Discours 1982





janvier 1982


Le rôle irremplaçable des personnes âgées

Angélus du 3 janvier(l)


(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano des 4-5 janvier. Traduction, titre et notes de la DC.


1. Je désire aujourd'hui, chers frères et soeurs, que nos pensées et nos coeurs se tournent vers les personnes âgées. Le temps de Noël nous met devant les yeux les figures de Siméon et d'Anne, qui ont accueilli l'Emmanuel dans le temple de Jérusalem. Ils l'avaient attendu pendant le long avent de toute leur vie et ils ont eu la grande joie de le voir dans les derniers jours de leur existence terrestre.

Comme elles sont éloquentes les paroles de Siméon : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s'en aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël. » (Lc 2,29-32)

Parmi les paroles qui ont été prononcées sur le Christ, celles-ci sont particulièrement suggestives. Elles sont inspirées par la foi d'une grande attente, mais aussi par une grande sagesse qui est le propre de l'âge avancé.

Anne, qui est aussi appelée « prophétesse » dans l'Évangile, malgré ses 84 ans, « ne s'éloignait jamais du temple où elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière » (Lc 2,37).

2. Que ces deux merveilleux témoignages, qui sont liés à la période de Noël, inspirent aujourd'hui notre méditation et notre prière.

L'Église désire faire entendre sa voix en faveur des personnes âgées qui ont tant de mérites mais qui, parfois, sont aussi tellement laissées de côté. C'est pourquoi je vous répète aujourd'hui ce que j'ai eu l'occasion de dire, en novembre 1980, dans la cathédrale de Munich : « Le Pape s'incline avec respect devant le grand âge et invite tous les hommes à le faire avec lui. Le grand âge est le couronnement des étapes de la vie. Il porte la moisson de tout ce qui a été appris et vécu, de tout ce qui a été accompli et atteint, de tout ce qui a été souffert et supporté. Comme dans la finale d'une grande symphonie reviennent les thèmes dominants de la vie, dans une puissante synthèse sonore. Et cette résonance finale confère la sagesse, la bonté la patience, la compréhension, l'amour (n. 1) (2). »

C'est pourquoi les personnes âgées sont plus précieuses que jamais et, je dirais, indispensables à la famille et à la société. Quelle aide n'apportent-elles pas aux jeunes parents et à leurs jeunes enfants par leurs connaissances et leur expérience ! Leurs conseils et leur action procurent aussi des avantages à de nombreux groupes où elles sont insérées et à un grand nombre d'initiatives dans le cadre de la vie ecclésiale et civile. Soyons-en tous reconnaissants !

3. Mais, à leur tour, elles aussi ont besoin d'être soutenues et réconfortées dans les difficultés où elles peuvent se trouver à cause de la santé et de la solitude. J'exprime ma vive appréciation à toutes les personnes qui savent trouver le temps et la manière pour être proches des vieillards les plus nécessiteux et pour les assister lorsqu'ils sont abandonnés ou oubliés dans les hospices, parfois privés de chaleur humaine.

J'adresse en particulier une pensée de gratitude et d'encouragement aux jeunes qui se consacrent à l'assistance spirituelle et sociale des personnes âgées. Il s'agit d'initiatives prises soit par des personnes privées, soit par des associations ou des mouvements organisés s'inspirant de la foi chrétienne qui fait voir sous le visage de celui qui est dans le besoin le visage même de Jésus.

À tous ces jeunes, je renouvelle aujourd'hui mes encouragements, mon affection et ma bénédiction en souhaitant qu'ils poursuivent cette oeuvre si méritoire et si noble.

(2) DC, I 980, n° 1798, p. 1166.



Discours aux responsables de la formation dans les grands séminaires - 5 janvier 1982


La formation des prêtres en Italie

Le 5 janvier, le Pape a reçu en audience, dans la salle Clémentine, les recteurs, les directeurs spirituels et les préfets des études des 92 grands séminaires d'Italie, réunis à Rome pour un Congrès organisé par la Commission pour l'éducation catholique de la Conférence épiscopale italienne. Le thème de ce Congrès était : « Unité de la formation au sacerdoce ». Voici le discours prononcé par le Saint-Père à cette occasion (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 6 janvier. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.


VÉNÉRABLES FRÈRES DANS L'ÉPISCOPAT,

CHERS FILS,

1. En vous adressant ma salutation cordiale, je désire exprimer vivement la joie que suscite en moi cette rencontre avec vous qui êtes les responsables de la formation sacerdotale donnée aux jeunes dans les grands séminaires italiens.

Vous êtes réunis à Rome, à l'invitation de la Commission épiscopale pour l'éducation catholique de la Conférence épiscopale italienne, pour une réflexion plus attentive et plus approfondie — à la lumière surtout de la « Ratio institutio- nis » nationale sur « la formation des prêtres dans l'Église italienne. Cette réflexion est consacrée à un sujet qui a été depuis toujours l'objet de la sollicitude du Saint-Siège mais qui est devenu, ces derniers temps, un motif de préoccupation. Il s'agit du problème, ancien et toujours actuel, d'assurer à l'Église les ministres dont elle a besoin.

À l'occasion de l'ouverture du 2e Congrès international pour les vocations qui a été célébré à Rome en mai dernier (2), il m'a été offert l'opportunité de confirmer encore une fois que le problème des vocations sacerdotales est le problème fondamental de l'Église. Les vocations sacerdotales sont, en effet, la vérification et l'expression de sa vitalité et, en même temps, elles sont la condition de sa mission et de son développement. En disant cela, je pensais, comme il est évident, aux séminaires qui ont pour but d'accueillir et de cultiver les vocations.

2. L'organisation même de ce Congrès, rendu possible par votre présence qualifiée, est un témoignage significatif de la volonté de l'Église italienne de travailler dans ce secteur très délicat. Et je vous encourage de tout coeur à répondre toujours mieux aux exigences renouvelées de votre délicat travail. Votre présence est de fait le signe consolant de la confiance que vous mettez en Celui qui est la source première de la vocation sacerdotale.

Je suis donc heureux d'exprimer aux promoteurs et aux organisateurs méritants de ce Congrès, à vous tous qui êtes ici présents, recteurs, directeurs spirituels, maîtres et préfets des études, mon vif remerciement et ma sincère satisfaction. En vous, je désire remercier et encourager en outre tous ceux qui partagent avec vous — à différents niveaux — la lourde tâche de préparer de futurs prêtres.

La conscience commune de la situation difficile — clairement indiquée par les statistiques — dans laquelle se trouve aujourd'hui beaucoup de centres de formation ecclésiastique italiens, même s'il ne manque pas de signes de reprise — suggère quelques réflexions qui touchent directement à la vie et à la marche des séminaires dans votre pays.

Vous savez bien que l'Église n'entend ni se cacher les problèmes qui se posent aujourd'hui aux séminaires ni demeurer étrangère à la manière dont ils sont abordés et résolus. C'est le Concile Vatican II qui nous engage à la réflexion et à la recherche dans ce secteur. Mais c'est aussi le Concile qui nous offre les critères et les orientations concernant en particulier la préparation spirituelle, disciplinaire et intellectuelle des candidats au sacerdoce.

(2) DC, 1981, n° 1809, p. 518-520.


La préparation spirituelle

3. Tout d'abord, la préparation spirituelle. L'effort éducatif du séminaire doit tendre à porter le jeune à la connaissance et à l'expérience personnelle du Seigneur pour modeler en lui un pasteur d'âmes de telle manière que, dans sa personne et dans son activité, il se présente et soit effectivement « comme un ministre du Christ et un dispensateur des mystères de Dieu » (l Co 4, l).

Parmi les aspects qui semblent mériter une particulière considération dans la préparation spirituelle des futurs prêtres, je voudrais soumettre à votre attention ceux qui sont indiqués de manière si opportune dans la lettre circulaire de la S. Congrégation pour l'Éducation catholique Sur quelques aspects les plus urgents de la formation spirituelle dans les séminaires (6 janvier 1980) (3). Ils peuvent être synthétisés dans les points suivants :

a) Former des prêtres qui accueillent et qui aiment profondément le Christ, Parole de Dieu, notre Frère, notre Ami, notre Sauveur ;

b) Former des prêtres qui sachent voir dans le mystère pascal l'expression suprême de l'amour que le Verbe a eu pour nous, en s'immolant pour l'Église — « Il les aima jusqu'au bout. »

c) Former des prêtres qui n'aient pas peur de reconnaître que la communion réelle et l'amitié concrète avec le Christ comportent une ascèse et donc un engagement au renoncement et au sacrifice.

d) Faire du séminaire une école d'amour filial envers Celle qui est la Mère de Jésus et notre Mère.

Dans ce domaine, le travail du directeur spirituel dont la tâche est de contribuer à la formation d'authentiques personnalités sacerdotales, est toujours déterminant et irremplaçable. Son action doit être considérée comme fondamentale dans l'oeuvre éducative car elle constitue un moment décisif pour créer dans l'âme de l'étudiant cette image du Christ à laquelle il devra se référer comme à l'idéal suprême durant toute sa vie. Pour qu'il en soit ainsi, la direction spirituelle doit être présentée dans une relation sérieuse, claire, ouverte, assidue et continuelle. Elle ne peut donc se réduire à une simple écoute, à un échange d'idées ou d'opinions, ni se confondre avec un dialogue de groupe ni non plus se concevoir comme un dialogue personnel, même spontané, qui naîtrait dans l'intimité de l'amitié. La direction spirituelle doit être un fait de foi vive et profonde, vécu sous la responsabilité d'un prêtre bien préparé et explicitement chargé par l'évêque.

Pour arriver à ses fins, la direction spirituelle devra être conduite à la lumière des contenus bibliques et théologiques, avec une référence explicite aux contenus ecclésiologiques, et elle devra aussi être repensée avec une attention particulière en fonction de la condition des jeunes, de leurs réactions psycho-sociologiques et du changement culturel de la société de notre temps.

Elle ne craindra pas, par ailleurs, d'orienter les jeunes vers l'assimilation de ces saines habitudes de prière et de vie spirituelle que l'expérience séculaire d'innombrables âmes, profondément imprégnées par un authentique esprit sacerdotal, et l'enseignement éprouvé des écoles classiques de spiritualité, ont montré comme particulièrement adaptées pour soutenir la volonté de consécration généreuse à la cause du Royaume.

(3) DC, 1980, n° 1786, p. 462-469.


La préparation disciplinaire

4. Il y a ensuite la préparation disciplinaire. Dans la vie du séminaire, la discipline n'est pas seulement la requête de la nécessité de cadrer la personnalité des jeunes et de subordonner la spontanéité au devoir. Elle est également indispensable pour que soient respectées les exigences de la vie communautaire. La discipline doit être considérée comme un élément d'intégration de toute la formation pour faire acquérir la domination de soi, pour assurer un développement harmonieux de la personnalité, en favorisant la capacité de contrôle et de collaboration, et pour former toutes ces autres dispositions d'âme qui servent beaucoup à rendre l'activité de l'Église équilibrée et fructueuse (cf. Optatam totius, OT 11)

Il n'y a pas de doute que, dans ce cadre, la partie essentielle est constituée par l'action du recteur, représentant de l'évêque, en tant que « responsable premier de la vie du séminaire » (Ratio institutionis italienne, 102). Parce que le recteur accomplit sa tâche en communion et en collaboration avec les autres éducateurs, il est opportun que, périodiquement, il les rencontre pour méditer, pour prier ensemble, célébrer communautairement l'eucharistie et pour discuter des problèmes concernant chaque étudiant et la communauté toute entière. Avec les jeunes, il sera toujours un père qui sait écouter, dialoguer, conseiller, en favorisant ainsi ce climat de confidence et de confiance mutuelle qui est la condition indispensable pour un travail profitable et serein.

Il ne manquera cependant pas d'exiger d'eux, après leur avoir dûment expliqué les motivations, une généreuse disponibilité au sacrifice et au renoncement puisque c'est seulement sur de tels présupposés qu'il est possible de construire cette austérité de vie et de comportement qui se révèle indispensable pour que leur futur ministère soit vraiment incisif et fructueux.

La préparation intellectuelle

5. Il y a enfin la préparation intellectuelle. L'application à l'étude — moyen efficace de croissance et de perfectionnement personnels — est, avec la piété, le grand devoir quotidien du séminariste, son travail professionnel. Pour les étudiants en philosophie et en théologie, l'étude acquiert une dimension particulièrement vaste et profonde, car elle doit désormais servir d'aide et d'enrichissement de la vie de foi et comme un instrument indispensable pour le ministère futur. Il est nécessaire en particulier que la connaissance des mouvements de pensée philosophique et de la littérature, la lecture des événements de l'histoire et de la formation culturelle et sociale des peuples et toute la formation humaniste en général puissent donner au futur pasteur d'âmes cette capacité d'interprétation chrétienne des étapes importantes de la civilisation humaine, pour qu'il soit vraiment un guide spirituel pour les contemporains, en particulier pour la jeunesse. Sur cette base, il faut mettre l'étude de la théologie, dans toutes ses branches, qui ouvre au séminariste la vision complète du plan divin de salut et qui lui offre les instruments irremplaçables pour son activité ministérielle et catéchétique vers laquelle il tend de toutes ses forces.

L'importance croissante qui est attribuée à l'étude dans la préparation des futurs prêtres est heureusement témoignée par la création, dans votre pays, d'instituts ou de centres théologiques affiliés à une faculté de théologie. Cela sert en effet à élever le niveau des études de philosophie et de théologie, à permettre la possibilité d'obtenir le grade académique de bachelier et à favoriser une plus étroite et plus profitable collaboration entre le clergé diocésain et le clergé religieux. Je désire, en outre, relever avec satisfaction que ces instituts sont également en train d'assumer la précieuse fonction de centres de promotion pour le renouveau culturel des prêtres, dans l'initiative importante de la « formation permanente » qui doit être soutenue et promue par tous les efforts.

Dans ce cadre, se trouve soulignée la place du président ou du préfet des études dont la tâche particulière est de réaliser l'unité de l'enseignement, en coordonnant toutes les disciplines ; de veiller à ce que soit offert un enseignement complet de la doctrine de l'Église, dans une vision remarquablement pastorale, selon les orientations de Vatican II ; de faire en sorte que, chez les élèves, soit créée la conscience que tout ce qu'ils apprennent au séminaire n'épuise pas leur besoin d'étude, mais qu'ils doivent au contraire stimuler en eux le désir de renouveau continuel, comme l'a également demandé le Concile. Le tout — il est superflu de le rappeler — doit être accompli dans une atmosphère de fidèle adhésion au magistère de l'Église, témoignée aussi par le discernement avec lequel les élèves se savent orientés vers les auteurs qui, dans leurs oeuvres, montrent qu'il faut s'en inspirer avec loyauté.


TRÈS CHERS FILS,

À travers les témoignages qui me viennent de toute part, je sais que les élèves de nos séminaires — après une période d'organisation, de révision et de réflexion — sont aujourd'hui plus désireux de recueillement et cherchent avec beaucoup d'ardeur à approfondir les valeurs essentielles de la foi et de la prière. Ils se montrent plus désireux de vérité et de certitude et manifestent clairement l'exigence de choix engageants et totaux.

À vous, recteurs, directeurs spirituels et professeurs, la tâche aussi ardue qu'indispensable de répondre aux nouvelles réalités qui se sont créées dans nos séminaires : par une préparation pédagogique, didactique et culturelle adéquate, par un effort éducatif qui favorise les relations personnelles de dialogue, de recherche et de vérification entre tous les responsables de la formation et avec les élèves, par une grande ouverture aux problèmes de la société, par une étroite collaboration du séminaire avec les prêtres du diocèse.

Je suis sûr que vous ne manquerez pas ce rendez-vous si attendu qui ne souffre pas de retards. C'est un acte de confiance que j'entends faire dans votre capacité, dans votre volonté et dans votre sens des responsabilités.

C'est avec ces sentiments que je vous accorde de tout coeur ma bénédiction apostolique, à vous, à vos collaborateurs et à tous vos séminaristes à qui je vous prie de porter l'attestation de mon affection et l'assurance de mon constant souvenir dans la prière.



Discours à des catholiques roumains de rite oriental, 6 janvier 1982


Le 6 janvier, à la fin de la messe durant laquelle a eu lieu l'ordination de neuf nouveaux évêques, le Pape a salué quelques groupes de pèlerins provenant des pays d'origine des prélats. Voici le discours qu'il a adressé aux membres de la communauté roumaine de Rome et aux pèlerins de ce pays venus à Rome à l'occasion de l'ordination épiscopale de Mgr Traian Crisan, secrétaire de la S. congrégation pour la Cause des saints (1).

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano des 7-8 janvier. Traduction, titre et notes de la DC.


TRÈS CHERS FRÈRES DANS L'ÉPISCOPAT ET LE SACERDOCE

C'est avec une grande joie que je reçois votre visite en cette fête de l'Épiphanie de Notre-Seigneur au cours de laquelle j'ai eu le plaisir de conférer l'ordination épiscopale à votre compatriote, S. Exc. Mgr Traian Crisan, nommé récemment secrétaire de la S. Congrégation pour la Cause des saints.

Cette rencontre m'offre l'agréable occasion de saluer cordialement la communauté catholique roumaine qui se trouve à Rome et, par son intermédiaire, celle qui se trouve aussi dans votre pays et d'exprimer à tous les sentiments d'affection et de sollicitude que j'ai toujours eus pour eux dans mon coeur et encore plus depuis que la Providence m'a appelé à être l'Évêque de Rome et le Successeur de Pierre.

Je connais bien, en effet, l'ancienne culture et la riche histoire de la noble nation roumaine. Je connais aussi les mérites des communautés chrétiennes de Roumanie, composées de groupes d'origine différente, qui sont unies par un seul amour et par une grande loyauté envers leur patrie. Je veux rappeler particulièrement l'Église catholique de rite oriental auquel appartient le nouvel archevêque et qui a eu un rôle si important, reconnu par tous, dans la formation et l'éducation civique et spirituelle des fils du peuple roumain ainsi que dans le réveil et le développement de votre conscience nationale.

Au cours de son histoire bimillénaire, l'Église catholique s'est enrichie des cultures, des traditions et des coutumes de toutes les populations qui ont accueilli la Bonne Nouvelle. Elle s'est exprimée et continue même de s'exprimer dans une diversité de rites, latin et orientaux, sur la base solide d'une seule foi et de l'unique constitution divine de l'Église universelle. Cette réalité a été mise également en lumière par le Concile Vatican II qui « non seulement entoure le patrimoine ecclésiastique et spirituel des Églises orientales de l'estime et de la louange qui leur sont dues, mais le considère fermement comme un patrimoine de toute l'Église » et désire, par conséquent, « qu'elles soient florissantes et qu'elles accomplissent avec une vigueur apostolique renouvelée la mission qui leur a été confiée, en plus de tout ce qui concerne toute l'Église. » (Lumen gentium, LG 23 Orientalium ecclesiarum, OE 1 et OE 5).

Cette unité dans la diversité a également marqué l'histoire de l'Église catholique qui est en Roumanie. Le Saint- Siège a suivi et suit avec une particulière sollicitude, dans la joie et dans les nombreuses et très tristes épreuves, les conditions de la communauté catholique de rite oriental comme étant celles d'une partie de l'Église très aimée et dont elle est très proche par la pensée et par la prière.

Ce siège apostolique ne cesse d'espérer et de travailler pour qu'elle puisse vivre, en étant reconnue et tranquille, comme c'est son droit inné et également en vertu des principes de la liberté religieuse, garantis dans les constitutions modernes et ratifiés dans les documents internationaux. En plus des interventions en ce sens qui ont été faites par les représentants du Saint-Siège en différentes occasions — en particulier aux réunions de Belgrade (1977) et de Madrid (1980-1981) qui se sont tenues dans le cadre de la conférence d'Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe — je rappelle la lettre que j'ai adressée, le 1er septembre 1980, à tous les chefs d'État signataires de l'acte final de la conférence d'Helsinki (2). Dans ce document, j'ai mis en relief, avec une respectueuse mais juste clarté, l'exigence que les droits fondamentaux de la liberté religieuse, sur le plan personnel et communautaire, soient respectés, garantis et protégés, même sur le plan de la loi civile. J'ai en particulier souligné la nécessité de reconnaître la liberté d'adhérer à une foi déterminée et à la communauté et à la confession qui y correspondent, et la liberté, pour les communautés et les confessions, d'avoir une hiérarchie interne ou bien des ministres librement choisis selon les normes institutionnelles qui leur sont propres.

J'ai confiance que ces principes trouvent une adhésion et une résonance chez tous les hommes de bonne volonté et, en particulier, dans les différentes communautés de Rome. C'est un espoir qui a été déjà exprimé par mon prédécesseur, Paul VI, qui, en souhaitant que soient dépassés les obstacles opposés à la vie et au développement de l'Église catholique orientale roumaine, faisait le voeu que « nos frères de Roumanie également auxquels nous unit la même foi chrétienne, mais qui ne sont pas encore en pleine communion avec l'Église catholique, partagent avec nous cette impatience et considèrent comme étant les leurs vos désirs qui sont aussi les nôtres » (Discours à des prêtres roumains, 22 octobre 1973. Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI, p. 1016).

Je veux donc vous exhorter, ainsi que tous vos frères et soeurs catholiques roumains, à persévérer fortement dans la foi et à vivre unis dans l'amour du Christ. Vous ne pouvez pas imaginer quelle consolation j'éprouve en recevant des informations au sujet de la courageuse loyauté des catholiques qui sont en Roumanie, sans distinction de rites, envers le Siège de Pierre, et au sujet de la foi vive et de la charité active dont ils sont animés.

Par l'intermédiaire des mains de Marie très sainte qui est vénérée avec tant d'amour et tant de confiance par la communauté ecclésiale roumaine, je confie vos préoccupations et vos espérances au Seigneur tout-puissant et miséricordieux qui « collabore en tout avec ceux qui l'aiment pour leur bien » (Rm 8,28), pour le bien de l'Église qui est en Roumanie et de tout votre cher peuple.

En particulier aujourd'hui, je souhaite que le ministère épiscopal de Mgr Crisan soit fructueux pour l'Église universelle et pour l'Église qui est en Roumanie, spécialement pour son Église, l'Église orientale qui est si proche de notre coeur et qui lui est si chère.

C'est bien volontiers que j'accorde à tous ma bénédiction apostolique, en invitant les évêques à la donner avec moi.

(2) DC, 1980, n° 1798, p. 1172-1175.




Discours à des évêques nigérians, 14 janvier 1982


Le Saint-Père se rendra du 12 au 16 février au Nigeria. Ce voyage a été confirmé, le 14 janvier, par Jean-Paul II qui recevait en audience un groupe d'évêques de la Conférence épiscopale de ce pays africain, venus à Rome en visite ad limina. Le Saint-Père leur a adressé le discours suivant (1) :

(1) Texte original anglais dans l'Osservatore Romano du 15 janvier 1982. Traduction de la DC.

Le Pape a reçu un second groupe d'évêques nigérians le 21 janvier.

Le sens du voyage au Nigeria


CHERS FRÈRES DANS NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST,

1. Avec l'aide de Dieu, j'aurai le privilège dans quelques semaines de visiter votre pays et d'exprimer personnellement mon amour et mon estime à tout le peuple du Nigeria. Ma visite sera avant tout une visite pastorale. J'irai au Nigeria pour proclamer l'Évangile de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, et pour célébrer avec vous — dans la foi, l'espérance et la charité — la communion de l'Église catholique. Je ferai, au sens vrai du terme, un pèlerinage au sanctuaire vivant du Peuple de Dieu qu'est l'Église dans votre pays.

2. Cette visite nous donnera à tous l'occasion de faire l'expérience de notre unité dans le Christ et dans l'Église. Ensemble, nous pourrons sentir encore plus profondément ce que veut dire être uni dans l'accueil de la parole de Dieu et exprimer cette unité par la prière, l'action sacramentelle et le souci de la charité. Nous espérons ainsi faire preuve de communion ecclésiale avec la même ferveur que les premiers chrétiens qui « étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42).

En effet, je prie pour que ma visite ne soit pas seulement le reflet de cette communion, mais pour qu'elle l'intensifie aussi. En attendant, votre visite ad limina anticipe notre grande célébration d'unité et nous y conduit. C'est un prélude et une préparation à une visite pastorale pendant laquelle le Pape appartiendra, d'une manière particulière, au Nigeria.

3. De par sa nature, toute célébration de communion ecclésiale est liée à la proclamation de la parole de Dieu. C'est dans la vérité de Jésus-Christ, parole incarnée de Dieu, que toutes nos assemblées ont lieu ; et c'est de cette vérité que notre unité doit témoigner. Comme l'explique saint Jean, notre communion est liée au message de la vérité que nous avons entendu et proclamons : « Notre communion avec le Père et avec son fils Jésus-Christ. » (1Jn 1,3) En effet, dans sa prière, le Christ n'implore l'unité parfaite pour ses disciples qu'après s'être adressé à son Père en disant : « Consacre-les par la vénté. Et pour eux, je me consacre moi-même afin qu'ils soient eux aussi consacrés par la vérité. » (Jn 17,17-19) Toute communion ecclésiale repose sur la vérité de la parole de Dieu.

4. Le profond désir de mon coeur est donc de proclamer à votre peuple le message vivifiant de la vérité, l'Évangile de Jésus-Christ. En ce sens, c'est toute ma visite pastorale qui doit être envisagée dans le contexte de l'évangélisation. Elle devient ainsi une nouvelle proclamation du message de salut qui a déjà été prêché et accepté par votre peuple. Elle devient pour lui une nouvelle invitation à revêtir le Christ Jésus et « à mener une vie digne de la vocation » (Ep 4,1) à laquelle il est appelé. En un mot, cette visite est placée sous le signe de l'évangélisation, au centre de laquelle se trouve « une claire proclamation que, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, le salut est offert à tout homme ; comme don de grâce et miséricorde de Dieu » (Evangelii nuntiandi, EN 27).

Comprise de cette manière, l'évangélisation signifie prêcher un message d'espoir, en apportant la Bonne Nouvelle à toutes les couches de la société et en invitant les individus et les communautés à un changement intérieur. L'évangélisation est la vocation propre de l'Église ; elle exprime sa plus profonde identité, car elle résume toute la mission de Jésus lui-même qui a dit : « Il me faut annoncer la bonne nouvelle du règne de Dieu car c'est pour cela que j'ai été envoyé. » (Lc 4,43)

5. En union avec les évêques du Nigeria et l'Église tout entière, je m'efforcerai aussi de remplir ma propre mission d'évangélisation au service de l'Évangile, en invitant l'Église au milieu de vous à devenir un signe et un instrument toujours plus efficaces du royaume de Dieu sur terre. C'est par l'évangélisation, par la communication du pouvoir de l'Évangile du Christ, que les Églises locales sont purifiées, et rendues capables de devenir des communautés toujours plus authentiques de foi, où les pauvres et ceux qui souffrent, les malades et les handicapés, les chômeurs et les déshérités, les orphelins, les veuves et les réfugiés trouvent amour fraternel, solidarité et soutien et où chacun « s'applique à garder l'unité de l'esprit par le lien de la paix » (Ep 4,3).

Oui, chers frères, je me réjouis d'être bientôt avec vous et votre peuple, afin de rendre hommage à ceux qui vous ont les premiers apporté le message de l'Évangile et ont implanté l'Église parmi vous. Mon vif désir est de célébrer avec vous notre unité sous le signe de l'évangélisation. Tout cela pour la gloire de Dieu en trois personnes à qui chacun de nous, en cette occasion, pourra adresser sa prière d'exultation et de joie : « Je te rendrai grâce dans la grande assemblée, au milieu de la foule je te louerai. » (Ps 35,18) Avec l'aide de Dieu, nous lui rendrons grâce ensemble — au Nigeria ! Et puisse la Mère de Jésus faire qu'il en soit ainsi.





Pour une pastorale de la culture

Discours aux évêques de Lombardie, 15 janvier 1982



Le 15 janvier, le Pape a reçu les évêques de Lombardie en visite ad limina à Rome et il leur a adressé le discours suivant (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 16 janvier. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


VÉNÉRABLES ET BIEN-AIMÉS FRÈRES ÉVÊQUES DES ÉGLISES QUI SONT EN LOMBARDIE

1. Je remercie le Seigneur de tout coeur pour la joie intense que me procure cette rencontre avec vous. J'ai attendu dans la prière votre venue en l'anticipant par le vif désir de vous voir l'un après l'autre et tous ensemble « pour vous communiquer quelque don spirituel pour que vous en soyez affermis ou plutôt pour être réconforté avec vous et parmi vous par la foi qui nous est commune à vous et à moi » (Rm 1,11-12).

Nous adorons ensemble le Christ qui nous a choisis pour servir son évangile. Nous l'adorons car il a fait de nous les instruments de son amour miséricordieux pour éclairer et consoler les hommes d'aujourd'hui dont le salut, comme pour les hommes d'hier et de toujours, se trouve uniquement dans la vérité que nous avons connue par la divine révélation qui s'est accomplie en lui.

Vous êtes venus ici, dans ce Siège apostolique qui a la présidence de l'Église dans la charité vers cette chaire du Vicaire du Christ à laquelle le Seigneur, dans sa volonté im- penétrable, a appelé mon humble personne, pour faire part des problèmes, des joies, des angoisses et des souffrances de votre mission pastorale. Je vous accueille avec une affection fraternelle, dans le désir de vous offrir le réconfort et la compréhension qui vous aideront à continuer votre mission de « ministres du Christ et d'administrateurs des mystères de Dieu » (cf. 1Co 4,1).



La tradition religieuse en Lombardie

2. Vous êtes évêques dans une région italienne, la Lombardie, où l'annonce de l'Évangile et l'édification de l'Église remontent aux premiers siècles du Christianisme. Vous êtes donc les héritiers et les gardiens d'une tradition religieuse d'une inestimable valeur. Il est juste de puiser constamment à cette tradition car, loin d'être un frein, elle est presque une force qui pousse en avant. Qu'il suffise de citer le nom de saint Ambroise et de saint Charles pour évoquer un patrimoine de doctrine et d'expérience pastorale capables encore aujourd'hui, même en des temps si différents, d'éclairer les esprits et de soutenir les volontés de ceux qui doivent en continuer la mission.

En notre siècle, il y a eu trois Souverains pontifes qui sont nés et qui ont reçu leur formation dans votre région, Pie XI, Jean XXIII et Paul VI, et ils sont tous les trois de grande et vénérée mémoire. Nous croyons que l'Esprit Saint guide l'Église de Dieu et, dans la foi, nous pensons que le fait qu'en un peu moins d'un demi-siècle, le ministère de Pierre ait été confié à trois Papes d'origine lombarde, ne manque pas de signification providentielle.

Ce fait suggère des pensées qui concernent de manière particulière votre région et qui en évoquent la longue histoire. C'est l'histoire d'une population sérieuse et laborieuse. Mais c'est surtout l'histoire de la pénétration progressive du christianisme dans les mentalités et dans les coutumes où s'est constitué ce noyau de valeurs essentielles qui ont inspiré dans le temps la vie de générations et de générations de Lombards. Il n'est pas difficile d'en énumérer quelques-unes parmi les plus importantes : l'estime pour le mariage, le culte de la famille, la sollicitude pour l'éducation des enfants, le sérieux dans le travail, I'honnê- teté dans les rapports humains, la force pour affronter les difficultés, l'amour de la liberté, la générosité, la participation à la vie civile et, surtout, une foi religieuse et un attachement à l'Église catholique, qui ont représenté le phare d'orientation dans la vie de votre peuple.

De votre histoire et de votre tradition sont venus de nombreux saints lombards que l'Église vénère pour l'héroïsme reconnu de leurs vertus. Il y a eu des saints innombrables qui ne sont connus que de Dieu et qui jour après jour, surtout dans les familles, ont transmis la foi par la prière, l'exemple, l'éducation. Il y a une foule de prêtres admirables qui se sont consacrés aux âmes et au service de l'Église et qui ont su guider leur troupeau avec un dynamisme entreprenant et une sage prudence pastorale.



Une région industrielle

3. Dans votre région se trouvent tous les signes qui font de notre temps une période historique merveilleuse par ce que l'humanité a réussi à construire, mais aussi une époque empreinte de tant d'inquiétudes qui la troublent et qui la bouleversent. La science, la technique, le travail et l'imagination ont semé la terre lombarde d'usines, produit et répandu la richesse, appelé un nombre très élevé de personnes des zones les plus pauvres de l'Italie. Ils ont rendu possible un niveau de vie qui était presque impensable il y a une génération. Mais tout cela a eu des répercussions profondes sur les coutumes et les mentalités, avec des conséquences souvent négatives précisément par rapport à ces valeurs que la tradition chrétienne avait, pendant des siècles, défendues comme le bien le plus précieux, même sur le plan civil.

Le Christ vous a choisis et vous a envoyés pour annoncer les merveilles de son amour parmi les hommes et les femmes qui vivent les contradictions de notre temps, avec les possibilités de bien et de mal qui y ont augmenté, mais aussi avec les formes anciennes et nouvelles de mal qui l'accompagnent. La solitude qui ronge le coeur de l'homme et qui le conduit souvent au désespoir est expérimentée précisément au milieu de sociétés riches. Il y en a qui cherchent à oublier la solitude par la drogue, l'érotisme, le matérialisme pratique, la violence même. Mais le mal n'est jamais vaincu par un autre mal.

Nous savons que seul le Christ connaît le coeur de l'homme et que c'est seulement de sa parole que jaillit l'eau vive capable d'étancher la soif de l'homme. C'est le Christ et seulement le Christ que nous avons mission d'annoncer et d'en être le témoin par notre vie. Être pasteurs d'âmes signifie aujourd'hui comme toujours savoir comprendre la fascinante et terrible réalité de l'homme, accueillir le besoin profond d'aimer et d'être aimé qu'il a en lui ; évaluer ses aspirations à la justice et à la paix. La tâche première de notre paternité spirituelle est de transmettre la foi au Christ pour que tout homme trouve en elle la signification ultime et unifiante de sa vie dans toutes ses manifestations et ses orientations.

La culture et l'éducation

4. Votre région n'est pas seulement importante pour le travail et son organisation. Elle l'est également en raison du grand relief qu'y ont la culture et l'éducation, avec les innombrables institutions qui sont à leur service. Cela fait honneur aux Lombards. La part exercée par les catholiques est d'une ampleur considérable et c'est pour cette raison que je vous exprime ma plus vive satisfaction et mon plus cordial soutien.

Il y a bien quatre de vos villes qui sont des villes universitaires : Milan, Pavie, Brescia, Bergame. Un enseignement de tout ordre et à tous les degrés y est donné de manière approfondie. Il existe des bibliothèques prestigieuses, des pinacothèques, des conservatoires de musique, des écoles d'art, des centres et des instituts culturels. On imprime en Lombardie des journaux et des périodiques qui ont une audience nationale. Des maisons d'édition de grande renommée et de grande importance y ont leur siège. Tout cela pose un problème pastoral d'une importance fondamentale pour les Églises particulières qui sont en Lombardie mais aussi pour toute l'Église italienne à cause de l'influenoe que la culture, qui franchit toutes les frontières, exerce dans la formation d'une pensée morale commune et dans la croissance de l'intelligence.

Si « la culture est ce par quoi l'homme, en tant qu'homme, devient davantage homme » (Discours à l'UNESCO, 2 juin 1980), le soin que nous devons avoir pour la culture et sa diffusion apparaît avec une évidence immédiate. Il en va du destin de l'homme et c'est pourquoi l'Église en est directement responsable. Tout ce que vous faites pour assister ceux qui travaillent dans les différents instituts culturels et dans les écoles et pour faire en sorte qu'il n'y manque pas une présence culturelle catholique forte, sérieuse et entreprenante répond aux attentes les plus décisives de l'homme et aux plus graves responsabilites de l'Église.

Dans un contexte social comme celui de la Lombardie, la tâche de la culture devrait être d'offrir une contribution d'une importance irremplaçable pour la compréhension de notre époque.

La culture catholique ne doit pas faire défaut. La vérité du Christ, gardée et enseignée de manière authentique par le magistère de l'Église, éclaire l'expérience humaine et permet de la connaître à fond. Il en découle, pour la même raison humaine, la possibilité de la détermination de critères et de principes qui inspirent des évaluations et des orientations qui seraient autrement inaccessibles pour elle. Même celui qui n'a pas la foi devrait au moins reconnaître que la contribution de la culture catholique à la compréhension de l'homme enrichit la recherche et la connaissance commune.

La foi ne mortifie pas la raison et n'exclut pas du tout ce qui se trouve acquis par la raison. Mais la culture que la foi engendre, quand elle est sincèrement vécue, n'est pas seulement le fruit de la raison. Elle naît de la vie chrétienne et elle porte le sceau de la vie chrétienne. Elle devient mentalité, elle exige de la cohérence, elle reconnaît le primat de la contemplation, elle se développe dans la charité elle se fait attentive, avec un penchant spécial, à tout homme et à tout l'homme. Là où la cause de l'homme exige un engagement particulier pour que ce que l'homme produit ne se retourne pas contre lui, elle est fondamentale pour des raisons non seulement religieuses mais aussi civiles et sociales.

La culture populaire

5. Il me paraît opportun de vous parler aujourd'hui de quelques problèmes particuliers dans le but de souligner l'importance d'une action pastorale attentive et clairvoyante concernant la culture. Le premier est celui de ce que l'on appelle la « culture populaire », à savoir de cet ensemble de principes et de valeurs qui constituent l'éthos d'une population, la force qui l'unifie en profondeur et que l'expérience historique a fait mûrir parfois avec le dur prix de grandes douleurs collectives, constituant un fondement commun, avant et au-delà des orientations idéologiques ou politiques. Aucun peuple ne se forme en dehors de ce fondement. Aucune expérience politique, aucune forme de démocratie ne peut survivre si on n'y trouve pas l'appel à une moralité de base commune. Aucune loi écrite n'est suffisante pour garantir la convivence humaine si elle ne tire pas sa force intime d'un fondement moral. Cette « culture populaire » est pour une très grande part dans votre région, l'oeuvre de la foi chrétienne et de l'éducation données par l'Église au cours des siècles. Pour différentes raisons, elle est aujourd'hui menacée. Elle semble parfois courir le grave danger d'être emportée. Veillez avec le plus grand soin sur ce point : l'avenir de l'Église et de la sociéte elle-même en dépend.

L'école

Une seconde réflexion concerne l'école, surtout celle que les garçons et les filles ont l'obligation de fréquenter. C'est cette école qui contribue à un degré éminent à la formation de la « culture populaire ». Même si nous reconnaissons l'influence de ce que l'on appelle « l'école parallèle » ou des moyens de communication de masse et des groupes qui se forment spontanément parmi les enfants, la fonction de l'école reste irremplaçable. Il en est ainsi non seulement pour les nombreux sujets fournis par la pédagogie mais aussi par l'action que l'enseignant est à même d'exercer sur les élèves. De là découle l'importance fondamentale dans la pastorale scolaire, de ce qui est programmé et fait pour assister religieusement et culturellement les enseignants de tout ordre et à tous les degrés, depuis les éducatrices de l'école maternelle.

L'histoire et l'expérience de votre région offrent plus d'une preuve que la foi a été transmise au peuple par le travail des parents, des prêtres et, dans de nombreux cas, des enseignants. Elles sont innombrables les personnes qui reconnaissent à leur maîtresse et leur maître de l'école élémentaire les premières orientations religieuses qui ne seront jamais plus oubliés. Les catholiques de Lombardie ont été les premiers à comprendre l'importance du problème au cours des années entre le XIXe et le XXe siècle. On doit à leur capacité de regarder loin et au caractère concret et à l'activité intense qui caractérisent la descendance lombarde, quelques initiatives de grande importance qui, se proposant d'« éduquer les éducateurs », ont donné une impulsion fondamentale à l'éducation chrétienne du peuple. C'est en Lombardie que s'est constituée, au début du siècle, l'association nationale des maîtres catholiques qui porte le nom de Nicolo Tommaseo. C'est grâce à l'action des Lombards qu'a été fondée et que continue à travailler l'institution de la « Editrice de la Scuola ». C'est l'université catholique, alors qu'elle était à peine constituée, qui a commencé des cours de formation pour les enseignants. Qu'une telle tradition vous pousse à continuer dans la recherche de solutions toujours nouvelles à un problème qui, hier comme aujourd'hui, a une portée vraiment historique.

Les moyens de communication sociale

Comme j'y ai déjà fait allusion, la « culture populaire » est aujourd'hui influencée dans une large mesure par les moyens de communication de masse. On ne peut pas douter de l'importance de ces moyens dans la formation des coutumes et de l'opinion publique. Les catholiques italiens y ont déjà consacré louablement beaucoup d'attention. Mais il faut multiplier les efforts pour que ces moyens ne travaillent pas à dérégler une morale de base qui a toujours été la force secrète du peuple italien. Il faut faire tous les efforts pour aider et pour soutenir le quotidien catholique et aussi les hebdomadaires catholiques qui, dans vos diocèses, jouissent d'une large diffusion parmi le peuple et entrent dans les familles en portant votre parole et en y faisant venir la vie de l'Église. Nous devons dire la même chose des émetteurs de radio et de télévision qui opèrent dans votre région. Ce sont des moyens d'un inestimable pouvoir pour porter la voix catholique dans des milieux et des lieux qui sont autrement inaccessibles, et ils méritent toute l'aide possible.

L'école catholique

6. Je veux réserver un développement particulier à l'école catholique qui, dans votre région, est heureusement répandue et organisée. Je vous exprime mon approbation cordiale pour elle. L'école catholique n'est pas un fait marginal ou secondaire dans la mission pastorale de l'évêque. On ne peut la considérer uniquement comme ayant une fonction de suppléance par rapport à l'école d'État. Elle ne doit pas non plus être comprise comme un adversaire de l'école d'État. Elle trouve sa véritable justification dans la mission même de l'Église et elle est pleinement compréhensible à la lumière des principes fondamentaux de la doctrine chrétienne : le primat éducatif de la famille, un projet éducatif où se fondent en harmonie la foi, la culture, la vie la possibilité offerte à tous d'une éducation intëgralement chrétienne, la liberté non seulement dans les institutions mais aussi des institutions. Les catholiques de Lombardie se sont vivement battus dans le passé aussi bien pour leur école que pour l'école d'État. Il faut continuer, en considérant toujours plus l'école catholique comme une initiative de l'Église particulière qui, grâce à elle, évangélise, éduque et collabore à l'édification d'une coutume moralement saine et forte dans le peuple.

Nous ne pouvons pas oublier qu'en Lombardie, à Milan et à Brescia, se trouve l'université catholique du Sacré-Coeur, bijou authentique de l'école catholique en Italie. C'est le génie et la ténacité, la foi et la passion pour l'éducation des jeunes du P. Agostino Gemelli et d'autres Lombards qui l'ont réalisée, il y a environ soixante ans, accédant au voeu et au désir de beaucoup de catholiques italiens. L'université du Sacré-Coeur est aujourd'hui une réalité vivante, prestigieuse, appréciée non seulement en Italie ou parmi les catholiques. Dans sa triple fonction — enseignement, recherche scientifique, formation permanente —, elle apporte une contribution inestimable à la vie de l'Église et de la société et mérite d'être soutenue par un engagement généreux.

Les maisons d'édition catholiques

Je désire aussi faire au moins une allusion aux maisons d'édition catholiques qui sont nées et qui ont leur siège dans votre région. Elles sont nombreuses et constituent une preuve de l'intelligence et de la richesse des catholiques de Lombardie. Même dans le respect de leur autonomie légitime, qu'elles soient suivies, encouragées, assistées afin que leurs activités représentent toujours un service de la vérité et de la formation chrétienne de l'opinion publique.

Dans le contexte fondamental de la culture, je désire enfin rappeler le service qu'est appelée à rendre, dans ce domaine, la faculté théologique de l'Italie du Nord vers qui convergent des prêtres, des religieux et des laïcs de la Lombardie, du Piémont et de la Vénétie. Je vous exhorte à suivre de près l'activité de ce centre en le soutenant et, en même temps, en veillant sur lui pour que soit toujours sauvegardée la pureté de la doctrine. Comme responsables du salut éternel de vos fidèles, ayez toujours une vive conscience de la tâche qui vous incombe de garantir qu'à votre troupeau soit portée l'annonce de la vraie foi et que les erreurs qui le menacent soient tenues loin de lui (cf. Lumen gentium, LG 25). Seule une foi, alimentée aux sources naturelles de la vérité apportée par le Christ, pourra permettre l'élaboration de projets d'action, capables d'avoir une influence positive sur la vie des personnes et sur les structures sociales elles-mêmes.

7. Vénérables frères, les fruits d'une pastorale de la culture ne peuvent être immédiats. Ils exigent du temps et de la patience. Nous devons semer aujourd'hui si nous voulons que l'avenir de notre peuple soit chrétiennement plus fervent et plus lumineux. Il est important de semer aujourd'hui avec générosité et avec intelligence. Il faut vous faire aider dans cet engagement par des prêtres et des laïcs qui unissent à une vie chrétienne limpide et à la passion apostolique une sérieuse préparation culturelle, la sécurité de la doctrine, des méthodes modernes ainsi que la capacité de voir les choses à fond et d'aller de l'avant. Ce que vous faites dans le domaine de la culture et de l'éducation rendra cent pour un pour la gloire de Dieu et le salut des hommes.

Et maintenant, pour terminer cette rencontre, dans la perspective désormais proche de deux grands rendez-vous, le Congrès eucharistique national de 1983 et le 400e anniversaire de la mort de saint Charles Borromée, qui aura lieu en 1984, tandis que je souhaite que ces événements puissent constituer des moments significatifs de réflexion et de reprise, je vous donne de tout coeur, à vous et aux populations que vous représentez, ma bénédiction apostolique et propitiatoire.





Discours 1982