B. Paul VI Homélies 25121

25 décembre - L’HOMELIE DE PAUL VI A LA MESSE DE MINUIT

25121

En présence des membres du Corps Diplomatique.


Chers Frères et Fils, Chers amis,



L’heure qui nous trouve rassemblés ici est une heure d’intense méditation. Tout ce qu’elle évoque nous le rappelle avec force : l’heure nocturne, l’objet de la célébration — la naissance du Sauveur — l’incidence de cette fête sur nos habitudes familiales et sociales. Veiller est en ce moment un devoir et nous sommes tous invités à l’attention. L’obscurité de la nuit devient lumière pour l’esprit.

Qu’est-ce que nous méditons ? Nous méditons la naissance de Jésus-Christ dans le monde, il y a dix-neuf cent soixante et onze ans, à Bethléem de Judée, la cité de David, dans les circonstances que nous connaissons tous. Nous avons devant les yeux de l’imagination le tableau de l’événement. Il se reflète, se renouvelle, comme une image dans un miroir, en chacune de nos âmes ; et il se renouvellera dans un instant sous une forme mystique et sacramentelle, avec un mystérieux réalisme, sur cet autel. Ici le Christ sera avec nous. Un attrait spécial arrête notre attention et nous invite à contempler.

Notre attention peut prendre ici deux voies. L’une est celle de la scène historique et sensible, évoquée par l’Evangile de Saint Luc (lequel, probablement, en entendit le récit de Marie elle-même, la Mère, la protagoniste du fait commémoré) ; c’est la scène de la crèche, la scène idyllique du pauvre logement de fortune choisi par les deux pèlerins, Marie et Joseph, pour l’événement imminent, une naissance. Tout ici nous intéresse : la nuit, le froid, la pauvreté, la solitude. Et puis, le Ciel qui s’ouvre, l’incomparable message angélique, l’arrivée des bergers. L’imagination reconstruit les détails ; c’est un paysage arcadien, qui nous semble familier, qui encadre une histoire enchanteresse. Ici nous redevenons tous enfants et goûtons un moment délicieux.

Mais notre esprit est attiré par une autre voie de réflexion: la voie prophétique. Qui est Celui qui est né ? L’annonce qui résonne en cette nuit même le dit avec précision : « ... aujourd’hui est né pour vous un Sauveur, qui est le Christ Seigneur... ». L’événement revêt aussitôt une qualité merveilleuse : celle d’un but qui est atteint. Ce qui est devant nous n’est pas seulement un fait, si grand et émouvant soit-il : celui d’un nouvel homme qui entre dans le monde (cf.
Jn 16,21) ; c’est une histoire, c’est un dessein qui traverse les siècles, qui comprend des événements disparates et espacés, heureux et malheureux, qui décrivent la formation d’un peuple et surtout la formation en lui d’une conscience caractéristique et unique, celle d’une élection, d’une vocation, d’une promesse, d’un destin, d’un homme unique et souverain, d’un Roi, d’un Sauveur : c’est la conscience messianique.

Soyons bien attentifs à cet aspect de Noël. C’est un point d’arrivée, qui révèle et atteste une ligne qui le précède, une pensée divine, un mystère qui opère dans la succession des temps, une espérance indéfinie et grandiose, gardée par une petite fraction du genre humain, mais une espérance telle, qu’elle donne un sens à la marche inconsciente de tous les peuples (cf. Is 55,5). La nativité du Christ marque sur le cadran des siècles le moment fatidique de l’accomplissement de ce plan divin, qui domine sereinement le torrent tumultueux de l’histoire humaine ; elle indique la « plénitude des temps » dont parle St Paul (Ga 4,4 Ep 1,10) et où on voit converger les destins de l’humanité; la lointaine prophétie d’Isaïe se réalise : « Voici qu’un enfant nous est né, qu’un fils nous a été donné ; la souveraineté repose sur ses épaules, et il se nomme Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père éternel, Prince de la Paix. L’empire sera grand et la paix sans fin, sur le trône de David et dans son royaume. Il l’établira et le maintiendra dans le droit et la justice, dès maintenant et pour toujours » (Is 9,5-6).

Oui, à cet enfant qui est Fils de Dieu et fils de Marie, né sous le régime de la loi mosaïque (Ga 4,4), aboutit toute la tradition transcendante dont Israël était porteur: en Lui elle se régénère, se transforme et se répand sur le monde. Ce petit Jésus de Bethléem est le point central de l’histoire humaine ; en lui se concentrent tous les cheminements humains, qui viennent rejoindre la ligne droite de l’élection des enfants d’Abraham : Abraham qui vit de loin, dans la nuit des siècles, ce futur point lumineux et, comme le Christ lui-même nous l’a confié, « le vit et exulta » (Jn 8,56).

Et le prodige continue. Comme il advient des rayons qui se fondent au foyer d’une lentille, et qui en repartent pour un nouveau faisceau de lumière, ainsi l’histoire religieuse de l’humanité, c’est-à-dire l’histoire qui donne unité, sens et valeur aux générations qui se succèdent, s’agitent et avancent, tête baissée, sur la terre, cette histoire a sa lentille dans le Christ, qui absorbe toute l’histoire passée et éclaire toute l’histoire future, jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28,20).

Cette vision de Noël, qui est la vraie, vaut spécialement pour nous, pour vous, diplomates, Représentants des peuples, rassemblés ici cette nuit pour célébrer le mystère de Noël : elle est pour tous une invitation à réfléchir sur la destinée de l’humanité. Cette destinée, dont vous êtes les artisans à un titre hautement qualifié, elle est liée à la très humble crèche où est couché le Verbe de Dieu fait chair; bien plus, elle en dépend : là où arrive cette irradiation chrétienne dont nous parlions, et qui s’appelle l’Evangile, là arrive la lumière, là arrive l’unité, là arrive l’homme, non plus la tête basse, mais dressé de toute sa stature, là arrive la dignité de sa personne, là arrive la paix, là arrive le salut.

Messieurs, amis et frères qui cherchez et découvrez le Christ, soyons attentifs à ce moment singulier. Il est probable qu’un double sentiment se fait jour dans les coeurs ; l’un, de défiance et de crainte en face du nouveau Roi qui, aujourd’hui encore, naît dans le monde. C’est une puissance, ce Roi : et, qu’est-ce que les Puissants de ce monde craignent plus qu’une nouvelle puissance ? Et s’il est bien une puissance, ce Jésus, qui déclare que son royaume n’est pas de ce monde, mais appartient à une sphère transcendante, peut-être le craignons-nous et le rejetons-nous encore davantage aujourd’hui, jaloux comme nous le sommes de notre souveraine autonomie, agnostique, laïciste ou athée, qui n’admet pas un royaume de Dieu.

L’autre sentiment, au contraire, c’est la confiance. La puissance qu’est le Christ, n’est-elle pas toute pour nous, pour notre avantage, pour notre salut, pour notre amour ? Non eripit mortalia, qui regna dat caelestia : il ne nous enlève pas nos royaumes temporels, Celui qui est venu pour donner son royaume céleste » (Hymne de l’Epiphanie). Il est venu pour nous, non contre nous. Ce n’est pas un émule, ce n’est pas un ennemi ; c’est un guide pour notre chemin, c’est un ami. Et cela pour tous; chacun peut bien dire : pour moi.

Certes, une fois qu’il est venu parmi nous, un drame peut commencer, une lutte : pour ou contre le Christ. L’histoire humaine se déroule désormais autour de lui ; l’Evangile est le terrain de la rencontre, ou de l’affrontement (cf. Lc 2,34).

Mais en cette nuit, en ce lieu, en cette rencontre, le choix est facile, il est doux, il est fort ; et chacun peut dire, d’un coeur exultant de joie : il est venu pour moi ! (cf. Ga 2,20 Ep 9,2 Jn 3,16 Jn 15,9).



*Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.1127-1130.

Eglise et documents, vol. IV, pp. 334-337.

L’Osservatore Romano, 28.12.1971 p.1, 2.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, 1972 n.1 p.4.

La Documentation catholique, 1972 n. 1601 p.57-58.



Homélies 1972

Eglise et documents, vol. V ; Libreria editrice Vaticana






II. (DISCOURS ET) HOMÉLIES DU PAPE EN DIVERSES CIRCONSTANCES






1° janvier 1972

UNE NOUVELLE JUSTICE POUR UN ORDRE VRAI

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Paul VI a célébré, le 1° Janvier 1972, la cinquième “ Journée clé la Paix ” en se rendant à la “ Città dei ragazzi ” de Rome où il a célébré la sainte Messe. A l’homélie, le Pape a attiré comme suit l’attention des assistants sur le thème de la Journée : “ Si tu veux la paix, travaille pour la justice ”.



Aujourd’hui, premier jour de l’année civile, nous parlons de paix, nous célébrons la paix parce que la paix est le plus grand bien de la civilisation et parce que, au début de notre action, nous devons regarder la ligne d’arrivée, le but dernier que nous voulons atteindre. Aujourd’hui est le jour des programmes, le jour des résolutions. Nous voulons être maîtres du temps ; nous voulons bien l’employer. Nous voulons donner un sens à notre vie. La vie vaut par le sens que nous lui donnons, par la direction que nous lui imprimons, la destination, le but vers lequel nous l’orientons. Quelle destination ? Quel but ? La paix.

Et la paix, qu’est-ce que c’est ? Nous l’avons dit : c’est le bien qui, en cette vie présente, la vie temporelle, comprend tous les autres, c’est l’ordre, l’ordre vrai, pas seulement celui de la discipline extérieure, mais l’ordre qui fait se tenir bien tous les hommes et tout l’homme ; un ordre qui suppose que tous ont ce qui est utile à la vie, la nourriture, le vêtement, la maison, l’école, le travail, le repos, la sécurité ;... ou mieux une société libre, d’accord, ordonnée, honorée en elle-même ; et, en plus, consciente du destin de la vie et par conséquent cultivée et surtout religieuse (parce que la religion est la lampe qui éclaire la vie ; elle et elle seule, si elle est la vraie religion, ce qu’est la religion chrétienne, nous donne la lumière, nous révèle le sens de notre existence et nous offre les moyens pour bien vivre et pour nous sauver même au-delà de la fin du temps qu’il nous est donné de vivre). On voit tout de suite que la paix est une chose très belle mais une chose difficile, oui ; très difficile même ; mais c’est une chose possible, une chose qui fait partie de notre devoir. Ce qui veut dire qu’il faut travailler beaucoup pour obtenir la paix. On ne l’atteint pas de soi. Elle ne se maintient pas d’elle-même. Elle est le fruit de grands efforts, de grands programmes. Et, avant tout, elle est le fruit de la justice : Si tu veux la paix, travaille pour la justice. Et faisons attention : nous devons tous la vouloir ; nous devons tous la mériter. Souvent nous pensons qu’à ce grand programme, celui de mettre l’ordre et la paix dans le monde, de bien organiser la société, doivent penser ceux qui dirigent le monde et la société ; certainement, mais pas exclusivement. La paix est un bien de tous ; et tous doivent collaborer pour la maintenir, pour la faire progresser. Et, d’une certaine manière, tous et chacun nous le pouvons dans quelque mesure, nous le devons.



Un appel aux jeunes




Mais ici se pose une question : pourquoi un discours si élevé et si difficile est-il fait ici à des garçons, à des jeunes gens comme vous qui vivez déjà dans un milieu ordonné et pacifique ?

Voici la réponse. La réponse d’ailleurs exige une autre question : comment atteint-on la paix ? La vraie paix, nous le répétons ; celle qui résulte de l’ordre vrai ? Parce qu’il peut y avoir un ordre faux ; comment ? Un ordre imposé par la force, par la violence, par la peur, par lai menace, par le chantage, par l’abus de la faiblesse d’autrui, par l’habitude établie de maintenir des situations où les gens souffrent, où on ne peut pas non plus s’élever et améliorer sa propre existence... est-ce l’ordre vrai ? L’esclavage est-il un ordre vrai ? La misère sociale, est-ce un ordre vrai ? La pauvreté sans remède et sans assistance, est-ce un ordre vrai ? L’ignorance voulue du peuple pour le tenir plus facilement assujetti, est-ce un ordre vrai ? La domination et l’exploitation des faibles par les forts, des pauvres par les riches, est-ce un ordre vrai ? L’imposition lourde des idées de certains sur celles des autres, la peine de dommages, de répressions, de châtiments, est-ce un ordre vrai ? Et l’incurie des responsables, face à l’inobservance des droits d’autrui, à l’immoralité scandaleuse, ou la tolérance d’une licence nocive pour le bien de la société, est-ce un ordre vrai ? Quand n’existe pas ou quand on ne respecte pas une loi raisonnable et efficace, y a-t-il un ordre vrai ? etc. Nous voulons dire : il y a des ordres apparents, faux, contraires au bien commun, à la liberté légitime, à la promotion de ceux qui sont dans le besoin etc. qui ne peuvent mériter le beau et authentique nom de paix. Ce sont plutôt des désordres tolérés ou établis que des ordres vrais, équilibrés et favorables au bien-être et au progrès commun. Ce sont des conditions qui peuvent donner une certaine stabilité à la vie publique, une coutume invétérée, une adaptation résignée, mais qui ne peuvent engendrer une vraie paix.

C’est clair. Désormais tous en ont quelque expérience ; et maintenant la conviction se répand qu’il ne peut y avoir de vraie paix sans... Dites-le, vous ! sans justice.

Mais ici vient une seconde demande, difficile celle-là ; mais une demande à laquelle vous, garçons, vous, jeunes gens spécialement vous savez répondre tout de suite, instinctivement, intuitivement. Qu’est-ce que la justice ?



Le droit et le devoir de l’homme



Vous avez déjà dans l’esprit deux réponses : il y a une justice du mien et du tien qui est défendue par le fameux commandement “ ne pas voler ”. Personne ne veut être appelé voleur. Et il y a une autre justice qui concerne la nature même de l’homme ; la justice qui veut que chaque homme soit traité en homme. Vous le comprenez tout de suite. Les hommes sont-ils tous égaux ? En substance, oui. Tout homme a sa dignité. Dignité inviolable : malheur à qui la touche ! petit ou grand ! pauvre ou riche ! blanc ou noir ! Chaque homme a sa charge de droits et de devoirs qui lui valent d’être traité comme une personne. Même nous, chrétiens, nous disons que chaque homme est notre frère. Il doit être traité comme un frère, c’est-à-dire aimé (L’année dernière, pour la journée de la paix, nous savons justement médité cette vérité : tout homme est notre frère). Et nous pouvons aussi dire davantage : plus l’homme est petit, pauvre, souffrant, sans défense, déchu aussi et plus il mérite d’être assisté, soulagé, soigné, honoré ! c’est ce qu’enseigne l’Evangile ; mais même celui qui ne croit pas à l’autorité de l’Evangile a l’intuition que cette parole divine a raison : c’est cela la justice ! c’est cela la voie de l’ordre, c’est-à-dire des droits et des devoirs de l’homme, qui est la justice, qui est la paix !



La paix ne peut être statique


Et voici-alors l’explication de notre choix qui nous a fait préférer de venir ici, parmi vous, garçons, jeunes gens, pour célébrer la journée de la paix : c’est parce que vous, avant et plus que les autres, vous avez le sens de la justice. Vous, sains, beaucoup de raisonnements, vous comprenez que dans le monde, même dans notre monde moderne, il y a encore besoin de justice. Plus que jamais vous le comprenez parce que justement vous êtes modernes, c’est-à-dire que le développement social et culturel auquel nous sommes arrivés aujourd’hui a éveillé une conscience humaine qui ne peut pas rester insensible aux désordres congénitaux de notre organisation sociale, qui ne peut pas ne pas s’apercevoir que le progrès lui-même produit des malheurs auxquels il faut porter remède ; il produit des frustrations, il produit des inégalités, il produit des injustices, il produit des conflits, il produit des dangers de catastrophes, de conflagrations, de pollution... contre lesquels il faut réagir : il n’est pas juste qu’il en soit ainsi ! Vous le comprenez et vous, à votre manière, vous le dites, et vous le dites avec une menace qui peut être fatale : il ne peut y avoir de paix sans une nouvelle justice.

Vous, fils de la nouvelle génération, vous saisissez tout de suite la nécessité intrinsèque de ce binôme : la justice et la paix ; elles marchent ensemble. Il ne peut y avoir de vraie paix sans vraie justice. Et, comme la justice qui doit progresser selon ries légitimes aspirations explose dans la conscience évoluée de l’homme moderne, ainsi la paix ne peut être statique, ne peut confirmer un état de choses qui ne tient pas compte du développement de l’homme, de ses anciennes et nouvelles nécessités. Difficile équation que celle de la justice et de la paix ; elle requiert sagesse, prudence, patience, gradation, non la violence, non la révolution (qui sont d’autres injustices), mais devra être poursuivie avec ténacité, avec esprit de sacrifice, avec un amour sincère et élevé pour l’humanité.

Vous, jeunes, avec votre détachement naturel du passé, avec votre facile esprit critique, avec votre don instinctif de prévoyance, avec votre hardiesse pour les entreprises humaines, nobles et grandes, vous pouvez être à l’avant-garde prophétique de l’union, de la justice et de la paix.

Et sachez que ces Messieurs qui ont voulu être présents à notre et votre célébration de la Journée de la Paix et qui sont des représentants illustres et qualifiés du monde des responsables, — ce sont des diplomates, ce sont des autorités politiques et civiles, ce sont des évêques et des dignitaires de l’Eglise, ce sont des laïcs de valeur consacrés à la mission du bien — ils sont avec vous !

En même temps que nous vous remercions, vous, garçons et jeunes gens de cette cité idéale pour votre accueil, nous remercions tous les présents pour leur adhésion significative et, avec le voeu de la Justice et de la Paix, nous vous bénissons de tout coeur.





13 février 1972

PAUL VI CONFÈRE L’ORDINATION A DIX-NEUF NOUVEAUX EVEQUES

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Le matin du 13 février, le Saint-Père a, conféré l’Ordination à 19 Evêques originaires de plusieurs continents : 9 sont, en effet, européens ; 4 sud-américains ; 3 asiatiques ; 2 nord-américains et 1 de l’Océanie. Treize font partie du Clergé séculier et six sont Religieux.

Pour cette cérémonie, Paul VI a été assisté par le Cardinal Hollandais Alfrink, Archevêque d’Utrecht, et par le Cardinal irlandais Conway, Archevêque d’Armagh.

L’Ordination Episcopale a eu lieu après la lecture de l’Évangile. Le Cardinal Confalonieri, Préfet de la Congrégation pour les Evêques, a adressé au Souverain Pontife, au nom de l’Eglise, la demande de procéder à l’Ordination. Après avoir prononcé l’homélie sur la fonction importante et irremplaçable de l’Evêque dans l’économie du Salut et de l’Eglise du Christ, le Pape a imposé les mains sur les 19 Elus, et a ensuite oint avec le saint chrême la tête de chacun d’eux en leur remettant les insignes épiscopaux. Trente-sept diacres de presque tous les collèges ecclésiastiques romains ont assisté les nouveaux Prélats au cours de la célébration, tandis que 8 élèves de Propaganda Fide et 4 du Collège irlandais ont servi comme enfants de choeur. Pendant toute la durée de la cérémonie, la Chapelle Musicale Pontificale, dirigée par Mgr Domenico Bartolucci, a exécuté des morceaux choisis de musique polyphonique.

Dans la Basilique Saint-Pierre, une foule immense de fidèles, arrivant de toutes les parties du monde, remplissait la nef. Etaient présents aussi 27 Cardinaux, en plus de ceux qui participaient à la consécration, un très grand nombre d’Evêques, dont quelques-uns ont imposé, avec le Pape, les mains sur les nouveaux consacrés.

Le Corps Diplomatique était présent au complet. Ont assisté également à la cérémonie les membres de la Délégation du Patriarcat Oecuménique Orthodoxe de Constantinople conduite par le Métropolite orthodoxe de Chalcédoine Méliton, qui, le 24 janvier, avaient été reçus en audience par le Pape.



Le rite liturgique se déroule psychologiquement en deux temps : l’un nous amène à exprimer nos sentiments et nos pensées, et nous entraîne à la prière en élevant vers Dieu nos louanges ou en lui adressant nos propres invocations. L’autre impose à notre âme le silence, la met dans le recueillement et la dispose à accueillir la voix intérieure de l’Esprit. Dans le premier cas, on parle à Dieu, dans le second, on l’écoute. Nous en sommes maintenant à ce deuxième temps : on interrompt les prières et les gestes de cette grande cérémonie, et il nous faut être silencieux et immobiles. Le premier temps est actif, le second passif ; mais dans celui-ci, où l’on n’offre à Dieu que la disponibilité la plus attentive, on attend de lui le don de sa présence opérante. De même que le navigateur arrête le travail de ses rames et attend que le vent gonfle la voile et guide son navire, ainsi l’âme de chacun d’entre nous se calme dans un moment de repos intérieur et s’abandonne au souffle du Paraclet pour en entendre le langage silencieux mais pressant.

1) Nous écoutons, Nous écoutons d’abord la voix secrète des choses muettes, devenues capables d’exprimer éloquemment leur signification spirituelle. Nous écoutons ce que dit ce lieu célèbre et cependant toujours mystérieux : c’est le “ trophée ” d’un sépulcre ; le sépulcre qui conserve les reliques de l’Apôtre Pierre. Nous sommes rassemblés sur la tombe de celui que le Christ a transformé, de l’humble et faible Simon qu’il était, fils de Jona, en Pierre, fondement sur lequel Lui, le Christ, annonça de manière prophétique qu’il construirait son édifice indestructible, “ son Eglise”.

Ne pensez-vous pas qu’elles nous parlent, les choses que nous voyons ici, qui nous entourent ? N’ont-elles pas un langage éloquent, même dans la matérialité muette de leur présence ? Il n’y aurait pas besoin de notre parole. Ces choses parlent par elles-mêmes : nous le répétons, il suffit d’écouter. Ici parle la Tombe de Pierre, qui recueille la dépouille à la fois pauvre et glorieuse du Pêcheur de Galilée. Ici parle le fait que nous sommes réunis ensemble, membres de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique, cimentés, malgré les diversités d’origine, de langue, de mentalité, par cette foi que nous exprimons d’un coeur unanime dans le Credo. Dans ces conditions, ne voyez-vous pas qu’il acquiert une évidence historique quasi sensible, le sacrement de la succession apostolique que nous sommes en train de célébrer ? Les Evêques ne sont-ils pas les successeurs des Apôtres, non pas seulement sur le plan juridique, mais leurs héritiers dans une communion toujours vivante d’animation et de ministère ? Et est-ce que le premier d’entre eux, Simon Pierre, ne nous donne pas un enseignement en cette Basilique qui lui est dédiée, si nous avons en mémoire la prédiction de sa première lettre (cf. 2, 4-10), là où il apparaît que sa qualification n’est que le sacrement qui fait vicaire de la vraie et première pierre vivante, le Christ lui-même, Chef suprême de la maison mystique : en elle, chaque élément s’imbrique pour devenir vraiment vivant, race élue, sacerdoce royal, nation sainte, que Dieu s’est acquise dans son dessein lumineux et miséricordieux, à partir duquel est engendré le Peuple de Dieu ? Ne trouve-t-on pas ici un sens organique et harmonieux à la distinction et à la parenté du sacerdoce commun des fidèles, composant avec nous le corps mystique du Christ, l’Eglise, au regard de notre sacerdoce ministériel et épiscopal, dans lequel est infusée en plénitude la puissance des mystères de Dieu, à la fois comme un dépôt et avec sa vertu communicative ?

L’économie de la succession apostolique, c’est-à-dire hiérarchique et ministérielle, revêt presque une évidence historique et sensible pour tous ceux qui sont ici présents, mais elle imprime plus fortement dans nos âmes d’Evêques la conscience de notre être élevé à la vocation apostolique, à la fonction de témoins et de maîtres de la foi, à la mission de coopérateurs de la grâce, à la responsabilité à la fois redoutable et douce de pasteurs. Laissons-nous pénétrer de ce sens supérieur de l’ordination, qui imprime dans notre personne le caractère sacerdotal du Christ.

2) Mais voyons encore ce qui découle comme une conséquence logique et historique, spirituelle et réelle, de cette réalité mystérieuse et irréfutable de la succession apostolique. Ce qui doit surtout attirer notre esprit ce matin, c’est l’union qui en résulte.

L’Eglise, fondée sur les Apôtres, procède d’un dessein éternel de Dieu le Père qui, à travers l’ancienne Alliance, s’est choisi un Peuple, héritier des promesses messianiques, et l’a rassemblé par le sacrifice de son Fils unique, par le rite de la nouvelle Alliance. La succession apostolique est la garantie de cette unité pour laquelle le Christ est mort et est ressuscité (cf.
Jn 11,52) : les évêques en effet gouvernent les Eglises particulières et locales, qui, tout en étant distinctes dans le temps et dans l’espace, n’en constituent pas moins un seul et unique Peuple de Dieu, comme est unique le Dieu qui les appelle et les sanctifie. C’est dans la conscience de l’universalité de l’Eglise qu’est fondée la conscience de son unité : “ Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous ” (Ep 4,4-6). Au cours des longs siècles de son histoire, l’Eglise a toujours été guidée par cette conviction, malgré toutes les ruptures, malgré tous les schismes. Eglise universelle et Eglises particulières, Successeur de Pierre et Successeurs des Apôtres : voilà le langage vivant de l’histoire que nous recueillons ici aujourd’hui, dans toute sa vigueur et son authenticité, et qui nous assure à tous réconfort et sérénité.

3) Mais écoutons encore une autre voix mystérieuse, qui se fait entendre dans la ligne de nos précédentes réflexions. Elle est celte du charisme du pouvoir pastoral, conféré aux évêques de l’Eglise de Dieu de par la volonté expresse du Christ et la disposition de l’Esprit Saint (cf. Ac 20,28) : posuit Spiritus Sanctus regere. Le charisme intérieur et extérieur de l’évêque réside dans le fait qu’il est appelé à la tête de cette portion du troupeau qui lui est confiée et qui appartient à l’unique Eglise. Il s’exprime dans l’exercice de la triple fonction du magistère, du ministère et du gouvernement pastoral. Il ne nous échappe pas comment, particulièrement ces derniers temps, on s’est plu à opposer l’Eglise charismatique à l’Eglise hiérarchique comme s’il s’agissait de deux organismes distincts, et même, bien plus, différents et opposés. En fait, ici, dans le pouvoir pastoral, le charisme et l’autorité coïncident : nous avons reçu l’Esprit Saint qui se manifeste, dans la mission épiscopale, par la symbiose simultanée du magisterium, assisté par la lumière du Paraclet, du ministerium, qui sanctifie par l’intermédiaire de sa grâce, et du regimen, dans la charité du service : ce sont autant de pouvoirs de l’Evêque et de dons de l’Esprit. La parole de saint Paul nous le rappelle et nous le confirme : “ Il y a certes diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous ” (1Co 12,4-6). Dans l’unique Dieu-Trinité prend sa source l’unique Eglise, dont tes Evoques portent la première responsabilité, dans l’unité des attributions charismatique et hiérarchique. Nous ne nions pas, certes, les charismes particuliers des fidèles, bien au contraire ; le même passage de la première épître aux Corinthiens les suppose et les reconnaît, car l’Eglise est un organisme vivant, animé par la vie même de Dieu vie mystérieuse et complexe, imprévisible et mouvante, sanctificatrice et transformante. Mais les charismes accordés aux fidèles, comme le souligne encore saint Paul (1Co 14, 26-33, 40), sont soumis à la discipline qui, seule, est assurée de jouir du charisme du pouvoir pastoral, dans la charité.

Cette mission, conférée au corps épiscopal, nous oblige à jeter un regard sur l’Eglise et un regard sur le monde au service duquel Dieu nous a placés : dans l’Eglise, nous assurons la vie de la famille de Dieu, appelés à être, comme le Christ, à son imitation et à sa suite (Jn 15,16), des hommes de service et de sacrifice dans l’immolation quotidienne pour le troupeau, lui assurant à la fois la sécurité, la communion, la joie et tous les autres dons de l’Esprit (cf. Ga 5,22-23). Vision merveilleuse et redoutable, exaltante aussi, de notre place dans l’Eglise, à laquelle nous devons assurer l’union, dans l’obéissance et l’amour, de nos fils bien-aimés ! Pour y parvenir, nous devons nous rappeler que nous avons été, d’une certaine manière, séparés et choisis : “ segregatus in Evangelium Dei ” (Rm 1,1).

Les exigences de notre ministère, avec le don total de soi qu’elles impliquent, nous éloignent de tout lien contraignant ou équivoque avec le monde ; mais en même temps, elles nous rappellent que nous avons été établis pour le monde, pour son élévation et sa sanctification, pour son animation et sa consécration. Malheur au Pasteur qui oublierait ne serait-ce qu’une unique brebis, parce qu’il sera demandé compte de toutes ; la tradition biblique, prophétique et évangélique nous rappelle cette redoutable sévérité. La charité du Christ, qui nous a conféré le charisme du pouvoir pastoral, nous l’a conféré pour tous les hommes et, très particulièrement, “ pour ceux qui ont dévié en quelque manière du chemin de la vérité ou qui ignorent l’Evangile et sa miséricorde salvatrice ” (Christus Dominus, CD 11).

Frères et Fils bien-aimés

Telles sont les voix qui résonnent aujourd’hui à nos oreilles, dans cette Basilique, près de la Tombe de Pierre, au sein de l’assemblée qui est ici en prière. Nous avons cherché à les entendre, bien que nous ne puissions recueillir qu’une partie des richesses du Message qu’elles nous apportent. Mais la méditation continue. Pour vous spécialement, “ nos nouveaux frères, les apôtres des Eglises, la gloire du Christ ” (2Co 8,23), afin que, pour reprendre encore un mot de saint Paul, “vous sachiez comment vous comporter dans la maison de Dieu qui est l’Eglise du Dieu vivant, colonne et fondement de la vérité ” (cf. 1Tm 3,15). Mais l’effort pour profiter de cette heure de grâce ne s’interrompt pas ici. C’est notre voeu mutuel. En poursuivant la Messe, unis au Christ Souverain Prêtre et Pasteur, qui nous sanctifie tous et nous présente au Père dans ce renouvellement de l’unique sacrifice rédempteur, nous lui demanderons une intelligence toujours plus pleine d’amour, plus attentive, plus complète. Et avec l’intelligence, qu’il nous donne sa grâce pour vivre, en communion avec le Peuple de Dieu, notre vocation.


LES NOUVEAUX EVÊQUES


4 Italiens : NN.SS. Pecoraio, Casoria, Bugnini et Pagani ;
2 Colombiens : NN.SS. Lotero, Ruiseco ;
2 Indiens : NN.SS. Arulappa, Pawathil ;
2 Américains : NN.SS. Heston, O’Meara ;
1 Argentin: Mgr Collino ;
1 Brésilien : Mgr Krevey ;
1 Philippin : Mgr Limon ;
1 Français : Mgr Brand ;
1 Allemand : Mgr Mayer ;
1 Irlandais : Mgr Ryan ;
1 Ile de Tonga : Mgr Finau ;
1 Hollandais : Mgr Gijsen ;
1 Roumain : Mgr Jakab.






MESSE AUX PARTICIPANTS AU XVIII CONGRÈS MONDIAL DE L'«INTERNATIONAL COLLEGE OF SURGEONS»

Solennité du «Corpus Domini», Jeudi 1 juin 1972

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Messieurs,


Vous qui êtes ici en tant que Frères et Fils, Nous vous saluons respectueusement et vous remercions de votre visite. Nous l'apprécions en raison de la haute qualification de vos personnes, et aussi parce qu'elle prend place dans votre Congrès scientifique mondial; de plus, elle a lieu en un jour que nous consacrons à la célébration d'une fête solennelle, celle du mystère eucharistique du«Corpus Domini».

Une telle circonstance religieuse offre à cette audience le cadre unique de la Chapelle Sixtine, la nef sacrée et célèbre de la demeure pontificale au Vatican. Peut-être ne serez-vous pas insensibles, vous-mêmes, à l'atmosphère unique de ce lieu, illustré par les manifestations artistiques de premier plan que la peinture comme la musique ont apportées ici à la religion et à la culture, par les événements historiques, tels que les élections des Papes, qui s'y sont déroulés, et aussi par le ministère sacerdotal que, dans des occasions particulières, le Pape y exerce.

Si Nous mentionnons le caractère hautement spirituel de l'atmosphère de l'audience que Nous sommes heureux de vous accorder en dehors du protocole habituel, c'est pour manifester notre intention d'honorer votre Congrès et votre profession de chirurgiens modernes qui, plus que toute autre, requiert sagesse, délicatesse, hardiesse: vous êtes entièrement consacrés à une activité à la fois scientifique et pratique pour le bien de l'humanité souffrante. Certes, Nous ne sommes pas qualifié pour entrer dans vos discussions érudites et spécialisées.

Nous ne craignons pas cependant de vous adresser quelques simples mots, dans notre langage qui est religieux, et en raison de notre fonction dans l'Eglise.

Voici la première parole qui nous vient aux lèvres: Nous vous saluons en vertu de notre mission universelle, comme des frères, comme des fils, comme des hommes de notre monde, pèlerins dans le temps artisans du labeur humain, disciples de cette grande école qu'est l'univers, appliqués à scruter les réalités supérieures de notre existence en quête d'une vérité qui illumine la vie, solidaires de tout être humain éprouvé par la souffrance et toujours assoiffé de bien-être et de bonheur.

Cela rejoint notre mission évangélique, qui est de découvrir et d'éveiller dans tous les hommes une identité de nature, d'aspirations, de destin, et qui offre à celui qui Nous écoute une espérance nouvelle. Nous croyons, Messieurs, ne pas vous faire de tort en vous accueillant comme des frères et des fils: n'est-ce pas rendre hommage à votre vocation, elle aussi universelle, à votre fonction, elle aussi concrète et humaine, d'hommes qui guérissent, secourent et aident leurs semblables, quelle que soit leur patrie, leur race, leur idéologie?

Tout comme Nous, vous n'avez, par principe, aucun ennemi; au contraire, tout homme n'est-il pas, à vos yeux, digne de votre entière attention? Ne pouvons-nous pas alors honorer ensemble votre estime pour la dignité humaine, et célébrer ensemble notre amitié foncière?

Mais vous êtes aussi des hommes de science, des hommes d'une culture qui se tient dans les limites de l'expérience et de la raison, des hommes aux vastes horizons; et vous croyez en la fécondité d'une recherche permanente, qui trouve dans le doute et la critique son aliment normal.

N'y aurait-il pas là un caractère qui vous distinguerait de nous autres, hommes de la foi et de la certitude, et qui vous tournerait vers l'avenir et le progrès, tout en nous reléguant dans le passé et l'immobilisme dogmatique? La distinction, certes, existe; mais elle n'engendre pas pour autant cette opposition qu'une mentalité superficielle et préconçue établit souvent entre la science et la foi. C'est un lieu commun de la controverse culturelle de notre temps; mais il ne résiste pas à un examen calme et objectif; beaucoup d'entre vous, sans doute, le savent déjà, et ce n'est ni le moment ni le lieu d'en exposer les raisons.

Qu'il nous suffise donc, en recevant votre visite, de rendre hommage à votre qualité de scientifiques. Soyez assurés, une fois encore, de notre respect pour la pensée humaine; peut-être sommes-nous aujourd'hui, nous les croyants, les seuls à défendre sa capacité d'atteindre la vérité au-delà des frontières des sciences expérimentales ou mathématiques, et à attribuer à ce genre de connaissance une valeur très haute, conduisant vers la sphère de la métaphysique où ces sciences trouvent leur source et d'où elles tirent, même inconsciemment, leur force rationnelle.

De toutes manières, sachez que nous aussi - et, nous voudrions le dire, nous les premiers - nous sommes les admirateurs de vos progrès scientifiques et thérapeutiques. Votre science et votre art ont une histoire qui connaît aujourd'hui un progrès accéléré: nous applaudissons à vos nouveautés merveilleuses, nous encourageons vos efforts, d'autant plus dignes de louanges qu'ils sont plus conscients et soucieux du respect dû à cette frontière inviolable: la nature de l'homme.

L'estime que nous avons pour vous comme savants se justifie aussi à un nouveau titre, que nous estimons hautement, celui de thérapeutes. C'est un titre qui vous est spécifique et que vous partagez avec les médecins. Soigner les souffrances humaines, les souffrances physiques spécialement, qui ne se séparent point de celles de l'esprit, telle est votre mission: y en a-t-il qui demande plus de sagacité, qui suscite plus d'espoir, qui soit plus sacrée que celle-là?

Elle suppose une estime, un amour pour cette merveille de la création qu'est le corps humain. Celui-ci, il est vrai, trouve sa place dans l'ensemble de la vie biologique. Cependant, s'il stimule notre admiration et notre curiosité il nôtre rien à la dimension verticale du phénomène de la vie dans l'homme que nous sommes, dans l'homo-sapiens, qui se distingue de tous les niveaux de la vie animale et s'élève au-dessus d'eux non seulement par une différence de degré mais par l'originalité de sa nature.

En ce qui nous concerne ici, quelle coïncidence entre votre intérêt passionné pour le corps et notre conception de la vie corporelle de l'homme!

Bien plus, permettez-Nous, à Nous qui sommes disciple de la Parole de Dieu et aussi gardien et maître de sa vérité, de revendiquer l'honneur d'être le premier à vénérer et aimer tous les hommes que vous soignez avec un dévouement admirable et qui sont revêtus à nos yeux d'une merveilleuse beauté. Ils sont le miroir et le reflet de la sagesse de Dieu.

Dans une dignité mystérieuse, ils sont le temple de l'Esprit. Une paradoxale transparence, une fascination d'autant plus grande qu'elle est marquée par la douleur et la déchéance physique, en font le signe, le «sacrement» de Dieu. Aussi y a-t-il là une nouvelle convergence: l'attention au corps souffrant de l'homme.

Ne sommes-nous pas des alliés? des collaborateurs? Nous, tournés vers les réalités spirituelles, vous, vers les réalités corporelles? Votre art nous est utile, comme expression de la charité, c'est-à-dire comme une sublimation de l'action; et à cette occasion encore, Nous voulons l'exalter et vous en remercier. Mais en retour, notre conception sacrée et sublime de la vie corporelle de l'homme ne vous est-elle pas utile aussi, pour vous donner lumière et courage, grandeur d'âme et délicatesse de sentiments?

Enfin, n'est-ce pas notre devoir d'honorer et d'affiner en vous, médecins et chirurgiens, la sensibilité morale dont votre profession ne peut jamais se dispenser? Cet aspect de nos rapports, entre hommes d'Eglise et hommes de la médecine ou de la chirurgie, prend aujourd'hui un nouveau relief et suscite souvent des questions angoissantes. La moralité, dans le domaine thérapeutique de la médecine ou de la chirurgie, se développe selon une casuistique aux prolongements toujours plus étendus et souvent d'une profonde gravité.

Il nous est arrivé à Nous aussi, une fois, en audience, d'être interrogé par un célèbre chirurgien: les greffes d'organes sont-elles licites? Et à quelles conditions? Fréquemment aussi il nous arrive d'être consulté sur les fameux problèmes qui reviennent si souvent: la «paternité responsable», dont a parlé le Concile, les moyens anticonceptionnels, l'avortement, les maladies sociales, la torture, la drogue, l'euthanasie, etc.

Pour notre part, Nous ne sommes certainement pas en mesure de discuter ces problèmes à leur niveau spécifiquement scientifique; mais Nous le sommes, en vertu de notre mission de gardien et d'interprète de la loi divine, pour ce qui regarde, tout au long du cours de la vie de son début à son déclin, la défense de cette vie, de toute vie humaine, aussi bien dans son développement corporel que dans son développement moral et spirituel.

Ne pourrions Nous pas, aujourd'hui vous prier, vous, médecins et chirurgiens, d'être nos avocats dans le tumulte des opinions en vogue, devant la difficulté de traduire, en pédagogie pratique, la juste norme éthique et chrétienne, devant l'urgence de faire front à l'envahissement d'un hédonisme indifférent et permissif, qui, en violant la loi morale, menace la dignité et l'intégrité de la vie humaine?

Tel est notre espoir. Nous avons célébré, voici peu de temps, la résurrection du Christ, prélude et gage de notre propre résurrection finale.

Aussi est-ce avec une sympathie d'autant plus grande que Nous rendons hommage à votre science et à votre art, qui savent accomplir des prodiges pour la santé de la vie corporelle de l'homme, car celui-ci n'est pas voué à une dissolution totale et définitive, mais il est prédestiné, corps et âme, dès que sera consommé le drame de notre passage dans le temps, à une nouvelle naissance dans la plénitude éternelle. C'est le coeur animé d'une telle foi que, vous tous ici présents, Nous vous remercions et vous bénissons.









B. Paul VI Homélies 25121