B. Paul VI Homélies 17106

31 octobre 1976

Congrès Ecclésial Italien

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« VOICI VENUE L’HEURE DE LA RÉVÉLATION EVANGÉLIQUE POUR LA PROMOTION DE L’HOMME »


Durant la concélébration pour le Congrès ecclésial italien « Evangélisation et promotion humaine » le Saint-Père a prononcé une homélie dont voici notre traduction :



Salut à vous, Frères et Fils bien-aimés, qui êtes venus à ce Congrès avec l’intuition de son évidente et profonde signification, celle d’une invitation qui fait résonner dans notre voix celle, divine, amicale, pénétrante et pressante de Jésus, du Christ : « Venez avec moi ; je vous ferai pêcheurs d’hommes » (
Mt 4,19).

Parce que c’est de cela qu’il s’agit, vous le savez : d’évangélisation et de promotion humaine. L’Eglise vous invite et vous engage à réfléchir sur sa mission dans le monde contemporain, à une conscience authentique et nouvelle, à une confrontation avec le vertigineux monde moderne et mieux, à un dialogue de salut pour ceux qui assument la peu facile mission de l’ouvrir et pour ceux qui ont l’heureuse fortune de l’accueillir.

Or, en ce premier moment de notre congrès, moment religieux, moment liturgique, nous éprouvons tous un besoin, un devoir d’introspection, de dialogue, chacun avec sa propre conscience, d’abord pour évaluer l’existence et l’importance du choix que nous avons fait en vous invitant à une aussi exceptionnelle assemblée ; puis pour répondre, chacun pour soi, à une interrogation intérieure : quel est le sens de ma présence, ici, sur la tombe de Saint Pierre, ici, dans Je centre actif et mystique de l’Eglise, ici pour mesurer ma disponibilité personnelle aux deux thèmes formidables qui vont m’être présentés ces jours-ci, sous les cent aspects divers qu’ils peuvent recouvrir : évangélisation et promotion humaine ? S’agit-il simplement d’une présence ou d’une sorte de tournoi académique ? d’une écoute passive pour me documenter, m’instruire, mais sans m’engager ? Ou bien ce congrès, cette présence individuelle de chacun de nous suppose-t-elle une préalable adhésion à l’idée mère que nous avons appelée évangélisation ? Nous sommes réunis ici par la grâce de Dieu, et comme nous sommes déjà croyants, nous n’allons pas, cette fois-ci, nous mettre à parler de notre foi catholique elle-même. Nous allons la professer et en considérer une des exigences essentielles, celle de l’annoncer, entre les frontières de nos communautés locales respectives, puis à l’extérieur dans le cadre immense de la société profane qui nous entoure et nous stimule. Elle trouble tant, avec sa complexe et vertigineuse évolution, qui semble se montrer réfractaire à nos tentatives habituelles de l’intéresser à notre thème religieux, indûment considéré comme superflu, étranger, hostile, périmé, dépassé par la vie moderne. Et en même temps, peut-être sans le savoir, pourtant avec angoisse, elle conserve, cette société profane, un besoin avide de l’ineffable et vitale vérité que nous avons, nous tous, le privilège responsable de posséder (cf. Rm 8,19-22).

Parce que Frères et Fils, notre sort merveilleux et dramatique est d’être impliqués dans un admirable dessein divin qui ne fait pas seulement de nous les participants favorisés du royaume de Dieu mais également ses témoins et ses défenseurs : l’Evangile n’est pas une annonce qui se perd en celui qui la reçoit, mais une voix qui rebondit et se fait écho, voix à son tour, qui devient un cri ! C’est Jésus qui nous le fait savoir : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le au grand jour; et ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits » (Mt 10,27). Ce n’est pas un épisode; c’est un programme qui envahit la terre et se fait histoire. Le Christ résume et conclut ainsi sa prédication aux Apôtres : « Allez donc, et enseignez toutes les nations » (Mt 28,19). La foi vivante est une foi qui rayonne. L’Eglise croyante est Mère et Maîtresse, et la doctrine du Concile confirme et nous avertit que du fait d’être les fils de l’Eglise nous devons être fiers de notre nom de chrétiens et de rendre témoignage de ce que ce nom signifie et nous enseigne (cf. Lumen Gentium LG 33). C’est ainsi que s’affirme aujourd’hui le caractère éternel de l’Evangile.

Voici donc le moment et le lieu où chacun de nous, selon la forme et à la mesure de ses propres conditions doit se laisser pénétrer de la conscience de ce devoir qui nous investit en profondeur et que Saint Paul fait descendre du niveau qui est le sien à celui, si humble soit-il, de chacun de nous : « C’est pour moi un devoir, écrit-il malheur à moi si je ne prêchais pas l’Evangile ! » (1Co 9,16).

Et cela, très chers Frères et Fils, c’est un signe majeur de notre époque. Le réveil de la vocation apostolique, missionnaire et active au sein de l’Eglise, presque réprimée en certaines occasions, ou bien assoupie dans son effort d’évangélisation, séculaire et constant, c’est-à-dire son souci d’apostolat, non seulement ministériel et hiérarchique, mais aussi commun — et cependant sacré et béni — de tout le Peuple de Dieu (cf. 1P 2,5 Lumen Gentium, LG 10), voilà ce qui caractérise notre siècle ivre de ses conquêtes, mais affolé, fatigué, myope dans sa démarche risquée. « Mais l’heure vient et nous y sommes » (Jn 4,23), l’heure où la révélation évangélique du rapport religieux avec le Père qui est dans les deux loin de s’affaiblir ou de s’éteindre à cause du progrès positif ou de la décadence négative de l’humanité, peut se rouvrir avec la lumière de l’aube et briller dans la splendeur de nouvelles vertus spirituelles et humaines, pour la gloire de Dieu et aussi, comme nouveauté inattendue, pour la promotion de l’homme.

Et avant de conclure cette simple exhortation et que le Saint Sacrifice de la Messe reprenne son mystérieux déroulement, avant donc que vos discussions recommencent, laissez que de l’autel vous soit recommandée une disposition d’âme, mieux une vertu celle qui est propre au chrétien, propre à celui qui se sait et qui se sent membre de l’Eglise, qui vit d’elle et prie pour elle, et pour elle travaille et souffre. Notre confiance est fondée sur la foi : « Que votre coeur cesse de se troubler nous dit Jésus. Croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14,1). C’est une force d’âme qui comprend aussi la magnanimité de l’esprit, nous dit le Maître Thomas (S. Th. II-II 129,6). Pour évangéliser, il suffit d’être courageux ; n’avoir peur de rien ni de personne (cf. Mt 10,28). Ce qui ne signifie pas qu’il faille être anticonformiste et téméraire, comme c’est malheureusement devenu une habitude pour certains; au contraire soyons humbles et forts, audacieux et loyaux avec tout le monde. Et rappelons-nous que même les mésaventures et les difficultés peuvent favoriser la cause de l’Evangile, la nôtre, la cause de ceux auxquels nous voulons faire du bien. « Et nous savons, dit Paul dans une de ses plus célèbres épîtres, nous savons qu’avec ceux qui l’aiment Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein » (Rm 8,28). Puis nous devons renforcer notre confiance dans la Communion des Saints, dans la protection de la Vierge, spécialement. Et ainsi le génie inventif et opératoire de la promotion humaine qui découle de l’Evangile et de cette assistance céleste trouvera dans la confiance chrétienne, et non ailleurs cette « vehemens opinio » (St. Th. ibid. II-II 129,6), cette énergique conviction qui le rend efficace. Qu’il en soit, ainsi, Frères et Fils. Amen !






14 novembre 1976

UNE NOUVELLE BIENHEUREUSE : MARIE DE JÉSUS LOPEZ DE RIVAS

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Texte de l’homélie que le Saint-Père a prononcée au cours de la solennelle liturgie de Béatification de Soeur Marie de Jésus Lopez de Rivas :



Qui est-elle ? Qui est la nouvelle Bienheureuse que la Sainte Eglise propose aujourd’hui à notre connaissance ? à notre vénération ? Cette cérémonie de béatification comme toujours solennelle et toute spéciale acquiert avant tout le sens d’une présentation, d’une révélation qui, peut-être même dans les cloîtres carmélites, masculins et féminins, suscitera une heureuse surprise : il n’est pas certain en effet que cette Soeur privilégiée y soit bien connue ; et l’on comprend pourquoi. Son profil biographique qui vient d’être lu, conformément au cérémonial de la S. Congrégation pour les Causes des Saints et dont chacun peut prendre connaissance en consultant l’opuscule publié en vue de cette liturgie, nous apprend que la nouvelle Bienheureuse, Marie de Jésus, a vécu entre les XVI° et XVII° siècles, qu’à l’âge de 17 ans elle était entrée au Carmel de Tolède que Sainte Thérèse, vivant alors à Avilla avait fondé quelques années plut tôt, et qu’elle avait été reçue sur présentation des plus élogieuses par la grande Fondatrice. On peut dire que notre Bienheureuse passa toute sa vie au Carmel de Tolède où elle mourut en 1640. Ce qui est singulier, et explique la connaissance limitée que l’on a de sa démarche spirituelle, même au sein de son Ordre, c’est que, malgré la réputation de sainteté qui accompagna son existence et qui continua à entourer sa mémoire après sa mort, des difficultés de natures diverses retardèrent l’instruction du procès canonique, et que lorsque finalement celui-ci fut entamé régulièrement au début de ce siècle, de nouveaux contretemps et des pauses intervinrent, de sorte que le procès ne put arriver à sa conclusion que de nos jours.


Ce n’est donc que maintenant qu’est présentée à l’Eglise, dans toute sa splendeur, l’attirante figure de cette femme que plus de trois siècles séparent de nous, lointains pèlerins dans le temps.

Ceci est providentiel pour nous qui pouvons aujourd’hui contempler dans la physionomie de la nouvelle Bienheureuse un reflet authentique de la spiritualité de Sainte Thérèse d’Avila, la réformatrice du Carmel, une des personnalités les plus représentatives de la réforme catholique. Avec Marie de Jésus, nous sommes en effet ramenés à cette période, chargée de tensions et de ferments, qui suivit le Concile de Trente. C’est l’âge d’or des lettres, des arts, de la puissance militaire de l’Espagne, arrivée à l’apogée de sa fortune politique et chevaleresque. C’était également la période qui vit l’Eglise engagée dans un immense effort spirituel et disciplinaire dans le but de traduire dans la vie chrétienne vécue, les directives du Concile. En particulier, c’est l’époque où Sainte Thérèse travaille avec un indomptable courage à la réalisation d’un projet de relance de la Règle « primitive » de l’Ordre Carmélite.

Marie Lopez de Rivas est profondément touchée et attirée par les perspectives d’une donation totale que propose Mère Thérèse ; et après mûre et profonde réflexion, elle se décide : elle sera Carmélite et elle le sera dans l’esprit et selon la discipline voulue par Thérèse de Jésus. Désormais, pour comprendre Marie il faudra se tourner vers Thérèse, la grande maîtresse d’une vie intérieure entendue comme communion ininterrompue avec le Christ dans le dialogue amical de la prière (cf. Vita 8, 5) et la disponibilité constante de la volonté au service de Dieu (cf. Castello interiore VII, 8, 4). Soeur Marie de Jésus se laissera imprégner entièrement des enseignements de la Mère et, à son exemple, elle orientera son expérience spirituelle vers une maturation progressive dans la foi, vécue comme adhésion totale au Christ et à son Eglise dans l’espérance, alimentée par une tension inaltérable vers Dieu et vers le Ciel, dans la charité accueillie et donnée dans un élan qui ne se lassera jamais.

Toutefois, notre Bienheureuse ne manquera pas de modeler les grandes lignes de la spiritualité thérésienne selon son propre dessein d’où émergera sa caractéristique physionomie spirituelle. Les traits qui caractérisent celle-ci peuvent se résumer en explicite participation affective et effective aux mystères du Christ, proposés par la Liturgie dans les divers moments de l’année. Nous la trouvons ainsi, durant la période de l’Avent, totalement absorbée et quasi emportée loin d’elle-même par sa profonde contemplation du mystère du Dieu incarné. Pendant les fêtes de Noël, nous la voyons plongée dans son exceptionnelle dévotion à l’Enfant-Jésus qu’elle appelle familièrement : « le médecin du mal d’amour ». Pendant le Carême et surtout durant la Semaine Sainte nous admirons sa participation passionnée aux souffrances du Rédempteur, nous avons à ce propos le témoignage d’un carme, son contemporain : « elle avait demandé à Nôtre-Seigneur, écrit-il, de lui accorder quelque chose qui lui fasse ressentir physiquement sa Passion ; et le Rédempteur, qu’elle vit en apparition, lui posa une couronne d’épines sur la tête ; et elle éprouva une douleur si forte qu’elle ne put jamais plus la faire disparaître » (G. Gracian, Peregrinacion de Anastasio, 16).

Soeur Marie de Jésus vénérait l’Eucharistie avec indicible ardeur, spécialement les jours de sa fête. A ses moniales elle répétait avec des accents qui allaient droit au coeur ; « Nous rendons-nous compte que nous partageons notre foyer avec le Saint-Sacrement, que nous vivons avec Sa Majesté, sous le même toit ? Si les religieux étaient vraiment conscients de ce privilège, ils accepteraient de le payer à n’importe quel prix, fût-ce même au prix de leurs larmes ou de leur sang ». Une intense dévotion au Sacré-Coeur de Jésus et à son Très Précieux Sang complète la cadre de la piété christocentrique de cette âme qui aimait s’exclamer : « Seul celui qui a la chance de faire du Christ le maître de son propre être est capable de connaître Dieu divin et humain ; et celui-là marche sur un sentier sûr ».

La voilà donc devant nous, Soeur Marie de Jésus, toute plongée dans le dialogue d’amour avec l’Epoux de l’âme, le dialogue qui remplit ses journées dans la solitude du Carmel. Et cette expérience intime de Dieu, l’aurait-elle rendue étrangère aux besoins d’autrui, aux difficultés dans lesquelles se débattait la société de son époque, aux épreuves qui accablaient l’Eglise ? Pas du tout ! Autour d’elle se meut tout un monde de souffrances, de faiblesses, de misères, d’implorations affligées. A travers la correspondance épistolaire et les conversations derrière le grillage, la misère humaine vient frapper à son coeur et solliciter son intervention en prières. Et nous la trouvons ainsi, par exemple à un moment de grande sécheresse, toute suppliante : « Seigneur, de l’eau ! Il faut de l’eau, Seigneur, dans des canaux que je puisse voir et des ruisseaux que j’entende couler ! » ou lorsque la guerre apporte la désolation et la mort nous entendons ses confidences : « Nous prions sans arrêt en communauté pour ce qui nous tient tant à coeur : la paix entre les princes chrétiens... j’attribue tout cela à mes péchés, principalement le manque de paix ; selon moi, aussi longtemps que dureront ces guerres, on ne peut rien espérer de bon » ; ou enfin, quand le bien de l’Eglise est en jeu : « J’ai le coeur transpercé à cause du moment critique que traverse l’Eglise de Dieu, tant pour ce que la vertu doit souffrir que pour les dangers mortels que courent les amis de Dieu... ».

Voilà, très chers fils, qui était Soeur Marie de Jésus. N’est-il pas vrai que son expérience spirituelle suscite des échos profonds également dans notre coeur de chrétiens, nous qui vivons dans un monde si différent du sien ? Tournant notre regard vers elle nous comprenons quelle valeur a pour l’Eglise de tout temps la vie contemplative et nous n’avons aucune peine à reconnaître, avec le Concile que « ceux qui se vouent entièrement à la contemplation (...) offrent à Dieu un sacrifice éminent de louange, éclairent le peuple de Dieu par les fruits très abondants de leur sainteté, l’entraînent par leurs exemples et l’étendent par une secrète fécondité apostolique. Ils sont ainsi la gloire de l’Eglise et la fontaine d’où jaillissent les grâces célestes » (Perfectae Caritatis,
PC 7).

Le témoignage de Soeur Marie de Jésus, carmélite qui vécut 63 ans entre les murs d’un monastère cloîtré, nous convainc d’une vérité fondamentale, c’est-à-dire que les valeurs chrétiennes les plus importantes se jouent dans l’intérieur de l’être humain, là où « l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables » (Rm 8,26), et son exemple nous entraîne à ramener à sa juste dimension l’importance de l’activité extérieure, serait-ce même une activité apostolique, car, sur le plan surnaturel, elle ne compte que dans la mesure où l’anime l’amour théologal.

Cette petite Carmélite qui a gagné le ciel il y a tant d’années, nous rappelle l’exigence inéluctable de la dimension contemplative dans la vie de tout chrétien et, par son exemple, elle nous indique le moyen concret pour la cultiver. Le moyen est celui de la méditation, pleine d’amour, des mystères du Christ, que la Liturgie représente et rend actuel. Très chers fils, la participation intelligente et assidue aux célébrations liturgiques, en particulier à la liturgie eucharistique dominicale, participation rendue aujourd’hui plus facile par la réforme conciliaire et post-conciliaire, est la voie ouverte à tous pour une rencontre personnelle avec le Christ, avec la lumière de sa parole réconfortante et avec la force de sa grâce sanctifiante.

Il nous reste encore sous les yeux, comme exemple stimulant, l’image de la nouvelle Bienheureuse, qui déjà fort âgée et malade, ne manquait jamais de participer aux offices liturgiques dans l’Eglise du monastère où, derrière la grille, elle unissait sa voix, désormais tremblante à celle des fidèles présents dans le temple ; ses consoeurs racontent en effet : « comme elle était vieille et de santé délicate, elle avait pris l’habitude de s’installer tout près de la grille du choeur d’où elle s’unissait aux chants de la Messe, attirant ainsi l’attention des fidèles, en admiration du fait que son grand âge ne l’empêchait jamais de chanter les louanges divines ».



Le Saint-Père a poursuivi en langue espagnole :

Notre coeur se remplit de joie en proclamant aujourd’hui Bienheureuse Marie de Jésus Lopez de Rivas, carmélite, disciple de Sainte Thérèse d’Avila dont elle a suivi avec une fidélité extraordinaire le chemin de perfection.

C’est pourquoi aujourd’hui se réjouit Tolède, exulte l’Espagne, exulte l’Eglise. On a l’impression d’avoir découvert un trésor caché, et on éprouve la joie de constater que les siècles n’obscurcissent pas les lumières qui illuminent l’histoire de l’Eglise. Ce défi au temps nous rappelle que l’Eglise ne vieillit jamais (cf. Mt 28,20) et que ses Saints sont déjà entrés dans l’éternité.




24-25 décembre 1976

NOËL : LA MESSE DE MINUIT A SAINT-PIERRE - HOMELIE DE PAUL VI

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Nuit de Noël à Saint-Pierre du Vatican. Minuit. Paul VI monte à l’autel pour commémorer la naissance de l’Enfant-Dieu qui va donner un visage nouveau au monde. D’autres années le Saint-Père a célébré la messe de Noël parmi les travailleurs de la mine, ou dans une usine où l’autel avait été dressé au milieu des machines, cette fois, comme l’an dernier lorsqu’il ferma les battants de la Parte Sainte, Paul VI a dit la Messe dans le temple le plus vaste de la chrétienté, devant une foule immense et recueillie. Des Cardinaux, des Evêques, des religieux et des religieuses, le Corps diplomatique, des représentants des autorités officielles et puis les fidèles, l’immense phalange des fidèles qui, accourue de partout dans le monde, était venue à Rome célébrer Noël sur la tombe de Pierre et écouter les paroles du Vicaire du Christ.

Après la liturgie de la Parole Paul VI a prononcé l’homélie. En voici la traduction :



Frères et Fils, accourus à cette assemblée nocturne, vous savez pourquoi !



C’est la célébration annuelle d’un événement très humble, enraciné dans l’histoire d’un lointain pays, pauvre mais prédestiné, et inscrit dans la trame mystérieuse du temps, mais ce temps était lui aussi prophétiquement déterminé. C’est la célébration d’un événement qu’on pourrait dire insignifiant : la naissance d’un petit Enfant dans des conditions extrêmement pauvres, dépourvues de toute importance extérieure, de tout intérêt pour le milieu ambiant. Et pourtant c’était la venue en ce monde, parmi les hommes, du Verbe de Dieu, du Fils consubstantiel au Père Créateur et Seigneur de l’univers, qui, tout en demeurant ce qu’il était, s’est fait le fils de Marie ; oui, Fils de Dieu et Fils de l’homme.

C’est cet événement, à la fois très humble et très grand, humain et divin, qui dans l’unique Personne du Verbe, unit deux natures, dont l’une, la nature humaine reflète, par sa constitution (cf.
Gn 1,26-27), une image merveilleuse, bien que toujours lointaine, de l’autre, de l’image ineffable, divine, éternelle et infinie, du Dieu invisible (cf. Col Col 1,15 2Co 4,4). Cet événement situe cette symbiose qu’est le Christ Jésus dans l’insondable mystère de la divinité : « Le Christ est né ; de par son Père, il est Dieu ; de par sa mère, il est homme » (Saint Augustin, Serm. 184 ; PL 38, 997). Cet événement, situe le Christ dans l’humanité et dans l’histoire, comme centre de rassemblement de toutes les choses célestes et terrestres (cf. Ep 1,10) ; et c’est auprès de Lui que tout être humain peut avoir accès et trouver le salut (cf. Lc 3,6). Tel est l’événement, le mystère, qu’aujourd’hui nous rappelons et célébrons.

« Lux in tenebris lucet, la lumière brille dans les ténèbres » (Jn 1,5). Nous ne nous arrêterons pas à considérer cet aspect du mystère de Noël, c’est-à-dire le moyen choisi par Dieu pour se révéler dans son Messie, comme s’il voulait se cacher dans l’acte même de sa manifestation personnelle et humaine aux hommes qui cependant l’attendaient. C’est un aspect qui laisse entrevoir bien d’autres intentions divines, dignes d’être approfondies et méditées à un autre moment. Le Seigneur voulait-il que, même en présence de sa suprême révélation temporelle, nous ne soyions pas dispensés de l’obligation de le chercher ? Voulait-il que notre recherche nous oblige à nous courber sur les sentiers de l’humilité, afin de corriger l’obstacle principal qui nous empêche de faire une vraie rencontre avec le Christ porteur de la Révélation, rencontre rendue possible seulement par la mortification de notre faute capitale, l’orgueil ? Ou bien voulait-il que nous ayions à le chercher, non par quelque intérêt égoïste, mais motivés par le pur amour ? Les mémorables paroles de Saint Augustin nous rappellent comment nous devons chercher la révélation divine : « On demande par amour, on cherche par amour, on frappe à la porte par amour, on découvre avec amour » (De moribus Ecclesiae Cath. 1, c. XVII ; PL 32, 1321).

Mais nous nous arrêterons sur l’événement même, sur le mystère de Noël. Ecoutons encore Saint Augustin, qui anticipe sur les Conciles postérieurs la formule qui résume tout : « homme véritable, Dieu véritable, le Christ tout entier est Dieu et homme. Telle est la foi catholique » (Serm 92, 3 ; PL 38, 573). Nous nous en tiendrons à cette adhésion de notre foi que nous lui offrons en célébrant les saints mystères dans la messe de cette nuit. Oui, par cette célébration de Noël, nous confirmons notre adhésion entière, ferme et du fond du coeur au Christ Jésus ! Nous croyons en Lui ! Lui seul est notre Sauveur et le Sauveur du monde (cf. Ac 4,12).

Puisse cet acte religieux, conscient, confirmer et renouveler notre acceptation de la foi en Jésus-Christ, foi héritée des générations chrétiennes qui nous ont précédés, mise en formules limpides et indiscutables par le Magistère de l’Eglise, et source inépuisable de vie spirituelle, d’activité évangélique, de prédication missionnaire, de catholicisme social ! Et que la foi même de la Vierge, Mère de Jésus, celle qui fut proclamée « bienheureuse... pour avoir cru en l’accomplissement de ce qui lui avait été dit de la part du Seigneur », (Lc 1,45), « une foi qui ne fut jamais altérée par le doute », comme l’enseigne le Concile (Lumen Gentium, LG 63), pénètre dans nos âmes et soutienne notre dialogue loyal avec le monde actuel que des doutes incurables font vaciller. Que notre certitude, face au mystère chrétien, nous rende capables de la double attitude exigée de quiconque professe la foi : celle de la logique de la pensée et de l’action, sage et cohérente, caractéristique précisément de celui qui se dit chrétien, et celle de la véritable capacité, — apte à la compréhension et à la communication — de rapports sociaux qui soient toujours justes et amicaux.

Enfin, efforçons-nous d’honorer la grande fête de Noël en exprimant, au fond du coeur et dans le culte, les sentiments que suscite sa réalité religieuse ; et d’abord notre émerveillement : dans la mesure où il cherche à admirer le prodige de l’Incarnation, du Verbe de Dieu qui se fait homme, il ne trouvera jamais la mesure suffisante, si hyperbolique qu’elle soit, pour faire correspondre l’expression de l’étonnement et de la joie à la réalité qui en est la source. C’est encore Saint Augustin qui nous exhorte : « Réveille-toi, homme ; pour toi Dieu s’est fait homme ! » (Serm. 185 ; PL 38, 907). Ce sentiment accompagnera toujours, même aux heures d’amertume de la vie et dans les célébrations douloureuses de la liturgie, tous les autres sentiments, comme une réserve inépuisable d’optimisme contemplatif et actif, propre à celui qui a été admis à goûter par avance le bonheur transcendant du mystère chrétien (cf. Ep 5,14). Ecoutons à nouveau Saint Paul : que ses paroles donnent leur style à notre vie chrétienne, qu’elles constituent un souhait et un souvenir de notre célébration de Noël : « Réjouissez-vous dans le Seigneur, toujours ; je vous le répète encore : réjouissez-vous ! » (Ph 4,4 cf. Ph 2,18 Ph 3,1). L’Ange de la crèche a entonné du ciel le message de la joie nouvelle, pour nous aussi : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui, vous est né un Sauveur dans la ville, de David, Il est le Messie, le Seigneur » (Lc 2,10-11).










Homélies 1977

Eglise et documents, vol. X – Libreria editrice Vaticana
II – (DISCOURS ET) HOMÉLIES DU PAPE EN DIVERSES CIRCONSTANCES




1er janvier 1977

SI TU VEUX LA PAIX, DÉFENDS LA VIE ; SI TU VEUX LA PAIX, PRÉPARE LA PAIX

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Homélie du Pape pour la « journée de la paix »

A l’occasion du 1er janvier qui se trouve être, cette année, le dixième anniversaire de la Journée de la Paix, et jour où l’Eglise universelle fête la Vierge Marie, Mère de Dieu, le Souverain Pontife a choisi d’aller célébrer la Messe dans une église de la proche banlieue de Rome. Cette banlieue a été éprouvée par la guerre et c’est en exécution d’un voeu fait par Don Alberione, de la Congrégation de St-Paul, que fut érigée l’Eglise consacrée à Marie, Reine des Apôtres.

Le Pape Paul VI, dans la démarche qu’il accomplit en ce début d’année, donne ainsi toute sa signification spirituelle et humaine à la célébration de ce jour.



Si tu veux la paix, défends la vie.

Paix à cette maison et à ceux qui l’habitent !


C’est ici la maison centrale de la Société Saint-Paul, fondée par le vénéré Don Giacomo Alberione, dont la dépouille mortelle repose dans la crypte de cet édifice. A lui notre respectueux souvenir, en demandant pour son âme humble et grande la paix éternelle, et en souhaitant que son esprit revive dans les institutions religieuses et apostoliques qu’il a laissées et auxquelles va notre salut et notre bénédiction.

Nous voyons que sont rassemblées de nombreuses personnalités ecclésiastiques : Monsieur le Cardinal Jean Villot, notre Secrétaire d’Etat, et ses collaborateurs ; nous voyons notre Vicaire pour le diocèse de Rome, le Cardinal Ugo Poletti, avec de nombreux représentants du Vicariat et du Clergé romain ; nous voyons le Pro-Président et les responsables de la Commission Pontificale « Justice et Paix », à laquelle nous devons l’animation de cette « Journée » ; nous voyons les supérieurs et les prêtres de la Société de Saint Paul, nombre de leurs confrères et de religieuses des oeuvres qui dépendent de cette maison généralice : que la paix et la prospérité du Seigneur soient avec tous ceux qui sont présents.

Parmi ceux-ci, notre salut respectueux s’adresse avec l’attention qui leur est due aux autorités civiles, qui ont voulu honorer cette cérémonie de leur présence si riche de signification pour cette célébration qui implore la paix pour le monde et avant tout pour cette cité de Rome. Nous remercions spécialement Monsieur le Maire et les représentants de l’administration civile, et aussi les personnalités gouvernementales, civiles et militaires, que nous voyons s’associer à ce moment de réflexion spirituelle et d’invocation en faveur d’une concorde laborieuse et pacifique au seuil de l’année 1977.

Un groupe de personnalités distinguées est présent à cette célébration de la Journée mondiale de la Paix : ce sont Messieurs les Diplomates et les Représentants de différentes Organisations internationales. Leur présence nous prouve le caractère international de cette rencontre. Nous les remercions d’une adhésion si précieuse et si riche de signification.

Mais pour couronner de telles présences et pour notre joie pastorale, nous voyons le peuple de ce quartier nouveau et si dense. A lui, aux familles qui le composent, aux écoles spécialement, aux centres de travail, aux maisons de soins, à tous, l’expression de notre affectueux intérêt, nos voeux de bonheur et de prospérité.

A cette communauté, que ce beau sanctuaire réunit fraternellement dans la prière et l’amitié, nous sommes heureux de présenter nos remerciements pour la cordialité de son accueil et nos voeux de « bonne année » dans le Seigneur.

Une parole maintenant pour mettre en lumière le but de cette cérémonie religieuse, à laquelle nous attachons une grande importance, nous donnant la joie de la présider personnellement et de remercier aussitôt et directement tous ceux qui y prennent part.

Comme tout le monde le sait, cette célébration, dominée liturgiquement par la douce figure de la Vierge Marie, la Mère de Celui que Saint Paul appelle « notre paix » (
Ep 2,14), le Christ Seigneur, est dédiée à la Paix. Oui, à la paix, le grand don, désiré comme un reflet de la gloire due à Dieu pour la venue du Verbe sous une forme historique et visible dans l’humanité ; un reflet de paix pour les hommes, objets de la bienveillance divine. Ceci, pouvons-nous dire, est l’axe théologique de la paix, que nous voulons et espérons voir instaurée dans le monde. La paix, pensons-nous, est dans son expression la plus haute et la plus complète, un don de Dieu. Si elle est un don, qui dérive de la bonté de Dieu, de sa miséricorde, de son amour, la paix, dans sa source première et supérieure, est une grâce, un mystère, qui loin d’altérer ou de diminuer l’essence humaine de la paix temporelle, l’engendre, la facilite, la sublime, la dramatise. Surtout, elle nous encourage à l’étude et à l’action qui se rapportent au fait historique et humain que nous appelons « paix », c’est-à-dire l’équilibre des rapports entre les peuples, la fameuse « tranquillité de l’ordre » de Saint Augustin. Au concept statique et stable de la paix, telle que nous voudrions qu’elle soit, et souvent nous nous faisons illusion sur elle, s’ajoute en effet un coefficient nouveau et dynamique, qui fait de la paix non pas une condition fixe et immuable, mais une mise en ordre mobile et vivante, non seulement par le jeu immense et incalculable des facteurs qu’elle met en oeuvre, et dont la paix résulte, mais aussi par l’intervention secrète, oui, mais réelle et souvent reconnais-sable, d’une Providence qui sait changer en bien même les situa-tiens humaines qui sont de soi négatives et même désespérées (cf. Rm 8,28). S’il est permis d’employer une image pour mieux faire comprendre ce qu’est la paix, nous la représenterons non pas comme un roc immobile au milieu des flots de la mer tumultueuse qu’est l’histoire du monde, mais comme un navire secoué, qui a besoin pour éviter le naufrage de bien des conditions, de bien des efforts, sous la conduite d’un pilote et grâce au travail habile et courageux de l’équipage.

Ceci pour dire, comme tout observateur sagace de l’histoire nous l’enseigne, que la paix est toujours « in fieri », c’est-à-dire en devenir. Elle n’est jamais acquise une fois pour toutes et pour toujours. Elle est un équilibre dynamique, dépendant de normes très complexes et délicates, que l’homme qui fait la paix, l’homme politique ou privé, doit comprendre, connaître et mettre en oeuvre. Nous rappelons ainsi l’attention sur les conditions qui favorisent et promeuvent la paix. Une fois admis que la paix est un bien premier, que tous désormais doivent admettre comme indispensable pour une société prospère, se pose alors la question : quelles sont les conditions de la paix ?

Vous vous rappelez certainement le proverbe qui est dans la mémoire des peuples et de leurs chefs : « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». C’est un axiome désespéré, désastreux ; et il le sera encore plus demain, s’il n’est pas progressivement corrigé et remplacé par un autre principe, qui apparaît aujourd’hui comme encore utopique et qui a pourtant pour lui les exigences profondes de la civilisation : « Si tu veux la paix, prépare la paix ».

Cela peut sembler une formule folle, vile et impossible à appliquer. Mais si elle n’est pas applicable tout de suite et totalement aujourd’hui, nous savons tous qu’elle interprète l’avenir du monde. Vision qui transcende maintenant les possibilités concrètes pour notre réflexion, mais non pour l’idéal de l’homme social, et surtout pour celui qui tire son idéal humain de l’Evangile : ce n’est pas par hasard que cette parole a été dite à Pierre : « Remets ton épée dans le fourreau, car tous ceux qui mettent la main à l’épée... » (Mt 26,52). Tel est au fond le sens du thème choisi pour notre Journée mondiale de la Paix cette année : « Si tu veux la paix, défends la vie ».

Nous disons : la vie, la vie humaine ! Et ici le concept de ce bien premier devrait se perfectionner et s’élever bien plus qu’il ne l’est : la vie humaine est sacrée, c’est-à-dire protégée par un rapport transcendant avec Dieu qui en est l’auteur premier, le maître jaloux (cf. Gn 4,1 Mt 5,21 ss. ), le souverain invisible, le modèle dont elle tire un reflet qui dévoile une ressemblance divine essentielle, et qui conserve à la vie, même dans les privations, dans les déformations et dans les profanations dans lesquelles elle peut tomber, son inviolable dignité qui, dans le plus grand besoin, la rend encore l’objet d’une plus grande pitié (cf. Mt 25,31 ss.). Notre regard se porte de la considération, hors du commun, d’un conflit armé qui brise la paix, à la vision ordinaire de l’homme vivant qu’un docteur chrétien du second siècle, Saint Irénée, définit dans une intuition prophétique : la gloire de Dieu ! Comme si on disait : malheur à qui porte la main sur lui ! Et ici on verrait l’éloge spontané qui pourrait jaillir, comme un hymne, dans une circonstance moderne, et même s’il est inconsciemment chrétien, prodigue aux déficiences et aux souffrances de la vie humaine : soyez bénis, vous, les éducateurs : soyez bénis, vous les hommes de santé ; soyez bénis, vous qui apportez à l’homme l’assistance dont il a besoin, pour votre action, interprète de l’appel divin à l’honneur et au mérite de servir l’homme votre frère ! la vie humaine !

Mais en est-il toujours ainsi ? Est-ce qu’on ne proclame pas, avec une force égale à la vôtre lorsque vous défendez la vie, l’offense qui la menace et la déshonore ? L’histoire de l’humanité, même de nos jours, connaît la contradiction paradoxale de l’exaltation de la vie humaine et en même temps de son abaissement ! Pouvons-nous, par exemple, passer sous silence la légalisation de l’avortement, admise et protégée en divers pays ? N’est-ce pas une vie humaine, vraie et propre, qui s’allume dans le sein maternel dès l’instant même de la conception ? Et n’aurait-elle pas besoin justement de soins attentifs et d’amour, du fait que cette vie embryonnaire est innocente, privée de défense, et qu’elle est déjà inscrite dans le registre divin du destin de l’humanité ? Qui pourrait supposer qu’une mère tue, ou laisse tuer, sa créature ? Quel remède, quelle fiction légale pourra jamais apaiser le remords d’une femme qui, librement, consciemment, s’est rendue coupable d’infanticide sur le fruit de ses entrailles.

Et nous pourrions déplorer de même tant d’autres méfaits qui sont aujourd’hui perpétrés contre la vie de l’homme. Nous les connaissons ; nous appellerons sur eux la condamnation de la conscience civile et sociale, et nous ferons appel en même temps au sens du respect et de la solidarité qui heureusement s’insurgent contre tant d’embûches et tant de délits qui avilissent la famille humaine et compromettent ainsi la plénitude, peut-être même la stabilité, de la paix. Que notre réaction de défense et de réparation soit donc forte, qu’elle soit active et remplie d’amour ! La paix exige, outre l’honneur moral et civil, ce renouveau systématique. Nous le répétons, pour protéger la paix, il nous faut défendre la vie.

Il n’est pas difficile de trouver le lien de cause à effet qui peut exister entre la paix et la vie ; c’est-à-dire entre la guerre, ruine radicale de la paix, et les misères physiques et morales des moeurs et aussi de la vie individuelle. Il faut donner conscience et vigueur aux moeurs pour offrir à la paix le milieu indispensable à sa prospérité, de même que la paix, à son tour, est une condition pour créer le climat de tout bien-être véritable. Ce rapport entre paix et vie, ouvre à tous la possibilité d’apporter à la cause générale de la paix la contribution particulière de son propre soutien, par l’honnêteté, l’activité, la collaboration de sa vie sociale et personnelle (Qui est fidèle pour très peu de chose est fidèle aussi pour beaucoup » (Lc 16,10).

Que Dieu nous aide, au cours de la nouvelle année civile que nous commençons aujourd’hui, à contribuer à la construction et la paix dans le monde, en apportant par notre vie individuelle et communautaire, dans la mesure de nos moyens, les valeurs dont ce grand édifice tire sa majesté et sa stabilité !





B. Paul VI Homélies 17106