Discours 1995 - Vendredi 24 mars 1995


À S.Exc. M. DENIS POLISI, NOUVEL AMBASSADEUR DU RWANDA PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi 25 mars 1995


Monsieur l’Ambassadeur,

Soyez le bienvenu en cette demeure, où j’ai la satisfaction d’accueillir Votre Excellence à l’occasion de la présentation des Lettres qui L’accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République rwandaise près le Saint-Siège.

Certes, nous aurions aimé que ce cérémonial se déroule dans une atmosphère toute sereine, dans l’évocation des chaleureuses rencontres avec vos compatriotes, sur votre sol, lors de ma visite pastorale au pays des mille collines en septembre 1990. Hélas, le drame qu’a vécu le Rwanda l’an passé reste présent dans nos mémoires et laisse jusqu’à ce jour une empreinte de grande tristesse dans nos âmes. Aujourd’hui encore, des séquelles importantes demeurent, avec des millions de réfugiés et de graves déchirements du tissu social et économique du pays. À la veille de l’anniversaire du déchaînement des massacres, je prie Dieu que les esprits retrouvent une vraie paix afin que ne se répète plus la tragédie de 1994.

Comme vous l’avez souligné, Monsieur l’Ambassadeur, il importe maintenant de se tourner résolument avec confiance vers l’avenir, et je ne puis que souscrire entièrement à l’invitation dont vous avez parlé dans votre adresse: celle d’un grand rendez-vous de tous les Rwandais pour une réconciliation sincère.

Les appels du Saint-Siège en faveur de votre pays meurtri et l’envoi de messagers spéciaux auprès de vos concitoyens en détresse, auxquels vous avez fait allusion dans votre discours, ont été motivés par le seul souci d’aider à mettre un terme à l’horreur et à l’absurdité de la violence, de ramener la paix dans les coeurs et de susciter un vaste mouvement de réconciliation nationale afin que jamais plus le sol rwandais, que j’ai embrassé en arrivant à Kigali, ne soit abreuvé du sang de ses enfants. Vous l’avez dit de manière saisissante: «Les Hutus ont perdu dans les Tutsis morts, comme les Tutsis ont perdu dans les Hutus morts». Puisse-t-il n’y avoir à l’avenir que des Hutus et des Tutsis gagnants, parce que vivant tous en frères, conscients de ce don sans prix du Créateur qu’est la vie humaine, dont je me propose du reste de réveiller avec force l’estime et le respect dans ma prochaine Lettre encyclique «L’Évangile de la Vie»!

Il m’est particulièrement agréable de vous entendre dire, Monsieur l’Ambassadeur, que «le gouvernement rwandais reste fortement confiant en l’Église catholique» et je prends bonne note de son engagement à collaborer avec elle à la réalisation des idéaux de réconciliation, de paix et de progrès. En bon nombre de ses fils et de ses filles, tués dans des conditions atroces, elle a souffert d’une cruelle contradiction avec son amour pour Dieu et son désir de service désintéressé auprès des Rwandais et des Rwandaises. Le mal qui a sévi l’an dernier au Rwanda et qui sévit encore aujourd’hui dans d’autres pays où l’Église est présente, loin de signifier une faillite du catholicisme, montre que, suivant les paroles de saint Paul, «le mystère de l’impiété est à l’oeuvre».

Je souhaite ardemment que le sacrifice de tant de victimes annonce des jours de paix et de bonheur pour tous les habitants de votre pays. Dans ma prière, je présente au Seigneur leurs attentes et leurs espoirs, et encore une fois je demande à Dieu de leur épargner ainsi qu’aux habitants des pays voisins toutes nouvelles souffrances. Je forme le voeu que se manifeste toujours davantage la solidarité de la communauté internationale. Je souhaite aussi que les ouvriers de l’Évangile soient de plus en plus présents afin que, par la force de leur ministère, la seigneurie du Christ l’emporte sur celle de l’Adversaire.

En raison de leur baptême, et stimulés par une foi toujours plus éclairée, les fidèles de l’Église catholique, vous le savez, sont désireux d’apporter une contribution motivée à l’édification de la société en remplissant avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres et en coopérant au progrès de la nation avec les croyants des autres confessions chrétiennes ou des autres religions. Comme je l’ai dit à Kigali, lors de ma rencontre avec des fonctionnaires et des intellectuels au service de la nation, le laïc est tout ensemble membre du Peuple de Dieu et de la cité des hommes: il n’a qu’une conscience chrétienne qui le guide dans les deux domaines et qui le pousse à animer les réalités temporelles du levain de l’Évangile.

Permettez-moi, Monsieur l’Ambassadeur, d’adresser par votre intermédiaire, un salut affectueux à la chère communauté catholique. De grand coeur, j’exhorte tous ses membres à participer activement à la destruction des murs de haine qui existeraient encore et à pratiquer avec courage le commandement de l’amour fraternel légué par le Christ à ceux qui veulent se réclamer de lui.
Alors que vous inaugurez votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs et je vous assure que vous trouverez toujours ici un accueil attentif et une compréhension cordiale auprès de mes collaborateurs.

Sur Votre Excellence et sur toutes les familles rwandaises, en particulier celles qui sont encore dans la peine ou qui vivent en dehors de leur patrie, j’invoque avec ferveur le réconfort et le soutien du Dieu de la paix.


AUX PARTICIPANTS AU Vème CONGRÈS DE L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES HAUTES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Lundi 27 mars 1995


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

1. Vous avez bien voulu venir me rendre visite, à l’occasion du Vème Congrès de l’Association internationale des Hautes Juridictions administratives, tenu à Rome. Je vous remercie cordialement de votre démarche.

Et ma gratitude va en particulier à Monsieur Giorgio Crisci, Président de votre Association, pour les paroles aimables qu’il vient de m’adresser au nom de tous les participants.

2. Personne ne saurait méconnaître l’importance de la mission confiée aux hautes institutions que vous représentez, pour le bon fonctionnement des États. En effet, les organes de juridiction administrative sont des garants de la justice dans les rapports des États avec leurs citoyens.

Pour mettre en garde contre les tentations de l’arbitraire qui sont toujours un risque dans l’exercice du pouvoir, la doctrine sociale de l’Église a souvent redit que l’État trouve dans les exigences du bien commun à la fois son fondement et ses limites. La Constitution pastorale « Gaudium et Spes» enseigne que «la communauté politique existe en vue du bien commun, dans lequel elle trouve sa pleine justification et sa pleine signification, et dont elle tire son droit originel et propre»[1]. C’est en fonction de cette même perspective que j’ai souligné, dans l’Encyclique « Centesimus Annus », la valeur de l’État de droit, en souhaitant le développement opportun d’une culture juridique et politique selon laquelle, dans l’organisation de la société, «il est préférable que tout pouvoir soit équilibré par d’autres pouvoirs et par d’autres compétences qui le maintiennent dans de justes limites»[2].

3. Le rôle des hautes juridictions administratives s’intègre naturellement dans un État qui est au service du bien commun, et conscient, à ce titre, de devoir se situer dans un cadre ferme de justice formelle et substantielle. Vous êtes donc appelés à accomplir une mission importante et délicate qui requiert la droiture morale et la compétence juridique, en même temps que l’indépendance et l’équité du jugement.

C’est pourquoi je tiens à exprimer mon estime pour l’initiative que vous avez prise de consacrer votre Congrès – en fonction des normes en vigueur dans les différentes législations nationales – à la question des mesures provisoires d’urgence et des procédures accélérées dans les procès administratifs. Vous contribuez ainsi à l’enrichissement et à l’affermissement d’une culture juridique internationale, dans laquelle l’unité des principes fondamentaux est essentielle pour ce monde qui a tant besoin d’harmoniser son extrême diversité dans un projet commun de solidarité et de convivialité pacifique.

4. Vous bénéficiez de la généreuse hospitalité du Conseil d’État italien, institution dont je sais les mérites au service des citoyens et du pays tout entier: son accueil favorisera certainement l’heureux déroulement de vos travaux.

Je souhaite donc que vos réflexions soient fécondes. Bien volontiers, j’invoque la Bénédiction de Dieu sur vous, sur vos familles et sur vos compatriotes.

5. This Congress of the International Association of Supreme Administrative Jurisdictions offers you an opportunity to renew your commitment to the specific role which is yours in the service of the common good: that of promoting and defending justice in the exercise of public authority. I ask God to sustain you in this sensitive task, so that the countries you represent and the international community as a whole will advance more and more on the path of respect for the rule of law. God bless you all!

[1] Lc 1,28.
[2] Cfr. Ioannis Pauli PP. II (Redemptoris Mater RMA 7).



Avril 1995


VISITE PASTORALE À TRENTE


RENCONTRE DE PRIÈRE DANS LA CATHÉDRALE POUR LA COMMÉMORATION DU 450ème ANNIVERSAIRE DU CONCILE DE TRENTE

Trente, Dimanche 30 avril 1995




Bien Chers Frères et Soeurs!

1. « Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis ! » (Ps 132,1). Les paroles du psaume expriment très justement la joie de cette rencontre qui voit rassemblées dans cette cathédrale les composantes les plus significatives de l’Église de Trente et les héritiers de ce peuple fidèle qui accompagna et soutint les Pères conciliaires par sa participation enthousiaste et pieuse, dans toutes les phases de la célébration du Concile de Trente.

Je vous salue tous avec affection. Vous êtes les fils d’une grande tradition religieuse, qui tire son origine du sang des martyrs Sisinius, Martirius et Alexandre, du zèle de l’évêque Vigilius, qui se dépensa jusqu’au sacrifice suprême pour transmettre aux habitants de Trente le précieux patrimoine de la foi, comme aussi du lumineux témoignage du bienheureux Jean Népomucène de Tschiderer, comme encore d’autres grandes figures de saints et de missionnaires, orgueil de cette terre et de toute l’Église.

J’adresse un salut particulier au pasteur de cet archidiocèse, Mgr Giovanni Maria Sartori. Avec lui, je rends hommage à notre vénéré frère dans l’épiscopat Alessandro Maria Gottardi, qui fut pendant de longues années pasteur de cette Église, et aux évêques du « Triveneto » qui sont ici.

Une occasion de grâce et de renouveau religieux

2. Nous faisons aujourd’hui mémoire d’un grand événement de l’histoire de l’Église : nous nous souvenons de ce Concile qui tire son nom de la ville de Trente car c’est dans cette cathédrale qu’il commença ses travaux il y a 450 ans, le 13 décembre 1545, et c’est ici qu’il célébra ses moments les plus importants. Pour cet événement extraordinaire, qui se prolongea pendant 18 ans, nous voulons avant tout rendre grâce à Dieu qui, malgré les incertitudes des hommes et les difficultés objectives des temps, donna à son Église une occasion inestimable de grâce et de renouveau religieux.

Devant la crise spirituelle et ecclésiale des premières années du XVIe siècle, l’Église sut trouver à Trente le courage de la fidélité à la Tradition apostolique, l’élan d’une aspiration renouvelée à la sainteté, la force d’une authentique relance pastorale, de sorte qu’il n’y a nulle exagération à affirmer que ce Concile a marqué et modelé toute une époque de l’Église et continue, aujourd’hui encore, à produire des effets bénéfiques.

Convoqué pour engager la réforme à l’intérieur de l’Église et en même temps pour éclaircir des questions dogmatiques fondamentales qui étaient objet de controverse, le Concile ne perdit jamais l’espoir de pouvoir guérir les âpres dissensions apparues à la suite de la Réforme protestante. Le siège même du Concile, cette ville de Trente, sise dans l’empire de Charles-Quint, avait été choisi « pour faciliter la rencontre, servir de pont, offrir l’accolade de la réconciliation et de l’amitié » (Discours de Paul VI à l’Église de Trente, Insegnamenti II, 1964, p. 157).

Malheureusement, on ne put alors que constater la division. Mais l’aspiration au rétablissement de la pleine communion ne devait jamais faiblir et aujourd’hui, après les grandes indications oecuméniques du Concile Vatican II, elle est ressentie comme une des priorités pastorales de l’Église.

L’humanisme chrétien

3. Rétrospectivement, si l’on jette un regard serein sur ses travaux, le Concile de Trente se présente comme la grande réponse de la foi catholique aux défis de la culture moderne et aux interrogations posées par les Réformateurs. Par son oeuvre de clarification dogmatique et de relance pastorale, il a tracé les grandes voies de l’Église pour les siècles qui ont suivi, favorisant ainsi cet authentique humanisme chrétien qui devait porter de nombreux fruits dans la culture, l’art, la vie religieuse et sociale.

L’initiative de mes vénérés prédécesseurs fut certainement déterminante pour le bon déroulement des assises conciliaires : la prudence et la fermeté de Paul III qui voulut le Concile, la ténacité de Jules III pour tisser la toile entre les princes et les diverses composantes ecclésiales, l’oeuvre efficace et concrète de Pie IV pour promouvoir des conclusions positives, puis le zèle de Pie V, de Grégoire XIII, de Sixte-Quint pour veiller à l’application des décrets conciliaires, constituent autant de composantes du « succès » de cet événement historique.

Et comment ne pas rappeler aussi la hardiesse et la diligence des légats pontificaux, grands hommes d’Église et experts en politique, pour favoriser le développement d’une oeuvre continuellement attaquée de plusieurs côtés ? Nous devons aussi mentionner les importantes contributions d’évêques et savants théologiens, spécialement des doctes et pieux cardinaux Seripando et Hosius, des habiles cardinaux Madruzzo, évêque de Trente, et Morone, et de l’infatigable saint Charles Borromée. Ce sont là des « clefs de lecture » nécessaires pour comprendre ce qui se passa alors. Mais l’explication exhaustive de l’événement conciliaire doit être recherchée dans l’initiative d’amour de la part de Dieu, qui voulut être aux côtés de son Église pour la soutenir en un moment particulièrement grave de son histoire.

Un effort de clarification dogmatique

4. En effet, nombreux étaient les problèmes qui, à l’aube du XVIe siècle, affligeaient l’Église, rendant urgente une profonde réforme. En particulier, la réflexion théologique accusait un important retard devant les grandes interrogations, intellectuelles et religieuses, qui fermentaient dans la culture du temps, et elle prêtait ainsi le flanc à l’erreur doctrinale.

Dans un contexte aussi préoccupant, le Concile de Trente reproposa la doctrine catholique d’une manière précise et sans équivoque. Ce fut une clarification dogmatique qui, en plus d’un cas, ne se limita pas à rétablir la vérité qui était niée, mais qui valorisa aussi, en les ramenant dans le cadre du catholicisme, d’importantes exigences mises en lumière par la Réforme protestante. Ainsi, par exemple, la préoccupation de sauvegarder le primat absolu de la grâce de Dieu et de son oeuvre en ce qui concerne le salut de l’homme avait conduit les Réformateurs à une réinterprétation problématique du rôle de l’homme religieux et de l’Église. Le Concile apprécia et fit sienne cette indication et montra, à son tour, en recourant largement aux sources bibliques et avec un langage élevé et profondément religieux, l’oeuvre de Dieu et le rôle salvifique de la foi. En même temps, il souligna les effets de la guérison objective produits par la grâce divine et fit appel à la coopération responsable de l’homme pour seconder l’oeuvre de Dieu.

Ainsi, avec le Décret sur la justification – une des acquisitions les plus précieuses pour la formulation de la doctrine catholique –, le Concile voulut sauvegarder, dans le processus de la justification de l’homme pécheur, le rôle que le Christ a confié à l’Église et à ses sacrements.

L’Eucharistie et le ministère ordonné

5. Un autre résultat important du Concile, qui concerne d’une manière centrale et décisive la vie de foi du peuple chrétien, est le Décret sur l’Eucharistie.

Devant une pratique parfois peu éclairée, qui avait donné aux Réformateurs l’occasion de mettre en discussion la valeur de la messe comme sacrifice, le Concile sut formuler une théologie de l’Eucharistie qui nous paraît, aujourd’hui encore, étonnamment claire : lors de la XXIIe session, les Pères de Trente affirmèrent que, dans le mystère eucharistique, est représenté d’une manière admirable le sacrifice de la Croix, consommé une fois pour toutes sur le Calvaire. La messe est le mémorial éternel et efficace de ce sacrifice unique et elle en applique la vertu salvifique pour la rémission des péchés.

En amont et pour garantir le réalisme sacrificiel de la messe, le Concile, lors d’une session précédente, la XIIIe, avait souligné, par des expressions précises et sans équivoque (« vere », « realiter », « substantialiter »), la réalité de la présence du Christ sous les espèces eucharistiques du pain et du vin : une présence qui ne contredit pas, mais intègre, sublime et mène à leur accomplissement, les autres modalités de présence véritable du Christ.

6. Aux formulations dogmatiques sur l’Eucharistie est intimement et organiquement liée la doctrine concernant le ministère ordonné : en en proclamant l’origine divine, le Concile éclaire sa nature de sacrement, voulu par le Christ comme composante essentielle de son Église. En vertu de l’ordination sacrée, le baptisé est pris parmi les membres de la communauté et constitué pour agir « in persona Christi » au service de ses frères.

La XXIIIe session trace le profil du ministre ordonné : en excluant que ses tâches puissent se réduire au seul ministère de la prédication de l’Évangile, on réaffirme qu’il existe dans le Nouveau Testament un sacerdoce visible et extérieur, avec pouvoirs de consacrer et d’offrir le vrai Corps et le vrai Sang du Seigneur, et de remettre ou de retenir les péchés.

Une authentique réforme de l’Église

7. Le Concile de Trente a uni à cet effort de clarification dogmatique celui d’une grande relance de la dimension pastorale de l’Église. Bien plus, il a fondu en une admirable synthèse ces deux exigences, proposant, surtout, par la volonté décidée des Souverains Pontifes, l’adhésion fidèle à la vérité révélée comme condition indispensable d’une pastorale adaptée et d’une authentique réforme de l’Église.

Ainsi furent créées les conditions pour que la vitalité intérieure de la grâce puisse se manifester, contribuant à renouveler le visage de l’Épouse du Christ. Les Pères conciliaires avaient surtout à coeur de promouvoir dans l’Église un digne exercice du ministère, en soulignant ses caractéristiques authentiquement pastorales à tous les niveaux. C’était bien là, en effet, la véritable, la plus pressante urgence dans l’Église à cette époque. C’est cela que visaient les longues discussions sur l’obligation pour les évêques de garder la résidence, qui occupèrent une place notable dans les discussions conciliaires.

C’était la conviction commune que la réforme du corps ecclésial ne pourrait venir que de ministres dignes, bien préparés et donnés intimement et concrètement au soin des âmes. Reprenant aussi à son compte les incitations venues des Réformateurs, l’Assemblée conciliaire présenta, lors des Ve et XXIVe sessions, la « praedicatio evangelii » comme « praecipuum episcoporum munus ».

On replaçait ainsi au centre de la pastorale ordinaire l’annonce de la Parole de Dieu sous les formes de la prédication et de la catéchèse, comme élément essentiel et revitalisant de la foi et de la dévotion du peuple chrétien.

8. Afin de donner aux prêtres une formation doctrinale et pastorale adéquate, le Concile se préoccupa de créer les séminaires. Et cela constitua un authentique tournant dans la vie et la pratique de l’Église. Les Pères étaient bien convaincus que le progrès de la communauté chrétienne est impossible sans l’oeuvre de prêtres zélés, formés aussi bien intellectuellement que moralement.

Les décrets de Trente sur les sacrements eurent, eux aussi, des conséquences très importantes. En plus de mettre un frein aux désordres qui existaient alors dans le domaine de la liturgie, le Concile se préoccupa de donner unité, vérité et dignité aux célébrations liturgiques, pour offrir un service efficace à la Communauté réunie en prière.

L’influence du Concile dépassa les frontières mêmes de l’Église et apparut comme un facteur déterminant de civilisation en Europe et, par la grande expansion de l’activité missionnaire, dans le reste du monde. Les Pères de Trente, tout en se montrant sensibles aux fermentations positives qui accompagnaient la naissance de l’époque moderne, indiquèrent dans le retour aux racines chrétiennes de la culture la condition nécessaire pour construire un humanisme authentique. Aussi peut-on dire en vérité que, à Trente, furent posées les prémisses décisives de cet « humanisme chrétien » auquel puisèrent des hommes comme Philippe Neri, Pierre Canisius, François de Sales, et tant d’autres splendides figures de témoins du Christ qui surent susciter tant de bien dans la société de leur temps.

Les fruits du dialogue oecuménique

9. Malheureusement, tout ce splendide patrimoine de vérités et d’initiatives pastorales ne suffit pas à guérir la fracture qui s’était produite, au cours des décennies, à la suite de la « Réforme ».

Désireux de ne pas compromettre ultérieurement la perspective de la réunification, les Pères conciliaires évitèrent d’exacerber la polémique par des condamnations spécifiques personnelles, tout en rejetant avec fermeté les doctrines des Réformateurs là où ils brisaient la continuité de la Tradition et en perdaient des données essentielles.

Dans l’esprit oecuménique qu’a si bien souligné Vatican II, j’ai encouragé ces dernières années le développement du dialogue avec les frères qui sont les héritiers de la Réforme protestante. Les résultats du Groupe mixte de théologiens qui s’est constitué il y a quelques années, sur certains thèmes essentiels, se sont révélés vraiment prometteurs et permettent d’espérer que l’on pourra parvenir à des points ultérieurs de convergence sur des thèmes pour lesquels on n’est pas encore parvenu à un accord suffisant. Les affirmations dogmatiques du Concile de Trente conservent naturellement toute leur valeur. Mais un approfondissement serein de la vérité révélée, dans l’obéissance à l’Esprit de Dieu et dans une attitude d’écoute réciproque, nous rendra toujours plus proches, en faisant des incompréhensions mêmes du passé des occasions de croissance dans la foi et l’amour.

10. Bien chers frères et soeurs ! À l’occasion de cette commémoration solennelle, je voudrais faire parvenir mes encouragements à tous ceux qui se consacrent, avec sacrifice et passion oecuménique, à la recherche historique et théologique et qui créent, dans un dialogue inspiré par une quête rigoureuse de la vérité, les conditions d’un retour à la pleine unité visible de tous les chrétiens.

L’engagement pour l’unité des chrétiens acquiert une signification particulière en vue de la célébration du Jubilé de l’An 2000, qui doit être une grande occasion d’implorer du Seigneur que « croisse l’unité entre tous les chrétiens des diverses Confessions jusqu’à atteindre la pleine communion ». L’événement sera « une bonne occasion pour collaborer efficacement à la mise en commun de tout ce qui nous unit et qui est certainement plus important que ce qui nous divise. Dans cette perspective, comme il serait bon que, tout en respectant les programmes des diverses Églises et Communautés, on arrive à des projets oecuméniques pour la préparation et la réalisation du Jubilé ! Celui-ci y gagnerait en vigueur pour témoigner devant le monde de la ferme volonté de tous les disciples du Christ de réaliser au plus tôt la pleine unité, dans la certitude que " rien n’est impossible à Dieu " » (Tertio millennio adveniente TMA 16).

De Trente à Vatican II

11. Notre assemblée est dominée par l’image austère et émouvante du Crucifié. Sur cette ancienne image, que les Pères du Concile de Trente placèrent au centre de leurs sessions et de leur prière, un sculpteur croyant a gravé ces mots : « Solus Christus ! Sola Gratia ! ». En regardant ce visage doux et souffrant, nous sommes invités à comprendre la vraie mesure de la miséricorde de Dieu et le sens ultime de sa justice ; nous sommes poussés à seconder sa grâce, pour accueillir dans notre cheminement ecclésial toujours et seulement l’essentiel : l’avènement du Règne du Christ, crucifié et ressuscité pour notre salut.

Les Conciles constituent des étapes importantes et providentielles de ce cheminement ecclésial. Il y a 450 ans, le Concile de Trente a donné le coup d’envoi d’un fort processus de relance spirituelle et pastorale dans l’Église. De manière analogue, le Concile Vatican II, vraie « grâce de Dieu et don de l’Esprit Saint » (cf. Assemblée extraordinaire du Synode des évêques, vingt ans après la fin du Concile, Rapport final, 2), a donné à l’Église de notre temps une conscience renouvelée de son mystère et de sa mission, imprimant dans toute la communauté une poussée prophétique vers le renouveau, dans l’obéissance à la Parole de Dieu, pour mieux servir les hommes et pour leur porter plus efficacement l’annonce de l’Évangile.

Comme, au XVIe siècle, la mise en oeuvre fidèle des doctrines conciliaires fut à l’origine de la relance pastorale tant souhaitée, ainsi maintenant la fidèle application des enseignements du Concile Vatican II permettra de donner des réponses adéquates aux problématiques qui apparaissent à notre époque, désormais à la veille du troisième millénaire chrétien. Que Marie, la Mère de l’unité, aide chacun à prendre ses responsabilités dans l’Église. Qu’elle nous aide surtout à accueillir Celui qui règne à partir de la Croix, pour être toujours disponibles à offrir au monde le grand signe de la pleine communion qui naît de l’Amour trinitaire.



Mai 1995

MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II À L'OCCASION DU CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA FIN DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE EN EUROPE





1. Il y a cinquante ans, le 8 mai 1945, la deuxième guerre mondiale s'achevait sur le sol de l'Europe. La fin de ce terrible fléau, qui ravivait dans les coeurs l'attente du retour des prisonniers, des déportés et des réfugiés, suscitait aussi le désir de construire une Europe meilleure. Le continent pouvait recommencer à espérer un avenir de paix et de démocratie.

Un demi-siècle plus tard, les individus, les familles et les peuples gardent encore la mémoire de ces six terribles années : des souvenirs de peurs, de violences, de pénurie extrême, de mort ; des expériences dramatiques de séparations douloureuses, vécues dans la privation de toute sécurité et de toute liberté ; des blessures indélébiles dues à des massacres sans fin.

Avec le temps, on comprend mieux le sens

2. Il ne fut pas facile de comprendre alors entièrement les dimensions multiples et tragiques du conflit. Mais, au cours des années, on a mieux pris conscience des conséquences de cet événement sur le XXe siècle et sur l'avenir du monde. La deuxième guerre mondiale n'a pas été seulement un épisode historique de premier plan ; elle a constitué un tournant pour l'humanité d'aujourd'hui. Avec le temps, les souvenirs ne doivent pas s'estomper ; ils doivent plutôt devenir une dure leçon pour notre génération et pour celles qui la suivront.

La signification de cette guerre pour l'Europe et pour le monde a été perçue au cours de ces cinq décennies grâce à la connaissance de nouvelles données qui ont permis de mieux comprendre les souffrances qu'elle avait provoquées. L'expérience tragique qui a été vécue entre 1939 et 1945 représente aujourd'hui une sorte de référence nécessaire à qui veut réfléchir sur le présent et sur l'avenir de l'humanité.

En 1989, à l'occasion du cinquantième anniversaire du début de la guerre, j'écrivais : "Cinquante ans après, nous avons le devoir de nous souvenir devant Dieu de ces faits dramatiques pour honorer les morts et pour compatir à tous ceux que ce déferlement de cruauté a blessés dans leur coeur et dans leur corps, tout en pardonnant les offenses" [1].

Il faut maintenir vivante la mémoire de ce qui est arrivé ; c'est pour nous un vrai devoir. Il y a six ans, au moment même de cet anniversaire, on voyait se dessiner en Europe de l'Est de nouvelles structures sociales et politiques à cause de la chute rapide des régimes communistes. C'était un bouleversement social profond qui permettait d'éliminer certaines conséquences tragiques de la guerre mondiale, dont la fin n'avait pas permis à beaucoup de nations européennes de commencer à jouir pleinement de la paix et de la démocratie, comme on aurait pu logiquement s'y attendre le 9 mai 1945. En effet, certains peuples avaient perdu le pouvoir de disposer d'eux-mêmes et ils avaient été enfermés à l'intérieur des frontières oppressantes d'un empire, tandis que l'on cherchait à détruire non seulement leurs traditions religieuses, mais aussi leur mémoire historique et les racines séculaires de leur culture. C'est ce que j'ai voulu souligner dans la lettre encyclique Centesimus annus [2]. Pour ces peuples, en un sens, la deuxième guerre mondiale n'a pris fin qu'en 1989.

Une guerre aux destructions incroyables

3. Les conséquences de la deuxième guerre mondiale pour la vie des nations et des continents ont été immenses. Les cimetières militaires réunissent dans un même souvenir des chrétiens et des croyants d'autres religions, des militaires et des civils d'Europe et d'autres régions du monde. Car il y eut aussi des soldats de pays non européens qui vinrent combattre sur le sol du vieux continent : beaucoup tombèrent sur les champs de bataille; pour d'autres, le 8 mai marqua la fin d'un cauchemar effrayant.

Des dizaines de millions d'hommes et de femmes furent tués ; on ne compte pas les blessés et les disparus. Un nombre incalculable de familles se virent contraintes à abandonner leurs terres auxquelles elles étaient liées par un attachement séculaire ; des habitations et des monuments chargés d'histoire ont été dévastés, des villes et des pays furent bouleversés et réduits à l'état de ruines. Jamais les populations civiles, notamment les femmes et les enfants, n'avaient payé dans un conflit un prix aussi élevé en morts.

La mobilisation de la haine

4. Plus grave encore fut la diffusion d'une "culture de la guerre" avec son triste cortège de mort, de haine et de violence. "La deuxième guerre mondiale - ai-je écrit à l'épiscopat polonais en 1989 - a permis à tous de prendre conscience du degré de gravité, jusque là inconnu, auquel pouvaient arriver le mépris de l'homme et la violation de ses droits. Cette guerre a opéré une mobilisation inouïe de la haine, piétinant l'homme et tout ce qui est humain au nom d'une idéologie impérialiste" [3].

On ne le dira jamais assez, la deuxième guerre mondiale a transformé douloureusement la vie d'une multitude d'hommes et de peuples. On a même construit des camps d'extermination infernaux où des millions de juifs, des centaines de milliers de tsiganes, et d'autres êtres humains pour la seule raison qu'ils appartenaient à des peuples différents, ont trouvé la mort dans des conditions dramatiques.

Auschwitz : monument aux conséquences du totalitarisme

5. Auschwitz, à côté de tant d'autres lager, reste le symbole dramatiquement éloquent des conséquences du totalitarisme. Le pèlerinage de la mémoire et du coeur en ces lieux, au moment du cinquantième anniversaire, est un devoir. Comme je le disais en 1979 pendant la messe célébrée à Brzezinka, non loin d'Auschwitz, "je viens m'agenouiller sur ce Golgotha du monde contemporain" [4]. Comme à ce moment-là, je reprends par la pensée mon pèlerinage en ces camps d'extermination. "Je m'arrête en particulier [...] devant la pierre qui porte l'inscription en langue hébraïque", pour rappeler le souvenir du "peuple dont les fils et les filles étaient destinés à l'extermination totale" et pour répéter qu'"il n'est permis à personne de passer avec indifférence"[5]. Comme à l'époque, je m'attarde devant la pierre en langue russe, après les changements survenus dans l'ex-Union soviétique, et je rappelle "la part qu'a eue ce pays dans la dernière et terrible guerre pour la liberté des peuples"[6]. Je m'arrête ensuite devant la pierre en langue polonaise et je repense au sacrifice d'une si grande partie de la nation, qui marque "un compte douloureux avec la conscience de l'humanité". Comme je l'ai dit en 1979, je le répète aujourd'hui : "J'ai choisi trois pierres. Mais il aurait fallu s'arrêter sur chacune d'elles" [7]. Oui, en ce cinquantième anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, je ressens le besoin intérieur de m'arrêter devant toutes les pierres, notamment celles qui rappellent le sacrifice de victimes moins connues ou même oubliées.

6. De cette méditation naissent des interrogations que l'humanité doit nécessairement se poser. Pourquoi est-on parvenu à un tel degré d'anéantissement de l'homme et des peuples ? Pourquoi, à la fin de la guerre, n'a-t-on pas tiré de son amère leçon les conséquences qui s'imposaient pour l'ensemble du continent européen ?

Le monde, et en particulier l'Europe, alla vers cette immense catastrophe pour avoir perdu l'énergie morale nécessaire à la lutte contre ce qui le poussait dans le gouffre de la guerre. En effet, le totalitarisme détruit les libertés fondamentales de l'homme et il en foule aux pieds les droits. En manipulant l'opinion publique par le martellement incessant de la propagande, il pousse facilement à céder à l'appel de la violence et des armes et il finit par détruire le sens de la responsabilité de l'être humain.

Alors, par malheur, on ne se rendit pas compte que lorsqu'on en vient à piétiner la liberté, on pose les prémices d'un glissement dangereux dans la violence et dans la haine, fondements d'une "culture de la guerre". C'est précisément cela qui s'est produit : les chefs n'eurent pas de difficulté à pousser les masses au choix fatal. Ils utilisèrent l'affirmation du mythe de l'homme supérieur, l'application de politiques racistes ou antisémites, le mépris de la vie de ceux qui étaient considérés comme inutiles parce que malades ou asociaux, la persécution religieuse ou la discrimination politique, l'étouffement progressif de toute liberté par le contrôle policier et le conditionnement psychologique qui dérive de l'usage unilatéral des moyens de communication. C'est précisément à cela que se référait le Pape Pie XI quand, dans l'encyclique Mit brennender Sorge, du 14 mars 1937, il parlait de "sombres desseins" qui apparaissaient à l'horizon [8].

On n'édifie pas une société humaine sur la violence

7. La deuxième guerre mondiale a été le fruit direct de ce processus de dégradation : mais en a-t-on tiré les conséquences nécessaires dans les décennies qui ont suivi ? Malheureusement, la fin de la guerre n'a pas amené la disparition des politiques et des idéologies qui l'avaient provoquée ou favorisée. Sous une autre forme, les régimes totalitaires ont perduré et se sont même développés, surtout dans l'Est de l'Europe. Après ce 8 mai, sur le sol du Continent et ailleurs, de nombreux camps de concentration sont restés ouverts, tandis que de nombreuses personnes ont continué à être emprisonnées au mépris de tout droit humain élémentaire. On n'a pas compris qu'il est impossible d'édifier une société digne de la personne sur sa destruction, sur la répression et sur la discrimination. Cette leçon de la deuxième guerre mondiale n'a encore été ni pleinement ni partout reçue. Pourtant, elle reste et doit rester comme un avertissement pour le prochain millénaire.

En particulier, dans les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale, le culte de la nation, développé au point de devenir comme une nouvelle idolâtrie, provoqua dans ces six terribles années une horrible catastrophe. Pie XI, dès décembre 1930, donnait cet avertissement : "Il est plus difficile, pour ne pas dire impossible, que la paix dure entre les peuples et les États si, au lieu du vrai et pur patriotisme, règne et sévit un nationalisme dur et égoïste, c'est-à-dire la haine et l'envie au lieu du mutuel désir du bien, la défiance et la suspicion au lieu de la confiance fraternelle, la concurrence et la lutte au lieu de la bonne entente et de la coopération, l'ambition d'hégémonie et de prépondérance au lieu du respect et de la protection de tous les droits, fussent-ils ceux des faibles et des petits" [9].

Ce n'est pas un hasard si certains hommes d'État éclairés d'Europe occidentale ont voulu, à partir de la méditation sur les désastres causés par le second conflit mondial, créer un lien communautaire entre leurs pays. Ce pacte s'est développé dans les décennies qui ont suivi ; les nations qui y entrèrent réalisaient leur volonté de ne plus être seules face à leur destin. Elles avaient compris qu'au-delà du bien de chaque peuple, il existe un bien commun de l'humanité, que la guerre écrase violemment. Une réflexion sur cette expérience dramatique les conduisit à considérer que les intérêts d'une nation ne pouvaient être convenablement défendus que dans le contexte d'une interdépendance solidaire avec les autres peuples.

L'Église écoute le cri des victimes

8. À l'occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, les voix qui se lèvent sont nombreuses, cherchant à dépasser les divisions entre les vainqueurs et les vaincus. Le courage et le sacrifice de millions d'hommes et de femmes sont évoqués. En ce qui la concerne, l'Église se met surtout à l'écoute du cri de toutes les victimes. C'est un cri qui aide à mieux comprendre le scandale de ce conflit qui a duré six ans. C'est un cri qui porte à réfléchir sur ce que ce scandale a comporté pour l'humanité. C'est un cri qui constitue une dénonciation des idéologies qui conduisirent à cette catastrophe terrible. Face à toutes les guerres, nous sommes tous appelés à méditer sur nos responsabilités, en demandant pardon et en pardonnant. En tant que chrétiens, nous sommes amèrement touchés, en considérant que "les monstruosités de cette guerre se sont produites sur un continent qui se faisait gloire d'une floraison particulière de la culture et de la civilisation ; sur le continent qui est demeuré le plus longtemps sous l'influence de l'Évangile et de l'Église" [10]. Pour cela, les chrétiens d'Europe doivent demander pardon, tout en reconnaissant que les responsabilités dans la construction de la machine de guerre furent différentes.

La guerre ne peut pas donner la justice

9. Les divisions provoquées par la deuxième guerre mondiale nous renvoient au fait que la force au service de la "volonté de puissance" est un instrument inapproprié pour construire la justice véritable. Bien plus, elles amorcent un processus néfaste, aux conséquences imprévisibles pour les hommes, les femmes, les peuples, qui risquent d'y perdre toute dignité, en même temps que leurs biens et leur propre vie. L'avertissement que le Pape Pie XII lança en août 1939, à la veille même de ce conflit tragique, dans une dernière tentative pour supplier de ne pas recourir aux armes, retentit encore fortement : "Le danger est imminent, mais il est encore temps. Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre, qu'ils recommencent à traiter !" [11]. Pie XII s'engageait ainsi sur les traces du Pape Benoît XV, qui, après avoir mis en oeuvre tous les moyens pour empêcher le premier conflit mondial, n'a pas hésité à le caractériser de "massacre inutile" [12]. Moi-même, je ne me suis pas éloigné de cette voie quand, le 20 janvier 1991, devant la guerre du Golfe, j'ai déclaré : "La tragique réalité de ces derniers jours rend encore plus évident le fait que non seulement les problèmes ne se résolvent pas avec les armes, mais que de nouvelles et plus grandes tensions se créent entre les peuples" [13]. C'est là une constatation qui, au fil des ans, ne cesse de se confirmer toujours davantage, alors que, dans certaines régions d'Europe et dans d'autres parties du monde, continuent à s'allumer de douloureux foyers de guerre. Dans l'encyclique Pacem in terris, le Pape Jean XXIII plaçait parmi les signes des temps le développement de la conviction que "les éventuels conflits entre les peuples ne doivent pas être réglés par le recours aux armes, mais par la négociation" [14]. Malgré les échecs humains, il y a bien des événements, même récents, capables de témoigner que la négociation honnête, patiente et respectueuse des droits et des aspirations des parties en présence peut ouvrir la voie à une résolution pacifique des situations les plus complexes. Dans cet esprit, j'assure de ma plus vive reconnaissance et de mon plus grand soutien tous les bâtisseurs contemporains de la paix.

Je le fais en particulier à cause du souvenir ineffaçable des explosions atomiques, qui frappèrent d'abord Hiroshima, puis Nagasaki, en août 1945. Elles témoignent d'une manière bouleversante de l'horreur et de la souffrance provoquées par la guerre : le bilan définitif de cette tragédie - comme je l'ai rappelé au cours de ma visite à Hiroshima - n'a pas encore été dressé entièrement, et son coût humain global n'a pas encore été calculé, surtout lorsque l'on considère ce que la guerre nucléaire a apporté et pourrait encore apporter pour notre pensée, nos attitudes et notre civilisation. "Rappeler le passé, c'est s'engager dans le futur. Rappeler Hiroshima, c'est abhorrer la guerre nucléaire. Rappeler Hiroshima, c'est s'engager pour la paix. Rappeler que les gens de cette ville ont souffert, c'est renouveler notre foi dans l'homme, dans sa capacité de faire ce qui est bon, dans sa liberté de choisir ce qui est juste, dans sa détermination à transformer un désastre en un nouveau commencement" [15].

Cinquante ans après ce conflit tragique, qui s'est achevé quelques mois plus tard dans le Pacifique, avec les événements dramatiques de Hiroshima et Nagasaki, et à la suite de la capitulation du Japon, cette guerre apparaît avec toujours plus de clarté comme "un suicide de l'humanité" [16]. À tout bien considérer, elle est en effet une défaite pour les vainqueurs comme pour les vaincus.

La machine à propagande

10. Une réflexion ultérieure s'impose : durant la deuxième guerre mondiale, hormis les armes conventionnelles, chimiques, biologiques et nucléaires, on a largement recouru à un autre instrument de guerre meurtrier : la propagande. Avant de frapper l'adversaire, avec des moyens de destruction physique, on a cherché à l'anéantir moralement, par le dénigrement, les fausses accusations, l'orientation de l'opinion publique vers l'intolérance la plus irrationnelle, à travers des formes d'endoctrinement, spécialement à l'intention des jeunes. Il est en effet typique de tous les régimes totalitaires de mettre en marche une gigantesque machine de propagande, en vue de justifier ses propres méfaits et d'inciter à l'intolérance idéologique et à la violence raciste contre ceux qui ne méritent pas - dit-on - d'être considérés comme partie prenante de la communauté. Comme tout cela est loin de l'authentique culture de la paix ! Cette dernière suppose la reconnaissance du lien intrinsèque existant entre la vérité et la charité. La culture de la paix se construit en repoussant, dès qu'elle apparaît, toute forme de racisme et d'intolérance, en ne cédant d'aucune manière à la propagande raciste, en contrôlant les aspirations économiques et politiques, en rejetant avec détermination la violence et toute sorte d'exploitation.

Les mécanismes pervers de propagande ne se limitent pas à déformer les données de la réalité, mais corrompent aussi l'information en ce qui concerne les responsabilités, rendant le jugement moral et politique très difficile. La guerre suscite une propagande qui ne laisse pas de place au pluralisme des interprétations, à l'analyse critique des causes, à la recherche des véritables responsabilités. C'est ce qui ressort de l'examen des éléments disponibles sur la période 1939-1945, comme aussi de la documentation relative à d'autres guerres qui ont éclaté dans les années suivantes : dans toute société, la guerre impose un usage totalitaire des moyens d'information et de propagande, qui n'éduque pas au respect de l'autre et au dialogue, mais qui incite plutôt au soupçon et aux représailles.

La guerre n'a pas disparu

11. Avec l'année 1945, les guerres ne se sont malheureusement pas terminées. La violence, le terrorisme et les attaques armées ont continué à endeuiller ces dernières décennies.

On a assisté à ce qu'on a appelé la "guerre froide", qui a vu s'opposer de manière menaçante deux blocs, en équilibre entre eux grâce à une incessante course aux armements. Et, lorsque cette opposition bipolaire a cessé, les affrontements guerriers n'ont pas été terminés.

Dans différentes parties du monde, trop de conflits sont encore ouverts aujourd'hui. L'opinion publique, touchée par les images terribles qui entrent chaque jour dans les maisons par l'intermédiaire de la télévision, réagit avec émotion, mais finit par s'habituer trop rapidement et par presque accepter ces événements comme inéluctables. Hormis le fait qu'elle soit injuste, cette attitude est extrêmement dangereuse. On ne doit pas oublier ce qui est arrivé dans le passé et ce qui arrive encore aujourd'hui. Ce sont des drames qui touchent d'innombrables victimes innocentes, dont les cris de terreur et de souffrance en appellent à la conscience de toutes les personnes honnêtes : on ne peut pas et on ne doit pas céder à la logique des armes !

Le Saint-Siège, en signant aussi les principaux Traités et Conventions internationaux, a voulu rappeler et continue à rappeler inlassablement à la Communauté des Nations l'urgence de renforcer les normes concernant la non-prolifération des armes nucléaires et l'élimination des armes chimiques et biologiques, comme aussi de celles qui ont des effets particulièrement traumatisants et qui frappent sans discrimination. Le Saint-Siège a également invité récemment l'opinion publique à prendre conscience de manière plus vive du phénomène persistant du commerce des armes, phénomène grave à propos duquel une réflexion éthique sérieuse est nécessaire et urgente [17]. Il convient encore de se rappeler que, non seulement la militarisation des États, mais aussi l'accès facile aux armes de la part des particuliers, en favorisant l'extension de la délinquance organisée et du terrorisme, constitue une menace imprévisible et constante pour la paix.

Une école pour tous les croyants

12. Jamais plus la guerre ! Oui à la paix ! Tels étaient les sentiments communément manifestés au lendemain de la journée historique du 8 mai 1945. Les six années terribles de conflit ont été pour tous une occasion de maturation, à l'école de la souffrance : les chrétiens ont aussi eu la possibilité de se rapprocher et de s'interroger sur les responsabilités dans leurs divisions. Ils ont en outre redécouvert la solidarité de destin qui les unit entre eux et avec tous les hommes, de quelque nation qu'ils soient. De ce fait, l'événement qui a laissé le plus de déchirures et de divisions entre les peuples et entre les personnes s'est révélé pour les chrétiens une occasion providentielle de prendre conscience de la communion profonde dans la souffrance et dans le témoignage. Près de la Croix du Christ, les membres de toutes les Églises et communautés chrétiennes ont su résister jusqu'au sacrifice suprême. Beaucoup d'entre eux ont défié les bourreaux et les oppresseurs de manière exemplaire, avec les armes pacifiques du témoignage souffrant et de l'amour. Avec d'autres, des croyants et des non-croyants, des hommes et des femmes de toutes races, religions et nations, ils ont exprimé fortement un message de fraternité et de pardon, au-delà de la marée montante de la violence.

En cet anniversaire, comment ne pas faire mémoire des chrétiens qui, témoignant contre le mal, ont prié pour les oppresseurs et se sont penchés sur les plaies de tous pour les soigner ? En partageant leurs épreuves, ils ont eu les moyens de se reconnaître comme frères et soeurs et d'expérimenter toute l'incohérence de leurs divisions. Les souffrances partagées les ont conduits à ressentir davantage le poids des divisions encore existantes entre les disciples du Christ et le poids des conséquences négatives qui en découlent pour la construction de l'identité spirituelle, culturelle et politique du continent européen. Leur expérience est pour nous un avertissement : il convient de poursuivre dans cette voie, en priant et en travaillant avec une confiance et une générosité intenses, dans la perspective du grand Jubilé de l'An 2000, désormais proche. Nous sommes en chemin vers ce but, dans un pèlerinage de pénitence et de réconciliation [18], avec l'espérance de pouvoir réaliser finalement la pleine communion entre tous ceux qui croient au Christ, ce qui servira assurément la cause de la paix.

13. La vague de souffrance que la guerre a répandue sur la terre a incité les croyants de toutes les religions à mettre leurs ressources spirituelles au service de la paix. Toutes les religions, même si elles ont connu des parcours historiques différents, ont vécu cette expérience unique au cours de ces cinq décennies. Le monde est témoin que, après la cruelle tragédie de la guerre, quelque chose de nouveau est né dans la conscience des croyants des diverses Confessions religieuses : ils se sentent plus responsables de la paix entre les hommes et ils ont commencé à collaborer les uns avec les autres. Le 27 octobre 1986 à Assise, la "Journée mondiale de prière pour la paix" a consacré publiquement cette attitude mûrie dans la souffrance. Assise a révélé "le lien intrinsèque qui unit une attitude religieuse authentique et le grand bien de la paix" [19]. Par la suite, au cours des "Journées de prière pour la paix dans les Balkans" (à Assise, les 9 et 10 janvier 1993, et à la Basilique Saint-Pierre, LE 23 janvier 1994), on a particulièrement souligné la contribution spécifique demandée aux croyants pour la promotion de la paix par les armes de la prière et de la pénitence.

Le monde, qui approche de la fin du deuxième millénaire, attend des croyants une action plus déterminée en faveur de la paix. Je disais aux représentants des Églises chrétiennes et des grandes religions réunis à Varsovie en 1989 pour le cinquantième anniversaire du début du conflit : "Du plus profond de nos différentes traditions religieuses, jaillit le sentiment de compassion pour les souffrances des hommes et le respect sacré de la vie. Il y a là une grande énergie spirituelle qui nous rend plus confiants en l'avenir de l'humanité" [20]. À cinquante années de distance, les tristes vicissitudes de la deuxième guerre mondiale nous rendent plus conscients de la nécessité de libérer ces énergies spirituelles avec une vigueur et une détermination renouvelées.

Il convient de rappeler à ce sujet que c'est précisément à la suite de la terrible expérience de la guerre qu'est née l'Organisation des Nations Unies, considérée par le Pape Jean XXIII comme un des signes de ce temps à cause de la volonté "de maintenir et de consolider la paix entre les peuples" [21]. En réaction au mépris cruel pour la dignité et les droits des personnes, a aussi été élaborée la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le cinquantième anniversaire des Nations Unies, que l'on célèbre cette année, devra être l'occasion de renforcer l'engagement de la communauté internationale au service de la paix. À cette fin, il faudra donner à l'Organisation des Nations Unies les moyens dont elle a besoin pour poursuivre efficacement sa mission.

Certains préparent encore la guerre

14. Dans de nombreuses régions d'Europe, des cérémonies et des manifestations ont lieu en ces jours ; les Autorités civiles et les Responsables de toutes les communautés et de tous les pays y prennent part. En m'unissant au souvenir du sacrifice de tant de victimes de la guerre, je voudrais inviter tous les hommes de bonne volonté à réfléchir sérieusement sur la cohérence qui s'impose entre la mémoire du terrible conflit mondial et les orientations de la politique nationale et internationale. En particulier, il faudra disposer d'instruments efficaces pour le contrôle du marché international des armes et prévoir en même temps des organismes appropriés d'intervention en cas de crise, afin d'amener toutes les parties à préférer la négociation à l'affrontement violent. N'est-il pas vrai que, tandis que nous célébrons la reconquête de la paix, il y a malheureusement encore ceux qui préparent la guerre tant par l'instauration d'une culture de haine que par la diffusion d'armes de guerre sophistiquées ? N'est-il pas vrai que restent ouverts en Europe des conflits douloureux dont on attend depuis des années la solution pacifique ? Ce 8 mai 1995 n'est malheureusement pas un jour de paix pour plusieurs régions d'Europe ! Je pense, en particulier, aux terres martyres des Balkans et du Caucase, où les armes font encore entendre leur fracas et où l'on verse encore du sang humain.

Vingt ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1965, Paul VI, parlant à l'ONU, s'interrogeait : "Le monde arrivera-t-il jamais à changer la mentalité particulariste et belliqueuse qui a tissé jusqu'ici une si grande partie de son histoire ?" [22]. C'est une question qui attend encore une réponse. Que le souvenir de la deuxième guerre mondiale ravive en tous la résolution de travailler Ä chacun selon ses possibilités propres Ä au service d'une politique ferme de paix en Europe et dans le monde entier !

Signification particulière pour les jeunes

15. Ma pensée se tourne vers les jeunes qui n'ont pas connu personnellement les horreurs de cette guerre. Je leur dis : chers jeunes, j'ai une grande confiance en votre capacité d'être des interprètes authentiques de l'Évangile. Sentez-vous personnellement engagés au service de la vie et de la paix ! Les victimes, les combattants et les martyrs du deuxième conflit mondial étaient en grande partie des jeunes comme vous. C'est pourquoi je vous demande, jeunes de l'An 2000, d'être très vigilants face à la culture de la haine et de la mort qui se manifeste. Rejetez les idéologies bornées et violentes ; rejetez toute forme de nationalisme exacerbé et d'intolérance ; c'est par là que s'insinue insensiblement la tentation de la violence et de la guerre !

La mission vous est confiée d'ouvrir des voies nouvelles pour la fraternité entre les peuples, pour bâtir une famille humaine unique, en approfondissant la "loi de la réciprocité de donner et de recevoir, du don de soi et de l'accueil de l'autre" [23]. Cela est une exigence de la loi morale inscrite par le Créateur au coeur de toute personne, cette loi qu'Il a reprise dans l'Ancien Testament et que Jésus a portée à sa perfection dans l'Évangile : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Lv 19,18 Mc 12,31) ; "comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres" (Jn 13,34). Il n'est possible de réaliser la civilisation de l'amour et de la vérité que si la disposition à l'accueil de l'autre s'étend aux rapports entre les peuples, les nations et les cultures. Que retentisse dans la conscience de tous cet appel : Aime les autres peuples comme ton peuple !

La voie de l'avenir de l'humanité passe par l'unité ; et l'unité authentique - tel est le message évangélique - passe par Jésus Christ, notre réconciliation et notre paix (cf. Ep 2,14-18).

Il faut un coeur nouveau

16. "Souviens-toi de tout le chemin que le Seigneur ton Dieu t'a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t'humilier, de t'éprouver et de connaître le fond de ton coeur : allais-tu ou non garder ses commandements ? Il t'a humilié, il t'a fait sentir la faim, il t'a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères n'aviez connue, pour te montrer que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais que l'homme vit de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur" (Dt 8,2-3).

Nous ne sommes pas encore entrés dans la "terre promise" de la paix. Le souvenir du douloureux chemin de la guerre et de la difficulté de celui du deuxième après-guerre nous le rappelle constamment. Ce chemin, aux temps obscurs de la guerre, dans les moments difficiles de l'après-guerre, dans nos jours d'incertitude et de problèmes, nous a souvent montré que dans le coeur des hommes, et même des croyants, la tentation est forte de la haine, du mépris de l'autre, de la prévarication. Mais au long du même chemin, n'a jamais fait défaut l'aide du Seigneur, lui qui a fait naître des sentiments d'amour, de compréhension et de paix, en même temps que le désir sincère de la réconciliation et de l'unité. Comme croyants, nous sommes conscients que l'homme vit de ce qui vient de la bouche du Seigneur. Nous savons aussi que la paix s'enracine dans les coeurs de ceux qui s'ouvrent à Dieu. Se souvenir de la deuxième guerre mondiale et du chemin parcouru dans les décennies suivantes ne peut pas ne pas rappeler aux chrétiens qu'il faut un coeur nouveau, capable de respecter l'homme et de promouvoir son authentique dignité.

Tel est le fondement de l'espérance véritable pour la paix du monde : "L'astre d'en haut nous visite Ä a prophétisé Zacharie Ä pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix" (Lc 1,78-79). En ce temps pascal, où l'on célèbre la victoire du Christ sur le péché, élément de division porteur de deuils et de déséquilibres, revient sur nos lèvres l'invocation qui conclut l'encyclique Pacem in terris de mon vénéré prédécesseur Jean XXIII : "Que le Seigneur éclaire ceux qui président aux destinées des peuples, afin que, tout en se préoccupant du légitime bien-être de leurs compatriotes, ils assurent le maintien de l'inestimable bienfait de la paix. Que le Christ enfin enflamme le coeur de tous les hommes et leur fasse renverser les barrières qui divisent, resserrer les liens de l'amour mutuel, user de compréhension à l'égard d'autrui et pardonner à ceux qui leur ont fait du tort. Et qu'ainsi, grâce à Lui, tous les peuples de la terre forment entre eux une véritable communauté fraternelle et que parmi eux ne cesse de fleurir et de régner la paix tant désirée" [24].

Que Marie, Médiatrice de grâce, toujours vigilante et attentive envers tous ses fils, obtienne à l'humanité entière le don précieux de la concorde et de la paix !

Du Vatican, le 8 mai 1995.


[1] Lettre à l'occasion du cinquantième anniversaire du début de la deuxième guerre mondiale (27 août 1989), n. 2: AAS 82 (1990), p. 51.
[2] Cf. (CA 18): AAS 83 (1991), p. 815.
[3] Message à la conférence épiscopale polonaise à l'occasion du cinquantième anniversaire du début de la deuxième guerre mondiale (26 août 1989), n. 3: AAS 82 (1990), p. 46.
[4] Homélie au camp de concentration de Brzezinka (7 juin 1979), n. 2: La Documentation catholique (1979), p. 632.
[5] Ibid.
[6] Ibid., l.c., p. 633.
[7] Ibid.
[8] N. 11: AAS 29 (1937), p. 186.
[9] Discours à la Curie romaine (24 décembre 1930): AAS 22 (1930), pp. 535-536.
[10] Jean-Paul II, Message à la Conférence épiscopale polonaise à l'occasion du cinquantième anniversaire du début de la deuxième guerre mondiale (26 août 1989), n. 3: AAS 82 (1990), p. 46.
[11] Radiomessage, "Une heure particulièrement grave" (24 août 1939): AAS 31 (1939), p. 334.
[12] Exhortation aux Chefs des Nations en guerre (1er août 1917): AAS 9 (1917), p. 420.
[13] Appel après la prière de l'Angélus: Insegnamenti XIV,1 (1991), p. 156.
[14] Chap. III: AAS 55 (1963), p. 291.
[15] Jean-Paul II, Discours au "Peace Memorial Park", Hiroshima (25 février 1981): AAS 73 (1981), p. 417 [La Documentation catholique (1981), p. 332].
[16] Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. CA 18: AAS 83 (1991), p. 816.
[17] Cf. Conseil pontifical "Justice et Paix", Le commerce international des armes (1er mai 1994), Librairie éditrice vaticane, 1994.
[18] Jean-Paul II, Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), (TMA 50): AAS 87 (1995), p. 36.
[19] Jean-Paul II, Discours à l'occasion de la rencontre solennelle de prière inter-religieuse mondiale pour la paix, n. 6: AAS 79 (1987), p. 868.
[20] Message télévisé aux participants à la Rencontre internationale de prière pour la paix, à l'occasion du 50e anniversaire du début de la deuxième guerre mondiale (1er septembre 1989): La Documentation catholique, n. 1992 (15 octobre 1989), p. 876.
[21] Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris (11 avril 1963), IV: AAS 55 (1963), p. (PT 295).
[22] Discours à l'Assemblée générale des Nations Unies (4 octobre 1965), n. 5: AAS 57 (1965), p. 882.
[23] Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitae (25 mars 1995), n. (EV 76): L'Osservatore Romano (31 mars 1995), p. 10 [La Documentation catholique, n. 2114 (16 avril 1995), p. 390].
[24] Chap. V : AAS 55 (1963), p. 304.



Discours 1995 - Vendredi 24 mars 1995