Discours 1997 - Dimanche 5 octobre 1997


AUX PARTICIPANTS AU COLLOQUE INTERNATIONAL SU LA TOXICOMANIE

Samedi 11 octobre 1997




Chers Frères dans Épiscopat et dans le Sacerdoce,
Chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion du Colloque in international sur la toxicomanie. Je remercie Monseigneur Javier Lozano Barragán Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, pour ses paroles de bienvenue et pour l'organisation de cette rencontre de travail. Il est en effet particulière ment opportun de réfléchir sur la gravité des questions posées par le phénomène de la drogue et sur l'urgence de recherches qui aident les responsables politiques et économiques, les éducateurs et les familles éprouvées pax le drame de la toxicomanie.

2. Depuis plusieurs années, le Saint Siège a eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet, faisant des propositions pastorales, éducatives et sociales. Nous devons malheureusement constater qu'aujourd'hui ce phénomène atteint tous les milieux et toutes les régions du monde. De plus en plus d'enfants et d'adolescents deviennent des consommateurs de produits toxiques, fréquemment à cause d'un premier essai accompli à la légère ou par défi. Les parents et les éducateurs se trouvent souvent démunis et découragés. Les médecins et les services sanitaires et sociaux rencontrent de graves difficultés lorsqu'il s'agit d'aider ceux qui viennent les consulter pour sortir du cercle de la drogue. On doit reconnaître que la répression contre les utilisateurs de produits illicites n'est pas suffisante pour contenir ce fléau; en effet, une délinquance marchande et financière importante s'est organisée sur le plan international. La puissance économique liée à la production et à la commercialisation de ces produits échappe la plupart du temps à la loi et à la justice.

Il ne faut donc pas s'étonner qu'un grand désarroi et qu'un sentiment d'impuissance envahissent la société. Des courants d'opinion proposent de légaliser la production et le commerce de certaines drogues. Certaines autorités sont prêtes à laisser faire, cherchant simplement à encadrer la consommation de la drogue pour tenter d'en contrôler les effets. Il en résulte que, dès l'école, l'usage de certaines drogues se banalise; cela est favorisé par un discours qui essaie d'en minimiser les dangers, spécialement grâce à la distinction entre drogues douces et drogues dures, ce qui conduit à des propositions de libéraliser l'usage de certaines substances. Une telle distinction néglige et atténue les risques inhérents à toute prise de produit toxique, en particulier les conduites de dépendance, qui reposent sur les mêmes structures psychiques, l'atténuation de la conscience et l'aliénation de la volonté et de la liberté personnelles, quelle que soit la drogue.

3. Le phénomène de la drogue est un mal d'une particulière gravité. De nombreux jeunes et adultes en sont morts ou vont en mourir pendant que d'autres se retrouvent diminués dans leur être intime et dans leurs capacités. Le recours à la drogue chez les jeunes revêt de multiples significations. Dans les moments délicats de leur croissance, la toxicomanie est à considérer comme le symptôme d'un mal de vivre, d'une difficulté à trouver leur place dans la société, d'une peur de l'avenir et d'une fuite dans une vie illusoire et factice. Le temps de la jeunesse est un temps d'épreuves et d'interrogations, de recherche d'un sens pour l'existence et de choix qui engagent l'avenir. La croissance du marché et de la consommation de drogues manifeste que nous sommes dans un monde en peine d'espérance, qui manque de propositions humaines et spirituelles vigoureuses. De ce fait, de nombreux jeunes pensent que tous les comportements sont équivalents, sans qu'ils parviennent à différencier le bien du mal et sans qu'ils aient le sens des limites morales.

Je mesure cependant les efforts des parents et des éducateurs pour inculquer à leurs enfants les valeurs spirituelles et morales, afin qu'ils se conduisent en personnes responsables. Ils le font souvent avec courage, mais ils ne se sentent pas toujours soutenus, surtout lorsque les médias diffusent des messages moralement inacceptables, qui servent de références culturelles dans l'ensemble des pays du monde, prônant par exemple la multiplicité des modèles familiaux qui détruisent l'image normale du couple et qui déprécient les valeurs familiales, ou qui considèrent la violence et parfois la drogue elle-même comme des signes de libération personnelle.

4. La peur de l'avenir et de l'engagement dans la vie adulte que l'on observe chez les jeunes les rend particulièrement fragiles. Souvent, ils ne sont pas incités à lutter pou' une existence droite et belle; ils ont tendance à se replier sur eux-mêmes. On ne saurait non plus minimiser l'effet dévastateur exercé pax le chômage dont sont victimes des jeunes dans des proportions indignes d'une société qui entend respecter la dignité humaine. Des forces de mort les poussent. alors à se livrer à la drogue, à la violence et à aller parfois jusqu'au suicide. Derrière ce qui peut apparaître comme de la fascination pour une sorte d'autodestruction, il nous faut percevoir chez ces jeunes un appel à l'aide et une profonde soif de vivre, qu'il convient de prendre en compte, pour que le monde sache modifier radicalement ses propositions et ses mo des de vie. Trop de jeunes sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient pas d'une présence attentive, d'un foyer stable, d'une scolarisation normale ni d'un encadrement socio-éducatif, qui les éveillent à l'effort intellectuel et moral, et qui les aident à forger leur volonté et à maîtriser leur affectivité.

5. La lutte contre le fléau de la toxicomanie est l'affaire de tous les hommes, chacun selon la responsabilité qui lui revient. J'exhorte d'abord les conjoints à développer des relations conjugales et familiales stables, fondées sur un amour unique, durable et fidèle. Ils créeront ainsi les conditions les meilleures pour une vie sereine dans leur foyer, offrant à leurs enfants la sécurité affective et la confiance en eux dont ils ont besoin pour leur croissance spirituelle et psychologique. Il importe aussi que les parents, qui ont la responsabilité première de leurs enfants, et, avec eux, l'ensemble de la communauté adulte aient le souci constant de l'éducation de la jeunesse. J'invite donc tous ceux qui ont un rôle éducatif à intensifier leurs efforts auprès des jeunes, qui ont besoin de former leur conscience, de développer leur vie intérieure et de créer avec leurs frères des relations positives et un dialogue constructif; ils les aideront à devenir les acteurs libres et responsables de leur existence. Des jeunes qui ont une personnalité structurée, une formation humaine et morale solide, et qui vivent des relations harmonieuses et confiantes avec les camarades de leur âge et avec les adultes, seront plus aptes à résister aux sollicitations de ceux qui répandent la drogue.

6. J'invite les Autorités civiles, les décideurs économiques et tous ceux qui ont une responsabilité sociale à poursuivre et à intensifier leurs efforts, afin de perfectionner à tous les échelons les législations de lutte contre la toxicomanie et de s'opposer à toutes les formes de culture de la drogue et de trafic, sources de richesse scandaleusement acquise en exploitant la fragilité de personnes sans défense. J'encourage les pouvoirs publics, les parents, les éducateurs, les professionnels la santé et les communautés chrétiennes à s'engager toujours davantage et de manière concertée auprès des jeunes et des adultes dans un travail de prévention. Il importe qu'une information médicale sage et précise soit donnée en particulier aux jeunes, en soulignant les effets pernicieux de la drogue, sur les plans somatique, intellectuel, psychologique, social et moral. je connais le dévouement et la patience inlassables de ceux qui soignent et qui accompagnent les personnes prises dans les filets de la drogue et leurs familles. J'invite les parents dont un enfant est toxicomane à ne jamais désespérer, à maintenir le dialogue avec lui, à lui prodiguer leur affection et à favoriser ses contacts avec des structures capables de le prendre en charge. L'attention chaleureuse d'une famille est un grand soutien pour la lutte intérieure et pour les progrès d'une cure de désintoxication.

7. Je salue l'engagement pastoral inlassable et patient de prêtres, de religieux, de religieuses et de laïcs dans les milieux de la drogue; ils soutiennent les parents et ils s'attachent à accueillir et à écouter les jeunes, pour saisir leurs interrogations radicales, afin de les aider à sortir de la spirale de la drogue et à devenir des adultes libres et heureux. L'Église a pour mission de transmettre la parole de l'Évangile qui ouvre á la vie de Dieu et de faire découvrir le Christ, Verbe de Vie qui offre un chemin de croissance humaine et spirituelle. À l'exemple de son Seigneur et solidaire de ses frères en humanité, l'Église vient au secours des plus petits et des plus faibles, soignant ceux qui sont blessés, fortifiant ceux qui sont malades, recherchant la promotion personnelle de chacun. Au terme de notre rencontre, je salue la mission que réalise le Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, en suivant avec soin les problèmes humains et spirituels posés par la toxicomanie et par toutes les questions sanitaires et sociales, afin de proposer des solutions à des situations qui blessent gravement des hommes nos frères. De même, en relation avec les pasteurs des Églises particulières, avec les fidèles et les services compétents, engagés dans le soutien aux toxicomanes et à leurs familles, le Conseil est appelé à apporter son concours aux initiatives locales.

Je confie vos personnes et votre action à l'intercession de la Vierge Marie; je l'implore aussi pour les jeunes qui sont sous l'emprise de la drogue et pour leurs proches. Qu'elle les entoure de sa sollicitude maternelle! Qu'elle guide les jeunes du monde vers une vie toujours plus harmonieuse! Que l'Esprit Saint vous accompagne et vous donne le courage nécessaire à votre oeuvre en faveur de la jeunesse!

À vous tous, à vos collaborateurs et aux membres de vos familles, j'accorde la Bénédiction Apostolique.



AUX PÈLERINS VENUS POUR LA PROCLAMATION DU DOCTORAT DE THÉRÈSE DE LISIEUX

Salle Paul VI, Lundi 20 octobre 1997




Chers Frères dans l'Épiscopat,
Chers amis,

1. La journée d'hier vous a permis de prendre part à une cérémonie rare dans la vie de l'Église, mais riche de sens: la proclamation d'un Docteur de l'Église. Je salue cordialement chacun des pèlerins qui sont présents ce matin, notamment Monseigneur Pierre Pican, Évêque de Bayeux et Lisieux, ainsi que Monseigneur Guy Gaucher, son Auxiliaire et Monseigneur Georges Gilson, Archevêque de Sens et Prélat de la Mission de France. Vous avez souhaité venir vous mettre à l'école de celle qui incarne pour nous la « petite voie », la voie royale de l'Amour. Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face fait partie de ce groupe de saints en qui l'Église reconnaît des maîtres de vie spirituelle. Docteur, elle enseigne, car bien que ses écrits n'aient pas eu la même nature que ceux des théologiens, ils sont pour chacun d'entre nous une aide puissante pour l'intelligence de la foi et de la vie chrétienne.

2. Je me tourne vers les représentants de l'ordre des Carmes et les salue chaleureusement, car cette proclamation du Doctorat de Thérèse de Lisieux est pour eux une fête à un titre particulier. Je salue de grand coeur toutes les personnes consacrées et les membres des mouvements spirituels qui se placent sous le patronage de sainte Thérèse de Lisieux. Je vous encourage à rester fidèles au message qu'elle donne à l'Église: elle le donne grâce à vous, vivants témoins de son enseignement. Ayez à coeur de vous mettre sans cesse à l'écoute de son message et de le répandre autour de vous, par votre parole et votre exemple.

3. Pour notre temps, Thérèse est un témoin puissant et proche d'une expérience de la foi en Dieu, en Dieu fidèle et miséricordieux, en Dieu juste par son Amour même. Elle vivait profondément son appartenance à l'Église, Corps du Christ. Je crois que les jeunes trouvent effectivement en elle une inspiratrice pour les guider dans la foi et dans la vie ecclésiale, à une époque où le chemin peut être traversé d'épreuves et de doutes. Thérèse a connu maintes formes d'épreuves, mais il lui a été donné de demeurer fidèle et confiante; elle en porte témoignage. Elle soutient ses frères et soeurs sur toutes les routes du monde.

4. Teresa, nella sua semplicità, è modello di vita offerta al Signore sin nei gesti più piccoli. Scriveva infatti: « Voglio santificare i battiti del mio cuore, i pensieri, le azioni più semplici unendoli ai suoi meriti infiniti » [1]. É con simili disposizioni di spirito che ella si rivolse un giorno al suo Maestro e Signore dicendo: « Vi chiedo di essere voi stesso la mia santità » [2].

Scaturiscono dall'unione con Cristo i frutti di carità che dobbiamo lasciar maturare anche in noi. Teresa aveva ben compreso che ë proprio qui l'origine dell'amore aperto verso gli altri: « Quando sono caritatevole, è Gesù solo che agisce in me; più sono unita a lui, più amo tutte le mie Sorelle » [3]. Nelle difficoltà che la vita quotidiana necessariamente presenta non cercava mai di far valere i suoi diritti, ma era sempre pronta a cedere davanti ad una Consorella, anche se questo le costava molto interiormente. Ecco un'attitudine che, in ogni epoca della vita della Chiesa, deve essere imitata dai battezzati, di qualunque età e condizione. Solo la virtù dell'umiltà, che Teresa ha domandato a Cristo con insistenza, rende possibile un'autentica attenzione per gli altri.

5. Unida a Cristo y entregada a los demás, Teresa se siente inclinada naturalmente a extender su amor a todo el mundo. Mi predecesor, el Papa Pio XI, ha puesto de relieve este aspecto de su doctrina espiritual al proclamarla « Patrona de las misiones » en 1927. Partiendo del amor que la une a Cristo, comienza a identificarse con la Bien amada del Cantar de los Cantares: « Llévame en pos de ti » [4]. Después comprende que, con ella, el Señor atrae la multitud de los hombres, puesto que su alma tiene un inmenso amor por ellos. « Todas las almas a quienes ama son arrastradas a seguirla » [5]. Con una maravillosa audacia y finura espiritual, Teresa se apropia de las palabras de Jesús después de la Cena, para decir que también ella entra a formar parte del gran movimiento por el que el Señor atrae a todos los hombres y los conduce al Padre: « Vuestras palabras, ¡oh Jesús!, son, por lo tanto, mías y puedo servirme de ellas para atraer sobre las almas, que están unidas a mí, los favores del Padre celeste » [6].

6. Chers frères, chers amis, il vous appartient de vivre chaque jour de cette doctrine offerte désormais publiquement à Église entière. Vous aurez à coeur de vous l'approprier, de la faire mieux connaître. Comme l'Écriture sainte ? que Thérèse citait avec prédilection ? elle n'est jamais trop difficile pour rebuter, jamais assez facile pour être épuisée: « Elle n'est ni fermée à en être décourageante, ni accessible à en devenir banale. Plus on la fréquente, moins on s'en lasse, plus on la médite, plus on l'aime » [7].

En vous souhaitant beaucoup de découvertes et de joies à l'école de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, Docteur de l'Église universelle, je vous donne de grand coeur la Bénédiction Apostolique et je l'étends à tous ceux que vous représentez et qui vous accompagnent spirituellement.

[1] Sanctae Teresiae a Iesu Infante Prières, 10.
[2] Ibid. 6.
[3] Sanctae Teresiae a Iesu Infante MSC 12 v.
[4] Ct 1,4.
[5] Sanctae Teresiae a Iesu Infante MSC 34 r.
[6] Ibid. MSC 34 v.
[7] S. Gregorii Magni Moralia in Job, XX, 1, 1.


À S.E. M. ABDELOUHAB MAALMI, NOUVEL AMBASSADEUR DU ROYAUME DU MAROC PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi 25 octobre 1997



Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux d'accueillir Votre Excellence au Vatican en cette circonstance solennelle de la présentation des Lettres qui L'accréditent en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume du Maroc près le Saint-Siège.

Je vous remercie vivement des salutations que vous m'avez adressées de la pari de sa Majesté le Roi Hassan II. En retour, je vous saurais gré de bien vouloir lui exprimer mes veaux cordiaux pour sa personne ainsi que pour le bonheur et la prospérité du peuple marocain. Je prie le Très-Haut d'accompagner les efforts de chacun dans l'oeuvre d'édification d'une nation toujours plus fraternelle et solidaire.

2. En établissant désormais à Rome la résidence de son Représentant près le Saint-Siège, Sa Majesté le Roi témoigne de l'importance qu'il attache à l'affermissement des liens, déjà anciens, entre le Royaume du Maroc et le Siège Apostolique, en vue de favoriser des relations toujours plus confiantes. En un temps qui connaît en de nombreuses régions la violence et l'intolérance, il est en effet nécessaire que les responsables des nations ainsi que les autorités spirituelles développent leurs efforts afin de contribuer ã édifier des sociétés où toute vie humaine soit pleinement respectée et où la personne ait la première place et soit reconnue dans toute sa dignité.

3. Vous avez souligné, Monsieur l'Ambassadeur, la longue tradition d'ouverture et de tolérance du Maroc. Il me plaît de rappeler ici la visite que j'ai effectuée à Casablanca il y a plus de dix ans, et qui m'a permis de m'adresser à la jeunesse marocaine. Dans votre pays, catholiques et musulmans ont de nombreuses occasions de se rencontrer pour chercher ensemble à améliorer la qualité de leurs relations, laissant ainsi espérer que les rapports d'estime réciproque entre les croyants continueront à être approfondis pour une meilleure connaissance; cela ne peut que favoriser une collaboration toujours plus grande au service de l'homme et des nécessités de son développement. En effet, comme vous l'avez souligné dans votre allocution, chrétiens et musulmans sont appelés à travailler ensemble à l'édification d'un monde de justice et de paix, dans la considération mutuelle et la reconnaissance de leurs points de vue. En portant au Très-Haut l'adoration et l'obéissance qui lui sont dues, nous devons aussi témoigner ensemble du respect qui doit être porté à tout homme, créé à l'image de Dieu.

4. Pour sa part, depuis le Concile Vatican II, l'Église catholique s'est engagée de façon plus résolue sur les chemins de la rencontre fraternelle et de la collaboration avec tous les hommes de bonne volonté, et particulièrement avec les musulmans. Le dialogue que nous souhaitons entre les croyants doit conduire aussi à assurer à chacune des communautés la possibilité d'exprimer librement sa foi. Pour l'Église catholique en effet, « le respect et le dialogue requièrent donc la réciprocité dans tous les domaines, surtout en ce qui concerne les libertés fondamentales et plus particulièrement la liberté religieuse » [1]. Je suis heureux de savoir qu'au Maroc les catholiques jouissent de l'estime et de la confiance de tous, témoignant ainsi clairement qu'il est possible à des croyants de traditions religieuses différentes de vivre en paix et dans le respect mutuel.

5. Dans votre allocution, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez fait allusion à la situation à Jérusalem. En effet, celle-ci continue d'être une source de vive préoccupation pour les croyants qui voient en cette Ville le symbole de la Paix qui vient de Dieu. Je souhaite ardemment que les efforts de la communauté internationale pour trouver une solution équitable et adéquate au problème délicat de la Ville sainte parviennent enfin à un heureux aboutissement alors que nous nous préparons à entrer dans le troisième millénaire de l'ère chrétienne. Un dialogue loyal doit permettre d'avancer sur cette voie dans le respect de la justice et des droits légitimes de toutes les communautés concernées. Il est aussi nécessaire que les communautés qui entourent les Lieux saints des trois religions monothéistes puissent y vivre dans la concorde et développer leurs activités religieuses, éducatives et sociales en toute liberté, dans un esprit de réelle fraternité, faisant ainsi de cette ville unique la véritable « Cité de la Paix ». J'invoque Dieu Tout Puissant pour que cette terre, si chère au coeur des croyants, connaisse enfin le temps de la réconciliation entre frères et de la paix définitive.

6. En cette heureuse circonstance, par votre intermédiaire, je voudrais adresser à la communauté catholique du Maroc et à ses pasteurs mes souhaits les plus chaleureux. J'encourage tous ses membres à être toujours plus, auprès de leurs frères et de leurs soeurs, dans une collaboration fraternelle, les témoins ardents de l'amour sans limites que Dieu porte aux hommes. Dans le temps où l'Église se prépare à célébrer le grand Jubilé de l'An 2000, je les invite à grandir, dans la foi et à vivre dans l'unité.

7. Alors que commence officiellement votre mission auprès du Saint-Siège, je vous offre mes voeux les meilleurs pour son heureux accomplissement. Vous trouverez toujours ici un accueil attentif et une compréhension cordiale de la part de mes collaborateurs.

Sur Votre Excellence, sur sa famille ainsi que sur tout le peuple marocain et sur ses dirigeants, j'invoque de grand coeur l'abondance des Bénédictions du Très-Haut.

[1] Ioannis Pauli PP. II Sermo in civitate « Casablanca », 5, die 19 aug. 1985: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VIII, 2 (1985) 501.


À S.E. M. TEODOR BACONSKY, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA ROUMANIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi 27 octobre 1997




Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je suis heureux d'accueillir Votre Excellence à l'occasion de la présentation des Lettres qui L'accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Roumanie auprès du Siège apostolique. Cette rencontre constitue un nouveau jalon dans les relations entre le Saint-Siège et la noble nation roumaine, jalon qui ouvre la voie à un dialogue sans cesse plus développé et plus confiant.

2. Je suis particulièrement sensible aux sentiments dans lesquels vous commencez votre nouvelle mission, aux convictions contenues dans les paroles que vous venez de m'adresser, ainsi qu'à votre attention à l'action du Successeur de Pierre et du Siège apostolique dans la vie internationale et dans les relations oecuméniques. Je vous saurais gré de transmettre à Son Excellence Monsieur Emil Constantinescu, Président de la Roumanie, mes salutations déférentes. Je forme les meilleurs voeux pour ceux qui ont la haute charge de servir la nation roumaine et pour tous les habitants du pays.

3. Depuis le mois de décembre 1989, la Roumanie a retrouvé son autonomie et s'attache à développer tous les secteurs d'activité, afin que les richesses nationales soient mises à la disposition de tous les citoyens. Je me réjouis des efforts faits par les Autorités pour affermir les institutions démocratiques et pour aider l'ensemble du peuple à prendre une part active à la vie publique, avec de justes sentiments patriotiques. Comme tous nos contemporains, vos compatriotes, en particulier les jeunes, ont besoin de recevoir une profonde éducation morale. Cette formation fournit les principes capables de les guider dans leurs choix personnels, dans leurs engagements au service de leur pays et dans les relations fraternelles et solidaires qu'ils ont à développer avec toutes les personnes qui résident sur le territoire de la Roumanie.

Ainsi que vous venez de le souligner, ils doivent acquérir un sens profond de la responsabilité personnelle et collective. En outre, cela ne manquera pas de faire grandir le dialogue et l'entente entre toutes les composantes de la nation, pour son unité interne et pour sa participation active à l'édification de la grande Europe.

4. Vous savez L'attention que porte le Saint-Siège à la dignité et à la promotion des personnes et des peuples, ainsi que son désir que chacun ait sa place dans la vie nationale et internationale, et puisse y apporter sa contribution. Dans votre pays, comme dans d'autres régions du continent, il existe des minorités culturelles et ethniques, et des communautés humaines issues de l'immigration. Elles sont une richesse à mettre au bénéfice de tous, car elles apportent leurs spécificités et leur savoir-faire, participant à la croissance nationale et au resserrement des liens entre les hommes.

Au sein d'une société, toute opposition entre des groupes de personnes, toute velléité de penser qu'une communauté particulière venue de l'extérieur et soucieuse de s'intégrer représente un danger, ne peut qu'affaiblir le pays et ses institutions, à l'intérieur comme au-delà de ses frontières.

5. En Roumanie, même si les orthodoxes sont majoritaires, les catholiques constituent une communauté vivante. Ils ont le souci de se mettre au service de leurs frères, par leurs engagements dans tous les domaines de la vie sociale.

En particulier, par leurs réseaux caritatifs, signes de l'amour que le Christ a manifesté aux hommes de son temps, les communautés catholiques ont à coeur de venir en aide aux plus démunis, sans distinction de culture ou de religion. Elles n'ont ainsi d'autre désir que de soulager la misère et, en même temps, de contribuer à la solidarité et à l'entraide fraternelles entre tous les habitants du pays, qui favorisent l'unité nationale.

D'autre part, les différentes entités catholiques locales s'attachent à former intellectuellement, moralement et spirituellement les jeunes Roumains, pour qu'ils soient demain des acteurs et des partenaires dans la vie publique, respectueux de leur patrie, et qu'ils donnent un sens à leur vie personnelle et communautaire. Pour remplir cette tâche d'utilité publique, selon les principes énoncés par le Concile oecuménique Vatican II [1], l'Église a besoin que se développent une pratique authentique de la liberté religieuse, une véritable vie démocratique offrant à tous les mêmes possibilités d'initiatives et les mêmes chances, ainsi que la liberté d'action de ses ministres du culte. Car, « la liberté de l'Église est un principe fondamental dans les relations de l'Église avec les Pouvoirs publics et tout l'ordre civil » [2]. En particulier, vu sa longue expérience de l'enseignement scolaire et universitaire, il importe que l'Église puisse maintenir et développer les propositions éducatives qui sont les siennes auprès de la jeunesse de Roumanie et offrir aux enfants et aux adolescents catholiques l'enseignement catéchétique auquel ils ont droit, comme leurs compatriotes des autres confessions religieuses. Dans cet esprit, je souhaite vivement que soient levés les obstacles à la restitution des biens nécessaires à la liberté de culte et de religion, biens qui appartenaient à l'Église catholique avant 1948 et qui lui furent pris injustement. Dans un avenir proche, grâce à la poursuite d'un dialogue constructif avec les Autorités civiles, j'ai confiance que les communautés catholiques pourront percevoir des signes concrets et positifs dans ce sens.

6. En vue de l'An 2000, reprenant l'appel lancé par le deuxième Concile oecuménique du Vatican, j'ai souhaité ardemment exhorter tous les disciples du Christ au dialogue, pour parvenir à la pleine unité qui sera pour le monde un témoignage [3]. Pour cela, j'ai invité les membres de l'Église catholique à intensifier leurs collaborations avec les autres Églises et communautés chrétiennes, en s'engageant dans un oecuménisme qui rapproche de la pleine communion, dans le respect des sensibilités et des traditions propres, et avec le souci de prendre appui sur ce qui déjà nous unit.

Vous savez que les fidèles catholiques des différents rites sont toujours prêts à poursuivre dans cette voie. Dans cette perspective, je me réjouis vivement des dispositions spirituelles dans lesquelles vous abordez votre mission et de votre désir d'apporter une contribution significative à la démarche oecuménique.

7. Vos compétences en anthropologie, en histoire chrétienne et en patristique vous permettent de connaître les cultures philosophiques et spirituelles orientales et latines. Vous saurez donc mieux que quiconque, Monsieur l'Ambassadeur, contribuer à multiplier les ponts entre les différentes traditions chrétiennes de l'Orient et de l'Occident, et à intensifier les relations diplomatiques confiantes entre le Saint-Siège et votre pays, fondées sur le désir de défendre l'homme et les peuples. En effet, le service primordial que les Autorités ont à rendre à leurs peuples est de les aider à faire grandir la paix et l'entraide, sources de joie profonde et d'épanouissement pour les personnes, et de développement pour les communautés nationales.

8. Au moment où vous commencez votre mission de Représentant de la Roumanie auprès du Saint-Siège, permettez-moi de vous offrir mes voeux cordiaux. Soyez assuré, Monsieur l'Ambassadeur, que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs le soutien attentif et la compréhension cordiale dont vous pourrez avoir besoin pour que votre activité soit fructueuse et vous apporte toutes les satisfactions que vous pouvez en attendre.

Sur Votre Excellence, sur le peuple roumain et sur ses dirigeants, j'invoque de grand coeur l'abondance des bénédictions divines.

[1] Cfr. Dignitatis Humanae, DH 1-2 DH 13.
[2] Ibid. DH 13.
[3] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Ut Unum Sint, UUS 1.



AUX PARTICIPANTS À LA XVIIe ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LES LAÏCS

Jeudi 30 octobre 1997




Chers Frères dans l'Épiscopat,
Chers amis,

1. Je suis heureux de vous accueillir, vous qui prenez part à la dix-septième Assemblée plénière du Conseil pontifical pour les Laïcs.

Je salue très spécialement les nouveaux membres et les nouveaux consulteurs du Conseil, réunis pour la première fois depuis le commencement de leur mandat quinquennal. C'est aussi la première Assemblée plénière que conduit votre Président, Mgr James Francis Stafford, avec Mgr Stanislaw Rylko en qualité de Secrétaire. Je vous remercie tous pour votre précieuse collaboration; j'exprime aussi ma gratitude à ceux qui travaillent au service du Conseil à Rome. Et je tiens à dire ici que je me sens proche, par l'affection fraternelle et la prière, de M. le Cardinal Eduardo Pironio, qui a longtemps dirigé votre Dicastère avec compétence et dévouement.

Chers frères et soeurs, vous avez une responsabilité particulière: les nominations que vous avez reçues font de vous des collaborateurs du Successeur de Pierre, dans son ministère pastoral, pour servir la réalité vaste et diversifiée du laïcat catholique. Je vous suis reconnaissant d'avoir accepté cette charge avec une généreuse disponibilité. Vous avez été appelés à titre personnel; le Conseil compte donc sur votre expérience chrétienne, sur votre sensus Ecclesiae, sur votre aptitude à comprendre et à faire connaître la richesse de la vie chrétienne dans la diversité des peuples et des cultures, les expériences de pédagogie, de vie associative et d'entraide menées dans tous les milieux. Votre Assemblée est un temps fort d'écoute et de discernement des besoins et des attentes des fidèles laïcs, afin d'encourager leurs témoignages et leurs actions, et afin de mieux définir les tâches du Conseil qui est à leur service, à la lumière du Magistère doctrinal et pastoral de l'Église.

2. Trente ans ont passé depuis la fondation du Conseil par le Pape Paul VI, répondant à un désir des Pères du Concile Vatican II. J'en ai été naguère consulteur et je puis témoigner à la fois de la continuité du travail accompli au cours de ces trois décennies et de son constant renouvellement; j'en rends grâce avec vous.

Le Conseil pontifical pour les Laïcs s'inspire d'enseignements essentiels du Concile Vatican II : l'Église a pris plus vivement conscience d'être mystère de communion et d'être de nature missionnaire; la dignité, la coresponsabilité et le rôle actif des laïcs ont été mieux reconnus et mis en valeur. Ces trente années nous donnent bien des motifs d'espérance: aujourd'hui, la maturité des fidèles laïcs se manifeste par leurs activités dans les communautés, les institutions et les services ecclésiaux les plus divers. Ils participent plus intensément à la vie liturgique et sacramentelle de l'Église, source et sommet de la vie chrétienne. Ils désirent une formation méthodique et complète. Compte tenu de la pluralité des charismes, des méthodes et des engagements, on voit s'épanouir une nouvelle génération d'associations de fidèles, qui produisent des fruits abondants de sainteté et d'apostolat, et qui donnent un élan nouveau à la communion et à la mission du peuple chrétien.

Les Journées mondiales de la Jeunesse ? nous avons en mémoire celle de Paris, toute récente et impressionnante ? ont montré que les jeunes sont bien l'espérance de l'Église qui va entrer dans le troisième millénaire. Les jeunes expriment vigoureusement leur besoin de sens et d'idéal, leur désir d'une vie plus humaine et plus vraie: ce sont des sentiments enracinés dans le coeur des hommes et dans la culture des peuples, plus profonds et plus vivaces que le conformisme nihiliste qui semble envahir nombre d'esprits.

Ces dernières années, le processus d'affirmation de la vraie dignité de la femme a rencontré la sympathie active de l'Église, car le « génie féminin » enrichit toujours davantage la communauté chrétienne et la société. Par ailleurs, il faut admirer l'engagement de nombreux chrétiens dans les oeuvres les plus variées pour l'entraide humaine et sociale, montrant la créativité constructive de la charité et se mettant au service du bien commun dans les institutions politiques, culturelles et économiques. L'exhortation apostolique Christifideles Laici a analysé ces signes d'espérance dans l'itinéraire post-conciliaire du laïcat catholique. Il vous revient maintenant de poursuivre dans cette voie. Toute l'Église compte sur un engagement encore plus actif des fidèles, à tous les avant-postes du monde.

3. Dans le cadre de la préparation au grand Jubilé, votre Assemblée a lieu au cours de l'année consacrée au Christ Jésus [1]. Le Jubilé invite à faire mémoire, dans l'action de grâce, de la présence du Verbe incarné: il s'agit de la mémoire vivante de sa Présence, ici et maintenant, aussi vraie et aussi nouvelle qu'il y a deux mille ans. Approfondir le mystère de l'Incarnation amène à insister cette année « sur la redécouverte du Baptême comme fondement de l'existence chrétienne » [2]. À Paris, au cours de la veillée de la Journée mondiale de la Jeunesse, la célébration du baptême de dix jeunes a appelé vigoureusement des centaines de milliers de jeunes rassemblés, mais aussi tous les chrétiens, à reprendre conscience du don qu'est leur baptême et des responsabilités qui en découlent.

Aujourd'hui, le défi majeur est celui d'une déchristianisation diffuse. Le Jubilé appelle donc à un sérieux engagement catéchétique et missionnaire. Il faut que tout homme puisse découvrir la présence du Christ et le regard d'amour du Seigneur sur chacun, qu'il entende à nouveau sa parole, « viens et suis-moi ». C'est pourquoi le monde attend un témoignage plus clair d'hommes et de femmes libres, rassemblés dans l'unité, qui montrent par leur manière de vivre que Jésus Christ apporte en toute gratuité une réponse qui comble leurs désirs de vérité, de bonheur et d'épanouissement humain. Il est donc essentiel pour les fidèles, comme le dit le thème de votre Assemblée, d'« être chrétiens au seuil du troisième millénaire », de vivre leur baptême, leur vocation et leur responsabilité chrétienne.

On voit malheureusement croître le nombre de ceux qui ne sont pas baptisés, même dans les régions de tradition chrétienne séculaire. En outre, beaucoup de baptisés se laissent entraîner à oublier ce qu'ils sont devenus par la grâce reçue, c'est-à-dire des « créatures nouvelles » [3] qui ont revêtu le Christ. Ces situations demandent plus que jamais d'être analysées attentivement. Il convient de raviver l'élan missionnaire par la proposition d'itinéraires d'initiation chrétienne pour les jeunes et les adultes nombreux qui demandent le baptême, et d'un renouvellement de la formation chrétienne pour ceux qui se sont éloignés de la foi reçue.

Il s'agit, en effet, de la question capitale de l'éducation à la foi et dans la foi, a une époque où la capacité de transmettre la foi dans la continuité de la tradition semble avoir perdu de sa vigueur. Je suis heureux du thème choisi par votre Conseil; je ne doute pas que vos réflexions et vos recommandations finales seront d'une grande utilité.

Votre Assemblée a aussi pour tâche de définir les programmes de travail du Dicastère pour les années à venir. Je sais que l'on prépare le Congrès mondial des mouvements et leurs pèlerinages à Rome; ce sont des initiatives de grande portée. Les deux événements que vous prévoyez pour le grand Jubilé auront également une particulière importance: le Congrès mondial de l'Apostolat des Laïcs, reprenant la tradition de rencontres périodiques commencée dès avant le Concile Vatican II, et le Jubilé des Jeunes sur la route d'une Église jeune en marche.

Je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui. Dans la prière, je confie au Seigneur, par l'intercession de Marie, Mère de l'Église, les travaux du Conseil pontifical pour les Laïcs. Et à vous tous ici présents, à vos proches et à vos frères et soeurs des différentes Églises particulières, je donne de grand coeur la Bénédiction Apostolique.


[1] Cf. Tertio millennio adveniente, nn. TMA 40-43.
[2] Ibid., n. TMA 41.
[3] Ga 6,15.



Discours 1997 - Dimanche 5 octobre 1997