Discours 1998 - Dimanche 25 janvier 1998

DISCOURS À LA CATHÉDRALE MÉTROPOLITAINE

25 janvier 1998

Bien-aimés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
bien-aimés religieux et religieuses,
chers séminaristes et fidèles;

1. Quelques heures avant la conclusion de cette Visite pastorale, j'éprouve une grande joie à vous rencontrer, vous qui représentez ceux qui, avec joie et espérance, à travers les souffrances et les sacrifices, ont la tâche passionnante d'évangéliser cette terre, caractérisée par une histoire si particulière.

Je remercie le Cardinal Jaime Lucas Ortega y Alamino, Archevêque de La Havane, pour les paroles aimables qu'il m'a adressées, se faisant le porte-parole des sentiments d'affection et d'estime que vous nourrissez pour le Successeur de l'Apôtre Pierre, et je désire vous exprimer en retour ma grande satisfaction dans le Seigneur que j'étends à tous les fils et les filles de cette île.

2. Nous sommes réunis dans cette cathédrale métropolitaine, dédiée à l'Immaculée Conception, le jour même où la liturgie célèbre la Conversion de saint Paul qui, sur la route de Damas, reçut la visite du Seigneur ressuscité et se transforma de persécuteur des chrétiens en apôtre courageux et inlassable de Jésus-Christ. Son exemple lumineux et ses enseignements doivent vous servir de guide pour affronter et surmonter chaque jour les nombreux obstacles que vous rencontrez dans le déroulement de votre mission, afin que les énergies et l'enthousiasme pour la diffusion du Royaume de Dieu ne faiblissent pas.

Dans votre histoire nationale, nombreux sont les pasteurs qui, avec une fidélité inébranlable au Christ et à son Eglise, ont accompagné le peuple au cours de toutes ses vicissitudes. Le témoignage de leur dévouement généreux, leurs paroles dans l'annonce de l'Evangile et la défense de la dignité et des droits inaliénables des personnes, ainsi que la promotion du bien intégral de la nation, représentent un précieux patrimoine spirituel, digne d'être conservé et enrichi. Au cours de ces journées, j'ai fait référence à l'un d'eux, le serviteur de Dieu le Père Félix Varela, fidèle à son sacerdoce et promoteur actif du bien commun de tout le peuple cubain. Je rappelle également le serviteur de Dieu José Olallo, de l'Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, témoin de la miséricorde, dont la vie exemplaire au service des plus indigents et un exemple fécond de vie consacrée au Seigneur. Nous espérons que son procès en canonisation sera bientôt conclu et qu'il pourra être invoqué par les fidèles. Beaucoup d'autres Cubains, hommes et femmes, ont fait preuve de foi, de persévérance dans la mission, de dévouement à la cause de l'Evangile, à travers leur condition de prêtre, de religieux ou de laïc.

3. Très chers prêtres! Le Seigneur bénit abondamment votre dévouement quotidien au service de l'Eglise et du peuple, également lorsque surgissent des obstacles et des souffrances. C'est pourquoi j'apprécie et je vous suis reconnaissant de votre adhésion à la grâce divine, qui vous a appelés à être des pêcheurs d'hommes (cf. Mc 1,17), sans vous laisser vaincre par la lassitude ou le découragement engendrés par l'ampleur de votre tâche apostolique, due au nombre réduit de prêtres et aux nombreuses nécessités pastorales des fidèles qui ouvrent leur coeur à l'Evangile, comme on l'a vu au cours de la récente mission préparatoire en vue de ma visite.

Ne perdez pas espoir face au manque de moyens matériels pour la mission, ou en raison du manque de ressources qui fait souffrir une grande partie de ce peuple. Continuez à accueillir l'invitation du Seigneur à oeuvrer pour le Royaume de Dieu et pour sa justice, car le reste vous sera donné par surcroît (cf. Lc 12,31). Quant à vous, en étroite collaboration avec vos évêques et comme expression de la profonde communion ecclésiale qui a caractérisé cette Eglise, continuez à illuminer les consciences dans le progrès des valeurs humaines, éthiques et religieuses, dont l'absence frappe de vastes secteurs de la société, en particulier les jeunes, qui pour cette raison sont plus vulnérables.

Les données sur la croissance des vocations sacerdotales, qui laissent bien augurer, et la venue dans le pays de nouveaux missionnaires, qui nous l'espérons vivement sera soutenue, auront pour conséquence une activité apostolique plus étendue au bénéfice de tous.

Conscients que «le secours me vient de Yahvé» (Ps 120,2), que Lui seul est notre soutien et notre aide, je vous encourage à ne jamais négliger la prière personnelle quotidienne et prolongée, en vous configurant toujours davantage au Christ, Bon Pasteur, car en Lui se trouvent la force fondamentale et le repos authentique (cf. Mt 11,30). Vous pourrez ainsi affronter avec joie le poids de la «journée, avec sa chaleur» (cf. Mt 20,12) et offrir le meilleur témoignage pour promouvoir les vocations sacerdotales et religieuses qui sont si nécessaires.

Le ministère sacerdotal, outre la prédication de la Parole de Dieu et la célébration des Sacrements, qui constituent votre mission prophétique et cultuelle, s'étend également au service caritatif, à l'assistance et à la promotion humaine. C'est pourquoi, ce dernier compte également sur le ministère des diacres et sur l'aide des membres des divers instituts religieux et des diverses associations ecclésiales. Que le Seigneur vous accorde de toujours recevoir et distribuer avec facilité les ressources que tant d'Eglises soeurs désirent partager avec vous et trouver les façons les plus adaptées pour satisfaire aux nécessités des frères, et que cette oeuvre soit toujours davantage comprise et valorisée!

4. Je rends grâce à Dieu pour la présence sur cette terre de personnes consacrées de divers instituts. Depuis plusieurs décennies, elles ont été obligées de vivre leur vocation dans des situations très particulières et, sans renoncer à la spécificité de leur charisme, elles ont dû s'adapter aux contingences et répondre aux nécessités pastorales des diocèses. Je vous suis également reconnaissant pour le travail pastoral digne d'éloge et pour le service rendu au Christ à travers les pauvres, les malades et les personnes âgées. Il est souhaitable que dans un proche avenir, l'Eglise puisse jouer son propre rôle dans l'enseignement; c'est une tâche que les Instituts religieux remplissent dans de nombreuses parties du monde avec un engagement généreux et également pour le plus grand bénéfice de la société civile.

L'Eglise attend de vous tous le témoignage d'une existence transfigurée par la profession des conseils évangéliques (cf. Vita consecrata VC 20), car vous êtes des témoins de l'amour à travers la chasteté qui rend le coeur plus grand, la pauvreté qui abat les barrières et l'obéissance qui édifie la communion dans la communauté, dans l'Eglise et dans le monde.

La foi du peuple cubain, que vous servez, a été la source et la lymphe de la culture de cette nation. En tant que personnes consacrées, recherchez et promouvez un processus authentique d'inculturation de la foi, offrant à tous l'annonce, l'accueil et la possibilité de vivre l'Evangile.

5. Chers séminaristes et novices: aspirez à une solide formation humaine et chrétienne, dans laquelle la vie spirituelle occupe une place de choix. Ainsi, vous serez mieux préparés à accomplir la mission apostolique qui vous sera confiée par la suite. Soyez plein d'espérance en pensant à l'avenir où vous aurez des responsabilités particulières. Dans ce but, renforcez la fidélité au Christ et à son Evangile, l'amour pour l'Eglise, le dévouement à votre peuple.

Les deux séminaires, dont la capacité d'accueil ne sera bientôt plus adaptée, ont profondément contribué à la conscience de la nationalité cubaine. Que dans ces cloîtres illustres soit toujours promue la synthèse féconde entre piété et vertu, foi et culture, amour pour le Christ, pour son Eglise et amour pour le peuple!

6. Je remercie les laïcs ici présents, au nom de tant d'autres, de leur fidélité quotidienne pour conserver la flamme de la foi au sein de leur famille, surmontant ainsi les obstacles et travaillant avec courage pour incarner l'esprit évangélique dans la société. Je vous invite à alimenter la foi à travers une formation continue, biblique et catéchétique, qui vous aidera à persévérer dans le témoignage du Christ, en pardonnant les offenses, en exerçant le droit de servir le peuple à travers votre condition de croyants catholiques dans tous les domaines déjà accessibles, et en vous efforçant d'obtenir l'accès à ceux qui sont encore fermés. La tâche d'un laïcat catholique engagé est précisément celle d'ouvrir les milieux de la culture, de l'économie, de la politique et des moyens de communication sociale pour transmettre, à travers eux, la vérité et l'espérance sur le Christ et sur l'homme. C'est pourquoi, il est souhaitable que les publications catholiques et les autres initiatives puissent disposer des moyens nécessaires afin de mieux servir la société cubaine dans son ensemble. Je vous encourage à poursuivre cette voie, qui est l'expression de la vitalité des fidèles et de leur authentique vocation chrétienne au service de la vérité et de Cuba.

7. Chers frères: le peuple cubain a besoin de vous parce qu'il a besoin de Dieu qui est la raison fondamentale de votre vie. En vertu de votre appartenance à ce peuple, montrez-lui que seul le Christ est le Chemin, la Vérité et la Vie, que Lui seul a les paroles de Vie éternelle (cf. Jn 6,68-69). Le Pape est proche de vous, il vous accompagne par sa prière et par son affection et il vous confie à la protection maternelle de la Très Sainte «Virgen de la Caridad del Cobre», Mère de tous les Cubains. C'est à Elle, Etoile de la nouvelle évangélisation, que je confie tous vos travaux et le bien-être de cette nation bien-aimée.

Nous terminons cette visite le 25 janvier, Fête de la conversion de saint Paul. La dernière Eucharistie célébrée sur la Plaza de la Revolución est significative, car la conversion de Paul est une révolution profonde, permanente et sainte, valable pour tous les temps.


DISCOURS DE DÉPART À L'AÉROPORT DE LA HAVANE

Dimanche 25 janvier 1998


Monsieur le Président,
Messieurs les Cardinaux et frères dans l'épiscopat,
Messieurs les Représentants des Autorités,
Bien-aimés frères et soeurs de Cuba

1. J'ai vécu des journées intenses et émouvantes avec le Peuple de Dieu pèlerin sur cette belle terre de Cuba, qui ont laissé en moi des traces profondes. J'emporte avec moi le souvenir des visages des si nombreuses personnes que j'ai rencontrées au cours de ces journées. Je vous suis reconnaissant pour votre aimable hospitalité, expression authentique de l'âme cubaine, et surtout pour avoir pu partager avec vous des moments intenses de prière et de réflexion lors des célébrations de la Messe à Santa Clara, à Camagüey, à Santiago de Cuba, et ici, à La Havane, lors des rencontres avec le monde de la culture et avec celui de la douleur, ainsi que lors de la visite que j'ai accomplie il y a quelques heures dans la cathédrale métropolitaine.

2. Je demande à Dieu de bénir et de récompenser tous ceux qui ont coopéré à la réalisation de cette visite, que je souhaitais depuis longtemps. Monsieur le Président, je vous remercie, ainsi que les autres représentants de la nation, pour votre présence ici, et pour la collaboration que vous avez apportée au déroulement de cette visite, à laquelle ont participé un grand nombre de personnes, en assistant aux célébrations, ou en les suivant à travers les moyens de communication sociale. Je suis profondément reconnaissant à mes frères évêques de Cuba pour les efforts et la sollicitude pastorale avec lesquels ils ont préparé ma visite ainsi que la mission populaire qui l'a précédée, dont les fruits immédiats ont été manifestés dans l'accueil chaleureux qui m'a été réservé et qui d'une certaine façon doit avoir une suite.

3. Je suis venu en tant que Successeur de l'Apôtre Pierre et suivant le mandat du Seigneur: je suis venu comme messager de la vérité et de l'espérance, vous confirmer dans la foi et vous laisser un message de paix et de réconciliation dans le Christ. C'est pourquoi je vous encourage à continuer de travailler ensemble, animés par les principes moraux les plus élevés, afin que le célèbre dynamisme qui distingue ce noble peuple produise d'abondants fruits de bien-être et de prospérité spirituelle et matérielle, au bénéfice de tous.

4. Avant de quitter cette capitale, je désire adresser un salut émouvant à tous les fils de ce pays: à ceux qui habitent dans les villes et dans les campagnes, aux enfants, aux jeunes et aux personnes âgées, aux familles et à chaque personne, certain qu'ils continueront de conserver et de promouvoir les valeurs les plus authentiques de l'âme cubaine qui, fidèle à l'héritage de ses ancêtres doit savoir manifester, même dans les difficultés, sa confiance en Dieu, sa foi chrétienne, son lien avec l'Eglise, son amour pour la culture et pour les traditions du pays, sa vocation à la justice et à la liberté. Dans ce processus, tous les Cubains sont appelés à contribuer au bien commun, dans un climat de respect réciproque et avec un sens profond de la solidarité.

Aucune nation ne peut vivre seule de nos jours. C'est pourquoi le peuple cubain ne peut être privé des liens avec les autres peuples, qui sont nécessaires pour le développement économique, social et culturel, surtout lorsque l'isolement forcé se répercute de façon indiscriminée sur la population, accroissant les difficultés des plus faibles, dans des domaines aussi fondamentaux que l'alimentation, la santé et l'éducation. Tous peuvent et doivent accomplir des pas concrets pour un changement dans ce sens. Que les nations, et surtout celles qui partagent le même patrimoine chrétien et la même langue oeuvrent de façon efficace pour étendre les bienfaits de l'unité et de la concorde, pour unir les efforts et surmonter les obstacles afin que le peuple cubain, acteur de son histoire, maintienne des rapports internationaux qui favorisent toujours le bien commun. On contribuera de cette façon à surmonter l'angoisse provoquée par la pauvreté matérielle et morale, dont les causes peuvent être, entre autres, les inégalités injustes, les restrictions des libertés fondamentales, la dépersonnalisation et le découragement des individus, ainsi que les mesures économiques restrictives injustes et éthiquement inacceptables imposées par l'étranger.

5. Chers Cubains, en quittant cette terre bien-aimée, j'emporte avec moi un souvenir inoubliable de ces jours et une grande confiance dans l'avenir de votre pays. Construisez-le avec joie, guidés par la lumière de la foi, avec la force de l'espérance et la générosité de l'amour fraternel, capables de créer un domaine de plus grande liberté et de pluralisme, dans la certitude que Dieu vous aime intensément et reste fidèle à ses promesses. En effet, «si nous peinons et combattons, c'est que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant, le Sauveur de tous les hommes» (1Tm 4,10). Qu'il vous comble de ses bénédictions et vous fasse sentir sa présence à chaque instant!

Loué soit Jésus-Christ!

Au terme de son discours, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes aux pèlerins présents:

Un dernier mot à propos de la pluie. Maintenant, il a cessé de pleuvoir, mais après ma visite à la cathédrale, il pleuvait plutôt fort. Je me suis demandé pourquoi, après toutes ces journées d'intense chaleur, après la forte chaleur de Santiago de Cuba, cette pluie est arrivée. Cela pourrait être un signe: le ciel cubain pleure car le Pape s'en va, parce qu'il nous quitte. Mais cela serait une herméneutique superficielle. Lorsque nous chantons au cours de la liturgie: «Rorate coeli desuper et nubes pluant iustum», cela représente un encouragement. Cela me semble une herméneutique plus profonde.

Cette pluie de la dernière heure de mon séjour à Cuba peut être un encouragement. Je voudrais exprimer le souhait que cette pluie soit un signe positif d'encouragement renouvelé pour votre histoire. Merci beaucoup.



Février 1998


AU COMITÉ CONJOINT DU CONSEIL DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES D'EUROPE (CCEE) ET DE LA CONFÉRENCE DES ÉGLISES D'EUROPE (KEK)

Vendredi 20 février 1998


Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans le Christ,

1. Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion de la réunion à Rome du Comité conjoint du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe (CCEE) et de la Conférence des Églises d'Europe (KEK). Je me réjouis de votre rencontre fraternelle et des nombreuses manifestations de réflexion, de prière et de fraternité oecuméniques qui ont lieu régulièrement dans différents pays du continent européen. Dans la perspective du grand Jubilé, pour lequel j'espère la participation active de l'ensemble des chrétiens, l'attention soutenue de toutes les Églises européennes envers la cause de l'oecuménisme est un signe encourageant sur la voie de l'unité des chrétiens.

2. Le Concile Vatican II a donné une nouvelle impulsion au mouvement oecuménique, en soulignant l'importance du dialogue entre frères, sous la conduite de l'Esprit Saint ; aussi est-il nécessaire que les chrétiens manifestent leur charité commune et leur désir de conversion, pour dépasser leurs infidélités, sources et causes de divisions, et "en vue de vivre plus purement selon l'Évangile" (Conc. oecum. Vat. II, Unitatis redintegratio UR 3). "L'engagement oecuménique doit être fondé sur la conversion des coeurs et sur la prière, qui conduiront aussi à la nécessaire purification de la mémoire historique" (Ut unum sint UUS 2).

Pour dépasser les obstacles et les ressentiments qui pourraient encore exister, il convient de s'engager toujours plus dans un oecuménisme de la vie et de la prière, et il est utile de réaliser des projets communs, tout en respectant les activités propres développées par les diverses Confessions chrétiennes. Grâce à une vie spirituelle sans cesse affermie, les personnes et les communautés chrétiennes se laisseront conduire par l'Esprit, qui les mènera à la vérité tout entière et les rendra audacieuses dans leurs démarches. Aujourd'hui plus que jamais, le Christ nous presse et "l'approche de la fin du deuxième millénaire nous invite tous à un examen de conscience et à d'utiles initiatives oecuméniques" (Tertio millennio adveniente TMA 34).

3. Il est heureux que les questions oecuméniques fassent désormais partie intégrante des programmes d'études théologiques dans les séminaires, dans les instituts ecclésiastiques d'enseignement et dans la formation permanente. Ainsi, tous ceux qui reçoivent une formation chrétienne dans leur Église seront attentifs à ce qui peut favoriser l'unité des chrétiens et ils auront à coeur d'y prendre une part active. Ils aideront leurs frères à acquérir une meilleure connaissance des autres Églises chrétiennes, ce qui est indispensable pour marcher dans la voie de la fraternité et de l'unité. Je me réjouis aussi que soient poursuivis et intensifiés des échanges de professeurs et d'étudiants entre les différents lieux de formation et entre les confessions chrétiennes.

4. Dans vos rencontres comme dans les rassemblements de Bâle, puis de Graz, vous avez manifesté votre souci du rapprochement entre l'Est et l'Ouest du continent européen, qui a trop longtemps été divisé et blessé au cours de ce siècle. Appelées à dépasser leurs peurs, les communautés chrétiennes de diverses confessions sont désormais invitées à s'engager avec courage dans la marche vers la pleine unité, à faire don de leurs richesses spirituelles et à les partager dans un échange confiant. Les chrétiens ouvriront ainsi les trésors de la vie spirituelle aux hommes de notre temps qui pourront rencontrer plus profondément le Seigneur; ils contribueront aussi au rassemblement dans l'unité de tous les enfants de Dieu dispersés, selon la volonté du Christ lui-même (cf. Jn 17,11-23). Ce partage conduira sans aucun doute à un respect toujours plus grand des sensibilités particulières et de la démarche pastorale de chaque confession chrétienne, enracinées dans une histoire et des traditions spécifiques.

5. Le programme de votre rencontre comporte l'étude de projets novateurs, pour donner plus d'élan à l'oecuménisme, en vous interrogeant sur la méthode, sur les critères et sur le contenu des collaborations nouvelles à entreprendre, à la lumière des expériences passées. Grâce au dialogue entre les responsables des Églises, puisse l'Europe être le creuset d'une recherche toujours plus intense de l'unité entre les chrétiens du continent, et, plus largement, entre tous ceux qui sont répandus à travers le monde, dans le respect de la vérité ! Ensemble, les disciples du Christ sont invités à annoncer explicitement l'Évangile dans les cultures actuelles ; ils doivent aussi avoir le souci d'apporter leur contribution à la société, sur les plans politique, économique et social, devenant des ferments de l'édification du continent, dans le respect de la création et de l'autonomie légitime de la conduite des réalités terrestres.

L'Europe est actuellement affrontée à la question de l'accueil et de l'intégration de populations et de communautés porteuses d'autres traditions religieuses, en particulier de l'Islam et des religions asiatiques ; les Églises chrétiennes doivent manifester un esprit d'ouverture confiante et s'engager plus avant dans la voie du "dialogue de la vie", auquel j'ai déjà eu l'occasion d'inviter les fidèles catholiques et nos frères Musulmans; ce dialogue ouvre la voie au service commun des hommes dans de multiples domaines (cf. Conc. oecum. Vat II, Unitatis redintegratio UR 12). Pour relever ce défi, vous travaillez ensemble et vous favorisez les collaborations entre les fidèles, afin de répondre à des questions sociales auxquelles les hommes d'aujourd'hui sont affrontés ; on ne peut oublier les conflits qui meurtrissent des populations de notre continent, les difficultés économiques qui rendent les familles fragiles, ainsi que les atteintes à la dignité et aux droits des personnes et des peuples, en particulier celles qui blessent les femmes et les enfants.

"Père saint, garde-les dans ton nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous. [...] Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé" (Jn 17,11 Jn 21). Cette prière du Seigneur est la nôtre aujourd'hui. Elle nous rappelle que le témoignage de l'unité est un élément essentiel d'une évangélisation authentique et profonde. Par leur unité dans la même Église, les disciples du Christ feraient découvrir à leurs frères le mystère de la Trinité sainte, communion parfaite d'Amour. Et nous devons demeurer dans l'inquiétude tant que nous ne parviendrons pas, dans la docilité à l'Esprit Saint, à correspondre à cette prière du Christ : "Qu'ils soient un !".

Au terme de notre rencontre, j'invoque sur vous l'assistance de l'Esprit Saint, dont les fruits sont "charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres" (Ga 5,22), et qui vient faire toutes choses nouvelles ; je forme les voeux les meilleurs pour vos travaux et j'appelle sur vous les Bénédictions divines, ainsi que sur vos collaborateurs et sur ceux qui sont confiés à votre sollicitude pastorale.


Marzo 1998

Viaggio Apostolico in Nigeria (21 - 23 marzo 1998)


DISCOURS POUR LA CÉRÉMONIE D'ARRIVÉE

21 mars 1998


Monsieur le chef de l'Etat, général Sani Abacha,
Mesdames et Messieurs les représentants des Autorités gouvernementales,
chers frères dans l'épiscopat,
chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
bien-aimé peuple du Nigeria,

1. C'est avec une profonde gratitude que je rends grâce à la Divine Providence pour m'avoir accordé la grâce de revenir parmi vous et de fouler une fois de plus le sol de cette bien-aimée terre! A vous tous, rassemblés ici pour me souhaiter la bienvenue, ainsi qu'à tous les fils et filles du Nigeria, je présente mes salutations sincères d'amour et de paix.

J'adresse une parole particulière de gratitude à mes Frères dans l'épiscopat pour leur invitation, et au chef de l'Etat, ainsi qu'aux autres représentants et responsables des Autorités pour avoir permis cette visite. Votre présence à tous ici aujourd'hui est pour moi un signe d'amitié et une expression de votre désir d'œuvrer ensemble pour servir le bien-être de la nation tout entière.

2. Je viens au Nigeria en tant qu'ami, profondément préoccupé par le destin de votre pays et de toute l'Afrique. Le but principal de ma visite est de célébrer avec la communauté catholique la béatification du Père Cyprian Michael Iwene Tansi, le premier Nigérian de l'histoire de l'Eglise à être officiellement proclamé «bienheureux».

La béatification dans le pays même où le Père Tansi est né et a exercé son ministère sacerdotal est un honneur pour toute la nation du Nigeria. C'est une occasion pour tous les Nigérians de réfléchir sur l'exemple et l'illumination que la vie du Père Tansi offrent à la société d'aujourd'hui. En lui, ainsi qu'en tous ceux qui consacrent entièrement leur vie au service des autres, se révèle le chemin que les Nigérians devraient parcourir pour parvenir à un avenir meilleur pour leur pays. Le témoignage apporté par le Père Tansi est important en ce moment de l'histoire du Nigeria, un moment qui exige des efforts concertés et honnêtes pour promouvoir l'harmonie et l'unité nationale, garantir le respect de la vie humaine et des droits humains, promouvoir la justice et le développement, lutter contre le chômage, apporter l'espérance aux pauvres et aux personnes qui souffrent, résoudre les conflits à travers le dialogue et établir une solidarité véritable et durable dans tous les secteurs de la société.

3. La violence ne cesse de provoquer des souffrances et des peines chez plusieurs peuples d'Afrique. En arrivant en Afrique occidentale, mes pensées se tournent vers le peuple de la Sierra Leone, qui a beaucoup souffert et qui continue de souffrir ces derniers temps. Nous devons tous espérer que grâce à l'aide constante de ceux qui sont responsables de la paix en Afrique, le retour à l'ordre constitutionnel et à la liberté démocratique ouvre la voie à une nouvelle ère de reconstruction et de développement.

A cet égard, je reconnais comme il se doit la contribution apportée par le Nigeria et par d'autres pays pour aider à résoudre cette situation difficile. En particulier, je désire exprimer ma sincère gratitude à tous ceux qui ont coopéré à l'heureuse issue de l'opération de sauvetage du centre pastoral catholique de Makeni.

Je désire également encourager le peuple du Liberia, qui sort actuellement d'une situation de conflit tragique et qui œuvre à la reconstruction du pays. La justice et la paix représentent le chemin qui mène au développement et au progrès. Puisse Dieu insuffler de la force à tous ceux qui parcourent ce chemin au service de la communauté humaine.

4. Chers amis Nigérians, vous êtes appelés dans votre pays à faire appel à votre sagesse et à vos compétences dans la tâche difficile et urgente d'édifier une société qui respecte tous ses membres dans leur dignité, leurs droits et leur liberté. Cela exige une attitude de réconciliation et requiert de la part du gouvernement et des citoyens de ce pays un engagement ferme à donner le meilleur d'eux-mêmes pour le bien de tous. Le défi qui vous attend est grand, mais vos compétences et votre détermination à y faire face sont plus grandes encore.

La vie et le témoignage du Père Tansi nous rappellent les paroles de l'Evangile: «Heureux les artisans de paix» (Mt 5,9). Bienheureux tous ceux qui, au Nigeria et partout en Afrique, œuvrent pour une paix authentique. Bienheureux aux yeux du Seigneur tous ceux qui œuvrent pour conduire le continent africain vers une nouvelle ère de stabilité, de réconciliation, de développement et de progrès.

Le succès final de cette entreprise proviendra du Tout-Puissant, le Seigneur de la vie et de l'histoire de l'homme. Certain qu'il vous soutiendra dans la tâche qui vous attend, je fais miennes les paroles du Psalmiste: «Yahvé donne la puissance à son peuple, Yahvé bénit son peuple dans la paix» (Ps 29,11 DISCOURS DU SAINT-PÈRE À LA CONFÉDÉRATION INTERNATIONALE DU CRÉDIT POPULAIRE , 11). Dieu bénisse le Nigeria!

Tandis que commence ma visite, je désire exprimer ma profonde estime et mon affection à tous les Nigérians. Je serais heureux de vous rencontrer tous! Puisse Dieu être proche de tous les fils et de toutes les filles de ce bien-aimé pays. Dieu bénisse le Nigeria!


RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE DU NIGERIA



Votre Altesse royale,
le Sultan de Sokoto,
Vos Altesses royales les Emirs,
Illustres représentants de la communauté musulmane,

1. Bien que mon séjour au Nigeria soit bref, je ne voulais pas manquer une rencontre si importante avec les plus hauts représentants de l'islam dans ce pays. Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour avoir accepté l'invitation à venir ici ce soir; j'apprécie profondément cette occasion de saluer à travers vous toute la communauté musulmane au Nigeria. Je remercie Son Altesse royale pour ses aimables paroles exprimées au nom de Leurs Altesses ici présentes et, à mon tour, j'adresse à chacun de vous un salut de Paix, la paix qui a sa véritable source en Dieu, dont, selon votre tradition, l'un des «Noms splendides», est également al-Salam, Paix.

Comme vous le savez, le but de ma visite a été de proclamer solennellement la sainteté d'un fils de ce pays, le Père Cyprian Michael Iwene Tansi. Il a été déclaré un modèle d'homme religieux qui aimait les autres et qui s'est sacrifié pour eux. L'exemple de personnes qui conduisent une vie de sainteté nous enseigne non seulement à pratiquer le respect et la compréhension mutuels, mais également à être nous-mêmes des modèles de bonté, de réconciliation et de collaboration, au-delà des frontières ethniques et religieuses pour le bien de tout le pays et pour la plus grande gloire de Dieu.

2. En tant que chrétiens et musulmans, nous partageons la croyance dans «le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour» (Lumen gentium, n. LG 16). Bien que notre façon de comprendre ce Dieu unique diffère, nos efforts pour connaître et accomplir sa volonté n'en sont pas moins les mêmes. Cette aspiration religieuse elle-même constitue un lien spirituel entre chrétiens et musulmans, un lien qui peut constituer une base solide et large pour la coopération dans de nombreux domaines. Cela est important partout où les chrétiens et les musulmans vivent ensemble. Cela est particulièrement important au Nigeria, où les chrétiens et les musulmans sont présents en si grand nombre.

Parmi les convictions importantes que nous partageons, le christianisme et l'islam placent tous deux l'accent sur la dignité de chaque personne humaine, qui a été créée par Dieu dans un but particulier. Cela nous conduit à promouvoir la valeur de la vie humaine à toutes ses stades, et à soutenir la famille en tant qu'unité de base de la société. En conséquence, nous considérons comme un péché contre le Créateur tout abus contre les membres les plus faibles de la société et contre les femmes et les enfants en particulier. De plus, nos religions soulignent la responsabilité des individus à répondre à ce que, en conscience, ils considèrent comme ce que Dieu leur demande. Il est préoccupant de réfléchir sur la condition actuelle des droits humains, car dans certaines parties du monde, des personnes sont encore persécutées et emprisonnées pour des raisons de conscience et pour leur croyance religieuse. Ces victimes innocentes sont la triste preuve que c'est la force — et non les principes démocratiques — qui prévalent, et que l'intention n'est pas de servir la vérité et le bien commun, mais de défendre les intérêts particuliers à tout prix. Nos deux traditions, au contraire, enseignent une éthique qui refuse un individualisme qui recherche sa propre satisfaction et qui ne prête pas attention aux nécessités d'autrui. Nous croyons qu'aux yeux de Dieu, les ressources de la terre sont destinées à tous, et pas exclusivement à quelques-uns. Nous sommes conscients que l'exercice du pouvoir et de l'autorité doit être compris comme un service à la communauté et que toute forme de corruption et de violence représente une grave offense à la volonté de Dieu pour la famille humaine.

Nous avons en commun tant d'enseignements concernant la bonté, la vérité et la vertu, qu'une profonde compréhension est possible entre nous. Elle est même nécessaire. Dans le Message que j'ai adressé aux communautés musulmanes à Kaduna, au cours de ma première visite dans votre pays, en 1982, j'ai affirmé: «Je suis convaincu que si nous (chrétiens et musulmans) joignons nos mains au nom de Dieu, nous pouvons faire beaucoup de bien Nous pouvons collaborer à la promotion de la justice, de la paix et du développement. J'espère très sérieusement que notre fraternelle solidarité, sous la garde de Dieu, enrichira vraiment l'avenir du Nigeria et de toute l'Afrique» (14 février 1982, n. 4).

3. Dans toute société, des divergences peuvent naître. Parfois, les disputes et les conflits qui en découlent revêtent un caractère religieux. La religion elle-même est parfois utilisée sans scrupules pour provoquer des conflits. Le Nigeria a connu de tels conflits, même s'il faut reconnaître avec gratitude que dans de nombreuses parties du pays, des personnes de traditions religieuses différentes vivent côte à côte dans une relation de bon et pacifique voisinage. Les différences ethniques et culturelles ne devraient jamais être utilisées pour justifier les conflits. Au contraire, ces diversités, comme les différentes voix qui composent un chœur, peuvent coexister de façon harmonieuse, à condition qu'il existe toutefois un désir authentique de respect réciproque.

Les chrétiens et les musulmans sont d'accord sur le fait que, en matière religieuse, il ne peut y avoir de coercitions. Nous sommes engagés à promouvoir des attitudes d'ouverture et de respect à l'égard des fidèles des autres religions. Toutefois, il est possible de faire un usage erroné de la religion et il est certainement du devoir des dirigeants religieux de veiller afin que cela ne se produise pas. Surtout, chaque fois qu'une violence est accomplie au nom de la religion, nous devons expliquer à tous que, dans ces circonstances, nous ne nous trouvons pas face à la véritable religion. En effet, le Tout-Puissant ne peut tolérer la destruction de sa propre image dans ses fils. De ce lieu, au cœur de l'Afrique occidentale, j'adresse un appel à tous les musulmans, tout comme je l'ai fait avec mes frères évêques et avec tous les catholiques: faisons en sorte que l'amitié et la coopération soient notre source d'inspiration! Travaillons ensemble en vue d'une nouvelle ère de solidarité et de service commun, face au défi immense de construire un monde meilleur, plus juste et plus humain! Lorsque des problèmes apparaissent, que ce soit au niveau local, régional ou national, les solutions doivent être trouvées à travers le dialogue. N'est-ce pas là l'habitude de la tradition africaine? Lorsque des Nigérians de divers milieux se réunissent pour prier pour les besoins de leur pays — chaque groupe selon sa tradition — ils sont conscients de se trouver ensemble en tant que peuple uni. De cette façon, ils rendent un véritable honneur au Seigneur très-haut du ciel et de la terre.

Au terme du discours, le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

Le Cardinal Arinze, du Nigeria, est un Cardinal catholique romain, un Cardinal nigérian. S'il promeut le dialogue avec les musulmans dans le monde entier, il le fait car il a l'expérience du dialogue avec les musulmans au Nigeria. Je considère donc cela comme une grande contribution de votre pays, de votre communauté à l'activité universelle et au dialogue dans l'Eglise du monde entier aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup pour cette rencontre.



Discours 1998 - Dimanche 25 janvier 1998