2002 Magistère Mariage 1949

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Si les époux souffrent dans et pour leur fidélité, ils doivent penser que le Christ les a précédés dans cette voie. S'il leur demande beaucoup, il a lui-même donné beaucoup plus. Jamais le précepte de l'indissolubilité n'aurait pu avoir un sens - ce sens que la nature pécheresse de l'Ancien Testament n'a pu percevoir propter duritiam cordis - si le Christ n'avait apporté grâce et lumière. Ici aussi on peut répéter Jn 1,17: "La loi a été donnée par Moïse, la vérité et la grâce ont été réalisées par le Christ". Ou Ep 4,32": "Montrez-vous bons les uns pour les autres, compatissants, vous pardonnant mutuellement tout comme Dieu vous a pardonné par le Christ". Ils n'avaient peut-être pas tort ces scolastiques qui voyaient le nerf de la fidélité et de l'indissolubilité du mariage dans le précepte de pardon adossé à l'exemple de pardon universel par et dans le Christ.

5 - DIVORCES REMARIES

TEXTE

5 - 1 - Radicalisme évangélique

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Fidèle au radicalisme de l'Evangile, l'Eglise ne peut pas tenir à ses fidèles un autre langage que celui de l'apôtre Paul: "A ceux qui sont mariés, je prescris, non pas moi mais le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari - mais si elle s'en sépare, qu'elle ne se remarie pas ou qu'elle se réconcilie avec son mari - et que le mari ne renvoie pas sa femme." 1Co 7,10-11. Il s'ensuit que les nouvelles unions, après un divorce obtenu par une loi civile, ne sont ni régulières ni légitimes.

5 - 2 - Témoignage prophétique

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Cette rigueur ne découle pas d'une loi purement disciplinaire ou d'un certain légalisme. Elle est fondée sur le jugement que le Seigneur a porté à ce sujet Mc 10,6. Comprise ainsi, cette règle sévère est un témoignage prophétique rendu à la fidélité définitive de l'amour qui lie le Christ et l'Eglise. Elle montre aussi que l'amour des époux est assumé dans la charité même du Christ Ep 5,23-32.

5 - 3 - La "non-sacramentalisation"

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L'incompatibilité du statut des "divorcés remariés" avec le précepte et le mystère de l'amour pascal du Seigneur entraîne pour ceux-ci l'impossibilité de recevoir, dans la sainte Eucharistie, le signe de l'unité avec le Christ. L'accès à la communion eucharistique ne peut passer que par la pénitence qui implique "le regret du péché commis et le bon propos de ne plus pécher à l'avenir" (Concile de Trente, DS 1676). Tous les chrétiens doivent se soiuvenir des paroles de l'apôtre: "Quiconque mange le pain et boit la coupe du Seigneur indignement sera coupable à l'égard du corps et du sang du Seigneur. Que chacun donc s'éprouve soi-même et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe; car celui qui mange et boit, c'est sa propre condamnation qu'il mange et boit, s'il ne discerne le corps" 1Co 11,27-29.

5 - 4 - Pastorale des divorcés-remariés

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Cette situation illégitime ne permet pas de vivre en pleine communin avec l'Eglise. Et cependant les chrétiens qui s'y trouvent ne sont pas exclus de l'action de la grâce de Dieu, du lien avec l'Eglise. Ils ne doivent pas être privés de la sollicitude des pasteurs (allocution pontificale de Paul VI 4.11.1977, D.C. 1012). De nombreux devoirs qui découlent du baptême chrétien s'imposent encore à eux. Ils doivent veiller à l'éducation religieuse de leurs enfants. La prière chrétienne tant publique que privée, la pénitence, certaines activités apostoliques sont toujours pour eux des voies de vie chrétienne. Ils ne doivent pas être méprisés mais aidés comme tous les chrétiens qui, avec l'aide du Christ, font effort pour se libérer du péché.

5 - 5 - Combattre les causes du divorce

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Il est d'une nécessité toujours plus grande de mener une action pastorale qui s'efforcera d'éviter la multiplication des divorces et des nouvelles unions civiles des divorcés. Il faut particulièrement inculquer aux futurs époux une conscience vive de toutes leurs responsabilités de conjoints et de parents. Il importe de présenter de manière toujours plus efficace le sens authentique du mariage sacramentel comme une alliance réalisée "dans le Seigneur" 1Co 7,39. Ainsi, les chrétiens seront-ils mieux préparés à se conformer au commandement du Seigneur et à rendre témoignage à l'union du Christ et de l'Eglise. Cela se fera d'ailleurs pour le plus grand bien des époux, pour celui des enfants comme aussi pour la société elle-même.

COMMENTAIRE

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Traiter de l'indissolubilité du mariage chrétien, c'est nécessairement évoquer le problème, urgent et angoissant, des catholiques divorcés et remariés. Pour une part c'est mener une enquête sous la double tutelle de la doctrine et de la pastorale - qu'il importe de ne jamais séparer (note 1 de GS 1). Mais c'est aussi examiner l'incidence qu'ont nécessairemnt sur la foi de l'Eglise et sa fidélité au Seigneur Jésus, des praxis qui mettent en cause l'impact de son enseignement et de sa volonté de libérer les hommes du péché. Il n'est pas possible de donner au précepte et aux exigences du Seigneur une satisfaction de principe en disant: "Le mariage chrétien sacramentel conclu et consommé ne peut être dissous" pour ensuite avaliser comme normal et légitime un second mariage. Accepter la sacramentalisation eucharistique des divorcés remariés, c'est abandonner la règle apostolique qu'on ne mange pas le corps et ne boit pas le sang du Seigneur, sans s'être éloigné de sa situation de péché objectif, sans avoir la volonté - humaine, et donc faible, mais authentique, - de ne pas y demeurer. Cela dit, - on l'a vu dans les textes - la CTI n'a eu aucune peine à abandonner une pastorale rigoriste qui, même si elle n'allait pas jusqu'à l'excommunication formelle comme cela se faisait encore récemment dans certains pays, ostracisait et abandonnait à eux-mêmes, les catholiques divorcés remariés .. comme des brebis sans pasteur. Durant toute la durée de ses travaux préparatoires, elle avait beaucoup apprécié un travail du comité pontifical de la famille: problèmes pastoraux relatifs aux catholiques divorcés et civilement remariés(Esprit et Vie 20.4.1978 p. 241-245). Il a été écrit par son Exc. Mgr GAGNON, président de ce comité, avec l'aide du P. DIARMUIO MARTIN. Entre la rédaction de ce document et le moment de la session de la CTI, le Saint père avait pris parti lui aussi pour une pastorale d'accueil et de charité, comme le rapporte la fin de cet article.

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Dans l'esprit de ce qui vient d'être dit, on comprendra plus aisément le sens des propositions de la cinquième séerie, et tout d'abord celles qui visent le remariage civil des divorcés comme l'impossibilité de leur donner la communion eucharistique. Les membres de la CTI n'ignoraient pas les disputes des éxégètes - surtout les disputes récentes - autour du 'nisi fornicationis' causa de Mt 19,9. C'est bien pourquoi ils ont pris leur ancrage biblique prop. 5, 2 dans Mc 10,6-12 qui est des plus nets et qui justifie les derniers mots de la prop. 5, 1 . Ils savaient comment des spécialistes de la morale biblique ont posé le problème de savoir si l'interdiction du divorce par le Seigneur est une loi, une norme ou seulement un idéal et un appel. Ils se sont référés à Saint Paul 1Co 7,10-11 qui, au nom de son autorité et de son charisme apostoliques, certifie qu'il s'agit bien d'une prescription (paraggellô). A un niveau inférieur mais d'une manière inéluctable, le théologien se trouve être ici comme l'apôtre Paul, le témoin qui ne peut biaiser avec le radicalisme de Jésus prop. 5, 1 . Le Seigneur a rendu un verdict prop. 5, 2 et nous sommes bien au-delà d'un certain légalisme ou d'une volonté d'opprimer ou de réprimer. Il s'agit d'un signe prophétique de l'ampleur et de l'exigence totale de l'agapé du Christ.
Cette rigueur de l'exigence de l'Agapé a mené le Christ à donner sa vie. Nous revivons ce mystère dans la sainte Eucharistie. Comment ceux qui ne suivent pas le Christ jusqu'au bout, pourraient ils prendre part au repas sacrificiel de la Cène renouvelé par le Seigneur, et à l'offrande duquel les fidèles s'unissent par la médiation du prêtre agissant in persona Christi? Une rupture dans l'amour sponsal assumé par l'agapé ne peut qu'amener une rupture avec le sacrement de l'agapé. C'est d'ailleurs bien ce que Saint Paul rappelle prop. 5, 3 , pour tous les pécheurs certes mais certainement sans en exclure les divorcés remariés si nombreux dans la société gréco-latine de son temps. Ne prescrit-il pas aux chrétiens, comme toute l'Eglise le fera, de se conduire, au plan sexuel, de toute autre manière que les païens ?
Mais peut-être présentera-t-on quelque objection. Saint Paul, pourraient dire certains, recommande aux fidèles de se juger en conscience pour savoir s'ils ne sont pas indignes de manger le corps du Seigneur. Il parle de conscience, non de l'Eglise. Ce serait oublier que pour Saint Paul si la conscience porte un jugement, celui-ci est réglé par le jugement du Seigneur lui-même. La conscience n'est un guide valable que si elle est un écho de la voix de Dieu. L'Apôtre des gentils le dit souvent; qu'il suffise ici de citer un passage de cette même Epitre 1Co 4,4: "Ma conscience il est vrai ne me reproche rien, mais je n'en suis pas justifié pour autant; mon juge, c'est le Seigneur".

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Une autre difficulté pouorrait naître. Pourquoi, dirait-on, exclure de la communion euxcharistique ceux qui pèchent gravement en matière de sexualité et non pas ceux qui commettent de grandes fautes en matière de justice? Il est certain que la conscience collective chrétienne est de plus en plus sensible aux fautes contre la justice, la solidarité, la charité. Il y a là un progrès authentique. Mais est-ce une raison pour jeter par dessus les moulins, à titre de tabous périmés, toutes les exigences morales chrétiennes en matière de vie familiale et sexuelle? La portée de l'argument va vers une sévérité plus grande pour les pécheurs publics en matière de justice, non vers le laxisme en morale sexuelle. On notera cependant deux faits. Il n'est pas tellement facile d'établir le bien-fondé d'une accusation d'injustice; on risque fort de céder en ce cas à son propre intérêt. D'autre part la situation des divorcés remariés a quelque chose de tragique en ce qu'elle a créé une situation stable à laquelle on n'échappe pas facilement. Fondée sur des actes juridiques, elle est, elle, vérifiable et publique.

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C'est bien pourquoi, si nous nous trouvons devant une imossibilité objective de sacramentalisation eucharistique, nous devons créer une pastorale du seuil. Le mépris, les rebuffades, les affronts ne sont ni évangéliques, ni efficaces. Il y a place ici pour une nouvelle pastorale selon les directives de Paul VI en son discours du 6.11.1977 prop. 5, 4 .

On trouvera des directives concrètes dans l'allocution papale, et dans l'article de Mgr GAGNON. Des expériences d'un autre type ont provoqué une mise au point de Mgr LE BOURGEOIS que certains semblent ignorer (DC 1723 3.7.1977 p. 645-647). Ne sera-ce pas le cas pour de nombreux secteurs? En climat de chrétienté, on peut traiter la grande majorité des fidèles comme si leur vie morale ne descendait pas au dessous du minimum d'adhésion au Christ requis pour la vie eucharistique. Au besoin le sacrement de pénitence remet les choses en place. Mais, dans ce monde sécularisé qui secrèrte de partout une vision de l'homme ou du cosmos où Dieu n'a plus de place, on n'est pas disciple du Christ sans le savoir ni le vouloir. Il n'est pas question de céder aux tentations de l'élitisme. Y a-t-il une "élite" au sens humain du mot quand toute valeur chrétienne est grâce? Mais il faut prendre son parti que parmi ceux qui croient au Christ il y a des rendements divers de cette grâce, comme nous l'enseigne la parabole du semeur. Cela exige indulgence pour les faibles, mais aussi vigilance et aide pour que leurs actes chrétiens soient plus mûris, plus conscients prop 2, 3 , et prop. 2,4 . C'est en ce sens que la prop. 5, 5 préconise une action préventive. S'il y a tant de divorces, n'est-ce pas parce que les mariages ont été baclés? Certains sont d'ailleurs peut-être nuls par défaut d'engagement et de maturité. Mais en beaucoup d'autres cas, des jeunes se sont lancés librement et validement dans une aventure qui tourne mal. Il y a donc place ici pour une forme nouvelle de l'apostolat familial: les succès qu'il a déjà connus permettent d'espérer qu'il ne s'agit pas de voeu pieux.
Il est grand temps de terminer ces commentaires, trop longs ... et trop courts. La publication du volume annoncé permettra sans doute mieux d'ailleurs une réflexion approfondie. Dès maintenant les membres de la CTI osent espérer qu'on mettra à les lire autant de bonne volonté, de souci des méthodes théologiques, d'attachement au Christ qu'ils ont voulu montrer en préparant ces propositions.

Ph. DELHAYE.





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