mes visites pastorales en France et en Allemagne - en faveur des travailleurs et des étudiants africains qui viennent pour un temps sur ce continent. Ce regard prolongé sur votre champ d’apostolat a fait naître, au long des semaines studieuses et priantes de votre chapitre, un “projet apostolique commun”. Vous allez maintenant l’appliquer avec le sérieux et le dynamisme qui vous caractérisent. Mais pour préparer l’avenir avec réalisme, vous vous efforcerez évidemment de former des évangélisateurs.

De tout temps, votre Société s’est fixé l’objectif de préparer les Églises locales d’Afrique à être missionnaires à leur tour. Vous les avez beaucoup aidées à devenir authentiquement africaines, en formant - pour votre part - un nombre impressionnant de leurs prêtres et de leurs Évêques. Mais il existe aussi des Africains qui désirent porter la Bonne Nouvelle dans d’autres pays que le leur. Certains même, aujourd’hui comme hier, désirent être membres de votre Société missionnaire. C’est une chance pour l’apostolat. Ces prêtres et ces frères africains hériteront de votre tradition missionnaire et pourront vivre dans des communautés qui deviendront de plus en plus interraciales en même temps qu’internationales.

4. Vous êtes des hommes d’Église, missionnaires et apôtres. C’est là votre identité propre et la source de votre joie. Je voudrais encore souligner que vous avez toujours voulu vivre votre vocation, depuis les origines de votre Société, dans des communautés témoignant que les préjugés de race, de classe, de nation, de culture peuvent être dépassés pour le Royaume de Dieu. C’est à partir de là que vous vivez votre consécration à la Mission. C’est à partir de là que vous voulez avancer sur les voies d’une vie spirituelle profonde, où les valeurs de pauvreté, de chasteté et d’obéissance retrouvent tout leur sens, que vous soyez prêtres ou frères.

Maintenir et construire de telles communautés de Pères Blancs est un objectif prioritaire de votre Société pour les années à venir. Le Pape s’en réjouit profondément et vous encourage de tout coeur. L’Église et le monde d’aujourd’hui ont absolument besoin de ces communautés où le partage et la communion ne soient pas que des mots, mais des réalités vécues au jour le jour, avec humilité et enthousiasme. Est-il besoin d’ajouter que de telles fraternités seront, à elles seules, un appel aux jeunes et même à des adultes de tous pays, pour s’insérer dans vos rangs et prendre la relève?

Je suis persuadé que le projet de mettre leur existence entière au service exclusif du Royaume est capable de séduire le coeur des jeunes, aujourd’hui comme hier, et de les conduire jusqu’en Afrique pour le travail de coopération avec les “Eglises Soeurs”, comme j’aime les appeler. Libérons-nous tous de nos états d’âme et réactions trop subjectifs! Aucune Église ne saurait se replier sur elle-même. C’est plus que jamais l’heure de la Mission!

Pour cela, nos plus belles résolutions ne suffisent pas. Nous avons grands besoins, comme aux premiers jours de l’Église, des lumières et de la force de l’Esprit Saint. En invoquant ces grâces sur votre Société, je suis heureux de vous donner, à vous-mêmes et à tous les Pères Blancs qui vivent et qui peinent pour le Royaume de Dieu, dans la patience et l’espérance, en Afrique et dans le monde, mon affectueuse Bénédiction Apostolique.

 [1] Pauli VI Evangelii Nuntiandi, EN 14.
 [2] Cfr. ibid. EN 14
 [3] Ibid. EN 18.
 [4] Cfr. ibid. EN 31 et ss.




AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE SOCIALISTE FÉDÉRATIVE DE YOUGOSLAVIE

Vendredi, 19 décembre 1980




Monsieur le Président,

1. Je voudrais dire d’abord à Votre Excellence combien j’apprécie sa visite. Elle me permet de vous présenter mes salutations après votre élection à la charge élevée que vous assumez maintenant, comme Président de la Présidence de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie. Je me souviens aussi de notre première rencontre lorsque vous représentiez la Yougoslavie à la cérémonie d’inauguration de mon Pontificat.

Durant les dernières années, il y a eu beaucoup d’occasions de contacts et de conversations entre de hauts dignitaires de votre pays et du Saint-Siège. J’évoque la plus récente: ma rencontre avec Monsieur le Secrétaire Fédéral pour les Affaires Étrangères, qui accompagne aujourd’hui Votre Excellence; elle avait lieu en juillet dernier, au lendemain de mon retour du Brésil. Il est naturel, par ailleurs, que votre venue, Monsieur le Président, ravive le souvenir d’une circonstance analogue à celle d’aujourd’hui, celle de la réception du Président Tito par le Pape Paul VI, il y a une dizaine d’années.

Cette visite-là a marqué une étape importante dans la consolidation de relations plus fructueuses entre le Saint-Siège et la Yougoslavie, qui avaient été normalisées au niveau diplomatique quelques années auparavant, et de même dans la recherche de rapports loyaux entre l’Église et l’État.

Ceux-ci lorsqu’ils sont fondés sur le respect de l’indépendance réciproque et des droits de chacun, ne peuvent pas ne pas être à l’avantage de la société civile comme de l’Église.

On avait pu alors confirmer publiquement qu’était désormais surmontée toute une période certainement non exempte de difficultés dans les rapports entre le Saint-Siège et l’Église catholique en Yougoslavie, d’une part, et les Autorités civiles, d’autre part. La volonté mutuelle de s’employer à développer positivement le rapprochement déjà réalisé devait, entre autres, servir à approfondir un dialogue opportun sur des problèmes concernent la paix et la collaboration internationales - auxquels le Saint-Siège et la Yougoslavie accordaient et accordent toujours une importance particulière - et aussi sur des questions liées à la présence active de la communauté catholique en Yougoslavie. Sur ce dernier point, le but était d’assurer toujours mieux l’espace de légitime liberté - sans privilèges - dont l’Église a besoin pour accomplir son propre ministère spirituel.

Je pense que la façon dont les rapports ont été vécus durant ces dernières années a suffisamment confirmé les prévisions et les désirs des protagonistes de la rencontre. Votre visite aujourd’hui est un signe de la détermination de poursuivre la route où l’on s’est engagé.

Saisissant cette occasion, je voudrais donc réaffirmer la disponibilité du Siège Apostolique à progresser dans la même direction, étant bien conscient des résultats positifs qui peuvent en découler ultérieurement, grâce à l’effort conjoint d’hommes qui, animés de bonne volonté, examinent ensemble les divers problèmes pour chercher des solutions adéquates.

2. C’est dans cette perspective d’une action particulière en faveur de la paix et, en même temps, du service inhérent à mon ministère apostolique qu’il faut considérer l’initiative que j’ai jugé de mon devoir de prendre le premier septembre dernier, en envoyant le document sur la liberté de conscience et de religion, accompagné d’une lettre personnelle, à Votre Excellence comme aux autres Chefs d’État des pays signataires de l’Acte final d’Helsinki, en vue de la réunion sur la sécurité et la coopération en Europe qui se tient actuellement à Madrid. Connaissant en effet l’importance croissante que comporte, pour une paix réelle et effective, au plan national et international, la jouissance concrète des biens spirituels et des droits inaliénables de la personne humaine qui y correspondent, il m’a paru utile d’inviter les hauts destinataires à une réflexion approfondie sur le sujet de manière à favoriser en chaque pays une application plus complète et plus organique, dans la vie réelle, de la liberté religieuse.

Votre réponse, que je viens de recevoir, manifeste que vous-même et le Gouvernement yougoslave avez compris le but positif de ce document. Celui-ci vise à faire en sorte que, dans les pays attentifs à développer le processus multilatéral mis en route par la signature de l’Acte final d’Helsinki, tout être humain voie satisfaire convenablement ses aspirations naturelles les plus intimes d’ordre spirituel, au plan individuel et communautaire, et trouve ainsi un encouragement et des conditions plus favorables pour apporter sereinement sa contribution à la réalisation d’un plus grand bien-être social pour tous.

Je pense que ce document examiné à la lumière d’une telle perspective pourra avoir aussi les effets bénéfiques que l’on peut souhaiter pour la vie et pour l’activité de l’Eglise catholique en Yougoslavie, afin qu’elle puisse accomplir toujours plus adéquatement sa mission religieuse et morale. De tels progrès ne manqueraient pas non plus de faciliter l’apport des catholiques de Yougoslavie à l’amélioration et à la consolidation de la vie sociale.

3. Si mon initiative correspond à la mission particulière du Siège Apostolique, il n’est pas moins vrai que celui-ci continue à suivre avec une vive estime toute autre initiative et tout autre effort visant à surmonter les tensions et les discordes qui troublent toujours davantage la vie entre les hommes et entre les nations et, par conséquent, à affermir la paix et à rendre possibles de meilleurs rapports internationaux en Europe et au-delà de ce continent. A ce sujet, je connais bien les efforts que la Yougoslavie continue d’accomplir, au sein de diverses instances internationales, pour préparer les voies permettant de surmonter les graves difficultés, qui rendent encore aujourd’hui la paix du monde si fragile.

On ne sera donc pas surpris que, tout en vous assurant que le Saint-Siège ne cessera de se prononcer et d’agir en faveur d’un dialogue sage, ouvert et loyal - le considérant comme la voie humaine et juste permettant d’atteindre la solution souhaitée des problèmes complexes qui préoccupent l’opinion publique mondiale - je vous renouvelle, Excellence, mes voeux fervents pour la continuation de l’action que votre pays a entreprise en ce sens et qui est aussi le fruit de l’attitude de légitime indépendance qui la caractérise depuis des années.

4. En cette fin de l’an 1980, permettez-moi, Monsieur le Président, d’adresser à toutes les populations de Yougoslavie, et d’abord à vous-même et aux Autorités fédératives et locales, mes meilleurs voeux pour que l’année qui vient apporte à tous, parmi bien d’autres dons, la joie d’un constant progrès qui soit capable de satisfaire leurs aspirations humaines matérielles et spirituelles.

Je demande au Seigneur qu’il en soit ainsi, et je me fais un devoir de souhaiter également une heureuse fête de Noël à tous ceux qui, en Yougoslavie, partagent dans la foi la joie de son imminente célébration.


À YAYA DIARRA PREMIER AMBASSADEUR DU MALI PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 20 décembre 1980




Monsieur l’Ambassadeur,

En accueillant Votre Excellence dans cette maison, en qualité de premier Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République du Mali près le Saint-Siège, j’éprouve une vive satisfaction. En effet, l’instauration de relations diplomatiques entre le Siège Apostolique et le Mali revêt une signification très particulière, dans un monde trop souvent guidé par les seuls intérêts économiques. De telles relations, souhaitées et réalisées de part et d’autre à ce haut niveau, manifestent le souci d’introduire dans les liens internationaux le dynamisme, combien nécessaire, des valeurs spirituelles.

Vous avez bien voulu évoquer, Monsieur l’Ambassadeur, les efforts que j’ai déployés en faveur d’une plus grande compréhension entre les hommes et les nations. Ils seront d’autant plus fructueux qu’ils rencontreront chez les peuples une certaine conception de l’homme, de sa dignité inaliénable, de sa dimension spirituelle qui ne lui permet pas de se limiter à la satisfaction de ses besoins immédiats, de sa mystérieuse vocation d’ouverture à Dieu. Cette intuition n’est-elle pas profondément enracinée dans l’âme africaine? Il convient de la préserver et de l’épanouir.

Une telle vision ne détourne pas des tâches immédiates. Elle donne à ceux qui les entreprennent un esprit nouveau et, j’en suis convaincu, une ténacité renforcée, qu’il s’agisse de lutter contre l’ignorance, contre les maladies, contre la sécheresse; ou bien d’aider les individus et les collectivités à prendre en main les moyens nécessaires au développement, ou bien encore d’apprendre à la jeunesse à placer sa soif d’idéal dans la réalisation d’oeuvres exaltantes et utiles pour la communauté. La collaboration internationale doit, pour sa part, rechercher de tels buts, et s’attacher tout d’abord à établir des conditions de paix et de plus grande justice, fondées sur le respect de la personnalité des communautés et des peuples. C’est bien là, d’ailleurs - vous y faisiez vous-même allusion - une exigence spécialement ressentie au Mali, où doivent cohabiter des populations d’origines diverses, revendiquant à juste titre d’appartenir à des civilisations anciennes et brillantes.

C’est ainsi que vous pourrez faire face ensemble aux problèmes difficiles que posent à votre pays et à ses dirigeants les conditions climatiques, souvent défavorables, que vous évoquiez. Avec beaucoup d’attention, croyez-le bien, je suis les efforts entrepris pour y faire face, tant au plan national qu’international. Il y a là un terrain d’action offert à la solidarité des peuples, qui suppose courage, ouverture du coeur et désintéressement. Je renouvelle les encouragements qu’à ce sujet j’ai moi-même exprimés en mai dernier à Ouagadougou.

Précisément c’est cet esprit de service qui anime l’Église Catholique au Mali. Elle entend, pour sa part, avec la liberté dont elle jouit, poursuivre ce service de tous, sans distinction aucune, par ses oeuvres d’enseignement et d’assistance sanitaire et sociale. Je me félicite de pouvoir, en ce jour, par votre entremise, saluer les chrétiens du Mali, parmi tous leurs compatriotes.

C’est, en effet, vers tous les Maliens que se tourne en ce moment ma pensée et, en premier lieu, vers Son excellence le Général Moussa Traore qui vous a désigné pour représenter votre pays auprès du Saint-Siège. Je vous prie de lui transmettre les voeux que je forme pour la prospérité du Mali et pour l’affermissement des relations amicales qui viennent d’être scellées de façon officielle.

Quant à vous, Monsieur l’Ambassadeur, je suis heureux de vous offrir mes souhaits les meilleurs pour la réussite de votre haute mission et de vous assurer que vous trouverez toujours ici l’accueil compréhensif dont vous pourrez avoir besoin. Que le Très-Haut vous comble, vous et les vôtres, de ses bénédictions!

 







Discours 1980 - Jeudi, 11 décembre 1980